Perspectives économiques en Afrique 2014

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1 ÉDITION RÉGIONALE Perspectives économiques en Afrique 2014 Afrique de l'ouest Bénin Burkina Faso Cabo Verde Côte d Ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo GROUPE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

2 Édition régionale Perspectives économiques en Afrique 2014 Édition régionale Afrique de l Ouest GROUPE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT

3 Afrique de l Ouest Les opinions et les interprétations exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque africaine de développement, de son Conseil d administration ou des pays qu il représente ; de l OCDE, de son Centre de développement ou des gouvernements de leurs pays membres ; ou du Programme des Nations Unies pour le développement. Ce document et toute carte incluse ci-contre sont sans préjudice de tout statut ou souveraineté sur quelque territoire que ce soit, de toute délimitation de frontières internationales et du nom de tout territoire, ville ou région. Crédits photo : conception par le Centre de développement. Les corrigenda des Perspectives économiques en Afrique sont disponibles sur : Banque africaine de développement, Organisation de coopération et de développement économiques, Programme des Nations Unies pour le développement (2014) Vous êtes autorisés à copier, télécharger ou imprimer le contenu de ce rapport pour votre utilisation personnelle. Vous pouvez en inclure des extraits dans vos documents, présentations, blogs, sites Internet et matériel d enseignement, sous réserve de faire mention de la source BAfD, OCDE et PNUD et du copyright. Les demandes pour usage public ou commercial ou de traduction devront être adressées à rights@oecd.org. Les demandes d autorisation de photocopier partie de ce contenu à des fins publiques ou commerciales peuvent être obtenues auprès du Copyright Clearance Center (CCC) info@copyright.com ou du Centre français d exploitation du droit de copie (CFC) contact@cfcopies.com. 2 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

4 Afrique de l Ouest Table des matières Remerciements...4 Vue d ensemble...5 Bénin...9 Burkina Faso...23 Cabo Verde...39 Côte d Ivoire...55 Gambie...69 Ghana...85 Guinée Guinée-Bissau Liberia Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo Cette édition régionale «Afrique de l Ouest» est un supplément gratuit aux Perspectives économiques en Afrique Autres éditions régionales disponibles : Afrique australe Afrique centrale Afrique de l Est Afrique du Nord Membres africains de la CPLP - Communauté des pays de langue portugaise BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 3

5 Afrique de l Ouest Remerciements La Vue d ensemble de cette édition régionale des Perspectives économiques en Afrique 2014 a été rédigée par Ferdinand Bakoup, spécialiste en chef, économie au Département régional Afrique de l Ouest de la Banque Africaine de développement (BAfD), avec la contribution de Barbara Barungi, spécialiste en chef, économie au Bureau national du Nigeria, sous la direction de Janvier Litse et d Ousmane Dore et sous la coordination d Anthony Simpasa. Les noms des auteurs des notes pays et leurs contacts figurent respectivement sur la première page de chaque note. Le rapport Perspectives économiques en Afrique 2014 a été préparé par un consortium de trois équipes de la BAfD, du Centre de développement de l OCDE et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Le travail a été supervisé par Mthuli Ncube (économiste en chef et vice-président, BAfD), Mario Pezzini (directeur, Centre de développement de l OCDE) et Pedro Conceição (économiste en chef et responsable de l unité d appui stratégique, bureau régional pour l Afrique, PNUD). Willi Leibfritz a coordonné le projet. L équipe de la BAfD était dirigée par Steve Kayizzi-Mugerwa, Charles Lufumpa, Abebe Shimeles et Beejaye Kokil. Le gestionnaire du projet était Anthony Simpasa. L équipe comprenait notamment Ahmed Moummi, Adeleke Salami, Anna von Wachenfelt et Lauréline Pla. L équipe du Centre de développement de l OCDE était dirigée par Henri-Bernard Solignac-Lecomte et l équipe du PNUD par Angela Lusigi. 4 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

6 Vue d ensemble L édition 2014 des Perspectives économiques en Afrique témoigne de l amélioration constante des conditions économiques et sociales en Afrique de l Ouest, qui reste la région du continent qui connaît la croissance la plus rapide. Les perspectives macroéconomiques de la région sont favorables. Après un léger fléchissement en 2013, la croissance est attendue à plus de 7 % en 2014 et 2015, comparée à 4.8 % et 5.7 % en 2014 et 2015 pour tout le continent ; ceci atteste une fois encore de la résilience de l Afrique de l Ouest face aux turbulences internationales et régionales. Afrique de l Ouest La croissance concerne toute la région, la plupart des pays affichant une croissance d au moins 6 %. La Côte d Ivoire devrait connaître une croissance soutenue, grâce au retour de la stabilité politique et à la reprise des investissements publics et privés. L évolution favorable dans les secteurs de l agriculture, de l industrie manufacturière et des services contribue également à la croissance. Au Ghana, la croissance devrait rester solide, dopée par la production de gaz et de pétrole et par un regain d investissements publics et privés. Au Mali, l économie a rebondi après le contrecoup de la crise politique et sécuritaire en 2012, et la situation devrait encore s améliorer en 2014 et Au Nigeria, la croissance reste forte à plus de 7 % ; la récente révision de la base de calcul du PIB a révélé que ce sont surtout les secteurs non pétroliers tels que l agriculture, le commerce, les technologies de l information et de la communication, l industrie du divertissement et les autres services qui tirent le plus la croissance. Par contre, le secteur pétrolier qui contribue pour 14 % au PIB et environ 70 % des recettes publiques est plombé par des interruptions de l offre causées principalement par des vols et des actes de vandalisme contre les oléoducs. Le pays qui connait la croissance la plus forte dans la région à l heure actuelle est la Sierra Leone, grâce à ses exportations de fer et de minerais, même si les autres secteurs, notamment l agriculture et la construction, contribuent également à ses bonnes performances. Les autres indicateurs macroéconomiques de la région ont continué à s améliorer bien que les défis varient d un pays à l autre (voir tableau ci-dessous). Le taux moyen d inflation a baissé de 9.9 % en 2012 à 7.5 % en 2013 et selon les projections devrait encore baisser à 7.0 % et 6.9 % en 2014 et Sur le plan budgétaire, la performance de l Afrique de l Ouest demeure mitigée, les politiques budgétaires variant d un pays à l autre. Plusieurs pays poursuivent des politiques budgétaires prudentes afin de réduire les déficits budgétaires, mais la consolidation budgétaire continue de représenter un défi pour d autres pays. Le déficit budgétaire global moyen a baissé d un niveau estimé de -2.2 % du PIB en 2013 à un niveau projeté de -1.8 % du PIB en Selon les projections, le déficit budgétaire devrait s améliorer en 2014 au Bénin, en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Mali et au Nigeria et se détériorer au Burkina Faso, au Ghana, au Liberia, au Niger, en Sierra-Leone et au Togo. Il devrait rester stable au Cabo Verde, en Côte d Ivoire et au Sénégal. Le niveau moyen du solde du compte courant de la région devrait continuer d être positif en 2014 à 2.3 % du PIB. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 5

7 Afrique de l Ouest Indicateurs macroéconomiques de l Afrique de l Ouest Taux de croissance du PIB, en volume (%) (e) 2014(p) 2015(p) Afrique de l'ouest Bénin Burkina Faso Cabo Verde Côte d'ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia* Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo AFRIQUE Prix à la consommation (inflation en %) (e) 2014(p) 2015(p) Afrique de l'ouest Bénin Burkina Faso Cabo Verde Côte d'ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia* Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo AFRIQUE Solde budgétaire total, dons compris (% PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Afrique de l'ouest Bénin Burkina Faso Cabo Verde Côte d'ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia* Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo AFRIQUE Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

8 BAfD, OCDE, PNUD 2014 Solde de la balance extérieure courante, dons compris (% PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Afrique de l'ouest Bénin Burkina Faso Cabo Verde Côte d'ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia* Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo AFRIQUE Solde de la balance commerciale (% PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Afrique de l'ouest Bénin Burkina Faso Cabo Verde Côte d'ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia* Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo AFRIQUE Note : (e) estimations; (p) prévisions. * Année fiscale juillet (n-1)/juin (n). ** Année fiscale avril (n)/mars (n+1). Source : Calculs des auteurs. Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 7Afrique de l Ouest

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10 BÉNIN 2014 Daniel Ndoye / d.ndoye@afdb.org El Hadji Fall / el.hadji.fall@undp.org

11 Bénin BÉNIN Tirée par l agriculture et la branche commerce, la croissance du PIB réel est estimée à 5.0 % en 2013, après 5.4 % en Les réformes engagées dans les finances publiques et le secteur portuaire se sont poursuivies, mais il reste à définir une stratégie nationale claire de gestion de la filière coton. Les chaînes de valeur mondiale (CVM ) sont à l état embryonnaire au Bénin, mais des secteurs d activités peuvent s y intégrer à condition d un allègement des contraintes pesant sur le secteur privé. Vue d ensemble Après s être élevé à 3.5 % en 2011 puis à 5.4 % en 2012, le taux de croissance de l économie s est consolidé à 5.0 % en 2013 (estimation), confirmant la tendance à la reprise. L activité économique a été tirée notamment i) par la hausse de la production agricole suite aux incitations aux producteurs et au renforcement du dispositif d encadrement des producteurs et de la distribution des intrants ; et ii) par l augmentation du trafic portuaire suite aux mesures de modernisation du port. L impact de la croissance sur la réduction de la pauvreté reste cependant insuffisant. Estimée à 2.6 % en 2013, l inflation est retombée en dessous du seuil de 3 % fixé par la communauté de l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEOMA). Elle avait enregistré un niveau exceptionnel en 2012 (6.6 %) provoqué par la réduction de la subvention aux prix des carburants au Nigeria. Les perspectives de croissance sont évaluées à 4.9 % en 2014 et à 5.3 % en 2015, grâce à la vigueur du secteur agricole et du secteur portuaire, et avec l entrée en production d une nouvelle cimenterie et d unités de transformation agricoles. La stabilité macroéconomique devrait être renforcée par la poursuite des réformes, notamment dans les secteurs agricole et portuaire et dans les finances publiques. Mais il est crucial d élaborer une stratégie claire de gestion durable de la filière coton, en concertation avec l ensemble des acteurs, afin d assurer une rentabilité optimale de cette filière qui offre une source de revenu au tiers de la population. Le développement du secteur privé, largement dominé par le secteur informel, constitue également un enjeu majeur pour soutenir la croissance au Bénin et réduire l incidence de la pauvreté. À cet égard, outre les efforts déployés pour améliorer le climat des affaires et faciliter l accès au financement, il convient d améliorer le dialogue entre secteur public et secteur privé, et de renforcer la confiance des investisseurs en mettant en œuvre les recommandations de la table ronde sur le développement du secteur privé tenue en octobre Le secteur privé est en effet à même d exploiter de façon optimale les potentialités, notamment agricoles, du pays, et son développement est essentiel pour une intégration du Bénin dans les chaînes de valeurs mondiales (CVM). Bien que les CVM soient à l état embryonnaire dans le pays, certains secteurs d activités pourraient les intégrer à condition de se structurer dans le cadre de politiques appropriées. Il s agit notamment de l industrie du coton-textile avec les opportunités qu offre le marché ouest africain ; des filières de l anacarde, du riz, de l ananas et du maïs ; du tourisme, avec l aménagement de zones touristiques favorisant les partenariats public-privé (PPP) ; et des transports, avec la mise en place d une plateforme multimodale pour optimiser la position de couloir commercial du pays (modernisation du port de Cotonou avec des ports secs, construction de l aéroport de Glo-Djigbé, voie ferrée Cotonou-Niamey). 10 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

12 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Bénin % 9 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives La tendance à la consolidation de la croissance semble se confirmer en 2013 : la croissance du PIB (produit intérieur brut), après être passée de 3.5 % en 2011 à 5.4 % en 2012, est estimée à 5 % en 2013, tirée par la hausse de la production agricole et de l activité de la branche commerce. Le secteur agricole a bénéficié de la hausse des productions cotonnière et vivrière grâce à la poursuite des incitations aux producteurs (hausse du prix d achat du coton graine) et au renforcement du dispositif d encadrement des producteurs et de la distribution des intrants (semences, engrais, insecticides). L accroissement des superficies exploitées et l amélioration de la qualité des intrants ont permis une hausse de la production de coton, principal produit d exportation du pays. La production de la campagne 2013/14 est estimée à tonnes, en hausse de 25 % par rapport à la campagne 2012/13, elle même en augmentation de 20 % par rapport à l exercice précédent. La campagne 2013/14 est la deuxième supervisée temporairement par l État après l abrogation, en avril 2012, de l accord-cadre entre l Association interprofessionnelle du Coton (AIC) et l État pour la gestion de la filière. La production s est certes inscrite en hausse durant ces deux campagnes, mais les divergences apparues entre les pouvoirs publics et les égreneurs sur les modalités de prise en charge de l égrenage (prix, paiement) sont de nature à affecter négativement les futurs résultats de la filière. La production vivrière s est accrue de 13.3 % suite également à l intervention de l État pendant la campagne 2013/14 pour l approvisionnement des producteurs en intrants, entre autres. L agriculture béninoise demeure toutefois vulnérable BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 11

13 Bénin aux conditions climatiques en raison de sa faible modernisation, ce qui a conduit l État à adopter en 2012 un plan stratégique de relance du secteur agricole. Représentant environ 14 % du PIB, le secteur secondaire, encore peu développé, reste dominé par l activité d égrenage du coton et les unités de transformation artisanale de produits agricoles. L activité de ce secteur a cependant progressé en 2013 en liaison avec la hausse de la production agricole au cours de la campagne 2012/13. Le secteur tertiaire, qui représente près de 50 % du PIB, a bénéficié de l augmentation du trafic portuaire. Le port de Cotonou a enregistré une progression de plus de 10 % en 2013, suite à des mesures de modernisation. Ces mesures portent notamment sur la mise en œuvre du guichet unique pour le commerce extérieur, qui a permis de réduire significativement le délai de traitement des conteneurs dans le port. La hausse du trafic portuaire a une incidence positive sur le commerce et les autres services connexes (transports, services financiers, etc.), qui s est traduite, sur les trois premiers trimestres de 2013, par une augmentation de plus de 10 % du chiffre d affaires de l activité de commerce selon l indice élaboré par l INSAE (Institut national de la statistique et de l analyse économique). En ce qui concerne la demande, la consommation finale, qui représente environ 90 % du PIB, a été le principal moteur de la croissance en 2013, en liaison avec l amélioration du revenu des ménages tirée des activités agricoles et commerciales, ainsi que de la progression de la masse salariale du secteur public. Mais le taux de l investissement, bien qu il soit passé de 17.7 % en 2012 à 19 % du PIB en 2013, reste faible, en dessous du taux moyen de 21 % enregistré dans l UEMOA. Selon les prévisions, la croissance de l économie est attendue à 4.9 % en 2014 et à 5.3 % en Elle sera tirée notamment par le secteur primaire, qui devrait bénéficier du plan stratégique de relance du secteur agricole mis en œuvre pour renforcer notamment la production du maïs, du riz, de l ananas et de l anacarde. Cependant, l organisation de la filière coton souffre d un manque de visibilité, et les dissensions relevées entre l État et les égreneurs au cours des campagnes 2012/13 et 2013/14 pourraient affecter le bon déroulement des campagnes à venir. Il est crucial qu une stratégie claire de gestion durable de la filière coton soit élaborée en concertation avec l ensemble des acteurs afin d optimiser la rentabilité de la filière, qui constitue une source de revenu pour un tiers de la population. Le secteur secondaire devrait bénéficier des effets d entraînement de la mise en œuvre des réformes dans le domaine agricole et de l entrée en production, prévue en 2014, de nouvelles usines de transformation de produits agricoles (tomate, ananas, anacarde, agrumes, mangue). Le démarrage en novembre 2013 de la nouvelle cimenterie du Bénin (Nocibé), dont la production annuelle est estimée à 1.5 million de tonnes, contribuera également à rehausser l activité industrielle. La progression des activités dans le secteur primaire et secondaire devrait profiter au secteur tertiaire, notamment le commerce et les transports. La performance du port autonome de Cotonou devrait également se renforcer avec la mise en œuvre de la nouvelle réforme douanière couvrant la période Cette réforme s articule autour de i) la certification de la valeur ; ii) le balayage (scanning) des marchandises ; iii) le traçage ; iv) la certification du poids des marchandises ; et v) la migration du système douanier informatisé SYDONIA++ à SYDONIA World. Cette réforme renforcera les capacités et l efficacité des douanes en leur fournissant des outils modernes et performants. La réalisation de ces prévisions 2014 et 2015 suppose toutefois la consolidation de l environnement politique et socio-économique. Il importe dans ce cadre que le dialogue politique soit renforcé afin d atténuer les risques inhérents aux prochaines élections locales, prévues en 2013 mais repoussées en L élection présidentielle prévue en 2016 constitue un autre enjeu d importance pour les futures décisions de politique économique. Les autorités se doivent par ailleurs de consolider la confiance du secteur privé, qui s est ressentie des faibles progrès dans le 12 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

14 dialogue secteur public secteur privé et de la décision unilatérale du gouvernement de modifier la composition de l actionnariat, du conseil d administration et de la direction de la principale société d égrenage du coton, la Sodeco. L apaisement des tensions sociales que reflètent depuis la fin de 2013 des mouvements de grève dans plusieurs secteurs de l administration (éducation, santé, justice, finances) est également nécessaire à l atteinte des performances attendues en En outre, l entrée en vigueur en 2015 du nouveau tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO (Communauté des États d Afrique de l Ouest) pourrait avoir un impact sur les projections économiques, compte tenu de l importance du commerce de réexportation entre le Bénin et le Nigeria. Bénin Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire La situation des finances publiques s est améliorée au cours des deux dernières années avec un déficit public passant de 1.8 % du PIB en 2011 à 1.3 % en 2012 puis à 1.2 % en Les recettes budgétaires totales ont représenté 19.7 % du PIB en 2013 contre 19.9 % en Ce léger repli est dû essentiellement au ralentissement des recettes fiscales lié à l accroissement de l utilisation des crédits d impôts accumulés par les grandes entreprises depuis plusieurs années. Les recettes ont cependant bénéficié de la vente d une licence 3G de téléphonie mobile pour un montant de 50 milliards XOF (francs CFA BCEAO), soit 76.2 millions EUR, et d un meilleur recouvrement des recettes douanières. Les dépenses publiques rapportées au PIB se sont situées à 20.9 % en 2013 contre 21.1 % en 2012 et 21.9 % en Les dépenses publiques restent toujours marquées par le poids de la masse salariale, qui représente près de 45 % des recettes fiscales, très supérieur au seuil communautaire de 35 % fixé par l UEOMA. Le taux d exécution des dépenses sociales prioritaires, qui s était situé en 2012 à 110 %, s est replié en 2013 à un peu moins de 100 %, du fait de retards d exécution au niveau de l enseignement primaire et du secteur eau et assainissement. Les dépenses publiques en capital sont pour leur part restées stables à 5.5 % du PIB, traduisant des insuffisances dans l exécution des projets. Ces insuffisances ont trait notamment au manque de maturité des projets d investissement proposés à l inscription au programme d investissement prioritaire, aux changements fréquents des priorités d investissement, et à la lourdeur du processus de passation des marchés. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 13

15 Bénin Les orientations économiques qui guideront la politique budgétaire 2014 et 2015 sont axées sur : i) le renforcement du capital humain et des infrastructures de soutien à la production; ii) la modernisation de l agriculture et la promotion de l agro-industrie; et iii) le développement local. Le gouvernement compte mettre un accent spécifique sur la promotion de l emploi des jeunes. La mobilisation des recettes intérieures devrait continuer à s améliorer avec les réformes fiscales et douanières. Pour l année fiscale 2014, la loi de finances consacre un certain nombre de mesures visant soit à mettre en conformité la législation nationale avec les directives communautaires de l UEMOA, soit à intégrer dans les dispositifs budgétaires les incitations économiques décidées par le gouvernement. Ainsi, les mesures d exonération sur les matériels informatiques, les équipements agricoles et les équipements de distribution des produits pétroliers sont reconduites pour Mais l amélioration de la programmation et de l exécution des programmes d investissement reste l un des principaux défis à relever pour renforcer l efficacité de la politique budgétaire du Bénin. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire Le Bénin est un pays membre de l UEMOA. Sa politique monétaire, conduite par la Banque centrale des États de l Afrique de l Ouest (BCEAO), vise de façon explicite la stabilité des prix, socle d une croissance économique durable dans l Union. Après avoir enregistré un niveau inhabituellement élevé en 2012 à la suite d une réduction de la subvention des prix des carburants au Nigeria, l inflation est retombée en dessous du seuil communautaire de 3 % en La hausse des prix du carburant au Nigeria résultant de ces mesures s était en effet répercutée au Bénin, dont le marché des produits pétroliers est en grande partie approvisionné, à travers des circuits illicites, par le voisin nigérian. La suspension par les autorités de la lutte engagée contre la contrebande des carburants a contribué à faire baisser les prix. L inflation est estimée à 2.6 % en 2013, contre 6.6 % en Dans un contexte de maîtrise de l inflation, la politique monétaire menée à l échelle régionale a été accommodante. Elle s est traduite par une baisse de 25 points de base des taux directeurs de la BCEAO dans le but de soutenir le financement des économies. Ainsi, à compter du 16 septembre 2013, le taux minimum de soumission aux opérations d appels d offres d injections de liquidités est passé de 2.75 % à 2.50 %, et le taux du guichet de prêt marginal de 3.75 % à 3.50 %. Le taux de progression de la masse monétaire est estimé à 12.0 % en 2013 en raison essentiellement de l accroissement des avoirs extérieurs nets et des crédits à l économie. En prévisions, l inflation est projetée en dessous de 3 % en 2014 et en Mais au Bénin comme dans toute la zone UEMOA, l inflation reste sujette aux aléas climatiques et aux fluctuations des cours internationaux du pétrole, ce qui appelle à la vigilance des autorités et de la Banque centrale pour maîtriser l évolution du niveau général des prix. 14 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

16 Coopération économique, intégration régionale et commerce Bénin La situation des échanges extérieurs a connu une légère amélioration en 2013, avec une réduction du déficit du compte courant (qui reste cependant très élevé), passé de 8.5 % du PIB en 2012 à 8.2 % en Cette amélioration résulte d une baisse des importations combinée à l accroissement des exportations tiré par la hausse de la production cotonnière pendant la campagne 2012/13. Le défi pour le commerce extérieur du Bénin demeure toutefois de diversifier les exportations, dominées par le coton et ses dérivés, destinés à l Europe et à l Asie, et par les réexportations de produits alimentaires, notamment vers le Nigeria. Cette faible diversification rend les échanges extérieurs du pays vulnérables aux chocs externes, notamment aux aléas climatiques et aux mesures de politique commerciale prises par le Nigeria. Le déficit du compte courant est financé par des entrées nettes de capitaux publics et privés, et notamment, en 2013, par les ressources issues de la cession d une licence de téléphonie mobile. Les flux d investissements directs étrangers (IDE) demeurent encore relativement faibles, représentant moins de 3 % du PIB contre une moyenne de 4 % à l échelle du continent. Ils sont concentrés dans les infrastructures portuaires, le commerce et le secteur des télécommunications. En 2013 et 2014, le déficit du compte courant devrait se maintenir sur une tendance baissière pour ressortir respectivement à 8.2 % et 7.9 % du PIB. Cette baisse résultera des efforts de soutien à la filière coton et de diversification agricole avec la mise en œuvre du PSRSA (Plan stratégique de relance du secteur agricole). L entrée en vigueur du tarif extérieur commun de la CEDEAO à partir de 2015 introduit cependant une nouvelle donne dans les échanges extérieurs du Bénin. L application des dispositions du TEC pourrait en effet ralentir le commerce de réexportation du Bénin à destination du Nigeria alors que celui-ci représente près de la moitié de ses ventes extérieures. Le Bénin joue par ailleurs un rôle important dans les échanges sous régionaux, grâce au port de Cotonou. Plus de la moitié des marchandises reçues au port y transitent vers les pays voisins (Niger, Burkina Faso, Mali ou Nigeria). Le Bénin devra consolider les mesures de modernisation du port mises en œuvre depuis deux ans (guichet unique, nouveaux quais) pour renforcer la compétitivité du port et tirer profit de l accroissement du commerce intrarégional attendu de l entrée en vigueur du TEC de la CEDEAO. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette Le niveau d endettement est demeuré faible en 2013, confirmant les résultats de l analyse de la viabilité de la dette actualisée en L encours global de la dette publique est ressorti à 28.4 % du PIB en 2013 contre 29.1 % du PIB en 2012, selon les estimations du FMI. Le ratio de la dette extérieure rapporté au PIB est passé de 17 % du PIB en 2012 à 16.2 % en 2013, et reste bien en deçà du seuil de 70 % fixé au niveau communautaire de l UEMOA. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 15

17 Bénin L encours de la dette extérieure est composé à près de 70 % de dette multilatérale et à plus de 90 % de prêts concessionnels. Le pays applique une stratégie d endettement limitant le recours à des emprunts concessionnels pour financer le déficit public ou la non accumulation d arriérés de paiement, stratégie en phase avec le programme appuyé par la Facilité élargie de crédit (FEC) du Fonds monétaire international (FMI). Les critères de la FEC en matière de contraction d emprunts non concessionnels et de non accumulation d arriérés ont été respectés par le Bénin en 2013, à l instar des deux années précédentes. L endettement devrait demeurer soutenable au cours des années à venir. La dette extérieure rapportée au PIB est projetée à 15.9 % en 2014 et à 15.4 % en 2015, et les tests de résistance effectués à l horizon 2031 indiquent un maintien de la soutenabilité de la dette. Les autorités devront continuer à maintenir une politique d endettement prudente, en particulier sur le marché financier régional. Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Le secteur privé du Bénin est peu développé. Dominé par les activités commerciales à caractère informel (notamment avec le Nigeria), il génère peu de revenu et d emploi. Le secteur privé formel est confronté à d importantes contraintes, dans un climat des affaires caractérisé par des lourdeurs administratives et une pénurie de capital humain. Selon l édition 2014 du rapport Doing Business de la Banque mondiale, qui mesure la facilité des affaires, le Bénin se classe au 174 e rang sur 189 pays. Il occupait le 175 e rang sur un total de 185 pays dans la précédente édition. Cette légère amélioration découle essentiellement des efforts réalisés pour réduire les délais de création d entreprise, avec le lancement de la plateforme électronique du Guichet unique de formalités des entreprises (GUFE). Le Bénin a ainsi gagné 13 places dans le critère relatif au temps nécessaire pour créer une entreprise, avec un délai moyen réduit de 26 jours en 2012 à 15 jours en Le pays a également enregistré une avancée 16 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

18 significative en matière de facilitation du commerce transfrontalier, en se classant au 119 e rang dans l édition 2014 contre la 130 e place dans la précédente édition. Bénin Le pays accuse cependant des retards importants en ce qui concerne les critères du «paiement des taxes et impôts», de «raccordement à l électricité» et de la durée de «l exécution des contrats». Le secteur judiciaire est quant à lui confronté à de nombreuses contraintes dont la faiblesse des ressources humaines et matérielles, la désuétude de certains textes en usage, et l absence de dialogue institutionnel entre les principales parties prenantes. Des mouvements de grève récurrents handicapent le secteur, avec une incidence négative sur les délais de règlement des litiges. Le délai de règlement des litiges au Bénin est le plus long des pays de l UEMOA et de la CEDEAO, avec une durée de 795 jours. Le marché de l emploi reste peu flexible, et se caractérise par une inadéquation entre la formation et les besoins des entreprises. Le code du travail présente diverses contraintes et rigidités, concernant notamment les horaires de travail, le recrutement et le licenciement. Les autorités s efforcent de promouvoir l entrepreneuriat, notamment dans le secteur agricole, qui dispose d un important potentiel de croissance mais qui reste handicapé par les difficultés d accès aux titres fonciers, particulièrement sévères au Bénin. Afin de favoriser une participation accrue du secteur privé à la mise en œuvre des politiques de développement, le gouvernement élabore un cadre institutionnel et juridique pour la promotion du partenariat public privé (PPP). Le renforcement du dialogue entre le secteur public et le secteur privé, une recommandation de la table ronde sur le développement du secteur privé réunie en octobre 2012, doit contribuer à améliorer l environnement des affaires. Secteur financier Le secteur financier, composé de douze banques principalement orientées vers le financement des activités liées au commerce, est peu développé. Les activités bancaires sont fortement concentrées autour de trois banques principales qui regroupaient, en 2012, 60 % des parts de marché et 70 % du bilan total de l ensemble des banques. Le secteur financier du Bénin demeure relativement stable, placé sous la réglementation et la supervision communautaire. En 2012, neuf des 12 banques au Bénin ont respecté les normes de solvabilité relatives au capital minimum et à la couverture des risques. Les créances nettes en souffrance se sont cependant significativement accrues, passant de 6.8 % en 2011 à 10.7 % en 2012, bien au-dessus de la moyenne de 6.4 % des pays membres de l UEMOA. Cette évolution, liée en partie à des créances sur la filière coton, doit faire l objet d une attention particulière pour limiter les risques de détérioration financière des banques. L accès au financement reste également une préoccupation. L encours des crédits à l économie se situe à environ 20 % du PIB, bien en deçà de la moyenne de l Afrique subsaharienne (40 %). Les taux d intérêt pratiqués par les banques béninoises sur le crédit aux entreprises et aux ménages demeurent parmi les plus élevés de la région, avec une moyenne de 11.1 % sur la période contre 8.3 % dans l espace UEMOA. Les difficultés rencontrées par les banques en matière de gestion de risques et de garanties, liées notamment aux insuffisances de l environnement juridique et du cadre foncier, affectent négativement l accès au crédit. Il est donc essentiel que des efforts soient entrepris pour lever ces contraintes en vue d alléger le coût du crédit et de favoriser un meilleurs accès des entreprises et des ménages aux services financiers et à des ressources à long terme. L assainissement du secteur de la micro-finance, qui joue un rôle important dans l accès au crédit du secteur informel et notamment des femmes, constitue un défi de taille. Le secteur se singularise en effet par une forte proportion (80 %) de structures exerçant sans agrément et dotées de faibles capacités de gestion des risques et de systèmes d information. Le gouvernement BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 17

19 Bénin a promulgué, en janvier 2012, la loi portant réglementation des systèmes financiers décentralisés, et il a élaboré une nouvelle stratégie d assainissement du secteur de la micro-finance portant sur la période Gestion du secteur public, institutions et réformes Les autorités poursuivent leurs efforts en vue de renforcer la gouvernance économique et financière. Dans le but de renforcer l efficacité du service public, le gouvernement procède à la mise en œuvre des principes de la Gestion axée sur les résultats et de la reddition des comptes. Dans le cadre de la lutte contre la corruption, une Autorité nationale de lutte contre la corruption (ANLC) a été installée en mai 2013, mais n est pas encore pleinement opérationnelle. Le pays se classe au 94 e rang sur 176 pays selon l indice 2012 de perception de la corruption publié par Transparency International, et à la deuxième place dans l espace UEMOA. En matière de décentralisation et de déconcentration, les actions menées s inscrivent dans le cadre de la Politique nationale de décentralisation et de déconcentration (Ponadec) adoptée en La part des dépenses des collectivités territoriales dans le total des dépenses du budget général du pays est passée à 7.14 % en 2012 contre 6.43 % en Le taux d exécution des budgets communaux demeure toutefois faible et très éloigné de la cible. C est le fait de prévisions budgétaires trop optimistes, d autant plus généreuses qu y sont indexées les primes mensuelles des maires et les indemnités de session des élus qui les élaborent. Le succès de la mise en œuvre de la décentralisation implique une appropriation suffisante des enjeux de la décentralisation par les ministères sectoriels, et le renforcement des ressources humaines et financières des collectivités locales pour la prise en charge des compétences transférées. En ce qui concerne les réformes, le gouvernement a défini une stratégie de réforme douanière sur la période à la suite des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Programme de vérification des importations (PVI) lancé en avril 2011 et suspendu en mai L une des réformes les plus cruciales concerne la rédaction d un nouveau cadre de gestion de la filière coton, après l abrogation en 2012 par le gouvernement de l accord-cadre conclu en 2009 entre l État et l Association interprofessionnelle du coton (AIC). Les autorités devraient accélérer les réflexions en vue d instituer un cadre de gestion pérenne et équitable pour tous les acteurs. Gestion des ressources naturelles et environnement Le Bénin a réalisé des progrès dans la prise en compte des questions liées à l environnement et au changement climatique. Le pays dispose d une politique de l environnement depuis 2002, et il a pris diverses initiatives pour concourir à l atténuation des émissions de gaz à effet de serre, en améliorant notamment l efficacité énergétique et en prônant une politique de gestion durable des ressources forestières. Les principales contraintes auxquelles est confronté l environnement naturel du Bénin relèvent de sa croissance démographique rapide et de l inadéquation entre l exploitation des ressources naturelles et leur rythme de renouvellement. La superficie reboisée dans le cadre de la gestion durable des ressources naturelles a chuté à hectares en 2012 pour une cible de ha, contre ha en Cette contreperformance provient, entre autres, du manque d entretien des jeunes plants. Le gouvernement a lancé en juillet 2013 l initiative «10 millions d âmes 10 millions d arbres» pour inciter chaque Béninois à planter au moins un arbre chaque année, en vue d accroître sensiblement les superficies reboisées. La gestion optimale des ressources hydriques du pays est inscrite dans le cadre du plan stratégique de relance du secteur agricole. Les progrès en matière d accès à l eau potable ont été consolidés. Le taux de desserte est passé de 61.0 % en 2011 à 63.7 % en 2012 en milieu rural, et de 62.1 % en 2011 à 63.4 % en 2012 en milieu urbain. Les Objectifs du Millénaire (OMD) pour l horizon 2015 sont de 67.3 % en milieu rural et de 75 % en milieu urbain. 18 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

20 Les questions environnementales pâtissent cependant au Bénin d une faible sensibilité des différents secteurs aux enjeux climatiques et à leurs impacts sur le développement. Bénin Contexte politique Le Bénin est un pays politiquement stable depuis plus de deux décennies. Depuis la conférence nationale organisée en 1990, il maintenu un environnement politique stable et réalisé des avancées notables dans le processus démocratique. L actualité politique a été toutefois marquée par des crispations en 2013, avec en ligne de mire l élection présidentielle prévue en Il s est agi en particulier du débat sur la révision de la Constitution voulue par le gouvernement. Les opposants au projet y voient une volonté de l actuel président Boni Yayi de briguer un troisième mandat en Un autre sujet de polémique concerne la révision de la liste électorale permanente, qui a pris un retard important empêchant la tenue des élections locales prévues au premier trimestre Des divergences sont par ailleurs apparues au sein de la majorité présidentielle qui ont conduit au rejet du budget général Le président de la République est ainsi amené à mettre en exécution le budget par ordonnances. L activité économique continue également de pâtir de la dégradation du dialogue entre le secteur public et le secteur privé, sur fond de conflit ouvert entre le chef de l État et un homme d affaires très influent dans les deux secteurs clés de l économie, le coton et le port de Cotonou. Les tensions sociales ont été également ravivées par des mouvements de grève qui ont partiellement paralysé l administration publique au cours du premier trimestre L évolution de l environnement politique et social, dans la perspective électorale des prochains scrutins locaux puis présidentiel, sera déterminante pour les perspectives économiques en 2014 et 2015, et il revient aux autorités d en atténuer les impacts potentiellement négatifs. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Selon l édition 2013 du rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l indice de développement humain (IDH) du Bénin est ressorti à 0.436, en dessous du niveau moyen de en Afrique subsaharienne. Dans le domaine de l éducation, la mise en œuvre du Plan décennal de développement du secteur de l Éducation (PDDSE) lancé en 2006 s est traduit notamment par i) la gratuité des enseignements maternel et primaire ; ii) l exonération de la contribution scolaire pour les filles des classes de 6 e, 5 e et 4 e ; et iii) l inscription gratuite à l université des étudiants non boursiers et non secourus. Ces mesures ont eu des conséquences sur l accès, la qualité et les conditions d enseignement, mais également sur l effort budgétaire en faveur de l éducation. Le taux de brut de scolarisation s est élevé à % en 2012 contre % en Le taux d achèvement du primaire (un indicateur de l OMD n 2, «assurer l éducation primaire pour tous») s est amélioré, passant de 64.3 % en 2011 à % en 2012, loin toutefois de la cible de 88 % pour l horizon Le taux d achèvement s est également amélioré dans les deux cycles de l enseignement secondaire, alors qu on observe des difficultés d insertion croissantes pour les jeunes les plus instruits. En matière de santé, le taux de fréquentation des services sanitaires s est accru, passant de 45.4 % en 2011 à 51.4 % en 2012, pour une cible de 48 %. Le taux de fréquentation des services de santé par les enfants de moins de 5 ans est passé de 81.2 % en 2011 à % en Malgré cette amélioration, l OMD n 4 («réduire des deux tiers la mortalité des enfants de moins de cinq ans»), ne sera pas accompli en De même, malgré une hausse des consultations prénatales, la cible de l OMD n 5 («améliorer la santé maternelle») ne sera pas non plus réalisée. En revanche, la BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 19

21 Bénin prévalence du VIH/sida chez les femmes enceintes a été stabilisée en dessous de 2 %, laissant augurer la réalisation de l OMD n 6 («combattre le VIH/sida, le paludisme et d autres maladies»). Le secteur de la santé du Bénin doit relever le défi de son financement, notamment pour la mise en place du régime d assurance maladie universelle lancé par le gouvernement, pour la construction et la maintenance des infrastructures et équipements, ainsi que pour le renforcement des ressources humaines. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail La situation sociale demeure caractérisée par la persistance de la pauvreté, en dépit des améliorations des services sociaux de base. Sujet de préoccupation majeure au Bénin, la pauvreté absolue frappe 35.2 % de la population (2012). La pauvreté se concentre de plus en plus dans les villes, faute d encadrement de la forte urbanisation. Le Bénin a mis en œuvre une stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté sur la période , visant à rendre la croissance plus forte et inclusive. Dans le souci de progresser vers la réalisation des OMD, des dépenses dites «sociales prioritaires» ont été introduites dans le budget national, avec des dispositions permettant leur exécution. Elles concernent des actions sociales clés dans différents secteurs (santé, eau et assainissement, agriculture, jeunesse et sports, solidarité nationale, éducation, micro-finance, emploi). Le taux d exécution des dépenses sociales prioritaires est ressorti à % en 2012, contre 74.6 % seulement en Ce taux d exécution s est cependant replié au cours des premiers mois de 2013 en raison de retards d exécution au niveau de l enseignement primaire et du secteur eau et assainissement. Une bonne partie de la population reste privée de l accès aux services sociaux de base. Seuls 10 % de la population sont couverts par les systèmes formels de sécurité sociale existant. Le principal défi à relever au Bénin reste l extension d une couverture sociale aux personnes qui n en bénéficient pas, soit plus de 85 % de la population. Les autorités s emploient à la mise en œuvre effective du Régime d assurance maladie universelle (Ramu) lancé en 2011, qui n est pas encore opérationnel. Dans le domaine de la protection de l enfance, le gouvernement a ratifié les conventions relatives aux droits des enfants et signé plusieurs dispositions réglementaires contre le trafic des enfants. Mais les efforts doivent se poursuivre dans la lutte contre le travail et le trafic des enfants, à rebours des pesanteurs sociales. Égalité hommes-femmes Les autorités exécutent une politique nationale de promotion du genre déclinée par un plan d action sur la période Les inégalités entre les hommes et les femmes en matière d accès aux ressources et aux opportunités persistent, mais avec des progrès notables. Le taux brut de scolarisation des filles dans l enseignement primaire est passé de % en 2011 à % en 2012 pour une cible de 115 %. L alphabétisation progresse, avec une réduction de l écart entre hommes et femmes. Ainsi, lors de la campagne , personnes ont été alphabétisées, dont % de femmes et % d hommes. Mais les femmes ne constituent que 25 % des effectifs de la fonction publique et occupent seulement 18.5 % des postes de responsabilité. L activité des femmes est essentiellement confinée au commerce informel et à l agriculture. Les femmes sont confrontées aux difficultés d accès au crédit bancaire faute de garanties, d où leur recours important aux institutions de microcrédit. S agissant de la protection des femmes, le Bénin a introduit depuis 1990 la parité des sexes dans la constitution et il a ratifié de nombreux instruments internationaux et régionaux, dont la convention des Nations Unies sur l élimination de toutes formes de discrimination à l égard des 20 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

22 femmes (CEDEF). Des responsables sont chargés du suivi des questions du genre dans tous les ministères. Bénin Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique Les CVM peuvent offrir à l économie béninoise l opportunité de s intégrer dans le commerce international et d attirer les investissements directs étrangers pour exploiter ses potentialités. Les CVM sont à l état embryonnaire au Bénin. Plusieurs secteurs d activités - notamment l agriculture, l agroalimentaire et le tourisme - pourraient s intégrer à des CVM s ils étaient structurés par des politiques appropriées. Le pays dispose, en effet, d atouts pour faciliter son intégration dans les CVM, au nombre desquels sa stabilité politique, la disponibilité de terres arables non cultivées, irriguées d un réseau dense de cours d eau et d effluents, et enfin son intégration dans un espace régional organisé (la CEDEAO et l UEMOA) et une porte d entrée privilégiée au Nigeria, un immense marché. Le secteur d activité au Bénin présentant l approche la plus intégrée de production de valeur ajoutée est le coton. Son intégration à la chaîne de valeur mondiale du coton-textile est limitée, mais elle pourrait s améliorer avec le développement d un circuit de distribution mieux structuré de la production semi-transformée béninoise. En effet, la filière coton au Bénin est un modèle intégré de chaîne de valeur qui met en relation les producteurs de la chaîne entre eux fournisseurs d intrants, intermédiaires, producteurs de coton, transporteurs, égreneurs et négociants internationaux. L État est l acteur principal qui structure cette chaîne de valeur en garantissant aux producteurs la fourniture d intrants, en mettant en place des mécanismes de fixation des prix entre les différents acteurs (distributeurs d intrants, producteurs de coton, industries d égrenage). L État assure également la circulation des flux financiers entre les différents maillons de la chaîne de valeur, du préfinancement des intrants (semences, engrais et produits phytosanitaires) au règlement de la production aux producteurs de coton. L intégration du secteur financier au processus est aussi assurée par l État qui mobilise les ressources auprès des banques par des prêts avancés jusqu à la vente des produits égrenés (coton grain et fibre) sur le marché international. Ainsi, plus de 95 % des fibres de coton sont exportées vers les marchés asiatiques. Des dispositifs sont par ailleurs mis en place pour le renforcement des techniques dans la filière avec des investissements en recherche et développement (semences) et des services auxiliaires pour la définition des itinéraires techniques et de production. L intégration à la CVM du coton-textile pourrait être davantage exploitée en recherchant plus de valeur ajoutée en aval, notamment dans les industries textiles. Un riche marché régional de textile africain existe autour du Bénin, qui peine à y faire valoir ses avantages comparatifs. De même, les marchés européens et américains constituent aujourd hui des niches pour attirer des IDE dans les secteurs textiles, en bénéficiant de certains accords comme l AGOA (African Growth and Opportunity Act) grâce à un coût de main d œuvre compétitif. Le développement de l anacarde, avec l exportation de noix de cajou brute, d amande blanche et d amande torréfiée vers l Inde, le Brésil, le Vietnam, l Europe et, dans une moindre mesure, l Afrique subsaharienne, constitue également un domaine où le Bénin est intégré en amont de la CVM. La production de la noix de cajou brute constitue plus de 95 % des exportations de la filière. La chaîne de valeur locale est intégrée à travers la structuration des Unions régionales de production d anacarde (URPA) qui organisent la filière. Les URPA encadrent les producteurs en mettant à leur disposition des sacs de jute, en définissant les règles de commercialisation et en négociant pour les producteurs certains contrats de ventes groupées. Le maillon de la transformation reste embryonnaire. Il représente moins de 5 % du volume de la production et il BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 21

23 Bénin est dominé par de petites unités de transformation dont la capacité n excède pas tonnes. Cependant, des niches existent au niveau : i) de la recherche pour l amélioration de la productivité des plantations ; ii) de la transformation pour la création d une plus grande valeur ajoutée (amandes blanches et torréfiées) ; et iii) de la distribution. La promotion de filières comme le riz, l ananas, le maïs et l anacarde, le développement des infrastructures hydro-agricoles (barrages, digues, canaux d irrigation) et la mise en place d unités de transformation agroalimentaire sont autant de politiques susceptibles de diversifier l agriculture exportatrice béninoise et d intégrer davantage la production agricole nationale à des chaînes de valeur mondiale. De même, les partenaires au développement comme les Pays- Bas et l Union européenne lancent des programmes d intégration de certaines filières (ananas, anacarde, etc.) à des chaînes de valeur mondiale. L objectif est, d une part, de renforcer les capacités des producteurs locaux en termes de techniques de production, d organisation de la filière et de capacités à contractualiser avec des acteurs internationaux et, d autre part, de faciliter l arrivée dans la filière de multinationales de l agroalimentaire. Dans le secteur des services, le tourisme et les transports ont été identifiés comme disposant d un potentiel pour favoriser l insertion du Bénin dans les CVM. Actuellement, le Bénin dispose d un important atout en matière de tourisme (les parcs zoologiques, les vestiges royaux et coloniaux, etc.), mais il manque d infrastructures d accueil. Cependant, le gouvernement promeut un vaste programme de partenariat public-privé pour favoriser le développement de zones touristiques spécifiques, notamment la «Route des pêches», avec le développement d espaces aménagés et des facilités fiscales. À terme, le renforcement des infrastructures touristiques devrait permettre de mieux profiter des CVM avec la promotion de la destination Bénin, en encourageant notamment le tourisme régional avec le Ghana ou le Nigeria. En ce qui concerne les transports, le Bénin est un pays à vocation de transit disposant d un port et de liaisons routières internationales plus ou moins praticables. Les projets de transformation du port de Cotonou en un port de 3 e génération avec des ports secs et le port en eau profonde de Sèmè-Podji, de construction de l aéroport de Glo-Djigbé et de la boucle ferroviaire Cotonou - Niamey - Ouagadougou - Abidjan devraient permettre au Bénin de tirer davantage profit de sa position géographique, d accentuer sa présence dans le commerce en Afrique de l Ouest, et de faciliter son insertion dans les CVM. Toutefois, le Bénin doit lever un certain nombre d obstacles à l intégration de ces secteurs d activités à fort potentiel dans des CVM. L environnement des affaires y reste en effet handicapé, entre autres, par l insuffisance et la mauvaise qualité des infrastructures de transport, de production d énergie ou de télécommunication, ainsi que par la corruption et la pénurie de maind œuvre qualifiée. Le Bénin devrait de même concevoir une politique permettant de minimiser les risques inhérents à une plus forte intégration à la production globale de valeur ajoutée, notamment l exposition du pays à des crises importées, le confinement dans les CVM à des maillons de faible valeur ajoutée, ou la surexploitation et l épuisement des ressources naturelles du pays. Des stratégies d ascension dans les chaînes de valeur et des mécanismes d exploitation durable et optimale des ressources naturelles devraient être mises en œuvre pour mitiger ces risques. 22 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

24 Burkina Faso 2014 Tankien Dayo / t.dayo@afdb.org

25 Burkina Faso Burkina Faso En 2013, le Burkina Faso a subi les effets du faible niveau des cours de l or sur le marché international. Malgré une conjoncture économique défavorable, le taux de croissance économique réel est resté fort (6.9 %), mais en baisse par rapport à 2012 où il a atteint 9 %. L agriculture et les mines demeurent les principaux secteurs moteurs de la croissance économique en La faible capacité d absorption des dépenses d investissements publics reste la principale faiblesse du système national de gestion des finances publiques. Cette situation constitue une contrainte à l accélération du rythme de croissance économique et compromet les chances du pays dans l atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en Le Burkina Faso participe faiblement aux chaînes de valeur mondiales. Les principaux obstacles sont notamment l accès aux infrastructures transnationales, l accès et la fiabilité de l énergie ainsi que la disponibilité d une main-d œuvre qualifiée. Pour améliorer sa participation aux chaines de valeur mondiales, le pays devra mettre en place de manière cohérente une stratégie qui cible le développement des chaînes de valeur. Vue d ensemble L activité économique au Burkina Faso est demeurée dynamique en 2013 malgré une croissance moins forte que l année précédente. En effet, la croissance économique devrait se situer à 6.9 % en 2013 contre 9 % en Le repli de la croissance en 2013 s explique par la baisse de l activité minière en liaison avec le faible niveau des cours de l or sur le marché international. En termes de perspectives de croissance économique en 2014, le pays devrait maintenir un rythme de croissance forte, de 7 %. Les principaux secteurs moteurs de la croissance économique sont l agriculture et les mines. Le secteur agricole pourrait profiter des mesures à gains rapides, concernant notamment l accès aux intrants et aux matériels agricoles. Le secteur minier devrait connaître un essor en 2014, notamment grâce à l augmentation de la production d or. Les pressions inflationnistes devraient se réduire avec la baisse des prix des produits alimentaires grâce à la mise en place de boutiques témoins mises en place par les pouvoirs publics sur tout le territoire national pour la distribution de produits de grande consommation à des prix accessibles aux populations à faible revenu. Elles devraient ainsi demeurer en dessous de la norme communautaire de l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) de 3 % en 2014 et Le pays met en œuvre un vaste programme d infrastructures dans le cadre de sa stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD). Dans le domaine des infrastructures, les réalisations portent sur les travaux de construction (bâtiments, routes) dans le cadre des festivités de l indépendance du pays et le bitumage des routes (Dédougou-Nouna-Frontière du Mali, Ziniaré-Zitenga, Boromo-Sakoinsé). Il y a également le projet de construction de l aéroport de Donsin qui se poursuit. Les grands travaux pour la réalisation des pistes d atterrissage devraient commencer en 2014 et le chantier devrait être totalement achevé en Les pouvoirs publics ont également poursuivi la mise en œuvre de grands programmes de développement de pôles de croissance dont notamment ceux de Bagré, du Sourou et de Samandéni. La faible capacité d absorption des investissements publics étant une contrainte importante, le pays devrait réformer tout le travail de préparation et d exécution des projets d investissement en vue d améliorer leurs résultats. Au plan politique, le climat social est resté tendu en 2013 à cause de la cherté de la vie et de la volonté politique des autorités en place de réviser la constitution du pays pour permettre au président actuel de briguer un 5 e mandat. 24 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

26 Les dernières élections couplées (législatives et municipales) de décembre 2012 s étaient déroulées sans heurts majeurs et l on s attendait à une normalisation du climat socio-politique en 2013, après la grave crise sociale de Cela n a pas été le cas : l adoption en mai 2013 d une loi pour la création d un Sénat a été suivie de vives tensions marquées par des marches de protestation, organisées par certains partis politiques de l opposition et des associations et mouvements de la société civile. Burkina Faso Pour apaiser le climat social, le gouvernement a ralenti le processus de création du Sénat, et a pris en septembre 2013 des mesures sociales pour faire face à la vie chère. Toutefois, les pouvoirs publics entendent procéder à la mise en place effective du Sénat et à la révision de l article 37 de la Constitution sur la limitation du nombre de mandats. La perspective de la prochaine élection présidentielle de 2015 constitue donc une période à risque pour le pays. Le principal défi au plan politique sera donc de réussir une transition politique apaisée en Figure 1. Taux de croissance du PIB réel % 10 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Le Burkina Faso a enregistré une croissance économique soutenue en 2013 avec un taux de croissance du PIB réel de 6.9 %, après avoir réalisé une performance de 9 % en Ce dynamisme économique s explique par la bonne santé de tous les secteurs économiques qui ont affiché une croissance de leur valeur ajoutée supérieure à 5 % : 6.6 % pour le secteur primaire, 8.8 % pour le secteur secondaire tiré par le sous-secteur des industries extractives malgré des conditions internationales défavorables sur les cours de l or, et 5.2 % pour le secteur tertiaire. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 25

27 Burkina Faso Les principaux sous-secteurs de l économie du pays les plus dynamiques, qui représentent au total près de la moitié du produit intérieur brut (PIB), sont au nombre de quatre : l agriculture (19 %), les industries extractives (13 %), le commerce (11.8 %) et l élevage (11 %). La contribution à la croissance du sous-secteur agricole a été relativement moins forte en 2013, comparativement à l année précédente. Elle a atteint 1.9 % en 2013 contre 4.6 % en Cette situation s explique par la mauvaise répartition pluviométrique au plan spatial en La production céréalière s est ainsi établie à environ 5.2 millions de tonnes, soit un accroissement de 4.6 % contre 33.6 % en La filière cotonnière qui privilégie la variété du coton BT (plus résistante) n a cependant pas été affectée. En effet, la production est de tonnes en 2013 correspondant à une hausse de 17.7 % par rapport à la campagne 2012/13. Cette hausse s explique par l incitation des producteurs grâce au maintien des mesures de subvention en intrants et du prix au producteur à 235 XOF (Franc CFA BCEAO) le kilogramme ainsi qu à l apurement des arriérés dus aux producteurs. Au cours des années à venir, le secteur agricole devrait maintenir son dynamisme, grâce à la mise en œuvre d une série de mesures à gains rapides, concernant notamment l accès aux intrants et aux matériels agricoles. Le sous secteur de l élevage a connu une croissance de 4.2 % en Cette performance s explique par une série d actions menées, notamment la constitution de tonnes d aliments grossiers (foin naturel et résidus de récolte) et de tonnes d aliments concentrés, l insémination de 655 vaches au profit des éleveurs dans huit régions, la vaccination de bovins contre la pasteurellose bovine et de près de 1.7 million de volailles contre la maladie de Newcastle. Pour les années à venir, le sous-secteur maintiendra son dynamisme grâce aux actions du projet de développement de l élevage laitier dans la zone périurbaine d Ouagadougou qui comprend la réalisation d une usine de production d aliments enrichis pour le bétail et d une unité laitière de haute technicité. Le sous-secteur minier demeure le pilier du secteur secondaire. Il a cependant souffert de la baisse du cours de l or sur le marché international. En 2013, la valeur ajoutée des industries aurifères a connu une baisse de 21 % contre une hausse de 11.1 % en L effet prix explique entièrement cette baisse car la production, elle, s est améliorée passant de 42.4 tonnes en 2012 à 45.6 tonnes. En termes de perspectives, avec les extensions des mines d Essakane et de Semafo, et la mise en exploitation de nouvelles mines, la production d or devrait continuer à croître pour atteindre une production de 46.3 tonnes en 2014 et 50 tonnes en Le sous-secteur du commerce de gros et de détail, d hôtels et de restaurants demeure le plus important du secteur tertiaire (11.8 % du PIB). En 2013, il a connu une croissance de 5.6 % contre 5.4 % en En termes de perspectives pour 2014, ce sous-secteur devrait connaitre un dynamisme plus important avec une contribution à la croissance du PIB d au moins 1.5 % contre moins d 1 % en Le sous-secteur des services non marchands a été très dynamique avec une croissance de 21.5 % en 2013 contre 8.8 % l année précédente. Cette forte croissance de sa valeur ajoutée est liée aux effets des mesures prises par les pouvoirs publics en septembre 2013, dont notamment le relèvement des indemnités des agents de l État, les transferts pour le financement des mesures de création d emplois pour les jeunes et pour la consolidation des filets sociaux. Du côté de la demande, la part de la consommation finale et celle de l investissement dans le PIB a été respectivement de 86 % et de 25 %. En revanche, celle des échanges extérieurs qui vient en réduction a été de 11 %. La consommation finale a connu une hausse de 13.3 %. Cette évolution s explique aussi bien par la consommation finale publique (+19.5 %) que par la consommation finale privée (+11.4 %). La hausse importante de la consommation publique s explique par les effets des mesures sociales prises par les pouvoirs publics en 2013 notamment en termes de 26 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

28 revalorisation des salaires des travailleurs, la création d emplois temporaires correspondant à des travaux intensifs en main-d œuvre et la prise en charge de personnes vulnérables. L investissement tiré par la formation brute de capital fixe (FBCF) a connu une hausse de 12.7 % en Cette progression est imputable aux FBCF privé et publique qui enregistrent des hausses respectives de 11.9 % et 13.6 %. L accroissement de la FBCF publique tient aux grands projets d investissement en cours, notamment le projet de construction de l aéroport de Donsin, le projet du pôle de croissance de Bagré, les projets d infrastructures routière et énergétiques, etc. Burkina Faso En termes de perspectives pour les années 2014 et 2015, l économie burkinabé devrait demeurer dynamique avec la poursuite des investissements dans les infrastructures prévues dans le cadre de la SCADD. La croissance économique du PIB réel devrait demeurer soutenue à 7 % en 2014 et 6.3 % en L économie du pays reste toutefois exposée aux fluctuations défavorables des cours des matières premières comme le pétrole, l or et le coton. Les chocs climatiques demeureront également les principaux risques pour le maintien du rythme de croissance. Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire La politique budgétaire en 2013 a visé la poursuite des projets d investissement de la SCADD ainsi que la mise en œuvre de mesures sociales en vue de contribuer à l apaisement du climat social. Face à la fronde contre la mise en place d un Sénat et la vie chère, le gouvernement a adopté en septembre 2013 des mesures sociales. Ces mesures ont porté sur la revalorisation des salaires des travailleurs, la création d emplois temporaires par des travaux à haute intensité de main d œuvre, le renforcement des infrastructures universitaires et la prise en charge de personnes vulnérables. Le coût total de ces mesures s est élevé à près 65 milliards XOF. Ces dépenses additionnelles ont nécessité une révision du budget Les deux principaux secteurs dépensiers du budget de l État sur financement propre sont notamment l éducation de base et la santé. En 2013, les parts de budget de l État affectées à ces secteurs étaient respectivement de 16 % et 12.6 %. Globalement les pouvoirs publics ont veillé à la préservation des grands équilibres. Ainsi, les dépenses courantes en proportion du PIB, ont connu une légère hausse par rapport à la situation de Elles se sont établies à 14.8 % du PIB en 2013 contre 14.7 % en BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 27

29 Burkina Faso Les dépenses d investissement se sont établies à peu près au même niveau que l année précédente. En 2013, elles ont représenté 11.2 % du PIB contre 11.1 % en Le maintien du niveau des dépenses d investissement résulte de la mise en œuvre du projet de construction de l aéroport de Donsin, du projet du pôle de croissance de Bagré, des projets d infrastructures routières, électriques, etc. La faible progression s explique cependant par la capacité limitée d absorption liée notamment aux insuffisances rencontrées en matière de gestion des marchés publics (inefficacité dans la passation des marchés, faiblesses dans la gestion des contrats). Les recettes fiscales ont représenté 15.6 % du PIB en 2013, contre 15.8 % du PIB en Mais en valeur, elles ont enregistré une forte croissance de 15 %. Cette bonne performance est liée à la poursuite des mesures de recouvrement et de lutte contre la fraude, à l application de la TVA sur les importations des sociétés minières et celles ayant un contrat de plan avec l État. Les recettes fiscales se composent de 51 % des taxes sur les biens et les services et de 30 % des impôts sur les revenus et les bénéfices. La part des recettes tirées du secteur minier a représenté 2.4 % du PIB en Les dons sont également d un niveau significatif. Ils ont représenté 5.5 % du PIB en 2013, contre 4.9 % en Le déficit budgétaire global (base engagement, dons inclus) est demeuré à peu près au même niveau en pourcentage du PIB par rapport à la situation de En effet, il s est établi à 3.2 % du PIB en 2013 contre 3.1 % en Ce déficit est financé par des prêts concessionnels du FMI au titre du programme FEC, l utilisation des ressources de l emprunt obligataire sur le marché de l UEMOA de 2012 pour milliards XOF et le lancement de l emprunt obligataire en 2013 pour 24.3 milliards XOF. En termes de perspectives, le déficit budgétaire devrait augmenter en 2014 pour atteindre 3.6 % et 4.7 % en Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire Le Burkina Faso étant membre de l UEMOA, la politique monétaire est menée par la Banque centrale des États de l Afrique de l Ouest (BCEAO) dans le contexte d un régime de change fixe et elle a visé la stabilité des prix. En raison de la bonne campagne agricole de l année 2012, le contexte national de 2013 a été marqué par la stabilité du niveau général des prix. Par ailleurs, le gouvernement a aussi pris des mesures pour maintenir les prix du pétrole à la pompe, grâce à l allègement de la taxe sur les produits pétroliers (TPP). Le prix du gaz butane a certes connu une augmentation de près de 25 %, mais son impact est limité sur le niveau général des prix. Ainsi, l inflation s est établie à 2 % en 2013 contre 3.6 % en Pour 2014, sous l hypothèse d une bonne campagne agricole, le taux 28 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

30 d inflation des prix à la consommation devrait demeurer en dessous de la norme communautaire de l UEMOA, de 3 % maximum. En matière de politique de crédit, la Banque centrale a mis l accent sur une meilleure capitalisation des banques. Cependant les taux d intérêt sont toujours élevés, rendant les banques moins compétitives. Burkina Faso La situation monétaire montre une croissance soutenue de la masse monétaire. En 2013, cette masse monétaire a augmenté de 11.1 % tout comme l année précédente. Cette hausse résulte de l accroissement du crédit au secteur privé de 20.8 %. La tendance de l accroissement du crédit au secteur privé d au moins 20 % par an devrait se poursuivre au cours des années 2014 et Coopération économique, intégration régionale, et commerce Les échanges communautaires entre le Burkina Faso et les autres pays de l UEMOA et de la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO) sont encore faiblement développés et se limitent essentiellement aux produits agricoles et d élevage (bétails sur pied, fruits et légumes, etc.). La part du Burkina Faso dans les échanges intracommunautaires des pays de l UEMOA dans la valeur totale des échanges, a représenté 14.3 % en La majorité des échanges se fait avec l Asie et l Europe et le commerce à l exportation est dominé par l or dont la part dans les exportations totales a représenté 68 %. Cette situation fait que le pays est fortement exposé à la volatilité des cours sur le marché international. Globalement en 2013, les exportations ont connu une baisse de 8.8 % en valeur, en liaison avec la baisse des cours de l or sur le marché international. Leur part dans le PIB a aussi connu un léger recul en 2013 : elles ont représenté 25.9 % du PIB contre 26.0 % en Le déficit du compte courant de la balance des paiements ne s est toutefois pas détérioré. Il s est établi à 0.7 % du PIB en 2013 contre 0.8 % en En termes de perspectives pour les années 2014 et 2015, ce solde extérieur devrait se détériorer davantage pour s établir à un déficit de 1.5 % en 2014 avant d atteindre 1.4 % en Ce déficit sera financé par l aide publique au développement mais aussi par les investissements directs étrangers induits par les industries extractives. Dans le cadre des échanges commerciaux, la CEDEAO a adopté au Sommet des chefs d États du 25 octobre 2013, un tarif extérieur commun (TEC). L application de ce TEC est prévue pour janvier L adoption de ce TEC permettra d accélérer le processus de négociations d un Accord de partenariat économique (APE) régional avec l Union européenne (UE). Ce nouveau TEC remplace également le TEC de l UEMOA qui est actuellement en vigueur. Le TEC de l UEMOA prévoit quatre bandes tarifaires (0, 5, 10, et 20 %). La moyenne pour le Burkina Faso est inférieure à 16 %. Cependant, il subsiste quelques difficultés dans l application du TEC de l UEMOA. En effet, au Burkina Faso, 13 lignes tarifaires du TEC ont des taux de droit de douane non conformes aux taux de douane retenus dans le TEC de l UEMOA. Par ailleurs, il existe des autorisations préalables à l importation de certains produits (sucre, ciment, etc.). En outre, de nombreux obstacles non tarifaires existent. Il s agit notamment des tracasseries routières, des barrages illégaux et du problème d insécurité sur les routes. Pour faciliter les échanges commerciaux, des postes juxtaposés de contrôle ont été mis en place aux frontières avec le Ghana, le Togo et le Niger. Parmi ces trois postes, seul celui du Togo est actuellement fonctionnel. La mise en place du système de liaison virtuelle pour les opérations d importations et d exportations (SYLVIE) a contribué à accélérer les opérations de dédouanement en Toutefois son impact reste quasiment nul sur les indicateurs du rapport Doing Business. En effet, dans l édition 2014 du rapport de la Banque mondiale, Doing Business, le nombre de documents à l exportation et à l importation sont de 10 et 9 contre respectivement 8 et 9 pour l Afrique subsaharienne. Les coûts par conteneur à l export (2 455 USD) et à l import (4 030 USD) sont également élevés par rapport à la moyenne des pays au sud du Sahara qui se situent respectivement à USD et USD. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 29

31 Burkina Faso Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette En 2013, la dette extérieure du pays a représenté 71 % de la dette publique totale et le pays est classé dans la catégorie des pays à risque de surendettement «modéré» à long terme. La dette extérieure est assortie de conditions concessionnelles. Elle est composée à 83.3 % de dette multilatérale et de 16.7 % de dette bilatérale. Les indicateurs de la dette extérieure sont d un niveau relativement modéré. Toutefois, du fait de la baisse des exportations en 2013, le ratio valeur actualisée de la dette sur les exportations, a augmenté de 11 points. Il est ainsi passé de 50.1 % en 2012 à 61 % en La dette intérieure qui représente 29 % de la dette totale, est constituée quant à elle, de 68.2 % de bons et obligations du Trésor émis sur le marché régional, 17.8 % de dettes auprès des autres créanciers publics, 5.2 % auprès des banques commerciales et 8.8 % auprès de la Banque centrale. Les principales faiblesses du pays en matière de gestion de la dette, sont l absence d évaluation formelle des coûts et risques. D autres manques peuvent être également cités : la faiblesse en matière de capacités de gestion des risques opérationnels avec des lacunes en matière d archivage, de sécurisation des données ainsi que les insuffisances en matière de diffusion de l information sur les dettes contractées. Pour pallier ces insuffisances, le gouvernement a formulé une stratégie de gestion de la dette à moyen terme, dans le but est de renforcer les capacités de gestion et d analyser l impact des nouveaux emprunts et des risques auxquels le pays est confronté. Les principaux axes de cette stratégie à moyen terme sont notamment l optimisation des financements concessionnels, la préférence donnée aux emprunts en euros, la diversification des sources de financement et l engagement d une série d actions pouvant contribuer à une réduction du coût de financement en XOF par l amélioration du fonctionnement du marché primaire et le développement du marché secondaire. 30 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

32 % Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Burkina Faso Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé De façon générale, l environnement des affaires s est amélioré légèrement en 2013 mais des obstacles administratifs au développement du secteur privé demeurent. Le pays a maintenu globalement son rang dans l édition 2014 du rapport de la Banque mondiale, Doing Business, où il occupe la 154 e place. Toutefois, en matière de création d entreprises, le pays a perdu cinq places par rapport à son rang dans le rapport de L environnement fiscal est globalement satisfaisant. Le pays a gagné trois places dans le rapport Selon ce rapport, le taux total des impôts représente 43.9 % du profit des entreprises, ce qui peut paraître relativement raisonnable : ce niveau est en effet inférieur à la moyenne de 53.3 % établie pour les pays de l Afrique subsaharienne. Les délais pour payer l impôt sont longs (270 heures), mais restent globalement raisonnables comparativement à l Afrique subsaharienne où cela nécessite 319 heures. Cependant, le nombre de procédures reste élevé avec 45 contre 38 pour la l Afrique subsaharienne. Concernant la protection du droit des actionnaires, la situation du pays n a pas changé par rapport à celle du rapport 2013, où le pays occupait le 147 e rang. Ainsi, au niveau de l indice de facilité des poursuites par les actionnaires (qui croît de 0 à 10 avec au fur et à mesure que la réglementation permet une meilleure protection de l actionnaire), la situation du pays est restée stable avec 3.7 points, alors que la moyenne pour l Afrique subsaharienne est à 4.5 et celle pour les pays de l OCDE à 6. Secteur financier Au Burkina Faso, on note la présence de 12 banques et 5 établissements financiers dont l actif total représente 13.2 % des avoirs des banques de l UEMOA. Le système financier est globalement sain et liquide. Sur les 12 banques que compte le pays, 10 respectent le nouveau capital minimum pour les banques de l UEMOA qui était de 5 milliards XOF en L année 2013 n a donc pas BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 31

33 Burkina Faso connu d instabilité au niveau du système financier. Le secteur coton qui constitue le principal risque du système financier n a pas connu de choc en Malgré une meilleure capitalisation des banques, les taux d intérêt sont toujours élevés, rendant les banques moins compétitives. Par ailleurs, les ressources longues des banques sont assez limitées pour engager les banques dans les opérations de financement d investissement structurant de long terme. Le niveau du crédit au secteur privé s améliore certes, mais le coût et l accès restent une contrainte majeure au développement du secteur privé. En 2013, le crédit au secteur privé a connu une croissance de 20.7 %. Cette tendance devrait se poursuivre en 2014, pour porter la part du crédit au secteur privé à 26 % du PIB en 2014 contre 24 % en Pour pallier le faible développement du secteur financier, les pouvoirs publics ont poursuivi en 2013 la mise en œuvre de la stratégie de développement du secteur financier. Les autorités ont aussi axé leur effort sur le microcrédit afin d assurer un accès plus large aux services financiers. Elles ont ainsi mis en place notamment une structure technique qui assure le suivi de cette stratégie pour une meilleure régulation du secteur et un plan d actions pour la promotion de la microfinance. Cependant, la réforme du secteur financier postal reste particulièrement lente. Gestion du secteur public, institutions et réformes La situation du Burkina Faso en 2013 en matière de règlement des litiges commerciaux, n a globalement pas changé par rapport à l année Au niveau institutionnel, les mécanismes de protection des droits à la propriété et d application des dispositions contractuelles existent, mais ils sont encore globalement inefficients, en raison notamment des lenteurs à rendre les verdicts et la faible qualification des juges en droit des affaires. Le recours aux tribunaux peut se révéler coûteux, mais les décisions rendues par les autorités judiciaires sont disponibles au grand public. Dans l édition 2014 du rapport de la Banque mondiale, Doing Business, le rang du pays s est légèrement dégradé de trois places par rapport à celui de Le coût pour recouvrer les créances reste encore élevé, 81.7 % des créances contre 51.1 % pour la moyenne des pays en Afrique subsaharienne. En matière de gouvernance, de façon générale la qualité des prestations de services dans certains secteurs comme la santé et l éducation reste une grande préoccupation, malgré des parts importantes de budget de l État affectées à ces secteurs. Pour pallier cette faiblesse, l Autorité supérieure de contrôle de l État (ASCE) a réalisé des audits des risques, afin d aider au renforcement des structures organisationnelles ainsi que pour déceler les dysfonctionnements et opérer les ajustements nécessaires. Selon son rapport public de 2012 publié en décembre 2013, la mise en œuvre de l approche d audit basé sur les risques a concerné cinq ministères (l économie et les finances, l administration territoriale, la décentralisation et de la sécurité, la fonction publique, le travail et la sécurité sociale, les ressources animales et l environnement et le développement durable). Dans le domaine de la lutte contre la corruption, le pays a fait des progrès selon le dernier rapport de Transparency International, où il est classé à la 80 e place en 2012 contre la 100 e place en 2011, avec un score de 38 sur 100. Ce résultat traduit une certaine amélioration en termes de perception de l ampleur de la corruption. Avec l indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique de 2013, le Burkina Faso occupe la 23 e place sur les 52 pays. Son score s est amélioré de 1.2 point par rapport à En matière de décentralisation, le pays dispose de 351 communes, dont 49 communes urbaines et 302 communes rurales. Toutefois, le budget transféré en 2013, ne représentait que 5.17 % du budget total de l État. Le principal défi donc en matière de décentralisation, reste le transfert effectif des ressources aux communes pour l exercice des compétences transférées ou à leur transférer. 32 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

34 Gestion des ressources naturelles et de l environnement De façon générale, les capacités d adaptation aux changements climatiques méritent d être renforcées au plan institutionnel. Burkina Faso Bien que la situation sur les activités assujetties à l évaluation environnementale ne soit pas toujours disponible, avec la nécessité d adaptation au changement climatique en vue de renforcer la résilience des populations, le gouvernement a formulé un Plan national d investissement dans le secteur de l environnement et du développement durable (PNIEDD) en Ce plan d investissement, qui est une partie intégrante du Programme national du secteur rural (PNSR), est devenu le cadre de référence pour l ensemble des acteurs intervenants dans le secteur de l environnement et du développement durable. Ce plan d investissement est complété par le Plan d action national d adaptation (PANA) et par une stratégie de gestion durable des terres, adoptée en Les capacités humaines, institutionnelles et financières minimales sont en place avec la création d un ministère de l Environnement et du Développement durable. En matière d évaluation d impact sur l environnement, le gouvernement a institué la prise en compte du volet environnement dans toutes les stratégies sectorielles. Des structures de veille et de respect des normes par rapport aux mesures de sauvegarde environnementale et sociale - telles que le Conseil national pour l environnement et le développement durable et le Bureau national des évaluations environnementales constituent les cadres institutionnels de référence pour toutes les stratégies et politiques sectorielles, assurant la conformité de toutes les interventions en matière d impact environnemental. Le principal défi reste le renforcement des capacités d adaptation aux changements climatiques. En matière de gestion des ressources naturelles, le pays a atteint en 2012, le statut de pays conforme à l Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). En 2013, les pouvoirs publics ont révisé le code minier afin de permettre une meilleure prise en charge des questions environnementales et sociales par les acteurs du secteur minier. Mais ce nouveau code n est pas encore adopté par le Parlement. La question de la bonne gestion des revenus du secteur minier dans l optique de favoriser la diversification économique et d assurer une croissance plus inclusive, reste une préoccupation. Contexte politique Au niveau politique, le climat social est resté tendu en 2013 à cause de la cherté de la vie et du fait de la volonté politique des autorités en place de réviser la Constitution du pays pour permettre au Président Blaise Compaoré de briguer un 5 e mandat. Les dernières élections couplées (législatives et municipales) de décembre 2012 s étaient déroulées sans heurts majeurs et l on s attendait à une normalisation du climat socio-politique en 2013, après la grave crise sociale de Cela n a pas été le cas : l adoption en mai 2013 d une loi pour la mise en place d un Sénat a été suivie de vives tensions marquées par des marches de protestation, organisées par certains partis politiques de l opposition et des associations et mouvements de la société civile. Pour apaiser le climat social, le gouvernement a ralenti le processus de mise en place du Sénat, et a pris en septembre 2013 des mesures sociales pour faire face à la vie chère. Ces mesures portent sur la revalorisation des salaires des travailleurs, des mesures de création d emplois et de prise en charge de personnes vulnérables. Toutefois, les pouvoirs publics entendent procéder à la mise en place effective du Sénat et à la révision de l article 37 de la Constitution sur la limitation du nombre de mandats. La perspective de la prochaine élection présidentielle de 2015 constitue donc une forte zone à risque pour le pays. Le principal défi au plan politique sera de réussir une transition apaisée en BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 33

35 Burkina Faso D une manière générale, les libertés d expressions sont garanties. Les arrestations arbitraires sont rares. La liberté de presse existe et les médias privés condamnent publiquement les comportements contraires à l éthique. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Au Burkina Faso, face à la forte croissance démographique (3.1 % par an), les progrès accomplis au niveau des OMD sont restés encore insuffisants pour atteindre les cibles en Au niveau de l éducation, les pouvoirs publics ont poursuivi la mise en œuvre du nouveau programme, le Programme de développement stratégique de l éducation de base (PDSEB). Ainsi, en 2013, la part du budget de l État accordé à l éducation de base a atteint 16 % en Les efforts déployés ont porté sur l accroissement de l offre éducative de base par la réalisation et l achèvement de infrastructures éducatives (complexes ruraux, salles de classe), la production et distribution de 4 millions de manuels ainsi que le renforcement de la formation initiale des enseignants. Par ailleurs, les autorités ont poursuivi la mise en œuvre des politiques de renforcement du niveau de l enseignement technique et professionnel. En effet, par rapport à l objectif de moderniser et de structurer la formation professionnelle et l apprentissage, le gouvernement a mis en place un dispositif national de certification et d élaboration des référentiels. Ces efforts ont permis d obtenir un accroissement du taux brut de scolarisation qui est passé de 79.6 % en 2012 à % en Le taux d achèvement du primaire s est également amélioré, passant de 55.1 % en 2012 à 59.5 % en Le principal défi du système éducatif burkinabé demeure l amélioration de sa qualité, mais aussi le développement des autres maillons notamment l enseignement technique et professionnel et l enseignement supérieur. En matière de santé, le gouvernement a aussi poursuivi la mise en œuvre du programme national de développement sanitaire (PNDS) et du programme national de nutrition. La part du budget de l État consacré au secteur bien qu encore insuffisant, reste élevée (12.6 % en 2013 contre 12.5 % en 2012). Les principales actions mises en œuvre ont porté sur l amélioration des prestations des services de santé, le développement des ressources humaines pour la santé, la promotion de la santé et la lutte contre la maladie, le développement des infrastructures, des équipements et des produits de santé. Ces actions ont visé particulièrement la planification familiale, la santé maternelle et les soins obstétricaux d urgence. Le maillon faible en matière de santé demeure toujours la prévalence de l insuffisance pondérale chez les enfants de moins de 5 ans qui est encore élevée. Le taux d insuffisance pondérale chez les enfants de moins de 5 ans devrait atteindre 23.5 % en 2013 contre 24.4 % en Selon l enquête démographique de santé de 2006, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans était de 142 pour mille tandis que le taux de mortalité maternelle pour naissances vivantes atteignait 307 femmes. En revanche, le taux de prévalence de l infection au VIH/sida (Virus de l immunodéficience humaine/syndrome d immunodéficience acquise) a fortement baissé. Il était de 1.3 % en En 2013, les pouvoirs publics ont poursuivi la mise en place du système d assurance maladie universelle qui devra permettre la transition du système de santé du pays vers un système universel fondé sur l accessibilité des soins de santé à toute la population. Cependant, ce système n est pas encore fonctionnel. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Le Burkina Faso est caractérisé par une population jeune à croissance rapide, majoritairement rurale et occupant des emplois qui ont une faible productivité ou qui génèrent peu de revenus. Sept Burkinabé sur dix ont moins de 30 ans. Le nombre de jeunes (15-24 ans), primo demandeurs d emplois, doublera entre 2010 et 2030, passant de 3 à 6 millions, ce qui devrait créer une tension 34 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

36 sur le marché du travail. La population active est essentiellement rurale et non qualifiée. Environ 80 % des travailleurs dépendent de la production agricole ; seuls 5 % des travailleurs sont salariés dans le secteur formel (public ou privé) et les femmes en représentent 15 %. Pour répondre au défi de l emploi des jeunes, le gouvernement a mis en place, depuis novembre 2011, un programme spécial de création d emplois (PSCE) visant à réduire le chômage et le sous-emploi des jeunes et des femmes. Le coût total annuel de ce programme est de 11 milliards XOF et devrait générer au moins emplois par an. Par ailleurs, la Banque africaine de développement (BAfD) appuie le pays à travers l Initiative conjointe pour l emploi des jeunes en Afrique (ICEJA), un partenariat entre la Commission de l Union africaine (UA), la BAfD, la Commission économique des Nations Unies pour l Afrique (CEA) et l Organisation internationale du travail (OIT). Cette initiative a aidé le pays à élaborer une cartographie et un diagnostic de l emploi des jeunes dans le pays, c est-àdire à identifier l ensemble des problèmes structurels et conjoncturels auxquels les jeunes font face dans leur quête d emploi, et à proposer un plan d action pertinent sur la base de ce diagnostic préalable, avec comme objectif de rendre la croissance plus inclusive. Burkina Faso En matière de promotion et de protection sociale, les pouvoirs publics ont mis en place un Secrétariat permanent en charge de la coordination de la mise œuvre de la stratégie de protection sociale adopté en Les actions en cours en 2013, dans le cadre de la stratégie de promotion et de protection sociale, ont initié les mesures de renforcement des filets de protection sociale suite aux différents mouvements de protestation de la société enregistrés au cours de l année. Il s agit notamment de l appui alimentaire aux ménages pauvres qui devrait couvrir les besoins de personnes. Il a aussi apporté un appui pour la prise en charge et la scolarisation de orphelins et enfants vulnérables, un soutien au métier et à la prise en charge sanitaire de handicapés et enfin un soutien à personnes âgées. Malgré les efforts en faveur des groupes vulnérables depuis une décennie, la pauvreté reste persistante. Les informations récentes sur l incidence de la pauvreté datent de Ces données indiquent que la pauvreté baisse mais très lentement. Entre 2003 et 2010, le taux global de l incidence de la pauvreté a baissé de 2.5 points. En milieu rural, le taux de pauvreté a baissé de 1.6 points au cours de la période. Égalité hommes-femmes En matière de genre, la principale faiblesse du pays réside encore dans la discrimination en matière d accès à l éducation et à l emploi. Toutefois, des efforts importants ont été menés ces dernières années au niveau de l éducation de base où le rapport fille-garçon pourrait atteindre l unité à l horizon En 2013, les pouvoirs publics ont poursuivi la mise en œuvre de la politique nationale du genre adopté en Cette politique nationale du genre s articule autour de cinq composantes dont notamment la promotion d une culture de l égalité entre les sexes dans la société burkinabé, la promotion de l égalité d accès et de contrôle des hommes et des femmes aux ressources et la promotion de l institutionnalisation et de l intégration du genre à tous les niveaux de développement. Les principales actions menées ont porté notamment sur la poursuite de la subvention des accouchements et des soins obstétricaux et néonatals d urgence, la subvention des contraceptifs, la gratuité des soins préventifs au cours de la grossesse et la mise en œuvre de mesures visant la promotion de l éducation des filles. Les effets de ces mesures mises en œuvre par le gouvernement ont permis, s agissant de l éducation, d améliorer la scolarisation des filles dans le primaire. Le taux brut de scolarisation des filles a ainsi atteint 81 % en 2013 à comparer au taux global (filles et garçons) de 81.3 % en Le taux d achèvement du primaire par les filles est très légèrement plus élevé que le taux global : 59.7 % contre 59.5 %. Dans le domaine de la santé, le taux d accouchement assisté par du personnel qualifié devrait atteindre % en 2013 contre 79.9 % en 2012, tandis que les taux de couverture vaccinale par antigène (BCG, DTC-Hep-Hb3, rougeole, fièvre jaune) sont d environ 100 %. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 35

37 Burkina Faso Pour assurer une meilleure représentativité des femmes dans les instances de décision, les pouvoirs publics ont adopté en 2009, une loi fixant le quota pour les candidatures féminines à au moins 30 % pour les élections législatives et municipales. Cette loi a été mise en application avec les élections parlementaire et communales de décembre 2012, mais son impact sur la représentativité a été limité. Selon l index 2013 sur le genre, il existe de fortes disparités en matière de représentativité des femmes dans les sphères de décision. Les femmes au Parlement représentent 19 % et les femmes occupant les positions ministérielles ne sont que 14 %. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique Le Burkina Faso participe encore faiblement aux chaînes de valeur mondiales. Pendant des décennies, sa participation aux chaînes de valeur mondiales était essentiellement concentrée sur le secteur agricole avec notamment le coton comme principal produit. Depuis 2000, la situation du pays a beaucoup évolué, avec l entrée en force des industries extractives notamment pour l or dont la production a atteint 42.8 tonnes en 2013 contre 1 tonne en L or est ainsi devenu le premier produit d exportation. Sa part dans les exportations a représenté 72 % en Dans le secteur agricole, indépendamment du coton dont les exportations de coton égrainé ont atteint tonnes en 2013, on assiste également à l émergence de nouveaux produits notamment le sésame et l anacarde. Cependant, les activités de chaînes de valeur au niveau de ces secteurs sont limitées à la recherche et développement et à la production et l extraction. Les opportunités pour renforcer le positionnement du pays au sein de la chaîne de valeur sont nombreuses notamment au niveau du secteur agricole et au niveau de l industrie manufacturière. D abord, figurent des opportunités offertes par l intégration régionale notamment avec le vaste ensemble de la CEDEAO. Le pays dispose aussi d une relative stabilité du cadre règlementaire. Par ailleurs, le coût de la main-d œuvre est relativement bon marché. Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) en vigueur est fixé à XOF par mois soit moins de 50 EUR. Ce niveau est largement inférieur à ce qui est offert par la majorité des entreprises à capitaux étrangers. De ce fait, le pays dispose d atouts pour le développement d autres segments au niveau du secteur agricole, notamment l oignon pour la chaîne de valeur régionale. Dans les années 1980, la production d haricots verts s était insérée dans la chaîne de valeur mondiale. Mais la faiblesse des infrastructures de transport et de conditionnement ainsi que la faible innovation au niveau des producteurs afin de s adapter aux exigences du marché, ont entrainé le déclin de la filière. Le pays dispose également d atouts au niveau du traitement de la production en produits de plus grande valeur mais aussi pour le développement des segments pour la vente et la distribution notamment au niveau de la transformation des amendes de karité, de la noix de cajou et le séchage des mangues. Le pays dispose également d un potentiel important au niveau de la chaîne de valeur du sésame et du niébé. Pour mieux tirer profit de la chaîne de valeur au niveau des activités extractives, le pays pourrait mettre davantage l accent sur les niches au niveau de la fourniture locale (produits d agricultures, d élevages, etc.). Dans cette perspective, le gouvernement entend développer à partir de 2014, un pôle de croissance minier basé sur la fourniture locale. Au niveau des services, il existe aussi des opportunités dans le domaine de la banque et de la finance. Les segments à développer sont notamment les activités de capital risque, de fonds de garantie, de leasing et autres lignes de services facilitant les investissements structurants. Le domaine du tourisme et de l hôtellerie présente aussi des opportunités. Cependant, il reste à développer les infrastructures et faire la promotion des sites touristiques et du transport interne. Les obstacles qui freinent une grande participation du Burkina Faso aux chaines de valeur mondiales sont notamment l accès aux infrastructures transnationales, l accès et la fiabilité de l énergie ainsi que la disponibilité d une main-d œuvre qualifiée. Le faible développement des 36 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

38 infrastructures de transport (routes et chemin fer) dans un contexte d enclavement du pays (environ km des côtes les plus proches la Côte d Ivoire, le Togo et le Ghana), est l un des principaux obstacles qui freinent la participation du pays aux chaînes de valeur mondiales. Il est à l origine d un renchérissement du coût d approvisionnement du pays en biens d équipement et pèse lourdement sur la compétitivité des exportations. Burkina Faso L accès et la fiabilité de l énergie constituent également un sérieux handicap pour la participation du pays aux chaînes de valeur mondiales. En plus de son coût qui est le plus élevé de la zone UEMOA (118 XOF/kWh contre 56 XOF/kWh pour le Bénin et 53 XOF/kWh pour le Niger), l insuffisance de l offre avec des délestages récurrents et de longue durée, affecte sérieusement les activités économiques. Le taux actuel d électrification des ménages au Burkina Faso est estimé à 13.9 %. Enfin, la faible disponibilité d une main-d œuvre qualifiée dans les domaines technique et professionnel constitue aussi une contrainte majeure. Au Burkina Faso, il n existe pas de stratégie spécifique pour relever le défi d une grande participation aux chaînes de valeur mondiales. Cependant, au niveau national, la SCADD contribue à la réalisation de cet objectif, notamment au niveau de son axe 1 «développement des piliers de croissance accélérée». À cet effet, des actions qui contribuent au renforcement de la participation aux chaînes de valeur, sont dispersées dans différentes stratégies et politiques sectorielles telles que la politique sectorielle de l industrie, du commerce et de l artisanat et le PNSR. Pour améliorer la participation du pays aux chaines de valeur mondiales, les différentes actions méritent d être mises en cohérence dans le cadre d une stratégie spécifique qui cible le développement des chaînes de valeur du pays. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 37

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40 CABO VERDE 2014 Adalbert Nshimyumuremyi / a.nshimyumuremyi@afdb.org Heloisa Marone / heloisa.marone@cv.jo.un.org

41 Cabo Verde Cabo Verde La croissance économique ralentit depuis plusieurs années, et le Cabo Verde s est révélé moins résilient face à la crise de la zone euro qu on ne le pensait précédemment. Afin de réduire le déficit budgétaire et d endiguer la tendance à un fort endettement, les pouvoirs publics ne s attachent plus à accélérer l accumulation de capital, mais à améliorer la qualité et l efficience des infrastructures publiques. Même si le Cabo Verde est en bonne voie pour atteindre la plupart des cibles des OMD, des difficultés significatives demeurent concernant le taux de chômage élevé et les inégalités persistantes. Vue d ensemble Depuis 2012, l économie caboverdienne pâtit de la mauvaise conjoncture internationale. La croissance du PIB s est tassée, passant de 4 % en 2011 à 2.5 % en 2012 et à 1 % en Les indicateurs du moral des entreprises et des ménages se sont dégradés. Dans la balance des paiements, les flux d investissement direct étranger (IDE) restent sur une trajectoire descendante. La demande du secteur public continue de soutenir l économie. Si la reprise de la zone euro, principal partenaire commercial du Cabo Verde, se confirme, la croissance devrait se maintenir aux alentours de 3.1 % en Toutefois, si le ralentissement enregistré par les recettes du tourisme persiste, le principal moteur de croissance du pays pourrait caler. L État devant emprunter de plus en plus afin de financer des investissements majeurs dans l infrastructure, le total de la dette publique, en valeur nominale, est passé de 69 % du produit intérieur brut (PIB) en 2009 à 93 %, selon les estimations, en En 2014, les autorités se focaliseront sur l assainissement budgétaire à moyen terme, afin de reconstituer les volants de sécurité et d atténuer les risques liés à la dette, mais un certain assouplissement monétaire et budgétaire pourrait être envisagé temporairement suivant le cycle économique, si des faiblesses persistent. Dans ce contexte, il sera crucial d accélérer les réformes de l environnement d affaires afin d améliorer la compétitivité, en particulier sur le marché du travail. Parallèlement, il faudra améliorer le rendement des investissements massifs dans l infrastructure en renforçant la gestion du stock d investissements publics. Dans le secteur financier, l activité de crédit pourrait rester limitée, car les banques sont devenues de plus en plus prudentes face au niveau élevé de prêts improductifs et à la nécessité de constituer des provisions, ce qui limite le potentiel de croissance. L étroite base de production du Cabo Verde s inscrit dans les chaînes de valeur mondiales essentiellement dans le secteur des services, notamment, le tourisme, et la main-d œuvre. Le tourisme, devenu un moteur important de l économie caboverdienne après 2005, est le secteur le plus engagé dans les chaînes de valeur mondiales. La vaste diaspora relie le pays aux chaînes de valeur mondiales par l intermédiaire de la main-d œuvre. Les exportations de produits de la mer, essentiellement en conserve ou surgelés, permettent également au pays d être présent dans des chaînes de valeur à l étranger, même si l impact sur le PIB est très modeste. Pour l avenir, le Cabo Verde recherche des stratégies à même de le positionner à des échelons plus élevés des chaînes de valeur mondiales en favorisant de nouvelles exportations de biens et services et en étoffant les exportations existantes, notamment autour de l économie créative. 40 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

42 % 12 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) Cabo Verde (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Afin d atténuer l impact de la crise financière internationale de 2008 et de la crise de la dette publique dans la zone euro, le Cabo Verde a adopté des mesures budgétaires contracycliques en 2010, qui ont surtout revêtu la forme d une augmentation des dépenses d investissement, d où un rétablissement de la croissance du PIB réel, passée de -1.3 % en 2009 à 4 % en Toutefois, depuis 2012, l économie souffre de nouveau de la conjoncture internationale difficile. La croissance du tourisme a ralenti, quand, dans le même temps, les envois de fonds des travailleurs expatriés et l investissement direct étranger (IDE) se sont repliés. Parallèlement, les importations de biens de consommation et d équipement ont reculé. In fine, la croissance du PIB a ralenti à environ 2.5 % en 2012 et 1 % en Faute de ressources naturelles et de possibilités d économies d échelle sur lesquelles pourrait reposer une base manufacturière d importance, l économie se concentre sur les services. En 2012, le secteur tertiaire représentait environ 70 % du PIB ; il était dominé par le tourisme, et essentiellement tiré par l IDE. Le Cabo Verde a réussi à développer un secteur du tourisme affichant une croissance parmi les plus vives au monde, si bien qu il est devenu sa principale source de croissance et de devises. Alimentées par une forte demande extérieure, les recettes touristiques à l exportation sont passées de 40 millions de dollars des États-Unis (USD) en 2000 à 360 millions USD en 2012 (soit une croissance annuelle de 19 %), et la part du tourisme dans le total des exportations a progressé de 21 % en 1999 à 45 % en Le tourisme et ses activités connexes représentent actuellement 30 % du PIB, et le secteur des services, pris dans son ensemble, ressort à 70 % du PIB et à plus de 90 % des exportations. Cependant, le tourisme n a guère contribué à la BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 41

43 Cabo Verde création d emplois, et n a pas non plus soutenu l expansion d autres secteurs, hormis le bâtiment et les travaux publics (BTP, 12.1 % du PIB), grâce à la construction d immeubles et complexes touristiques détenus par des capitaux étrangers et qui proposent des formules «tout compris». Les recettes d exportation du tourisme se tassent en 2013, bien que le taux d occupation ait progressé, soulignant une pression concurrentielle sur les prix dans le secteur de croissance le plus important du Cabo Verde. L élaboration actuelle de la stratégie pour le secteur du tourisme offre une véritable opportunité de rendre le tourisme plus vert, d en pérenniser l activité, d accroître ses recettes, d améliorer les retombées pour la population locale et de préserver le capital naturel sur lequel s appuie ce secteur. Des réformes structurelles, telles que la réorganisation de la production locale de biens et services, la création d une certification de qualité pour les produits locaux et des améliorations dans les systèmes de transport inter-îles, sont nécessaires pour que le dynamisme du tourisme se traduise par des bienfaits économiques plus vastes. Le secteur primaire revêt une importance particulière pour les Caboverdiens, puisqu il emploie un tiers de la population du pays, et la majorité des pauvres. Pourtant, ce secteur n a enregistré qu une croissance modeste, et sa part globale dans le PIB a décliné : l agriculture et la pêche sont passées de 10 % du PIB dans les années 90 à 9 % à la fin des années L agriculture reste dominée par les activités de subsistance, car les conditions arides et la topographie montagneuse empêchent toute agriculture commerciale. Les stocks halieutiques sont essentiellement exploités par des navires espagnols, portugais et français. Les coûts de transport élevés vers les centres de consommation intérieurs brident les activités de pêche artisanale, et en l absence de certification, les petits opérateurs ne peuvent pas exporter de poisson ni même en vendre aux grands hôtels sur les îles touristiques. Le secteur industriel, qui représente 8 % du PIB, n est guère développé, car, la population du Cabo Verde étant peu nombreuse et dispersée, il n est guère possible, pour la plupart des activités industrielles, d atteindre l échelle d efficience minimum. Ce secteur est fortement concentré sur les activités de transformation de la pêche orientées vers l exportation. Globalement, la position extérieure du pays s est améliorée en 2013 (voir tableau 4). À la suite des mesures de resserrement monétaire de 2011 et du tassement de la demande de produits de consommation et des activités de BTP, les importations se sont contractées en 2013, tandis que les exportations aussi bien de marchandises que de services ont affiché de bons résultats. Les fonds apportés par les donneurs continuent de se contracter, et les envois de fonds par des travailleurs expatriés ne cessent de ralentir. Le compte des opérations financières s est affaibli en 2012 et 2013, surtout sous l effet du repli de l IDE et des emprunts extérieurs. In fine, les réserves internationales se sont étoffées, passant de 3.2 mois de couverture des importations en 2011 à 4.3 mois en Les perspectives pour 2014 sont incertaines et dépendront de la reprise dans la zone euro, qui est à la fois le plus grand partenaire commercial du Cabo Verde et son principal pourvoyeur de touristes. Les risques continuant de s amenuiser, la croissance devrait avoisiner 3.1 % en La demande publique restera le principal moteur de la croissance. On observe également des signes encourageants sur le front de l IDE. De nouveaux engagements d IDE, pour un total de 600 millions EUR, ont commencé de se concrétiser et devraient s accélérer en Par ailleurs, l activité de crédit devrait rester limitée, car les banques sont devenues de plus en plus prudentes face aux niveaux élevés des prêts non productifs et à la nécessité de constituer des provisions, ce qui restreint le potentiel de croissance. Le Cabo Verde en est aujourd hui à un point crucial de son développement : il doit relever le défi consistant à développer un modèle de croissance durable, en évitant d être tributaire d un secteur des services concentré sur le tourisme et en se tournant vers une base de production plus diversifiée. Il lui faudra, pour cela, repenser sa stratégie de financement du développement en stimulant le secteur privé et en accélérant la mise en œuvre du programme de transformation visant à diversifier l économie 2, à la rendre plus résiliente face aux problèmes climatiques et à 42 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

44 accentuer son intégration régionale dans la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO). Le troisième document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSCRP III), portant sur la période et adopté en avril 2013, reflète la priorité accordée aux questions structurelles. Il est aligné sur la vision nationale pour le développement à long terme, qui entend faire du Cabo Verde une économie émergente exploitant sa situation géostratégique pour devenir une plate-forme internationale pour les services à forte valeur ajoutée et élargir sa base de production. Cabo Verde Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire La situation budgétaire du Cabo Verde reste très précaire. En 2012, le déficit budgétaire s est révélé plus important que prévu en raison d un déficit de recettes et d un taux d exécution plus élevé de l investissement public. Les recettes fiscales ont diminué, car la taxe sur la valeur ajoutée, l impôt sur le revenu et les taxes sur les échanges internationaux se sont vivement repliés. Les dons aussi ont fortement chuté. S agissant des dépenses, les taux d exécution de l investissement public financé par l extérieur ont été plus élevés qu anticipé, certaines des dépenses planifiées pour 2013 s étant concrétisées dès le dernier trimestre En outre, les médiocres performances de grandes entreprises d État, telles qu Electra et TACV, se sont répercutées sur leur capitalisation (qui équivaut à 0.7 % du PIB), d où des pressions supplémentaires sur la situation budgétaire de l État. En conséquence, en 2012, le déficit budgétaire s est creusé à 9.8 % du PIB et la dette publique est montée à 86 % du PIB. Les inefficiences de certaines entreprises d État demeurent une charge majeure pour le budget et un risque éventuel pour l État. Pour la première fois, le budget 2013 a été élaboré suivant une approche programmatique. L introduction de cette méthode représente une nette amélioration de la qualité de la gestion du budget et permettra d établir des liens directs entre la planification à court et moyen terme, c est-à-dire entre le DSCRP, le cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) et le budget annuel de l État. Cette nouvelle méthodologie constitue une étape décisive vers l introduction d un cadre de gestion axé sur les résultats. De nouvelles classifications budgétaires ont également été introduites, et la mise en œuvre de ces classifications fonctionnelles, en coordination avec les classifications programmatiques, devrait atténuer certaines difficultés chroniques relevées par le passé concernant le reporting. L exécution du budget 2013 a été bien gérée. Le déficit budgétaire a atteint 7.3 % du PIB, soit 0.6 point de pourcentage en dessous du niveau initialement prévu. Toutefois, les prévisions de BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 43

45 Cabo Verde recettes étaient par trop optimistes : les recettes sont ressorties 3.6 points en dessous du niveau initialement budgété. L État a réagi en comprimant les dépenses de personnel et les acquisitions de biens et de services, et a également revu l investissement public à la baisse de 2.3 points de pourcentage, en proportion du PIB. Globalement, l investissement public de l administration centrale commence à se tasser, tombant de 10.4 % du PIB en 2012 à 8.5 % en 2013 et à 8 % dans le budget Les pouvoirs publics se concentrent non plus sur l accumulation de capital, mais sur l amélioration de la qualité et de l efficience de l infrastructure publique. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire La politique monétaire est bridée par la nécessité de maintenir l arrimage entre l escudo du Cabo Verde (CVE) et l euro 3. Depuis 2011, des mesures de durcissement, notamment un relèvement du taux directeur de 150 points de base et une augmentation de 2 points de pourcentage des exigences minimales de fonds propres, ont été introduites dans le but d endiguer l inflation et de stabiliser les réserves de change. Ces dernières se sont redressées, passant de 3.2 mois d importations en décembre 2011 à 4.3 mois en janvier Sous l effet du ralentissement économique, de la hausse modeste des prix des produits de base à l international et du resserrement monétaire adopté par la banque centrale du Cabo Verde (Banco de Cabo Verde BCV), l inflation non corrigée a reculé à 2.5 % en 2012, contre 4.5 % en Néanmoins, les hausses des cours internationaux des produits de base durant le dernier trimestre 2012 ont exercé des tensions sur l inflation. L inflation des prix des denrées alimentaires est ressortie, en moyenne, à 2.6 %, passant à 5.6 % à la fin de 2012, et l inflation des prix de l énergie et de l eau a été particulièrement forte, s établissant en moyenne à 5.5 % en Avec le fléchissement de l activité économique, l inflation hors énergie et alimentation est tombée à 2 % en septembre 2013, avec une inflation non corrigée n y étant que légèrement supérieure, à 2.5 %. Une perspective inflationniste relativement modérée est attendue pour Dans un environnement où les tensions inflationnistes sont faibles et où les réserves de change se redressent, depuis mai 2013, la Banque centrale commence prudemment à assouplir sa politique monétaire, en abaissant notamment le taux d intérêt auquel elle rémunère les dépôts des banques commerciales (le taux d absorption des liquidités) de 3.3 à 1.0 % en septembre Toutefois, face à des niveaux élevés de prêts improductifs, elle a maintenu le ratio de fonds propres obligatoire, instrument clé de la politique monétaire au Cabo Verde, inchangé, et a conseillé aux banques de constituer des provisions (et en particulier de suspendre les versements de dividendes aux actionnaires). Le taux de change étant fixe, la politique monétaire est réactive, et la Banque centrale évalue les options envisageables pour poursuivre l assouplissement monétaire, qui dépend du degré d expansionnisme de la politique monétaire. 44 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

46 Coopération économique, intégration régionale et commerce Depuis 2007, le Cabo Verde est signataire d un accord de partenariat spécial (APS) avec l Union européenne (UE), pour la promotion de la coopération dans le commerce et l investissement. Le pays s efforce de diversifier ses partenaires économiques, surtout s agissant de l IDE et du tourisme, en renforçant sa coopération avec les pays d Europe, mais aussi d autres régions, comme avec certains pays d Afrique de l Ouest. Bien qu il soit membre de la CEDEAO, ses relations commerciales avec cette sous-région restent ténues. Le Cabo Verde essaie de développer son secteur pharmaceutique sur les marchés de l Angola, de São Tomé-et-Príncipe, de la Guinée- Bissau et du Libéria. Il cherche également à resserrer ses liens avec les États-Unis d Amérique, surtout à travers sa diaspora, source d échanges et d investissements. Le Cabo Verde a adhéré à l Organisation mondiale du commerce (OMC) en Il est par ailleurs éligible à la loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique (AGOA), mais l impact de celle-ci en termes d exportations aux États-Unis est insignifiant. Le pays a conclu un accord de pêche avec le Japon et l UE, et il a commencé à développer une coopération bilatérale avec la Chine, le Brésil, l Inde et quelques pays d Afrique, comme l Angola et le Mozambique. Cabo Verde L impact de tous ces accords sur ses exportations se révèle cependant marginal, ce qui est imputable à l infrastructure limitée du pays et à son secteur industriel restreint. Le pays importe environ 80 à 90 % de ses denrées alimentaires, selon les estimations. En effet, en 2012, les denrées alimentaires, transformées ou non, représentaient environ un quart du panier d importations, les combustibles en constituant 14 % supplémentaires. Cette forte dépendance vis-à-vis de la production étrangère de denrées et d autres marchandises explique le déficit commercial structurel du pays. Pourtant, ce déficit s est réduit à % du PIB en 2013, contre % en Les produits halieutiques, tels que les poissons et fruits de mer en conserve ou surgelés, représentent plus de 90 % des exportations de marchandises. L Europe reste le principal partenaire commercial du pays, à l origine de 80 % des importations et destinataire de plus de 90 % des exportations caboverdiennes. Un équilibre fin s opère entre le tourisme et le reste des comptes de la balance des paiements : si le tourisme induit des entrées de fonds dans le pays, il accroît également la demande de denrées alimentaires et d énergie, qui sont importés. Ainsi, en 2012, le volume d entrées de fonds liées au tourisme correspondait à 1.15 fois le volume total d aliments et d énergie importés. Le taux de change, arrimé à l euro, a eu peu d effet sur le solde commercial. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette Les chiffres de la dette publique augmentent rapidement depuis quelques années, essentiellement sous l effet d un programme d investissement public ambitieux. Le total nominal de la dette publique est passé de 69 % du PIB en 2009 à 86.0 % (estimations) en La dette extérieure, qui représentait 87.4 % du PIB en 2012, est majoritairement assortie de conditions préférentielles. Essentiellement contractée auprès du secteur non bancaire, la dette intérieure représente 21.5 % du PIB. La dette publique se monte à 93 % du PIB en Les chiffres de la dette publique publiés dans le Rapport des services du Fonds monétaire international (FMI) concernant les consultations de mars 2013 au titre de l article IV ont été révisés à la baisse, car ils étaient BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 45

47 Cabo Verde surévalués en raison d une faute de transcription. Toutefois, les vulnérabilités actuelles appellent à une gestion budgétaire plus prudente, qui devrait se traduire par un ajustement budgétaire marqué et immédiat. La décomposition de l augmentation de la dette montre que les variations du ratio dette/pib s expliquent essentiellement par l évolution des déficits primaires et par la croissance du PIB : les déficits primaires élevés sont les principaux responsables de la hausse des ratios d endettement sur la période L analyse de viabilité de la dette (AVD), menée conjointement par le gouvernement du Cabo Verde et par la Banque mondiale en novembre 2013, a conclu à un surendettement modéré (risque de 15 % de surendettement). Elle a fait apparaître une amélioration du déficit budgétaire à court terme. La dette publique du Cabo Verde devrait culminer en 2016 (99 % du PIB), avant de se replier à mesure que les remboursements avanceront et que le déficit sera endigué. À moyen terme, l État s est engagé à recentrer son programme d investissement public, le cantonnant à environ 10 % du PIB. Néanmoins, la poursuite de l ajustement budgétaire sera nécessaire si le pays veut assurer la viabilité de sa dette. En particulier, le renforcement de la gouvernance des entreprises d État devrait limiter la pression qu elles exercent sur le budget général et atténuer les risques qu elles induisent pour les finances publiques. Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Le secteur privé caboverdien naissant est essentiellement axé sur le commerce et le tourisme. La plupart des entreprises sont petites : une entreprise de plus de 20 salariés est considérée comme une grande entreprise. Le secteur informel est prédominant : il recouvre 70 % des emplois et contribue au PIB à hauteur d environ 25 %. Le potentiel agricole du pays pourrait constituer un moteur de croissance crucial pour l entrepreneuriat privé, mais le niveau limité de transformation des produits agricoles et l absence de certification des produits constituent des obstacles majeurs à 46 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

48 l épanouissement de petites et moyennes entreprises (PME) dans ce secteur. En outre, le potentiel de la pêche (surtout homards et thon) n est pas pleinement exploité. Le rapport Doing Business 2014 montre que le Cabo Verde a progressé de 7 places, passant du 128 e au 121 e rang. Pour les indicateurs concernant la création d une entreprise, en particulier, le pays est passé de la 129 e à la 66 e place grâce à la suppression des exigences minimales de fonds propres. Les indicateurs relatifs au transfert de propriété témoignent également de progrès : le pays est passé du 69 e au 64 e rang, car le transfert de propriété a été accéléré grâce à la numérisation des registres fonciers. Ce rapport met également en lumière les difficultés que génère l absence de loi sur l insolvabilité : le pays se classe 189 e pour le règlement de l insolvabilité. Cabo Verde Le régime spécial pour les micro- et petites entreprises a été ratifié dans ses grandes lignes par le Parlement. Les syndicats ont formulé des réserves. Parmi les grandes nouveautés, on peut citer l introduction d une taxe unique pour les deux premières années, le salaire minimum, la réduction des indemnités de licenciement, huit jours de congés payés et des incitations pour les PME à participer aux marchés publics : ainsi, dans les marchés publics, 25 % du total du budget doivent être alloués à des activités réalisées par des micro- et petites entreprises. En outre, les grandes entreprises publiques et privées sous contrat avec l État doivent réserver au moins 10 % de la valeur des contrats aux micro- et petites entreprises. Les perspectives de l IDE s améliorent, surtout dans le secteur du tourisme. Cependant, on entrevoit aussi certaines perspectives d investissement dans la santé et la pêche. Secteur financier Dominé par le capital privé portugais, le secteur bancaire du Cabo Verde est un oligopole dans lequel les deux principales banques sont réputées contrôler 70 % des actifs bancaires. Le secteur est très actif dans l immobilier et les activités de BTP, et se caractérise essentiellement par la persistance d une liquidité excédentaire. Du côté de l offre, les banques sont réticentes à prêter au secteur des entreprises, fortement endetté, et les PME sont jugées trop risquées. Pour ce qui est de la demande, les emprunteurs sont confrontés à l incertitude concernant la conjoncture économique et les perspectives des entreprises, et ils ne sont pas toujours à même de supporter financièrement les taux d intérêt appliqués aux crédits. Ce niveau de liquidité dans le système bancaire signale une grave crise du crédit, les banques préférant accumuler des actifs non rémunérés plutôt que d accorder des prêts d un volume marginal. Il s ensuit une distribution asymétrique des prêts entre les secteurs, et les secteurs productifs sont pénalisés par une hausse des taux d emprunt et un accès extrêmement difficile au financement. De nouvelles règles adoptées depuis 2009 ont renforcé la stabilité du secteur financier. Le système financier du Cabo Verde s est avéré remarquablement résilient face aux effets de la crise de la zone euro et l activité du secteur financier s est intensifiée. Toutefois, les cinq grandes banques du pays ont été exposées en particulier à des risques associés au tourisme et au BTP, largement lié à l immobilier, qui a accusé un net recul durant la crise. Le ratio de fonds propres est passé de 14.4 % en décembre 2011 à 12 % en décembre 2012, et la part des prêts improductifs, à 9.8 % en juin 2012, a atteint 20 % en octobre Une nouvelle législation financière est en cours d élaboration, en vue de renforcer la capacité de surveillance de la Banque centrale et sa capacité de faire face aux menaces pesant sur le système financier. Le secteur privé estime que l accès au crédit est la principale limitation à la pratique des affaires dans le pays. Les autorités envisagent d instaurer un fonds de garantie mutuel, qui aurait pour objectif d accroître l accès des PME au financement bancaire. Ce fonds servira de garantie partielle du crédit lorsque les banques supporteront une part du risque. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 47

49 Cabo Verde Gestion du secteur public, institutions et réformes Le Cabo Verde est un pays africain dont la bonne gouvernance est largement reconnue. En 2013, il a obtenu un score de 76.7 sur 100 dans l indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG), se classant ainsi à la troisième place, sur 52 pays. Son score est supérieur à la moyenne du continent (51.6) ainsi que de l Afrique de l Ouest (52.5). Le Cabo Verde obtient son meilleur classement dans la catégorie Participation et droits de l homme (1/52) ; il enregistre sa plus forte progression sur six ans dans la catégorie Participation (+20.6). Son classement le moins bon concerne la Parité (14/52), et son recul le plus marqué sur six ans la catégorie Sécurité individuelle (-26.0). Selon l indice de perception de la corruption 2012 de Transparency International, le Cabo Verde est le deuxième pays le moins corrompu d Afrique. Le Cabo Verde a progressé dans ce classement : il est passé du 41 e rang en 2011 au 39 e sur 176 pays en La mise en œuvre des réformes de la gestion des finances publiques a enregistré quelques avancées. Bien que les prévisions de recettes et de dépenses (jugées adéquates en 2008) se soient dégradées à la suite de la crise économique et financière, des progrès significatifs ont été réalisés en termes d exhaustivité, de transparence et de supervision, progrès qui se sont matérialisés essentiellement par l introduction d une classification programmatique, la réforme de la gestion du Trésor (bancarização), la révision de différents codes des impôts, l extension du programme informatique SIGOF (système intégré de gestion financière et budgétaire) à tous les ministères et l utilisation régulière du CDMT pour l élaboration des budgets annuels. Malgré ces progrès, plusieurs faiblesses demeurent. Le contrôle des dépenses publiques par des instances extérieures reste inefficient, et certaines composantes du système d adjudication des marchés publics ne sont pas encore opérationnelles. Il est nécessaire que le Cabo Verde améliore l efficacité de son inspection générale des Finances et qu il élargisse les pouvoirs dont dispose la Cour des comptes. En outre, les entreprises d État qui opèrent dans des secteurs clés, comme l énergie et le transport, continuent d enregistrer des pertes financières, générant des charges supplémentaires pour l État et le secteur privé. Une meilleure gestion de la dette publique globale et du risque financier passe impérativement par une évaluation exacte des passifs éventuels de l État. Gestion des ressources naturelles et environnement Le caractère exceptionnel de la faune et de la flore du Cabo Verde, qui comptent de très nombreuses espèces endémiques, s explique par l isolement géographique du pays par rapport au continent africain et par la sécheresse de son climat. Figurant parmi les dix principaux centres de diversité biologique pour les récifs coralliens, ce pays abrite 639 espèces de poissons et mammifères marins, dont au moins 17 espèces de baleines et de dauphins, les îles de Boa Vista et Sal ayant été identifiées comme des sites essentiels pour l accouplement et la mise bas des baleines à bosse. Les îles sont également une aire importante pour l alimentation et/ou l hivernage de cinq espèces de tortues de mer. Ces vingt dernières années, l essor du tourisme au Cabo Verde, en plein essor, a entraîné le développement de l immobilier. Les entrées de touristes sont passées d environ sur l année 1995 à en 2011, et le nombre d établissements touristiques a plus que doublé, passant de 88 à 195 sur la même période. L essentiel du tourisme se concentre sur les îles de Sal et Boa Vista. Le développement du tourisme, et en particulier du tourisme de masse sur ces deux îles, constitue une menace pour la biodiversité. Le développement de l infrastructure pour le tourisme, et notamment des routes, a conduit à la dégradation et à la fragmentation des écosystèmes naturels (par exemple destruction des habitats naturels par les chantiers de construction, défiguration des paysages adjacents, rejet massif non contrôlé de gravats et extraction illégale de matériaux de construction, surtout de sable). 48 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

50 Face à cette menace, les autorités mettent en place un réseau de zones protégées, qui recouvrent 47 habitats naturels. Une autre priorité réside dans la préservation des terres et de l eau, avec la construction de barrages afin d améliorer la récupération des eaux de surface. En outre, plusieurs mesures de conservation des terres sont déployées afin d enrayer la grave érosion des sols, essentiellement causée par le vent et les violentes tempêtes tropicales. Cabo Verde Le changement climatique constitue une véritable menace pour le pays. En effet, plusieurs niches écologiques sont en danger à cause du changement climatique, car le niveau de menace augmente pour certains écosystèmes et induit un risque d extinction de certaines espèces moins résilientes. L élévation du niveau de la mer, résultant du changement climatique, risque aussi d exacerber des problèmes d érosion des plages qui existaient déjà, avec des répercussions sur les coraux, les tortues marines et d autres organismes. Les stratégies d adaptation et d atténuation du changement climatique constituent l une des grandes priorités de l État pour après Contexte politique Le Cabo Verde se caractérise par la qualité de son système démocratique, mis en place en 1991 et consolidé au fil des ans. Le rapport 2012 de Freedom House le classe parmi les meilleurs pays d Afrique pour les libertés civiles, les droits politiques et la stabilité. Le respect de l état de droit et du principe fondamental de la séparation des pouvoirs entre les branches exécutive, législative et judiciaire de l État n a rien à envier à celui observé dans des pays développés, ce qui fait du Cabo Verde un modèle en Afrique pour la démocratie et la bonne gouvernance. La liberté de la presse est une réalité dans ce pays, et l absence de conflit ethnique, politique et religieux favorise la cohésion socioculturelle. Depuis 1991, les élections législatives et présidentielles se sont caractérisées par une passation de pouvoir pacifique entre les deux principales formations politiques, le Parti africain pour l indépendance du Cabo Verde (Partido Africano da Independencia de Cabo Verde PAICV) et le Mouvement pour la démocratie (Movimento para a Democracia MPD). Le PAICV a remporté les élections législatives de février 2011, et le parti d opposition, le MPD, a gagné l élection présidentielle d août À l issue des élections municipales organisées en juillet 2012, le MPD, le parti d opposition, contrôle 13 conseils municipaux (contre 11 en 2008), et le PAICV au pouvoir en détient 8 (contre 10 en 2008). Toutefois, la cohabitation est pacifique et viable, car les principaux partis politiques parviennent à s entendre sur la stratégie de développement du pays. Les prochaines élections présidentielles et parlementaires sont prévues pour Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines À 0.586, l indice de développement humain (IDH) du Cabo Verde est en dessous de la moyenne enregistrée par la catégorie des pays à développement humain moyen (0.640), mais au-dessus de la moyenne des pays d Afrique subsaharienne (0.475). Le taux d alphabétisation chez les ans reste élevé, proche de 98.1 %. Il est le fruit d un système d enseignement primaire universel, obligatoire et gratuit. L éducation secondaire demeure problématique en raison des taux élevés d abandon : 40.7 % parmi les ans et 54.3 % parmi les ans. La qualité de l enseignement varie considérablement et est toujours préoccupante. En effet, il est apparu durant le processus de consultations nationales sur l agenda post-2015, menées en mai 2013 qu elle constitue l un des plus grands sujets d inquiétude de la population. Selon les estimations, ce sont essentiellement des jeunes appartenant aux catégories aux revenus les plus élevés qui s inscrivent dans l enseignement supérieur. Quelques investissements ont été réalisés dans la formation professionnelle dans le but d améliorer l employabilité. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 49

51 Cabo Verde La mortalité des enfants a chuté, notamment grâce à une politique de vaccination rigoureuse. La mortalité des moins de cinq ans a considérablement reculé, passant de 56 dans les années 90 à 23.7 en 2009, s approchant ainsi de la cible de 18.7 retenue pour les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). La mortalité infantile s est, elle aussi, atténuée, retombant à environ 23 en 2011 (la cible des OMD se situe à 14 ). Des données montrent que les infections et les parasites sont une cause significative de décès chez les enfants de moins d un an, situation qui requiert l amélioration du système d adduction d eau et d assainissement ainsi que l éducation à la santé publique. En 2009, le taux de mortalité maternelle atteignait 53.7 pour naissances vivantes, ce qui est bien supérieur à la cible de 17.3 définie pour les OMD et au taux de 16.2 % enregistré en Mais si l on ramène ces chiffres à des valeurs absolues, il apparaît que sept femmes sont décédées de causes liées à la grossesse en 2009, contre deux en 2007 et en La proportion des naissances assistées par du personnel qualifié a fait un bond spectaculaire, passant de 36 % en 1998 à 76 % en Cependant, les consultations post-natales restent encore très rares, ce qui suscite des inquiétudes : plus de 50 % des mères n ont pas consulté de médecin après une naissance en L État a conçu une stratégie visant à associer santé des mères et des enfants, de façon à accroître la proportion de consultations post-natales. L incidence du virus de l immunodéficience humaine/syndrome d immunodéficience acquise (VIH/sida) est relativement faible (inférieure à 1 % de la population), mais le nombre de personnes infectées par le VIH n a cessé d augmenter, passant de 114 en 2000 à 399 en 2010, ces infections concernant en majorité des femmes. Cette situation pourrait s expliquer en partie par l augmentation du nombre de personnes qui se font dépister, surtout parmi les femmes. S il reste relativement faible, le nombre des décès dus au sida a plus que doublé entre 2000 et Cette hausse résulte en partie du fait que certaines personnes infectées ne cherchent à se faire traiter qu à un stade avancé de la maladie. Le troisième plan national stratégique contre le sida a été lancé en 2011, et se concentre avant tout sur les catégories vulnérables. La tuberculose reste problématique : on a enregistré une incidence de 69 cas nouveaux pour personnes en 2010 (dont 70 % d hommes). L État a mis en place un plan global de lutte contre la tuberculose, qui prévoit la vaccination précoce et l accès à un diagnostic et à des services de traitement gratuits. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail La Banque mondiale estime que le taux de pauvreté était proche de 25 % en 2011, contre 21 % en D après l enquête auprès des ménages de 2007, le taux de pauvreté du pays a chuté significativement, passant de 49 % en 1990 à 26.6 % en Toutefois, les progrès sont inégaux. Des travaux récents reposant sur le recensement démographique de 2010 montrent que le taux de pauvreté sur les îles disposant des meilleures infrastructures touristiques, Sal et Boa Vista, représente moins de la moitié du taux national. À l inverse, l incidence de la pauvreté dans les îles essentiellement rurales, dotées d une infrastructure touristique limitée, comme Fogo et Santa Antão, est bien supérieure à la moyenne nationale. De même, alors que le taux de pauvreté en zone urbaine s est replié de 25 % à 13.2 % entre 2002 et 2007, celui enregistré dans les zones rurales n a reculé qu à 44.3 %, contre 51.1 %. Même si le Cabo Verde est en bonne voie pour atteindre toutes les cibles des objectifs du Millénaire pour le développement d ici 2015, des difficultés significatives persistent. Les fortes inégalités qui demeurent, associées à la perspective d une baisse des taux de croissance, auront inévitablement des répercussions sur la réduction à venir de la pauvreté. Si les documents de planification, notamment le DSCRP, adoptent une approche inclusive de la croissance, ils ne présentent pas de projet clair qui permettrait d intégrer la lutte contre la pauvreté, la protection sociale et la création d emplois à une stratégie de croissance économique. Le budget de l État 2014 tel qu approuvé indique que le programme d investissement public (PIP) privilégie surtout la construction et l extension des ports et des routes, le développement du 50 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

52 secteur de l énergie et de l eau, et les infrastructures de santé et d enseignement, afin de remédier aux goulets d étranglement qui freinent la croissance. Le PIP entend également donner la priorité au développement des industries créatives et de l agroalimentaire, de façon à multiplier les opportunités d emplois. Cabo Verde Dans le cadre des efforts déployés par le Cabo Verde pour établir une stratégie de croissance économique plus inclusive et pour résoudre les grands problèmes socioéconomiques de manière plus systématique et durable, le pays cherche également à réformer son système de protection sociale. Il met en place un guichet unique pour les bénéficiaires des programmes sociaux et définit un programme de transferts monétaires visant à accroître l efficience des dépenses sociales, qui pourrait être déployé dès Une analyse préliminaire du système de protection sociale actuel, lequel englobe à la fois les retraites, la santé, l éducation et la nutrition, fait apparaître que les programmes, objectifs et agences de mise en œuvre sont nettement fragmentés et peu coordonnés 4. Si les risques socioéconomiques pesant sur la population sont généralement bien compris 5, il existe peu d information systématique sur les vulnérabilités et sur les facteurs qui exacerbent les risques associés à la transmission intergénérationnelle de la pauvreté. Le chômage des jeunes, lesquels représentent 50 % de la population en âge de travailler, est un autre sujet de préoccupation. Le plan de redressement budgétaire 2010/11 a permis de ramener le chômage de 13.1 % en 2009 à 10.7 % en 2010, mais le taux de chômage est remonté à 16.8 % en 2012, et ce plan n a pas réussi à créer suffisamment d opportunités de premiers emplois pour les jeunes. En effet, on estime que 32.1 % des ans étaient sans emploi en Égalité hommes-femmes L égalité hommes-femmes demeure problématique. La proportion de sièges parlementaires occupés par des femmes reste faible, à environ 20.8 % (2011). Au niveau municipal, la disparité entre hommes et femmes au pouvoir est encore plus marquée : dans une seule municipalité sur les 22 que compte le pays, le maire est une femme. La proportion de femmes sans emploi rémunéré est particulièrement forte : environ 83.4 %, contre 53.8 % chez les hommes. Les raisons le plus souvent avancées par les femmes pour expliquer leur inactivité économique sont la nécessité de fréquenter l école (34 %) et des motivations familiales (23 %). Chez les hommes, la principale raison de l inactivité est l école, tandis que les motivations familiales ne sont citées que dans 4 % des cas. Plus d un tiers des femmes de 15 à 24 ans étaient au chômage en 2011, une proportion bien supérieure au taux de chômage général (12.2 %) et aux 22.1 % enregistrés pour les hommes de la même classe d âge. Une enquête récente (2012) portant sur l utilisation du temps montre qu il existe d autres raisons pour lesquelles les femmes ne participent pas au marché du travail formel et rémunéré : au Cabo Verde, 74 % du temps alloué au travail (rémunéré et non rémunéré) est consacré à du travail non rémunéré, les femmes participant à hauteur de 68 % au travail non rémunéré, et à hauteur de 44 % au travail rémunéré. L allocation disproportionnée du temps à des activités non rémunérées prive les femmes de temps disponible, ce qui exacerbe leur pauvreté financière ainsi que les cycles de pauvreté 6. Dans ce pays, si l on veut mieux lutter contre la pauvreté, l accès des femmes à l emploi revêt une importance particulière, étant donné que les ménages dans lesquels le chef de famille est une femme ont une fois et demie plus de risques d être pauvres que lorsqu il s agit d un homme. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique Par sa situation géographique et ses conditions naturelles, le Cabo Verde ne possède pas de ressources naturelles non renouvelables, ni de vastes superficies arables et son climat est BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 51

53 Cabo Verde sec, si bien qu il ne se prête pas à l agriculture à grande échelle et qu il compte une population relativement petite ( habitants) dispersée sur neuf îles. Ces conditions empêchent le pays de s intégrer dans des chaînes de valeur mondiales et de développer un secteur industriel fort. L intégration via le secteur manufacturier est également restreinte, car les facteurs de production, majoritairement importés, sont rares et chers, car le pays ne produit que des biens de faible valeur et à petite échelle, et car l accès au financement au niveau national est limité. Aujourd hui, le pays se connecte aux chaînes de valeur mondiales à travers trois grands secteurs : le tourisme, la main-d œuvre et les produits de la mer. Le tourisme, devenu un moteur important de la croissance caboverdienne après 2005, est le secteur le plus engagé dans les chaînes de valeur mondiales. Selon les estimations de la Banque centrale du Cabo Verde, le volume d entrées de fonds induites par le tourisme dans le pays correspondait à plus de 20 % du PIB en 2012 et , contre moins de 3 % en Toutefois, la croissance substantielle du tourisme par rapport au reste de l économie n a pas permis de créer d emplois ni de stimuler d autres secteurs. Cette situation s explique en partie par le fait que les autres secteurs ne sont pas structurés de façon à répondre à la demande des acteurs du tourisme, et en partie par le modèle même de ce secteur, lequel s appuie sur des chaînes hôtelières proposant des prestations «tout compris». En effet, le Cabo Verde étant un archipel, caractérisé par une échelle de production relativement restreinte et des coûts de transport inter-îles élevés, il n a pas de capacité de production de biens et services suffisante pour que ces derniers puissent être proposés au secteur du tourisme à des prix compétitifs. Beaucoup de Caboverdiens travaillent à l étranger : on estime qu ils sont deux fois plus nombreux que les Caboverdiens résidant dans l archipel. Cette vaste diaspora intègre le pays dans des chaînes de valeur mondiales par l intermédiaire du secteur de la main-d œuvre et procède à des envois de fonds qui ont atteint, selon les estimations, près de 10 % du PIB en 2012 et En 2012, la plus grande partie des envois de fonds des travailleurs expatriés (environ 32 %) provenait de la diaspora installée au Portugal, suivie par celle installée France (environ 24 %) et aux États- Unis (14.5 %). Les perspectives économiques peu favorables, surtout dans la zone euro, font planer une menace considérable sur les flux d envois de fonds vers le Cabo Verde. Le secteur des produits de la mer, essentiellement des poissons et fruits de mer en conserve ou surgelés, permet lui aussi au pays de participer à des chaînes de valeur à l étranger. En 2012, l exportation de ces produits représentait environ 2.7 % du PIB en valeur. La grande majorité de ces produits (environ 91 %) sont exportés vers un seul marché : l Espagne. Pour l avenir, le Cabo Verde recherche des stratégies qui lui permettraient de se positionner à un niveau plus élevé dans les chaînes de valeur mondiales, en favorisant de nouvelles exportations de biens et services à plus forte valeur ajoutée et en étoffant les exportations existantes. Dans le même temps, ces stratégies visent à multiplier les opportunités d emploi, surtout chez les jeunes et les femmes, à l échelon national. Ces stratégies, parmi lesquelles le développement d une solide économie créative, s articulent autour de trois grands axes : i) créer les conditions nécessaires pour produire, et vendre sur les marchés intérieur et mondial, des produits et services d une qualité adéquate, qui soient compatibles avec la structure de coûts des producteurs nationaux et qui soient, dans le même temps, à même d améliorer la capacité du pays à se conformer aux normes internationales ; ii) promouvoir la capacité créative afin de développer de nouveaux produits et services à forte valeur ajoutée et de niche, reposant sur le savoir et la créativité, et qui pourront positionner le Cabo Verde favorablement sur un marché mondial concurrentiel ; iii) renforcer l intégration du pays sur le marché en améliorant sa capacité à produire des biens et services et, le cas échéant, à les entreposer, à les déplacer et à les transporter entre les îles et vers l étranger. Outre les problèmes que posent l échelle de production, la superficie arable limitée, le climat et le petit nombre d habitants, plusieurs obstacles entravent la participation du Cabo Verde aux chaînes de valeur mondiales, secteur du tourisme y compris. Il s agit des difficultés associées 52 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

54 au transport inter-îles et à l absence de système logistique national efficace qui permettrait de stocker et de distribuer des marchandises avec efficience. Si les technologies de l information (TI) et les services reposant sur l Internet offrent au pays une opportunité de surmonter nombre de ses difficultés structurelles, la fragmentation du marché intérieur constitue un goulet d étranglement, dont la résolution permettrait une meilleure circulation des personnes et des marchandises à l intérieur du pays et vers l étranger 9. Cabo Verde Comme le décrit le DSCRP III, la stratégie de développement du Cabo Verde privilégie de plus en plus le développement de l économie créative pour en faire la force motrice de secteurs tels que le pôle des TI, l agroalimentaire, la pêche, les produits culturels et le tourisme. L économie créative est perçue comme un moyen de développer des marchés de niche et d ajouter de la valeur à des produits primaires via la culture et le design. La stratégie vise également à inciter à la création d un réseau plus solide de micro- et petites entreprises à l échelon national en élaborant, par exemple, un régime fiscal spécial. Ainsi, la valeur ajoutée et les exportations différenciées de produits et de services de niche permettront au Cabo Verde d être compétitif sur les marchés mondiaux en opérant à des niveaux supérieurs dans les chaînes de valeur mondiales où la valeur ajoutée est plus forte 10. Par ailleurs, le Cabo Verde investit massivement dans les sources d énergie renouvelables afin de réduire sa dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, qui alourdissent les coûts de production à l échelle nationale. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 53

55 Cabo Verde Notes : 1. 1 L INE, l institut de statistique national, a récemment publié de nouvelles estimations du PIB pour la période Ces nouveaux chiffres montrent que l incidence délétère de la crise de la zone euro sur l économie du Cabo Verde a été beaucoup plus forte qu on ne l imaginait. En effet, on pensait jusque-là que le Cabo Verde avait relativement bien supporté la crise, avec une décélération de la croissance à 3.7 % en 2009, qui s était ensuite redressée à 5.2 % en 2010 et à 5.1 % en L idée est de bâtir une économie compétitive, fortement diversifiée et durable, grâce au développement de sept pôles économiques majeurs : le tourisme, l économie maritime, l aéronautique, les technologies de l information, la finance, l économie créative et l agroalimentaire. 3. Depuis 2000, le CVE affiche une parité fixe avec l euro, à CVE pour 1 EUR. 4. Rapport de l OIT, A Proteção Social em Cabo Verde: situação e desafios, Estratégia Para o Desenvolvimento da Proteção Social de Cabo Verde, ministère de la Jeunesse, de l Emploi et du Développement des ressources humaines. 6. Use of Time and Non Remunerated Work in Cabo Verde, Boletim de Estatísticas 20 anos (Bulletin statistique 20 ans), Banque centrale du Cabo Verde et Boletim de Estatísticas 3º Trimestre 2013 (Bulletin statistique 3 e trimestre 2013), Banque centrale du Cabo Verde. 8. Boletim de Estatísticas 3º Trimestre 2013 (Bulletin statistique 3 e trimestre 2013) (figures 9 et 10), Banque centrale du Cabo Verde. 9. National Implementation Unit (NIU) du Enhanced Integrated Framework et ministère du Tourisme, de l Industrie et de l Énergie du Cabo Verde (2013), Enhancing Trade Capacity in Cabo Verde, Concept Paper for Tier-2 Funding ENHANCED INTEGRATED FRAMEWORK (EIF). Non publié. 10. Growth and Poverty Reduction Strategy Paper III, Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

56 Côte d ivoire 2014 Pascal Yembiline / p.yembiline@afdb.org Bakary Traoré / bakary.traore@oecd.org Luis Padilla / luis.padilla@oecd.org

57 Côte d Ivoire CÔte d Ivoire La Côte d Ivoire poursuit sa reprise, avec une croissance vigoureuse estimée à 8.8 % en 2013, contre 9.8 % en Un effet de rattrapage progressif est à l œuvre depuis la fin de la crise post-électorale de , grâce aux grands travaux publics et à la reprise des investissements privés. Des défis structurels demeurent, pour rendre cette croissance inclusive et durable. Le climat des affaires s est amélioré grâce à diverses réformes, mais le secteur privé a besoin d un secteur financier plus actif et innovant. Les banques, en situation de surliquidité, pourraient mieux mettre l épargne à contribution. Les capacités des petites et moyennes entreprises (PME) doivent être renforcées, notamment dans l agro-industrie, pour tirer un meilleur parti des chaînes de valeur mondiales (CVM) et régionales. Vue d ensemble Les perspectives s avèrent assez prometteuses en Côte d Ivoire. La politique de relance par les grands travaux s est soldée par une croissance estimée à 8.8 % en Elle devrait se maintenir à 9 % en moyenne en 2014 et 2015, grâce à la poursuite des réformes sociales et d amélioration du climat des affaires. La bonne mobilisation des ressources internes et externes jouera aussi, de même que la stabilité sociale et politique. La situation budgétaire s est nettement améliorée en 2013, après une dégradation en 2011 et Les recettes ont progressé, grâce à la réorganisation des services fiscaux. Les dépenses se sont stabilisées en pourcentage du PIB, même si elles reflètent encore le poids de la reconstruction et des actions visant à renforcer la cohésion nationale comme le recrutement des ex-combattants et des enseignants. Ces bonnes perspectives ne doivent pas occulter l ampleur des défis à relever. Le PIB par habitant reste en effet très inférieur à son niveau de La première priorité consiste à rendre la croissance durable et inclusive, pour qu elle réponde aux besoins pressants d une population jeune et en quête d emploi. La compétitivité du pays reste à améliorer. Les contraintes sont connues : l administration routière et les procédures douanières s avèrent peu fluides et la fiscalité très complexe (62 dossiers d impôts face à 36 en moyenne en Afrique, selon le rapport Paying Taxes 2014). La main d œuvre reste peu adaptée aux besoins des entreprises, tandis que le secteur financier, en surliquidité, se montre peu actif dans l accès au financement des PME une problématique récurrente. Des actions coordonnées entre le gouvernement et les différents acteurs économiques seront nécessaires pour éviter de nouvelles poussées inflationnistes, surtout sur les produits alimentaires. La normalisation politique se poursuit depuis la fin de la crise post-électorale de , même si le double défi de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale reste dans une certaine mesure à relever. Un dialogue républicain avec l opposition a été engagé par les autorités, accompagné par des mesures de réconciliation. De nombreuses rencontres à un haut niveau entre l opposition et le gouvernement se sont tenues au début de l année Les initiatives visant à promouvoir la sécurité nationale, le désarmement et à protéger le droit à la propriété (menacé par les pillages) méritent d être renforcées. Les CVM offrent des perspectives de croissance intéressantes pour la Côte d Ivoire. Le pays dispose en effet d un potentiel important en ressources naturelles et humaines, sans oublier la qualité relative de ses infrastructures, à l échelle de la sous-région. Des opportunités d industrialisation restent à exploiter dans les chaînes de valeur à fort potentiel régional. Dans ce cadre, des politiques ciblées s avèrent nécessaires pour amener les PME à jouer un rôle clé. Il s agit de résoudre leurs problèmes de financement et de capacité de gestion. 56 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

58 % Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Côte d Ivoire Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Partant d une croissance de 9.8 % en 2012, l activité a bénéficié d un environnement social et politique stable. La reconstruction s est poursuivie, avec l accélération des principaux chantiers du Plan national de développement (PND) Le dynamisme d ensemble des secteurs productifs et la bonne réaction des différentes composantes de la demande ont abouti à une croissance du PIB estimée à 8.8 % en L analyse de l offre fait ressortir de fortes hausses de la valeur ajoutée au niveau des secteurs secondaire et tertiaire en 2013 (respectivement 13.3 % et 12.6 % par rapport à 2012). Le secteur secondaire a bénéficié de la vigueur des Bâtiments et Travaux Publiques (BTP) (en hausse de 25.3 % avec les grands chantiers publics) et de l énergie (16.2 %). La croissance du secteur tertiaire résulte du dynamisme des télécommunications (7.9 %), du commerce (10.8 %) et des autres services (10.7 %). Le secteur primaire progresse moins fortement, quoiqu en hausse de 3.7 %, grâce à l activité soutenue de l agriculture vivrière (4 %). La reprise de plusieurs cultures d exportation joue aussi, avec des productions en hausse pour le caoutchouc (7.8 %), l anacarde (6.7 %), l huile de palme (5.8 %) et le cacao (1.1 %). Malgré les contreperformances de la production pétrolière (-13.6 % en 2013), en raison de l épuisement naturel de différents gisements, le secteur extractif s est légèrement redressé de 1.3 % en 2013, après la baisse constatée en Cette reprise résulte de trois facteurs. Tout d abord, la production de gaz naturel a augmenté de 9.3 % grâce aux investissements réalisés sur les champs CI-26 et CI-27. Ensuite, la production d or a progressé de 15.1 %, grâce aux mines d or de Tongon et de Bonikro. Enfin, le manganèse a connu un essor fulgurant, avec une production en hausse de %. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 57

59 Côte d Ivoire Toutes les composantes de la demande ont soutenu la croissance en La consommation finale se trouve en croissance estimée de 4.3 % en 2013 sous l effet d une hausse de la consommation des ménages (7.5 %). La croissance de l investissement total (39.9 %) s explique par le dynamisme de l investissement public (en hausse de 60 %) et la reprise de l investissement privé (28.7 %). Il faut cependant noter que l investissement privé correspond à un mouvement de remise à niveau des outils productifs et de reconstitution des stocks, sans forcément se traduire par de la création d emplois. Le taux d investissement global est estimé à 17.5 % du PIB en 2013, dont 7.2 % du PIB pour l investissement public. Les échanges extérieurs sont marqués par une progression des importations et des exportations. La hausse des importations est due à l effet d une demande croissante en biens intermédiaires et d équipement. Le dynamisme de l agriculture d exportation, de l agro-industrie et de l industrie extractive explique la hausse des exportations. L évolution de l offre et de la demande devrait permettre au PIB réel d afficher un taux de croissance de 9.1 % en La hausse des investissements publics et privés devrait porter le taux d investissement à 18.7 % du PIB dont 7.5 % pour le secteur public. Le dynamisme du secteur primaire devrait être renforcé. De bonnes performances sont attendues du côté de l agriculture vivrière, avec la réorganisation des professionnels du secteur et la poursuite de la Stratégie nationale de développement de la filière riz (SNDR). De meilleures productions de coton et d anacarde sont également attendues suite à la réforme de ces deux filières, régulées par une nouvelle loi depuis septembre De même, le secteur extractif devrait bénéficier des incitations à l investissement générées par les nouveaux codes minier et pétrolier. Le secteur secondaire devrait encore progresser, grâce au BTP et à l agro-industrie. Tout en bénéficiant du dynamisme des secteurs primaire et secondaire, le secteur tertiaire devrait poursuivre sa croissance sous l effet du dynamisme attendu dans les secteurs de l hôtellerie et de la distribution. Le retour à Abidjan de la Banque africaine de développement (BAfD), prévu pour 2014, devrait renforcer les secteurs des services et du bâtiment. La demande extérieure, en croissance, devrait voir les exportations augmenter de 13.8 % en 2014, grâce à l agriculture d exportation et l agro-industrie. Les importations, de leur côté, devraient augmenter de 12.6 % en Plusieurs actions gouvernementales doivent se poursuivre en 2014, comme le projet de construction de logements sociaux, en cours d exécution dans le cadre d un partenariat publicprivé (PPP) qui sera pourvoyeur d emplois formels. Des réformes visant à améliorer le climat des affaires ont aussi été engagées. L objectif consiste à attirer des investissements privés, nationaux comme étrangers, pour créer plus d emplois en particulier pour les jeunes, les femmes et les zones rurales qui ont souffert des conflits. Le nouveau système de couverture maladie universelle (CMU) entre en vigueur en 2014 et des mesures vont être renforcées pour compenser l inflation. Certains risques doivent cependant être surveillés, notamment : Le risque politique et sécuritaire. La stabilité politique et sociale dépend du succès de la politique de réconciliation nationale et du processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR). Ce dernier pourrait être marqué par des difficultés de réinsertion durable des ex-combattants. Des risques exogènes existent aussi, avec la contagion possible de l instabilité connue dans les pays voisins (Mali, Liberia et Guinée). Cependant, plusieurs facteurs viennent tempérer ces risques : la volonté affirmée des autorités, le dialogue engagé dans le cadre du processus de réconciliation nationale, ainsi que l appui de la communauté internationale en faveur de la démocratie et de la paix dans les pays voisins. Le risque de volatilité des ressources en soutien au PND. Les perspectives de croissance reposent sur une mobilisation massive des ressources pour financer les investissements et renforcer une base productive encore très dépendante des matières premières. Les difficultés de mobilisation de ces ressources et les variations des cours mondiaux des matières premières pourraient créer une instabilité des ressources de l État, réduisant ainsi l aptitude du pays à financer son programme de développement. Toutefois, la reprise économique mondiale, 58 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

60 particulièrement dans les pays émergents, offre des perspectives favorables à moyen terme pour la demande en matières premières. De même, l engagement ferme des partenaires techniques et financiers (PTF) lors de la table ronde sur le PND constitue un gage important pour la mobilisation de l aide publique au développement (APD). Côte d Ivoire Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire La situation budgétaire se trouve en nette amélioration par rapport à Le niveau d exécution du budget s avère relativement satisfaisant en 2013, dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC). Les recettes budgétaires ont atteint 22.3 % du PIB contre 20.8 % en 2012, grâce au bon recouvrement des recettes non fiscales. L APD a atteint 1.7 % du PIB en 2013, soit près de 20 % du total des investissements publics. Globalement, la pression fiscale s est établie à 18 % du PIB (contre 17.6 % en 2012), un niveau légèrement supérieur au seuil communautaire de 17 %. Les dépenses d investissement ont connu une nette progression, à 7.2 % du PIB contre 4.9 % en Leur hausse est liée à celle des dépenses financées sur ressources intérieures, notamment les grands chantiers de l État. Le ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales (43.6 % contre 42.2 % en 2012) dépasse le seuil maximal de 35 % fixé au niveau communautaire par l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il reflète le poids de la reconstruction nationale (recrutement des ex-combattants et des enseignants). Toutefois, le niveau des dépenses salariales entre 2012 et 2013 tend à être stable, à 7.4 % du PIB. Le ratio des investissements financés sur ressources intérieures rapportés aux ressources fiscales (26 %) est conforme à la norme de l UEMOA (minimum de 20 %). Toutefois, un faible niveau d exécution des dépenses d investissement s explique par les retards de certains projets engagés avec les partenaires au développement. La progression des recettes et la meilleure gestion des dépenses ont conduit à une réduction du déficit global, passé de 2.6 % à 2 % du PIB entre 2012 et Le déficit est financé sur des ressources extérieures et des emprunts sur le marché financier régional. Le solde primaire a vu son déficit reculer, passant de 0.8 % en 2012 à 0.3 % en Il reste cependant supérieur au seuil de l UEMOA (0 % du PIB). BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 59

61 Côte d Ivoire Une mobilisation de 810 milliards XOF (Franc CFA BCEAO) est prévue en 2014 sur les marchés monétaires et financiers sous-régionaux, contre milliards XOF attendus en Cette mobilisation portera sur des bons et obligations du Trésor. Les financements extérieurs, y compris les appuis budgétaires, devraient s élever à 266 milliards XOF. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire La politique monétaire est conduite au niveau régional par la Banque centrale des États d Afrique de l Ouest (BCEAO). Elle vise à stabiliser les prix et favoriser la croissance. L inflation annuelle en 2013, estimée à 2.7 %, reste conforme à la limite maximale de 3 % fixée au sein de l UEMOA, mais s avère supérieure au niveau de %). Elle reflète la mise en œuvre du mécanisme automatique de fixation des prix des produits pétroliers et la hausse des produits alimentaires importés. Une politique nationale d affichage des prix a été lancée. Les prix à la consommation pâtissent par ailleurs de la mauvaise organisation des circuits d approvisionnement entre les villes et les campagnes. Les réserves extérieures se reconstituent, de manière progressive, grâce à la reprise des exportations et surtout la hausse des investissements étrangers, de l APD et l allègement des services de la dette suite à l atteinte du point d achèvement de l Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Toutefois, on note une réduction du niveau des réserves de 19 % à fin septembre 2013 par rapport au début de l année. Cette baisse s explique par la hausse des importations d équipements et de biens de consommation intermédiaires, ainsi que par la reconstitution des stocks. L évolution des crédits à l économie (+7.3 %) est marquée par la progression régulière des crédits à moyen et long terme ( % à fin septembre 2013). Les taux débiteurs moyens sont passés de 8.43 % à 7.18 % entre janvier et octobre 2013 contre 8.08 % à 8.20 % sur la même période en Ils s expliquent par le passage de 7 % à 5 % du coefficient de réserves obligatoires, une baisse décidée par la BCEAO le 16 mars Les taux de soumission aux opérations d appels d offres d injection de liquidité et de guichet de prêt marginal ont été rabaissés le 16 septembre 2013 à 2.5 % et 3.5 % respectivement (contre 2.75 % et 3.75 % auparavant). Cette révision des taux directeurs devrait renforcer la tendance baissière des taux débiteurs et améliorer le financement de l économie. Coopération économique, intégration régionale et commerce Avec l élargissement du tarif extérieur commun (TEC) à l ensemble des pays de la Communauté économique des États d Afrique de l Ouest (CEDEAO) en 2014, les enjeux régionaux et les opportunités économiques pour la Côte d Ivoire ont sensiblement changé. Le TEC, qui comporte cinq bandes tarifaires préférentielles (0 %, 5 %, 10 %, 20 % et 35 %), devrait contribuer à renforcer les échanges avec les pays non membres de l UEMOA. Il s agit notamment du Ghana voisin, dont 60 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

62 la structure économique est similaire à celle de la Côte d Ivoire. De même, le Nigeria présente des débouchés importants pour les produits alimentaires ivoiriens, tels que l huile de palme. La Côte d Ivoire est déjà l un des principaux fournisseurs des autres pays de l UEMOA, notamment en produits agroalimentaires et cosmétiques. Le pays devrait accélérer l application effective des accords et règlements communautaires afin de profiter de la nouvelle dynamique d intégration régionale. Côte d Ivoire La position extérieure de la Côte d Ivoire est marquée en 2013 par une diminution de l excédent commercial (en pourcentage du PIB). La tendance s explique par l importante progression des importations, avec la hausse des entrées en biens intermédiaires et d équipement. Les exportations sont restées en hausse, tirées aussi bien par les produits primaires que les produits transformés. La production, la qualité et la traçabilité des produits primaires se sont améliorées. La hausse des exportations primaires s explique aussi par de nouvelles mesures contraignant les exportateurs à l évacuation des stocks dans des délais fixes, sous peine de pénalités. Le déficit au niveau des services affiche un recul, grâce aux meilleures conditions de fret au niveau du port d Abidjan. La baisse de l excédent commercial et l amélioration du déficit de la balance des services ont entraîné la détérioration du solde des transactions courantes. Cette baisse a été atténuée par un accroissement des transferts des migrants. Le compte de capital et des opérations financières affiche un léger excédent en raison d une hausse des «dons projets». Cet excédent devrait être renforcé en 2014 et 2015 par les investissements étrangers dans les secteurs porteurs (agroindustrie, distribution, mines et pétrole). Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette La Côte d Ivoire a atteint le point d achèvement de l Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en juin L encours de la dette extérieure publique est passé de 55.1 % du PIB fin 2011 à 27.7 % fin juin Le risque de surendettement du pays est désormais modéré. Pour consolider la viabilité de la dette, le gouvernement a mis en place, avec l appui du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, une nouvelle stratégie exhaustive de gestion, portant sur les dettes intérieure et extérieure ainsi que les nouveaux emprunts. Cette stratégie d endettement à moyen terme a été poursuivie en 2013 en même temps que le renforcement des capacités de gestion de la dette y compris son traitement inclusif dans le cadre du Comité national de la dette publique (CNDP), créé en novembre 2011, conformément aux recommandations de l UEMOA. Une Stratégie de gestion de la dette à moyen terme (SDMT) doit être prise en compte dans le budget Elle suit trois axes : privilégier l endettement à moyen et long terme pour la dette intérieure ; recourir aux guichets concessionnels au niveau de la dette extérieure ; utiliser les PPP tout en minimisant leurs coûts. Le gouvernement poursuit également son plan d apurement de la dette intérieure, dont les montants annuels entre 2000 et 2010 ont fait l objet d un audit. Pour les arriérés de paiement couvrant la période du 12 septembre 2012 au 22 octobre 2013, l audit a permis de valider 42.9 % des 356 milliards XOF de dette initiale. L objectif est d atténuer les contraintes que font peser la dette commerciale de l État sur les capacités d autofinancement des PME. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 61

63 Côte d Ivoire % 120 Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé La consultation régulière entre le gouvernement et le secteur privé a facilité les réformes en cours. Les PPP offrent un cadre solide de concertation, puisqu ils représentent 46 % des investissements réalisés dans le cadre du PND en Un nouveau code des investissements a été adopté. Les démarches administratives pour les investisseurs sont facilitées, sous la coordination du Centre de promotion des investissements en Côte d Ivoire (Cepici), avec le concours du Centre de facilité des entreprises (CFE). Depuis 2012, un Guichet unique de formalité d entreprises (Gufe) permet de créer une société en 48 heures. Une approche participative dans la conception des programmes de réformes veille à associer les principaux acteurs et professions libérales concernés. Cette concertation a donné de bons résultats, parmi lesquels la création de plus de nouvelles entreprises en Le coût de la création d entreprise a beaucoup baissé, notamment pour l obtention du titre foncier urbain, les actes notariaux, les géomètres et les frais de publication. Une autre avancée porte sur l installation d un tribunal de commerce spécialisé. Des progrès n en restent pas moins nécessaires dans le domaine foncier et la fiscalité. La réforme des procédures de permis de construire demeure un défi. Les organisations patronales réclament un meilleur accès au financement bancaire et aux marchés publics pour les entreprises locales. Elles insistent par ailleurs sur la possibilité pour les jeunes de suivre des formations plus adaptées aux besoins des entreprises. Secteur financier La relative surliquidité bancaire résulte surtout de l importance des ressources de courte durée (dépôts à vue). Elle explique en partie la faible contribution des banques au financement à long terme, en plus des coûts des opérations, qui demeurent le talon d Achille de l économie. L accès au financement demeure très restreint pour beaucoup d acteurs économiques en Côte d Ivoire, en particulier sur le long terme (seulement environ 6 % du crédit total). Il existe par ailleurs peu 62 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

64 de possibilités de financer des fonds de roulement à court terme pour les PME à l exception des grands commerçants. Les garanties, le coût des opérations bancaires et le manque d information sont des aspects qui nécessitent des améliorations. Il convient de signaler que suite aux effets collatéraux de la crise et de la dette intérieure de l État, la qualité du portefeuille de crédit des banques est actuellement insuffisante, avec un taux de créances en souffrance se situant entre 15 % et 17 % du total des crédits bruts. Côte d Ivoire Le taux de bancarisation se situe à 13.4 %, par contre l expansion rapide du marché de la téléphonie bancaire offre de bonnes perspectives pour promouvoir l inclusion financière des populations. Quatre millions de personnes vivant en Côte d Ivoire (au moins 30 % de la population active) ont souscrit aux différents services financiers mobiles en Le nombre de circuits de distribution dédiés aux services financiers mobiles est parallèlement estimé à Le développement des agences bancaires vers les zones reculées mérite un accompagnement de l État, via des avantages pour l installation de guichets automatiques. Gestion du secteur public, institutions et réformes Des progrès ont été réalisés afin de rendre moins opaque la gestion des dépenses publiques, avec le recensement général des fonctionnaires et la mise en place d un système intégré de gestion des fonctionnaires et agents de l État (SIGFAE) en En 2013, les dépenses, exécutées dans leur majorité à travers le Système intégré de gestion des finances publiques (SIGFIP), se sont établies à 24.3 % du PIB contre 23.4 % en Un audit a aussi permis de mettre au clair la situation de la dette intérieure. Sa valeur annoncée (352 milliards XOF) était surévaluée de moitié. Le Plan national de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption (PNBGLC) doit donner lieu à de nouvelles mesures en La Haute autorité pour la bonne gouvernance (HABG) et la Cour spéciale de prévention et de lutte contre la corruption seront mises en place au deuxième semestre Les textes d application du nouveau code des marchés publics seront aussi adoptés en Ils devraient ainsi offrir des voies de recours efficaces aux acteurs de la commande publique. Les délais d opérations relatives à la passation des marchés publics ont été réduits. De nouvelles structures ont été créées en 2011 et 2012 pour mieux répartir l administration sur le territoire national. Le découpage administratif du pays comporte deux districts autonomes, 12 districts, 31 régions, 107 départements et 509 sous-préfectures. Beaucoup reste à faire pour rendre les collectivités décentralisées plus efficaces et rapides. Les délais d obtention de la plupart des actes administratifs restent longs et les coûts assez élevés pour les citoyens et les opérateurs économiques. Gestion des ressources naturelles et environnement La production de gaz naturel a doublé entre 2012 et 2013, pour atteindre plus de 6 millions m³. Le pays envisage de relancer le projet de gazoduc reliant Takoradi (Ghana) à Assinie sur la côte ivoirienne. Conformément aux critères de l Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), les rapports 2008, 2009 et 2010 sur les flux financiers entre l État et les industries extractives ont été publiés en mai Les différents progrès ont permis au pays d être déclaré «pays conforme» à l ITIE depuis mai La Côte d Ivoire figure parmi les pays à grande déforestation, avec au moins 35 % de taux d infiltration (octroi incontrôlé et occupation anarchique) de sa forêt. Le Programme national de reboisement (PNB) entamé en 2005 s était fixé pour objectif 6.45 millions d hectares reboisés sur dix ans, mais il souffre d un ralentissement. Le pays reste pénalisé par son sous-équipement en drainage des eaux pluviales, en collecte et en traitement des eaux usées. De même, le pays affiche un faible degré de traitement et d élimination des ordures ménagères et un bas niveau de latrines publiques. Avec un taux d accès à l eau potable estimé à un peu plus de 60 %, atteindre d ici 2015 la cible de 80 % parmi les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) nécessiterait à BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 63

65 Côte d Ivoire la fois une gestion efficace des ressources en eau faiblement exploitées et un renforcement des infrastructures. Des efforts encourageants sont cependant déployés par les autorités à travers les programmes d assainissement des grandes villes du pays. En outre, depuis février 2012, deux décrets ont été signés, l un portant sur la création, l organisation et le fonctionnement d une commission nationale du Fonds pour l environnement mondial (FEM), l autre prévoyant une nouvelle procédure de classement des parcs nationaux et réserves naturelles à travers une commission créée à cet effet. Contexte politique L année 2013 a donné des signes encourageants en matière de sécurisation du pays et de réconciliation nationale. Une force d intervention mixte pour la sécurisation de la capitale a été créée en mars Des actions conjointes ont été menées par l Opération des Nations unies en Côte d Ivoire (Onuci) et l armée ivoirienne dans le cadre de la sécurisation des zones frontalières. La Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), créée en 2011, a poursuivi ses travaux. Le Programme national de cohésion sociale a été mis sur pied en L apaisement du climat social et politique découle par ailleurs de la poursuite du dialogue entre le gouvernement et l ensemble des partis d opposition. Un dialogue direct a été initié avec le Front populaire ivoirien (FPI), l ancien parti au pouvoir. En outre, la visite du président Alassane Ouattara dans l Ouest du pays a été marquée par la tenue d un conseil des ministres dans la ville de Man, en avril Des mesures de liberté provisoire ont été accordées aux détenus politiques proches de l ancien régime, incarcérés après la crise post-électorale de Le retour à la paix s est progressivement confirmé avec la fin du cycle électoral, qui s est déroulée dans une atmosphère globalement plus apaisée. Quelques violences ont cependant émaillé les élections régionales et municipales d avril Le retour progressif des exilés s est fait en collaboration avec le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). L environnement sécuritaire reste sensible. Des lois sur la nationalité et l apatridie ont été votées en août 2013, mais le processus de cohésion sociale doit être renforcé par le règlement de certaines questions importantes, comme celles relatives aux conflits récurrents portant sur le foncier rural en zone forestière, notamment à l Ouest du pays. En outre, le désarmement des ex-combattants et la réinsertion professionnelle des jeunes démobilisés et des ex-miliciens doivent être renforcés. Pour l instant, l Autorité pour le désarmement, la démobilisation, la réinsertion et la réintégration économique des ex-combattants (ADDR) présente un bilan mitigé. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines La Côte d Ivoire a besoin de mettre en place des politiques ciblées de compétences professionnelles pour la main d œuvre déjà disponible sur le marché du travail, tout en continuant ses efforts en faveur de l éducation nationale. La politique de «l école gratuite pour tous» est maintenue, pour permettre un meilleur accès à l éducation des enfants. Jusqu à l horizon 2020, les recrutements dans la fonction publique seront orientés en faveur de l éducation, la santé et la sécurité. Le taux brut de scolarisation a connu une hausse significative en passant, pour le primaire, de 80 % en 2010 à 91 % en Pour améliorer la qualité de l enseignement, les autorités ont procédé à une révision des programmes. Cette dernière est passée par l adoption d une pédagogie axée sur l Approche par les compétences (APC), l introduction de nouvelles matières telles que les technologies de l information et de la communication (TIC), l éducation aux droits de l homme et à la citoyenneté (EDHC), et le strict respect du nombre d heures de cours par semaine. Toutefois, les efforts doivent se poursuivre pour résorber le problème de répartition spatiale des enseignants et des élèves. Des effectifs sont pléthoriques par endroits, alors que des classes sont vides dans d autres zones. Parallèlement, des efforts doivent s intensifier sur le suivi effectif de la scolarité. Le taux d achèvement du cycle primaire se situe à 59.1 % en Un niveau qui 64 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

66 rend peu probable la réalisation de l un des OMD qui porte sur l achèvement du cycle complet d études primaires. Plus de 36 % de la population a entre 15 et 35 ans. Elle représente une main d œuvre importante, mais ses compétences restent peu adaptées aux besoins des entreprises. Dans l immédiat, les compétences professionnelles des jeunes déjà sortis du système éducatif devraient être améliorées, via des programmes ciblés de formation de courte durée. L objectif : une mise à niveau sur des compétences clés et des services nécessaires à l approvisionnement des grandes chaînes d exportation. De même, il faudrait offrir aux jeunes l opportunité de valoriser les compétences acquises dans le secteur informel à travers des systèmes de certification. À terme, dans l idéal, les cursus techniques et universitaires devront intégrer plus de formations sur les métiers émergents pour mieux répondre aux attentes du marché. Côte d Ivoire Dans le domaine de la santé, la prévalence du VIH/sida chez les ans s élève à 3.7 %, avec 4.6 % chez les femmes et 2.7 % chez les hommes, selon l Enquête démographie et de santé à indicateurs multiples (EDS-MICS) de Le paludisme reste la première cause de mortalité en Côte d Ivoire. Les traitements sont désormais gratuits pour les cas de paludisme dépistés dans les centres de santé publics. Environ 8 millions de moustiquaires imprégnées d insecticide ont été distribuées gratuitement en Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail La hausse des dépenses publiques en faveur des pauvres a atteint 9.3 % du PIB en 2013, contre 8.6 % en Toutefois, selon les estimations du Rapport national sur le développement humain (RNDH) publié en 2013, l indice de la pauvreté multidimensionnelle est passé de 31.8 % en 2008 à 34.4 % en Le taux de pauvreté monétaire est, quant à lui, passé de 48.9 % en 2008 à 51.3 % en Selon l EDS-MICS 2012, pas moins de 30 % des enfants de moins de cinq ans accusent un retard de croissance ou souffrent de malnutrition chronique. Le gouvernement a chargé le Conseil du café-cacao (CCC) de rénover les pistes rurales pour faciliter l acheminement des produits vivriers vers les principaux points de consommation. À long terme, le taux d électrification rurale reste une condition importante pour l amélioration de la productivité et des conditions de vie en milieu rural. Les autorités ivoiriennes sont aussi impliquées dans la lutte contre le travail des enfants. Selon le rapport provisoire de l Agence d études et de promotion de l emploi (Agepe), pas moins de enfants âgés de 5 à 13 ans étaient économiquement actifs en En matière de protection sociale, les besoins sont énormes. L utilisation des services de santé reste faible (de l ordre de 18 %), de même que le taux d accouchements assistés (69.2 % en 2011). La situation sanitaire du pays s avère préoccupante, ce qui a conduit les autorités à maintenir en 2013 certains programmes prioritaires, tels que le renforcement des capacités de distribution des médicaments et vaccins. La disponibilité des médicaments de base demeure problématique. La part du budget allouée au secteur de la santé est de 5 %, loin des 15 % préconisés par la déclaration d Abuja en Elle ne favorise pas l atteinte des trois objectifs des OMD concernant la santé à l horizon Dans ce contexte, l année 2013 a été déclarée «année de la santé» pour concentrer les efforts des pouvoirs publics sur la réhabilitation des infrastructures sanitaires, le lancement de la phase pilote de la CMU et l accroissement du nombre de personnel dédié au secteur de la santé. Après une courte période de gratuité totale (d avril 2011 à janvier 2012), les autorités ont finalement opté pour une politique de gratuité ciblée des soins aux femmes enceintes et aux enfants de 0 à 5 ans. Une formule moins lourde pour le budget actuel. Dans le cadre de la lutte contre la malnutrition et la sécurité nutritionnelle, malnutris sévères, malnutris modérés et femmes enceintes et allaitantes ont bénéficié d intrants de nutrition. Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a enregistré une baisse, passant de 125 à 108 pour mille entre 2008 et Les trois grands axes du nouveau Plan national de développement sanitaire (PNDS ) portent sur : les personnels de santé ; la réforme hospitalière et celle de la nouvelle pharmacie de la santé publique (NPSP), en vue de l amélioration de l offre et de la qualité des prestations de BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 65

67 Côte d Ivoire services ; et la réorganisation des établissements communautaires. Pas moins de agents de santé ont été recrutés et redéployés en 2012, soit une augmentation de 31 % des effectifs des personnels de santé par rapport à Pour améliorer l accès à l emploi, l Agepe a été renforcée en 2013 à travers des projets de formation et d insertion des jeunes diplômés et sans emplois. Le Projet emplois jeunes et développement des compétences (Pejedec) est notamment entré dans sa phase active. Le Fonds d appui aux femmes de Côte d Ivoire (FAFCI) mis en place en 2012 a été doté en 2013 d un budget de 1 milliard XOF pour faciliter l accès aux microcrédits à taux réduit (1 % par mois). En novembre 2013, le salaire minimum mensuel a été revalorisé, passant de à XOF. Égalité hommes-femmes Au niveau législatif et institutionnel, la Côte d Ivoire a fait des progrès en matière de prise en compte du genre dans tous les secteurs d activités. La politique sur l égalité des chances, l équité et le genre a été validée en 2009, suivie par la ratification de tous les instruments internationaux proclamant l égalité entre les sexes et l autonomisation des femmes. Des structures chargées d accompagner le processus d institutionnalisation et de promotion du genre ont été aussi mises en place. Il s agit notamment de la Direction de l égalité et de la promotion du genre (DEPG), et de la chaire Unesco «Eau, Femmes et Pouvoir de Décisions». Le Rapport 2014 de la Banque mondiale sur les femmes stipule qu au cours des deux dernières années, la Côte d Ivoire fait partie des «plus grands réformateurs» ayant amélioré les perspectives économiques des femmes. Le gouvernement devrait poursuivre ses efforts en vue de s attaquer aux diverses origines structurelles des inégalités entre les sexes. Le Parlement compte 10.3 % de femmes et le gouvernement 17.2 % en Dans les écoles, la proportion des filles tend à se réduire lorsqu on passe du primaire (46 % en 2012) à l enseignement supérieur (37 %). Des efforts seront également nécessaires pour enrayer les inégalités qui persistent dans l emploi. Parmi les actifs, seulement 5.2 % des femmes ont un emploi dans le secteur formel, contre 11.5 % des hommes. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique La Côte d Ivoire participe à des CVM d une multitude de produits agroalimentaires (huile de palme, anacarde, ananas, banane) et agro-industriels à forte demande régionale ou mondiale. Le pays est un fournisseur mondial incontournable pour le cacao (40 % de la production mondiale), le café ( tonnes par an) et le caoutchouc ( tonnes en 2012). Ces produits sont exportés sous forme brute ou après une première transformation en produits intermédiaires. Ils attirent de grands groupes mondiaux tels que Cargill, Michelin, Olam, Nestlé, Unilever, etc. Le potentiel existe, pour une meilleure participation aux CVM : des terres riches, de la main d œuvre agricole, des firmes présentes et des filières de production ayant des perspectives de croissance intéressantes. Le caoutchouc, par exemple, compte déjà 16 unités de transformation industrielles. Les conditions climatiques sont très favorables à sa production et ses rendements figurent parmi les cinq plus élevés au monde, sur un marché mondial où l offre ne satisfait pas la demande. Le cacao connaît lui aussi une demande mondiale croissante, tirée par la consommation de chocolat dans les pays émergents. De plus, depuis 2012, les filières café-cacao ivoiriennes bénéficient d une régulation des prix en faveur des producteurs, doublée d une nouvelle norme de qualité qui a permis de bonifier le label «Origine Côte d Ivoire» à travers le programme Qualité- Quantité-Croissance (2QC). La production a ainsi affiché 81 % de cacao de grade 1 au cours de la dernière campagne. La Côte d Ivoire est la plus grande exportatrice d huile de palme en Afrique. Tout le processus industriel de transformation en produits finis (huile raffinée et produits dérivés) se déroule sur 66 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

68 place, avant l exportation vers les pays de la CEDEAO, où la demande est en forte croissance. Les deux principales entreprises, Palmci et Sania, majoritairement détenues par le groupe ivoirien Sifca et ses partenaires Olam et Wilmar (Singapour), réalisent 90 % de leur chiffre d affaires sur le marché sous-régional (Burkina, Mali et Nigeria). Côte d Ivoire Cependant, l accès limité au foncier rural constitue l un des premiers obstacles structurels à la croissance de la production et des rendements, notamment pour les cultures pérennes. Par exemple, les rendements sont sept fois inférieurs à ceux de l Indonésie pour les palmiers, et deux fois et demi pour les caféiers. L absence de garantie locative de long terme pour les terres agricoles (pas de titre et pas de concession) limite les possibilités de financement et de développement agricole, ainsi que les opportunités pour les producteurs de passer des contrats de sous-traitance. II faudra trouver une bonne formule d accès aux terres agricoles, qui pourrait s inspirer du système du Lands Commission du Ghana voisin. Ce modèle associe de manière pratique l État et les chefs coutumiers et donne la prévisibilité nécessaire aux contrats agricoles. Les politiques publiques ivoiriennes veulent porter la part du secteur industriel dans le PIB d environ 30 % en 2012 à 40 % en Une stratégie d amélioration du taux de transformation industrielle locale des matières premières est à l étude. Elle devra prendre en compte le fait que certaines CVM stratégiques n offrent pas de grandes marges de contribution industrielle directe. C est notamment le cas pour les CVM dont les produits dérivés ne font pas l objet de cotation internationale. Par ailleurs, le processus de fabrication d un produit fini demande à la fois du capital et une logistique adaptée de transport et de distribution. Pour ces CVM, une politique volontariste de transformation locale afin d approvisionner le marché mondial peut s avérer coûteuse et peu bénéfique. Les plus grandes opportunités de développement industriel, de création de valeur et d emplois résident en Côte d Ivoire dans les CVM à fort potentiel régional, ainsi que dans le renforcement des PME ivoiriennes sur les activités intermédiaires d exportation. Le pays compte parmi ses atouts un tissu productif diversifié, des ports et un réseau routier développé. Ce potentiel est encore sous-exploité à l échelle de la sous-région, voire sous-estimé pour certains secteurs comme le textile et la confection. En effet, la croissance démographique, l urbanisation, l émergence de chaînes hôtelières régionales, la diaspora et les préférences commerciales régionales (0 % de droits de douane dans l UEMOA, accès préférentiel aux marchés européen et seulement 6 % de droits de douane aux États-Unis) offrent aux stylistes et confectionneurs ouest-africains des niches dynamiques dans la coupe-couture haut de gamme, le textile pour la maison et la décoration intérieure ainsi que la broderie traditionnelle et le luxe artisanal. La Côte d Ivoire dispose d une bonne capacité industrielle pour se positionner dans l approvisionnement rapide de ces acteurs en diversifiant son offre. Les deux principaux produits actuels le bazin et le wax ne représentent qu une petite partie des besoins d approvisionnement du marché régional. Beaucoup d opportunités industrielles existent aussi dans l agroalimentaire, notamment dans la transformation et le conditionnement des fruits tropicaux. La Côte d ivoire est désormais le premier producteur africain d anacarde et son premier exportateur mondial avec tonnes par an. Le marché de l ameublement en bois présente aussi un fort potentiel avec l urbanisation galopante en Afrique. De même, en mettant un accent spécifique sur l amélioration des infrastructures et services administratifs du port, la géographie du pays ainsi que le savoir-faire dans la logistique portuaire constitueraient un avantage pour se positionner dans l attrait d activités d assemblage et de montage de groupes mondiaux en quête des marchés ouest-africains. L entrée en vigueur du TEC élargi au niveau de la CEDEAO en 2014 offre en principe de meilleures opportunités pour ces activités. D autres obstacles structurels saillants restent à lever pour exploiter ce potentiel régional. Les PME occupent encore trop peu de fonctions utiles aux producteurs, telles que l emballage, le marketing et la gestion des circuits de distribution. De même, elles peinent à conquérir des marchés pour la transformation des matières premières ou l exportation. L enquête nationale d identification des PME (sociétés réalisant moins de 1 milliard XOF de chiffre d affaires et BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 67

69 Côte d Ivoire employant moins de 200 personnes) a permis d en dénombrer , soit beaucoup plus que ce que les statistiques nationales espéraient. Elle a aussi démontré que les PME sont quasiment toutes orientées vers le marché local, et concentrées à 84 % sur des activités dans le secteur tertiaire (télécom et commerce), contre seulement 15 % dans le secondaire (activités de transformation) et 1 % dans le primaire. Outre l idée de la création d un fonds de garantie pour l accès au financement, et la mise en place d une agence de développement des PME, il faudra réussir à rendre plus attractives les activités exportatrices et de sous-traitance à travers des procédures simplifiées pour ces PME, des mesures spécifiques d incitation, et des outils d accompagnement plus larges dans l appui managérial. Les petits entrepreneurs savent migrer rapidement entre les secteurs, en se rabattant vers les nouvelles activités porteuses. Ils manquent de capacités managériales pour accomplir les formalités d accès aux marchés d exportation, ou encore pour monter des dossiers adéquats de financement. Leurs capacités de production restent par ailleurs limitées, pour répondre aux grandes commandes. Enfin, une meilleure politique de structuration locale des activités en zones dédiées, avec une bonne proximité géographique entre les entreprises et les services dont elles ont besoin, pourrait être un important facteur d attractivité. Les modèles marocains de plateformes industrielles intégrées (comprenant une offre d infrastructures et de prise en charge de la formation de ressources humaines qualifiées) peuvent servir d inspiration. La mise en place de nouvelles zones franches et la modernisation des zones industrielles envisagées par le gouvernement constituent un premier pas dans la bonne direction. 68 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

70 GAMBIE 2014 Adalbert Nshimyumuremyi / a.nshimyumuremyi@afdb.org

71 Gambie Gambie La croissance économique est toujours portée par la reprise du secteur agricole et par le démarrage soutenu de la saison touristique. L incohérence des politiques macroéconomiques a gravement perturbé le marché de change gambien et engendré des déséquilibres budgétaires, aggravant la vulnérabilité du pays aux chocs extérieurs. Malgré des progrès considérables dans la réduction de l incidence globale de la pauvreté, la Gambie reste confrontée aux problèmes d inégalités et de fort chômage, surtout chez les jeunes. Vue d ensemble La reprise agricole et les solides recettes touristiques ont soutenu la croissance du PIB en 2012 et en D après les estimations, le PIB réel aurait progressé de 6.1 % en 2012 et 5.6 % en 2013, après s être contracté de 4.3 % en Les perspectives sont optimistes et tablent sur une croissance de 7.5 % en 2014 puis 6.7 % en L inflation a augmenté à 5.3 % en décembre 2013, contre 3.9 % fin 2012, à cause de l affaiblissement du dalasi, la devise nationale. Le déficit budgétaire devrait se réduire, passant de 3.3 % du PIB en 2013 à 2.5 % en Les recettes fiscales devraient reculer de 0.8 % du PIB sur la période, malgré la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d autres mesures fiscales. Une baisse des paiements d intérêts sur la dette intérieure combinée à d autres facteurs devrait faire reculer les dépenses de 17.9 % du PIB estimés en 2013 à 17.3 % en Le gouvernement doit maîtriser les emprunts intérieurs et offrir un cadre macroéconomique cohérent et approprié s il veut stabiliser l économie et rétablir la confiance du marché, ce qui lui permettrait de diminuer le risque d éviction de l activité du secteur privé et de se dégager une marge de manœuvre pour les dépenses de développement. Il devrait s efforcer de maintenir un taux de change flexible et de durcir ses politiques monétaires et budgétaires afin de garantir la stabilité et de préserver des niveaux de réserves étrangères adéquats. La Gambie participe aux chaînes de valeur mondiales (CVM) à travers deux secteurs principaux : le tourisme et les fruits à coques (noix de cajou, arachide), les deux principales sources de recettes en devises en dehors du secteur des réexportations. Bien que le pays soit parvenu à retirer de l activité touristique un fort effet démultiplicateur, ces profits restent cantonnés aux zones côtières. La Gambie peut espérer dégager de la promotion du tourisme écologique et culturel à l intérieur du pays de plus grands bénéfices pour les populations défavorisées. Les pouvoirs publics doivent instaurer un environnement propice à l investissement dans ces débouchés en développant les réseaux routiers et fluviaux ainsi que les technologies de l information et de la communication (TIC), afin de rendre les régions plus accessibles. En outre, la Gambie jouit d un environnement économique idéal pour investir dans les noix de cajou, dont la transformation reste une activité négligeable. La chaîne de valeur de la noix de cajou gambienne passe par plusieurs intermédiaires, du producteur à l industriel, qui ont le potentiel de créer de nouvelles richesses. 70 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

72 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Gambie % 10 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Malgré la crise financière mondiale de 2008, la Gambie a affiché de solides résultats économiques au cours de la période , avec une croissance moyenne du PIB réel de 3.7 % par an. La croissance économique a été pénalisée en 2011 par de mauvaises récoltes dues à un épisode de sécheresse. La production agricole a toutefois commencé à se rétablir en 2012 en raison de précipitations supérieures à la moyenne. Le PIB réel aurait progressé après une contraction de 4.3 % en 2011 à 6.1 % en 2012 puis à 5.6 % en 2013, porté par la reprise soutenue de la production agricole et par le solide démarrage de la saison touristique. Les perspectives sont optimistes et tablent sur une croissance du PIB réel à 7.5 % et à 6.7 % en 2014 et en Le PIB devrait par la suite renouer avec un rythme de croissance annuel d environ 5.5 %. Ces prévisions dépendent toutefois d une reprise durable dans la production agricole accompagnée de précipitations normales qui permettent un retour aux niveaux de production d avant la sécheresse, sans nouveau choc extérieur. Les dérapages budgétaires pourraient cependant compromettre les objectifs de développement, en se faisant au détriment du secteur privé et des programmes prioritaires du gouvernement. Économie modeste et ouverte, la Gambie reste fortement vulnérable aux chocs extérieurs. Le pays est particulièrement tributaire de l agriculture pluviale sur le plan de la production agricole, des importations alimentaires, des recettes du tourisme et des transferts de fonds eu égard aux recettes de change. Ces dernières années, la Gambie a également assisté à une érosion de son activité d entreposage en raison des gains de compétitivité du Sénégal voisin et de l harmonisation BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 71

73 Gambie des tarifs douaniers dans la sous-région. Conséquence de la crise financière mondiale, l activité touristique a fléchi et les entrées d investissements directs étrangers ont diminué. Les crises politiques au Mali et en Guinée-Bissau ont perturbé l activité commerciale. Le secteur des services représente 62.6 % du PIB en 2013 même si sa contribution au PIB total a reculé de 16.3 % en 2011 à 14.5 % en Le secteur a enregistré un taux de croissance de 5.8 % en Le commerce de gros et de détail a progressé à 4.5 % contre 1 % en 2011, les communications à 13 % contre 7 % en 2011, et l éducation à 7 % contre 4.7 % en En revanche, les secteurs de hôtellerie et de la restauration, de l intermédiation financière, de la santé et de l action sociale ont accusé un recul à 4 %, 4.3 % et 0.1 % respectivement en 2012 contre 16.8 %, 13.6 % et 3.7 % en La Gambie reste une économie essentiellement agricole : plus de 70 % de la population dépend des cultures vivrières et de rente (arachide, noix de cajou et sésame par exemple). La Gambie ne produit que 50 % du total de ses besoins alimentaires. L agriculture représente environ un quart du PIB en Le secteur agricole a progressé de 6 % en 2012, selon les estimations, à l inverse de la croissance négative de 24 % enregistrée en La production des récoltes, principale activité du secteur agricole, a augmenté de 8.5 % en 2012 par rapport à la croissance négative de 40 % observée en L élevage, la pêche et l activité forestière ont enregistré une croissance positive de 3.8 %, 3.4 % et 3.1 % respectivement. Malgré son importance socioéconomique, l agriculture continue d accuser du retard par rapport aux autres secteurs sur le plan de la croissance de la productivité et notamment de la modernisation. À l instar de la plupart des pays d Afrique subsaharienne, la Gambie souffre d une fertilité des sols insuffisante en raison de l épuisement des micronutriments provoqué par l agriculture intensive sans conservation adéquate des sols. La mauvaise qualité des sols conjuguée à l utilisation insuffisante d engrais et de pesticides pendant la production des récoltes explique les mauvais chiffres du rendement et de la productivité agricole. La croissance du secteur industriel devrait ressortir à 6.4 % en 2012, contre un taux de croissance de 5.5 % en 2011, conséquence de la croissance en hausse dans le soussecteur de la construction et celui de l extraction minière de 12.7 % et 9 %, respectivement. La production manufacturière a reculé de 4.3 % en 2011 à 2.1 %. La production d électricité, de gaz et d eau a également diminué, passant d un taux de croissance positif de 3.4 % en 2011 à une croissance négative de 3.9 %. Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. 72 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

74 Politique macroéconomique Gambie Politique budgétaire Après avoir enregistré un excédent en 2007, le solde budgétaire s est progressivement transformé en déficit dépassant les 5.4 % du PIB en 2010, suite la croissance ralentie des revenus conjuguée à une accélération des dépenses. Pas la suite, les déficits budgétaires se sont contractés à 4.7 % du PIB en 2011 et à 4.4 % en L austérité budgétaire et la hausse des recettes fiscales intérieures devraient contribuer à améliorer les finances publiques à moyen terme. Le déficit budgétaire devrait reculer de 3.3 % projetés dans la part du PIB en 2013 à 2.5 % en Les recettes intérieures ont progressé depuis 2010 grâce aux efforts soutenus visant à améliorer la politique et l administration fiscales. Début 2013, la Gambie s est engagée dans un processus progressif de réformes fiscales. Les pouvoirs publics ont introduit la TVA en remplacement de la taxe générale à la consommation devenue obsolète, et un régime fiscal simplifié pour les petites entreprises. Dans le budget supplémentaire soumis à l Assemblée nationale fin avril 2013, le gouvernement a confirmé sa volonté d éliminer la quasi-totalité des subventions coûteuses de combustibles d ici fin Toutefois, les recettes fiscales devraient reculer de 0.7 % du PIB sur la période , en dépit de la TVA et des autres mesures fiscales. La forte croissance des dépenses a été tirée par les dépenses en traitements des fonctionnaires, dont la facture a représenté près de 35 % du total des dépenses courantes en L augmentation des forces de sécurité (militaires et policières) est l une des principales raisons de ce gonflement de la masse salariale. Le gouvernement est donc lourdement tributaire des dons et des prêts pour financer ses dépenses en capital et en développement destinées à promouvoir les services sociaux. Les déficits sont essentiellement financés par l emprunt intérieur, une situation qui a encore considérablement alourdi la facture des paiements au titre du service de la dette. La dette intérieure nette a atteint quasiment 33.8 % du PIB fin Près de 75 % de cette dette se présente sous forme de bons du trésor à 3, 6 et 12 mois d échéance. Les paiements d intérêts ont consommé près de 22.5 % des revenus publics en 2012, la plupart de ces paiements représentant les intérêts sur la dette intérieure nette (81 %). Ces difficultés sont aggravées par l effet d éviction du secteur privé exclu du prêt par les banques commerciales qui préfèrent placer d importantes ressources dans les bons du trésor. Un repli des paiements d intérêts sur la dette intérieure conjugué à d autres facteurs devrait contribuer à réduire les dépenses de 17.9 % du PIB prévus en 2013 à 17.3 % en Ces améliorations devraient favoriser un recul de l emprunt intérieur net de 1.9 % du PIB prévu en 2012 à 0.5 % en Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 73

75 Gambie Les réformes budgétaires s appuient sur l introduction du projet pilote de Cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) dans l optique de remplacer le système de budget par reconduction. Le CDMT a été introduit dans le but de garantir une allocation stratégique des ressources publiques afin de financer les priorités fixées par le gouvernement dans le Programme pour accélérer la croissance et la création d emplois (Programme for Accelerated Growth and Employment PAGE). Le CMDT vise également à garantir l efficacité opérationnelle en appliquant le principe d emploi efficace et rentable des ressources publiques. Politique monétaire La politique monétaire s est attachée à inverser la hausse de l inflation en Malgré les répercussions de la sécheresse qui ont pesé sur les prix des denrées alimentaires et une certaine dépréciation du dalasi, l inflation a été contenue à 4.8 % en 2011 et à 3.9 % en La Banque centrale de Gambie (Central Bank of Gambia - CBG) a observé une politique monétaire assez restrictive qui a conduit à une hausse de la masse monétaire de 7.8 % en Le crédit au secteur privé a progressé de 1.3 %. La politique monétaire a cherché en 2013 à limiter la croissance de la base monétaire moyenne et de la masse monétaire au sens large à 10.9 % et à 12.5 % respectivement. L inflation est toutefois repartie à la hausse, traduisant une dépréciation du dalasi, ainsi que des effets secondaires provoqués par l introduction de la TVA le 1 er janvier 2013, de nombreuses entreprises ayant profité de l occasion pour augmenter leurs prix. L inflation a atteint 6.1 % en octobre 2013 puis s est repliée à 5.3 % fin La CBG s apprête à durcir sa politique monétaire si les variations des prix de l énergie et des denrées alimentaires commencent à s orienter vers le niveau de prix général. Entre octobre 2012 et octobre 2013, le cabinet présidentiel a publié toute une série de directives qui ont imposé les taux de change ainsi que d autres restrictions au marché des changes, apparemment dans l optique d éliminer toute spéculation et opération illégale par des courtiers non agréés. En imposant un taux de change surévalué, ces directives ont perturbé les marchés monétaires locaux. Le dalasi aurait été surévalué d au moins 20 % pendant que ces directives étaient en vigueur. En septembre 2013, le Fonds monétaire international (FMI) a dépêché une mission auprès de la CBG pour lui conseiller de maintenir une politique de taux de change souple qui a toujours bien servi la Gambie au fil des années, notamment en l aidant à conserver sa compétitivité à l international. Afin de restaurer la confiance du marché dans la politique de taux de change, le gouvernement devra s engager durablement et émettre de puissants signaux à la fois dans ses politiques monétaires et budgétaires, en gage de crédibilité. Coopération économique, intégration régionale et commerce L intégration régionale et la coopération économique sont déterminantes pour la Gambie. En raison de sa petite superficie, de sa démographie et de ses marchés restreints ainsi que de sa situation géographique semi-enclavée dans le territoire sénégalais, tout développement affectant la sous-région, et plus particulièrement le Sénégal, a une incidence sur la Gambie. Véritable plateforme dotée d un port efficace et compétitif en matière de coûts, la Gambie réexporte jusqu à 35 % de ses importations de marchandises. Elle est membre d organisations régionales comme la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO) et l Organisation de mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG). Forte de ses liens historiques avec la Grande-Bretagne, la Gambie a été partenaire du Commonwealth britannique jusqu en octobre 2013, date à laquelle le gouvernement a mis un terme à son adhésion. La Gambie exporte principalement à destination des pays européens, d où la grande vulnérabilité du pays aux développements dans la zone euro. Le gouvernement s est toutefois attelé à l introduction d une stratégie visant à diversifier à la fois les exportations commerciales et le tourisme vers d autres marchés (en Asie et en Afrique) pour réduire son exposition à la crise européenne. 74 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

76 Le déficit des opérations courantes devrait légèrement diminuer à 16 % du PIB en 2013, contre 16.4 % en 2012, grâce à la hausse des recettes du tourisme. Les projections d une pleine reprise de la production agricole et d une croissance robuste de l activité touristique, associées à une détente budgétaire, devraient aller dans le sens d une nouvelle amélioration de la balance des comptes des opérations courantes. Le déficit des comptes courants devrait progressivement reculer à 14.7 % d ici Gambie Lorsqu il était en vigueur, le taux de change surévalué a érodé la compétitivité des exportations. Les recettes d exportations décevantes sont à porter au crédit de cette surévaluation et à une forte chute du cours international des arachides. Cette baisse, liée à une reprise de l offre mondiale, affecte le principal produit de base gambien destiné à l exportation ; le prix international des arachides a reculé de 37 % en Les réserves de change brutes ont chuté de l équivalent de 4.6 mois d importations de marchandises et de services en 2012 à 4 mois en L augmentation des dons à l appui du budget a contribué à financer le déficit des comptes courants. Aucune restriction quantitative ne pèse sur les échanges de la Gambie. Le pays fait bonne figure dans la sous-catégorie des échanges transfrontaliers avec des coûts d exportation et d importation par conteneur parmi les plus bas du monde (800 USD en moyenne de moins que les concurrents). Si le pays a renforcé sa compétitivité après la dépréciation du dalasi durant la période , il devrait commencer à perdre du terrain à moyen terme alors que les pays voisins continuent de libéraliser leurs régimes d échanges commerciaux et leurs ports. Banjul reste un port relativement efficace avec des coûts par conteneur parmi les plus bas de la région et des barrières non tarifaires uniformisées. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette La charge de la dette et le risque de surendettement sont assez élevés, compte tenu de l important déficit public accumulé après l excès d emprunts intérieurs publics. L encours de la dette publique a augmenté, passant de 71.1 % du PIB en 2011 à 78.7 % en Si la dette publique extérieure, estimée à 43.2 % du PIB en 2012, reste modérée, la Gambie maintient une dette intérieure à moyen terme considérablement coûteuse, estimée à 35.5 % du PIB. Près de 75 % de cette dette se présente sous forme de bons du trésor à 3, 6 et 12 mois. Les paiements d intérêts ont consommé près de 22.5 % des revenus publics en 2012, la plupart de ces paiements représentant les intérêts sur la dette intérieure nette (81 %). Ces difficultés sont aggravées par l effet d éviction du secteur privé, exclu du prêt par les banques commerciales, qui préfèrent placer d importantes ressources dans les bons du trésor. Une série de directives monétaires a été publiée entre fin juin et début octobre 2013 pour imposer un dalasi surévalué par rapport au dollar américain et des restrictions sur les opérations en dollars. Conséquence, les taux d emprunt du gouvernement ont fortement grimpé (plus 600 points de base à 18.5 % par an début novembre), et les adjudications de bons du trésor ont été boudées au profit de placements plus courts (à 3 et 6 mois). Les risques liés au refinancement et aux taux d intérêt se sont accrus, et le service de la dette intérieure devrait peser plus lourdement sur les finances publiques. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 75

77 Gambie D après les conclusions de l analyse conjointe de la soutenabilité de la dette du 7 mai 2013 préparée par l Association internationale de développement et le FMI, la dette intérieure du pays devrait sur le moyen à long terme chuter de 33.4 % du PIB fin 2012 à 23 % du PIB en 2016, et poursuivre par la suite son repli. Cette projection reste toutefois largement subordonnée à une discipline budgétaire de longue haleine. Les autorités ont exprimé leur intention d ajustement budgétaire progressif à moyen terme afin d enrayer l emprunt intérieur net. L objectif est d abaisser cet emprunt intérieur net à 0.5 % du PIB dès 2014 (par rapport à 3.2 % en 2012 et à l objectif de 1.9 % fixé pour 2013). Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % 140 Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale, la Gambie est passée de la 148 e à la 150 e place entre 2013 et 2014 sur une liste de 189 pays. Les indicateurs de 2014 montrent également que le délai requis pour constituer une entreprise est de 27 jours, contre 29.7 jours en moyenne en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, le coût d immatriculation des entreprises (174.3 % du revenu par habitant) dépasse de loin la moyenne en Afrique subsaharienne (67.4 %). Pour autant, la Gambie continue globalement de mieux se classer que plusieurs autres pays de la région. Le secteur privé reste confronté à des taux d intérêt très élevés auprès des banques commerciales. Une situation imputable à la prépondérance du secteur public, mais aussi au niveau élevé de réserves obligatoires, aux importants frais généraux et aux difficultés juridiques et institutionnelles qui pèsent sur le recouvrement des prêts et la réalisation des garanties. La Constitution garantit le droit à la propriété privée. Aux termes de la Loi sur les entreprises de 1955, les entreprises privées ne sont soumises à aucune restriction en matière de capital social minimum ou maximum, et les entreprises détenues par des étrangers n ont aucune obligation de faire entrer dans leur capital des ressortissants gambiens, à l exception des programmes de privatisation décrits au paragraphe 9. Les entreprises peuvent être entièrement détenues par des étrangers ou conjointement avec la participation d investisseurs locaux. 76 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

78 La Loi sur le travail de 1990, ses amendements de 2007 et ses règlements d application constituent le cadre juridique de référence pour les relations du travail en Gambie. Ces textes couvrent la plupart des conditions de travail, y compris le renvoi, le recrutement et l embauche, l enregistrement et la formation, la protection des salaires, l enregistrement des syndicats et des organisations de travailleurs et les relations industrielles au sens large. Les salaires minimaux et les horaires de travail sont établis par l entremise de six commissions paritaires industrielles : commerce, artisanat, transports, opérations portuaires, agriculture et pêche. La Loi sur le travail restreint le droit de grève, dont les fonctionnaires sont privés. Gambie Le gouvernement voit dans le secteur des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) un futur moteur de croissance. Les MPME participent à près de 20 % au PIB et emploient plus de 60 % de la main-d œuvre urbaine. Une Politique nationale des MPME ( ) a été préparée et se trouve en cours d adoption. Secteur financier Le secteur financier gambien est dominé par les banques commerciales. Entre 2007 et 2010, leur nombre a doublé pour passer à 14. La concurrence s est accrue, au détriment de la croissance des profits dans le système au sens large. Toutefois, cette multiplication des banques en Gambie n a pas entraîné de baisse des taux d intérêt. Une situation certainement due au fait que la totalité des banques cherchent à limiter les comptes d épargne pour lesquels elles doivent acquitter une prime, ce qui maintient les taux d intérêt des crédits élevés. Les bons du trésor rapportent plus facilement de l argent que les prêts. Le système bancaire se caractérise également par un taux de prêt interbancaire relativement faible, une forte concentration de bons du trésor du gouvernement dans le total des actifs bancaires et des sources de financement bancaire majoritairement nationales (engagements de dépôts), malgré la prédominance de banques étrangères. Le système bancaire s est légèrement consolidé après la liquidation volontaire de deux banques qui n ont pas souhaité se soumettre à l obligation d augmenter leur capital minimum planifiée en deux temps fin 2010 et fin Les banques affichent une aversion au risque que suscitent les MPME par manque d informations suffisantes sur leurs antécédents en matière de crédit, de dossiers financiers de bonne qualité et de plans d activité crédibles. Les micro et très petites entreprises accèdent plus facilement au crédit auprès des Associations d épargne et de crédit villageoises de Gambie (Village Savings and Credit Associations of Gambia - VISACA), des coopératives de crédit et des organismes de microfinancement. L instauration de l Agence d évaluation du crédit (Credit Reference Bureau - CRB) au sein de la Banque centrale permettra dans une certaine mesure d améliorer cette situation, même si elle ne concerne que les banques. Les jeunes sont souvent exclus du système financier formel en raison de leur âge, de leur manque d expérience professionnelle, de leurs antécédents insuffisants en matière de crédit et d autres freins qui les écartent du système. Dans la mesure où l accès au financement est déterminant pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, le gouvernement doit s atteler à résoudre les problèmes suivants : i) les solutions de financement consistent généralement en des découverts de courte durée ou en des lettres de crédit avec une échéance moyenne de 90 jours ; ii) le financement des start-ups (investisseur providentiel ou capital-risque) est inexistant compte tenu du risque accru ; iii) attirer de nouveaux fonds de soutien pour les banques qui seraient gérés ou encouragés par la CBG, pour garantir qu une part déterminée des portefeuilles bancaires profite aux MPME. Gestion du secteur public, institutions et réformes Transparency International a noté une amélioration sensible dans la lutte contre la corruption et le manque de transparence entre 2008 et La Gambie a enregistré des progrès significatifs alors que l Indice de perception de la corruption (IPC) a presque doublé de 1.9 à 3.5 BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 77

79 Gambie sur la même période. La Gambie a ainsi vu son classement global bondir de la 158 e place en 2008 à la 77 e (sur 182) en En 2012, l indice IPC de la Gambie était de 105 (sur 174) après application d une méthodologie actualisée, ce qui rend toute comparaison de cet indice avec les notes précédentes impossible. En réponse à la corruption toujours très répandue, le gouvernement s attèle à la création d une Agence de lutte contre la corruption (Anti-Corruption Agency - ACA) qu il chargera de coordonner et de renforcer l intégrité au sein du secteur public. Depuis le début des années 2000, le système de passation des marchés publics du pays a été réformé en profondeur. On observe également des progrès modérés dans le domaine de la justice. Le classement IPC reste cohérent avec la progression similaire, quoique moins spectaculaire, retranscrite par l Indice de gouvernance africaine Mo Ibrahim, dans lequel le classement de la Gambie s est amélioré par rapport aux autres pays africains. En 2013, la Gambie a obtenu la note de 53.6 (sur 100) pour la qualité de sa gouvernance et s est classée 22 e sur 53 pays. Le pays a surpassé la moyenne régionale d Afrique occidentale (52.5) ainsi que la moyenne du continent (51.6). Il a obtenu sa meilleure note pour le secteur rural (6/52), et sa meilleure progression en 6 ans a été dans le domaine de la santé (+18). La Gambie accuse en revanche de mauvais résultats dans la participation (44/52) et son plus fort recul en 6 ans a été observé dans la sécurité des personnes (-15.8). Le gouvernement reconnaît l importance de renforcer la gouvernance économique et financière pour stimuler la croissance économique, améliorer l environnement des entreprises, accroître l emploi et réduire la corruption. Il a bien progressé dans certains aspects stratégiques de la gouvernance et de l environnement fiduciaire et poursuit son train de réformes dans la gestion des finances publiques depuis Parmi les dernières avancées majeures soutenues par les donneurs, il faut citer la soumission d états financiers consolidés pour à la Cour des comptes (National Audit Office - NAO), la préparation d un cadre budgétaire pour 2013 assorti de projections indicatives des dépenses publiques à moyen terme, la création de la Cellule interne de vérification des comptes dotée en personnel complet, et l introduction de la TVA en janvier Le pays bénéficie également d importants soutiens dans les domaines de l audit interne et externe afin de garantir la mise en place effective de contrôles internes et d examens externes efficaces. Gestion des ressources naturelles et environnement L activité minière n occupe qu une place marginale dans l économie du pays, avec 2 % du PIB. La Gambie est toutefois riche en habitats terrestres, côtiers, marins et marécageux et abrite de nombreuses espèces d importance locale, nationale, régionale et mondiale, ce qui en fait une destination touristique attrayante et une plateforme d échanges commerciaux dans la région. Le pays continue de se heurter à d importants obstacles dans ses efforts pour institutionnaliser et rationaliser les principes d environnement durable. La déforestation reste un problème majeur, plus de 90 % des ménages devant couvrir leurs principaux besoins en énergie par la biomasse. La préservation pose également un défi de taille compte tenu de la demande croissante en matériaux de construction et en terrains pour bâtir des logements et produire des récoltes agricoles. En outre, les inondations s ajoutent aux problèmes de dégradation des sols. Le gouvernement envisage de déclarer une zone de protection de 100 mètres à proximité de toutes les voies navigables. Les problématiques et les risques liés au changement climatique ont été intégrés avec succès dans le programme PAGE sous forme de thématique transversale. Un Plan d action prioritaire portant sur le changement climatique (Climate Change Priority Action Plan - CCPAP) permet de prendre en compte le changement climatique dans le processus de développement national. Ces efforts se traduisent par la formulation d une stratégie visant à limiter les émissions de carbone, l intégration du changement climatique dans les politiques et les programmes nationaux et sectoriels, ainsi que dans les programmes scolaires de l enseignement élémentaire à l enseignement supérieur, et la tentative de répondre aux besoins du pays en données climatiques. 78 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

80 Contexte politique La Gambie est une république présidentielle dotée d un pouvoir législatif monocaméral. Le président est élu au suffrage universel pour un nombre illimité de quinquennats. Le président en exercice, Yahya Jammeh a été reconduit dans ses fonctions pour un quatrième mandat le 24 novembre 2011, avec 72 % des voix. Les élections législatives du 29 mars 2012 ont vu le parti présidentiel, l Alliance pour la réorientation patriotique et la construction (Alliance for Patriotic Reorientation and Construction - APRC) conserver sa large majorité, avec 43 sièges sur les 53 que compte l Assemblée nationale. Celle-ci continue de jouer un rôle décisif, atténué toutefois par la suprématie d un seul parti. Malgré la présence de six autres formations politiques, l opposition reste fragmentée et incapable de peser sur les décisions politiques. Gambie L édition 2013 du rapport Freedom in the World classe la Gambie parmi les pays «non libres», en raison de restrictions de plus en plus nombreuses des libertés publiques. Parmi elles, les amendements de la Loi sur les informations et les communications et de la Loi sur le code pénal qui limitent encore un peu plus la tenue de débats francs et ouverts. L utilisation de Skype et d autres programmes de communication orale dans les cyber-cafés est proscrite. En juillet 2013, l Assemblée nationale a adopté des amendements concernant la Loi sur les informations et les communications, pour pénaliser la diffusion de «nouvelles ou d informations erronées» à l encontre du gouvernement. Trois opposants du Parti démocratique uni (United Democratic Party - UDP) ont été arrêtés en septembre 2013 et ont été condamnés pour sédition. Ils encourent jusqu à cinq ans d emprisonnement. Les revirements importants de politique ont sapé la confiance vis-à-vis des engagements du gouvernement dans ses accords internationaux. Les crispations avec les donneurs au sujet des droits de l homme, de la liberté de la presse et des graves turbulences politiques de 2012 ont atteint leur paroxysme avec l annulation d un dialogue politique au sommet avec l Union européenne (UE) en janvier En octobre 2013, la Gambie a par ailleurs mis fin à son adhésion au Commonwealth britannique, puis rompu en novembre 2013 ses relations diplomatiques avec Taïwan. Autre source de tensions, l introduction temporaire fin octobre 2012 d un ancrage fixe du taux de change, qui a menacé le cadre macroéconomique et érodé la confiance vis-à-vis des engagements du pays à l égard de la Facilité élargie de crédit conclue avec le FMI début Les pressions exercées par les partenaires de développement, notamment le FMI, ont fini par faire entendre raison au gouvernement, qui est revenu sur sa politique. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines La Gambie a légèrement progressé dans le classement de l Indice de développement humain (IDH). Elle est passée de la 168 e à la 165 e place sur 187 pays en 2012, mais continue de stagner dans le groupe à «faible développement humain». De même, le pays éprouve toujours des difficultés à atteindre la plupart des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Des avancées ont été observées en matière d éducation, de santé et de nutrition ces dernières années. Pour autant, de nombreuses difficultés persistent dans la réalisation des autres objectifs. La Gambie a atteint les OMD ayant trait à l égalité des sexes dans l enseignement primaire et secondaire et à l amélioration de l accès aux sources d eau potable. Les OMD relatifs aux taux d achèvement de la scolarité primaire (en dépit d importants progrès), à la mortalité infantile et maternelle, à la vaccination contre la rougeole et aux accouchements sans l aide de personnel qualifié ne seront vraisemblablement pas atteints d ici 2015 si les politiques et le soutien des donneurs sont maintenus en l état. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 79

81 Gambie Malgré leur bonne exécution, les programmes de lutte contre la pauvreté dépendent du soutien continu des donneurs. Le taux d exécution du budget alloué aux programmes sociaux (éducation, santé et agriculture incluses) était de 96.5 % en Les programmes d éducation, de santé et de nutrition ont bénéficié des meilleurs taux d exécution au début des années 90. Toutefois, les budgets alloués à ces programmes ont été en grande partie versés en salaires et traitements. En 2011, le gouvernement a consacré 34.4 % de son budget aux secteurs prioritaires et leur a alloué plus de 38 % en La Gambie a connu une forte progression du nombre d inscriptions dans l enseignement ces dix dernières années, progression qui s est accompagnée par le maintien de forts taux d achèvement dans l enseignement primaire et par un faible taux moyen de redoublement. Pour autant, les inégalités et les disparités sont criantes après ventilation des chiffres par tranche de revenus et par région. Les ménages gambiens participent largement à l éducation de leurs enfants, et prennent à leur charge 46 % des frais d éducation au niveau élémentaire inférieur, par exemple. Les droits de scolarité officieux dans les écoles publiques contribuent à ces frais, et sont dans certains cas prohibitifs pour les ménages les plus défavorisés. Le secteur de l enseignement doit en priorité s attaquer à ces problèmes en éliminant les frais de scolarité. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail La pauvreté a sensiblement reculé ces dix dernières années, mais reste répandue avec de fortes disparités régionales. Le taux global de pauvreté (moins de un dollar par personne et par jour) est tombé de 58 % à 36.7 % entre 2003 et En relevant le seuil de pauvreté à moins de 1.25 dollar par personne et par jour, pas moins de 48.4 % de la population est concernée en À l échéance de 2015, le gouvernement devrait réduire la pauvreté de 33 points de pourcentage pour atteindre l objectif de 15 % fixé par les OMD. À moins d un investissement massif, le pays n atteindra vraisemblablement pas ces objectifs. La volatilité de la production, notamment, provoquée par la sécheresse de 2011 a contribué à aggraver la pauvreté, surtout en milieu rural 1. La pauvreté est plus profondément ancrée et répandue chez les ménages dirigés par des travailleurs agricoles ou des pêcheurs. On observe en effet des disparités spatiales marquées, l indice numérique de pauvreté étant deux fois plus fort chez les ménages ruraux que chez les ménages urbains. Les familles nombreuses accentuent l incidence de la pauvreté, mais les transferts de fonds de la diaspora ont contribué à l alléger. Le fort taux de chômage et de sousemploi, notamment chez les femmes et les jeunes, est l une des principales causes de pauvreté en Gambie. Estimé à plus de 40 %, le chômage des jeunes est trois fois plus élevé que celui des adultes. L importance que le gouvernement de Gambie attache à la réduction de la pauvreté se traduit par la mise en place de nombreuses politiques corrélées à la réalisation des OMD. Le Programme PAGE cherche à atteindre et à maintenir une croissance de 10 % du PIB en mettant l accent sur la création d emplois et la production de revenus, notamment dans le secteur productif de l agriculture duquel la plupart des ménages pauvres tirent leur subsistance. Un autre axe stratégique poursuivi par le PAGE réside dans la lutte contre le chômage des jeunes. En 2010, le gouvernement gambien a mis en place une politique d emploi ( ) dans l optique d offrir aux jeunes et aux femmes des emplois respectables, d encourager l esprit d entreprise, de faciliter et de multiplier les emplois et les offres, et de les aider à accéder au financement. Afin de résoudre les problèmes d accessibilité et d égalité, l admission aux programmes de formation technique et professionnelle sera facilitée pour les femmes et les personnes vulnérables. Pour l heure, le régime de retraite de la fonction publique repose sur un système de prestations déterminées non capitalisé. L examen du système en place étayé par des projections de base suggère les éléments suivants : i) la faiblesse des bénéfices et leur prévision difficile s expliquent par une prise en charge insuffisante des travailleurs arrivés à l âge de retraite ; ii) la charge des prestations de retraite n est assurée que peu après le départ à la retraite, mais comporte 80 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

82 d importants risques et incertitudes quant à la durée de la retraite ; iii) la formule de calcul des prestations et les conditions de leur octroi ne sont pas assez favorables et engendrent des inégalités entre travailleurs ; iv) le programme en faveur des personnes en situation de handicap ne couvre pas les travailleurs avant l acquisition des droits et n offre que des prestations très restreintes aux jeunes ou aux travailleurs éligibles, et le programme en faveur des survivants est quasi-inexistant ; et v) même si le régime de retraite semble être réellement abordable, son coût à long terme devrait bondir sous l effet d une détérioration de la démographie. Le gouvernement a commencé à mettre en place un nouveau régime de retraite viable dans le cadre de sa stratégie de réforme de la fonction publique ( ). Gambie Égalité hommes-femmes Les femmes représentent 45 % de la population économiquement active, avec un taux de participation à la main-d œuvre de 72 %, contre 83 % pour les hommes. Elles sont majoritairement employées dans le secteur informel et ne représentent que 21 % des effectifs de la fonction publique. Les femmes travaillent essentiellement (70 %) dans l agriculture rurale de subsistance, notamment dans la production de riz et l horticulture. Elles ne participent toutefois que faiblement à la productivité en raison de leur accès limité aux intrants agricoles, au crédit et aux technologies, et du manque de débouchés. Garantir un service de vulgarisation attentif aux questions d égalité des sexes, des circuits de commercialisation mieux organisés et une participation plus équitable dans les chaînes de valeur offrirait un bon point de départ stratégique pour répondre aux besoins des femmes chefs d exploitation. La Gambie prive toutes les femmes, quelle que soit leur appartenance ethnique, du droit de posséder des terres. Le gouvernement s attache à résoudre ce problème, et le programme PAGE reconnaît la nécessité de réorganiser le droit foncier et le régime de transmission du patrimoine afin de corriger les déséquilibres entre hommes et femmes et accroître la productivité agricole. La Gambie ne démérite pas par rapport à ses pairs d Afrique occidentale dans le classement mondial 2011 de l Indice sur l inégalité entre hommes et femmes publié par le Forum économique mondial à la 77 e place (sur 135), bien au-dessus du Sénégal voisin (92 e ) et de la Mauritanie (114 e ). L OMD relatif à l égalité des sexes dans les écoles primaires et secondaires a été atteint, et le pays est en passe de réaliser l objectif d égalité des sexes dans les établissements secondaires de second cycle d ici La contribution des femmes aux prises de décision reste toutefois faible. Seules 33 % et 13 % des femmes occupent des postes à responsabilité dans le gouvernement et l Assemblée nationale respectivement. Les freins à l entrée en politique des femmes sont si complexes et solidement enracinés dans les traditions sociales et culturelles qu ils les découragent de s engager dans la scène publique. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique La Gambie participe aux CVM à travers deux secteurs principaux : le tourisme et les fruits à coque, principales sources de recettes en devises en dehors du secteur des réexportations, et sur lesquels des informations sont disponibles. Chaîne de valeur touristique Le tourisme est devenu le secteur à la croissance la plus rapide, représentant 12 % du PIB national (et près de 18 % projetés d ici 2020) et 3.8 % de l emploi total en En 2012, près de touristes se sont rendus en Gambie, contre en Les visiteurs étrangers viennent essentiellement du Royaume-Uni (54.6 % des marchés traditionnels en 2012), des Pays-Bas (17.9 %) et de la Suède (7.3 %), pour des raisons de proximité. La Gambie est à seulement 5 ou 6 heures de vol des aéroports d Europe du Nord. La destination BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 81

83 Gambie étant presque exclusivement desservie par les vols de tour-opérateurs, notamment au Royaume- Uni, la décision des moyens et des ressources leur appartient. La Gambie est particulièrement vulnérable à toute récession dans la demande en tourisme balnéaire (soleil, sable et plage) frappant ses marchés émetteurs. En outre, ce type de tourisme s avère très concurrentiel, avec plusieurs destinations prisées en hiver. L activité touristique reste saisonnière en Gambie, la plupart des tour-opérateurs ne proposant la destination que de novembre à avril. Au Royaume- Uni, Gambia Experience est le seul opérateur majeur à travailler toute l année et à programmer régulièrement des vols affrétés entre Londres et Banjul. La Commission du tourisme de Gambie (Gambia Tourism Board - GTB) a été instaurée en juillet 2010 dans le but de promouvoir, encadrer, développer et superviser le secteur du tourisme en Gambie. Elle réunit des hôteliers, des agences de voyage et des professionnels du divertissement. La GTB est également chargée de conseiller le secteur et de lui offrir un service à guichet unique. Elle fait la promotion de l investissement étranger et local dans le secteur. Elle coopère également avec les partenaires européens afin de développer des produits et des services durables. La Gambie cherche à valoriser son image de marque, pour passer d une destination balnéaire bon marché à un tourisme plus prestigieux, axé sur la culture et la nature. Les investisseurs peuvent bénéficier des nombreuses mesures incitatives prévues par la Loi de promotion des investissements et des exportations, le Plan directeur de développement du tourisme en Gambie (élaboré en 2006) et par la stratégie de développement national. Ces mesures incitatives visent à bénéficier au tourisme écologique, au patrimoine national, au tourisme territorial, à la pêche sportive, aux sports d eau et aux croisières, aux hôtels 4 ou 5 étoiles, aux complexes et aux marinas intégrés. Le Plan directeur de développement du tourisme en Gambie souligne les axes prioritaires pour garantir que les retombées financières du tourisme profitent davantage au reste de l économie. Ces axes prévoient ainsi de développer les infrastructures, et notamment de renforcer l accès aux territoires intérieurs et les liens avec le monde agricole. Sur ce dernier point, la stratégie à court terme prévoit de mettre à l honneur la production locale dans les hôtels et les restaurants, alors qu à moyen terme l accent est mis sur un meilleur fonctionnement de la chaîne d approvisionnement horticole à l attention de la restauration par le biais des grossistes et des coopératives de femmes. Afin de contrer le problème de saisonnalité, le Plan directeur souligne la nécessité de cibler certains créneaux spécifiques du marché, parmi lesquels la conservation et l exploitation des sites et des espaces inscrits au patrimoine naturel et culturel. Le secteur touristique gambien reste concentré : seuls quelques voyagistes travaillent avec les quatre uniques opérateurs nationaux et la vingtaine d hôtels côtiers. La chaîne de valeur des forfaits vacances constitue le plus gros du tourisme dans le pays. Dans leur étude pour l Institut de Développement d Outremer (Overseas Development Institute - ODI) publiée en mars 2008 sous le titre «The Gambian Tourist Value Chain and Prospects for Pro-Poor Tourism» (Chaîne de valeur touristique en Gambie et perspectives du tourisme favorable aux pauvres), les auteurs J. Mitchell et J. Faal ont calculé qu un tiers de la valeur des forfaits vacances demeurait dans le pays, le reste allant à l étranger aux compagnies aériennes et aux voyagistes internationaux. En revanche, une part plus importante des dépenses des touristes reste dans le pays, profitant assez largement aux populations défavorisées. D après les calculs de l ODI, une part de «14 % de la portion de la chaîne de valeur basée en Gambie tombe directement dans l escarcelle des ménages défavorisés». L utilisation de produits cultivés localement dans la vente de nourriture et de boissons aux touristes représenterait environ 1 million de livres sterling (GBP) de recettes pour les exploitants agricoles notamment. Hormis les réformes politiques, ces retombées favorables aux populations défavorisées peuvent également être mises au crédit d initiatives nationales comme Gambia is Good (GiG) qui œuvre à consolider les liens entre le secteur des fruits et légumes et l industrie du tourisme, et l Association gambienne des petites entreprises du tourisme (Association of Small-Scale Enterprises 82 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

84 in Tourism - ASSET). Le Fonds pour relever le défi du tourisme (Tourism Challenge Fund) par le biais de l ASSET a également permis à des petites et moyennes entreprises (PME) de se structurer pour intégrer la chaîne de valeur touristique. Il a par exemple été constaté que les vendeurs de fruits et autres presseurs de jus frais sur les plages ont adopté un code visant à réduire le harcèlement des touristes et ont établi des stands de vente pour ne plus avoir à arpenter les plages. Les guides et les artisans ont adopté des initiatives similaires, et les hôteliers invitent les artisans à vendre à tour de rôle leurs produits dans leurs hôtels. Les revenus des vendeurs de fruits ont ainsi progressé de 50 %, ceux des presseurs de jus de 120 %, et ceux des guides d un tiers ; les artisans du marché auraient également doublé leurs revenus et créé 43 nouveaux emplois. Gambie Bien que le pays soit parvenu à retirer de l activité touristique un fort effet démultiplicateur, ces profits restent cantonnés aux zones côtières. La Gambie peur espérer dégager de la promotion du tourisme économique et culturel de ses terroirs de plus grands bénéfices pour les populations défavorisées. Les pouvoirs publics doivent instaurer un environnement propice à l investissement dans ces débouchés en développant les réseaux terrestres et fluviaux et les technologies de l information et de la communication (TIC) pour accroître l accessibilité des régions intérieures. Chaîne de valeur de la noix de cajou La noix de cajou domine les échanges internationaux de fruits à coque, et représente près de 20 % du total des échanges en poids. L Afrique de l Ouest récolte actuellement près de tonnes d amandes de cajou brutes par an, soit 30 % de la récolte mondiale. La vaste majorité (95 %) de cette production est exportée en Inde, où les amandes de cajou sont cuites, décortiquées puis transformées en noix de cajou propres à la consommation avant d être vendues localement et à l international. Malgré les fluctuations du prix de la noix de cajou par le passé, la tendance s oriente à la hausse. La flambée des prix en 1998/99 a été provoquée par de mauvaises récoltes, alors que les industriels se sont engagés à honorer des carnets de commande dépassant les quantités qu ils pouvaient réellement livrer. Plus de 1.2 million d exploitants de petite taille cultivent la noix de cajou en Afrique de l Ouest, pour des rendements d environ 400 kg/ha, contre un potentiel de kg/ha si de meilleures pratiques agricoles étaient adoptées. Aidée par l Alliance africaine pour le cajou (Africa Cashew Alliance - ACA), la région s impose progressivement comme un producteur et un transformateur incontournable de noix de cajou qui alimente les marchés lucratifs en Inde. L Afrique de l Ouest a évidemment beaucoup à gagner au développement d une industrie de transformation locale : des prix plus justes pour les exploitants, une réduction du chômage et une meilleure sécurité alimentaire en milieu rural. Les pays jouissant du meilleur environnement économique et d un ferme engagement de la part des pouvoirs publics sont les plus susceptibles de connaître la croissance la plus rapide dans les industries de transformation. À l heure de son indépendance en 1965, la Gambie dépendait de la production et des exportations de fruits à coque, un secteur qui n a cessé de reculer par la suite en importance relative, à mesure que le tourisme progressait. La production de fruits à coque représente désormais quelques 10 % du PIB. Nous nous intéresserons ici aux noix de cajou, une filière mieux intégrée dans les CVM et qui représentait 62 % de la production de fruits à coque et 44 % du total des exportations en Introduite en Gambie dans les années 60, la noix de cajou devait à l origine servir de parefeu naturel aux zones forestières environnantes. La production commerciale de noix de cajou a considérablement progressé depuis 2000, notamment celle des petites exploitations dans les régions de la Côte occidentale (West Coast) et de la Rive Nord (North Bank). La production de noix de cajou brutes a été multipliée par plus de 20 en moins de 10 ans, passant de 150 tonnes en 2001 à tonnes en 2009 (pour une production mondiale de 2 millions de tonnes, tonnes en Guinée-Bissau et tonnes au Sénégal). La production gambienne devrait atteindre les tonnes en Le gouvernement tient à soutenir la filière en tant que chaîne de valeur pilote de la réalisation des objectifs de développement commercial du pays. La Gambie jouit d un environnement idéal pour investir dans les noix de cajou, grâce à de bonnes conditions de séchage et une noix de qualité supérieure (190 à 210 noix par kg et un BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 83

85 Gambie résultat de 23 à 28 kg d amandes pour 80 kg de noix de cajou brutes) qui concurrence les noix produites au Sénégal et en Guinée-Bissau. La plus grande part de la production est achetée par les exportateurs saisonniers indiens. Faute de grands acheteurs, les exploitants ne savent jamais à l avance à qui ils vont vendre et à quel prix. Au fil des années, toutefois, le prix des noix de cajou brutes n a cessé de progresser, sous l effet de la hausse de la demande mondiale et de la qualité des récoltes gambiennes. À ce jour, la capacité de prise en charge des noix de cajou aux ports est estimée à tonnes par an, en hausse de 8 % en La chaîne de valeur de la noix de cajou gambienne passe par plusieurs intermédiaires distincts, du producteur à l industriel, qui érodent d autant les marges du producteur. Après la récolte, notamment, l achat des noix est généralement confié à des intermédiaires, à des villageois propriétaires de boutique, et à des agents de collecte. Le produit est ensuite acheminé soit à des exportateurs locaux, soit aux exportateurs indiens saisonniers, soit aux négociants nationaux. Les négociants nationaux, pour la plupart gambiens, sont généralement des hommes d affaires locaux cherchant à tirer profit de l achat, de l entreposage et de la vente de noix aux acheteurs saisonniers indiens. Une fois achetées, ces noix finissent par être presque totalement expédiées en Inde où elles sont transformées. Cette chaîne de valeur aurait besoin de relever un certain nombre de défis pour accroître les opportunités de création de richesses : i) les freins à la commercialisation, à savoir le manque de centrales officielles d achat de noix de cajou en Gambie ; ii) l absence d installations de transformation ; iii) la nécessité de former les exploitants et les techniciens aux bonnes pratiques ; iv) l absence de transformation de la pomme de cajou ; v) l insuffisance et le coût exorbitant des transports entre les exploitations rurales et les milieux urbains ; et vi) le manque d entrepôts et de séchoirs au niveau des exploitations. La transformation de la noix de cajou en Gambie reste négligeable : seules cinq à 10 tonnes y sont transformées par an. Une large proportion de noix de cajou est exportée à destination des industriels indiens. Avec tonnes de noix de cajou qui quittent la région, les entreprises ont ici la possibilité d établir des installations de transformation en Gambie pour s imposer en tant que principal transformateur d Afrique. Grâce à son emplacement, la Gambie offre l avantage d un système portuaire efficace et rentable dans la sous-région. La transformation de la pomme de cajou pourrait également offrir un nouveau débouché aux intrants essentiellement gratuits puisque les exploitants de la région préfèrent s en débarrasser. Dans certaines régions du monde, la pulpe de pomme de cajou entre dans la fabrication de jus, de liqueurs et de confitures. La pomme de cajou pourrait également s avérer particulièrement rentable dans la production d éthanol. Note : 1. Selon les estimations issues de l évaluation après récolte des répercussions de la sécheresse de 2011 réalisée par l Organisation des Nations Unies pour l alimentation et l agriculture (FAO), un peu plus de habitants (7 % en milieu rural) auraient été durement touchés par la sécheresse. 84 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

86 Ghana 2014 Eline Okudzeto / e.okudzeto@afdb.org Wilberforce Aminiel Mariki / a.mariki@afdb.org Gregory De Paepe / gregory.depaepe@oecd.org Kordzo Sedegah / kordzo.sedegah@undp.org

87 Ghana Ghana Le Ghana devrait continuer de bénéficier à moyen terme d une croissance économique vigoureuse à la faveur d un regain de production pétrolière et gazière, d une hausse des investissements dans le secteur privé, d un meilleur développement des infrastructures publiques et d une stabilité politique durable. La promotion du secteur industriel ghanéen en vue de son intégration dans les chaînes de valeur régionales pourrait soutenir le pays dans ses efforts de transformation structurelle à la condition toutefois que les pouvoirs publics prennent des mesures pour renforcer la productivité agricole et répondent aux défis dans les infrastructures et l environnement des entreprises. À l exception de la mortalité maternelle et infantile, de l assainissement et de l emploi, le Ghana a considérablement progressé dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le Ghana a ainsi atteint les objectifs d éliminer l extrême pauvreté et d accéder à l eau potable et est en bonne voie pour réaliser les objectifs sur le front de la faim, de l éducation et de l égalité des sexes. Vue d ensemble L économie ghanéenne continue de progresser à un rythme honorable avec une croissance annuelle moyenne de près de 6.0 % sur les six dernières années. En 2013, la croissance a ralenti pour retomber à 4.4 %, bien en dessous des 7.9 % atteints en Cependant, la croissance a été générale, largement portée par les secteurs orientés vers les services et par l industrie, qui ont en moyenne progressé à un taux de 9.0 % entre 2008 et Sur le moyen terme, à horizon 2015, l économie devrait enregistrer une solide croissance de près de 8.0 %, favorisée par un regain de production pétrolière et gazière, une hausse des investissements dans le secteur privé, un meilleur développement des infrastructures publiques et une stabilité politique durable. La dégradation chronique du déficit budgétaire pèse lourdement sur la viabilité des finances publiques et de la dette. Après un dépassement des dépenses en 2012, qui s est traduit par un déficit budgétaire sans précédent de près de 12 % du PIB, la situation n a guère évolué en 2013, le pays accusant un déficit quasiment de même ampleur. Les mesures visant à accroître les recettes et à assainir les dépenses en cours en 2014 devraient permettre de ramener le déficit budgétaire à 9.0 %. En parallèle des contraintes budgétaires, l inflation a progressé sous l effet de certains facteurs au nombre desquels la suppression des subventions sur les prix du pétrole et la hausse progressive des tarifs de l électricité et de l eau. Il convient également de noter la dégradation de la dette publique de 43.0 % du PIB en 2011 à 48.0 % en 2012, puis à 53.5 % en septembre 2013, conséquence d un déficit budgétaire qui se creuse. Le secteur extérieur va encore accuser une aggravation du déficit de la balance courante avoisinant les 12 % du PIB en 2014, aggravé par la baisse des prix des principales matières premières, notamment l or et le cacao. À l exception de certains secteurs de l agroalimentaire et d importantes exportations d or et de cacao brut, le Ghana demeure relativement absent des chaînes de valeur mondiales en raison de son industrie encore naissante. Pourtant, par rapport à ses voisins de la région, le Ghana possède les capacités industrielles suffisantes pour exporter et diriger les chaînes de valeur régionales au sein des pays de la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO). La proximité géographique du Ghana avec les marchés de la CEDEAO devrait concourir à accroître la consommation, alors que les exigences normatives moins strictes offrent aux groupes industriels ghanéens la possibilité de se développer et d augmenter leur productivité. Le secteur industriel ne progressera que si les pouvoirs publics parviennent à lever les contraintes qui pèsent sur le coût du crédit et sur la fourniture aléatoire d énergie, condition nécessaire au développement des principaux secteurs industriels tels que les matériaux de construction, le textile, l agroalimentaire et les produits pharmaceutiques. es barrières non tarifaires compromettent un peu plus le développement de ces chaînes de valeur régionales. 86 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

88 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Ghana % 16 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives L économie ghanéenne continue de progresser à un rythme honorable avec une croissance annuelle moyenne de près de 6.0 % entre 2005 et 2010, et a culminé au niveau historique de 15.0 % en 2011, après que le pays a rejoint la ligue des pays producteurs de pétrole. La croissance a reculé, atteignant 7.9 % en 2012 et moins de 5.0 % en 2013, en raison principalement de performances médiocres du secteur agricole et de l industrie. Le secteur minier a notamment subi un ralentissement dû aux baisses brutales du cours de l or, alors que la production pétrolière n a pas atteint les objectifs. Pour autant, la croissance a été générale, largement portée par le secteur des services qui représentent près de 50.0 % du PIB global. L industrie, qui englobe les activités minières, la fabrication et la construction, se classe deuxième à 27.0 % du PIB. Depuis septembre 2012, le rationnement de l énergie survenu jusqu au premier semestre 2013 suite à la fermeture du gazoduc ouest-africain (West African Gas Pipeline) a freiné l activité dans divers secteurs, notamment l industrie manufacturière, avec des prévisions de croissance projetée à 6.3 % en 2013, en baisse par rapport aux 6.9 % enregistrés en Compte tenu du caractère général de la croissance économique ghanéenne, le pays jouit d un faible taux de chômage et bénéficie de créations d emplois dans tous les secteurs, notamment dans les services et l agriculture. Bien que l agriculture pèse pour près de 20.0 % du PIB, elle continue de constituer la base de l économie en termes de production de cultures et d emploi. En 2012, la production de cultures a représenté près de 16.4 % du PIB, en baisse par rapport aux 19.0 % enregistrés en Elle reste cependant une source majeure d emplois estimée à 40.0 % de BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 87

89 Ghana la main-d œuvre totale 1. Le cacao, culture essentielle pour le Ghana, représente près de 10.0 % de la production agricole et contribue à environ 20.0 % de la valeur totale des recettes d exportation. Une initiative visant à exporter au moins 50.0 % de la production totale de cacao sous forme transformée compte au nombre des mesures destinées à valoriser cette culture importante. En 2012, le cacao transformé a représenté près de 25.0 % des exportations totales de cacao, et les perspectives d une intensification de la transformation du cacao restent soutenues face à la hausse de la demande mondiale en poudre et pâte de cacao. La production agricole ghanéenne reste essentiellement menacée par sa forte dépendance aux conditions météorologiques et aux prix du marché mondial, ainsi que par l épuisement des ressources naturelles, notamment forestières. Suite à l adhésion du Ghana à la ligue des producteurs de pétrole, le secteur pétrolier devrait désormais compter au nombre des principaux moteurs de la croissance économique à moyen terme. Les réserves de pétrole sont estimées à près de 2.0 milliards de barils, et on dénombre 23 nouvelles découvertes de pétrole et de gaz depuis la découverte du gisement Jubilee en La production pétrolière a progressivement augmenté passant de à barils par jour (b/j) en 2012 à près de b/j en septembre 2013 à plein rendement. En 2012, la production pétrolière a rapporté au pays environ 3.0 milliards USD, soit près de 22.0 % de la valeur totale des exportations et environ 5.0 % du total des recettes publiques. En 2014, la production pétrolière devrait s établir aux alentours de b/j. Outre le pétrole, la production d or reste la source la plus importante de revenus du pays qui se classe dans ce domaine 2 e derrière l Afrique du Sud pour le continent africain. En 2012, la production d or a progressé de 17.0 % à 4.2 millions d onces contre 3.6 millions en Elle a bénéficié de la hausse progressive du cours mondial de l or à USD par once en En 2013, la production et les recettes issues de l or ont été fortement affectées par une baisse importante du cours de 28.0 % à près de USD en décembre Au vu des perspectives limitées quant à une prochaine hausse des cours de l or en 2014, la production d or du pays continuera certainement à ralentir et rapportera donc moins de recettes d exportation. Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Sur le front de la demande, l analyse économique du pays semble indiquer une croissance importante à la fois des dépenses de consommation finale et de la formation brute de capital. Malgré une contraction de la consommation en 2013, essentiellement imputable aux compressions budgétaires alors que le gouvernement supprime progressivement les subventions aux entreprises de services publics et aux compagnies pétrolières et tente de contenir sa masse salariale, la consommation devrait repartir en 2014 et en 2015, à la faveur de la consommation privée, grâce à l amélioration générale du revenu disponible conforme à la croissance économique robuste. La formation de capital devrait également poursuivre un rythme de croissance soutenu de près de 10.0 % par an sur le moyen terme, portée par le renforcement des investissements dans le 88 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

90 secteur privé visant de nouvelles opportunités dans les sous-secteurs du pétrole et du gaz. La croissance à venir sera stimulée par la hausse persistante des investissements dans le secteur privé, notamment dans l énergie, le pétrole et le gaz, ainsi que par un meilleur environnement macroéconomique. Dans l ensemble, la croissance économique à moyen terme à horizon 2015 devrait être soutenue à près de 8.0 %. Ghana Politique macroéconomique Politique budgétaire Le gouvernement du Ghana est déterminé à assainir les finances publiques avec l objectif ultime de réduire le déficit à environ 5.0 % du PIB d ici Pour autant, l évolution des opérations publiques tend toujours vers un creusement du déficit public. Après un dépassement des dépenses en 2012, qui s est traduit par un déficit budgétaire de près de 6 % du PIB, la situation ne s est pas amélioré en 2013, le pays accusant un déficit de 7.8 % (tableau 3). Les mesures budgétaires mises en place au second semestre 2013 devraient commencer à porter leurs fruits en L accroissement des dépenses en salaires et traitements, les subventions ainsi que le paiement des intérêts et des arriérés ont essentiellement concouru à creuser le déficit budgétaire. Si le gouvernement ghanéen veut combattre efficacement ces contraintes budgétaires, il doit impérativement chercher à accroître les recettes fiscales dans l optique d en faire une composante essentielle (80.0 %) des recettes intérieures totales. Les recettes pétrolières restent faibles, atteignant à peine 0.2 % des recettes totales. L aide des partenaires de développement est marginale et poursuit sa tendance à la baisse, ne représentant que 7.0 % des recettes totales en 2013, en baisse par rapport aux quelques 14.0 % enregistrés en Malgré la contribution marginale des recettes pétrolières, leur système de répartition a le mérite de retenir l attention. Conformément à la loi nationale sur la gestion des revenus pétroliers, près de 30.0 % du total des recettes pétrolières au gouvernement sont conservés par la Ghana National Petroleum Corporation (GNPC société nationale ghanéenne de pétrole) pour le développement de l industrie pétrolière et gazière, alors que les 70.0 % restants se répartissent entre le Montant annuel des fonds budgétaires (Annual Budget Funding Amount ABFA) et le Fonds pétrolier du Ghana (Petroleum Funds GPF) à environ 40.0 % et 60.0 % respectivement. Alors que les ressources de l ABFA sont réservées au financement de projets prioritaires, les fonds pétroliers (GPF) sont en partie investis au profit des futures générations par l intermédiaire du Fonds du patrimoine établi par le pays. Les dépenses publiques sont essentiellement composées de dépenses récurrentes (près de 80.0 %), associées à un fort niveau de salaires et traitements (36.0 %) et aux paiements d intérêts (16.0 %) en L augmentation des paiements d intérêts, exacerbée par l érosion du déficit budgétaire est particulièrement préoccupante. Au total, plus de 50.0 % de l enveloppe budgétaire est dédiée aux services sociaux (essentiellement l éducation et la santé), suivis par l administration, la sécurité publique et les secteurs économiques avec respectivement, 16.0 %, 16.0 % et 12.0 %, alors que les dépenses en infrastructures sont les moins bien classées à près de 5.0 %. Malgré plusieurs nouvelles mesures fiscales 2 annoncées en 2012 et en 2013, le Ghana doit impérativement prendre des initiatives décisives pour élargir la base d imposition si le pays veut en finir avec la dégradation chronique de son déficit budgétaire. Le pays figure parmi l un des plus mauvais élèves d Afrique quant aux efforts déployés en matière de mobilisation pour le recouvrement des recettes, avec des recettes fiscales bien en dessous des 20.0 % du PIB, loin derrière les pays en situation comparable comme le Kenya et l Afrique du Sud, où la fiscalité est plus proche des 24.0 % du PIB. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 89

91 Ghana Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Recettes pétrolières Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire En 2013, la Banque du Ghana a poursuivi une politique monétaire rigoureuse afin de contenir la hausse de l inflation et la dépréciation du cedi. En mai 2013, la Banque a relevé son taux directeur de 100 points de base à 16.0 % dans un effort pour limiter les liquidités en anticipation d un rebond de l inflation. Le rythme d expansion des agrégats monétaires est resté modéré en 2013, la monnaie au sens large (agrégat M2+) ayant progressé de 20.8 % en octobre 2013, contre 21.9 % sur la même période en 2012, essentiellement en raison d un ralentissement dans les dépôts en devises. L étude sur les conditions du crédit réalisée par la Banque du Ghana en octobre 2013 indique un net resserrement du crédit, toutes catégories de prêts confondues, exacerbé par la crainte de risques sur l environnement macroéconomique. À cet égard, le rythme de croissance annuelle du crédit au secteur privé s est tassé à 25.0 % fin octobre 2013, contre 44.3 % sur la même période en En dépit de ce resserrement, le secteur bancaire ghanéen a continué d afficher une croissance robuste. Le secteur est resté relativement stable et a bénéficié d une capitalisation solide ainsi que de liquidités et d un rendement durables. Fin septembre 2013, le total des actifs bancaires a progressé pour atteindre 33.9 milliards GHS (près de 40.0 % du PIB) contre 25.1 milliards GHS en septembre 2012 (soit 34.0 % du PIB). Le secteur accuse toutefois un fort taux de créances douteuses de 12.3 % en septembre 2013, légèrement moindre par rapport aux 13.1 % enregistrés en septembre Par ailleurs, les taux de prêt sont relativement élevés puisque l écart entre le taux d emprunt et le taux d épargne dépassait les 20.0 % en décembre Dans une tentative de garantir une tarification transparente du crédit, la Banque du Ghana a introduit pour les prêts consentis par les banques commerciales une formule permettant de déterminer le taux de base, en vigueur depuis le 2 juillet Neutralisée par la suppression des subventions aux prix du pétrole et par les hausses tarifaires de l eau et de l électricité, l expansion monétaire modérée n a eu toutefois que peu de répercussions sur l inflation. En revanche, le changement de base de l IPC de 2002 à 2012 incluant la révision de son panier et les modifications structurelles de ses pondérations dans les postes de dépenses a eu un effet sur le niveau de l inflation. D un taux à un chiffre en 2012, soit 9.0 %, elle est ainsi passée à un taux à deux chiffres en décembre 2013 pour s établir à 13.5 %. Les principaux risques inflationnistes résident dans les pressions sous-jacentes qui pèsent sur les dépenses publiques, la poursuite de l élimination des subventions dans le secteur de l électricité, les faibles résultats économiques, notamment dans l agriculture, et les écueils associés à la demande mondiale. 90 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

92 Coopération économique, intégration régionale et commerce Ghana Le Ghana reste un ardent défenseur de la coopération et de l intégration régionale, et plus particulièrement des initiatives en faveur de la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO). Le pays a paraphé l Accord de partenariat européen (APE) en 2008, mais les négociations sont toujours en cours conjointement sous l égide de la CEDEAO. Cette coopération régionale renforcée a eu un impact positif sur le commerce extérieur ghanéen. Alors que le commerce reste tributaire des marchés européens, les échanges avec la sous-région formée par la CEDEAO se sont intensifiés, jusqu à représenter une part significative des exportations non traditionnelles. Par exemple, en 2012, sur les 2.36 milliards USD d exportations non traditionnelles, les exportations à destination de la CEDEAO et des autres pays africains ont représenté respectivement 31.7 % et 3.9 %. Les exportations étaient essentiellement dirigées vers le Togo, le Burkina Faso, le Nigeria et la Côte d Ivoire. La structure des échanges extérieurs a également changé suite à l adhésion du Ghana à la ligue des pays producteurs de pétrole en La part du pétrole, à 22.0 %, dans les exportations totales a dépassé celle du cacao à 20.9 %. Toutefois, les exportations d or continuent de couvrir la plus large part des échanges à environ 40.0 %. L instauration de Zones franches d exportations, en vigueur depuis 1996, a débouché sur l immatriculation de 260 entreprises qui exportent au moins 70.0 % de leur production. En outre, l autorité de promotion des exportations du Ghana (Ghana Export Promotion Authority GEPA), instaurée en 1969, et le Fonds d investissement pour le développement des exportations et l agriculture (Export Development and Agricultural Investment Fund EDAIF), introduit en 2000, ont mis en place un large choix d aides et de facilités de crédit pour les exportations, notamment pour les produits agricoles. En parallèle de ces initiatives pour promouvoir les investissements, le Ghana a été le bénéficiaire privilégié de l Investissement direct étranger (IDE) en Afrique de l Ouest. Les entrées d IDE ont progressé de 855 millions USD en 2007 à 3.2 milliards USD en 2012, soit près de 20.0 % du total des IDE destinés à la région de la CEDEAO 3. Les télécommunications, les transports et la logistique, les services financiers et les sous-secteurs de l alimentation et des boissons ont été les principaux bénéficiaires des IDE. Le Ghana fait l objet d un volume important d IDE dont la part dans la formation brute de capital fixe s établit en moyenne aux alentours des 40.0 %. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). En 2013, les recettes d exportation ont reculé dans les échanges extérieurs suite aux baisses constantes des prix de l or et du cacao à 12.0 % et 33.0 % respectivement au cours des dix derniers mois par rapport à la même période en Pour autant, le déficit commercial s est réduit à la faveur d un regain de production de pétrole brut à plus de b/j en 2013, de solides et constantes exportations non traditionnelles et d une réduction de la demande en importations, en partie entraînée par la dépréciation progressive de la monnaie par rapport aux principales devises. En revanche, la balance des opérations courantes a continué d afficher un déficit à deux chiffres à près de 12.4 % du PIB en 2013, en raison d une détérioration dans les comptes de services, BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 91

93 Ghana de revenus et de transferts (tableau 4). En 2014 et en 2015, le déficit de la balance des opérations courantes continuera de se creuser à près de 17.0 % du PIB en 2015, principalement à cause de l accroissement du déficit commercial, elle-même exacerbée par une hausse de la demande en importations. Les réserves brutes de change ont quelque peu fléchi, avec une couverture des importations légèrement inférieure à trois mois, en raison de recettes d exportation moins élevées que prévu. Les réserves se sont établies à 5.6 milliards USD fin octobre 2013, légèrement en dessous des 5.3 milliards USD enregistrés en décembre Bien que le Ghana entre dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire, l aide publique au développement (APD) représente toujours environ 5.0 % du PIB en 2012, soit le même niveau depuis Politique de la dette Le Ghana a consolidé ses compétences en gestion de la dette en associant le service de gestion de la dette du ministère des Finances à des cellules spécialisées en fonction du domaine fonctionnel de manière à améliorer ses compétences et ses politiques en matière de gestion de la dette. Une nouvelle Stratégie de gestion de la dette (Debt Management Strategy DMS) devrait concourir à davantage renforcer la gestion de la dette en La dette publique du Ghana indique une tendance à la hausse : de 25.0 % du PIB en 2006 suite à l allégement de la dette dans le cadre de l initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), elle est passée à 48.0 % du PIB en 2012, puis à 52.0 % en À l inverse, la dette extérieure du secteur privé a poursuivi sa tendance à la baisse, diminuant de presque moitié, de 7.8 % du PIB en 2010 à environ 4.0 % en La part de la dette intérieure dans la dette publique totale a augmenté de 20.0 % en 2005 à 56.0 % en 2012, conformément à l objectif de la Stratégie de gestion de la dette à moyen terme (Medium-Term Debt Management Strategy) de garantir un niveau prudent de risque et de développement sur le marché de la dette nationale. La hausse de la dette intérieure a toutefois nui aux finances publiques au regard de la dépendance accrue à l égard des emprunts à court terme qui s établit à environ 60.0 % du total des emprunts intérieurs. Résultat, fin septembre 2013, la dette totale du secteur public ressortait à 46.1 milliards GHS (près de 53.3 % du PIB), en hausse par rapport aux 35.1 milliards GHS (48.4 % du PIB) en décembre Le niveau de la dette totale (publique et privée) en 2013 avoisinait 57.0 % du PIB, tiré par une dégradation chronique du déficit budgétaire. Le niveau de la dette totale dans le PIB se maintient toutefois sous le seuil de viabilité de 60.0 % du PIB octroyé par la DMS du Ghana, et reste conforme à l évaluation de la soutenabilité de la dette (Debt Sustainability Assessment DSA) qui juge le risque de surendettement modéré. La DSA indique une stabilisation du ratio dette/pib aux alentours de 50.0 % du PIB selon le scénario de référence, les principales vulnérabilités liées au surendettement étant le ratio élevé du service de la dette publique sur les revenus qui prévaut à près de 40.0 % et les risques qui continuent de peser sur les perspectives budgétaires. 92 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

94 Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations Ghana % Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé L activité économique du secteur privé, notamment du secteur manufacturier, a ralenti au premier semestre 2013, pénalisée par le rationnement d énergie débuté en septembre 2012 suite à la fermeture du gazoduc ouest-africain. Les coupures de courant ont entraîné des déficits de production et des pertes de revenus alors que les entreprises ont dû recourir à des solutions d alimentation électrique plus onéreuses pour produire. Si le Ghana veut progresser sur le front de la fourniture d électricité, il est crucial que le gouvernement prenne des mesures visant à renforcer la fiabilité, la tarification et l efficacité, ainsi que le développement du secteur énergétique. Selon l Association des industries du Ghana (Association of Ghana Industries), lors des deux premiers trimestres de l année, l annonce d une hausse de respectivement 78.2 % et 59.8 % des tarifs de l électricité et de l eau, ainsi que l augmentation des impôts sur les sociétés de 5.0 % et de la TVA de 2.5 % devraient accroître les coûts relatifs à la conduite des affaires dans le pays. Si le gouvernement continue de mener de front plusieurs politiques, parmi lesquelles figurent notamment les initiatives formulées dans la stratégie nationale d exportation (2013), la politique industrielle et le Programme de développement du secteur privé (PSDS II), le Plan stratégique de développement du secteur financier (FNSSP II), et les réformes fiscales et énergétiques, l impact de ces réformes reste mitigé tant ces politiques manquent de cohérence à travers les différentes stratégies déployées. Un constat qui se reflète dans le classement du Ghana dans l édition 2014 du rapport de la Banque mondiale, Doing Business : si les indicateurs portant sur la fourniture d électricité et le paiement des impôts ont considérablement progressé de 24 et de 3 points respectivement, 6 des autres critères de notation ont reculé dans le classement. Les pouvoirs publics poursuivent la mise en œuvre de politiques et de programmes visant à promouvoir le développement du secteur privé, et notamment à combattre les obstacles à l accès au crédit. Le budget 2014 prévoit la création d un fonds dédié aux petites et moyennes entreprises (PME), ainsi qu une extension du Fonds d investissement et de développement des exportations BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 93

95 Ghana à l agriculture. L annonce de l instauration dans le budget de 2014 d un Fonds ghanéen pour les infrastructures (Ghana Infrastructure Fund) conjugué au Programme d investissement public (Public Investment Program PIP) et à la politique de partenariats public-privé (PPP) devrait accélérer le développement et le financement des infrastructures dans l optique de relever certains des défis auxquels est confronté le secteur privé. Ces initiatives devraient par ailleurs permettre d orienter à la fois les futurs capitaux privés et les investissements du secteur public. Secteur financier Jugé stable et solide, le secteur financier ghanéen est soutenu par un certain nombre de réformes financières qui remontent aux années 90. Les banque sont dans l ensemble bien capitalisées, au-dessus des 10.0 % fixés par la norme internationale, avec un ratio d adéquation des fonds propres de 18.6 % dans la part des capitaux propres ramenée aux actifs pondérés en fonction des risques en 2012 et des rendements d actifs et de fonds propres (avant impôts) de 5.1 % et 27.3 % respectivement. Fortement diversifié, le secteur bancaire comprend 26 banques commerciales, dont 14 étrangères, soit 55.0 % du total des actifs du secteur en Outre les banques commerciales, le secteur compte 133 banques rurales et communautaires qui représentent 3.2 % du total des actifs financiers du secteur. En 2013, les réformes introduites dans le but de renforcer la stabilité financière englobent l adoption d une stratégie nationale pour lutter contre le blanchiment de capitaux, et des lois et des directives d accompagnement à l attention des professionnels du secteur financier. Le secteur financier demeure pour autant superficiel, avec un montant total de dépôts de l ordre de 26.0 % environ du PIB caractérisé par un taux élevé et persistant de créances douteuses (13.2 % en 2012). L accès au crédit reste limité par le fort taux d intérêt débiteur de plus de 25.0 %, avec un écart de taux d intérêt avoisinant les 20.0 %. L excès d emprunts publics auprès du secteur intérieur (25.0 % du total des prêts consentis par les banques commerciales) contribue en grande partie au maintien de taux d intérêt élevés. Le risque pays perçu comme élevé figure au nombre des principaux obstacles en raison des renseignements limités sur les emprunteurs, seuls 5.7 % des adultes et des entreprises étant enregistrés auprès des agences d évaluation du crédit. Pour autant, les banques rurales et communautaires, en servant plus de 600 sociétés de micro-financement qui couvrent près de clients dans tout le pays, sont devenues le principal circuit d inclusion financière. Malgré ces faiblesses, le marché financier ghanéen est jugé relativement bien développé. Le rapport 2013 sur la compétitivité de l Afrique classe le Ghana 59 e sur 148 pays dans le monde, et 8 e sur 37 pays africains. La Bourse du Ghana (Ghana Stock Exchange GSE) avec 36 entreprises cotées et une capitalisation boursière de 58.2 milliards GHS au 4 décembre 2013 s est dans l ensemble orientée à la hausse, principalement tirée par la bonne performance des titres financiers, même si les forts rendements des titres d État constituent un risque à la baisse. Dans un effort visant à promouvoir les petites entreprises, la GSE a introduit, en mai 2013, le Marché alternatif (Ghana Alternative Market GAX) qui cible les entreprises présentant un potentiel de croissance à divers stades de leur développement, y compris les start-ups et les sociétés existantes, à la fois petites et moyennes. Gestion du secteur public, institutions et réformes Le Ghana est freiné dans ses efforts pour réformer son secteur public par la charge de la masse salariale qui a triplé de 2.9 milliards GHS à 9.0 milliards GHS entre 2009 et 2013, suite à la mise en œuvre de la réforme des traitements, et qui est estimée à 72.3 % du total du revenu national. Les tendances indiquent que l absence de prise en charge efficace du volume grandissant de la masse salariale mettrait sérieusement en péril la viabilité des finances publiques, à moins de trouver une solution globale de manière à prévenir des conflits de travail récurrents dans la fonction publique. Afin d améliorer les réformes des traitements, l enregistrement biométrique mis en place en 2012 a été mené en parallèle de la Base de données intégrée des fiches de paie du personnel (Integrated Personnel Payroll Database IPPD). Les pouvoirs publics entendent ainsi 94 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

96 associer leurs réformes à une base de données complète pour la gestion des ressources humaines et à un système de paiement électronique. Le budget 2014 a été accompagné d annonces en faveur de mesures supplémentaires pour contenir les coûts salariaux, au nombre desquelles la fermeture de 12 agences subventionnées, la révision de la prime commerciale et des négociations salariales pluriannuelles. Ghana Les réformes de décentralisation se sont poursuivies en 2013 avec le développement et la diffusion de directives générales concernant l instauration de services des assemblées métropolitaines, municipales et de district (MMDA), dont un organigramme, des rapports hiérarchiques et des orientations. La politique de décentralisation se heurte toutefois dans son exécution à l insuffisance de structures physiques dans les districts nouvellement créés (46 nouveaux districts ont été créés en 2012) et à la dotation en personnel des structures annexes des MMDA. Les retards pris par le gouvernement central dans les versements aux fonds de développement communs des assemblées exacerbent encore les difficultés rencontrées. Le gouvernement a poursuivi les réformes de la gestion des finances publiques par le biais du système national informatisé de gestion financière (Ghana Integrated Financial Management Information System GIFMIS) avec l introduction de la budgétisation par programme pour le budget Afin que les mesures fiscales puissent atteindre l objectif de réduction du fort déficit budgétaire, le gouvernement a introduit plusieurs impôts nouveaux dont un prélèvement pour la stabilisation du budget, une hausse de la TVA de 2.5 % et un impôt exceptionnel pour le secteur minier. Gestion des ressources naturelles et environnement Le Cadre de politique nationale en matière de changement climatique (National Climate Change Policy Framework NCCPF, 2010) dont s est doté le Ghana poursuit trois objectifs : croissance à faible émission de carbone, adaptation efficace au changement climatique et développement social. Le Ghana vise à produire 10.0 % de son énergie à partir de ressources renouvelables d ici Avec 15.0 % de la population ayant accès aux installations sanitaires, le Ghana n est pas encore en passe d atteindre les OMD qui ciblent une couverture en services d assainissement de 54.0 % d ici Le pays reste confronté à un certain nombre de défis environnementaux dont la dégradation des sols, l érosion des côtes, la pollution des rivières et des lagons, notamment en raison des récentes activités minières illégales, la désertification et la gestion des déchets. Le coût de la dégradation de l environnement ghanéen est estimé à 10.0 % de son PIB. Plus de 80.0 % des catastrophes naturelles au Ghana seraient liés au climat. Le secteur forestier qui fait vivre environ 2.5 millions d habitants est particulièrement appauvri dans la mesure où 70.0 % des terres du pays sont exposées au phénomène d érosion, et la pratique du brulis a transformé plus de 50.0 % des forêts ghanéennes en terres agricoles. Depuis la découverte de pétrole et de gaz en 2007, le Ghana peut désormais envisager de nouvelles solutions pour accroître ses capacités énergétiques et augmenter ses revenus liés aux ressources naturelles. Jugée juste et équilibrée, la Loi nationale de 2011 sur la gestion des revenus pétroliers (Petroleum Management Act) prend appui sur le Comité de l intérêt public et de la responsabilité (Public Interest and Accountability Committee PIAC) chargé d en garantir le respect. Étant donné l incapacité de l État à le financer, le PIAC ne dispose toutefois que de pouvoirs limités. Les rapports de l Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) montrent que les revenus du Ghana issus de ressources naturelles ont quadruplé sur la période Les recettes publiques issues des ressources naturelles en 2013 représenteraient 8.3 % 5 des recettes nationales, dont 1.6 milliard GHS de recettes pétrolières et gazières et milliards GHS de recettes minières, dont millions de barils de pétrole en nature. Contexte politique Considéré comme l une des démocraties les plus solides d Afrique de l Ouest, le Ghana a connu six élections et des passations de pouvoirs toujours pacifiques entre les deux principaux BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 95

97 Ghana partis politiques depuis Dans une région troublée, la stabilité politique du Ghana a été un atout fondamental aux yeux des investisseurs étrangers. Le Ghana se targue de posséder l une des presses les plus dynamiques d Afrique et est remonté dans l édition 2013 du classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières de la 41 e place en 2012 à la 30 e position. En dépit de plusieurs affaires de corruption de haut niveau rendues publiques en 2013, la corruption reste un problème majeur au Ghana. La résolution pacifique des demandes d invalidation électorale par les tribunaux de grande instance et le respect des jugements prononcés par les deux partis contribuent par ailleurs à renforcer la démocratie au Ghana. Les élections de décembre 2012 ont été remportées par le parti au pouvoir, le Congrès national démocratique (National Democratic Congress NDC) sous la direction du président John Dramani Mahama, à une courte majorité de moins de 1.0 % ( voix sur 11 millions). L issue du scrutin a été contestée par le parti de l opposition, le Nouveau parti patriotique (New Patriotic People s Party NPP), alléguant des irrégularités électorales et l annulation de plus d un million de voix. Le 29 août 2013, la Cour suprême du Ghana a débouté le NPP et confirmé M. John Mahama dans sa fonction de Président légitiment élu. L affaire a divisé le pays non pas à cause de clivages ethniques, mais en raison de fractures politiques. Pour autant, les appels au maintien de la paix dans le pays lancés par la société civile, le clergé et le Conseil pour la paix ont tempéré les risques d instabilité. L issue de cette demande d invalidation a souligné le besoin de réformes électorales, notamment en ce qui concerne la désignation et la supervision des observateurs électoraux. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Les progrès du Ghana dans la réalisation des OMD restent mitigés. Les objectifs relatifs à l élimination de la pauvreté extrême et à l accès à l eau potable ont été atteints tandis que ceux concernant la faim, l éducation et l égalité hommes/femmes sont en passe d être réalisés ; en revanche, le Ghana accuse du retard sur le front de l emploi, de la mortalité infantile, de la santé maternelle et de l assainissement. L extrême pauvreté a reculé de 51.1 % en 1990 à 18.2 % en 2010, contre un objectif fixé à 18.3 %, malgré des disparités toujours à déplorer entre régions et hommes et femmes. Le ratio emploi/population (67.4 % en 2010) a progressé au fil du temps ( ) mais faiblement de l ordre de 0.5 %. Ce ratio est plus élevé dans les zones rurales (73.3 %) que dans les zones urbaines (62.3 %). Le taux brut de scolarisation (TBS) dans l enseignement primaire était de % pour l année scolaire 2012/13. En revanche, le taux net de scolarisation (TNS) reste inférieur sur la même période à 84.1 %, signe d un effectif d élèves trop âgés. L égalité filles/garçons au niveau primaire ressortait à Le TBS en fin du cycle secondaire s établissait sur la même période à 37.1 %, alors que le TNS était de 23.6 %, preuve que l abandon tend à se généraliser à mesure que les élèves avancent dans leurs études. La parité filles/garçons au niveau de l enseignement secondaire était de Les indicateurs des OMD 4 et 5 ne seront probablement pas atteints d ici La mortalité des enfants de moins de cinq ans a reculé de 167 pour (en 2000) à 90 pour (en 2010) naissances vivantes, par rapport à l objectif de 40 pour naissances vivantes. Le taux de mortalité maternelle a diminué de 40.0 % entre 1990 et Le taux de mortalité maternelle en établissements de santé s est amélioré passant de 216 pour en 1990 à 164 pour naissances vivantes en 2010, par rapport à l objectif de 54 pour naissances vivantes. Les disparités régionales persistent toutefois, le Haut Ghana oriental affichant un taux de mortalité maternelle de 802 pour naissances vivantes. Le plus grand nombre de décès maternels est à déplorer chez les femmes âgées de 12 à 14 ans. Le ministère de la Santé a mis 96 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

98 en place un Cadre d accélération de la réalisation des OMD pour obtenir des résultats rapides sur le front de la santé maternelle et infantile. La moyenne nationale des personnes bénéficiant de services de planification familiale a augmenté de 16.6 % en 2008 à 23.4 % en 2012, alors que la proportion d accouchements assistés par des aides-soignants formés de 55.8 % à 77.9 % ; et le nombre de femmes enceintes ayant bénéficié d au moins quatre consultations prénatales a légèrement progressé à 72.3 %. Sur le front de la lutte contre le VIH/sida, le Ghana va probablement atteindre l OMD avec un taux de prévalence de 1.2 % en 2012, en baisse par rapport aux 3.2 % enregistrés en Grâce à l administration de traitements antirétroviraux, le nombre de décès dus au VIH/sida a reculé de en 2009 à en 2010, dont 16.0 % étaient des enfants. En 2010, l incidence du paludisme a progressé (108.3 pour 1 000), ainsi que le nombre de décès imputables à cette infection (3 589). Dans l ensemble, l Indice de développement humain (IDH) du pays ressortait à en 2013, soit à un niveau légèrement plus élevé comparé à en Ghana Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Au cours de ces 20 dernières années, le taux global de pauvreté a considérablement reculé de 51.7 % en 1991/92 à 28.5 % en 2005/06. Un recul corroboré par l Indice de pauvreté multidimensionnel (IPM) de 0.179, calculé d après les données du recensement du logement et de la population de La région du Grand Accra affiche l IPM le plus faible (0.072) par rapport aux autres régions, et plus particulièrement aux trois régions septentrionales formées par le Haut Ghana occidental (0.341), le Haut Ghana oriental (0.335) et le Nord (0.371) 6. La pauvreté a reculé dans les milieux urbains par rapport aux zones rurales, les producteurs de cultures vivrières formant toujours la catégorie professionnelle la plus pauvre, alors que la situation des femmes par rapport à celle des hommes n a pas sensiblement changé 7. Le mauvais état des infrastructures rurales, la ruralité, le chômage des jeunes, l accès limité à l enseignement de qualité et le fort recours au travail des enfants sont autant de conditions qui génèrent de la pauvreté en milieu rural et qui par extension aggravent les inégalités au Ghana 8. Malgré des progrès importants dans la lutte contre la pauvreté à l échelle nationale, des signes indiquent des inégalités à la fois verticales et horizontales. Mesurées par exemple par l indice Gini pour la consommation par équivalent adulte, les inégalités ont continué de se creuser de en 1991/92 à en 1998/99, puis à en 2005/06 9 et enfin à en moyenne pour la période Le programme Revenu de subsistance contre la pauvreté (Livelihood Empowerment Against Poverty LEAP) semble renforcer les réseaux sociaux, la configuration des incidences suggérant que les bénéficiaires du programme sont en mesure de reconstituer ou de consolider leurs réseaux sociaux. En 2012, l aide individuelle versée aux ménages dans le cadre du programme a triplé, les bénéficiaires étant éligibles au régime national gratuit d assurance santé. En juin 2013, le programme LEAP concernait plus de ménages et a versé des prestations à personnes dans dix régions. Le programme devrait toucher ménages d ici Aidé par d autres interventions du gouvernement, ce programme a été reconnu pour réduire les redoublements chez les enfants scolarisés. Il a contribué à accroître le taux de scolarisation chez les enfants en âge de suivre l enseignement secondaire et a permis de réduire l absentéisme de 10 % chez les enfants scolarisés dans le primaire. La progression du ratio emploi/population de 66.9 % en 2000 à 67.4 % en prouve l absence d opportunités significatives sur le front de l emploi ces dix dernières années malgré la croissance économique soutenue du Ghana et les interventions des pouvoirs publics et du secteur privé. En 2010, 42.7 % des chômeurs étaient âgés de 15 à 24 ans, 46.2 % de 25 à 44 ans, 9.9 % de 45 à 64 ans et 13.0 % de 65 ans et plus. Le secteur privé reste le premier employeur du pays et représente 93.1 % des personnes économiquement actives (secteur informel 86.1 % et secteur formel 7.0 %). Deuxième plus important employeur du pays, le secteur public ne représente que 6.3 %. L année 2013 a été le théâtre d importantes manifestations sociales menées par les médecins, les pharmaciens et les enseignants qui exigent du gouvernement le paiement de leurs arriérés de salaires. Cette situation est largement imputable à la mise en place de la politique de grille salariale unique. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 97

99 Ghana Égalité hommes-femmes Le Ghana doit s engager plus fermement envers l égalité homme-femmes par le biais d une action positive, notamment dans le domaine de l éducation et des nominations politiques. L édition 2013 du Rapport sur le développement humain pointe les piètres résultats du Ghana dans l Indice d inégalité de genre (IIG) qui stagne à 0.556, classant le pays 121 e sur 186. En dépit d une amélioration globale dans l Indice de parité des genres (IPG), le ratio hommes/femmes diminue à mesure que l on progresse dans les études. L IPG s établit à 1.01 dans l enseignement primaire, et à 0.92 dans l enseignement secondaire. Bien que le nombre de femmes briguant des mandats politiques ait progressé au fil des années, leur représentation au sein des principaux partis politiques tend à stagner depuis La représentation des femmes dans le parlement ne ressort qu à 8.7 %, en sachant par ailleurs que seulement 19.0 % et 20.0 % respectivement des ministres et des ministres adjoints sont des femmes. Dans la fonction judiciaire, 29.0 % des juges de la Cour suprême et 25.0 % des juges des tribunaux de grande instance sont des femmes. De la même manière, seuls 24.0 % des postes de direction générale dans la fonction publique sont occupés par des femmes. Près de 8.0 % des femmes, contre 17.0 % des hommes âgés de 15 à 59 ans, font l objet d une couverture médiatique par les trois acteurs du secteur, à savoir la presse écrite, la radio et la télévision. qu était créé un observatoire destiné à enregistrer et lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants le grand défi restant la mise en application de ces textes. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique L intégration stratégique et sélective dans les chaînes de valeur mondiales et plus particulièrement régionales offre au Ghana la possibilité de développer ses capacités industrielles et de diversifier ses moteurs de croissance. Malgré une croissance économique moyenne soutenue de 5 % par an depuis 1990, le Ghana n a entrepris aucune transformation significative de ces structures. En effet, l agriculture continue de fournir plus de 60 % des emplois du pays, alors que les matières premières, en tête desquelles principalement le pétrole, l or et le cacao, pèsent pour plus de 80 % du total des exportations. Le maintien d un fort taux de croissance et la création d emplois durables et suffisants vont dépendre de la capacité du pays à développer son secteur industriel et des relations qu il va nouer avec son secteur pétrolier et gazier naissant. Le tissu industriel ghanéen se caractérise par un petit nombre d entreprises leaders qui dominent le secteur. Plus de 50 % des exportations de produits non primaires du Ghana proviennent de cinq sous-secteurs, à savoir les produits métallurgiques, les produits du bois, les graisses et les huiles, les matières plastiques et le caoutchouc, et les produits pharmaceutiques. Depuis 2000, la part du secteur industriel dans le PIB reste stable à près de 25.0 %. La construction, stimulée par l essor du logement urbain et le développement des infrastructures, s est hissée au rang des sous-secteurs les plus importants, alors que la part manufacturière a reculé dans le PIB industriel de 36 % à moins de 30 %. Le secteur manufacturier est essentiellement pénalisé par la fourniture d énergie et l accès au financement. La hausse du coût de l énergie a érodé les marges bénéficiaires des fabricants, alors que la fourniture erratique d électricité entraîne des pertes coûteuses de production et contraint à acheter du carburant pour les générateurs électriques. Le coût excessif du crédit et l incapacité du secteur financier à fournir des financements adaptés aux besoins du secteur manufacturier privent les PME de la possibilité d accroître leurs capacités de production, de moderniser leurs équipements et de renforcer leur compétitivité. Conséquence, la plupart des fabricants de produits à base de ressources naturelles (bois, métaux, agro-industrie) privilégient la pleine intégration de 98 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

100 manière à contrôler et à garantir la qualité et la fiabilité de leurs intrants, des services auxiliaires, de la logistique et des circuits de distribution. Ghana Le gouvernement ghanéen a initié plusieurs stratégies pour promouvoir l industrialisation du pays : la Politique industrielle (2010), le Programme de soutien au secteur industriel (2010), le Programme de soutien au secteur du commerce et la Stratégie de promotion des exportations (2013). Particulièrement généralistes, ces stratégies ont été élaborées de manière inclusive, mais leurs effets restent limités compte tenu du manque de priorités claires et des faibles moyens de mise en œuvre en raison des difficultés financières. Cette absence d action décisive de la part du gouvernement, conjuguée à un environnement des affaires difficile et aux mauvaises infrastructures de transport plombe dans sa quasi-totalité la compétitivité du secteur manufacturier du pays sur les marchés internationaux, ce qui compromet son intégration dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) ou sa capacité à rivaliser avec les produits importés. En 2013, le gouvernement s est attelé à la formulation d une nouvelle stratégie qu il entend mettre en œuvre en 2014, visant à promouvoir l intégration de secteurs spécifiques dans les CVM, parmi lesquels l aluminium, le textile, l agro-industrie, les matières plastiques et les produits pharmaceutiques. Jusqu à présent, l intégration du Ghana dans les CVM a été limitée et essentiellement portée par l existence d accords commerciaux préférentiels (CEDEAO, loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique (AGOA)) ou par ses richesses naturelles (bauxite, bois tropical, cacao, fruits frais et or). Les salaires passablement bas ne suffisent pas à compenser la productivité de la main-d œuvre ghanéenne relativement faible ni à attirer des industries à grande échelle à la recherche de gains d efficience. La demande de plus en plus forte des consommateurs dans les marchés régionaux (Togo, Burkina Faso, Nigeria, Côte d Ivoire, etc.) offre un important potentiel d exportation aux fabricants ghanéens et pourrait faciliter leur insertion dans les CVM sur le moyen terme. En éliminant les tarifs douaniers, le système commercial de libéralisation des exportations de la CEDEAO dote les exportateurs ghanéens d un avantage compétitif sur les importations bon marché dans la région. En outre, les marchés régionaux imposent généralement des normes inférieures et plus accessibles que leurs homologues européens ou américains. La plupart des fabricants ghanéens ne peuvent supporter le coût d adaptation à des normes sans cesse fluctuantes et toujours plus exigeantes ni aux préférences des consommateurs américains et européens. L accord commercial conclu en vertu de l AGOA par exemple a permis de relancer au début des années 2000 la filière ghanéenne du vêtement, qui exporte à l attention des gros détaillants américains des chemises, des pantalons et des uniformes. Toutefois, la récente crise de l énergie a gravement compromis la viabilité du secteur en contraignant la plupart des petits producteurs à la fermeture. En outre, la présence historique de quelques sociétés ghanéennes dominantes depuis, pour certaines, l indépendance du pays, a permis au pays de développer des marques nationales dans le textile et les produits pharmaceutiques reconnues et appréciées par les consommateurs dans la sous-région. Par rapport aux importations bon marché, les matériaux de construction «made in Ghana» (aluminium, acier, matières plastiques et bois) jouissent par ailleurs d une réputation d excellente qualité qui compense le prix élevé des produits et qui s adresse aux classes moyennes et aux entrepreneurs formels des pays de la CEDEAO. Pour autant, le critère «bon marché» continue de déterminer la plupart des décisions d achat des citoyens africains, de plus en plus demandeurs de produits contrefaits et importés en provenance d Inde (pour les produits pharmaceutiques) et de Chine (outillage léger, matériaux de construction, mobilier, matières plastiques, etc.). Une tendance qui menace les marques existantes et les moyens de production locaux. Fort de ses richesses naturelles, au nombre desquelles le cacao, le bois tropical, les produits de la pêche, les fruits frais et la bauxite, le Ghana peut retirer un avantage comparatif de l intégration de ces filières dans les CMV. Toutefois, l insuffisance des infrastructures, la production agricole incertaine et le manque de droits fonciers clairement définis entravent le développement d une agro-industrie compétitive capable de répondre aux besoins du marché national qui sont pour BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 99

101 Ghana l instant couverts par les importations. L industrie ghanéenne de transformation du bois qui exportait autrefois du bois tropical à l UE et aux marchés régionaux est menacée par l épuisement des ressources et un reboisement insuffisant. Les machines obsolètes et la main-d œuvre peu qualifiée nuisent à la compétitivité de la transformation de bois de moindre valeur directement concurrencée par le bois transformé d Asie meilleur marché. Le Ghana exporte la bauxite en Amérique centrale où elle est transformée en alumine qui est ensuite réimportée sous forme d intrants pour la fonderie d aluminium VALCO. La production de VALCO entre ensuite dans le procédé de fabrication d Aluworks, unique laminoir et producteur de lingots d aluminium d Afrique de l Ouest. Le gouvernement prévoit des mesures incitatives pour attirer les investisseurs étrangers et pour garantir la compétitivité et la survie de la plupart des groupes dominants du pays. Le Conseil de zone franche du Ghana (Ghana Free Zone Board) offre d importants avantages fiscaux à 260 entreprises qui exportent au moins 70 % de leur production totale. Ces entreprises n ont pas l obligation d être établies dans une enclave, ce qui permet à des groupes agro-industriels et à des compagnies minières de bénéficier des avantages de la zone franche tout en restant à proximité de leurs matières premières. D autres politiques prévoient des droits à l importation pour protéger les industries locales, au nombre desquelles les matières plastiques, l aluminium et les boissons alcoolisées, ou des interdictions d exportation sur les bois ronds et les déchets métalliques afin d assurer l approvisionnement de matières premières dans l industrie de transformation du bois et des métaux. Notes : 1. Recensement du logement et de la population (2010). 2. Hausse de 2.5 % du taux de TVA à 17.5%, taxe environnementale, taxe de stabilisation, taxe de communication, etc. 3. Statistiques de la CNUCED (2013). 4. Base de données de la Banque africaine de développement (BAfD). 5. Se reporter au budget 2014 du gouvernement du Ghana. 6. Pauvreté non monétaire au Ghana (GSS, 2013). 7. Commission économique pour l Afrique des Nations Unies (UNECA, 2010). 8. Rapport sur les OMD au Ghana (2012). 9. Ibid. 10. Rapport sur le développement humain (2013). 11. Recensement du logement et de la population du Ghana (2010). 100 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

102 GUINÉE 2014 Olivier Manlan / o.manlan@afdb.org

103 Guinée GuinÉe L instabilité politique, causée par un dialogue difficile sur l organisation des élections législatives, ainsi que la question des investissements dans le secteur minier, ont pesé négativement sur la croissance, qui est estimée à 2.0 % en 2013 contre 3.9 % en Le scrutin législatif de septembre 2013 a mis fin à la transition politique et permis un climat plus propice à un effort centré sur l investissement et l emploi. La conférence des partenaires et investisseurs de la Guinée organisée en novembre 2013 à Abu Dhabi a mis l accent sur l agriculture, les infrastructures et le développement du capital humain. Les 6 milliards USD de financements promis dans ce cadre visent à créer des emplois, à réduire la pauvreté et à favoriser une meilleure intégration du pays au commerce régional et international. Vue d ensemble La croissance en Guinée est estimée à 2.0 % en 2013, contre 3.9 % en Ce ralentissement résulte des mouvements de contestation politique liés à l organisation des élections législatives, mais aussi de la diminution des investissements dans le secteur minier. En 2014, une reprise de la croissance est attendue à hauteur de 4.2 %, tirée par les performances de l agriculture, du bâtiment et travaux publics (BTP) et d un meilleur approvisionnement en électricité. La mise en œuvre du programme macroéconomique de redressement, soutenu par une Facilité élargie de crédit (FEC) du Fonds monétaire international (FMI), se poursuit de manière satisfaisante. L inflation est passée de 20.8 % en 2010 à 11.9 % en 2013, une tendance à la baisse qui devrait se poursuivre en 2014 et en Le déficit budgétaire devrait être contenu et son financement monétaire stoppé. Les réserves obligatoires, malgré leur taux élevé (20 % des dépôts), seront sous surveillance. Le succès de la stabilisation macroéconomique et l amorce de réformes visant à soutenir le secteur productif et améliorer le climat des affaires n ont pas permis d avancées notables sur le plan social et économique. Plus de 50 ans après l indépendance, acquise en 1958, la pauvreté persiste, touchant 55.2 % de la population. De même, la gouvernance paraît insuffisante. La Guinée occupe le 164 e rang sur 182 pays, dans l indice de perception de la corruption publié par Transparency International (TI). Le pays est par ailleurs classé 178 e sur 187 pays, dans l Indice de développement humain (IDH) publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Les infrastructures, les services et l administration demeurent déficients, tandis que le secteur privé reste embryonnaire. Le gouvernement a adopté en 2013 le troisième Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP 3). Il vise à accélérer les réformes, touchant aussi bien à la gestion des ressources naturelles qu au secteur productif (agriculture, énergie et eau, mines, cadre d investissement et des affaires). Il s agit de lever les obstacles à la transformation de l économie, parmi lesquels la faible productivité du travail dans l agriculture. Le secteur primaire emploie les trois quarts des actifs, mais ne contribue qu à 20 % du PIB. La faiblesse du tissu industriel, des infrastructures et de l approvisionnement en énergie limite l intégration du pays dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). En outre, la faible productivité du capital et une administration pléthorique, peu efficace et démotivée, jouent comme autant de contraintes. La fin de la transition politique et la quête de cohésion sociale paraissent cependant propices à la mise en œuvre du DSRP Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

104 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Guinée % 9 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives L économie guinéenne se trouve dans un contexte de réformes depuis que l élection présidentielle de novembre 2010 a mis un terme à la transition militaire de deux ans, instaurée après le décès du président Lansana Conté (au pouvoir de 1984 à 2008). Ces réformes sont soutenues par une FEC accordée par le FMI. Les deux dernières revues de ce programme ont été conclues de manière satisfaisante. Les réformes visent à clarifier les relations entre la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) et le Trésor public. Elles cherchent aussi à assainir le portefeuille d entreprises publiques. Enfin, elles entendent améliorer le climat des affaires, mais aussi les codes miniers et la flexibilité du prix de l énergie. Un plan de redressement du secteur de l énergie a d ailleurs été adopté. La révision du cadre de la gestion du secteur de l électricité est en cours. Ces réformes visent à rendre le pays plus attractif pour les investissements privés. À terme, l objectif est de permettre au secteur privé de devenir un acteur majeur de l économie et le moteur de la croissance. La conjoncture a été marquée en 2013 par la relance encore timide de l activité internationale et par un contexte domestique difficile, marqué par des manifestations liées à l organisation des législatives et le ralentissement des investissements miniers. La croissance s en est ressentie, estimée à 2.0 % en 2013, un niveau nettement inférieur à la prévision initiale de 4.8 %. La production minière (or, diamant, alumine) a poursuivi sa tendance à la baisse en La contraction de la valeur ajoutée a été de 7.4 % en 2013, après une baisse de 2.1 % en La société Rusal, qui produit de l alumine, a mis du temps à trouver un accord avec l État et BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 103

105 Guinée les populations locales, aussi bien sur les conditions d exploitation de sa concession que les volets concernant sa responsabilité sociale d entreprise. L important projet d extraction de fer de Simandou, situé dans le sud du pays, a vu ses investissements suspendus en Le groupe Rio Tinto a prévu d investir 20 milliards USD au total, pour un projet qui devrait générer un chiffre d affaires de 7.6 milliards USD par an lorsqu il tournera à plein régime. Les opérations devaient commencer en 2013 et les exportations en Mais le projet a buté sur la question du cadre d investissement notamment sur la part des partenaires locaux et la participation de l État au financement des infrastructures. La Guinée est accompagnée sur ce dossier par la Société financière internationale (SFI). Les discussions devaient aboutir au cours du premier semestre 2014, pour permettre un démarrage rapide du projet et le retour des sous-traitants. Les manufactures, le commerce et les transports ont affiché une moindre croissance, en raison des événements politiques. Les manufactures ont connu une croissance de 2.5 % en 2013 (contre 4.8 % en 2012), le commerce de 2.5 % (contre 4.5 %) et les transports de 3.5 % (contre 5 %). Une reprise est attendue à partir de Le taux de croissance réel est projeté à 4.2 % en 2014 et de 4.3 % en Le secteur secondaire devrait afficher une bonne performance, avec une croissance de 5.3 % en 2014 qui devrait presque doubler et passer à 10.4 % en Dynamique, le secteur tertiaire devrait croître de 3.7 % en 2014 et 3.9 % en L industrie et les services devraient bénéficier en 2014 de la hausse des activités des travaux publics (projetée à 13.5 %), du secteur eau, électricité et gaz (8 %), des manufactures (5 %) et du commerce (4 %). Par ailleurs, les interventions publiques en faveur du secteur agricole devraient continuer à produire leurs effets, avec une croissance de 5.2 % en Les investissements, notamment dans le secteur privé, sont tombés à 19.0 % du PIB en 2013, en dessous du niveau de 2011 (19.6 % du PIB, contre 21.9 % en 2012). Les investissements privés et publics se sont contractés en En cause, le ralentissement observé dans le secteur minier et des financements extérieurs limités, dans l attente de la fin de la transition avec l organisation des législatives. L atonie de la croissance s est traduite par une baisse des recettes et un ajustement des dépenses en capital pour maintenir les équilibres budgétaires. Avec l installation d un nouveau Parlement, les perspectives sont plus favorables en La reprise de l investissement minier devrait accélérer la croissance des autres secteurs. En 2013, la demande globale a baissé, à cause de la réduction des dépenses d investissement et de la contraction des exportations (25.4 % du PIB contre 28.2 % en 2012 et 33.7 % en 2011). Cette baisse est imputable à la diminution des exportations minières et à la stagnation des exportations agricoles. La faible augmentation des exportations de services n a pas compensé cette dynamique négative. En 2013, la consommation finale privée s est établie à 91.5 % du PIB contre 90.8 % en 2012, tandis que la consommation publique a été de 8.5 % en 2013 contre 9.2 % en L évolution favorable de la consommation privée s explique surtout par la bonne tenue de l agriculture et la réduction progressive de l inflation. Les transferts en provenance de l étranger ont également soutenu la consommation. Le secteur minier constitue le segment dominant de l économie guinéenne. Le minerai de bauxite, l or et le diamant en sont les principales ressources, auxquelles devrait s ajouter l exploitation du minerai de fer du Simandou. La finalisation au cours du premier semestre 2014 des négociations relatives à ce projet devrait se traduire par des investissements plus importants, qui soutiendront la consolidation du secteur des services. Lors d une conférence des donneurs et des investisseurs privés de la Guinée, qui s est tenue à Abu Dhabi en novembre 2013, avec l appui de la Banque africaine de développement (BAfD), de la Banque mondiale et du PNUD, une lettre d accord relative au projet Guinea Alumina Company (GAC) de production d alumine été signée avec la société d investissement Mubadala, détenue par l émirat d Abu Dhabi. Une nouvelle dynamique de mise en œuvre de ce projet est donc attendue en Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

106 La fin de la transition politique et l avènement d une nouvelle législature contribueront à l apaisement du climat politique et à la cohésion sociale. De meilleures perspectives s ouvrent en 2014, avec de fortes attentes sur la reprise des investissements en général, et miniers en particulier. Les jours chômés liés aux contestations devraient se réduire, et les opérateurs sortir de leur attentisme. Plusieurs risques demeurent cependant. L invasion des champs par l eau de mer dans les régions côtières, notamment à Forécariah, aura des conséquences sur la récolte de riz. Les élections municipales prévues en 2014 et la présidentielle de 2015 représentent des facteurs de risque, de même que la capacité effective du pays à mettre en œuvre des réformes, à commencer par celle de l administration. Guinée Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire La politique budgétaire est mise en œuvre dans le cadre d un programme appuyé par la FEC du FMI. Elle vise à améliorer la gouvernance économique, et passe notamment par le respect des procédures de gestion des finances publiques. Elle entend faire un meilleur suivi des projets d investissements et clarifier la gestion de la dette publique. La stabilisation macroéconomique sera consolidée par une plus grande maîtrise des subventions et des créations de fonds. Une réorganisation du ministère d État en charge de l Économie et des finances a été amorcée, ainsi que des régies financières et des dépenses ministérielles. En 2013, les recettes totales se sont légèrement contractées et ont été inférieures aux prévisions. La contraction des recettes publiques s explique en grande partie par la baisse des dons. Les recettes fiscales sont passées de 19 % à 18 % du PIB entre 2012 et 2013, à cause d une moindre contribution du secteur minier, qui s est élevée à milliards GNF (francs guinéens) en 2013, contre milliards en L effet de contraction a été accentué par la baisse des contributions directes issues du commerce international (1 646 milliards GNF en 2013 contre milliards en 2012). À partir de 2014, le recul des recettes fiscales devrait se poursuivre plus faiblement, en raison des réformes de la gestion des finances publiques et d une croissance plus importante du PIB réel, des investissements et des exportations. La baisse des dons, à partir de 2014, imputable à la mauvaise conjoncture internationale et à la mise en œuvre des programmes de reconversion des dettes, associés au point d achèvement de l Initiative pour les pays pauvres et très endettés (PPTE), fera des recettes fiscales la composante la plus dynamique des recettes publiques. La meilleure BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 105

107 Guinée collecte de l impôt, le renforcement du contrôle fiscal et la bonne tenue des télécommunications et des services financiers, devraient jouer. L amélioration des recettes constitue une priorité du gouvernement, dans son effort de rationalisation des prévisions budgétaires. Les dépenses courantes de l État ont représenté 16.9 % du PIB en 2013 contre 15.7 % en Cette légère augmentation est imputable à la hausse de la masse salariale, en raison des augmentations de salaires convenues avec les syndicats en Les traitements et salaires ont représenté 4.5 % du PIB en 2013 contre 4.4 % en Toutefois, des recrutements ont été gelés et l application de certains statuts particuliers reportée, afin de contenir la progression des salaires. Par ailleurs, les subventions accordées par l État ont enregistré une hausse (de 3.8 % à 4.4 % du PIB), en liaison avec les dépenses visant à réduire les coupures de courant et à préparer les élections législatives. La faiblesse des recettes par rapport aux prévisions a été compensée par une contraction des dépenses, surtout des dépenses en capital. Le solde primaire a été de -4 % du PIB en 2013 contre -1.6 % en L amélioration de cet indicateur nécessitera des efforts de mobilisation des recettes fiscales, mais aussi des recettes administratives. La gestion budgétaire de 2014 s inscrit dans la continuité du programme appuyé par le FMI. Elle devrait renforcer la gouvernance économique, la promotion des secteurs porteurs de croissance à travers des interventions directes mieux ciblées, mais aussi le développement des infrastructures économiques. L assainissement du cadre macroéconomique devrait se poursuivre à travers une plus grande maîtrise des dépenses exécutées en mesures dérogatoires, notamment les subventions et les créations de fonds. En 2014, le gouvernement devrait mieux s assurer de l exécution effective des investissements publics, qui ont enregistré un taux de mise en œuvre inférieur à 80 % en 2013, à cause de la lenteur des procédures de passation des marchés et de la faiblesse des mécanismes de suivi et de coordination. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Recettes pétrolières Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire En 2013, la politique monétaire a visé à réduire l inflation et préserver le niveau des réserves de change. En 2012, le taux d inflation en glissement annuel a été de 15.2 % contre 20.8 % en Fin 2013, l inflation s est établie à 12.2 %. En 2014 et en 2015, les projections indiquent des taux de 9.9 % et de 6.8 % respectivement. Cette évolution favorable résulte de l arrêt par la BCRG du financement monétaire du déficit budgétaire, d un suivi plus rigoureux de la création monétaire et d une meilleure gestion des finances publiques, notamment des dépenses publiques. Le taux d intérêt réel est devenu positif. La baisse du taux d inflation, le rehaussement du taux directeur de la BCGR à 22 %, ainsi que celui du taux de réserves obligatoires pour absorber la surliquidité injectée par la transition militaire dans l économie ont contribué à cette évolution. 106 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

108 La révision à la baisse du taux directeur à 16 % en février 2013, ainsi que celle du taux de réserve obligatoire (passé de 22 % à 20 % en décembre 2013) pour relâcher les contraintes de financement sans relancer l inflation, n ont pas affecté cette dynamique. Par ailleurs, la rémunération servie sur les bons du Trésor (BDT) a également augmenté, passant de 4.6 % en 2010 à 8.1 % en 2011 puis à 16 % en En fin d année 2013, le taux de rémunération des BDT était de 16 %. Guinée L évolution favorable des taux d intérêt s est accompagnée d une amélioration des indicateurs d intermédiation bancaire. Au 30 juin 2013, le crédit bancaire à l économie s élevait à milliards GNF contre milliards en glissement annuel. Toutefois, les dépôts en devises sont restés à leur niveau d avant les réformes, d où la nécessité de restaurer la confiance. Le taux de change du franc guinéen a été très instable à partir de La stabilisation entamée en 2011 s est consolidée en Par rapport au dollar américain, une faible appréciation nominale été enregistrée en 2013 contre une dépréciation de 3.5 % en 2012 et de 25.4 % en La stabilisation du cours du franc guinéen résulte d une évolution favorable des réserves de change. Ces dernières, qui ne couvraient pas un mois d importations en 2010, sont passées à quatre mois en 2012, un niveau qui s est maintenu en 2013 et devrait passer à cinq mois fin Cette dynamique a été amorcée par la reconstitution des réserves, grâce aux retombées de l accord conclu avec Rio Tinto sur le projet minier de Simandou. Elle a ensuite été consolidée par l instauration d un nouveau marché interbancaire et une révision des conditions d intervention sur le marché des devises. Coopération économique, intégration régionale et commerce Les exportations ont continué de baisser en 2013, passant à 23.6 % du PIB en 2013, contre 26.8 % en 2012 et 31.2 % en Elles devraient représenter 20.1 % du PIB en La hausse des importations n est plus aussi forte, avec une part de 41 % du PIB fin 2013, contre 45.1 % en 2012 et 29.4 % en Le solde des transactions courantes est défavorable depuis 2010, à hauteur de % en 2013 contre % en 2010 et % en L amélioration de 2013 devrait se poursuivre en Les projections pour la fin 2014 indiquent un solde courant de %. La tendance favorable du solde des transactions courantes s explique par le ralentissement des importations et la relance des exportations minières. Le solde global de la balance des paiements s est légèrement amélioré, à 2.2 % du PIB fin 2013 (contre un niveau de -0.2 % en 2012). Il est projeté à 2.4 % en L intégration de la Guinée dans la coopération internationale s est accélérée ces dernières années. À travers des projets d interconnexion des réseaux routiers et de production d énergie électrique, le pays a renforcé sa participation dans les organisations sous-régionales telles que l Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), l Union du fleuve Mano (UFM), l Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) et l Autorité du bassin du Niger (ABN). La Guinée participe au programme d amélioration des corridors routiers de la Communauté économique des États d Afrique de l Ouest (CEDEAO), qui met l accent sur la réalisation des tronçons manquants. La volonté d ouverture du pays se traduit par le maintien des partenariats conclus et l exploration de nouvelles possibilités, notamment avec les pays du Golfe arabique. Malgré cette volonté politique et un positionnement stratégique central dans la sous-région, la Guinée n occupe que le 9 e rang sur les 15 pays de la CEDEAO en termes d intégration régionale. Le pays a ratifié 45 des 53 conventions et protocoles de la CEDEAO, dont l application est gérée par le ministère dédié de la Coopération régionale. Le ministère d État en charge de l Économie et des finances assure la coordination des questions relatives à l intégration économique régionale, impliquant les ministères du Commerce, de l Énergie et des Transports. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 107

109 Guinée Plus d attention a été portée à l intégration régionale au fil des ans, ainsi qu au financement des infrastructures avec l appui des partenaires. Le gouvernement a financé sur fonds propre à hauteur de 120 millions USD le barrage de Kaleta, principal ouvrage de l OMVG en cours de construction, en association avec un prêt de l Eximbank. La Guinée et ses voisins ont signé un accord pour qu elle leur transfère 30 % de l énergie qui sera produite, selon une étude tarifaire qui sera révisée en 2014 avec l appui des partenaires, notamment la BAfD. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette L atteinte du point d achèvement de l initiative PPTE s est accompagnée d une modification de la structure de la dette publique de la Guinée, estimée à milliards GNF (environ 3.13 milliards USD) en décembre Elle est constituée de dettes extérieures pour 32.1 % et intérieures pour 67.9 %. Au total, 51.4 % de la dette intérieure correspond à des arriérés de paiement aux fournisseurs locaux, portant majoritairement sur des transactions devant faire l objet d un audit. Le gouvernement a érigé une direction pleine de la dette et pris les dispositions pour ne pas accumuler plus de dettes au-delà du seuil établi avec le FMI dans le cadre du programme appuyé par la FEC. Il a amorcé la préparation d un plan d action à moyen terme pour renforcer la gestion de la dette extérieure avec l assistance des partenaires au développement. Une politique d endettement cohérente avec le système de coordination de l aide devrait être élaborée en Depuis la fin de l année 2012, l évolution de la dette extérieure suggère une mobilisation accrue de ressources auprès des partenaires bilatéraux, dont la Chine, l Angola et la République du Congo. Entre décembre 2012 et septembre 2013, la part de la dette bilatérale est passée de % à % et celle de la dette multilatérale a baissé de % à %. Au 30 septembre 2013, le stock nominal de la dette s est accru pour se situer à milliards USD. Cette hausse survenue après le point d achèvement de l initiative PPTE est imputable à la mobilisation du financement du projet de barrage hydroélectrique de Kaleta. Le service de la dette extérieure en fin d année 2013 s est élevé à 0.61 % du PIB, contre 0.68 % en Elle est projetée à 0.20 % du PIB en Cette dynamique exprime les effets budgétaires de l atteinte du point d achèvement de l initiative PPTE. Le stock de dette intérieure a enregistré une hausse de 7.2 % au 30 septembre 2013, par rapport à son niveau en décembre 2012, pour s établir à milliards GNF (2.2 milliards USD), du fait des transactions qui ont porté sur les bons du Trésor. Depuis 2010, le service de la dette intérieure tend à la baisse. Toutefois, en 2013 une inversion de tendance est survenue. Le service de la dette a augmenté pour s établir à 0.83 % du PIB contre 0.51 % en À partir de 2014, une nouvelle baisse de ce ratio est attendue. 108 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

110 Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations Guinée % 250 Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Le secteur privé, dont la majeure partie est informelle, est contrarié par un environnement peu propice aux affaires et la faiblesse des infrastructures de transport et d énergie. L étroitesse du tissu économique formel fait peser l essentiel de l effort fiscal sur ses activités. Il est constitué d entreprises privées avec des capitaux étrangers et d une prolifération d entreprises informelles dont le chiffre d affaires reste assez limité. Une lettre de politique du secteur privé a été élaborée et adoptée, tandis qu un nouveau code des investissements est en cours d élaboration. Le gouvernement a créé l Agence pour la promotion des investissements privés (APIP) et amélioré le guichet unique pour l enregistrement de nouvelles compagnies. Une loi sur le leasing a été adoptée. Une étude est en cours pour servir de base à la révision du texte appelé «Loi BOT» de 1998, autorisant les investissements privés dans les infrastructures. La même étude servira à préparer une loi sur les partenariats public-privé (PPP), de plus en plus importants. Le désengagement de l État des activités de production en faveur du secteur privé n a pas connu d avancées notables. Les audits de la dette intérieure et des entreprises publiques sont en cours de finalisation. L amélioration du climat des affaires a permis à la Guinée de progresser dans le classement Doing Business de Le pays est passé du 179 e au 175 e rang parmi 180 pays. Cette évolution résulte notamment des efforts consentis en matière d enregistrement des droits de propriété, de délai de démarrage des activités et de commerce extérieur. Des efforts restent à faire pour améliorer les coûts et les délais associés à l obtention d un permis de construction et à l obtention d un prêt, de même que pour renforcer l assise juridique des contrats. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 109

111 Guinée Secteur financier Le marché financier est structuré autour des activités bancaires, de microfinance et d assurance. La Guinée ne dispose pas de marché de valeurs mobilières et les besoins de financement des entreprises sont couverts par l autofinancement ou le crédit bancaire. Une nouvelle loi bancaire est en préparation. La supervision bancaire a été renforcée pour les banques classiques et les institutions de microfinance. Quatorze banques sont en activité, l une d entre elles a ouvert en Les réformes dans le secteur ont conduit à un relèvement du capital requis et à la liquidation d une banque, dont les petits épargnants (des titulaires de comptes dotés de 10 millions GNF) ont été identifiés en 2013 pour être dédommagés. La Guinée compte seize institutions de microfinance et neuf compagnies d assurance. Toutefois, les zones rurales disposent d un faible accès au financement bancaire. L activité des banques se concentre à la capitale, dans les villes ou dans les régions minières. À l exception de quelques institutions de microcrédit qui sont accessibles en milieu rural, les besoins de financement y sont pris en charge par des usuriers. Le financement bancaire est capté par le secteur public, qui a reçu 59 % des financements accordés fin octobre 2013, contre 62.9 % en 2012 et 55.2 % en Cette préférence pour le financement du secteur public se fait au détriment du secteur privé. Elle résulte de la qualité de la signature de l État, mais surtout des difficultés de réalisation des garanties offertes par le secteur privé (les traditions locales s opposent à l achat de biens saisis). La structure du portefeuille des Banques intègre une proportion de créances non-performantes en hausse. En décembre 2013, elles représentaient 6.4 % des prêts, contre 4.1 % en 2012 et 2.9 % en Les difficultés associées à la réalisation des garanties constituées et le contexte économique difficile expliquent cette détérioration. L Agence nationale de la microfinance (ANAMIF), instituée pour financer les projets des femmes et des jeunes, a mis en place ses premières lignes de crédits en À travers les quinze autres institutions de microfinance, elle a distribué milliards GNF aux populations cibles. Une approche directe du financement des bénéficiaires lui a permis d atteindre un portefeuille de prêts cumulés de près de 9 milliards GNF en Pour améliorer ses performances, l ANAMIF devra cependant se restructurer, fonctionner de manière transparente et mieux se positionner par rapport aux IMF existantes. Le marché financier pourrait gagner en efficacité avec une meilleure mobilisation de ressources longues, pour le financement des secteurs porteurs au retour sur investissement relativement long, comme les infrastructures, la formation, l habitat, les hôpitaux, la modernisation de l artisanat et de l agriculture. Gestion du secteur public, institutions et réformes Des actions ont été prises pour stabiliser le cadre macroéconomique et rationnaliser la gestion des finances publiques, ainsi que le cadre d investissement des secteurs minier et énergétique. Elles témoignent de la volonté du gouvernement d améliorer la gestion publique et de faire évoluer le pays vers l émergence, mais butent encore sur deux contraintes majeures. La première porte sur la faiblesse et les dysfonctionnements de l administration, qui obèrent les efforts de coordination des politiques publiques. La seconde vient de l ajustement des dépenses de fonctionnement et d investissement, utilisé comme instrument privilégié d ajustement budgétaire. Le programme de réforme de l administration et de la fonction publique, qui avait été validé en 2011, n a pas connu d avancées notables en L année a cependant été marquée par la création de la Cour des comptes et de l École nationale d administration (ENA). Un nouveau Parlement a été élu, avec les commissions dédiées. Le recensement biométrique des fonctionnaires a été lancé au premier trimestre Un défi demeure : rendre toutes ces institutions fonctionnelles et en responsabiliser les membres, malgré le manque de ressources humaines, matérielles, et financières qui persiste. 110 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

112 La multiplicité des besoins dans un contexte de fragilité, qui nécessite le renforcement de ces institutions, a pesé négativement sur les ressources du pays. Le cadre macroéconomique étant désormais stabilisé, grâce à l ajustement systématique des dépenses, il est important que le gouvernement et ses partenaires travaillent à orienter les nouvelles ressources attendues vers la réforme de l administration et la consolidation des institutions. Ces ressources proviendront du secteur minier, de partenaires tels que la Chine, mais aussi des pays arabes et émergents. Guinée Gestion des ressources naturelles et environnement Les autorités ont commencé à porter une plus grande attention à la gestion des ressources naturelles du pays, notamment le diamant, l or, le fer, la bauxite et les terres arables. Un plan national d action pour l environnement a été adopté en 1994 et une politique nationale de l environnement a été approuvée par décret en février 2013, assortie d un plan d investissement en matière d environnement ( ). Le gouvernement a veillé à la prise en compte systématique des questions de préservation de l environnement dans le Code minier récemment adopté, ainsi que dans le Code pétrolier et le code forestier en cours d élaboration. L appui technique et financier des partenaires permet aux autorités guinéennes de réaliser des avancées en matière de prise en compte des questions environnementales dans les principaux textes. Cependant, l insuffisance des ressources, la faiblesse des capacités de l administration qui accentue souvent les difficultés à coordonner et optimiser certaines urgences et priorités, constituent souvent un frein à l opérationnalité des institutions dédiées, et à la mise en œuvre des mesures arrêtées. Les ressources attendues de la rationalisation du secteur minier et d autres partenaires contribueront à rendre ces mesures effectives. Contexte politique La transition politique a pris fin en 2013, avec la tenue des élections législatives, un scrutin retardé par l absence de dialogue et de confiance entre le pouvoir et l opposition. En 2013, les marches et journées «villes mortes» initiées par l opposition ont fait perdre plusieurs semaines d activité. Les violences ont fait au moins une dizaine de morts parmi les manifestants et les forces de l ordre. Le 28 septembre 2013, trois ans après l élection présidentielle de 2010, la Guinée a élu une nouvelle Assemblée nationale de 114 députés, parmi lesquels 19 femmes, pour un mandat de cinq ans. Le scrutin s est déroulé après la signature d un accord entre le parti au pouvoir et l opposition, sous l égide de la communauté internationale. Cet accord a maintenu Waymark, l opérateur technique sud-africain chargé du recensement électoral, dont la mission a été réduite et placée sous la supervision d un comité de suivi. La commission électorale, qui avait fait l objet de critiques régulières, a été également placée sous la surveillance d un comité de veille, dirigé par un magistrat et dans lequel les partis politiques ont été représentés. Par ailleurs, les Guinéens de l extérieur inscrits sur les listes en 2010 ont pu participer aux scrutins. La nouvelle législature a été inaugurée le 13 janvier Au total, 15 partis politiques sont représentés. Le parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) dispose de 46.5 % des voix, suivi de l Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, 32.4 %) et de l Union des forces républicaines (UFR, 8.8 %). Les 12.3 % de voix restantes se répartissent entre 12 autres partis. Les deux principaux partis de l opposition pourraient constituer un contre-pouvoir dans le contrôle de l action gouvernementale. Le démarrage des travaux de cette Assemblée pourra contribuer à l apaisement de la vie politique et à la cohésion sociale. Toutefois, plusieurs facteurs de tension persistent, tels que le refus du Parti de l espoir pour le développement national (PEDN) (2 sièges) de prendre sa place au Parlement, le difficile consensus entre les partis représentés et les élections municipales prévues pour BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 111

113 Guinée Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Les indicateurs du développement humain s améliorent très lentement, à un rythme qui ne permettra pas d atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en L objectif d éducation pour tous progresse, mais à un rythme lent. L évolution vers un taux net de scolarisation au primaire de 100 % s inscrit dans une dynamique plus longue que l échéance de 2015 fixée par les OMD. En 2013, le taux net de scolarisation au primaire a été de 57.8 % contre 56 % en Le taux d alphabétisation des adultes, passé de 32 % à 34 % entre 2007 et 2012, progresse aussi lentement. Le taux d achèvement du cycle primaire a été de 58.7 % en La réduction de la mortalité des enfants de moins de cinq ans a enregistré des progrès significatifs. Le taux de mortalité infantile a été de 67 pour mille en 2012, contre 91 pour mille en Mais le rythme actuel des progrès ne permet pas d anticiper une réalisation du taux cible de 45.4 à l horizon Selon les résultats de l Enquête démographique de santé (EDS, 2012) la couverture vaccinale des enfants contre la rougeole a été de 62 % en 2012 contre 50 % en L objectif visé est de 90 % à l horizon Au niveau de l amélioration de la santé maternelle, les traditions et les mœurs continuent de peser sur le recours aux méthodes de contraception. Le taux de contraception ne progresse que très légèrement (7 % en 2012 contre 6.8 % en 2005). Parallèlement, le ratio de la mortalité maternelle est encore élevé (724 pour cent mille en 2013 contre 980 pour cent mille en 2005). Cette évolution s explique par l augmentation de la fréquence des accouchements médicalisés (45.2 %). Cependant, le faible niveau d étude des femmes et la disponibilité limitée des soins de santé ralentissent les progrès possibles. La couverture des soins prénatals a été de 85.2 % en Les résultats de la lutte contre le VIH/sida et d autres maladies sont mitigés. En 2013, les efforts de communication pour le changement de comportements et l utilisation des préservatifs ont contribué à maintenir le taux de prévalence estimé du sida à 1.7 %. Parallèlement, les autres indicateurs de santé n évoluent pas de manière uniforme. Le pourcentage de cas de tuberculose identifiés et soignés a augmenté (76 % en 2012 contre 61 % en 2009). Le nombre d enfants de moins cinq ans souffrant de fièvre et traités a diminué (33.8 % en 2012 contre 43.6 % en 2005), ainsi que la prévalence du paludisme, qui s est établie à 44 % en 2012 contre 43.3 % en Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté. Elle s élève à 55.2 % en 2013 contre 53 % en Cette évolution est portée par la faiblesse de la croissance (environ 2 % en moyenne entre 2008 et 2010 et 3.2 % entre 2011 et 2013, contre un taux de croissance démographique de 3.2 %). Elle s accompagne d un niveau préoccupant de chômage des jeunes. Selon le ministère de l Enseignement technique, de la formation professionnelle, de l emploi et du travail (METFPET, 2012), le chômage touche 34 % de la frange qui a achevé un cycle d enseignement professionnel technique, et 47 % des titulaires de diplômes universitaires contre 10.4 % des jeunes n ayant aucun diplôme. Le taux de chômage des ans est de 14.7 % en milieu rural contre 24.5 % à Conakry. L Indice de développement humain (IDH) progresse depuis 2008, mais de manière relativement lente. L IDH de la Guinée a été de en 2013 contre en Il reste inférieur à la moyenne de des pays à faible IDH. Des marges de progression subsistent dans les domaines de l éducation et du revenu. L indice de l éducation est stagnant depuis Environ un tiers des enfants en âge d aller à l école ne sont pas scolarisés et le financement public du secteur demeure faible (moins de 10 % du budget). 112 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

114 Égalité hommes-femmes La Guinée a ratifié la convention sur l élimination de toutes les formes de discriminations à l égard de la femme (CEDAW) et a enregistré des avancées dans la réduction des inégalités de genre dans les domaines de la santé et de l éducation. Les ratios filles-garçons sont passés de 0.76 en 2005 à 0.92 en 2010 dans les écoles primaires et de 0.45 à 0.59 dans les écoles secondaires, selon le rapport annuel du Programme sectoriel de l éducation (PSE 2013). Ce ratio stagne cependant à 0.3 dans les universités. Guinée Les femmes sont plus affectées par le sous-emploi et le chômage que les hommes. La proportion de femmes salariées dans les secteurs non agricoles n a pas dépassé 21.3 % en Les inégalités de genre se sont approfondies entre 2009 et 2012, avec un indice de genre de (Index SIGI OCDE) contre en Selon le DSRP 3, la proportion de femmes à un poste de responsabilité n est que de 20 % dans la fonction publique et les institutions républicaines. Une inégalité est par ailleurs reflétée par le VIH/sida, dont la prévalence est de 1.9 % chez les femmes contre 0.9 % pour les hommes. Cette dissonance exprime la fragilité des femmes, qui n ont parfois ni l information nécessaire, ni la capacité de choisir un moyen de prévention, dans une société où les traditions sont encore dominantes. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique La faiblesse du tissu industriel de la Guinée et les difficultés énergétiques du pays entravent son intégration dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). Cette intégration passe surtout par les industries minières, chimiques (plastique, peinture et cimenterie) et agroalimentaires. Les opérations réalisées, de faible valeur ajoutée, portent sur l extraction de minerais, le mixage et/ou l emballage de produits semi-finis reçus et leur écoulement sur le marché domestique et sous-régional. Les unités installées, intensives en main d œuvre faiblement qualifiée, recrutent principalement des machinistes. La Guinée dispose d abondantes ressources minières et d une superficie estimée à 6.2 millions d hectares de terres arables. Une part de 45 % de sa population a moins de 30 ans. La Guinée partage des frontières avec six pays et participe activement aux organisations d intégration sous-régionale. Par ailleurs, elle est partie prenante de l accord African Growth and Opportunity Act (AGOA) et des accords de partenariat avec l Union européenne (UE). Ces atouts lui donnent des marges substantielles d intégration dans les CVM, notamment pour la fabrication de composants métalliques pour l industrie automobile et le BTP, l approvisionnement des agro-industries en matières premières, l assemblage de pièces pour l industrie textile et le tourisme, entre autres. Le potentiel reste largement sous-exploité. Le pays communique très peu sur ses atouts et les opérateurs économiques sont concentrés dans le commerce ou le BTP. L élaboration d une politique industrielle, qui manque depuis des années, devrait favoriser l implantation d étapes de production industrielle. Mais l insuffisance et l irrégularité de l approvisionnement en électricité reste un obstacle majeur. La mise en service du barrage hydroélectrique de Kaleta représente de ce point de vue une importante opportunité. Les progrès en matière d environnement des affaires sont importants, mais la propriété privée et les contrats doivent être mieux protégés. Par ailleurs, les taux d achèvement de l école primaire (58.7 %) et d alphabétisation des adultes (34 %) restent faibles, par rapport aux moyennes de la sous-région, estimées à 67 % et 69 % par l Unesco en Au-delà de ces insuffisances, les activités de recherche et de développement restent par ailleurs à promouvoir. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 113

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116 GUINÉE-BISSAU 2014 Yannis Arvanitis / y.arvanitis@afdb.org

117 Guinée-Bissau Guinée-Bissau La Guinée-Bissau renoue avec la croissance affichant un taux de 0.3 % en 2013, comparé à -1.5 % en Mais les séquelles économiques suite au coup d État d avril 2012 perdurent. Pour 2014, la croissance attendue est de 2.8 %. En 2015, elle devrait atteindre 2.6 %. Ces perspectives dépendent fortement du climat sociopolitique et du déroulement des élections générales prévues en Le solde budgétaire a enregistré une baisse de 4.7 % du PIB en Dans le court terme, la reprise de la coopération avec les donneurs devraient contribuer à l amélioration des finances publiques. Le contexte social et humain s est dégradé, en raison notamment d un manque généralisé de ressources de l État et de la difficulté d accès physique aux services de santé. Vue d ensemble Le coup d État d avril 2012 a provoqué un certain nombre de perturbations économiques. En 2013, le taux de croissance s est établi à 0.3 %, en hausse comparé à Néanmoins, ce retour de la croissance masque de sérieux problèmes structurels, qui n ont fait que s aggraver avec l interruption de la plupart des réformes entamées avant le putsch. En 2014, la croissance du produit intérieur brut (PIB) est attendue à 2.8 %, grâce à une reprise escomptée de l activité économique après les élections prévues. Au niveau budgétaire, la suspension des opérations par la plupart des partenaires techniques et financiers a été synonyme d un ralentissement des réformes et d une interruption des financements. Les réductions budgétaires en 2013 se sont répercutées dans les dépenses allouées à la provision de biens publics. Cette situation a conduit à un arrêt des investissements et à un accroissement des arriérés. Fin 2013, les arriérés internes était de 7.7 milliards XOF (Franc CFA BCEAO), dont 4 milliards de salaires. Le déficit budgétaire s est aggravé, passant de 2.7 % en 2012 à 4.7 % en Pour les années 2014 et 2015, la normalisation du climat sociopolitique et la reprise de la coopération internationale devraient permettre l amélioration des finances publiques et l apurement des arriérés. L inflation a été revue à la baisse, passant de 2.1 % en 2012 à 1.0 % en 2013, sur fond d une demande interne atone. La situation sociale demeure précaire avec l un des plus bas indicateurs du développement humain (IDH) en Afrique. Compte tenu de la fragilité et de la faiblesse des ressources de l État, les prestations dans le domaine de la santé sont loin de satisfaire les besoins. Le nombre de personnels techniques du ministère de la Santé a diminué de 16 % entre 2007 et L épidémie de choléra déclarée en 2012 continue de sévir en 2013, faute de moyens pour l endiguer. En parallèle, l insécurité alimentaire s est fortement aggravée : plus d un tiers de la population est en situation de sous-nutrition. Enfin, de manière générale, la Guinée-Bissau est très faiblement intégrée dans les chaînes de valeur mondiales (CVM), notamment en raison d un environnement des affaires peu propice et d un manque d infrastructures d appui à la production. 116 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

118 % 10 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) Guinée-Bissau (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Bien que sur le plan politique des avancées encourageantes aient été enregistrées, elles n ont pas permis le redressement économique escompté en raison des perturbations liées aux événements d avril En 2013, le taux de croissance est estimé à 0.3 % contre -1.5 % en Cette croissance peu vigoureuse est liée à plusieurs facteurs. Premièrement, elle s explique par de faibles prix de la noix de cajou, qui contribue à hauteur de 30 % en moyenne à la valeur ajoutée du secteur primaire. Deuxièmement, la croissance est affectée par le repli de l investissement public, du fait de la suspension des engagements par certains partenaires techniques et financiers. Enfin, la baisse considérable des activités du secteur secondaire, touché par un effondrement de la production d électricité, a également affecté la situation économique. La croissance a néanmoins été soutenue par une bonne campagne agricole vivrière. Le manque de dynamisme de la consommation a poussé le taux d inflation à la baisse, passant de 2.1 % en 2012 à 1 % en La Guinée-Bissau est un pays essentiellement rural où l agriculture, la forêt, la pêche et l élevage représentent 49.1 % du PIB en Ce secteur qui emploie 72.4 % de la population active, selon l enquête légère pour l évaluation de la pauvreté en Guinée-Bissau (ILAP) de 2010, est très peu développé et basé essentiellement sur une technologie rudimentaire. La campagne agricole vivrière 2012/13 s est déroulée sans aucune perturbation majeure. La production est en augmentation de près de 15 % par rapport à la récolte précédente, avec un bond de 16.2 % de la production de riz. Dans son ensemble, le secteur primaire a enregistré une croissance réelle de 1.8 % en 2013 contre 0.2 % en BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 117

119 Guinée-Bissau En 2013, la production de la noix de cajou comptait pour 11.9 % du PIB du pays. Alors que l année 2011 avait été une année record avec près de tonnes produites, en 2012 la production s est effondrée à tonnes pour rebondir à tonnes en Cependant, selon l Agence nationale de la noix de cajou, les prix FOB (free on board) sont passés de 441 USD en 2012 (dont 57 % revenaient aux producteurs) à 355 USD en 2013 (dont 43 % pour les producteurs). Cette situation s explique par plusieurs facteurs, dont certains sont internes au pays, tel que la désorganisation de la production ou les changements de régimes fiscaux au cours de la saison. D autres facteurs sont externes comme la hausse des coûts du côté de l Inde (dont la main d œuvre), importateur principal, qui se répercute sur les producteurs de Guinée-Bissau, en raison du caractère déséquilibré des échanges (monopsone). Cette situation a entraîné une dégradation de la sécurité alimentaire dans le pays. Selon le Programme alimentaire mondial, 80 % des habitants hors de Bissau vivent de la noix de cajou avec laquelle ils font du troc contre du riz et autres produits de première nécessité. Compte tenu des faibles prix de la noix de cajou en 2013, les termes de l échange avec le riz se sont fortement détériorés, passants d un kilo de noix de cajou contre un kilo de riz en 2011 et 2012, à un ratio d un kilo pour un tiers en À partir de juillet 2013, plus de la moitié des communautés se sont retrouvées avec un mois et demi maximum de réserves en céréales, faisant basculer plus d un tiers de la population dans une situation de sous-nutrition. Dans ce contexte, le challenge de la diversification économique, notamment agricole, demeure entier. Le secteur secondaire a souffert à cause d une chute importante de la production d eau et d électricité, de l ordre de 15.8 % en 2013 contre -0.9 % en Cette situation est étroitement liée aux problèmes de trésorerie pour le paiement des importations de fioul, mais aussi à des problèmes de gestion de la compagnie nationale d eau et d électricité. La croissance des activités extractives a atteint 3.2 %. Dans l agro-industrie, elle s est établie à 2.1 %. Quant au secteur de la construction, l augmentation des importations de ciment a poussé la croissance du secteur à 1.5 % contre -5.5 % en Dans son ensemble, le secteur productif a augmenté de 1.4 % en 2013, alors que l année 2012 s était terminée en recul de 3.5 %. Les ressources minières présentent de bonnes perspectives économiques. Des travaux de prospection pour des mines de bauxite, de phosphate et de sable noir sont en cours, avec comme objectif des mises en exploitation à compter de Cependant, les entreprises présentes sur place ont généralement peu d expérience. Par ailleurs, depuis 1997 jusqu à aujourd hui, les efforts du gouvernement en vue de la signature des contrats de concession ou d allocation pour les travaux d exploitation n ont pas connu d évolution importante en partie à cause des turbulences sociopolitiques du pays. Le secteur tertiaire a enregistré un recul de 1.1 % en 2013, comparé à -3.5 % en Cette tendance est principalement due à l administration publique qui a vu une baisse de 6 % de ses activités en 2013, contre +4.8 % en Les recettes des impôts indirects ont aussi reculé de 2.5 % en 2013, suivant la même dynamique que 2012 (-2.7 %) et en net contraste avec l année précédant le coup d État (+7 %). L assiette fiscale en Guinée-Bissau demeure très étroite. Le nombre de contribuables est très faible et la base fiscale est concentrée sur un nombre réduit de postes de recettes, qui comportent principalement les droits de douanes sur les importations, les exportations de noix de cajou et les accords de pêche. Ainsi, la pression fiscale reste la plus faible de l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), passant de 8.3 % en 2012 à 7.9 % en 2013, en dessous du critère de convergence de 17 %. Les perspectives pour 2014 et 2015 sont tributaires du climat sociopolitique. Elles dépendent fortement du déroulement des élections présidentielle et législatives prévues en Néanmoins, l activité devrait être soutenue par le secteur primaire, sous l hypothèse d une hausse de 3 % de la campagne de commercialisation de la noix de cajou en La reprise progressive des projets publics financés par les partenaires au développement devrait contribuer également à cette tendance. Sur la base de la tenue d élections avant mi-2014, la croissance pourrait atteindre 2.8 % en 2014 et 2.6 % en Toutefois, un recul de l échéance électorale pourrait repousser le réengagement effectif de tous les donneurs et ainsi mettre à mal les perspectives. 118 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

120 Afin de réussir la reprise économique et s assurer de sa pérennité, les principaux défis sont les suivants : i) réussir la normalisation démocratique et retrouver la stabilité politique ; ii) renforcer les capacités institutionnelles afin de capitaliser au maximum le retour à la norme constitutionnelle ; iii) stimuler la diversification de l économie et notamment l agriculture ; iv) investir pour résorber le déficit en infrastructures ; v) poursuivre l amélioration des systèmes de gestion des finances publiques. Guinée-Bissau Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire Avant les événements d avril 2012, la politique fiscale menée par le gouvernement avait pour objectif la consolidation budgétaire. Suite au coup d État et la suspension des opérations par la plupart des partenaires techniques et financiers, les différentes réformes ont connu un ralentissement. Le gouvernement a été confronté à de grands défis. Le retrait des partenaires implique l arrêt des appuis budgétaires traditionnels et la suspension de sources de revenus tels ceux issus des accords de pêche conclus avec l Union européenne (13.4 % des recettes hors dons en 2011 et 0.2 % en 2013). La baisse significative des dons a pesé sur les recettes totales, qui sont passées de 19.5 % du PIB en 2011 à 15.1 % en 2012 et 13.4 % en 2013, accentuant les pressions budgétaires. Pour 2014 et 2015, ces recettes devraient augmenter grâce à la reprise des dons permise par le retour des donneurs. Cependant, à court et moyen terme, les recettes fiscales resteront tributaires des revenus liés à l exportation de la noix de cajou et dans une certaine mesure de la réactivation des accords de pêche avec l Union européenne, suite aux élections. Les recettes liées à la noix de cajou se sont établies à 60 milliards XOF en 2012 et 64.9 XOF en Pour les deux années à venir, grâce à une meilleure production et des prix similaires, les recettes devraient atteindre plus de 65 milliards XOF. Le solde budgétaire s est élevé à 2.7 % en 2012 et à 4.7 % en Pour 2014, la normalisation du climat sociopolitique, la reprise de la coopération avec les donneurs et la poursuite des réformes de l administration publique et du secteur de la défense et sécurité devraient permettre une légère amélioration des performances des finances publiques. Cependant, la structure budgétaire comporte une certaine rigidité compte tenu du poids des dépenses salariales (67.4 % des recettes fiscales fin 2013) et de l absence de réformes en vue de maîtriser la masse salariale. Cette rigidité a entraîné une augmentation des arriérés internes. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 119

121 Guinée-Bissau Fin 2013, ces arriérés ont atteint 7.7 milliards XOF, dont 4 milliards de salaires. Les revenus attendus, suite au retour de l ordre constitutionnel, devraient permettre en premier lieu d apurer ces arriérés avant de se concentrer sur les investissements. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire La politique monétaire en Guinée-Bissau est conduite par la Banque centrale des États d Afrique de l Ouest (BCEAO), à l instar des autres pays de l UEMOA. Entre 2012 et 2013, le taux directeur a diminué de 0.75 % pour pousser à une baisse des taux débiteurs des banques se finançant à la BCEAO et améliorer les conditions de financement des économies. Cette baisse des taux directeurs a favorisé une diminution des taux interbancaires, permettant ainsi aux banques locales de se refinancer à moindres coûts. Bien que non évalué à ce jour, l effet de transmission aux emprunteurs semble faible, dans la mesure où les taux pratiqués n ont pas changé. Les taux d intérêt débiteurs se situent dans une fourchette comprise entre 8 % et 18 %, avec une moyenne de 9.75 % au cours des neuf premiers mois de 2013, en léger recul par rapport à 2012 (9.8 %) et 2011 (10.8 %). Ces taux jugés encore élevés ne sont pas favorables aux investissements privés. Cependant, la baisse des taux directeurs a permis aux banques locales de compenser une aggravation des pertes liées au ralentissement économique après le coup d État d avril L appartenance du pays à la zone franc qui pose des règles budgétaires restrictives et limite l accès au financement monétaire pour combler le déficit, permet de maintenir la stabilité des prix. Les perspectives pour l inflation devraient rester inchangées, sous l hypothèse d une stabilité des cours des produits pétroliers et alimentaires sur le marché international. En 2012, le taux d inflation annuel moyen était de 2.1 %, contre 5 % en 2011 sur la base d une consommation interne revue à la baisse. Cette situation étant similaire en 2013, le taux d inflation s est établi à 1 %, sous la barre des 3 % définie par les critères de convergence de l UEMOA. Pour 2014 et 2015, il devrait rester en dessous du critère de convergence à 1.5 % et 1.8 % respectivement, en augmentation légère sur fond de reprise de la demande. Bien que la politique monétaire menée par la BCEAO permette une stabilité des prix et du taux de change, elle compromet la capacité des pays à faire face aux chocs extérieurs. Ainsi, le manque de synchronisation des cycles conjoncturels au sein de l UEMOA, l hétérogénéité des structures économiques, ainsi que le manque d intégration augmentent ses contraintes. Ceci est d autant plus important pour la Guinée-Bissau, compte tenu de sa dépendance au secteur primaire et de son cycle économique erratique en partie lié aux événements politiques. 120 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

122 Coopération économique, intégration régionale et commerce La politique commerciale s inscrit dans le cadre de l UEMOA, sur une base prévisible et transparente liée au tarif extérieur commun (TEC). En 2013, les exportations représentent 14.9 % du PIB, alors que les importations sont à 21.1 %. La balance commerciale devrait s établir à -6.6 % du PIB en 2014 et -6.4 % du PIB en Malgré la hausse des exportations, via un accroissement de la production et de la demande de la noix de cajou, les carences structurelles du pays ne devraient pas permettre une diminution significative des importations. Guinée-Bissau Ces trois dernières années, les exportations du pays ont été dominées par la noix de cajou. En 2013, les ventes de noix de cajou comptaient pour 87.7 % des exportations totales. La quasi-totalité de la noix de cajou brute est exportée en Inde. Les importations, elles, sont dominées par les produits alimentaires (27.7 % du total importé en 2013) et le carburant (26.3 %). Les pays de la zone euro sont restent les principaux fournisseurs de la Guinée-Bissau. À court terme, cette structure ne devrait pas changer de manière significative. Le stock des investissements directs étrangers (IDE) avait atteint 27 milliards XOF en 2011, mais a fondu suite au coup d État pour s établir à 16.2 milliards XOF en 2012 et 8.8 milliards en Ces IDE proviennent majoritairement du Portugal, du Sénégal et du Liban. La Guinée-Bissau est très dépendante de l aide extérieure, notamment pour le financement des investissements publics. Selon le budget 2013 voté par le Parlement, 90 % des dépenses d investissement auraient dues être financées par ces sources extérieures. Cependant, la prolongation de la période de transition et par conséquent de la suspension des donneurs n a pas permis la réalisation des investissements publics souhaités. Le solde du compte courant a enregistré une détérioration en 2013 de 6.6 % du PIB. En 2014 et 2015, ce solde devrait s améliorer pour s établir à -5.8 % du PIB et -5.7 % du PIB respectivement. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette Après le point d achèvement de l Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE), l encours de la dette publique de la Guinée-Bissau est passé de 164 % du PIB en 2009 à 58.1 % en Pour 2013, l encours de la dette devrait se situer à 59.4 %. Ces chiffres restent sous le seuil maximal de 70 %, fixé par les critères de convergence de l UEMOA. Cependant, ils témoignent d une aggravation du stock de la dette, même si les risques demeurent modérés. La soutenabilité de la dette est conditionnée à la reprise économique en 2014, mais aussi à une gestion prudente et mesurée du gouvernement de post transition. L encours de la dette devrait s établir à 59.7 % du PIB en 2014 et 60.1 % du PIB en Pour l année 2013, au-delà des supports budgétaires octroyés par certains donneurs tels que la CEDEAO ou le Nigeria, aucun autre bailleur n a apporté d appui dans ce sens. Le manque de financement extérieur a conduit à une augmentation importante de la dette intérieure et des arriérés de paiement. En 2013, les arriérés pour les salaires de l éducation nationale et les BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 121

123 Guinée-Bissau professionnels de la santé s élèvent à 4 milliards XOF. Pour les années 2014 et 2015, le gouvernement devrait reprendre sa stratégie de moyen et long terme d apurement des arriérés intérieurs. Il devrait aussi vraisemblablement engager une offensive diplomatique auprès de ses partenaires financiers, afin de bénéficier des prêts nécessaires à la relance de l économie. En effet, suite au point d achèvement de l Initiative PPTE, alors que la majeure partie de la dette multilatérale a été effacée, la Guinée-Bissau continue d accumuler des arriérés avec les créanciers qui ne font pas parti du Club de Paris. Dans ce cadre, il est important que le pays reprenne la publication de rapports trimestriels sur la dette, afin d accroître la capacité de gestion en offrant une meilleure visibilité. Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % 700 Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Membre de l UEMOA depuis 1997, la Guinée-Bissau bénéficie de l espace de monnaie unique à parité fixe avec l euro, de la politique commerciale libérale adoptée par l Union, ainsi que des facilitations aux échanges intercommunautaires. Pour autant, le secteur privé demeure embryonnaire, principalement en raison d un environnement des affaires difficile, peu propice et d un manque d infrastructures d appui à la production. Conscient de l importance de l activité économique privée, le Document de stratégie de réduction de la pauvreté II (DENARP II) fait du développement du secteur privé la pierre angulaire de l un des quatre piliers sur lesquels il repose. Cependant, malgré un bon départ, la mise en œuvre du DENARP II a été de facto interrompue suite au coup d État d avril Outre les perturbations sur l économie réelle, la période de transition politique marque aussi une pause dans les réformes liées à l environnement des affaires. Depuis la création d une structure de guichet unique pour la formalisation des entreprises en 2011, aucune réforme significative n est à noter dans le pays, qui stagne toujours dans le dernier décile du classement de l édition 2014 du rapport de la Banque mondiale, Doing Business (180 e sur 189). 122 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

124 De manière générale, les organisations ou métiers offrant des services aux entreprises sont limités en raison de la taille du marché et de l économie informelle, laquelle est estimée à plus de 70 % du PIB. Le secteur privé en Guinée-Bissau se compose essentiellement de micro et petites entreprises opérant dans le secteur informel, faisant face à de multiples barrières. Outre les barrières réglementaires telles que mises en exergue dans le rapport Doing Business, il existe des contraintes liées à la qualité (notamment l éducation et la formation) de la main d œuvre et la capacité de gestion. Guinée-Bissau Au niveau des infrastructures d appui à la production, le secteur privé a été affecté par la baisse de production d électricité de la compagnie nationale de production et distribution de l eau et de l électricité. Cette baisse, estimée à % entre 2012 et 2013, a limité le secteur privé. Ainsi, le secteur tertiaire a vu sa croissance passer de -3.5 % en 2012 à -1.1 % en 2013, alors que le secteur secondaire est passé de -3.5 % à 1.4 % pour la même période. Les importations de matériel de production par des entreprises privées dans le pays ont été revues à la baisse, passant de 2.7 milliards XOF en 2011 à 1.9 milliard en 2012 et 2 milliards en Pour les années 2014 et 2015, la situation devrait s améliorer avec le retour à l ordre constitutionnel et des partenaires financiers, permettant à l État un relatif assainissement des finances et de régler ainsi les factures de fioul pour la production électrique. Secteur financier Le système financier comprend un secteur bancaire réduit, avec quatre banques, trois compagnies d assurance et une dizaine de sociétés de financement décentralisé. Les banques sont de petite taille : aucune n a de bilan supérieur à 100 milliards XOF. Les exigences en matière d adéquation du capital sont en dessous ou conformes à celles de Bâle I, mais il demeure certaines faiblesses dans leur mise en œuvre. En 2013, les principaux ratios ont été respectés, à l exception des ratios de coefficient de liquidité et de couverture des emplois à moyen et long terme qui n ont pas été respectés par une banque et le ratio des fonds propres effectifs non respecté par une autre banque. Fin 2012, selon la commission bancaire de la BCEAO, les établissements de crédit affichaient un total de bilan en baisse de 4.6 % par rapport à 2011, tandis que les autres pays de l UEMOA enregistraient une hausse de 12.9 %. La tendance serait la même pour l année Dans le même temps, l encours des créances en souffrance a augmenté de % entre 2011 et 2012 et le volume des impayés courant 2012 de 51 %. Ces dégradations sont intervenues après les événements d avril 2012 et illustrent une certaine vulnérabilité financière, associée à une capacité d action et de supervision restreinte. En 2014 et 2015, la situation devrait légèrement s améliorer compte tenu de la reprise économique. Le secteur de la microfinance est relativement peu développé du fait des contraintes liées au climat d insécurité politique et de morosité économique. Malgré une petite croissance du nombre de clients (de en 2010 à en 2012) et une hausse des dépôts de 22 % entre 2010 et 2012, les crédits ont diminué de près de 46 % sur la même période en raison de la suspension des financements des donneurs aux institutions de microfinance (IMF). Dans ce contexte, le secteur connaît des difficultés avec un taux de dégradation moyen du portefeuille de 61 % en 2012, alors que la norme est de 5 %. Un nouveau cadre réglementaire devrait être proposé par le gouvernement dans le court et moyen terme afin de : i) renforcer l environnement institutionnel, légal et réglementaire en vue de sécuriser le secteur ; ii) d entamer la professionnalisation des IMF ; iii) promouvoir un partenariat entre tous les intervenants afin améliorer l accès des IMF aux sources de financement et aux mécanismes financiers. Gestion du secteur public, institutions et réformes L administration publique de Guinée-Bissau est confrontée à une multitude de contraintes. Bien qu en théorie la structure administrative soit relativement claire et les compétences de chaque administration indiquées par la loi, il existe des contraintes majeures à un service de BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 123

125 Guinée-Bissau qualité et une efficacité opérationnelle. Ces contraintes sont essentiellement liées à l absence de ressources. Il faut ajouter à cela la faiblesse des capacités institutionnelles de l administration caractérisée par une faible qualification des agents, l absence d un plan global de renforcement des capacités et le bas niveau des salaires. Ces facteurs ont alimenté les mauvaises habitudes au sein de l administration publique, comme l absentéisme, l absence de reddition des comptes et d obligation de résultats. Face au poids de la masse salariale et suite au recensement biométrique des fonctionnaires, le gouvernement avait adopté en 2011 un plan d action en vue de réduire l effectif de la fonction publique, de rehausser la qualification des fonctionnaires et d améliorer leurs conditions de travail. Ces mesurent incluaient la mise à la retraite de tous les agents qui ont dépassé l âge de la retraite, la réinsertion des travailleurs redondants des secteurs concernés dans le secteur privé et la révision de l échelle des salaires dans le but de lisser des disparités flagrantes. Cependant, suite au coup d État, ces réformes ont été mises en veilleuse. Globalement, les insuffisances de moyens matériels et financiers, les faiblesses au niveau du traitement des dossiers, ainsi que le manque d ouverture des agents aux préoccupations du secteur privé ne permettent pas d assurer les conditions requises pour un développement économique durable. Au regard de ces enjeux, la réactivation de ces mesures visant une amélioration de la gestion et la modernisation du secteur public pour mieux répondre aux besoins des citoyens est cruciale. Tout comme la poursuite de la feuille de route pour la réforme du secteur de la défense et de la sécurité, soutenue par la CEDEAO à hauteur de 63 millions USD. Gestion des ressources naturelles et environnement La Guinée-Bissau est un pays de grande biodiversité. En plus des vastes ressources hydrauliques, le pays dispose de plus de 2 millions d hectares de forêt et d une importante diversité de sa faune et de son écosystème. Le gouvernement est conscient de la nécessité de développer un cadre juridique et réglementaire qui peut ouvrir le potentiel économique de ces ressources tout en réduisant au minimum le risque de dommage causé à l environnement. Le pays a ainsi développé et publié un arsenal juridique important pour la protection de l environnement. Il s est doté d instruments liés à l utilisation des ressources hydriques (decreto lei 5-A/92), à l exploitation des forêts (decreto 4-A/1991), des ressources halieutiques (decreto 1-A/2005), minières (lei 1/2000 y decreto-lei 6/2006) et de production et distribution d énergie (decreto-lei 3/2007). Cependant, certains de ces outils sont incomplets, tel que le code de gestion de l eau, voire dépassés. Des manquements existent concernant la planification territoriale, les ressources renouvelables ou l efficacité énergétique. Au niveau institutionnel, des carences demeurent, notamment au niveau de la capacité des ministères à prendre en compte l impact environnemental de leurs activités. L année 2013 a vu très peu de changements. Après le ministère des Ressources naturelles et de l Environnement, le gouvernement a créé l Institut national de l environnement et l Institut de la biodiversité et des aires protégées. Il a également entamé des actions de sensibilisations en direction des communautés sur l exploitation rationnelle des ressources naturelles. Cependant, ces actions ont été considérablement ralenties suite au coup d État d avril Leur reprise revêt une importance particulière à partir du retour de l ordre constitutionnel prévu en Contexte politique Suite au coup d État, la médiation entreprise par la CEDEAO a débouché sur la signature le 16 mai 2012 d un pacte de transition. Celui-ci prévoit la constitution d un gouvernement inclusif de transition et la tenue d élections au plus vite, avec comme date butoir le 31 décembre Cependant, ce n est qu en début d année 2013 que les partis politiques ont entériné le pacte de transition. Le gouvernement inclusif a été nommé en juin. 124 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

126 Le paysage politique demeure fragmenté, notamment au sein du Parti africain pour l indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), dont la tenue du congrès a été repoussée de 2013 à Par ailleurs, l insuffisance de moyens techniques et financiers afin de mener le recensement requis pour les élections a obligé le gouvernement de transition à repousser les élections. Avec un appui extérieur, le recensement a finalement pu démarrer le 1 er décembre, mais accuse déjà des retards avec seulement 30 % de votants recensés au 31 décembre. Enfin, le rôle de l appareil militaire dans les événements de 2012 n a pas été clarifié. Une loi d amnistie a été proposée et rejetée en septembre, mais de nouveau proposée pour le début de l année Guinée-Bissau Au niveau sécuritaire, plusieurs événements comme l attaque de l ambassade du Nigeria par la foule suite à des accusations de kidnapping par un ressortissant nigérian ou les agressions multiples perpétrées sur des citoyens, ont poussé le conseil de sécurité des Nations unies, lors d une réunion le 9 décembre 2013, à appeler toutes les parties prenantes du pays de «s abstenir de toute action pouvant entraver le processus politique et la mise en place de réformes importantes pour la stabilité à long terme». Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Avec l un des plus faibles indicateurs de développement humain (IDH) en 2013 (0.364), le pays occupe la 176 e position sur 186 pays. Deux facteurs concourent à ce bas niveau : la pauvreté généralisée avec un faible rendement monétaire et une espérance de vie peu élevée (48.6 ans). Un résultat qui s explique par l absence d opportunités de revenus et la difficulté d accès à des services de santé de qualité. Les prestations dans le domaine de la santé demeurent insuffisantes au regard des besoins, en raison de la fragilité et de la faiblesse des ressources et plus récemment des contraintes budgétaires. Le nombre de personnels techniques du ministère de la Santé, tous niveaux confondus (aides-soignants, médecins, etc.), a diminué de 16 % entre 2007 et En 2012, une nouvelle épidémie de choléra s est déclarée et continuait de sévir en Quant à la prévention et au traitement du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme, il subsiste certaines faiblesses et goulots d étranglements affectant l offre de soins tel que l inaccessibilité géographique des centres de santé, la vétusté des infrastructures et des systèmes logistiques défaillants. Ainsi, le paludisme demeure la principale source de décès des enfants (18 %). Pour le VIH/sida, la prévalence nationale est estimée à 3.3 %. Dans le secteur de l éduction, le niveau de la Guinée-Bissau reste faible par rapport aux moyennes régionales. Selon les dernières données disponibles, en 2012, seuls 39.4 % des professeurs ont reçu une formation minimum préalable ou en service, nécessaire à l enseignement au niveau du primaire, contre 74.5 % en Afrique subsaharienne. Selon les données (MICS-4, 2010), le taux net de scolarisation dans les écoles primaires a évolué positivement, passant de 53.7 % en 2006 à 67.4 % en La proportion des enfants inscrits en première année de primaire, ayant achevé leur cinquième ou sixième année, est de 62 % en 2010 contre 44 % en Cependant, en raison des arriérés de paiements des salaires des professeurs courant 2013, de multiples grèves ont éclaté, écourtant ainsi l année scolaire. Enfin, l insécurité alimentaire s est fortement aggravée en Avec de faibles prix pour la noix de cajou, les termes de l échange avec le riz se sont détériorés passant d un ratio de un pour un entre le kilo de noix de cajou et le kilo de riz en 2012, à un tiers pour un kilo de riz en Cette situation a fait basculer plus d un tiers de la population dans une condition de sous-nutrition. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 125

127 Guinée-Bissau Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le taux de pauvreté en 2012 (revenu inférieur à 1.25 USD par jour et par personne) était de 48.9 %. Selon les estimations de l Enquête légère sur l évaluation de la pauvreté (ILAP II, 2010), les pauvres sont en majorité des jeunes entre 15 et 35 ans (80 %). La probabilité d être pauvre varie aussi en fonction de la localisation géographique : les personnes qui vivent hors de Bissau sont plus exposées à la pauvreté. Cette probabilité augmente aussi en fonction de la taille de la famille. Toutefois, le risque d être pauvre diminue pour les familles dont le chef est scolarisé. La Guinée-Bissau ne dispose pas de données sur le taux de chômage. Les informations provenant de l ILAP II indiquent qu en 2010, la proportion de la population active occupée de 15 ans et plus était de 65.1 %, tandis que la population inactive représentait 32.3 %. De manière générale, la réglementation du marché du travail, en tant que tel, ne présente pas un facteur majeur décourageant la création d emplois dans le secteur formel : par exemple, il n y a pas de salaire minimum en vigueur et les procédures de licenciement sont conformes à l esprit des recommandations de l Organisation internationale du travail. Cependant, il existe un écart entre les textes législatifs et la pratique dans la mesure où la plupart des entreprises font partie du secteur informel. Ainsi, la réglementation du marché du travail n assure pas la protection d une grande partie de la main-d œuvre. Le système de protection sociale reste faible du fait du manque de ressources financières et de moyens techniques nécessaires. Selon le Document national pour la réduction de la pauvreté (DENARP II), les particuliers, les groupes ou les localités pauvres et vulnérables ou qui jouissent d un accès inégal aux services et opportunités sont clairement ciblées. Cependant, il n existe pas de processus systématique selon lequel ces groupes ou localités sont identifiés. Dans ce cadre, les instruments de mesure sont faibles et le manque de suivi et de diagnostic systématique sont un frein à la mise en œuvre effective de programmes contre la pauvreté. Par exemple, selon le ministère de la Famille, il n y a qu une estimation comprise entre et du nombre d ayants droits à l allocation sociale d invalidité/handicap. Le régime de pension et d épargne vieillesse n existe que pour les travailleurs de la fonction publique et des entreprises privées d une certaine taille. Le système de pension existant est celui de la retraite publique. Pour ce qui est du financement, il n apparaît pas viable sur le moyen terme compte tenu des carences budgétaires actuelles de l État. Le gouvernement reconnaît l importance de la participation communautaire au développement et a mis en place des programmes limités avec l appui des partenaires. Il appuie notamment des initiatives communautaires devant favoriser l emploi dans le secteur agricole. Mais après le coup d État d avril 2012, plusieurs donneurs ont suspendu leurs opérations. Certains ont continué leurs activités via des organisations non gouvernementales pour des programmes sociaux atteignant directement les populations. Suite à la constitution d un gouvernement transitoire sur la base d un accord entre les partis politiques en juin 2013, le gouvernement a décidé de mettre en place un programme d urgence d aide aux populations. Ce programme comporte des initiatives communautaires dans les secteurs de la santé, l éducation et la sécurité alimentaire. Il devrait être déployé d ici mi Égalité hommes-femmes Les disparités entre les hommes et les femmes dans l accès aux opportunités de développement du capital humain subsistent. Dans le domaine de l éducation, si le taux d inscription des filles par rapport aux garçons était de 93.2 % en 2010, selon les dernières données disponible, la représentativité relative des filles décroît de manière significative au niveau du secondaire (51 %), en raison de taux de redoublement et d abandon plus élevés (57 % contre 46 % pour les garçons, 126 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

128 selon la Banque mondiale). Ainsi, le taux d achèvement de l école primaire est plus élevé de 15 points de pourcentage pour les garçons que pour les filles. De manière générale, les politiques et lois en vigueur encouragent l égalité entre les hommes et les femmes dans plusieurs domaines (éducation, accès aux soins). Cependant, leur application est peu effective, non seulement à cause de certaines provisions légales en contradiction avec le principe d égalité énoncée dans la Constitution bissau-guinéenne, mais aussi dans la pratique traditionnelle : par exemple, l excision demeure courante (touchant 45 % des femmes), bien qu une loi criminalisant cette pratique ait été adoptée en mai Guinée-Bissau Au niveau politique et économique, les femmes ne représentent que 25 % des effectifs de l administration publique et 10 % du personnel politique (députés, membres du gouvernement, etc.). Bien que 51.9 % des femmes soient considérées comme actives, elles travaillent principalement dans le secteur informel et l agriculture de subsistance, qui présentent les taux de rentabilité économique les plus faibles. La concentration des femmes dans ces activités s explique en grande partie par la faiblesse des niveaux d alphabétisation et d éducation des filles. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique De manière générale, la Guinée-Bissau est très faiblement intégrée dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). Avec un tissu industriel et commercial structurellement peu développé, la production de biens et services dans le pays ne contient que peu de valeur ajoutée. Au niveau industriel, après des gains significatifs ces dernières années, faisant passer la valeur ajoutée manufacturière de 8.8 % du PIB en 2002 à 13 % en 2005, elle s est établie à 11.7 % du PIB en Outre les faibles taux de valeur ajoutée, le secteur industriel ne constitue qu une infime partie des exportations du pays (moins de 5 % des exportations totales) avec un montant négligeable d IDE pour l appuyer dans son développement. Ce dernier point est en partie lié à l instabilité politique du pays ces dernières décennies, mais aussi d une carence en termes d infrastructures d appui à la production. De la même manière, les ressources extractives sont rares et n offrent pas d opportunités à court et moyen terme. Le seul secteur qui prétend à une certaine intégration dans les CVM est celui de la noix de cajou. La Guinée-Bissau est en effet un producteur majeur : en 2013, la production de la noix de cajou comptait pour 11.9 % du PIB du pays et 87.7 % des exportations avec une production de tonnes (soit 16 % de la production africaine). Cependant, moins de 5 % de la production est transformée sur place. Le reste est exportée en brut à destination de l Inde principalement (plus de 80 %), afin d y être mélangée à la production locale ou en provenance d autres pays et transformée. Afin de capitaliser sur cette ressource, le gouvernement a mis en place en 2011 un Fond d industrialisation des produits agricoles (FUNPI) pour encourager la transformation et la recherche et développement. Ce fond est financé par un prélèvement à l exportation, de 50 XOF à 10 XOF par kilo ; un prélèvement qui a varié plusieurs fois depuis sa mise en place. L État a prélevé l équivalent de 2.1 % du PIB via le FUNPI, mais celui-ci n a pas encore été mis à contribution effective du secteur. Au-delà de la noix de cajou, le secteur agricole et l industrie agro-alimentaire présentent un grand potentiel. La Guinée-Bissau est un pays doté d abondantes ressources naturelles avec des terres de qualité, une grande biodiversité, des ressources halieutiques conséquentes et une bonne pluviométrie allant de à mm en moyenne sur 112 jours. Cependant, la productivité demeure faible avec des rendements limités (environ 1.7 tonne par hectare pour le riz et 0.8 tonne par hectare pour le mil et le sorgho). La mise en valeur de ces ressources ne s est pas traduite par un progrès économique à la hauteur du potentiel, en raison d un manque d aménagements BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 127

129 Guinée-Bissau hydro-agricoles, d intrants, mais aussi d infrastructures d appui à la production. Par ailleurs, la loi foncière approuvée en 1998 n a été que partiellement mise en place, freinant ainsi l essor du secteur. Les besoins annuels céréaliers ne sont pas couverts par la production nationale et présentent un déficit d environ tonnes dont l essentiel est comblé par des importations de riz. De plus, l instabilité politique et les problèmes logistiques ont freiné les investissements dans l agro-alimentaire. On note seulement quelques cas isolés d investisseurs étrangers, principalement dans la riziculture (production et transformation) et l horticulture dans la région de Bafata. Les principaux obstacles à l intégration de la Guinée-Bissau dans les CVM sont multiples. Tout d abord, la situation politique de ces vingt dernières années a entravé les investissements. Le pays hérite d un environnement des affaires peu propice, de lourdes barrières réglementaires, ainsi que d une infrastructure physique obsolète. De la même manière, le manque généralisé de ressources n a pas permis au pays d acquérir un avantage compétitif au niveau de la main d œuvre, en investissant dans la formation notamment, ni de stimuler la recherche et le développement afin de lui permettre de profiter des politiques commerciales régionales favorables de la zone UEMOA. Les gouvernements successifs ont élaboré diverses politiques sectorielles dans le but de rehausser le niveau de production et attirer des investissements pouvant potentiellement promouvoir l intégration du tissu productif du pays dans les CVM. Cependant, ces stratégies ont été interrompues à plusieurs reprises en raison du manque de moyens pour les mettre en œuvre. Dans leur ensemble, ces stratégies sont distillées dans le Document national pour la réduction de la pauvreté qui prône : i) un renforcement de l État de droit et la sécurité pour les investisseurs ; ii) un environnement macroéconomique stable garantissant un cadre de croissance ; iii) la promotion d un développement économique inclusif et durable en appui aux secteurs de croissance ; iv) l amélioration du capital humain permettant d augmenter les niveaux de production et de productivité. C est dans ces conditions que les politiques sectorielles, notamment pour la noix de cajou, pourront promouvoir une participation gagnante dans les CVM. 128 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

130 LIBERIA 2014 Patrick Hettinger / p.hettinger@afdb.org Janice James / janice.james@undp.org

131 Liberia LIBERIA Célébrant en août 2013 le dixième anniversaire de la fin de la guerre civile, le Liberia a maintenu sa stabilité et soutenu la croissance économique, mais la jeunesse du pays attend toujours la création de davantage d emplois qualifiés. La croissance économique s est poursuivie en 2013 à un taux de 8.1 %, tirée par les exportations de minerai de fer, le BTP et les services, tandis que les investissements consentis dans les secteurs de l énergie et des transports visent à en élargir les bases. Les progrès des réformes du secteur public se heurtent à des difficultés de capacité qui devront être surmontées pour permettre au Liberia de pleinement tirer profit des revenus de ses ressources naturelles afin de remédier à la très forte pauvreté. Vue d ensemble L économie du Liberia a progressé de 8.1 % en 2013, tirée par la hausse des exportations de minerai de fer, par le bâtiment et les travaux publics (BTP) et par un solide secteur des services. Selon les prévisions, le produit intérieur brut (PIB) réel augmentera de 6.8 % en 2014 et de 8.2 % en 2015 grâce à la production croissante de minerai de fer et aux investissements directs étrangers (IDE) liés aux concessions. Toutefois, les problèmes de gestion rencontrés dans les secteurs concédés, en particulier la forêt et l huile de palme, ralentissent le rythme de la croissance et les créations d emplois. Des progrès dans les investissements publics et les infrastructures destinés à l énergie et aux transports sont indispensables pour étendre la croissance au-delà du secteur minier. La centrale hydroélectrique de Mount Coffee et d autres projets importants en préparation pour l énergie et les routes devraient fortement réduire le coût de la conduite des affaires lorsqu ils seront opérationnels en 2015 et Les progrès se poursuivent dans la réforme du secteur public et l amélioration des institutions, mais des blocages en ralentissent la réalisation. La consolidation de la mise en œuvre du budget et des investissements publics reposera sur la maîtrise des dépenses courantes, principalement les salaires, mais aussi sur une meilleure gestion de trésorerie et une prévision réaliste des recettes. L approbation du budget en temps opportun par le Parlement et une amélioration de la coordination entre les agences seront également indispensables. Le retrait progressif des forces des Nations Unies (Minul) entraînera une augmentation des dépenses sur le plan de la sécurité. Des organismes ont été mis en place pour améliorer la gestion opérationnelle et superviser les entreprises publiques et les concessions. La création en 2014 d une autorité pour les recettes (Liberia Revenue Authority) devrait contribuer à améliorer l administration fiscale. Cependant, les difficultés de gouvernance dans la gestion du secteur des ressources naturelles persistent, freinant les progrès et créant des tensions avec la population qui voudrait profiter des fruits de la croissance. Des efforts s imposent dans le secteur de l éducation pour former la main-d œuvre de demain. Les élections législatives de mi-mandat sont prévues en octobre 2014 et vont probablement amplifier les prises de position politiques sur l efficacité gouvernementale et l indispensable croissance de l emploi. Le Liberia a bénéficié d environ 16 milliards de dollars (USD) en engagements d IDE depuis la fin de la guerre civile, dans le minerai de fer, la forêt, le caoutchouc et l huile de palme. Les autorités encouragent les liaisons entre les entreprises locales et ces chaînes de valeur mondiales en vue d augmenter la capacité et la valeur ajoutée du secteur privé ainsi que d accroître l emploi et l éventail des compétences. Toutefois, l exiguïté de l actuel secteur privé libérien limite sa participation d autant qu il est tributaire d infrastructures notablement insuffisantes. Les investissements destinés à surmonter les goulets d étranglement dans les infrastructures vont de l avant. Le climat des affaires, favorisé par un dialogue accru avec les parties prenantes et un échange d informations amélioré, devra également être renforcé. 130 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

132 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Liberia % 14 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives L économie libérienne a poursuivi en 2013 sa progression et enregistré un taux de croissance réel du PIB de 8.1 %, tiré par un doublement des exportations de minerai de fer, le BTP et les bons résultats dans son solide secteur des services. La croissance devrait s établir à 6.8 % en 2014 et 8.2 % en Une production en hausse du minerai de fer et des IDE liés aux concessions continueront de soutenir la croissance générale. Mais cette dernière étant tirée par des secteurs enclavés, et l augmentation de l emploi dans l huile de palme étant freinée par les litiges sur l accès aux terres, la transition vers une croissance fondée sur des emplois plus qualifiés est lente. Le développement du secteur privé informel ne s est pas encore traduit par une substantielle réduction de la pauvreté. Le dollar libérien (LDR) s est déprécié de 13 % par rapport au dollar américain (USD) en 2013, réduisant fortement le pouvoir d achat des populations pauvres dont les revenus ne sont pas versés en dollars américains. En conséquence de cette dépréciation, la hausse des prix à la consommation s est légèrement accentuée, à 7.6 % à la fin L inflation devrait ralentir en 2014, autour de 6.6 %. La croissance dans le secteur de l agriculture, de la pêche et de l exploitation forestière, qui assure environ un tiers du PIB, est restée limitée en 2013 en raison de faibles ventes de caoutchouc, d une chute dans les exportations de bois et d une production agricole étale. Pour la seconde année consécutive, la production de caoutchouc a décliné, de 13 %, à cause de la baisse des cours mondiaux et de la nécessité de replanter pour remplacer les arbres âgés. La production de bois a chuté de 51 % en 2013, pour la première fois depuis 2010, à la suite d un moratoire sur les BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 131

133 Liberia exportations pour les permis d exploitation privée (Private Use Permit PUP). Des fraudes et des abus de grande ampleur ont été découverts dans la délivrance de ces licences qui ont permis à plusieurs sociétés d exploitation forestière de contourner la réglementation pour accéder à une superficie de 24 % des terres du Liberia. Les PUP sont en train d être revus. La production de bois pourrait déboucher sur une forte croissance une fois réglés les problèmes de gouvernance, mais elle profiterait aussi de l amélioration des routes, des ponts et des ports. Les IDE dans le secteur de l huile de palme, qui pourraient contribuer à la création de emplois, n ont pas atteint leur potentiel en raison de litiges sur l accès aux terres. Le secteur agricole, qui est en grande partie une agriculture de subsistance, emploie plus de la moitié des Libériens. Quelque 70 % des familles agricoles cultivent le riz et 40 % le manioc, mais les rendements à l hectare n ont pas augmenté depuis les années 1980 et le pays importe plus de la moitié de son riz. La part des ménages produisant des cultures commerciales est passée de 28 % en 2006 à 55 % en 2012, d après une enquête de juin 2013 (Liberia Comprehensive Food Security and Nutrition Survey CFSNS). Le secteur industriel et manufacturier a bénéficié d une forte expansion en 2013 grâce à la poursuite de l accélération de la production de minerai de fer par Arcelor Mittal. Ce secteur représente le quart du PIB mais n emploie que 8 % de la population active. Cette expansion devrait continuer en raison de l accroissement de la production de minerai de fer jusqu en Elle pourrait toutefois être entravée par des conflits avec la population locale, un manque de clarté sur l accès au réseau ferré et aux ports, et des prix du minerai en baisse. L exploration pétrolière se poursuit et les autorités se concertent avec les acteurs de l industrie sur des réformes visant la politique du secteur et la compagnie pétrolière nationale. L expansion du secteur manufacturier en 2013 a bénéficié d une augmentation de 50 % de la production de ciment. Les autres activités de ce secteur (principalement les boissons, la menuiserie, l imprimerie et divers biens de consommation) ne connaissent qu une croissance limitée. Le secteur pâtit de l électricité insuffisante et extrêmement chère, d une main-d œuvre peu qualifiée et de coûts de production élevés. Les services ont connu en 2013 une croissance de 9 % et contribuent pour 44 % au PIB. Le commerce et l hôtellerie, les services publics, l immobilier, le BTP, les transports et communications en sont les principales activités. Le Liberia bénéficie d une aide internationale au développement par habitant élevée, trois fois supérieure à la moyenne de l Afrique subsaharienne, qui profite au secteur des services. Continuant à accroître les capacités des secteurs concédés, les services devraient poursuivre leur croissance bien que le retrait progressif de la Minul jusqu en 2015 puisse affecter la demande. D importants obstacles structurels brident encore la croissance libérienne. Moins de 2 % de la population a accès au service public d électricité, avec seulement raccordements fin 2013 dans la capitale Monrovia. À 0.54 USD le kilowattheure (kwh), son prix est parmi les plus élevés au monde et rend les coûts de production prohibitifs pour le secteur manufacturier. Et à 0.70 USD le kwh, l électricité du secteur privé est encore plus onéreuse. Le système de transports est délabré. Moins de 10 % du réseau routier est revêtu et la plus grande partie de l intérieur du pays est coupée de la capitale pendant la saison des pluies. L accès au financement, notamment pour le long terme, est limité. En dépit de progrès récents pour mettre en œuvre une politique de droit foncier, les titres de propriété restent problématiques. Installé en 2011, un tribunal de commerce a procédé à l arbitrage de quelques dossiers, mais le système judiciaire est généralement inefficace, l application des contrats incertaine et la corruption endémique. La main-d œuvre manque de formation et le système éducatif est confronté à de sérieux problèmes qui entravent le développement des capacités humaines. Doté d une économie non diversifiée et dépendante des exportations et de l aide, le Liberia est très sensible aux facteurs extérieurs. Les fluctuations de la demande internationale et des prix du minerai de fer, du caoutchouc et du bois affectent l économie et les recettes budgétaires. Quant à la 132 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

134 denrée de base, le riz, elle est majoritairement importée. Les prévisions de croissance incertaines dans les principaux pays destinataires des exportations affecteront l économie libérienne. Ainsi, la Chine s attend à une modération de sa croissance en 2014 alors que les États-Unis et l Europe espèrent un léger rebond de l activité. Le resserrement des conditions monétaires mondiales peut aussi réduire les prévisions d investissements étrangers. L aide au développement, qui joue également un rôle important, est tributaire des perspectives de croissance dans les pays développés. Le retrait progressif des soldats de la Minul se ressentira aussi sur l économie en entraînant le transfert sur le Liberia des dépenses liées à la sécurité. Liberia Pour relever ces défis, le gouvernement applique un programme de transformation (Agenda for Transformation AFT). Les investissements dans le secteur de l énergie prévoient la remise en état de la centrale hydroélectrique de Mount Coffee, d une capacité de 60 à 80 mégawatts (MW), dont la production commencera à la fin 2015 ; l installation de trois centrales au fioul lourd totalisant 38 MW ; l amélioration du réseau de distribution d électricité ; et le développement d une ligne régionale de transport du courant. Les autorités travaillent à la remise en état ou au revêtement de 400 kilomètres (km) de routes sur tout le territoire et à l amélioration des infrastructures portuaires. Elles mettent également en œuvre des programmes destinés à améliorer l inclusion sociale ainsi que la gouvernance et les institutions publiques. Pour assurer sa stabilité, l économie devra créer davantage d emplois qualifiés, 78 % de la population active occupant un emploi précaire. Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche.. Mines. 2.4 dont pétrôle.. Manufactures. 6.0 Electricité, gaz et eau. 0.7 Construction. 2.7 Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants. 5.7 dont hôtels et restaurants.. Transports, entreposage et communications. 2.4 Finance, immobilier et services aux entreprises. 1.0 Services des administrations publiques. 3.7 Autres services. 2.1 Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs. 100 Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire Le gouvernement a poursuivi en 2012/13 sa politique budgétaire expansionniste d aprèsguerre avec un montant de dépenses de 593 millions USD, une hausse considérable par rapport aux 135 millions USD de 2006/07, qui reflète le rétablissement de l économie et du système de perception des recettes. L exécution budgétaire en 2012/13 a été inférieure aux 672 millions USD du budget initial en raison de prêts et de recettes conditionnelles qui ne se sont pas matérialisés. Le déficit pour cette année budgétaire est estimé à 2.6 % du PIB, inférieur à ce qui avait été prévu en raison d un ralentissement de l exécution du budget d équipement. Le gouvernement a enregistré des dépassements de dépenses, notamment pour des remboursements de financements de la Banque centrale du Liberia (Central Bank of Liberia CBL) et la prise en charge des salaires dans l éducation et la santé préalablement payés par les donneurs. Certains de ces dépassements ont été anticipés sur les recettes de l année financière 2013/14. D où la nécessité de trouver des BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 133

135 Liberia économies équivalentes cette année, ce qui, combiné avec une chute des recettes, pourrait affecter l exécution du budget d équipement. Les salaires ont représenté plus de 35 % des dépenses en 2012/13, un taux élevé comparé au reste de l Afrique. Maîtriser les rémunérations et les dépenses de fonctionnement apparaît comme une nécessité pour développer les investissements publics. Les blocages freinant les dépenses d équipement ont persisté, notamment la lenteur de la discussion parlementaire (les deux derniers budgets n ont été approuvés qu en septembre, soit trois mois après le début de l année budgétaire, et le budget 2013/14 n a été adopté qu en octobre), la ratification tardive d accords financiers extérieurs et des entraves à la préparation et la mise en œuvre de projets. Des initiatives gouvernementales ont été prises pour surmonter ces difficultés, dont la création d un Project Management Office en 2013 et un calendrier accéléré d exécution budgétaire pour 2014/15. En conséquence, l application du programme d investissements publics pourrait se renforcer en 2013/14 grâce à la finalisation d accords de financement pour plusieurs projets importants. La dette publique extérieure devrait augmenter à 15 % du PIB en 2013/14 avec d importants financements concessionnels pour des projets d investissements prévoyant des débuts de remboursements. Pour la première fois, l État a émis en mai 2013 des bons du Trésor en LBD d une durée de 90 jours et au taux d intérêt de 2 % environ. Les autorités ont accru le recours au dollar libérien afin de s émanciper du dollar américain. En 2012/13, les salaires de base et 40 % des transferts ont été versés en LBD et il est envisagé d étendre le paiement en monnaie locale des dépenses de fonctionnement. Toutefois, le jumelage des dépenses croissantes en LBD avec les recettes en LBD a provoqué des difficultés de coordination avec la Banque centrale, ce qui a contribué à la dépréciation de la monnaie. Fin 2013, le gouvernement a décidé d accepter le paiement des taxes en LBD, sauf pour les échanges internationaux. Une approche progressive de la dédollarisation sera nécessaire pour prévoir des structures institutionnelles adaptées et accroître la confiance de la population dans le dollar libérien. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) 2004/ / / / /13(e) 2013/14(p) 2014/15(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire La politique monétaire vise à maintenir la stabilité globale du taux de change et des réserves de change pour limiter l inflation, mais elle s est heurtée à plusieurs difficultés en Les prix ont augmenté de 7.7 %, en légère hausse sur 2012 (6.8 %), conséquence de la dépréciation de 13 % du LBD en On s attend pour 2014 à une modération de l inflation (6.6 %) grâce à la baisse des cours mondiaux des denrées alimentaires et des carburants. Après s être échangée dans une fourchette de 71 à 75 LBD pour 1 USD entre 2011 et avril 2013, la monnaie libérienne est tombée à 85 LBD pour 1 USD en décembre Cette dépréciation 134 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

136 résulte de la hausse des dépenses publiques en monnaie locale et d une mauvaise coordination avec la Banque centrale. Pour contrarier les pressions à la baisse, la CBL a augmenté les ventes de devises étrangères jusqu en juillet Mais, depuis cette date, le bas niveau des réserves a contraint à des interventions de change tandis que les émissions de titres de la Banque centrale ont soutenu la gestion des liquidités. Liberia Les réserves ont été réduites par des initiatives telles que les mécanismes de prêts de la CBL, d un montant supérieur à 28 millions USD soit plus de 10 % des réserves, et la construction d un nouveau siège de la Banque centrale. Les réserves de change sont tombées de 259 millions USD en décembre 2012 à 241 millions USD en décembre 2013, la couverture des importations reculant de 2.9 à 2.4 mois. Les produits de crédit proposés par la CBL visent à renforcer l accès au financement des emprunteurs qui en sont exclus, pour des durées plus longues et à des taux inférieurs à ceux du marché. Ces produits concernent les prêts hypothécaires, l agriculture, la microfinance et les entrepreneurs libériens. Mais ils menacent les réserves de la CBL en retranchant leur utilisation d un soutien au taux de change. Ils risquent aussi d entacher sa réputation, de provoquer des distorsions du marché, voire de gêner les tentatives de créer une culture du crédit. La Banque centrale a étendu ses outils de gestion des liquidités en 2013 avec des bons du Trésor libellés en LBD au mois de mai et ses propres effets émis en juillet 2013, qui devraient réduire sa dépendance à la vente de devises. Ces titres ont été émis pour une période de 90 jours à un taux autour de 2 %. La forte dollarisation (environ 74 % de la masse monétaire) et l excès de liquidités en LBD limitent l efficacité de la politique monétaire. Le gouvernement augmente progressivement la part des LBD dans un effort de dédollarisation, mais une approche prudente s impose pour proposer des formes améliorées de gestion de la liquidité et accroître la confiance du marché dans la monnaie locale. Coopération économique régionale, intégration et commerce La croissance des exportations s est poursuivie en 2013 grâce à l augmentation de la production de minerai fer qui est devenu le premier produit d exportation du Liberia, devant le caoutchouc pour la première fois depuis la fin de la guerre, les exportations de bois stagnant en raison du moratoire. L Asie a rejoint l Union européenne (UE) en tête des destinataires des ventes de minerai de fer, devant les États-Unis. Le déficit de la balance commerciale s est creusé en raison de fortes importations liées aux IDE dans les secteurs concédés, aux activités de la Minul et des donneurs et aux achats de biens de consommation. Ces importations contribuent au fort déficit du compte des opérations courantes, estimé à 48 % du PIB en Les transferts des donneurs sont estimés à 845 millions USD en 2013, dont 350 millions USD relèvent de la Minul. Le Liberia est candidat à l Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis Il bénéficie du statut d observateur et se prépare à une seconde réunion avec le groupe de travail. Il participe également à la mise en place d un tarif extérieur commun (TEC) au sein de la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO) dont il est membre, et un projet de plan pour les migrations est en attente d examen par la CEDEAO. Le taux moyen des droits de douane appliqués par le Liberia est de 10.2 %, et 40 % de ses recettes fiscales sont des taxes sur le commerce extérieur. Ces droits de douane étant inférieurs à ceux des autres pays de la CEDEAO, la mise en place d un TEC pourrait conduire à une forte augmentation des recettes commerciales. Des améliorations ont été apportées au chapitre de la réduction des barrières douanières pour lequel, dans l édition 2014 du rapport de la Banque mondiale, Doing Business, le Liberia se situe au 142 e rang sur 189 pays. Le délai nécessaire pour exporter a été réduit de 20 à 15 jours entre 2008 et 2012 et le délai pour importer de 17 à 12 jours durant la même période. Un système automatisé de traitement des données (Automated System for Customs Data ASYCUDA) a été installé dans douze postes douaniers, mais son utilisation hors de Monrovia se heurte à des BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 135

137 Liberia difficultés. L insuffisance des infrastructures, de la capacité commerciale et de la protection des droits de la propriété intellectuelle constituent toujours d importantes barrières non tarifaires. Sur l indice des performances logistiques, le Liberia est noté 2.45 (sur 5) en 2012, en amélioration sur les 2.31 obtenus en Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette Les perspectives pour la dette du Liberia sont stables après l allègement de 4.7 milliards USD intervenu en En 2013, la dette publique extérieure est estimée à10.8 % du PIB. Faible au cours des années précédentes, l accumulation de la dette s est accélérée au second semestre de 2013 après la ratification par le Parlement de prêts destinés aux infrastructures, totalisant 292 millions USD. Des prêts supplémentaires à hauteur de 222 millions USD ont été actés et attendent une ratification. À l exception d un seul, ces prêts sont assortis de conditions de faveur. Mais, à 4.2 % du PIB en termes de valeur actualisée nette pour la période budgétaire , le niveau des prêts est légèrement supérieur à la limite de 4.0 % fixée par le programme du Fonds monétaire international (FMI). Le gouvernement, qui envisage d emprunter 280 millions USD supplémentaires, devra fixer des priorités pour les projets d investissement afin de maintenir la viabilité de la dette et d obtenir les meilleures conditions possibles. Le renforcement des capacités de l unité de gestion de la dette (Debt Management Unit), en particulier pour la négociation des conditions de la dette et l analyse de viabilité, est une étape indispensable pour assurer la viabilité de la dette. Une stratégie à moyen terme a été préparée, qui devrait aussi proposer des orientations pour l octroi de garanties aux entreprises publiques. La loi sur la gestion des finances publiques (Public Financial Management Act) et le programme Facilité élargie de crédit du FMI régissent la dette publique. Les règles limitent le niveau d emprunt annuel à moins de 4 % du PIB en valeur actualisée nette et l encours de la dette à moins de 60 % du PIB. La plupart des futurs emprunts devraient être assortis de conditions de faveur, mais le gouvernement a également envisagé le recours à des emprunts aux conditions du marché pour des projets spécifiques. Les négociations sur la restructuration de la dette menée dans le cadre de l Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) ont abouti avec tous les créanciers souverains à l exception du Taipei chinois. L État a eu recours à des émissions de bons du Trésor pour la première fois en mai 2013 et en trois autres occasions. Libellés en LBD, ces bons ont une durée de 90 jours et un taux d intérêt autour de 2 %. D autres émissions de bons du Trésor sont prévues en 2014 pour aider à la gestion de trésorerie. 136 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

138 Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations Liberia % Outstanding debt (public and private) /GDP Debt service/exports Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Le secteur privé libérien reste lourdement handicapé par la médiocrité des infrastructures. L électricité est rare et chère et le réseau routier délabré. Les investissements de l État dans ces deux secteurs progressent et quelques projets importants devraient aboutir en 2015 et Le Liberia a poursuivi ses progrès sur le climat des affaires, comme en témoigne le rapport Doing Business 2014, qui place le pays au 144 e rang du classement général, après une 149 e place dans l édition précédente. Grâce à la création d un guichet unique, l enregistrement d une entreprise est traité en 48 heures, les frais ont été réduits et la transparence accrue. Si bien que le pays occupe la 31 e place pour la création d entreprise. Depuis 2013, les inspections d entreprises ont lieu tous les trimestres, au lieu de toutes les semaines, et les inspecteurs du ministère du Commerce n ont plus le pouvoir de sanctionner. Le Liberia est bien classé pour le paiement des impôts (42 e ) grâce à la réduction des taxes en 2012 et la suppression de l impôt sur le chiffre d affaires. Les difficultés d accès au crédit sont soulignées par un classement à la 86 e place, qui a toutefois bénéficié ces dernières années des améliorations apportées au registre du crédit et du renforcement du cadre légal de garanties. La Banque centrale est en train d établir un registre de garanties qui devrait être ouvert au milieu de Les problèmes liés à la gouvernance de la terre ayant contribué au ralentissement de l expansion de l huile de palme et le scandale de l octroi des permis forestiers sont sanctionnés par le classement du Liberia à la 181 e place pour les transferts de propriété. Une politique des droits fonciers a été préparée en 2013 et devrait fournir un cadre pour régler certains de ces problèmes. L exécution des contrats et la protection des investisseurs posent aussi problèmes, le Liberia se classant respectivement à la 165 e et à la 147 e place. Les consultations en cours autour d un projet de loi sur l insolvabilité pourraient améliorer le classement actuel (161 e rang) du Liberia sur ce critère. Les questions de droit commercial ont trouvé un début de solution avec l institution d un Tribunal de commerce en BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 137

139 Liberia Des politiques préférentielles et protectionnistes subsistent. La propriété étrangère connaît des restrictions dans certains secteurs ainsi que la propriété foncière. Le budget demande qu un quart des biens et services soit fourni par des entreprises libériennes. Mais cette politique se révèle inapplicable en raison de l impossibilité du secteur privé de répondre à la demande. Quatre matières premières sont étroitement réglementées : le riz, le ciment, la farine et le pétrole. Le prospère secteur des motos-taxis de Monrovia, qui emploie des milliers de jeunes, a été affaibli en novembre 2013 après la décision de leur interdire la plupart des axes principaux pour des raisons de sécurité routière. Secteur financier En dépit d un système bancaire bénéficiant d un bon niveau de liquidités et de capitalisation, et d une forte croissance annuelle du crédit (43 % en novembre 2013), l accès au crédit, en particulier à long terme, est cité comme un obstacle par environ 30 % des entreprises au Liberia. La capacité des banques en matière d évaluation du risque de crédit est limitée, les coûts d exploitation et le risque sont élevés pour les entreprises et le respect des contrats est médiocre. Un perfectionnement du système de référence du crédit, opéré par la CBL, pourrait améliorer cette situation. Un registre de garanties est également en cours d établissement et devrait ouvrir à la mi En novembre 2013, les prêts improductifs représentaient 14 % de l ensemble des prêts. À cause de la mauvaise qualité des actifs, de la médiocrité de l administration du crédit, des dépenses de fonctionnement élevées et des bas taux d intérêt, la profitabilité est d un faible niveau. Le ratio de fonds propres du secteur n a cessé de se détériorer durant l année pour s établir à 18.3 % en novembre Les neuf banques du pays dépassaient le minimum du ratio de 10 % et deux d entre elles étaient en dessous des 10 millions USD exigés comme avoirs nets. La capacité de surveillance de la CBL s est améliorée et le contrôle fondé sur le risque progresse, mais d importants risques de crédit subsistent. La CBL s emploie aussi à moderniser le système des paiements. La CBL recourt aux pressions morales pour maintenir de bas taux de prêts bien que, à 13.7 % en novembre 2013, ils soient les plus bas de la région. L écart de taux d intérêt reste élevé, autour de 12 %. Diverses initiatives ont été lancées par la Banque centrale pour placer des fonds dans des banques commerciales et les prêter à des secteurs bien précis à des taux d intérêt inférieurs à ceux du marché. Bien que toutes ces opérations visent à développer l intermédiation financière, elles pourraient menacer les réserves de la Banque centrale. Les initiatives en matière de crédit et les bas taux d intérêt, conjugués à l obligation d un minimum élevé de capital, pourraient également mettre la pression sur les petites banques et accroître les risques de corruption. La CBL a procédé à sa première émission de bons du Trésor libellés en LBD en mai 2013, puis d effets de banque centrale en juillet. Ces titres ont été émis pour 90 jours à un taux d intérêt proche de 2 %, qui reflète le contexte de forte liquidité. Le choix de ces investissements en LBD devrait soutenir la hausse des taux d épargne. La Banque centrale projette également de soumettre au Parlement une nouvelle loi sur les assurances et des consultations sont en cours pour un projet de loi sur la faillite. Gestion du secteur public, institutions et réformes En dépit de handicaps persistants qui ralentissent les progrès, des améliorations ont été apportées aux institutions publiques en Des réformes importantes ont été adoptées, telles que la création d une autorité fiscale (Liberian Revenue Authority) partiellement indépendante et la fusion du ministère des Finances et de la Planification avec le ministère des Affaires économiques. Une politique nationale de décentralisation et un projet de loi sur l administration locale sont en préparation. Le gouvernement prépare également une nouvelle loi pétrolière, opère une restructuration de la compagnie pétrolière nationale et une révision de la loi minière, élabore une politique foncière et projette de nouvelles législations pour l énergie et les routes. 138 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

140 Le renforcement de l AFT est également à l ordre du jour. Le gouvernement active la préparation du budget pour combler le retard pris dans son adoption par le Parlement. La gestion de trésorerie, compte tenu de dépassements de dépenses récurrents en fin d année, met en difficulté l exécution du budget et impose une meilleure surveillance des comptes publics. Une division chargée des ressources naturelles a été créée pour mieux surveiller les revenus des concessions. Suite à la création d un groupe d information financière sur les entreprises publiques, en 2013, le gouvernement a pour la première fois inclus l ensemble des données financières des 14 entreprises publiques dans la loi de finances 2013/14. Une enquête sur les revenus et les dépenses des ménages a été lancée, la première depuis les années 1960, qui permettra de mieux cerner les activités économiques du pays. Liberia Des initiatives sur la réforme des traitements et la professionnalisation de la main-d œuvre ont relancé la réforme de la fonction publique. Le pointage biométrique des effectifs de 29 ministères et agences devrait aboutir au milieu de 2014 et permettre d éliminer des centaines de travailleurs fantômes de la masse salariale. Celle-ci a toutefois plus que doublé au cours des dernières années et, en part du PIB, reste l une des plus élevées d Afrique. Gestion des ressources naturelles et environnement Dans l indice 2013 Mo Ibrahim de la gouvernance africaine, le Liberia est en 11 e position sur 53 pays pour les politiques d environnement, mais tombe au 33 e rang pour la viabilité environnementale. La faiblesse des engagements et de la mise en œuvre des lois et réglementations dans le secteur des ressources naturelles s explique par des capacités insuffisantes et le peu de coopération entre les différentes institutions. Le Liberia a été le premier pays d Afrique et le second dans le monde à se conformer aux exigences de l Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) et le premier à inclure le secteur forestier. En mai 2013, il a publié son quatrième rapport de rapprochement, ainsi qu un audit portant sur les accords de concession. Ce dernier a montré que les 66 licences d exploitation privées émises pour le secteur forestier n étaient pas conformes à la législation nationale et que leurs titulaires contournaient souvent la réglementation environnementale. Des enquêtes complémentaires ont révélé des fraudes et abus de grande envergure. Soixante-trois de ces licences font l objet d une révision ; 29 ont déjà été annulées, les 34 restantes faisant l objet d un supplément d examen. La Commission des territoires a adopté un document spécifique (National Land Rights Policy) en mai 2013 qui distingue quatre catégories de droits fonciers (public, gouvernemental, coutumier, privé) et définit des zones protégées. Il émet également des recommandations pour les transferts de terres et les acquisitions. La part de la population ayant accès à des sources d eau améliorées a régulièrement augmenté, passant de 61 % en 2005 à 75 % en 2009, et le Liberia devrait atteindre la cible du 7 e objectif du Millénaire pour le développement (OMD) de 77.5 % en La proportion de la population ayant accès à des installations sanitaires améliorées a augmenté plus lentement, de 27 % en 2005 à 44 % en 2009, et la cible de l OMD 7, de 69.5 % en 2015, ne devrait pas être atteinte. Contexte politique Le Liberia a célébré en août 2013 le dixième anniversaire des accords de paix ayant mis fin à la guerre civile. En octobre, la présidente Ellen Johnson-Sirleaf a lancé un programme de réconciliation, dénommé «Palava Hut» (la case à palabres), recourant aux mécanismes traditionnels de résolution des conflits pour promouvoir la justice et la responsabilité. En septembre, l appel de Charles Taylor contre sa condamnation en avril 2012 pour crimes de guerre commis durant la guerre civile au Sierra Leone a été rejeté. Il a été ensuite transféré au Royaume-Uni pour purger une peine de 50 ans de prison. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 139

141 Liberia La force des Nations Unies a achevé en juin 2013 la première des trois étapes de son retrait avec une réduction de hommes. La suivante se traduira par le rapatriement de militaires d ici à juillet Il est envisagé pour 2015 de maintenir soldats et policiers. Ce retrait se traduira par une augmentation des dépenses budgétaires du fait du transfert à l armée et à la police du Liberia des charges de sécurité, dont les capacités et l efficacité ont déjà été mises à l épreuve. La situation sur la frontière avec la Côte d Ivoire s est améliorée, mais reste tendue. Le Liberia continue d abriter réfugiés ivoiriens qui avaient fui leur pays lors du conflit sur les élections. En 2013, le gouvernement de la présidente Johnson-Sirleaf est resté en butte aux accusations de népotisme et de corruption. Plusieurs fonctionnaires de haut rang, dont le contrôleur général, ont été limogés pour conflit d intérêts ou pratiques contraires à l éthique ou à la loi, mais les affaires de corruption n ont donné lieu à aucune poursuite. Une enquête de Transparency International affirme que le Liberia, à égalité avec la Mongolie, est le pays où la perception de la corruption par la population est la plus élevée. La police est considérée comme l institution la plus corrompue, suivie du Parlement, de la justice et du système éducatif. Les élections législatives de mi-mandat doivent avoir lieu en octobre En attendant, les autorités au pouvoir redoublent d efforts pour mener à bien avant l élection présidentielle de 2017 les principaux investissements en infrastructures. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Le Liberia enregistre des progrès dans le secteur de l éducation, mais les améliorations sont lentes et mal hiérarchisées. Selon le recensement de 2010 sur l école (National School Census), le taux d alphabétisation du pays est de 79 % chez les ans, en hausse sur 2007 (74 %), mais de 57 % seulement dans l ensemble de la population. Le taux net de scolarisation a aussi progressé, de 33 % en 2007 à 44 % en 2011, tandis que le taux d achèvement de l école primaire s est amélioré pour passer de 69 % en 2007 à 83 % en En dépit de ces progrès, il est peu probable que le Liberia atteigne d ici à 2015 la cible de l OMD concernant l éducation primaire universelle (rapport OMD pour le Liberia 2012). La part des dépenses totales pour l éducation dans le budget est faible, autour de 12 %, bien que les donneurs en assurent plus de la moitié (2013 Public Expenditure Tracking Survey). Plus de 80 % des dépenses publiques du secteur vont à la rémunération du personnel. L essentiel de ces dépenses est consacré à l enseignement supérieur, alors qu il ne compte que 5 % des inscrits, contre 80 % pour le primaire (selon l examen des dépenses publiques 2012 mené par la Banque mondiale). Les dépenses des donneurs ciblent principalement l enseignement primaire pour combler cet écart. Si elle peut traduire la nécessité d offrir des formations de rattrapage, la priorité accordée à l enseignement supérieur n est pas cohérente avec la volonté déclarée d accorder aux pauvres une éducation de base gratuite et de qualité. Les résultats médiocres du secteur éducatif ont été portés à l attention internationale en août 2013, quand les candidats à l examen d entrée de l Université du Libéria ont échoué à la suite de l instauration de procédures de notation plus strictes. L enseignement technique et professionnel connaît aussi de grandes difficultés et il est peu en phase avec les besoins du secteur privé. Des améliorations ont été enregistrées dans le secteur de la santé, mais d importants handicaps subsistent. Avec 770 décès pour cent mille naissances, le taux de mortalité maternelle est l un des plus élevés au monde et très loin de l objectif de 145 en 2015 des OMD. Selon le rapport préliminaire sur la démographie et la santé de 2013 (Preliminary Report of the Liberia Demographic and Health Survey), la proportion d accouchements assistés par du personnel de santé qualifié est de 61 %. Ce rapport estime la mortalité infantile à 42 pour mille naissances vivantes, une forte amélioration par rapport au taux de 194 pour mille enregistré en Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

142 La prévention et le traitement des maladies infectieuses ont progressé et le Liberia pourrait atteindre l OMD 6. La lutte contre le paludisme s est améliorée : 67 % des enfants de moins de cinq ans atteints d une affection fébrile suivent des traitements antipaludiques, contre 59 % en Les taux de vaccination des enfants contre la tuberculose et la rougeole étaient, respectivement, de 92 % et 95 % en La prévalence du VIH/sida chez les ans est tombée de 3.3 % en 2000 à 1.5 % en 2009 et le Liberia pourrait atteindre la cible OMD de 0.75 % en La couverture des traitements antirétroviraux est passée de 10 % en 2006 à 14 % en Liberia Les crédits budgétaires pour la santé se sont élevés à 10 % en 2012/13. La contribution des donneurs intervient pour plus de 75 % des dépenses, ce qui pourrait poser problème pour la viabilité du secteur à l avenir. Pour la période , un plan national (National Health and Social Welfare Policy and Plan) vise à améliorer l efficacité, l équité et la décentralisation du secteur et à assurer un ensemble de prestations élémentaires pour la santé (Essential Package of Health Services) et les services sociaux (Essential Package of Social Services). Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Sur les Indicateurs de développement humain (IDH) 2013 des Nations Unies, le Liberia se trouve au 174 e rang sur 185 pays. Bien qu il soit en progrès sur son précédent classement (182 e ), ce résultat souligne les besoins du pays en matière de réduction de la pauvreté et de développement social. Le taux de pauvreté a baissé, de 64 % de la population en 2007 à 57 % en 2010, et il est le plus bas dans la capitale Monrovia (43 %). Le nombre de pauvres a décru dans les zones rurales entre 2007 et 2010, mais reste plus élevé que dans les zones urbaines. L inégalité, pour sa part, s accroît en ville et recule à la campagne, sans doute sous l effet des migrations des populations pauvres de la campagne vers la ville. La pauvreté est aggravée par la faible possession de biens, qui non seulement contribue à déterminer le revenu mais peut aussi améliorer la capacité des ménages à faire face aux difficultés. Selon le questionnaire sur les grands indicateurs du bien-être de 2010 (Core Welfare Indicator Questionnaire CWIQ), 62 % des ménages ne possèdent pas de terre. Ce pourcentage pourrait toutefois ne pas prendre en compte l accès aux terres communales. Le faible accès à la terre, qui freine l accroissement de la production alimentaire, fut aussi une cause fondamentale de la guerre civile et reste un sujet de controverse alors que de grandes concessions sont accordées aux sociétés étrangères. En dépit d une forte population rurale, 43 % seulement des ménages possèdent du bétail, ce qui peut réduire la capacité à réagir aux pertes de revenus (CFSNS 2013). Selon une enquête de 2010 (Labour Force Survey), 78 % de la main d œuvre occupe des emplois précaires, sans salaire assuré, et 68 % des effectifs au travail se trouvent dans le secteur informel. Environ un tiers de la population vit à Monrovia et l urbanisation se poursuit. Si l on ajoute que 70 % de la population a moins de 30 ans, la concentration de jeunes sans emploi formel en ville présente un risque d instabilité. Les compétences, spécialement dans la jeunesse, sont limitées, 62 % de la main-d œuvre âgée de 15 à 24 ans ayant un niveau d étude inférieur au primaire, voire pas d éducation du tout. Alors que l agriculture et les concessions minières pourraient créer emplois en dix ans, l accession au marché du travail chaque année de jeunes vient souligner le besoin grandissant de créations d emplois pour eux. Le gouvernement a lancé en décembre 2012 son programme National Vision en vue d atteindre en 2030 le statut de pays à revenu moyen ainsi que l AFT pour la période , première étape de cinq ans vers cet objectif. L AFT se concentre sur cinq domaines prioritaires pour relever les défis du développement : i) la paix, la sécurité et l État de droit ; ii) la transformation économique ; iii) le développement humain ; iv) la gouvernance et les institutions publiques ; et v) les sujets transversaux. Des progrès sont déjà enregistrés avec la rénovation de routes principales et de dessertes reliant les agriculteurs aux marchés et facilitant l offre de services sociaux, dont la santé et la sécurité. De même, des projets importants pour fournir de l électricité à la population et en réduire le coût ont avancé. Au cours des cinq prochaines années, 75 millions USD seront BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 141

143 Liberia investis dans les 15 comtés en faveur de l emploi des jeunes à travers le Liberia Youth Employment Program (LYEP), emplois ayant déjà été créés en Le programme Youth, Employment, Skills Training (YES) a assuré la formation de jeunes en 2013 dans divers domaines de compétences, avec à la clé un travail pour 580 d entre eux. Égalité hommes-femmes De nets progrès ont été accomplis pour réduire les disparités entre les sexes et le Liberia est sur le point d atteindre l OMD 3, en dépit de la subsistance de disparités considérables. Le pays se trouve au 143 e rang sur 187 pays dans l indice de développement humain et d inégalité entre les sexes. La présidente Johnson-Sirleaf a déposé en mars 2013 au Parlement un projet de loi sur l égalité des sexes stipulant que 30 % des postes dans les institutions publiques devront être occupés par des femmes. Elles occupent actuellement 30 % des hauts postes ministériels. Les femmes libériennes sont touchées de manière disproportionnée par la pauvreté. Elles représentent 53 % de la main-d œuvre dans l agriculture et 80 % dans le commerce, mais sont cantonnées dans le secteur informel qui n offre aucune voie de sortie de la pauvreté. Seulement 16 % des femmes possèdent de la terre contre 33 % des hommes. Le taux d activité était en 2010 de 67 % pour les femmes et de 76 % pour les hommes. L égalité des genres est en bonne voie à l école. Le rapport filles/garçons pour le taux de scolarisation est passé de 74 % en 2000 à 91 % en 2011 dans le primaire et de 73 % à 81 % dans le secondaire. Ces progrès n empêchent pas que les violences sexuelles et sexistes soient le second type de crime le plus répandu au Liberia. Environ 65 % des viols sont perpétrés sur des filles de moins de 14 ans. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique Le Liberia contribue aux chaînes de valeur mondiales depuis des décennies à travers ses exportations de matières premières. La reprise de ce secteur après la guerre a joué un rôle moteur pour la croissance économique. Le minerai de fer, le caoutchouc et le bois assurent plus de 80 % des exportations et ont représenté, selon les estimations, 22 % du PIB en Cette part pourrait encore s accroître en 2015 en raison de l augmentation de la production de minerai de fer. La plupart des exportations de matières premières ont été interrompues durant le conflit. Depuis la fin de la guerre, les autorités ont accordé des contrats de concession pour le minerai de fer, le caoutchouc, le bois et l huile de palme afin de relancer la croissance, bénéficiant de plus de 16 milliards USD en engagements d IDE. Fin 2011, la production de minerai de fer a repris avec une mine (Arcelor Mittal) ce qui a entraîné une relance des exportations. La production des autres mines devrait reprendre entre 2014 et Les exportations de bois ont été interrompues de 2003 à 2006 à cause des sanctions décrétées par l Organisation des Nations Unies (ONU). Les coupes de bois ont repris en 2008 et considérablement augmenté de 2011 à 2012, mais se sont effondrées en 2013 après la découverte d abus et de fraudes sur les permis d exploitation, et le moratoire qui s en est suivi. La production et les exportations de caoutchouc, dominées par la plantation de Firestone, se sont poursuivies durant la guerre. Plusieurs plantations d huile de palme ont commencé l ensemencement après la fin du conflit, mais le processus s est ralenti en raison de litiges avec les populations locales à propos de la consultation préalable et de l accès aux terres. Le Liberia s est concentré sur les exportations de matières premières, avec peu de produits transformés et peu de liens avec les entreprises locales. Le gouvernement et ses partenaires extérieurs s efforcent ensemble d éviter la répétition d une «croissance sans développement» qui marque l histoire du Liberia, à savoir une croissance reposant sur des industries primaires enclavées et court-circuitant les entreprises locales. Accroître les liens entre les exportateurs et les entrepreneurs locaux serait par conséquent une stratégie adéquate pour la croissance. Compte tenu de la faible technicité du secteur privé libérien, une augmentation de la fourniture 142 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

144 de biens et services tels que les transports, la restauration, la sécurité serait un bon début. Ces services n exigent, en effet, que des formations de faible niveau, mais ils développeraient l emploi et les capacités. Si les normes étaient améliorées, le secteur privé pourrait participer davantage au BTP et aux ouvrages civils, à la maintenance et à la fourniture d intrants agricoles. Les achats locaux se limitent actuellement à deux sociétés minières, dont seulement 2.6 % des dépenses proviennent de fabricants ou de prestataires de services libériens, et 0.1 % d un importateur local. À comparer avec les pourcentages de 3.3 % et 3.2 % respectivement de dépenses au Burkina Faso, ce qui montre que l accroissement des achats locaux pour le secteur minier peut être limité (étude Kaiser/Banque mondiale). Liberia Du potentiel existe pour accroître au Liberia la valeur ajoutée. L industrie forestière fournit la matière première pour une industrie du travail du bois en plein essor mais de qualité encore médiocre. Il faudra par ailleurs attendre que la production des plantations d huile de palme augmente substantiellement pour qu augmente aussi la capacité des installations de raffinage. Les plantations de Firestone effectuent un peu de transformation avec le caoutchouc et le latex, mais ces activités sont limitées. Le marché du caoutchouc est actif et des investissements supplémentaires pourraient permettre de développer la production de tubes, de tuyaux, de produits gonflables et d articles de sport. Les fruits et légumes et la transformation des produits de la pêche figurent parmi les secteurs potentiellement créateurs de value ajoutée et d exportations supplémentaires. Une licence pour la pêche au thon entre en vigueur en 2014 et deux unités de transformation du poisson ont été construites. En dépit de son important potentiel, le climat général des affaires au Liberia connaît de nombreux handicaps pour accroître les exportations, les liens avec l industrie locale ou la valeur ajoutée. Moins de 2 % de la population a accès à l électricité contre 29 % dans l ensemble de l Afrique subsaharienne à un prix parmi les plus élevés au monde. Les entreprises doivent s en remettre à des générateurs d un coût exorbitant, limitant les possibilités des petites fabriques et la diversification. De plus, le manque de routes revêtues (moins de 10 % du réseau routier) isole durablement de Monrovia la plus grande partie du pays pendant la saison des pluies. Les faibles capacités et les infrastructures défectueuses des ports représentent également un handicap, en particulier pour l industrie forestière. En agriculture, le manque d entrepôts et autres lieux de stockage est une difficulté supplémentaire. Les compétences de la main-d œuvre sont très faibles, 57 % de la population active ayant un niveau inférieur au primaire ou n ayant même jamais été à l école. Principalement informel, le secteur privé libérien n a qu un accès limité au crédit, notamment à long terme, et l exécution des contrats laisse à désirer. Sujets de conflits avec les populations locales, les problèmes d accès aux terres et de sécurité foncière menacent l expansion du secteur minier, de l agriculture et des concessions de bois. L amélioration de la réglementation et de la surveillance du secteur minier se révèle indispensable pour concilier les besoins des populations locales avec les intérêts commerciaux. Avec ses partenaires, le gouvernement s efforce de surmonter ces obstacles. Son AFT met fortement l accent sur la reconstruction des infrastructures énergétiques, routières et portuaires. L accès à l électricité s accroîtra progressivement à Monrovia et devrait bénéficier d un coup de fouet en 2015 et 2016 avec la mise en marche de la centrale hydroélectrique de Mount Coffee et des investissements supplémentaires pour les réseaux de transport et de distribution d électricité. La construction de routes, y compris en dehors de la capitale, progresse également, de même que l amélioration des ports. Le gouvernement encourage aussi la création de zones économiques spéciales qui comporteront des infrastructures et des services permettant d améliorer la valeur ajoutée pour les exportations. Une politique de contenu local est en préparation, pilotée par la commission nationale des investissements (National Investment Commission NIC) en vue d établir des liens entre les entreprises locales et d importants investisseurs étrangers. Les marchés publics privilégient les sociétés libériennes et les deux derniers budgets affirmaient réserver un quart des dépenses BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 143

145 Liberia publiques à des biens et services produits par des entreprises locales. Mais les capacités sont actuellement insuffisantes pour répondre à cette exigence. Les accords de concession, sauf pour l agriculture, encouragent des dispositions en faveur des achats locaux, mais ne les imposent pas. Des accords permettant des importations de produits libres de droits peuvent, en fait, conduire à limiter la croissance des achats locaux. Les concessions agricoles réclament généralement des mécanismes de sous-traitance. Elles déterminent et gèrent une portion de terre pour des cultivateurs auxquels elles achèteront par la suite la récolte. D autres accords de concession imposent diverses conditions, comme recourir à la main-d œuvre nationale, ouvrir l accès aux infrastructures, investir dans les collectivités ou procurer aux travailleurs des services sociaux. Le Bureau des concessions récemment installé pourrait intensifier le contrôle des accords de concession et s efforcer avec le NIC d améliorer le dialogue et les politiques visant à accroître la part des achats locaux. Des initiatives reçoivent également le soutien des autorités pour améliorer le climat des affaires. Le renforcement des systèmes de référence du crédit et l ouverture d un registre des garanties visent à faciliter l accès au financement. Le Liberian Better Business Forum réunit les autorités et le secteur privé pour régulièrement discuter et prendre en compte d autres problématiques relatives au climat des affaires. Plusieurs programmes de formation et de renforcement des capacités pour les petites et moyennes entreprises sont également en cours, ainsi que des programmes destinés à améliorer l échange d informations et à créer des annuaires des entreprises locales qui permettront aux concessionnaires de repérer les fournisseurs potentiels. 144 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

146 MaLI 2014 Abdoulaye Konaté / a.b.konate@afdb.org Bécaye Diarra / becaye.diarra@undp.org

147 Mali MaLI Le retour à la croissance du PIB (5 %), qui fait suite à la récession économique causée par la crise multidimensionnelle ayant affecté le Mali en 2012, devrait se consolider dans l hypothèse de la poursuite du dynamisme des secteurs tertiaire et secondaire et de conditions climatiques favorables à la production agricole. Malgré la récession et la suspension de l aide extérieure survenues en 2012, le gouvernement a réussi à maintenir la discipline budgétaire et 2013 a marqué la reprise de la coopération avec les partenaires techniques et financiers. Le gouvernement et la communauté internationale ont combiné leurs efforts pour améliorer la situation humanitaire, mais n ont pu empêcher la hausse du taux de pauvreté en 2012, qui a atteint 42.7 % contre 41.7 % en Vue d ensemble Le contexte macroéconomique en 2013 s est sensiblement amélioré après une année 2012 marquée par une crise alimentaire, politico institutionnelle (coup d État du 22 mars 2012) et sécuritaire qui s est aggravée en début avril avec l occupation des trois régions du nord (les deux tiers du territoire national) par des groupes armés. Ceci a conduit au déclenchement de la guerre en janvier La récession de 2012 a été imputée aux secteurs secondaire (-2.2 %) et tertiaire (-8.8 %), tandis que l agriculture et l exploitation des ressources naturelles enregistraient un bond de 8.1 %. En 2013, la croissance réelle du produit brut intérieur (PIB) s est située à 5 % contre -1.2 % en La reprise a été surtout impulsée par le secteur tertiaire (+6.7 %). La croissance a ralenti dans le secteur primaire (5.8 %) par rapport à 2012 et l industrie se redresse péniblement (+0.6 % contre -2.2 % en 2012). Les perspectives macroéconomiques à moyen terme sont optimistes. La reprise de l économie devrait poursuivre sa consolidation avec un taux de croissance du PIB réel attendu à 6.7 % en 2014 et à 5.6 % en 2015, stimulée par les performances agricoles et minières ainsi que par le redémarrage du secteur tertiaire. Toutefois, des risques susceptibles de compromettre ces perspectives favorables demeurent. Il s agit entre autres de la volatilité des cours de l or et du coton, qui sont les deux principaux produits à l exportation, et de la fragilité de la situation sécuritaire dans le pays. L instabilité politique et l occupation des régions du nord ont rapidement détérioré une situation sociale déjà fragile. Le Mali demeure parmi les pays à développement humain faible. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 2013, il se classe au 182 e rang sur 187 avec un indice de développement humain (IDH) de La légère baisse du taux de pauvreté enregistrée n a pas permis de diminuer le nombre de pauvres. Entre 2001 et 2010, la population concernée est passée de 5.7 à 6.4 millions. Le taux élevé de fécondité (6,7 enfants par femme) entrave la réduction de la pauvreté : il entraîne des ratios de dépendance importants, aggrave la mortalité maternelle et perpétue les inégalités entre les sexes dans divers secteurs. Il exerce aussi des pressions considérables sur les moyens dont dispose l État pour assurer la prestation des services de base (éducation, santé, protection sociale, sécurité) à tous les citoyens. Le Mali était en bonne voie pour atteindre à l horizon 2015 certains objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) tels que la scolarisation primaire universelle, le contrôle de la propagation du VIH/sida et l accès à une source d eau potable. Mais l occupation des régions du nord a fragilisé les progrès réalisés ces dernières années et l atteinte de ces objectifs semble compromise. 146 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

148 Mali La situation humanitaire demeure très précaire dans le nord du pays : plus de personnes dépendent de l aide alimentaire d urgence et enfants de moins de cinq ans sont menacés de malnutrition aigüe. De plus, le retour des réfugiés et des déplacés dans leur zone d origine s opère dans des conditions difficiles. Figure 1. Taux de croissance du PIB réel % 10 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l'ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives L économie malienne reste très vulnérable aux chocs exogènes. Le PIB est, en particulier, soumis aux aléas climatiques car il repose essentiellement sur un secteur primaire fortement tributaire de la production agricole pluviale. L or constitue le principal produit d exportation (environ 75 % des recettes d exportation en valeur en 2012 et les revenus tirés de l or représentent quelque 25 % du PIB). Quant au coton, il compte 15 % des recettes totales d exportation et environ 1 % du PIB en L économie est fondamentalement assise sur le secteur primaire (36 % du PIB), même si la part du secteur tertiaire (35 % du PIB) est de plus en plus importante. Après avoir enregistré un taux de croissance moyen d environ 5.5 % entre 2001 et 2011 ce qui est supérieur à la moyenne de l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), 3.9 % l économie malienne avait été plongée dans la récession. En 2012, le taux de croissance du PIB s est établi à -1.2 % suite à la crise alimentaire, politico institutionnelle et sécuritaire qu a connu le pays. La normalisation de la situation politique avec, notamment, la tenue d élections présidentielle et législatives en 2013 a permis le retour de la croissance économique. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 147

149 Mali Le contexte macroéconomique s est sensiblement amélioré. Le retour de l aide extérieure a entraîné une relance de l investissement public. La campagne agricole, marquée par une bonne pluviométrie, a permis de limiter la hausse des prix des produits alimentaires. Cette conjoncture, combinée avec la politique monétaire restrictive poursuivie par la Banque centrale des États de l Afrique de l Ouest (BCEAO) a engendré la maîtrise du taux d inflation à 0.3 %, soit bien en dessous de la norme communautaire de l UEMOA fixée à 3 % au maximum. La reprise économique amorcée en 2013 s est traduite par un taux de croissance réel du PIB estimé à 5 %, fruit de la bonne campagne agricole 2012/13 mais aussi d un regain d activité au niveau des télécommunications. Les performances des secteurs primaire et tertiaire devraient permettre à l économie malienne de consolider sa reprise à court terme avec des taux de croissance attendus de 6.7 % en 2014 et 5.6 % en Ces projections optimistes pourraient néanmoins être compromises par la volatilité des cours de l or et du coton. L économie reste également vulnérable à la fragilité de la situation sécuritaire. Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire L année 2013 a été marquée par la résorption de la crise multidimensionnelle qu a connue le pays en La reprise de l aide extérieure a permis un redémarrage de l investissement public. Celui-ci, combiné avec une production céréalière favorable, a soutenu le retour de la croissance. Le budget 2013 a été marqué par une augmentation des recettes et des dépenses. Le financement du déficit budgétaire prévisionnel (31 milliards XOF) a surtout fait appel aux ressources extérieures. Le soutien des partenaires techniques et financiers est estimé à 6.8 % du PIB en 2013 contre 0.7 % en Le solde primaire s est rétabli et est estimé à 3.1 % du PIB contre -0.7 % du PIB en Pour 2014, les autorités envisagent une politique budgétaire prudente qui a pour ambition de résorber des effets de la crise politique : retour de l administration dans le nord du pays, relance des investissements publics, et mise en œuvre du plan de relance économique notamment. Elle devrait conduire à une amélioration du solde global à 3.9 % du PIB en 2014 contre 2.5 % en L analyse de soutenabilité de la dette menée en 2013 a considéré que le risque de surendettement du pays reste modéré. Toutefois, le Mali demeure très vulnérable aux fluctuations des prix du coton et de l or sur le marché international (l or représente trois quarts des exportations). La dette 148 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

150 Mali extérieure est entièrement publique (30 % du PIB en 2013). La dette intérieure reste faible (3.7 % du PIB). Les arriérés de paiement sont estimés à 26 milliards XOF en 2013, en deçà du plafond de 29 milliards XOF fixé dans le cadre du programme avec le Fonds monétaire international (FMI). Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire Le Mali est membre de l UEMOA et partage les arrangements institutionnels de la zone franc (rattachement par une parité fixe du franc CFA à l euro, convertibilité garantie du franc CFA par le Trésor français, libre transférabilité à l intérieur de la zone, centralisation des réserves de change). La politique monétaire menée par la BCEAO poursuit un objectif de stabilité des prix à moyen terme. Même si des tensions inflationnistes étaient perceptibles en 2012, celles-ci ont principalement résulté de la crise et ne sauraient être attribuées à un défaut d application d une politique monétaire prudente au niveau régional. En 2013, le gouvernement n a pas eu recours au financement monétaire du déficit du budget de l État. La hausse des prix des denrées alimentaires et des produits pétroliers enregistrée en 2012 après le coup d État a été bien maîtrisée. Au total, les effets combinés d une politique monétaire non expansionniste et de la bonne campagne agricole ont permis de contenir le taux d inflation à 0.3 %. Coopération économique, intégration régionale et commerce Les termes de l échange se sont fortement dégradés, de 13.9 % en 2012 à % en Le déficit du compte courant extérieur (dons inclus) s est creusé en 2013 (9.8 % du PIB contre 3.0 % en 2012) suite à la baisse en valeur des exportations (coton et or). Les exportations totales (23.5 % du PIB) se sont établies à milliards XOF contre milliards en La hausse des importations (29.9 % du PIB), passées de milliards XOF en 2012 à milliards en 2013, est surtout due aux entrées de produits alimentaires. Le déficit des comptes courants devrait continuer de se dégrader en Le Mali a ratifié pratiquement tous les accords et protocoles des organisations d intégration et de coopération régionales, en particulier ceux de la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO) en 1975 et de l UEMOA en Il participe à l approfondissement du processus d intégration régionale, et poursuit les efforts visant à accroître la conformité de sa politique économique et financière aux accords régionaux. Les négociations pour la conclusion d un accord de partenariat économique avec l Union européenne (UE) sont menées au sein de la CEDEAO. Dans ce cadre, la poursuite de la libéralisation des échanges pourrait renforcer la compétitivité du Mali, mais également provoquerait des pertes de recettes douanières. Les autorités maliennes soutiennent la position régionale selon laquelle des mesures d accompagnement, notamment de mise à niveau des industries locales (y compris une aide financière), sont nécessaires pour compenser cet effet pervers. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 149

151 Mali Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette Sous l effet de l initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et de l initiative d allègement de la dette multilatérale (IADM), l encours de la dette extérieure contractée ou garantie par l État était tombé de 89 % du PIB en 2001 à 19.9 % en À fin 2012, il était remonté à 26.4 % principalement en raison des nouveaux prêts accordés par l Association internationale de développement (IDA), la Banque africaine de développement (BAD), la Banque islamique de développement (BID) et le Fonds monétaire international. La dette intérieure publique du Mali reste faible (3.7 % du PIB en 2013). Elle se compose de bons et obligations du Trésor émis sur le marché régional de l UEMOA et de prêts souscrits auprès de banques commerciales. Toutefois, dans le contexte de la crise, les opérations financières de 2012 ont entraîné une accumulation d arriérés de paiements intérieurs (environ 29 milliards XOF) et extérieurs (dette libyenne d environ 2 milliards XOF). Ils ont fait l objet de traitement dans les budgets 2013 et 2014 et sont actuellement en cours de résorption. Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % 120 Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). La dernière analyse de viabilité de la dette, effectuée en 2013 par le FMI et la Banque mondiale, a évalué le risque de surendettement à un niveau modéré. La dette extérieure du Mali est entièrement concessionnelle et son encours est à 79 % multilatéral. La vulnérabilité du pays aux chocs extérieurs s est accrue en raison de la plus grande volatilité des exportations d or. Dans le 150 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

152 Mali cas d une réduction permanente des niveaux d exportations de 30 %, le ratio de la dette extérieure rapportée aux exportations en valeur actuelle nette dépasserait le seuil de soutenabilité (150 %) à partir de 2017, selon des tests de sensibilité. Ce seuil sera également dépassé si des conditions de financement moins favorables sont appliquées. Par conséquent, pour maintenir la viabilité de la dette dans un contexte caractérisé par une baisse en valeur des ventes internationales d or à moyen terme et la faible diversification des exportations, une politique budgétaire prudente sera poursuivie et les besoins extérieurs resteront financés par des dons et des prêts dont le taux de concessionnalité s élève au minimum à 35 %. Gouvernance économique et politique Secteur privé La crise institutionnelle survenue en mars 2012 a eu un impact négatif sur l environnement des affaires et la perception du risque pays. Le classement global du Mali dans l édition 2014 du rapport Doing Business s est détérioré de deux places, passant de la 153 e place à la 155 e sur 189 pays. L amélioration a concerné surtout le paiement des taxes et impôts (+13 points), indicateur pour lequel le classement du Mali est passé de 170 e à 157 e tandis que les reculs ont été enregistrés pour les indicateurs concernant la création d entreprises (-17 points), les procédures d octroi de permis de construire (-13 points), de transfert de propriété (-10 points), de règlement d insolvabilité (-9 points) et de raccordement à l électricité (-3 points). Quant à l indicateur sur la protection des investisseurs, il est resté stable avec un rang de 147 e place. En outre, le coût pour la création d entreprise au Mali (76.7 %) est plus élevé que la moyenne pour l Afrique Subsaharienne (67.4 %) même si le nombre de procédures (5) et le délai (11 jours) requis sont faibles comparés à la moyenne pour l Afrique Subsaharienne (8 procédures et 29.7 jours. De manière générale, les difficultés au Mali sont plus liées au coût relativement élevé qu au nombre de procédures et aux délais. Le Mali a adopté un nouveau code des investissements en 2012, dont la mise en œuvre a été entravée par la crise politico-institutionnelle de 2012, devrait contribuer à assurer la viabilité du secteur privé et sa capacité à promouvoir la croissance économique. Secteur financier Le système bancaire malien est composé de treize banques commerciales et deux établissements financiers. Les sept plus grandes banques du pays représentent 82 % du total des actifs. Le ratio de solvabilité moyen se situe à 11 %. L appartenance du Mali à la zone UEMOA contribue à sa stabilité financière. La surveillance prudentielle par la Commission bancaire de l Afrique centrale (COBAC), indépendante du pays, joue également un rôle important dans cette stabilité. La crise sécuritaire et constitutionnelle a fortement pénalisé le secteur financier en 2012 en raison notamment de la fermeture des agences bancaires dans les trois régions du nord du pays. Avec la libération de ces territoires au début de l année 2013, le gouvernement a rétabli les préalables de sécurité nécessaires : les établissements ont commencé à rouvrir leurs portes et l agence de la BCEAO à Mopti a également repris ses activités. En dépit de la crise, le système bancaire du Mali demeure relativement stable et solide avec un actionnariat constitué de groupes de référence. D après l analyse des indicateurs du système financier le pays est comparable à la plupart des membres de l UEMOA. En revanche, les taux d intérêts débiteurs maliens se situent toujours au-dessus de la moyenne de la zone. Sur la base d enquêtes mensuelles réalisées auprès des établissements de crédit, le taux d intérêt moyen au Mali se situe à 8.92 % en 2013 contre 9.01 % en Pour la zone UEMOA, ce taux a atteint 7.72 % en 2013 contre 8.00 % en Les crédits à l économie malienne en 2013 totalisent milliards XOF contre milliards en Quant au pourcentage de crédits alloués au secteur privé par rapport aux crédits à l économie, il BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 151

153 Mali se situe à 55.3 % en 2013 et 83.2 % en De façon générale, la contribution du secteur bancaire au financement de l économie demeure faible : le ratio des crédits à l économie sur le PIB était de 22.4 % en 2011 et 2012, et de 21.4 % en 2013 contre 28.3 % au Ghana et 103 % au Maroc. En termes d accès aux services financiers, le gouvernement poursuit la mise en œuvre du plan d action adopté par le Conseil des Ministres de l UEMOA en 2007 en vue de porter le taux de bancarisation à 20 % en Pour le Mali, ce taux atteint 6.9 % en 2013 contre 6.1 % à fin décembre Le pourcentage de la population qui a accès aux services financiers reste très faible : 20.7 % à fin 2013 contre 17.2 % à fin décembre 2012, y compris les services offerts par les institutions de micro finance. À l instar des autres pays de la zone, il n y a pas de restrictions aux paiements et transferts afférents aux transactions internationales courantes. En vue de favoriser le crédit bancaire aux petites et moyennes entreprises, le gouvernement, en collaboration avec la BCEAO, étudie la possibilité de mettre en place un registre des garanties bancaires accessible à tous et permettant la réalisation accélérée de ces garanties en cas de non remboursement des emprunts. Gestion du secteur public, institutions et réformes Le Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP) est le cadre unique de référence à moyen terme de la politique de développement du Mali et le principal référentiel pour l ensemble des partenaires techniques et financiers. Un CSCRP a été approuvé en décembre Il est bâti autour de trois axes stratégiques : i) la promotion d une croissance accélérée, durable, favorable aux pauvres et créatrice d emplois et d activités génératrices de revenus ; ii) le renforcement des bases à long terme du développement et l accès équitable aux services sociaux de qualité ; et iii) le développement institutionnel et la gouvernance. Les efforts des autorités pour améliorer la gouvernance dans toutes ses dimensions tardent à donner des résultats. La situation s est fortement dégradée avec la crise qu a connue le pays en 2012, et les progrès réalisés, notamment dans le cadre du Plan d action gouvernemental pour l amélioration et la modernisation de la gestion des finances publiques (PAGAM-GFP ), ont été fragilisés. Selon l évaluation des politiques et des institutions du pays réalisée par la Banque africaine de développement, la notation du Mali s est établie à 4.0 en 2012 (contre 4.2 en 2011). Pour la gouvernance, sa note atteint 3.9 en 2012 (contre 4.1 en 2011). En outre, le classement du pays selon l Indice Mo Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) s est détérioré : il est passé de la 22 e place (avec un score de 53.6 sur 100) en 2011 à la 27 e place (avec un score de 50.7) en Comparé à l Afrique et à la région ouest africaine, le score IIAG du Mali est inférieur à la moyenne de l Afrique (51.6) et à la moyenne de l Afrique de l Ouest (52.5). Par ailleurs, la perception de la corruption demeure élevée. Le Mali est classé 127 e sur 177 pays en 2013 avec un score de 28 selon l Indice de perception de la corruption de Transparency International. De manière générale, les autorités ont l intention d accroître la transparence dans l ensemble des administrations publiques face aux citoyens. C est l objectif de la loi contre l enrichissement illicite qui est actuellement en préparation et qui inclurait une disposition exigeant une déclaration annuelle de la richesse personnelle pour les hauts fonctionnaires. La mise en œuvre des réformes prévues dans le cadre du Programme décennal de développement de la justice (PRODEJ ) a repris, après avoir été interrompue en Au cours de l année 2013, on note la poursuite de réformes qui ont mis l accent sur l assainissement du secteur judiciaire, le renforcement des capacités des magistrats notamment en droits humains, la lutte contre la corruption et la délinquance financière et la promotion de la transparence. À la fin de l année 2013, tous les procureurs et présidents de tribunaux ont été mutés. 152 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

154 Mali Gestion des ressources naturelles et environnement Les efforts se poursuivent pour inclure la dimension environnementale dans toutes les stratégies et politiques sectorielles de développement. Le gouvernement a ratifié tous les instruments juridiques internationaux dans le domaine de la protection de l environnement notamment la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, la Convention relative aux zones humides d importance internationale, la Convention sur la diversité biologique, la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification et la Convention cadre sur les changements climatiques. Il a mis en place des politiques et programmes, notamment la Politique nationale de protection de l environnement, la Politique nationale de gestion des ressources naturelles, le Programme national de lutte contre la désertification et le Cadre stratégique d investissement pour la gestion durable des terres. En 2011, une Politique nationale sur les changements climatiques a été élaborée, ainsi qu une stratégie nationale et son plan d action ; cependant, en raison du coup d état, elles n ont jamais été approuvées officiellement par le gouvernement. Les aspects de gestion de l environnement et des changements climatiques ont été intégrés dans le CSCRP sur la base d évaluations environnementales stratégiques (EES) sectorielles ; la question de l intégration de ces aspects dans le programme d action prioritaire est restée en suspens en raison des évènements politiques. Début 2012, le gouvernement a été très actif dans la préparation d un cadre stratégique pour la croissance verte au Mali et la mise en place d un Fonds malien pour le climat ; cet engagement constitue un exemple pour les autres pays africains, notamment dans la sous-région. Malheureusement, la situation politique n a pas permis l opérationnalisation de ces éléments. De plus, en 2012, le ministère de l Environnement n aurait reçu que 10 % du budget annuel prévu, ce qui n a pas permis de mettre en œuvre les activités planifiées. Les Nations Unies ont lancé mi-2012 une Étude des effets de la crise sociopolitique sur les populations pauvres, la gestion des ressources naturelles et environnementales dont les résultats sont en cours de validation. Contexte politique Sur le plan politique, la situation est en voie de normalisation grâce à la tenue d élections présidentielle et législatives transparentes en Le Mali a connu la plus grave crise politicoinstitutionnelle de son histoire en 2012 avec un coup d état perpétré le 22 mars 2012 par une junte militaire et l occupation, durant neuf mois, des régions du nord du pays par les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l Azawad (MNLA) et des groupes islamistes armés. Pour sortir de cette crise, les autorités de transition ont adopté une feuille de route avec deux principaux objectifs : le rétablissement de l intégrité territoriale du pays par la reconquête du nord et l organisation d élections générales transparentes et crédibles avant le 31 juillet Ainsi, le scrutin présidentiel a effectivement été organisé le 28 juillet pour le premier tour et le 11 août pour le second tour dans un contexte calme avec une participation très bonne (en moyenne %). Il s est conclu par la victoire d Ibrahim Boubacar Keita avec % des voix. Les législatives se sont également bien déroulées le 24 novembre et le 15 décembre, et ont permis l élection de 147 députés. Le bon déroulement de la présidentielle et des législatives a permis de mettre fin à la période de transition politique et de retrouver une vie constitutionnelle normale. Sur le plan sécuritaire, la situation s est améliorée. La progression des groupes islamistes armés vers le centre du pays a été stoppée en janvier 2013 et les régions du nord ont été libérées grâce à l intervention des forces françaises (opération SERVAL) et à l appui des troupes des pays de la CEDEAO et du Tchad. En juillet 2013, afin de consolider la paix et la sécurité dans les territoires libérés, la communauté internationale a mis en place une force internationale dans BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 153

155 Mali le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Toutefois, si l ensemble de ces interventions ont permis d affaiblir les groupes extrémistes, ils demeurent actifs, avec notamment des attaques sporadiques et des attentats suicides. Le problème sécuritaire persiste en particulier dans la région de Kidal où la tension est vive entre l armée malienne et les combattants touaregs. Par ailleurs, les négociations entamées avec les groupes armés dans le cadre de l accord de paix préliminaire signé à Ouagadougou n ont pas enregistré d avancée depuis l élection du Président. Dans un souci de consolider le processus de réconciliation nationale et la cohésion sociale, le gouvernement a entrepris des efforts considérables : i) libération des prisonniers appartenant aux combattants des groupes armés ; ii) levée des mandats d arrêt à l encontre de certains membres du MNLA et du Haut conseil pour l unicité de l Azawad (HCUA) ; iii) tenue d une série de consultations nationales sur la situation dans le nord du pays notamment les États généraux de la décentralisation, les Assises nationales sur le nord et le Forum local et régional de Gao. Ces différentes réunions, qui ont réuni les représentants des pouvoirs publics, des communautés locales, des réfugiés maliens dans les pays voisins, des experts et des partenaires au développement ont permis d échanger et de proposer des solutions par rapport à l approfondissement de la décentralisation, la promotion de la bonne gouvernance, le renforcement du dialogue national et de la réconciliation intercommunautaire et intracommunautaire, le développement économique et social. Les partisans du MNLA et du HCUA n ont pas pris part à ces différentes rencontres arguant que tout dialogue national devrait être organisé en consultation avec les parties à l accord préliminaire signé à Ouagadougou. Il est donc urgent pour les autorités maliennes de trouver les voies et moyens de relancer les négociations avec les groupes armés en vue de la mise en œuvre de cet accord de paix. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Le développement des ressources humaines figure en bonne place dans le CSCRP L éducation représentait 20 % des dépenses totales de la loi de finances de 2012, et seulement 17.6 % dans la loi de finances 2013, en raison de la crise. Les progrès notables qui ont été accomplis dans le domaine de l éducation au cours des quinze dernières années ont été minorés par la crise. Néanmoins, en 2012, dans l enseignement primaire, le taux brut de scolarisation est de 78.3 % ; le taux brut d admission est de 64.9 % ; le taux d achèvement est de 54.1 %. Le ratio maître-élève passe de 1 pour 44 en 2011 à 1 pour 40, ce qui montre l effort du gouvernement en faveur du secteur de l éducation. En outre, l indice de parité entre les taux bruts de scolarisation filles/garçons s est sensiblement amélioré, en dépit de la crise, passant de 0.8 en 2010 à 0.9 en Le Mali semble donc en bonne voie pour atteindre la scolarisation primaire universelle à l horizon 2015, même si les dysfonctionnements du système scolaire dans les régions du nord sont susceptibles de ralentir le processus. Le gouvernement a poursuivi ses efforts dans le domaine de la santé qui est un des secteurs prioritaires du CSCRP Le programme décennal de développement social et sanitaire (PRODESS) constitue le cadre de référence de la politique sanitaire. Il est en cours de reprogrammation pour les prochaines années. Les dépenses de santé représentaient 8 % (en 2012) et 8.7 % (en 2013) des dépenses totales. Ce pourcentage est en deçà de l objectif de 15 % adopté dans la déclaration d Abuja signée par les chefs d État africains en avril Entre les deux dernières enquêtes démographiques et de santé (EDS) réalisées en 2001 puis en 2006, les principaux indicateurs ont légèrement progressé. L indice synthétique de fécondité est passé de 6.8 à 6.6. Le taux de mortalité maternelle a diminué de 582 à 464 pour mille naissances et la proportion des accouchements assistés a augmenté de 40 % à 49 %. Du côté des enfants, le 154 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

156 Mali taux de mortalité infantile a baissé de à 95.8 pour mille naissances et le taux de mortalité infanto-juvénile a faibli de 229 à 191 pour mille. Le taux de couverture vaccinale des enfants de 12 à 23 mois s est amélioré de 29 % à 48 % pendant que le taux de prévalence du retard de croissance chez les moins de cinq ans diminuait de 38 % à 34 %. Au vu de ces chiffres, il est peu probable que le Mali atteigne, à l horizon 2015, les cibles fixées dans les OMD concernant la réduction de deux tiers de la mortalité infanto-juvénile et la réduction de trois quarts de la mortalité maternelle. Des efforts ont été consentis ces dernières années pour réduire la malnutrition infantile. En effet, la prévalence de la malnutrition chronique globale était de 27 % en 2011 contre 34 % en 2006 ; celle de la malnutrition aiguë globale atteignait 10.4 % en 2011 (dont 2.2 % de malnutris aigus sévères) contre 15.2 % en La baisse notable des ressources publiques, la suspension de l aide de plusieurs partenaires au développement et le déplacement massif des populations du nord en 2012 ( personnes selon le HCR) ont contrarié la mise en œuvre des projets et programmes en cours, ce qui risque d aggraver la malnutrition. Dans le cadre de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, des programmes nationaux prioritaires ont été élaborés (le cadre stratégique national contre le sida a été révisé pour la période ). Le taux de prévalence du VIH a été réduit ces dernières années à 1.3 % (contre 1,7 % en 2001). Le Rapport de mise en œuvre de la stratégie de réduction de la pauvreté du CSCRP indique toutefois un taux de 1.78 % chez les femmes enceintes en En 2011, des efforts ont été consentis sur la prévention et l accès aux soins (notamment aux traitements antirétroviraux). Quant à la lutte contre la tuberculose, le taux de dépistage a régulièrement progressé depuis 2004 (18 %) et se situait à 29 % en S agissant du paludisme, des efforts restent à réaliser car seuls 23 % des infections touchant des enfants de moins de cinq ans ont été prises en charge dans les 24 heures en La suspension des décaissements du Fonds mondial en décembre 2010 et la mise en place de nouvelles modalités de gestion des ressources de cette institution en 2011 ont fortement perturbé l exécution des activités des programmes nationaux de lutte contre la tuberculose, le paludisme et le VIH-sida en 2011 et 2012, alors que le pays semblait en bonne voie atteindre les cibles OMD pour enrayer la propagation du VIH-sida et maîtriser le paludisme et les autres grandes maladies. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail L instabilité politique et l occupation des régions du nord a rapidement détérioré une situation sociale déjà fragile. Selon l édition 2013 du Rapport sur le développement humain (PNUD), le Mali se classe au 182 e rang sur 187 pays avec un indice de développement humain (IDH) de Pourtant des efforts semblent porter leurs fruits. Les enquêtes auprès des ménages indiquent que le taux de pauvreté a diminué : de 55.6 % en 2001 il est passé à 47.5 % en 2006 et à 43.6 % en 2010 puis 41.7 % en Il a à nouveau augmenté en 2012, s établissant à 42.7 %. La pauvreté de revenu reste un phénomène essentiellement rural même si l incidence de la pauvreté rurale est tombée de 65 % en 2001 à 51 % en L extrême pauvreté a chuté au niveau national, passant de 32 % en 2001 à 22 % en 2011, avec des variations régionales manifestes. La baisse de la pauvreté entre 2001 et 2010 tient pour les deux tiers à la croissance et pour un tiers à une réduction des inégalités. Par rapport aux autres pays africains, le Mali se distingue par un taux de croissance faible mais qui a néanmoins profité aux plus pauvres. La légère baisse du taux de pauvreté n a pourtant pas été suffisante pour réduire le nombre de citoyens pauvres. Entre 2001 et 2010, cette population est passée de 5.7 à 6.4 millions. Le taux élevé de fécondité (6.7 enfants par femme) freine fortement la réduction de la pauvreté : il génère des ratios de dépendance importants, aggrave la mortalité maternelle et fait perdurer les inégalités entre les sexes dans divers secteurs. Il exerce aussi des pressions considérables sur les moyens dont dispose l État pour assurer la prestation des services de base (éducation, santé, protection sociale, sécurité) à tous les citoyens. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 155

157 Mali La situation humanitaire demeure très précaire dans le nord du pays. Elle se caractérise notamment par des problèmes graves d insécurité alimentaire : plus de personnes dépendent de l aide alimentaire d urgence et enfants de moins de cinq ans sont menacés de malnutrition aigüe. De plus, le retour des réfugiés et des déplacés dans leurs zones d origine s opère dans des conditions difficiles. Selon le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) et l Organisation internationale pour les migrations (OIM), réfugiés et déplacés ont déjà regagné les régions de Gao et Tombouctou malgré l insécurité et l absence de services sociaux. En janvier 2014, le nombre de déplacés était estimé à personnes et celui des réfugiés à personnes réparties en Mauritanie ( personnes), au Niger ( personnes) et au Burkina Faso ( personnes). Afin de répondre aux besoins humanitaires importants, les Nations Unies ont lancé la procédure d appel de fonds consolidé du Mali d un montant de 477 millions USD, mais dont seulement 55 % des ressources avaient pu être mobilisées au début Égalité hommes-femmes Sur le plan international, le Mali a ratifié les principaux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits des femmes notamment la Convention sur l élimination de toutes les formes de discrimination à l égard des femmes (CEDAW), la Charte africaine des droits de l homme et des peuples relative aux droits des femmes en Afrique (CADHP), la Déclaration des chefs d État africains sur l égalité entre les femmes et les hommes. Le gouvernement a installé en 2011 des mécanismes institutionnels pour la mise en œuvre de la Politique nationale du genre (PNG-Mali) adoptée le 24 novembre Cependant, avec l occupation du nord du Mali par les groupes islamistes armés en 2012, les droits de l homme en général, et la situation des femmes en particulier, s étaient fortement dégradés dans ces territoires. Des actes de violence physique et morale ont été commis à l encontre des femmes et des filles (séquestrations, viols, imposition de restrictions dans les tenues vestimentaires, interdiction des réjouissances populaires et des rassemblements mixtes, etc.). Les conditions de prise en charge des futures mères et de la santé de l enfant se sont également détériorées. Selon le Rapport sur le développement humain du PNUD, l indice d inégalité de genre au Mali (0.64) fait partie des plus élevés au monde. La promotion de l égalité entre hommes et femmes, notamment par l accès des femmes aux opportunités de développement du capital humain et aux ressources productives et économiques, ainsi que l élimination des violences de genre constituent un véritable défi pour le pays. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique Le Mali met un accent particulier sur le développement des chaînes de valeurs mondiales (CVM) grâce notamment au programme de compétitivité et de diversification agricoles (PCDA) et aux Initiatives intégrées pour la croissance économique (IICM). Le PCDA est un projet de promotion des chaînes d approvisionnement initié par le gouvernement. Il a pour objectif le développement, l accroissement et la diversification des revenus et des opportunités économiques en milieu rural, à travers des améliorations dans l organisation et les performances des chaînes d approvisionnement (de la production à la mise sur le marché) des filières agricoles, d élevage et de pêche à vocation commerciale pour lesquelles le Mali jouit d un avantage compétitif confirmé. Le projet a pour ambition de promouvoir l agriculture commerciale comme alternative à l agriculture de subsistance et constitue une opportunité pour les professionnels d élargir leur base de revenu dans le cadre d une agriculture de marché plus adaptée et plus performante. Il vise à transformer des filières commerciales à valeur ajoutée en industrie à part entière, porteuse de développement et intégrant le secteur privé et le paysannat dans une logique de 156 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

158 Mali croissance partagée. Les interventions sont basées sur la notion de filière et visent la création de valeur à tous les maillons de la chaîne. Elles sont réalisées à la demande et initiées par le secteur privé. Il s agit de favoriser le dialogue et la création de partenariats public-privé en mettant en place des arrangements contractuels permettant d intégrer les producteurs aux marchés. Les filières concernées sont : la mangue, la pomme de terre, l échalote, l oignon, le karité, la papaye, la tomate, le poisson, le lait, le bétail sur pied et la viande. Pour le Mali, l intégration aux CVM offre de réelles opportunités en termes de création d emplois, en particulier pour les jeunes. Elle devrait également permettre l accès à des technologies nouvelles avec la formation de meilleures compétences nationales, et le développement d activités économiques à plus forte valeur ajoutée pouvant contribuer à l industrialisation du pays. Toutefois, des menaces pourraient être associées au développement des CVM à travers l apparition d enclaves économiques étrangères n ayant pas assez de liens avec l économie locale, la surexploitation et l épuisement des ressources naturelles, la dégradation des normes sociales et environnementales (notamment dans le secteur des mines), ainsi que l exposition à des crises importées en raison d une plus grande connectivité à l économie mondiale. Le pays dispose de potentialités pour tirer parti des CVM dans les secteurs de l industrie extractive, de l agro-industrie, de l élevage, de l artisanat et du tourisme. Afin de mettre à profit ces opportunités, le gouvernement devrait adopter des politiques et stratégies permettant de corriger certaines faiblesses identifiées telles que l enclavement du pays, l accessibilité et la fiabilité de l énergie, la disponibilité d une main d œuvre qualifiée, le faible pouvoir d achat et la corruption. L installation de l unité de transformation de mangues de la coopérative des femmes «Diguiya» de Yanfolila, soutenue par le gouvernement du Mali et le PNUD, est un bon exemple de projet destiné à accroître la valeur ajoutée des fruits et légumes exportés. Elle permet le développement des capacités des membres de la coopérative et l amélioration des conditions de vie des femmes. La capacité de production est d environ pots de confitures par an destinés au marché national et à l exportation. Une diversification ultérieure pourrait permettre la transformation d autres fruits. Le chiffre d affaires indicatif est de 37.7 millions XOF la première année et devrait atteindre 205 millions au bout de cinq ans. L unité permet d employer 20 salariés, auxquels s ajoutent les emplois indirects constitués par les producteurs de fruits et légumes de la localité, les cueilleurs qui approvisionnent l unité et les fournisseurs d intrants. Dans le secteur du coton, 2 e produit d exportation du Mali, le projet d appui à la filière cotontextile (PAFICOT), financé par la Banque africaine de développement, participe également au développement des chaînes de valeur. Il soutient non seulement l amélioration de la production et de la productivité (promotion des intrants améliorés, recherche agricole et coopération scientifique régionale, facilitation de l accès au crédit des cotonculteurs), mais met aussi l accent sur la commercialisation/distribution (établissement de liens producteurs-marchés, construction/ réhabilitation de pistes rurales, construction de magasins de stockage) et la transformation (création et renforcement des capacités des centres nationaux de transformation). Les partenaires potentiels pour développer les chaînes de valeur avec le Mali sont : l Europe notamment dans le cadre du partenariat UE/ACP, la Chine, certains pays émergents (Inde, Brésil, Turquie, Venezuela, etc.) et maghrébins (Maroc, Egypte, Tunisie) avec lesquels le pays développe d intenses relations commerciales, financières et économiques. En guise d illustration, la Banque internationale pour le Mali (BIM), qui a été rachetée par le Groupe marocain Attijariwafa Bank, travaille déjà au renforcement des relations commerciales et industrielles entre les entreprises maliennes et marocaines. Elle devrait jouer à l avenir un rôle majeur dans le développement des chaînes de valeurs au Mali en facilitant la création de joint ventures maroco-maliennes. Le Groupe Attijariwafa Bank devra offrir des services permettant d attirer davantage de capital marocain dans les filières disposant de potentialités. De même, l installation d une usine de montage de tracteurs indienne dans la ville de Samaya, à quelques kilomètres de Bamako, pourrait servir de point de départ au développement d une autre chaîne de valeurs. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 157

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160 NIGER 2014 Daniel Ndoye / d.ndoye@afdb.org Mansour Ndiaye / mansour.ndiaye@undp.org

161 Niger NIGER En 2013, la croissance du PIB réel a atteint 3.6 % contre 11.1 % en 2012, en raison du ralentissement de la production dans les secteurs agricole et minier. Des programmes sont mis en œuvre pour atténuer la vulnérabilité aux chocs climatiques et renforcer la gestion des ressources naturelles, mais le développement du secteur privé demeure un défi. La faiblesse de l appareil de production ne permet pas une pleine insertion à court terme dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). Pour autant, il existe des opportunités dans les industries agroalimentaires, extractives et manufacturières. Vue d ensemble Après une croissance de 11.1 % en 2012 tirée par le démarrage de la production de pétrole brut et une bonne récolte agricole, la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel s est établie à 3.6 % en Ce repli s explique par le ralentissement de la production agricole affectée par un déficit pluviométrique au cours de la campagne agricole 2013/14 et par le ralentissement de la production minière, conséquence des arrêts temporaires survenus dans certains sites uranifères et aurifères. L inflation est restée maîtrisée en dessous de la norme communautaire de 3.0 %, grâce aux actions sociales menées par l État et à une campagne agricole 2012/13 satisfaisante. Avec l augmentation de la production de la raffinerie de pétrole de Zinder et celle des mines d uranium et d or, les perspectives pour 2014 et 2015 font état d une reprise de la croissance économique, avec des taux respectifs de 6.0 % et 6.2 %, soumise toutefois à quelques risques. Ces risques concernent la persistance de poches d insécurité le long des frontières Sud et Nord du Niger, la forte exposition de l économie aux chocs climatiques et la récurrence des crises alimentaires. Le Niger a initié plusieurs programmes dans le cadre du plan de développement économique et social (PDES ), avec l objectif d impulser une croissance soutenue et inclusive. Dans ce cadre, la mise en œuvre de l initiative 3N (les Nigériens nourrissent les Nigériens) a contribué à l augmentation de la production irriguée. Le pays s est doté d une charte nationale de bonne gouvernance dans la gestion des ressources minérales et a atteint en 2012 le statut de conformité totale de l Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). Mais le développement du secteur privé à même d accompagner la diversification de l économie nécessaire pour la croissance inclusive reste un défi. Le Niger n a pas entrepris de réforme majeure en matière d amélioration du climat des affaires. Il a vu la part du secteur privé moderne s effriter au cours des deux dernières décennies, au profit du secteur informel. L insertion du Niger dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) est timide en raison d un appareil de production peu développé. Les secteurs des industries agroalimentaires, extractives et manufacturières peuvent toutefois offrir à terme des perspectives de développement. À condition de mettre en œuvre des politiques visant à améliorer l environnement des affaires et à favoriser une plus grande interconnexion entre les secteurs d activités, notamment le secteur minier et le reste de l économie. 160 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

162 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Niger % 12 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l Ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Après une croissance de 11.1 % en 2012 tirée par le démarrage de la production de pétrole brut et par une campagne agricole satisfaisante, la croissance du PIB réel s est établie à 3.6 % en Ce repli est dû au ralentissement de la production dans les secteurs agricole et minier. La production du secteur primaire, qui représente près de 40.0 % du PIB, a diminué de 1.4 % en raison de l arrêt précoce des pluies à la mi-septembre 2013 sur la majeure partie de la bande agricole. La baisse de la production agricole pluviale de 6.9 %, portant essentiellement sur les céréales, a été atténuée par l augmentation de 9.1 % de la production irriguée (notamment l oignon) dans le cadre de la mise en œuvre des programmes de l initiative 3N. Cette initiative se traduit en effet par le développement de l irrigation à travers la remise à niveau des aménagements hydro-agricoles existants et la mise en valeur de nouvelles terres. Par ailleurs, les branches de l élevage et de la pêche ont bénéficié des retombées de la bonne campagne agricole 2012/13. Cette campagne, marquée par une pluviométrie bien répartie, a permis la constitution d un stock fourrager important pour l élevage et l alimentation des points d eau comme le lac Tchad pour la pêche. En 2013, le secteur secondaire, qui représente 21.9 % du PIB, a connu une progression moindre de sa valeur ajoutée en volume de 10.3 % (+42.3 % en 2012). Ce ralentissement est lié à la baisse de la production minière, uranifère et aurifère, suite à l arrêt de l activité pendant deux mois sur le site de la Somair à Arlit (conséquence des attentats terroristes de mai 2013) et suite à la fermeture temporaire de la Société des mines du Liptako (SML). Cette moindre valeur ajoutée BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 161

163 Niger traduit également la baisse du rythme de production pétrolière, après une première année de mise en exploitation, compensée toutefois par la hausse de l activité de la raffinerie de Zinder ( barils/jour contre b/j en 2012). Globalement, la part des industries extractives dans le PIB est passée de 6.4 % en 2008 à 11.5 % en 2013 et devrait se renforcer progressivement. L accroissement de la production du secteur secondaire est aussi le résultat de la poursuite des investissements dans le secteur de l énergie et d un relatif dynamisme du secteur des bâtiments et travaux publics (BTP), en rapport notamment avec les investissements dans le secteur minier. Les perturbations sur le réseau électrique, particulièrement au niveau de la région de Niamey, ont toutefois ralenti l activité industrielle. Le secteur tertiaire, qui représente près de 39.0 % du PIB, a maintenu sa tendance haussière de 5.0 % en Cette tendance s explique par le dynamisme des transports et des télécommunications, du commerce et des autres services, découlant de l accroissement du volume des échanges de produits de la campagne agricole 2012/13 et de la mise en service de la nouvelle raffinerie de Zinder. Le contexte sécuritaire le long des frontières Sud, Nord et Ouest du Niger a toutefois négativement affecté les transactions commerciales, notamment le transit et la réexportation. Au niveau de la demande, la consommation finale des administrations et la formation brute de capital fixe publique ont été les principaux moteurs de la croissance en L investissement public s est accru en volume de 9.0 %, alors que l investissement privé n a augmenté que de 0.9 %, en lien avec le ralentissement des investissements directs des entreprises opérant dans les secteurs miniers. Les perspectives pour 2014 et 2015 font état d une reprise de la croissance économique, soumise toutefois à quelques risques. Les taux de croissance attendus en 2014 et 2015 se situent respectivement à 6.0 % et 6.2 %. La situation économique devrait bénéficier d une amélioration du contexte sécuritaire sous-régional, notamment la sortie de crise au Mali, et d une meilleure campagne agricole. Les facteurs de croissance seront liés à : i) la mise en œuvre de l initiative 3N (valorisation des ressources en eau, accroissement des périmètres irrigués, mini barrages, aménagements hydrauliques, accroissement du cheptel) ; ii) la reprise des grands chantiers tels que le barrage de Kandadji qui a reçu un soutien renouvelé de la part de la communauté internationale lors de la table ronde tenue en octobre 2013 ; iii) la réalisation d importantes infrastructures de développement ; iv) la poursuite de l accroissement de la production pétrolière. La raffinerie de Zinder verrait sa production passer de b/j en 2013 à b/jour en 2014, dont la moitié destinée à l exportation. Du côté de la demande, la croissance bénéficierait de la poursuite des investissements publics et privés et de la consommation. Elle devrait aussi bénéficier d un accroissement des exportations avec la normalisation de la production d uranium de la Somair, le redémarrage de l exploitation aurifère par la SML et l entrée en pleine capacité des activités de raffinage de pétrole. Les perspectives pour 2014 et 2015 ont été cependant ternies par le report de 2014 à 2016 du démarrage de l exploitation d Imouraren, la plus grande mine uranifère du pays, qui fait porter un risque sur le niveau des investissements attendus sur la période Par ailleurs, il est important que les négociations en cours entre le gouvernement nigérien et Areva sur le montant des redevances minières aboutissent rapidement afin de lever les incertitudes sur la mobilisation des ressources et le fonctionnement des sites uranifères concernés. D autres facteurs de risques pèsent sur les perspectives économiques du pays. Ces risques concernent la persistance de poches d insécurité le long des frontières Sud et Nord du Niger, l exposition aux chocs climatiques et aux crises alimentaires. Ces éléments peuvent affecter négativement l environnement économique et la mise en œuvre des programmes devant permettre une consolidation de la croissance économique pour les années à venir. 162 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

164 Niger Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politiques macroéconomiques Politique budgétaire L exécution des finances publiques en 2012 et 2013 a été marquée par deux lois de finances rectificatives. En 2013, un premier réaménagement du budget est intervenu en mai pour prendre en compte les ressources additionnelles d une émission d obligations du Trésor d un montant de 50 milliards XOF (Franc CFA BCEAO) et d appuis des partenaires au développement. La deuxième révision du budget opérée en septembre visait à intégrer les mesures d ajustement des dépenses de sécurité et des salaires suite à la création de nouveaux départements ministériels. Les recettes fiscales se sont situées à 15.3 % du PIB en 2013 contre 14.5 % du PIB en 2012, en dessous toutefois du minimum de 17 % retenu dans les critères de convergence de l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Cette amélioration reflète les efforts fournis par le gouvernement pour renforcer la mobilisation des recettes, à travers notamment la hausse de la taxe spéciale de réexportation sur le riz et de la taxe d apprentissage, ainsi que la mise en œuvre de réformes au niveau des régies financières. En raison de la poursuite des investissements publics, le poste dépenses publiques et prêts nets a vu sa part dans le PIB passer de 23.3 % en 2012 à 24.8 % en Les mesures de renforcement de la sécurité des frontières du pays et la participation à l intervention militaire au Mali ont entraîné une augmentation des dépenses militaires au détriment des dépenses sociales. La masse salariale s est également accrue en lien avec les besoins de fonctionnement de l administration et le renforcement de la sécurité. Pour autant, le ratio masse salariale sur recettes fiscales, 33.1 % en 2013, est resté sous le seuil communautaire de 35.0 %. Le solde budgétaire global s établit à 0.1 % du PIB ; un résultat positif qui s explique par l accroissement des dons. En 2014 et 2015, le gouvernement nigérien poursuivra une politique budgétaire axée sur le PDES et l initiative 3N. Cette politique devrait bénéficier d une augmentation des recettes tirées des secteurs minier et pétrolier grâce aux mesures mises en place au niveau des régies financières. Parmi ces mesures : le dédouanement sur la base de la valeur transactionnelle et non plus sur les valeurs administratives, ainsi qu une meilleure maîtrise des exonérations. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 163

165 Niger Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Recettes pétrolières Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire Le Niger est un pays membre de l UEMOA. Sa politique monétaire conduite par la Banque centrale des États de l Afrique de l Ouest (BCEAO) vise la stabilité des prix, devant servir de socle à une croissance économique durable. La monnaie du pays est arrimée à l euro par une parité fixe. Elle est considérée comme stable. Avec un taux annuel moyen de 1.9 % (0.5 % en 2012) en 2013, l inflation est restée sous la norme communautaire de 3.0 %. Les effets positifs de la bonne campagne agricole 2012/13 et de la baisse des prix des hydrocarbures intervenue début 2013 ont permis de maintenir l inflation à un niveau modéré. Les actions sociales menées par l État, à travers les distributions gratuites de vivres aux plus pauvres et les ventes de céréales à prix modérés, ont également contribué à contenir les pressions inflationnistes. Dans ce contexte de maîtrise de l inflation, également observée à l échelle régionale, la politique monétaire a été accommodante et s est traduite par une baisse de 25 points de base des taux directeurs de la BCEAO. À compter du 16 septembre 2013, le taux minimum de soumission aux opérations d appels d offres d injection de liquidités est passé de 2.75 % à 2.50 % et le taux du guichet de prêt marginal de 3.75 % à 3.50 %. Le taux de progression de la masse monétaire est estimé à 5.0 % en 2013, en raison essentiellement de l accroissement des crédits à l économie en soutien à l activité dans le secteur minier et le tertiaire. En 2014 et 2015, l inflation devrait rester en dessous de 3.0 %, grâce à une meilleure production des cultures irriguées, à la maîtrise des prix des hydrocarbures et l intensification de la concurrence dans les secteurs des transports et des télécommunications. Toutefois, la baisse de la production agricole 2013/14 et la vulnérabilité aux chocs climatiques constituent des risques, incitant le gouvernement et la Banque centrale à être vigilants pour maitriser le niveau général des prix. Coopération économique, intégration régionale et commerce La situation des échanges extérieurs s est stabilisée en 2013, reflétant la baisse des performances dans le secteur minier et le ralentissement des importations. Le déficit du compte courant a atteint 15.2 % du PIB contre 15.1 % du PIB en Les exportations de biens sont passées de 22.1 % du PIB en 2012 à 21.9 % en Le recul des ventes d uranium et d or est lié aux difficultés rencontrées par les sociétés de production. Les importations, soutenues notamment par les achats de biens d équipements pour les projets miniers, ont diminué à 28.1 % du PIB contre 28.5 % en 2012, en raison d une baisse des achats de produits alimentaires. 164 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

166 Le déficit du compte courant est financé par des entrées nettes de capitaux publics et privés. En moyenne sur les cinq dernières années, les investissements directs étrangers (IDE), orientés principalement vers les secteurs minier et pétrolier, représentent 13.5 % du PIB contre 3.0 % pour l Afrique subsaharienne. Ces investissements sont d origine chinoise et française essentiellement. Pour autant, en 2013, on note une baisse de ces IDE liée au ralentissement du rythme des forages sur le site pétrolier d Agadem et au rallongement du délai des travaux sur le site uranifère d Imouraren. Niger En 2014 et 2015, le compte courant devrait progressivement s améliorer grâce à l accroissement de la production de pétrole raffiné dont une partie est destinée à l exportation et une hausse des livraisons d uranium et d or. Il est toutefois important de poursuivre les efforts de modernisation de l agriculture et de l élevage qui sont pourvoyeurs de produits d exportation. Il s agit aussi d accélérer la diversification de l économie afin d éviter une forte dépendance au secteur minier et pétrolier et réduire le risque de syndrome hollandais. Le Niger participe aux efforts d intégration régionale en Afrique de l Ouest, mais ne s est pas encore doté d une politique nationale en la matière. Le pays participe aux concertations en cours sur les Accords de partenariats économiques et la mise en place du tarif extérieur commun (TEC) à cinq bandes de la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO). Son commerce intra-régional reste marginal, malgré un potentiel important qu il convient d exploiter, notamment dans les domaines agricole et de l élevage, et aujourd hui dans le secteur pétrolier. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette Les ratios d endettement se sont sensiblement améliorés après l allégement consenti au titre de l Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) et de l Initiative d allègement de la dette multilatérale (IADM). Toutefois, depuis 2011, la dette publique s est accrue. Selon l analyse de la viabilité de la dette, réalisée par le Fonds monétaire internationale (FMI) et la Banque mondiale, le stock de la dette publique, y compris la dette intérieure, est passé de 17.0 % en 2010 à 22.8 % en 2011, à 24.0 % en 2012 et à 33.5 % en La dette extérieure privée représente 22.5 % du PIB en Le creusement de la dette est en partie lié à la garantie de l État accordée en 2012 à un prêt de 880 millions USD consenti à la raffinerie de pétrole Soraz et à l obtention d un prêt pour financer la participation du pays à la nouvelle mine d uranium. L analyse de la viabilité de la dette a ainsi mis en relief un risque de surendettement, qui est passé de faible à modéré. Le gouvernement a entrepris des négociations avec la Chine pour refinancer la dette de Soraz à des conditions concessionnelles. Les négociations n ont pas encore abouti, mais leur issue devrait avoir une répercussion notable sur la situation d endettement. En dépit de l accroissement de la dette, le niveau d endettement extérieur reste encore bien en dessous de la limite maximale de 70 % fixée au niveau communautaire. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 165

167 Niger Le pays devra donc pour les années à venir observer une politique prudente de gestion de la dette en recourant aux financements concessionnels. Les autorités envisagent d établir une cellule, au sein du ministère des Finances, chargée de gérer l ensemble de la dette intérieure et extérieure. Les propositions de nouveaux emprunts et garanties, y compris dans le secteur des ressources naturelles, devraient être soumis à ce comité national de gestion de la dette. Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Le secteur privé reste marqué par la prépondérance du secteur informel. L essor du secteur privé formel est limité par la faible compétitivité, l étroitesse du marché intérieur et le faible accès au financement. Le secteur privé moderne, dont le poids dans l économie était estimé à 20 % du PIB dans les années 90, n a cessé de régresser pour représenter moins de 5 % du PIB en On dénote une forte concentration des activités dans les branches du commerce et des services, au détriment des activités industrielles plus créatrices de valeur ajoutée. Au cours de ces dernières années, les autorités ont toutefois réactivé le Conseil national des investisseurs privés, ont mis en place une loi sur le partenariat public-privé et instauré une maison de l entreprise, agence de développement des petites et moyennes entreprises. Pour autant, le Niger n a pas entrepris de réforme majeure pour améliorer le climat des investissements. Dans l édition 2014 du rapport de la Banque mondiale, Doing Business, le pays a ainsi vu son rang se dégrader, passant de la 173 e place en 2012 à la 176 e en 2013 et De nombreux défis sont à relever, comme la réduction des délais de création d entreprises et la mise en œuvre efficiente des réformes en matière domaniale, foncière, fiscale et juridique. Une meilleure synergie dans les actions est nécessaire, afin notamment de rendre opérationnel le guichet unique. Le dispositif juridique devra également être amélioré. Dans le rapport Doing Business, le pays a reculé par rapport à 2013 en ce qui concerne la protection des investisseurs, l exécution des contrats et le règlement de l insolvabilité. L amélioration du dispositif juridique instaurera un climat de confiance. Avec des coûts de facteurs élevés et un risque sécuritaire dans 166 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

168 la bande du Sahel, la protection juridique des investisseurs est nécessaire, pour mieux stimuler les investissements dont le Niger a besoin afin d engager une dynamique de transformation structurelle. Cela passe entre autres par la mise en place de véritables tribunaux de commerce. Niger Secteur financier Le secteur financier est relativement sain, mais peu diversifié. Composé d une dizaine de banques et d un établissement financier, le système nigérien reste fortement concentré, à l instar de celui des pays de l UEMOA. Le total des actifs des bilans, qui s élève à milliards XOF (FCFA CFA BCEAO) en 2012, est détenu à 80 % par quatre banques commerciales principales. Le taux de bancarisation est estimé à 1.9 % en 2012, soit le plus bas niveau au sein de l UEMOA, où la moyenne est de 7.2 %. Le secteur financier au Niger demeure relativement stable, placé sous la réglementation et la supervision des instances communautaires. La transition vers la nouvelle norme de capital social minimum a été achevée pour toutes les banques, sauf une en cours de restructuration. Le taux net de dégradation du portefeuille s est amélioré passant de 8.4 % en 2011 à 7.7 % en Le secteur de la microfinance reste caractérisé par des insuffisances au niveau de la gouvernance et du système d information, malgré la mise en œuvre d un programme d assainissement. Les crédits à l économie ont connu une forte progression sur la période récente, augmentant de près de 24 % en 2012 et 10 % en 2013, du fait essentiellement de la demande des secteurs pétrolier et du commerce. Mais la répartition des crédits à l économie par secteur montre que beaucoup reste encore à faire pour renforcer le soutien au secteur agricole. Celui-ci représente plus de 40 % de l économie, mais reçoit moins de 1 % des crédits. Pour les années à venir, les efforts en matière de restructuration du secteur bancaire (augmentation du capital, restructuration de l actionnariat) devront se poursuivre. Une amélioration de la couverture bancaire est attendue pour soutenir le déploiement des activités économiques dans certaines régions. En effet, l installation de sociétés d exploitation minière et pétrolière dans le Nord et l Est du pays, avec des ressources financières et des effectifs importants, a généré de nouveaux besoins en services bancaires, qui constituent une opportunité pour les banques locales. Dans ces zones, le renforcement de la couverture bancaire devrait favoriser l accès aux services financiers à des agents économiques jusque-là défavorisés par l éloignement géographique et la faiblesse de l activité dans leurs régions. Gestion du secteur public, institutions et réformes Les indicateurs de gouvernance économique, financière et de transparence restent peu satisfaisants, bien que la tendance soit à l amélioration. Sur la période , l évaluation des politiques et des institutions, par le biais de l indicateur EPIP (Evaluation des politiques et institutions pays) de la Banque africaine de développement (BAfD), fait apparaître une amélioration des indicateurs de gestion économique et de gouvernance au-dessus de la moyenne des pays d Afrique de l Ouest. Le pays a enregistré des progrès dans le domaine de la transparence et de la lutte contre la corruption à travers la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA). Selon le rapport 2013 de Transparency International sur la perception de la corruption, le Niger occupe la 106 e place en 2013, sur 177 pays. Il était à la 113 e position lors du classement de L exécution du programme de réformes en matière de gestion des finances publiques (PRGFP ) est mitigée, malgré des progrès dans la transposition des directives de l UEMOA. Selon le rapport sur la performance de la gestion des finances publiques (PEFA) publié en 2013, sur 31 indicateurs de performance, seulement 5 ont été jugés satisfaisants et 21 ont reçu des notations égales ou inférieures à leur niveau de 2008 (année du PEMFAR, c est à dire la revue des dépenses publiques et de la responsabilité financière, qui avait conduit au PRGFP ). Les principales avancées constatées portent sur les marchés publics et la gestion de la trésorerie. Mais d importants défis restent à relever pour : i) améliorer la mobilisation des ressources internes, à BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 167

169 Niger la hauteur du potentiel de l économie nationale ; ii) renforcer le dispositif national de contrôle des finances publiques ; iii) renforcer les capacités des administrations économiques et financières pour plus d efficacité des services publics. Gestion des ressources naturelles et environnement Bien qu elle représente potentiellement une importante source de revenus pour soutenir les progrès économiques et sociaux du pays, l accélération récente de l exploitation des ressources minières et pétrolières s accompagne aussi de défis, notamment en matière de gouvernance environnementale. Le pays s est ainsi doté d une charte nationale de bonne gouvernance dans la gestion des ressources minérales. Par ailleurs, l atteinte du statut de conformité totale de l ITIE en 2012 oblige désormais tout investisseur à réaliser une étude d impact environnemental et social (EIES) et à disposer d un plan de gestion environnemental et social (PGES) pour tout projet dans les secteurs des mines et des hydrocarbures. Par ailleurs, la gestion environnementale est aussi prise en compte dans l initiative 3N à travers : i) la gestion durable des ressources naturelles ; ii) le renforcement des capacités des acteurs ; iii) l appui à la sécurisation foncière ; iv) la mise en place d un système participatif de gouvernance. La préservation de l environnement occupe une place de choix dans l agenda de développement du pays. Outre les 3N, la concrétisation de programmes y compris au niveau régional, ont permis des avancées en matière de protection d aires sensibles, d adaptation au changement climatique, de promotion des énergies renouvelables, etc. Contexte politique La poursuite de la consolidation du processus démocratique est un gage de paix et de stabilité, favorable à la mise en œuvre des réformes. Toutefois, le jeu des alliances politiques et les menaces régionales sont des risques pour l équilibre interne. Un gouvernement de large ouverture a été mis en place en août La coalition au pouvoir, la Mouvance pour la renaissance de la République (MRN) gouverne avec une majorité à l Assemblée nationale, malgré les alliances politiques qui se recomposent. Au plan régional, la situation se normalise progressivement, avec cependant des risques potentiels relevant de dynamiques multiformes (revendication identitaire, religieuse et trafic de toute nature). Les conséquences de la crise libyenne sont moins préoccupantes qu il y a un an, mais la situation est loin d être totalement stabilisée. La menace de groupes extrémistes, tels que Boko Haram et le Mujao, est toujours présente et les risques de répercussions négatives sur le Niger sont réels, même s ils sont contenus. Enfin, la crise malienne a eu des répercussions sur le Niger, aux plans sécuritaire et humanitaire, avec notamment l afflux de nombreux réfugiés. Les récents progrès avec l élection du nouveau Président de la République au Mali augurent d une relative stabilisation de la situation. Il apparaît donc important que les efforts soient poursuivis, notamment par une approche régionale, afin de réduire au minimum ces menaces et limiter leur impact sur les perspectives économiques du pays. Contexte social et développement humain Renforcement des ressources humaines Les conditions de vie des populations se sont améliorées, mais des progrès restent à faire notamment pour réduire les disparités entre les régions. L indicateur de développement humain (IDH) a légèrement progressé (0.304 en 2013 contre en 2012) mais demeure faible, classant le pays au dernier rang (187 e ) dans l édition 2013 du rapport sur le développement humain du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement). Ce classement masque les progrès en matière de conditions sanitaires, obtenus à la faveur de la mise en œuvre du Plan de développement sanitaire (PDS ), mais reflète également un accès insuffisant aux services sociaux de base en général. En effet, l enquête démographique et de santé de septembre souligne que la 168 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

170 mortalité infantile a significativement baissé, avec un taux de 127 pour mille quand l objectif est de 106 pour mille en Reste que la malnutrition chronique chez les enfants de 0 à 59 mois est de 42.5 % au niveau national. La mortalité maternelle a également baissé à 5.35 pour mille, mais demeure largement au-dessus de l objectif fixé à l horizon 2015 (1.75 pour mille). La séroprévalence au VIH/sida s inscrit également en baisse par rapport à 2006 (0.4 % contre 0.7 %), rendant possible l atteinte de la cible projetée en Niger La lettre de politique éducative vise à relever les performances du secteur. Le taux de scolarisation brut a significativement progressé, se situant à 79.2 % contre 67.8 % en Les disparités géographiques et de genre demeurent toutefois importantes. Malgré les efforts consentis par le gouvernement en matière d éducation, le niveau d instruction de la population demeure faible. Plus de sept femmes sur dix (73 %) et trois hommes sur cinq (60 %) n ont toujours aucune instruction. L état des autres indicateurs sociaux clés, bien que reflétant des progrès, implique de prendre des mesures vigoureuses pour une meilleure satisfaction des besoins de la population : i) deux tiers des ménages (67 %) utilisent de l eau provenant d une source améliorée ; ii) 9 % des ménages utilisent des toilettes améliorées ; iii) très peu de ménages (14 %) disposent de l électricité (contre 9 % en 2006). La satisfaction des besoins de base des populations est rendue plus difficile par l augmentation de la pression démographique avec un indice synthétique de fécondité de 7.6 enfants au niveau national en 2012, contre 7.1 enfants en Les régions de Zinder et de Maradi enregistrent des taux de fécondité record avec respectivement 8.5 et 8.4 enfants en moyenne par femme 2. Le taux de croissance démographique est passé de 3.3 % en 2001 à 3.9 % en 2012, soit le niveau le plus élevé au monde. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Afin de relever les défis socio-économiques pressants, le gouvernement met en œuvre le PDES incluant l initiative 3N. Ce plan entend faire des industries extractives le moteur d une croissance économique inclusive. L enquête nationale sur les conditions de vie des ménages et de l agriculture (ECVMA 2013) indique que le taux de pauvreté est passé de 59.5 % en 2008 à 48.2 % aujourd hui, mais demeure élevé au regard de l objectif de 31.5 % en Par ailleurs, le taux de chômage de 19.1 % est préoccupant dans un contexte où près de la moitié de la population (49.2 %) a moins de 15 ans. Par ailleurs, seulement 2 % des femmes et des hommes possèdent une assurance médicale. Aussi, le gouvernement met l accent sur le renforcement des capacités à délivrer des services publics de qualité, sur la communication pour le développement et sur des interventions pour une meilleure maîtrise de la démographie. Le Niger doit aussi rendre opérationnelle la Politique nationale sur la protection sociale (PNPS) et adopter des mesures en faveur de l insertion des jeunes. Égalité du genre Le Niger apporte un soutien résolu au respect des droits de l homme. Cet engagement s est traduit dans la Constitution par la référence à la Déclaration universelle des droits de l homme et la ratification de la plupart des traités et autres textes internationaux. En particulier, le pays a adhéré en 1999 à la Convention sur l élimination de toutes les formes de discriminations à l égard des femmes (CEDEF). L État a toutefois émis des réserves sur cinq articles de la convention, limitant ainsi sa portée en faveur des droits des femmes. Des avancées ont été enregistrées en matière d égalité des sexes avec un ratio filles/garçons dans le primaire de 82.0 % en 2011 contre 75.9 % en 2008 pour un objectif de 100 % en Le taux de représentation des femmes au niveau des instances de décision reste faible (12 % à l Assemblée nationale), mais le gouvernement a réaffirmé son intention de le porter à 25 %, conformément à la loi sur les quotas. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 169

171 Niger Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique L insertion du Niger dans le commerce international demeure très timide en raison d un appareil productif peu développé. Les chaînes de valeur mondiales (CVM) sont perçues comme représentant une opportunité pour le Niger de tirer un meilleur parti de la mondialisation. En effet, le pays dispose d atouts, notamment un coût du travail modéré, la taille du marché régional qui profite des processus d intégration en cours et l abondance de matières premières. Les secteurs des industries agroalimentaires, extractives et manufacturières offrent de bonnes perspectives de développement des CVM. Leur développement devrait accroître les IDE et les transferts de technologie et de compétences. Les marchés les plus porteurs seraient la Chine et l Afrique de l Ouest. Les principales chaînes de valeur se présentent ainsi : Industrie agroalimentaire : Le gouvernement s efforce de créer de la valeur additionnelle pour les produits commercialisés par les agriculteurs et les éleveurs dans les CVM clés que sont la viande, l oignon et la gomme arabique. Les appuis visent ainsi à intervenir à tous les niveaux de ces chaînes de valeur qui présentent un potentiel important notamment en termes de transformation, ventes, emballage et expédition. En effet, en 2011, le Niger dispose d un cheptel estimé à 9.5 millions de bovins, 9.9 millions d ovins, 13.2 millions de caprins, 1.6 million de camelins, équins et 1.5 million d asins 3.Le cheptel national qui assurait aux populations une consommation moyenne de 107 litres de lait par personne et par an en 1968, ne couvre, de nos jours, qu environ 45 litres par personne et par an, avec une contribution aux exportations estimée à environ 10 milliards XOF 4. S agissant de l oignon dont la variété violet de Galmy est très réputée et demandée dans la sous-région, les pertes dues à des capacités insuffisantes de stockage et de transport s élèvent à plus de 30 %. Le potentiel de gomme arabique susceptible d être exploité est estimé à plus de hectares. Industrie extractive : Principale source d exportation du pays, les industries extractives constituent une enclave au sein de l économie nationale. Elles contribuent très faiblement à la valeur ajoutée nationale, puisque portent exclusivement sur des matières premières brutes comme l uranium. Les autorités axent leurs efforts sur le développement d entreprises nationales dans le secteur minier, soit par la fourniture d intrants, soit par le traitement de la production. Par ailleurs, les opérations de raffinage du pétrole brut ont démarré fin 2011 avec la raffinerie de Zinder. Après la décision prise par les autorités de recourir au pipeline Tchad-Cameroun, les exportations ne devraient pas se faire attendre. Au total, des perspectives importantes de ventes et de distribution existent, tant en interne avec des effets induits sur le secteur des transports, qu à l international avec une production largement supérieure aux besoins du marché. Industrie manufacturière : Le secteur manufacturier, dominé par la tannerie, présente également une opportunité pour la transformation, la création de valeur ajoutée pour les denrées de base et leur vente et distribution. Il contribue à hauteur de 22 % de la valeur totale des exportations et constitue la seconde source de recettes d exportation du Niger après l uranium. Dans ce secteur, les efforts visent notamment à : i) accroître la contribution du secteur cuirs et peaux au développement économique et social afin de réduire la pauvreté ; ii) améliorer la compétitivité des cuirs et peaux à travers un renforcement des capacités des acteurs intervenant dans la chaîne de valeur. Secteur des services : La téléphonie mobile présente des perspectives intéressantes de développement de CVM. Elles portent notamment sur l intégration d activités en amont et en aval avec la fourniture de services Internet, le paiement de factures, les mises à disposition de fonds, l accès aux cours des produits agricoles, aux loisirs numériques (musique, sonneries, etc.). Le développement de ces CVM est un puissant outil de création d emplois, permettant des retombées financières. 170 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

172 Cependant à court terme, la faiblesse de l appareil de production et le poids du secteur informel, limitent une insertion dans les CVM. Le Niger devra lever un certain nombre de contraintes, qui tiennent à la faiblesse des capacités des acteurs, à l insuffisance de la structuration des interprofessions, au manque de respect des normes internationales et des exigences de certification. De même, l accès à l énergie n est pas assez fiable, les infrastructures ne sont pas suffisamment développées et la taille du marché national demeure limitée. Par ailleurs, les CVM pourraient exposer le pays aux risques de crises importées, notamment des chocs de demande ou de fluctuation de taux de change. Elles pourraient avoir des retombées limitées, si elles opèrent sous forme d enclaves c est à dire sans une intégration suffisante avec le reste de l économie nationale. La mise en œuvre des politiques visant à améliorer l environnement des affaires et à favoriser une plus grande interconnexion entre les secteurs d activités, notamment le secteur minier et le reste de l économie, est nécessaire. Ceci afin de faciliter à terme l insertion du Niger dans les CVM, tout en atténuant les risques y afférents. Niger Notes : 1. EDSN MICS (2013). 2. Recensement général de la population et de l habitat (2012). 3. Direction des statistiques/ministère de l Élevage et des Industries animales. 4. Prodex. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 171

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174 NIGERIA 2014 Barbara Barungi / b.barungi@afdb.org

175 Nigeria NIGERIA Le Nigeria devrait maintenir un rythme de croissance soutenu, grâce aux performances des secteurs non pétroliers de son économie agriculture, technologies de l information et des communications, commerce et services. Mais l érosion du secteur pétrolier assombrit ces perspectives. Les indicateurs sociaux commencent à s améliorer avec la mise en œuvre de réformes sociales en phase avec les objectifs du Millénaire pour le développement. Le Nord-Est du pays reste toutefois confronté à l action de groupes armés. Le Nigeria peut progresser dans les chaînes de valeur mondiale s il parvient à valoriser ses exportations de produits agricoles, à s industrialiser et à intégrer progressivement son vaste secteur informel dans l économie formelle, avec en perspective une croissance plus inclusive, un fort potentiel de création d emplois, une amélioration des revenus et un recul de la pauvreté. Vue d ensemble Le Nigeria a mis à jour la base de calcul de son PIB, en prenant 2010 comme année de référence au lieu de 1990 jusqu à présent. La taille estimée de l économie s est ainsi accrue de 89 %. Le Nigeria s enorgueillit désormais d être la première économie d Afrique avec un PIB nominal estimé 510 milliards USD, bien supérieur aux 352 milliards USD de l Afrique du Sud. L exercice révèle par ailleurs un degré de diversification de l économie plus élevé qu on ne le pensait. Le Nigeria a enregistré une expansion impressionnante au cours de la dernière décennie, avec une croissance record de son produit intérieur brut (PIB) estimée à 7.4 % en 2013, contre 6.7 % en Ce rythme de croissance est supérieur à la moyenne de l Afrique de l Ouest et beaucoup plus élevé qu en Afrique subsaharienne. L économie nigériane reste soutenue par l évolution favorable du secteur non pétrolier avec une croissance réelle du PIB de 5.4 %, 8.3 % et 7.8 % en 2011, 2012 et 2013 respectivement. L agriculture, le commerce et les services sont toujours les principaux moteurs de la croissance du secteur non pétrolier. La performance du secteur pétrolier a été décevante, avec des taux de croissance annuels estimés à 3.4 %, -2.3 % et 5.3 % pour 2011, 2012 et 2013 respectivement. Le secteur des hydrocarbures a souffert en 2013 des perturbations de l approvisionnement provoquées par des vols de pétrole et des actes de vandalisme sur les oléoducs, et de la contraction des investissements dans les activités en amont; aucun nouveau gisement exploitable n a été découvert. Le pays affiche des perspectives de croissance économique vigoureuse, malgré des risques de fléchissement. Leur concrétisation suppose toutefois une consolidation de la croissance de l économie mondiale, de bonnes récoltes, le succès du Programme de transformation agricole et de la réforme du secteur de l électricité, cette dernière devant permettre d accroître la production et d améliorer la distribution. L amélioration de la croissance passe aussi par de profondes réformes économiques et structurelles. Cependant, le changement de la base de calcul du PIB du pays pourrait faire diminuer les chiffres de la croissance, et signaler un ralentissement des progrès vers une économie à l assise élargie. La croissance de l économie nigériane est suspendue à l atonie de la reprise de l économie mondiale, aux problèmes de sécurité dans le Nord-Est du pays, aux rivalités persistantes pour le contrôle des ressources dans le delta du Niger, et à la suspension possible des réformes en cours à l approche des élections générales prévues en De plus, la contraction du secteur pétrolier continuera de peser sur la croissance tant qu aucune solution durable ne remédiera aux vols de pétrole et à la faiblesse des investissements dans les activités d exploration. En effet, le nouveau projet de loi sur le secteur des produits pétroliers (Petroleum Industry Bill) n a toujours pas été adopté, maintenant l incertitude régnant dans le secteur. 174 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

176 Le Nigeria doit s attacher à rendre plus inclusive la croissance qu il enregistre depuis une décennie. La pauvreté et le chômage restent des fléaux, du fait notamment que les bienfaits de la croissance économique ne se répercutent pas suffisamment sur les pauvres. Les autorités du pays en sont conscientes. C est pourquoi les initiatives et le dialogue sur la politique publique donnent actuellement la priorité à la lutte contre la pauvreté, à la création massive d emplois et à la protection des catégories les plus vulnérables et des travailleurs du vaste secteur informel. Le budget 2014 adopté sous forme de loi par l Assemblée nationale privilégie ainsi la création d emplois et une croissance plus inclusive. Nigeria L intégration accrue des pauvres dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) est essentielle pour réduire la pauvreté. L agriculture, une activité largement informelle, emploie environ 70 % de la main-d œuvre du pays, dont une forte proportion de pauvres. L ajout de valeur aux produits agricoles exportables créera davantage d emplois via l intégration en amont et en aval à d autres secteurs de l économie, étoffera les recettes d exportation, améliorera le revenu des Nigérians pauvres et atténuera l incidence de la pauvreté. Figure 1. Taux de croissance du PIB réel % 12 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l Ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Selon les estimations, à prix courants, le PIB nigérian dont la base de calcul a été mise à jour en prenant 2010 comme année de référence au lieu de 1990 équivalait à environ 273 milliards USD à la fin de Cette performance relève en grande partie du secteur non pétrolier, en dépit de sa très faible contribution aux recettes d exportation. De 2011 à 2013, la croissance annuelle du BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 175

177 Nigeria secteur non pétrolier était en moyenne de 7.1 %, avec un pic à 8.3 % en 2012, tandis que celle du secteur pétrolier a connu une moyenne de 2 % avec une croissance négative de 2.2 % en 2012 qui s est sensiblement améliorée à 5.2 % en Malgré cette faible performance, ce dernier a représenté 96 % du total des recettes d exportation en 2013 (estimation). Mais la contribution relative des deux secteurs aux recettes budgétaires évolue : pour la première fois depuis plusieurs décennies, celle du secteur pétrolier est tombée à 40 % au troisième trimestre de Le taux de croissance du PIB réel est ressorti à 7.4 % (estimation) fin 2013, contre 6.7 % en Ce bon résultat relève principalement des solides performances du secteur non pétrolier : agriculture, bâtiment et travaux publics (BTP) et hôtels - restaurants. L agriculture a été plus productive. Les récoltes ont bénéficié des mesures destinées à endiguer les inondations et d une bonne pluviosité. Le Programme de transformation agricole commence également à porter des fruits. Par ailleurs, le PIB mis à jour révèle également l émergence de nouvelles activités du secteur non pétrolier qui stimulent la croissance. La plus importante est l industrie de production cinématographique, sonore et musicale, connue sous le nom de Nollywood. Le secteur pétrolier a pâti par contre des perturbations de l approvisionnement, imputables notamment aux vols de pétrole et au soutage illégal, ainsi qu à des actes de vandalisme sur les oléoducs. Le retard pris dans l examen du projet de loi sur le secteur des produits pétroliers contribue probablement à la faiblesse des investissements dans l exploration et l exploitation de pétrole et de gaz, d où l absence de découverte de nouveaux gisements en Au bout du compte, l extraction de pétrole brut est tombée en moyenne à 2.31 millions de barils par jour en 2012 puis à 2.21 millions en La récente remise en état de plusieurs oléoducs vandalisés devrait toutefois relancer la production. On espère aussi que les efforts déployés par les autorités pour lutter contre les vols de pétrole porteront bientôt leurs fruits, ce qui permettrait au secteur de renouer avec une croissance positive. Grâce au resserrement de la politique monétaire, la banque centrale (Central Bank of Nigeria CBN) a réussi à maintenir l inflation en-dessous de la barre des 10 % en 2013 (tableau 1). En glissement annuel, l inflation non corrigée est ressortie à 8.6 % (estimation) en 2013, son plus bas niveau depuis cinq ans. Le taux directeur, principal déterminant des taux d intérêt, est stabilisé à 12 % depuis Les bonnes récoltes, la faiblesse de l inflation sous-jacente (hors produits alimentaires et énergie) ainsi que la modération des prix des produits alimentaires ont contribué à la stabilité générale des prix. La mise en chantier de la raffinerie privée que fait construire le magnat nigérian Aliko Dangote, pour un coût estimé à 9 milliards USD, a représenté un investissement majeur en Lorsque cette raffinerie sera achevée, elle devrait offrir une capacité installée de barils par jour, qui viendra compléter la production actuelle des quatre raffineries nigérianes. Celles-ci offrent une capacité cumulée de barils par jour, mais elles produisent en réalité beaucoup moins. L État recherche par ailleurs des partenaires chinois pour financer la construction de nouvelles raffineries, et il a déjà signé un protocole d accord. En moyenne, les recettes d exportation et les dépenses d importation ont toutes deux diminué, mais les premières davantage que les secondes. Le tassement des recettes d exportation s explique essentiellement par la baisse d environ 10 % des revenus provenant des exportations de pétrole brut et de gaz. Les entrées de capitaux étrangers ont au contraire progressé de 28.3 % en 2013, pour se monter à 21.3 milliards USD contre 16.6 milliards USD en Ces entrées se composent à 83 % de flux de portefeuille, ceux-ci enregistrant un bond de 55 % par rapport à 2012, et à 17 % de flux d investissements directs étrangers (IDE), ces derniers reculant de 21.4 % en Ce recul des IDE s explique en partie par l atonie de la reprise économique mondiale, et au fait qu une grande proportion des IDE est destinée au secteur pétrolier, lui-même en contraction. Les réserves de change sont tombées à 43.6 milliards USD à la fin de 2013, contre milliards USD en Cette baisse est imputable à deux facteurs : les recettes issues des exportations de pétrole continuent de diminuer, et de leur côté les autorités monétaires puisent dans les réserves de change pour maintenir la valeur du naira nigérian (NGN) face au dollar des États-Unis. Néanmoins, à leur niveau actuel, les réserves extérieures du pays couvrent encore environ dix mois d importations. 176 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

178 Les perspectives de croissance économique restent solides : 7.2 % en 2014 et 7.1 % en 2015 (prévisions). Pour les concrétiser, le Nigeria devra maintenir le cap actuel et approfondir les réformes en cours. La privatisation de la production et de la distribution de l électricité devraient améliorer l efficacité énergétique et la production électrique et, par conséquent, dynamiser les activités de production et renforcer les effets positifs attendus de la réforme agricole et des autres grandes réformes structurelles et économiques. Cependant, des tensions inflationnistes pourraient réapparaître avec la probable hausse des dépenses publiques dans un contexte préélectoral. Nigeria Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche 32, dont pêche 1.0 0,5 Mines 37,6 14,5 dont pétrôle 37,4 14,4 Manufactures 2,4 6,8 Electricité, gaz et eau 0,2 1,3 Construction 1,3 3,1 Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants 14,8 17,5 dont hôtels et restaurants 0,4 0,5 Transports, entreposage et communications ,2 Finance, immobilier et services aux entreprises ,6 Services des administrations publiques 0,7 3,6 Autres services 1,2 4,4 Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politique macroéconomique Politique budgétaire En 2012 et en 2013, la politique budgétaire a été axée sur une consolidation des comptes, de sorte à stabiliser les indicateurs macroéconomiques. Le déficit budgétaire a représenté -1.8 % du PIB en 2013 (estimation), contre -1.4 % en 2012, mais en-dessous du seuil maximum de 3.0 % autorisé dans la loi de finances (Fiscal Responsibility Act). Concernant le pétrole, le Cadre des dépenses à moyen terme (Medium Term Expenditure Framework) et le Document de stratégie budgétaire (Fiscal Strategy Paper) ont adopté un cours de référence de 74 USD le baril pour 2014, de 75 USD pour 2015 et de 76 USD pour Le budget 2014 présenté aux parlementaires se réfère quant à lui à un cours de 77.5 USD. Le budget 2012 a été promulgué par le président de la République fédérale du Nigeria au mois d avril 2013, suivant son adoption l année précédente par les députés. Ce budget a été exécuté à 71.6 %. Le budget 2013 a été signé par le président dès février 2014, soit deux mois plus tôt que pour l exercice précédent, les pouvoirs exécutif et législatif ayant pu rapidement s entendre sur la répartition des lignes. Le budget 2013 a été exécuté à environ 70.0 %. D après les estimations, les dépenses d investissement ont représenté 23.9 % du total des dépenses en 2013, contre 24.3 % en La part des dépenses sociales (santé, éducation et services connexes) avait augmenté au cours de l exercice précédent, passant de 10.0 % des dépenses d investissement en 2011 à 11.1 % en 2012, tandis que celle des services marchands (agriculture et infrastructures) a été ramenée de 42.1 % à 36.7 % sur la même période. La contribution du Plan d autonomisation et de réinvestissement des subventions (Subsidy Reinvestment and Empowerment Sure-P) s est chiffrée à environ milliards NGN (1.72 milliard USD). Les dépenses d investissement ont ainsi totalisé milliards NGN (13.03 milliards USD) en Dans le cadre de sa politique de prudence budgétaire et face à l accroissement de sa dette, l État a contenu le volume de ses emprunts, en application de la loi de responsabilité budgétaire (Fiscal Responsibility Act) de Selon les chiffres de la Direction générale de la dette (Debt BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 177

179 Nigeria Management Office), l encours de la dette publique du Nigeria s élevait à milliards USD au 31 décembre La dette extérieure de l État fédéral et des États fédérés ne représente que 8.82 milliards USD de ce total, dont quelque 38.2 % dus par les États fédérés. La dette intérieure se monte à milliards USD, soit 86.3 % du total de la dette. En 2014, les nouveaux emprunts devraient se chiffrer à 572 milliards NGN (3.62 milliards USD), en léger repli par rapport à 2013 (577 milliards NGN, soit 3.65 milliards USD). Le recul persistant des recettes pétrolières induit un risque de dérapage budgétaire et il influera sur l évolution du solde à moyen terme. Les recettes totales ont affiché une tendance baissière tout au long de Sur la même période, les recettes non pétrolières ont toutefois augmenté sensiblement, contrebalançant partiellement le tassement des recettes pétrolières. Si ce recul de ces dernières n était pas enrayé et si les recettes non pétrolières cessaient d augmenter, le budget pourrait déraper, compromettant les effets escomptés des réformes engagées et, plus généralement, l activité économique. Comme il n est guère possible d ajuster mécaniquement les dépenses récurrentes (salaires et frais généraux pour l essentiel), l État est en train d ajuster les autres dépenses pour faire face à la diminution de ses recettes: les dépenses d investissement ont été nettement revues à la baisse, ce qui pourrait freiner la croissance et l activité économique du pays. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Recettes pétrolières Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire Le taux directeur a été maintenu à 12.0 % en 2013, le taux fixé en décembre Cette orientation de politique monétaire avait pour objectif de ramener l inflation sous la barre des 10 % et a produit le résultat attendu. Pour la première fois en cinq ans, l inflation a reculé à 8.6 % en 2013 (contre 12.2 % en 2012), atteignant son plus bas niveau en glissement (7.8 %) en octobre. Sur la même période, l inflation moyenne sous-jacente (hors alimentation et énergie) a elle aussi reculé, passant de 13.3 % en 2012 à 6.8 % en Le coefficient de trésorerie et le ratio de liquidité ont également été maintenus à respectivement 8.0 % et 30.0 %. À compter du mois d août 2013 et jusqu à la fin de l année, la CBN a appliqué un coefficient de trésorerie de 50 % à tous les fonds publics déposés dans les banques commerciales. Le resserrement monétaire n a toutefois pas fait baisser les taux d intérêt, lesquels se sont établis, en moyenne, à 12.0 % en La banque centrale a continué de soutenir le taux de change grâce aux réserves extérieures, en procédant à des enchères négatives (Retail Dutch Auction System) bi-hebdomadaires de dollars, ce qui a stabilisé le taux de change à environ 158 NGN pour 1 USD en 2012 et Le crédit accordé au secteur privé a augmenté. Mesuré en pourcentage du PIB, il est passé d un montant de 34.6 % fin 2011 à 37.3 % en 2012, et il s est maintenu au-dessus de 30 % en Cette évolution reflète le potentiel de dynamisme du secteur privé du Nigeria. Le pays dispose d un marché financier formel, mais une forte proportion de ses habitants ne possède toujours 178 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

180 pas de compte bancaire. Le taux d exclusion financière de la population adulte se monte à 46.3 %. Cette situation est généralement attribuée à un faible niveau d instruction, aux barrières culturelles, au chômage et au manque de documents d identité. C est l un des plus élevés en Afrique subsaharienne. Pour tenter de remédier à ce problème, la CBN a lancé en octobre 2012 une stratégie nationale d inclusion financière et un fonds pour le développement des microentreprises et des petites et moyennes entreprises (Micro, Small and Medium Enterprises Development Fund), avec pour objectif de réduire à 20 % le taux d exclusion financière d ici 2020, conformément à l engagement énoncé dans la «Déclaration de Maya» du G 20 en La CBN poursuit dans ce cadre une politique de dématérialisation financière (Cashless Society Policy), et elle va inaugurer des services financiers mobiles dans le pays, de sorte à élargir l accès aux services financiers et à améliorer ainsi l efficacité de sa politique monétaire. Nigeria Deux facteurs risquent cependant de menacer, à long terme, la viabilité de cette politique. Premièrement, les élections générales prévues en 2015 risquent d entraîner un gonflement des dépenses budgétaires au-delà de la normale, comme cela a déjà été le cas par le passé. La CBN aurait alors davantage de difficultés à absorber l excédent de liquidité et à stabiliser le taux de l inflation. Par ailleurs, les changements de personnes récemment intervenus à la tête de la CBN pourraient se traduire par une réorientation de la politique monétaire. Coopération économique, intégration régionale et commerce En ce qui concerne la coopération économique et l intégration régionale dans la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO), l une des évolutions les plus remarquables a été l adoption, en octobre 2013, du tarif extérieur commun (TEC) à cinq bandes, qui entrera en vigueur au 1 er janvier La décision la plus importante est la réduction des droits de douane à l importation, ramenés de 12.0 % à 11.5 %, au titre de la clause de la nation la plus favorisée. Cette décision fait date, étant donné les controverses et désaccords antérieurs entre pays membres de la CEDEAO depuis l ouverture des négociations en L abaissement des droits de douane devrait contribuer à assouplir les restrictions aux échanges et à harmoniser et renforcer le marché commun de la CEDEAO. C est l une des conditions nécessaires à la création d une union douanière et d une politique commerciale commune qui devraient s accompagner d une coopération et d une intégration économiques plus poussées au niveau régional. Pour que cette stratégie porte ses fruits, il faut que tous les membres se conforment pleinement aux directives, ce qui suppose un suivi efficace afin d empêcher toute atteinte aux règles. Ce suivi et l application du TEC nécessitent également un renforcement des capacités, tant au niveau national que régional. Les pays membres de la CEDEAO concertent leurs efforts concertés pour mettre en œuvre le TEC. Le Nigeria protège toutefois son agriculture, conformément à son Programme de transformation agricole, mais dans le cadre de la politique agricole commune de la CEDEAO. En 2013, le secteur pétrolier a continué d occuper la première place des exportations et importations de marchandises. Les exportations de pétrole nigérian ont représenté, en moyenne, 96.7 % du total des exportations. La part des importations de produits pétroliers raffinés, en augmentation constante (de 26.7 % en 2008 à 35.8 % en 2012), a avoisiné 30 % du total des importations en La part des importations dans le total des échanges a légèrement décru, passant à 23.2 % en 2013 (estimation) contre 25.2 % en 2012, en raison des problèmes endémiques du secteur pétrolier: atonie de la demande mondiale en raison des lenteurs de la reprise économique, découverte de produits de substitution au pétrole et au gaz, par exemple l huile de schiste, et développement de véhicules fonctionnant avec des sources d énergie alternatives, telles les voitures électriques ou hybrides. Conscient de l importance des ports qui, en facilitant les transactions entre entreprises, favorisent la coopération économique et soutiennent le commerce régional, le gouvernement fédéral veut accélérer la réforme de ce secteur engagée en Les opérations portuaires pâtissaient auparavant d une centralisation excessive, de tarifs élevés, d infrastructures insuffisantes, de formalités pesantes et d une multiplicité d agences publiques. Tous ces facteurs BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 179

181 Nigeria empêchaient les ports nigérians de devenir compétitifs et attrayants en Afrique de l Ouest. La réforme prévoit un système portuaire efficace et piloté par le secteur privé, au service du développement économique. Elle accorde à des opérateurs privés la concession des ports, ramène de 14 à 7 le nombre des agences publiques, et instaure un service fonctionnant 24 heures sur 24. Elle a déjà permis de réduire les délais d attente et d immobilisation du fret, et d améliorer la sécurité des navires à quai et des marchandises dans les terminaux. Il ne faut plus que sept jours désormais, contre 39 naguère, pour régler les formalités de douane. Avant la réforme, des prestataires de services d inspection étaient accrédités pour procéder aux contrôles portuaires. Depuis le 1 er décembre 2013, cette fonction de contrôle a été transférée aux douanes nigérianes, ce qui devrait encore réduire les coûts et pourrait réduire le délai de dédouanement des importations à 24 heures au maximum. Cette réforme contribuera à faire du Nigeria en une grande plateforme logistique en Afrique de l Ouest, et à renforcer l intégration régionale entre les pays membres de la CEDEAO. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette La direction générale de la dette du Nigeria a élaboré une stratégie à moyen terme pour le pays, avec trois objectifs : i) développer le marché de la dette intérieure, ii) couvrir à moindre coût les besoins de financement de l État ; et iii) endiguer les risques budgétaires. Il s agit principalement de réduire progressivement la dette intérieure, qui a augmenté ces derniers temps, pour parvenir à un ratio de 60 % de dette intérieure et de 40 % de dette extérieure. La politique de la dette reste par conséquent axée sur la prudence budgétaire et sur la limitation des emprunts, conformément à la loi de responsabilité budgétaire. L encours de la dette extérieure du Nigeria a régulièrement diminué depuis la signature d un accord d allègement de sa dette avec le Club de Paris en L encours total de la dette nigériane s élevait alors à 20.7 milliards USD. À la suite de cet accord et des réformes structurelles déployées entre 2005 et 2007, l encours s est contracté à 3.7 milliards USD en 2008, avant de remonter à 8.8 milliards USD à la fin de Le volume insuffisant des recettes publiques et le déficit budgétaire enregistré en 2013 risquent d accroître encore l encours, qui s approcherait alors dangereusement de son niveau antérieur à l accord de L évolution structurelle de la dette extérieure est également préoccupante : elle se compose de plus en plus d emprunts commerciaux, et de moins en moins d emprunts multilatéraux ou concessionnels, car le Nigeria est devenu une économie de la tranche inférieure de revenu intermédiaire, d après la classification de la Banque mondiale, ce qui le privera désormais d un accès de droit à des prêts concessionnels au titre de l aide internationale. Fin septembre 2013, la dette commerciale représentait 18.5 % de la dette extérieure totale. Même si l évolution de la dette n est pas encore alarmante, la direction de la dette et les autorités budgétaires doivent la surveiller de près et déployer des efforts concertés pour éviter que la situation ne se dégrade. Le poids croissant du service de la dette et des paiements risque, sinon, de comprimer la marge de manœuvre budgétaire qu offrent les prêts bilatéraux et autres prêts concessionnels qui composaient hier l essentiel de la dette extérieure du pays. Il pourrait aussi avoir une incidence négative sur la notation, actuellement favorable, de la dette souveraine nigériane. 180 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

182 Cependant, la dette intérieure dépasse largement la dette extérieure, et ressortait à 45.7 milliards USD fin Rien n indique qu elle diminuera dans les prochaines années, étant donné, en particulier, l incertitude entourant les flux des recettes pétrolières. L État a pris des mesures d urgence : il a fait appel à un cabinet de consultants pour définir avec l administration fiscale fédérale ce qu il convient de faire pour accroître et continuer de diversifier les sources de recettes. Nigeria Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Le climat des affaires du Nigeria s est considérablement amélioré ces dernières années. Selon le rapport annuel de la Banque mondiale Doing Business, le pays figure dans le groupe des 20 économies (sur 189) qui ont le plus progressé depuis 2006 en direction de la «frontière», c est à dire de la moyenne des meilleures performances enregistrées, pour l indicateur «obtention de prêts». Néanmoins, le Nigeria a reculé au classement général de Doing Business, passant du 131 e rang sur 185 pays examinés en 2013 au 147 e rang sur 189 pays en Sa note s est dégradée pour six des dix indicateurs considérés (création d entreprise, obtention de permis de construire, raccordement à l électricité, obtention de crédit, protection des investisseurs et paiement des taxes et impôts). Le pays gagne toutefois des places sur les critères du commerce transfrontalier et de l exécution des contrats, et il conserve le même rang en matière de transfert de propriété et de règlement de l insolvabilité. Le Nigeria figure par ailleurs dans le groupe des dix pays d Afrique subsaharienne qui se sont dotés d un tribunal de commerce afin de réduire les délais nécessaires au règlement des contentieux et permettre l exécution des contrats. Le Nigeria recule par ailleurs au classement du Forum mondial sur la compétitivité et l innovation : il a été relégué à la 120 e place sur 148 pays dans le rapport 2013/14, alors qu il était classé 115 e sur 144 pays dans le rapport précédent. Le Nigeria continue également de pâtir de son déficit d infrastructures, surtout pour la fourniture et le transport de l électricité, ainsi que de son sous-investissement dans le capital humain. Il a toutefois engagé des réformes ambitieuses pour remédier à ces problèmes. La privatisation du BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 181

183 Nigeria secteur de l électricité, par exemple, a été achevée en novembre L État a conservé l activité de transport, mais transféré la production et la distribution à des entreprises privées. En outre, il a déployé des efforts pour résoudre d autres problèmes d infrastructures. Ainsi, en 2013, il a élaboré un schéma directeur national intégré (National Integrated Infrastructure Master Plan NIIMP) pour enrayer le délabrement de ses infrastructures. Ce plan, sur 30 ans, vise à accélérer le développement en priorisant les secteurs essentiels : énergie, transports, logement, eau, technologies de l information et des communications. Les autres catégories prises en compte dans le schéma sont les infrastructures agricoles, minières, sociales et sécuritaires. Le NIIMP a pour objectifs de développer les infrastructures sur la base d une approche coordonnée, de renforcer les interactions entre les secteurs d infrastructures et l économie nationale, et d harmoniser et d intégrer divers plans d infrastructures. Son coût est estimé à milliards USD, dont 48 % en provenance du secteur privé. Ce programme est très prometteur pour développer les infrastructures du Nigeria, mais plusieurs problèmes subsistent : les capacités financières et humaines disponibles pour la mise en œuvre du NIIMP demeurent faibles, et celle-ci est également exposée à un risque politique d ici l élection présidentielle de 2015 et au-delà, avec les habituels changements ministériels qu implique ce scrutin. Secteur financier Le secteur financier reste caractérisé par la prédominance des banques et du marché des capitaux, qui ne cesse de gagner en importance. La capitalisation de ce marché avoisinait milliards NGN (82.8 milliards USD) à la fin de 2013, contre milliards NGN en décembre 2012, ce qui reflète la reprise en cours. Les excellentes performances enregistrées en 2013 ont été soutenues par le regain de confiance des investisseurs dans le marché des capitaux, grâce à l amélioration du cadre réglementaire et des résultats financiers des sociétés cotées, ainsi qu à la solidité des fondamentaux macroéconomiques du pays. La mise en place, en 2010, d une entité chargée de racheter les créances bancaires douteuses, l Asset Management Corporation of Nigeria (Amcon), a contribué à la stabilité du système financier, et tout particulièrement des banques. L Amcon a absorbé plus de milliards NGN d actifs toxiques, recapitalisé trois banques et recouvré quelque milliards NGN de prêts improductifs. Couplées à la régulation exercée par la banque centrale, ces mesures ont permis l émergence d un système bancaire solide et ramené la proportion de prêts improductifs de 28.8 % en juin 2010 à 11.6 % en 2011, puis à 4.3 % en 2012 et à 3.8 % en avril En 2011, les actifs du système financier se chiffraient à milliards NGN, dont 78.7 % étaient détenus par les 20 banques commerciales du pays. Sur ce total, 60 % sont concentrés dans cinq banques commerciales. Cette forte concentration bancaire pourrait être source d instabilité dans le secteur financier si l un ou l autre de ces cinq établissements rencontrait des problèmes de liquidité. Les banques ont montré qu elles étaient à même de proposer aux grands investisseurs solvables des financements pour mener des projets d envergure ou investir dans des titres d emprunt publics. En revanche, elles délaissent les petites et moyennes entreprises, qui sont pourtant les meilleurs leviers potentiels d une croissance inclusive. Il faut relever néanmoins que dans le rapport Doing Business, le Nigeria affiche depuis 2009 un bon score pour le critère de la facilité à obtenir un prêt, critère qui le classe à la 13 e place sur 189 pays dans l édition Le projet de refonte de son architecture financière devrait insuffler un élan supplémentaire au développement du secteur financier et lui permettre de soutenir davantage les autres volets de l économie. D autres catégories d établissements financiers non bancaires, en particulier les sociétés d assurance et les fonds de pension, se développent également, et disposent encore d un fort potentiel de croissance. En 2013, le secteur de l assurance a contribué au PIB nigérian à hauteur d environ 1.5 %. De leur côté, les fonds de pension connaissent une expansion phénoménale : déficitaires de16.3 milliards USD en 2004, ils ont dégagé un excédent de 19.3 milliards en 2012, puis d environ 23.2 milliards en D après les projections, leurs actifs totaliseront 182 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

184 100 milliards USD en Mais faute de passerelles entre les fonds et l économie réelle, leurs retombées positives sur les autres secteurs pourraient être très limitées. À moyen terme, les fonds de pension risquent également de provoquer des bulles d actifs, étant donné leur poids et leur potentiel de croissance considérable par rapport aux autres instruments d investissement. La mise en place d intermédiaires financiers privés, tels que des banques spécialisées, des fonds d assurance ou des organismes de microfinance, renforcerait les liens, actuellement ténus, entre les fonds de pension et l économie réelle. Nigeria Gestion du secteur public, institutions et réformes Le Nigeria poursuit son assainissement budgétaire et continue d améliorer l efficience de l utilisation de ses fonds publics. À cette fin, l entreprise publique nationale d électricité, la Power Holding Company of Nigeria, a été récemment scindée en 15 entités : cinq filiales de production (les Genco) et dix filiales de distribution (les Disco). En octobre 2013, ces entités ont été officiellement transférées à de grands investisseurs privés. Cette vente devrait rapporter 3.3 milliards USD à l État fédéral. La réforme de l ensemble du secteur de l électricité aurait été compromise si la distribution de l électricité avait continué d être gérée par l État, les pouvoirs publics ayant démontré dans le passé leur impuissance dans ce domaine. C est pourquoi la distribution a elle aussi été privatisée. La gestion des finances publiques est de plus en plus transparente et compétitive grâce aux agences publiques, telles le bureau chargé de la passation des marchés publics (Bureau of Public Procurement), qui s attache au respect des procédures, et l ITIE Nigeria (Initiative pour la transparence dans les industries extractives au Nigeria NEITI), qui veille à la transparence de l industrie pétrolière. Le Nigeria continue en outre à réformer son secteur public. Avec l aide de la Banque mondiale, l État fédéral a commencé à implanter un système de gestion intégrée des finances publiques, afin de renforcer et d améliorer l efficience de ses dépenses et recettes. De surcroît, le pays s est doté d un compte de trésorerie unique (Treasury Single Account) et a modernisé son système intégré d information sur la masse salariale et le personnel (Integrated Payroll and Personnel Information System) pour couvrir l ensemble des ministères, départements et agences en Ces réformes ont permis des économies budgétaires substantielles : plus de 850 milliards NGN rien que dans le secteur pétrolier. Par le passé, les pouvoirs publics se sont efforcés de lutter contre la corruption, mais il reste beaucoup à faire, comme en atteste la dernière édition du Rapport mondial sur la corruption publié par Transparency International. Dans l indice de perception de la corruption, le Nigeria est en effet passé de la 139 e place sur 174 pays en 2012 à la 144 e place sur 175 pays en Il lui faut donc redoubler d efforts dans ce domaine. Gestion des ressources naturelles et environnement Au plus fort de l expansion du marché du pétrole brut, en 2008, la part des recettes pétrolières dans le total des recettes a culminé à 83.0 %. Elle a décru à 65.9 % après le krach de ce marché en 2009, elle est ensuite remontée à 79.9 % en 2011, avant de se tasser à 75.3 % en Pour que la tendance reste positive, le Nigeria doit intensifier ses efforts en vue de limiter les vols de pétrole et les actes de vandalisme sur les oléoducs. De plus, les substantiels revenus non pétroliers que le pays a récemment engrangés (la part de ces revenus dans le total des recettes a atteint le niveau record de 40 % au troisième trimestre 2013) devraient lui permettre d être moins tributaire de ses recettes pétrolières. Pour s assurer de la transparence et de la reddition de comptes dans le secteur pétrolier et gazier, la NEITI a réalisé un audit couvrant les années 2009 à D après ses calculs, les flux financiers générés par l industrie extractive du Nigeria ont totalisé milliards USD sur cette période. Le projet de loi en voie d adoption sur le secteur des produits pétroliers devrait contribuer à assainir la situation dans cette branche, ainsi qu à encourager la transparence de l administration BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 183

185 Nigeria de ces ressources. Il permettra aussi de créer un environnement d affaires propice aux opérations pétrolières, de mettre en place des agences de réglementation efficientes et efficaces, et d aider le pays à promouvoir une industrie pétrolière viable et durable. Les appels réitérés de toutes les parties prenantes en faveur de l adoption de ce projet de loi devraient aboutir en Le Nigeria s est doté en 2012 d un fonds souverain avec pour objectif une gestion prudente des ressources et recettes pétrolières quand elles excédent les recettes prévues au budget sur la base du cours de référence du pétrole brut. Ce fonds a reçu une dotation initiale de 1 milliard USD et comporte trois volets : i) le fonds pour les générations futures (Future Generations Fund), ii) le fonds pour le développement des infrastructures (Infrastructure Fund) et iii) le fonds de stabilisation budgétaire (Stabilisation Fund). Ces trois fonds relèvent d un organisme statutaire, la Nigerian Sovereign Investment Authority, qui a réalisé son premier investissement en Elle a transféré plus de 200 millions USD à trois prestataires de services financiers mondiaux gérant des portefeuilles obligataires : 50 millions USD ont été confiés au groupe bancaire UBS pour qu il investisse dans des bons du Trésor des États-Unis, et 150 millions USD au Crédit Suisse et à Goldman Sachs pour constituer un portefeuille d obligations d entreprises américaines. Contexte politique En 2013, la vie politique au Nigeria s est caractérisée par des alliances et des partenariats stratégiques dans la perspective des élections générales de En février 2013, trois grands partis de l opposition, le Congress for Progressive Change, l Action Congress of Nigeria et le All Nigeria People s Party ont fusionné pour former le All Progressives Congress. Ce nouveau parti entend s implanter dans toutes les régions du pays pour devenir un parti fort et crédible. Actuellement, le parti au pouvoir détient 18 États fédérés et l opposition 16, mais le jeu reste ouvert. L élection régionale prévue dans l État d Anambra (Sud-Est du Nigeria) en novembre 2013 était considérée comme un test pour les élections de Elle a été reprogrammée dans plusieurs circonscriptions en raison de problèmes logistiques et de soupçons de corruption d agents électoraux. À la suite du regain d activité de l organisation islamiste Boko Haram dans le Nord-Est, l état d urgence décrété par la présidence dans trois États de la région a été prolongé de six mois par l Assemblée nationale, en novembre Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Le Nigeria n a pas progressé dans l Indice de développement humain (IDH) des Nations Unies. Avec un score de en 2012, le pays affiche des performances inférieures à la moyenne de l Afrique subsaharienne (0.475). Les efforts qu il déploie pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ont néanmoins produit certains des résultats escomptés. Le Nigeria a ainsi réduit significativement son taux de mortalité infantile, qui est tombé de 126 décès d enfants de moins de cinq ans pour naissances vivantes en 1990 à 78 décès en 2012, ainsi que son taux de mortalité maternelle, qui a décru de à 630 décès pour naissances vivantes sur la même période. La proportion des accouchements assistés par un personnel qualifié a atteint 53.6 % en 2012, contre 38.9 % en La mise en œuvre du Programme pour l éducation universelle de base, introduit en 1999, a amélioré le taux d inscription à l école primaire. Cependant, si le taux d inscription a de l importance, le taux d achèvement de la scolarité en a plus encore. Or, selon l édition 2012 du Rapport mondial de suivi de l EPT (éducation pour tous) de l Organisation des Nations Unies pour l éducation, la science et la culture (Unesco), le Nigeria compte 10.5 millions d enfants non scolarisés, et 26 % des inscrits ne terminent pas le cycle d enseignement primaire. Néanmoins, 72.1 % des ans sont alphabétisés. 184 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

186 Le budget de l éducation reste faible. De 12.2 % en 1985, sa part dans le budget général a reculé à 8.5 % en 2013, soit 17.5 points de pourcentage de moins que le niveau recommandé par l Unesco. Et seulement 18 % du budget de l éducation ont été alloués en 2012 aux dépenses d investissement. Nigeria Environ 7.7 % des quelque 40 millions de personnes affectées par le sida dans le monde vivent au Nigeria. Le taux de prévalence au VIH/sida a toutefois reculé à 3.4 % en 2012 dans le pays, contre 4.1 % en 2010 et 4.6 % en Il varie par ailleurs considérablement d un État fédéré à l autre : d après l enquête National HIV/AIDS and Reproductive Health Survey-Plus de 2012, l État de Rivers affiche la prévalence la plus forte (15.2 %) et l État d Ekiti la plus faible (0.2 %). C est dans le groupe des femmes et jeunes filles, en particulier parmi les ans, que le taux de prévalence est le plus élevé. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Le Nigeria n est pas encore parvenu à rendre plus inclusive la croissance soutenue qu il enregistre depuis une décennie. La pauvreté et le chômage restent deux fléaux économiques majeurs. D après les estimations (2009/10) du Bureau national de statistiques, 62.6 % des Nigérians vivent dans la pauvreté, notamment parce que les bienfaits de la croissance économique ne se répercutent pas suffisamment sur les plus démunis. C est pourquoi les initiatives et le dialogue sur la politique publique priorisent la lutte contre la pauvreté, la création massive d emplois et la protection des catégories les plus vulnérables ainsi que des travailleurs du vaste secteur informel. Ainsi, le budget 2014, en cours d examen par l Assemblée nationale, est principalement axé sur l emploi et la croissance inclusive. Malgré l amélioration du coefficient de Gini (0.488 en 2010 et en 2011), de profondes disparités persistent entre riches et pauvres, à cause, entre autres, de l inégalité d accès aux infrastructures et aux équipements. Ce constat n est pas surprenant, étant donné qu environ 90.0 % de la population rurale dépendent de l agriculture de subsistance. Étant donné l extension de la pauvreté et des maux sociaux qui l accompagnent, les programmes spécifiques et les transferts budgétaires devraient être ciblés en priorité sur le groupe des pauvres. Or il n existe aucune politique ou stratégie de protection sociale au niveau fédéral. Les programmes existant sont partiels, de courte durée et, la plupart du temps, ils ne reposent pas sur une approche globale de la protection sociale, d où l absence de coordination entre secteurs ou entre l administration fédérale et les autorités territoriales. Ces programmes sont les suivants : i) le programme Care of the POOR (Cope), initialement financé par le fonds Debt Relief Gains (DRG) des OMD ; ii) le programme pour la santé maternelle et infantile, avec un programme de dispense des frais de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans ; et iii) un programme d assurance maladie sur une base communautaire. Par ailleurs, l État fédéral a mis en place un Plan d autonomisation et de réinvestissement des subventions (Sure-P) afin que les ressources financières libérées par la suppression de la subvention aux carburants en janvier 2012 soient efficacement gérées. Une partie de ces ressources est allouée à de grands chantiers publics, au programme Graduate Internship Scheme qui aide les diplômés à trouver un stage en entreprise, à l enseignement professionnel et technique, ainsi qu à des projets de promotion de la santé maternelle et infantile comprenant un déploiement dans les zones rurales des sages-femmes et des agents de santé communautaires. La détermination politique en faveur de la protection sociale est actuellement très inégale et doit être renforcée à la fois au niveau fédéral et au niveau des États fédérés. Certains États (notamment celui de Jigawa) manifestent leur intérêt pour la protection sociale. Ils allouent des ressources pour des dépenses sociales pro-pauvres en général, et à la protection sociale en particulier. Si le gouvernement fédéral veut répondre aux besoins des catégories vulnérables et des plus démunis, il doit accélérer ses politiques et interventions axées sur les filets de sécurité sociaux. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 185

187 Nigeria Égalité hommes-femmes On dénombre au Nigeria millions de femmes, qui constituent % de la population totale du pays. Le Nigeria affiche un score faible dans l indicateur sexospécifique du développement humain. Les écarts entre les sexes sont particulièrement frappants au niveau de l accès à l éducation, des décisions des ménages et de la représentation politique, avec de profondes disparités géographiques. Dans le Nord du Nigeria, plus des deux tiers des filles âgées de 15 à 19 ans sont analphabètes, contre moins de 10 % dans le Sud. Le gouvernement du président Goodluck Jonathan a déployé des efforts considérables pour accroître la représentation des femmes au sein du Conseil exécutif qui en compte 31 %. La marge d amélioration est substantielle, puisque que seulement sept sénatrices (6.4 % du total) et 19 députées (5.3 %) ont été élues en À titre de comparaison, la moyenne africaine des femmes parlementaires ressort à 19 %. Une enquête menée par le bureau nigérian du Conseil de la population dans le Nord du pays montre que la pratique du mariage précoce comporte une dimension régionale conduisant incidemment à une sous-représentation des jeunes femmes dans les instances politiques. La proportion de jeunes femmes en âge de procréer (15 à 24 ans) et déjà mariées varie de l une à l autre des six zones géopolitiques du pays. Elle est la plus élevée dans le Nord-Ouest (autour de 97.2 %). Viennent ensuite le Nord-Est (91.9 %) et le Nord-Centre (65.2 %). Dans le sud du Nigeria, c est dans la région du Sud-Ouest qu elle est la plus élevée (environ 42.7 %), tandis que les régions Sud-Sud et Sud-Est affichent respectivement une proportion de 31.2 % et de 31.9 %. Un tiers des Nigérianes indiquent avoir subi ou subir une forme ou une autre de violence, et une sur cinq relate des violences physiques. Les avis divergent toutefois sur ce qui doit être considéré comme des violences domestiques, ce qui peut expliquer, en partie, pourquoi des facteurs culturels et la stigmatisation sociale freinent l adoption de mesures destinées à mettre fin aux violences à l encontre des femmes. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique Le secteur industriel du Nigeria compte trois branches : la filière pétrole brut et gaz naturel, celle des minerais solides, et l industrie manufacturière. L exploration pétrolière et gazière constitue la principale activité industrielle. Le pays est faiblement industrialisé car, hors pétrole et gaz, le secteur industriel ne contribue au PIB total qu à hauteur de 3.4 %, et il offre peu d opportunités d emplois. Par manque de compétitivité, particulièrement au niveau du coût, du conditionnement et de la qualité des produits, ce secteur est sous-exploité, ce qui empêche le pays de s industrialiser en progressant dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). Le taux moyen d utilisation des capacités manufacturières est tombé à 55.8 % en 2010, contre 78.7 % en Il est nettement inférieur à celui mesuré dans des pays comme le Ghana ou le Togo, et au taux supérieur à 80 % enregistré en Afrique du Sud. La branche extractive présente toutefois un potentiel de croissance. Les projets de raffinage à grande échelle du pétrole brut devraient créer de la valeur ajoutée et permettre au Nigeria de poursuivre son intégration dans les CVM. Ces projets devraient également accroître les recettes d exportation du pays, et aussi étoffer et maintenir à un niveau élevé les recettes de change utilisées actuellement pour le règlement des importations de carburants. Les interactions croissantes avec les autres secteurs de l économie vont probablement dynamiser aussi la création d emplois dans cette branche. L intégration du Nigeria dans les chaînes de valeur mondiales peut aussi reposer sur l industrie manufacturière. Celle-ci étant une activité à forte intensité de main-d œuvre, surtout dans le bas de la chaîne de valeur, elle peut créer davantage d emplois que la branche extractive. L adoption de technologies modernes améliorera la qualité des produits exportés, les rendra plus compétitifs et permettra au Nigeria de retirer des avantages plus substantiels de sa participation aux CVM. 186 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

188 Le pays est un important producteur de textiles et d engrais, mais ces deux branches ont vu leurs performances se dégrader au fil des ans. Dans la branche textile, le taux d utilisation des capacités, qui culminait à 79.7 % en 1975, a chuté à 38 % en 2010, et il n est que de 11.7 % dans la production d engrais et de pesticides. Au Nigeria, la production de coton et de textiles fait intervenir de multiples métiers à forte intensité de main-d œuvre (filage, tissage, teinture, etc.) qui peuvent créer des emplois. Le Nigeria dispose d un avantage comparatif grâce à sa population très nombreuse et à des coûts du travail relativement faibles. L expansion des activités de production textile, et tout particulièrement l amélioration de la qualité des produits, réduira le coût des exportations de textiles et rendra le pays plus compétitif sur le marché international. Nigeria La dégradation des performances du secteur manufacturier s explique également, dans une large mesure, par une politique publique aux effets délétères et par des coûts opérationnels élevés à cause de la corruption et des problèmes d approvisionnement en électricité. Ces facteurs ont contraint des entreprises à cesser leur activité ou à se délocaliser dans des pays voisins où le coût des facteurs de production est moins élevé. Le Nigeria n a produit que mégawatts d électricité en 2013, alors que la demande estimée (consommation privée et activités de production) avoisine mégawatts. Le coût d accès au secteur formel et le taux de chômage étant élevés, une grande partie des activités manufacturières s effectue dans le secteur informel. D après les estimations, bien que souvent négligé, le secteur informel contribuait déjà à hauteur de 57.9 % au PIB en La mondialisation, et tout particulièrement le commerce international, offrent au Nigeria un certain nombre d opportunités pour développer son secteur industriel et s intégrer davantage dans les CVM. Le pays commerce principalement avec le continent américain, l Europe et l Asie. Depuis peu, les échanges inter-africains augmentent, eux aussi, significativement. Néanmoins, une grande partie des exportations nigérianes est constituée de produits bruts (produits agricoles et pétrole, notamment). Par exemple, le Nigeria est le plus gros producteur mondial de noix de karité (une cueillette estimée à tonnes en 2008), devant le Mali ( tonnes) et le Burkina Faso ( tonnes). Si le Nigeria dispose d un avantage comparatif évident pour ce produit, il exporte à peine 10 % de sa production chaque année, soit sous forme de noix préalablement cuites soit sous forme de beurre de karité (le mode de transformation traditionnel). Ce type d activité maintient le Nigeria tout au bas de la CVM du karité, alors que la transformation locale et l exportation de noix transformées offrent d excellentes perspectives. En effet, le karité est un produit intermédiaire qui entre dans la fabrication de spécialités pharmaceutiques, de cosmétiques et du chocolat. Si le Nigeria réussissait à améliorer la qualité de sa production de beurre de karité, à encadrer cette production avec des normes plus exigeantes et accroître ainsi sa valeur, il pourrait mieux s intégrer dans la CVM du karité, et aussi relever sa position dans la chaîne de valeur. L automobile est un autre secteur dont le potentiel n est pas pleinement exploité au Nigeria. Le plan national de développement de l industrie automobile (National Automotive Industry Development Plan) vise à décourager l importation de véhicules via la création d usines d assemblage locales. Deux constructeurs indiens, TATA et TVS, ainsi que le géant japonais Nissan, finalisent des projets susceptibles de créer des emplois pour les Nigérians et d intégrer des fabricants d intrants locaux (textiles destinés à la sellerie des véhicules, caoutchouc, pneumatiques, etc.) dans la chaîne de valeur mondiale. Une intégration aboutie dans les CVM ouvrirait des opportunités aux segments, larges et dynamiques, de l économie informelle, en particulier dans les secteurs agricole et industriel. Le secteur agricole nigérian emploie actuellement plus de 70 % de la population active du pays et constitue un moteur incontournable pour la création d emplois, l amélioration des revenus et la réduction de l incidence de la pauvreté. L État pourrait ainsi engranger des recettes d exportation et des recettes de change plus substantielles. Il est également crucial d améliorer la qualité des produits exportés pour les rendre compétitifs sur le marché mondial. L État doit exercer sa fonction de régulation pour veiller à ce que les acteurs du secteur respectent les normes internationales. En même temps, il doit promouvoir la mise en place d un environnement favorisant la production de biens exportables. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 187

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190 SénégAL 2014 Khadidiatou Gassama / k.gassama@afdb.org Toussaint Houeninvo / t.houeninvo@afdb.org Bakary Traoré / bakary.traore@oecd.org

191 Sénégal SÉNÉGAL La reprise s est confirmée en 2013 avec 4 % de croissance, contre 3.4 % en La nouvelle stratégie de développement définie pour la période , le Plan Sénégal émergent (PSE), table sur une croissance d au moins 5 % en 2014 et Les orientations stratégiques en matière de bonne gouvernance se sont traduites par une meilleure gestion des ressources publiques. L émergence de chaînes de valeur mondiales (CVM) est perçue par les autorités comme une opportunité. Il s agit de mieux insérer le pays dans l économie globale, en particulier dans la logistique et l accueil d activités industrielles pour servir les marchés d Europe et d Afrique de l Ouest. Vue d ensemble La reprise s est confirmée en 2013 avec un taux de croissance estimé à 4 %, contre 3.4 % en La croissance est projetée à 4.8 % en 2014 et 5.3 % en Ces perspectives reposent sur la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (PSE), la nouvelle stratégie de développement à l horizon Le PSE vise à intégrer toutes les politiques publiques de développement. Il comprend trois axes : transformation structurelle de l économie et croissance ; capital humain, protection sociale et développement durable ; gouvernance, institutions, paix et sécurité. Sa mise en œuvre doit se faire en trois temps. Une phase de décollage économique ( ) doit être suivie par une dynamique d émergence à l horizon 2023, avant une phase d expansion d ici Le PSE remplace la Stratégie nationale de développement économique et social (SNDES ) et il est assorti d un plan d actions prioritaires sur la période Le lancement de neuf projets phares à fort impact économique et social a été annoncé pour avril Le PSE pourrait cependant se heurter à des retards dans son exécution et à des aléas climatiques. L ouverture de l économie expose par ailleurs le pays aux fluctuations des marchés internationaux, ainsi qu aux effets de la crise économique en Europe ou de la situation sécuritaire au Mali. Quoi qu il en soit, le pays peut compter sur des avantages comparatifs certains, pour mieux se positionner comme pôle régional compétitif dans la logistique et la sous-traitance internationale. Il dispose également d atouts pour améliorer ses circuits locaux et régionaux d approvisionnement en fruits et légumes tropicaux, en vue d une réexportation vers les marchés demandeurs. Les infrastructures de transport (port, aéroport, rail et routes) s avèrent relativement bonnes et le système de télécommunications de bonne qualité. Ces atouts peuvent servir à faire du Sénégal un «parc d affaires» et un campus régional d excellence. L accès à l électricité et son coût pénalisent cependant le pays. L énergie est en effet facturée 115 XOF (Franc CFA BCEAO) le kwh, presque deux fois plus cher qu en Côte d Ivoire (63 XOF le kwh). Des mesures spécifiques restent à définir pour les acteurs du secteur informel où s activent neuf entrepreneurs sur dix au Sénégal. 190 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

192 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Sénégal % 9 Taux de croissance du PIB réel (%) Afriques de l Ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p) Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives L activité économique a gagné en intensité en 2013, avec 4 % de croissance, à la faveur de la bonne campagne agricole. La distribution des semences et engrais a été efficace et la pluviométrie suffisante. Les services ont été dynamiques, surtout dans les transports et les télécommunications. L activité a cependant pâti du ralentissement de l industrie et de la crise au Mali voisin, qui représente le premier débouché des exportations sénégalaises. La baisse de la demande malienne explique le recul de 28 % des exportations de ciment sur les dix premiers mois de 2013, par rapport à Du côté de l offre, la reprise amorcée en 2012 s est confirmée. Elle a permis au secteur primaire de contribuer pour environ 16 % à la formation du PIB. Cette tendance devrait se poursuivre jusqu en L agriculture industrielle s est renforcée avec une hausse de 10.7 % en 2013 (contre une forte baisse de % en 2011 et une hausse de 18.2 % en 2012). La croissance de l élevage est estimée à 5 % en 2013 contre 1 % en 2012, grâce à une meilleure production de viandes bovines et ovines (en hausse de 5 %) et de lait (9 %). Les activités de pêche ont augmenté de 5.9 % en 2013 contre 4.9 % en En dépit de ces progrès, les performances de l agriculture restent fragiles. Elles dépendent beaucoup des aléas climatiques, inondations ou sécheresse. Le taux de croissance du secteur primaire est projeté à 6.1 % du PIB en La récente adhésion du Sénégal à la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (Nasan) est porteuse d espoir pour la relance de l agriculture. De nouveaux investissements privés sont attendus dans ce cadre. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 191

193 Sénégal Le secteur secondaire a contribué à 24 % du PIB en 2012, une part qui devrait rester identique jusqu en La croissance a été tirée par la construction (6 %), la transformation et la conservation de viande (10 %), la fabrication de cuir (9 %) ainsi que l électricité, l eau et le gaz (4 %). La construction poursuit son essor au plan national et le secteur de l énergie est en voie de redressement, avec la réhabilitation des centrales de la Société nationale d électricité (Sénélec). La reprise s avère cependant timide dans l industrie avec une croissance de 0.9 % en 2012 et 1.8 % en 2013, pour une projection de 4.4 % en L année 2013 a été marquée par le repli des activités extractives (-2.4 %), de l agro-alimentaire (-12.3 %) et du raffinage du pétrole (-10.7 %). Le secteur tertiaire, qui comprend les services publics, a contribué à environ 61 % du PIB en Sa croissance s est élevée à 3.7 % en 2012 et 4.5 % en Elle devrait se maintenir à ce niveau en Cette évolution résulte des postes et télécommunications (en hausse de 7.9 % en 2013 contre 6.7 % en 2012), des transports (10 % en 2013 contre -6 % en 2012) et de l hôtellerie (3.1 % en 2013 contre -3.1 % en 2012). Le renouvellement du parc automobile dans les transports en commun a contribué à cette dynamique. Plusieurs filières ont affiché des performances décevantes en 2013, notamment le secteur immobilier (-0.5 % de croissance contre 2.9 % en 2012) et l intermédiation financière (6.1 % contre 12.8 % en 2012). La demande intérieure a progressé de 3.7 % en 2013 contre 2.8 % en Cette hausse modeste a été amortie par un accroissement de la demande extérieure avec une hausse des exportations et des importations de 3 % et 4 % respectivement. La consommation des ménages, l une des principales composantes de la demande intérieure avec une part de 74.5 % dans le PIB en 2013, est en progression de 3.2 % en 2013 contre 1.5 % en Elle continue d être soutenue par les envois de fonds des migrants, estimés à environ 12 % du PIB. La formation brute de capital fixe s est consolidée à 5.6 % en 2013 contre 4.7 % en 2012 à la faveur des investissements public et privé, qui ont augmenté de 5.7 % et de 5.5 % respectivement. Au total, l année 2013 a permis de consolider l assainissement des finances publiques. Le déficit budgétaire a été ramené à 5.4 %, mais devrait rester au-dessus de la barre des 5 % en Le défi consiste à le maintenir à des niveaux compatibles avec la viabilité de la dette (aux alentours de 4 %). Sur le plan fiscal, la réorganisation en cours s est poursuivie avec la mise en place du Centre des moyennes entreprises (CME) auprès de la Direction générale des impôts et des domaines (DGID), pour consolider les progrès en termes de recouvrement des recettes et améliorer les services à ces entreprises. Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. 192 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

194 Les neuf projets phares prévus par le PSE seront lancés dès avril 2014, dans les secteurs de l agriculture, des infrastructures et de l énergie. Ce plan entend s appuyer sur les économies environnantes pour élargir les débouchés du Sénégal. Dakar se positionne comme une plateforme régionale pour les services, le tourisme et la logistique industrielle. Le coût du PSE sur la période a été estimé à milliards XOF, soit environ 16 milliards EUR. Les fonds à lever s élèvent à milliards XOF, répartis entre les partenaires techniques et financiers (1 853 milliards) et le secteur privé (1 111 milliards). Un groupe consultatif sur le financement du PSE s est tenu en France en février Sénégal Politiques macroéconomiques Politique budgétaire La politique budgétaire a été conduite en 2013 dans un contexte marqué par le ralentissement de l économie mondiale et les tensions politiques dans les pays voisins (Mali et Guinée-Bissau). Le déficit budgétaire est estimé à 5.4 % en 2013 contre 5.9 % en Le budget de 2013 a vu les recettes totales croître de 5.94 % et les dépenses de 4.11 %. Le déficit devrait s élever à 5.3 % en Les recettes totales ont atteint milliards XOF, grâce à l accroissement des recettes budgétaires (+7.35 %). Le taux de pression fiscale est resté autour de 19 % en 2012 et Il est supérieur à la norme de 17 % fixée par l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La politique budgétaire a été légèrement expansionniste en 2013, avec un accroissement des dépenses de 85.9 milliards XOF en valeur absolue. Le ratio entre les dépenses et les prêts nets a atteint environ 29 % du PIB en 2013 et sera du même ordre en La hausse de 4.11 % des dépenses totales et prêts nets en 2013 s explique par un accroissement des autres dépenses courantes (6.10 %) et du service de la dette publique (8.89 %). La hausse de 14.6 % du service de la dette publique extérieure résulte de l accroissement soutenu de la dette publique extérieure. Les dépenses en capital sur financement intérieur (36 % des recettes fiscales) restent supérieures à la norme communautaire de 20 %. La masse salariale rapportée aux recettes fiscales a représenté environ 33 % en 2013 et devrait rester autour de 31 % en , dans les limites du plafond communautaire de 35 %. Dans le cadre de l Instrument de soutien à la politique économique (ISPE) négocié avec le Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement dispose d un plafond de 50 milliards XOF d instances de paiements mais sans accumulation d arriérés de paiement. Le soutien aux prix de l électricité en 2013 (ajustement tarifaire) a été estimé à 80 milliards XOF contre 105 milliards XOF en La baisse continue des cours du pétrole pourrait permettre de réduire encore ces subventions. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 193

195 Sénégal La répartition des allocations dans le projet de Loi de finances 2014 montre que les ministères des Infrastructures, de l Énergie, de l Agriculture, de la Santé et de l Éducation (y compris l enseignement supérieur) ont bénéficié d environ 38 % du budget total. Le PSE devra passer par la réalisation de projets structurants et de réformes clés. Ses objectifs consistent à stimuler l investissement privé national et étranger, ainsi qu à diversifier les moteurs de la croissance et renforcer la résilience de l économie. Politique monétaire Le Sénégal est membre de l UEMOA, composée de huit pays, partageant une monnaie commune, le franc CFA. La politique monétaire, dont l objectif principal est d assurer la stabilité des prix pour sauvegarder le pouvoir de la monnaie, s inscrit dans ce contexte communautaire. Poursuivant sa politique monétaire accommodante, la Banque centrale des États d Afrique de l Ouest (BCEAO) a baissé ses taux directeurs en septembre 2013 de 25 points de base. Ainsi, le taux minimum de soumission aux opérations d appels d offres d injection de liquidités a été réduit de 2.75 % à 2.50 %. La diminution des taux directeurs a entraîné une tendance à la baisse des taux d intérêt à toutes les maturités. L évolution de la situation monétaire au Sénégal est caractérisée en 2013 par un accroissement de la masse monétaire, mesuré par l agrégat M3, de milliards XOF en 2013 contre milliards XOF en Cette évolution s est traduite par une augmentation du crédit intérieur de près de 5 % et des avoirs extérieurs nets d environ 4 %. La masse monétaire a augmenté de 40 % du PIB en 2012 à 43 % en 2013 et le crédit à l économie est resté autour de 30 % du PIB en 2012 et La liquidité globale de l économie a été projetée à environ 44 % du PIB en Les taux d intérêt débiteurs se situent à fin octobre 2013 en moyenne entre 5.98 % et % selon les emprunteurs avec un taux moyen de 6.45 %. Quant à l inflation, mesurée par l indice harmonisé des prix à la consommation, elle devrait tourner autour de 0.7 % en 2013, un niveau inférieur au seuil communautaire de 3 %. Coopération économique, intégration régionale et commerce Le Sénégal va continuer de jouer un rôle important dans le processus d intégration au sein de la Communauté économique des États d Afrique de l Ouest (CEDEAO). Après avoir abrité le sommet de la CEDEAO au mois d octobre 2013, le pays va poursuivre le dialogue avec les pays membres pour la mise en place du tarif extérieur commun, dont l application est prévue en Le Sénégal poursuit par ailleurs son programme d infrastructures, afin de renforcer son positionnement de hub sous-régional. Des mesures de facilitation du commerce vont entrer en vigueur, avec l application du contrôle de la charge à l essieu et la mise en place des postes de contrôles juxtaposés sur les corridors Dakar-Bamako et Dakar-Conakry. Le déficit commercial est estimé à 20.7 % du PIB en 2013 et devrait se maintenir à environ 20 % du PIB en 2014 et Le déficit du compte courant s élève à 9 % du PIB et il est projeté à 8.4 % en Il devrait être financé par les transferts de capitaux publics et privés. Les transferts des fonds des migrants sont estimés en 2013 à 897 milliards XOF. Ils représentent 12 % du PIB, une part qui devrait se maintenir en 2014 avec 978 milliards XOF de transferts estimés. Les Investissements directs étrangers (IDE), environ 163 milliards XOF et 2 % du PIB, devraient se maintenir à ce niveau en Les IDE ciblent principalement l agriculture, l agrobusiness, l industrie agroalimentaire et les services utilisant les nouvelles technologies de l information (centres d appel notamment). Sur les dix premiers mois de 2013, les exportations se sont élevées à 1 milliard XOF, soit une baisse de 4.5 % par rapport à la même période en Sur la base des statistiques provisoires disponibles, cette situation résulte de la baisse des exportations : -37 % pour l acide phosphorique, 194 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

196 -30 % pour le ciment et -19 % pour l or monétaire. Les ventes aux pays de l UEMOA ont représenté 27 % des exportations en octobre 2013 contre 23.5 % en 2012 à la même période. Pas moins de 55 % des exportations vers l UEMOA sont absorbées par le Mali. Une destination qui représente 15 % des exportations totales du Sénégal en octobre 2013, contre 14 % en octobre Les principaux produits exportés vers le Mali sont le ciment (33 %) et les produits pétroliers (19 %).Quant aux exportations vers l Europe, elles ont représenté 25 % du total en octobre 2013 contre 27 % à la même période en Sénégal Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette Le Sénégal diversifie ses instruments de dette, à travers des émissions de titres sur le marché régional. Le gouvernement privilégie le financement concessionnel et ne contracte ni ne garantit des emprunts extérieurs à des conditions non concessionnelles. Il consulte le FMI à l avance pour toute dérogation à ce critère. L encours de la dette intérieure est estimé à 14.3 % du PIB en 2013 contre 11.1 % du PIB en Parallèlement, l encours de la dette extérieure estimé à 34 % du PIB en 2013 et projeté à 35 % en La dette publique totale, 43 % du PIB en 2012, atteindrait respectivement 46 % et 47 % du PIB en 2013 et En 2013, le service de la dette publique extérieure ne représente que 9.8 % des recettes budgétaires et 8.1 % des exportations de biens et services. Le service de la dette est largement contenu dans les plafonds de 30 % des recettes budgétaires et 20 % des exportations de biens et services fixés pour la viabilité de la dette. Le service de la dette intérieure a augmenté de 3.5 % entre 2012 et 2013 pour s élever à environ 58 milliards XOF. Il est projeté à 56 milliards XOF en Le taux d endettement demeure inférieur à la norme de 70 % de l UEMOA, malgré un accroissement soutenu de la dette (passée de 19 % à 46 % du PIB entre 2006 et 2013) depuis les annulations obtenues en Bien que faible, l encours de la dette intérieure a connu un accroissement soutenu (4.5 % du PIB en 2007 à 14.3 % en 2013). Cette évolution s explique par le financement extérieur des importants programmes d investissements publics et le financement contracté sur le marché régional pour financer le déficit budgétaire. Au mois d octobre 2013, le Sénégal a émis des titres publics sur le marché régional pour un montant de milliards XOF. Ces titres sont constitués de bons du Trésor (39 %) et d obligations (61 %) ayant une maturité de cinq ans maximum, excepté l émission d obligations à dix ans pour un montant reçu de 65 milliards XOF en juillet La dernière analyse de viabilité de la dette extérieure montre que le Sénégal présente un faible risque de surendettement. Une détérioration marginale des perspectives de la dette extérieure a été relevée, qui résulterait en partie de l émission d euro-obligations prévue pour Cette émission devrait contribuer à réduire les vulnérabilités en allongeant la maturité de ces emprunts, conformément à la stratégie d endettement à moyen terme. Dans le classement du FMI des pays à faibles revenus, le Sénégal est passé dans la catégorie des pays à grande capacité de gestion des politiques macroéconomiques, en raison de ses progrès, notamment dans la gestion de sa dette. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 195

197 Sénégal Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % 250 Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé Des efforts restent à faire pour améliorer le climat des affaires, malgré les réformes déjà mises en œuvre. Le Sénégal a enregistré un nouveau recul dans le classement 2013 Doing Business de la Banque mondiale, passant de la 166 e à la 178 e place sur une liste de 189 pays. Le pays affiche un score inférieur à la moyenne africaine dans le raccordement à l électricité (182 e position), le paiement des impôts (182 e ) et le transfert de propriété (174 e ). En revanche, il a gagné quelques places dans l indice de compétitivité globale, passant du 117 e au 113 e rang entre 2012 et L accès aux financements, la corruption et le niveau des infrastructures posent le plus problème aux entrepreneurs. Le Programme triennal de réformes de l environnement des affaires et de la compétitivité (PREAC ) pourrait permettre d améliorer le classement du Sénégal dans le rapport Doing Business. Il a notamment permis d automatiser les procédures de création d entreprise et de permis de construire, qui devaient pouvoir se faire sur Internet courant Le nombre de procédures pour le transfert de propriété est passé de six à quatre, et les délais de 122 à 60 jours. La taxe sur le transfert de propriété a baissé, passant de 15 % à 10 %. La demande non satisfaite en énergie, en raison des coupures d électricité, s est élevée à Gigawatt/heure (GWh) en 2013, contre un objectif de 25 GWh. En cause, les retards dans le renouvellement des contrats de location des centrales. Le coût moyen de production a baissé, passant de à XOF par kwh entre 2012 et la fin septembre 2013, en raison de la baisse des prix des produits pétroliers (environ 9 % par rapport à 2012) ainsi que la location de centrales fonctionnant au gaz naturel et la mise en service de puissances additionnelles (centrales existantes). En 2014, les travaux de modernisation des réseaux devraient améliorer la production d électricité. 196 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

198 Secteur financier Le système financier continue sa diversification en termes de gamme de produits et d accessibilité, notamment grâce au développement de la microfinance, l adoption de la loi sur le crédit-bail et de la mise en place de l Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF). Sénégal Avec 19 établissements et 88 % des actifs en 2011, le secteur bancaire domine le système financier. Le crédit à l économie est estimé à 30 % du PIB en 2012 et 2013 et projeté à 32 % en L accès aux services financiers s est amélioré, avec une augmentation de 11 % du nombre d agences et de 44 % du nombre de comptes bancaires en Cette hausse importante du nombre de comptes bancaires s explique par l obligation faite aux fonctionnaires et aux étudiants boursiers de détenir un compte pour recevoir leur salaire ou leur bourse par virement mensuel. Les résultats provisoires des banques se sont élevés à 28 milliards XOF à fin juin 2013 contre 37 milliards XOF en Le taux brut de dégradation du portefeuille a été estimé à 21 % en octobre 2013, contre 18 % en La maturité des crédits reste principalement à court terme et moyen terme. Les crédits à court terme ont représenté 51 % des prêts en octobre 2013, les prêts à moyen terme 42 % et les crédits à long terme 7 %. Ces tendances ne devraient pas changer en La norme du coefficient de couverture des emplois à moyen terme et à long terme par des ressources stables est passée de 75 % à 50 %. Sa réduction pourrait favoriser l octroi de crédits à long terme par les banques. Sur la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), la capitalisation totale du marché a baissé d environ 3 %, passant de 6.11 milliards XOF fin juin 2012 à 5.91 milliards XOF fin septembre Comme le secteur financier du Sénégal, celui de l UEMOA souffre de la faiblesse du développement du secteur privé. Le marché boursier connaît donc un développement limité, malgré l essor du marché de la dette publique. Du coup, l accès au crédit des petites et moyennes entreprises (PME) reste limité. Aussi la BRVM envisage-t-elle de créer un marché spécifique pour les PME. Le Sénégal comptait 238 institutions de microfinance (IMF) à travers tout le pays fin 2012, soit 33 % des établissements de ce type dans l UEMOA. Avec environ 2.5 millions de clients, les IMF du Sénégal totalisent 22 % de la clientèle dans l UEMOA et 900 points de service. Le crédit octroyé s est élevé à 233 milliards XOF en décembre 2012 (3 % du PIB). Les petites entreprises du commerce, des services, de l agriculture et des transports en sont les principales bénéficiaires. Environ 10 milliards XOF de crédits sont en souffrance, soit un taux de dégradation de 4.15 % du portefeuille. Un taux qui reste inférieur à la moyenne de 5.54 % observée dans l UEMOA. La banque à distance (mobile banking) prend de l essor, notamment auprès des populations rurales. La mise en œuvre du plan d actions de la concertation nationale sur le crédit va se poursuivre avec la promotion et le développement de l affacturage, et l institution d un registre au niveau du greffe permettant aux personnes non commerçantes d inscrire les gages et nantissements sur les biens mobiliers. Gestion du secteur public, institutions et réformes Les nouvelles directives de l UEMOA sur les finances publiques se sont traduites par l élaboration du Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle ( ) ainsi que leur adaptation dans une nouvelle nomenclature budgétaire. La récente revalorisation du pays par le FMI de la catégorie des «pays à faible revenu avec une faible capacité» à celle des «pays à faible revenu avec une haute capacité financière en gestion macroéconomique et des finances publiques» illustre les progrès de ces dernières années. En matière de contrôle externe, après l adoption en 2012 de la réforme de la Cour des comptes, les textes d application de la nouvelle Loi organique restent à approuver. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 197

199 Sénégal L évaluation des agences d exécution, finalisée en 2013, prévoit la restructuration d ici 2016 de 18 agences, la suppression de 11 autres et la fusion de 11 entités pour n en former plus que quatre au final. Un audit des personnels de la fonction publique a conduit à la suspension d environ un millier d agents. Les travaux se poursuivent. Les appels d offres pour les marchés publics sont publiés dans les journaux et sur le site web du Système intégré de gestion des marchés publics (SIGMAP). La retransmission des débats parlementaires se poursuit, à la radio et la télévision, permettant aux citoyens de suivre de près la gestion des affaires publiques. Une bonne partie des médias fonctionne de manière indépendante. Les comportements peu éthiques sont dénoncés et condamnés publiquement. Gestion des ressources naturelles et environnement La politique sectorielle de l environnement et des ressources naturelles sur vise à assurer un environnement durable. Un Plan d action national d adaptation aux changements climatiques (Pana) a été adopté en 2006, pour rendre résilients les systèmes de production. Les dépenses à moyen terme sont alignées sur les priorités du secteur. Des actions de grande envergure sont mises en œuvre, avec l appui des partenaires techniques et financiers, contre la déforestation et pour l adaptation des populations aux changements climatiques. Au titre des réalisations, 63 Plans de gestion environnementale et sociale (PGES) ont été suivis en 2012, soit 39 % des 163 projets validés (contre une part de 58 % en 2011). Ce recul s explique par la baisse des financements. Le ratio reboisement/déboisement s est en revanche amélioré, atteignant 1.21 en 2012 contre 0.99 en 2011, grâce aux surfaces ( hectares en 2012 contre en 2011) mises en défens (bois clôturés avec interdiction de pénétrer) et aux actions de prévention des feux de brousse. La quantité de biomasse brûlée s élève à 3.56 millions de tonnes en 2012, un peu moins que les 5.74 millions de tonnes recensées en La pêche, de son côté, se heurte à des problèmes de gestion durable de la ressource et de meilleure productivité. Le risque d épuisement des ressources halieutiques a conduit les autorités à prendre des mesures contre la pêche illicite. Le Code de la pêche doit être révisé en L Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) a entériné l adhésion du Sénégal en tant que «pays candidat» en octobre Le Sénégal dispose d un délai de trois ans pour accéder au statut de «pays conforme». Contexte politique Les autorités poursuivent leurs efforts pour améliorer la gouvernance. Les procédures engagées contre des dignitaires de l ancien régime sont toujours en cours, dans le cadre de la lutte contre l enrichissement illicite et la traque des biens mal acquis. À noter, par ailleurs, l inculpation début juillet 2013 de l ancien président tchadien Hissène Habré, en exil au Sénégal, pour crimes contre l humanité. Sur le plan sécuritaire, le conflit en Casamance ainsi que la situation au Mali et en Guinée- Bissau renforcent les menaces sur le Sénégal et la vigilance des autorités. Un remaniement opéré le 1 er septembre 2013 a vu Aminata Touré, ministre de la Justice, remplacer Abdoul Mbaye au poste de premier ministre. L objectif du nouveau gouvernement consiste à répondre aux attentes élevées de la population en matière d emploi et de coût de la vie. D où l importance d accélérer la cadence des réformes, avec un suivi rapproché de la mise en œuvre de la stratégie de développement du Sénégal. Une réforme majeure a été lancée en 2013, dénommée Acte III de la décentralisation (après l Acte I en 1972 et l Acte II en 1996). Elle vise à organiser le pays en territoires viables, dotés de ressources financières consistantes et porteurs de croissance et de développement durable. Les élections locales sont prévues pour le second semestre de Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

200 Contexte social et développement humain Sénégal Développement des ressources humaines Les indicateurs de mortalité sont mesurés tous les cinq ans dans le cadre de l enquête démographique et de santé à indicateurs multiples (EDS-MICS). La dernière enquête disponible remonte à 2011, mais une enquête continue a été faite en Les résultats de ces deux enquêtes ont mis des progrès en évidence. Le taux de mortalité infantile (enfants de moins de cinq ans) a fortement baissé, passant de 121 à 65 pour entre 2005 et Ces bons résultats viennent de la baisse de la mortalité juvénile (passée de 70 à 23 pour entre 2005 et 2013). La proportion de naissances ayant eu lieu dans un établissement de santé est restée constante, autour de 72 % en 2011 et La contraception a augmenté, passant de 13 % en 2011 à 17.8 % en 2013 pour toutes les méthodes, mais elle reste faible. L utilisation de la contraception est plus élevée en milieu urbain (29.3 %) qu en milieu rural (10.7 % en 2013 contre 7 % en 2011), même si elle y progresse de manière significative. La part des enfants complètement vaccinés est passée de 63 % à 70 % entre 2011 et La situation nutritionnelle des moins de cinq ans reste problématique, avec une prévalence du retard de croissance de 19 % en 2013 au niveau national. Ce retard de croissance est plus marqué en milieu rural (21 %) qu en milieu urbain (13 %). Le secteur privé s est montré actif dans l offre de soins au Sénégal avec un réseau de plus de 500 cabinets médicaux, 43 cliniques et cinq hôpitaux, sans oublier plusieurs laboratoires d analyses. Dans le secteur de l éducation, le taux brut de scolarisation (TBS) s est établi à environ 94 % en 2012 et Le TBS des filles est resté constant à environ 99 % en 2012 et L indice de parité, de 1.12, est en faveur des filles. Le taux d achèvement dans l élémentaire est resté constant autour de 66 % en 2012 et en La parité entre filles et garçons dans l enseignement primaire est atteinte au niveau national depuis Le secteur privé a contribué à ces résultats. Il est actif dans tous les niveaux d enseignements au Sénégal avec de nombreux établissements. En revanche, le nombre de personnes inscrites dans des cours d alphabétisation est passé de en 2011 à en Cette baisse s explique par la faiblesse des ressources financières, avec moins de 1 % des ressources budgétaires allouées à l alphabétisation, contre un niveau d au moins 3 % recommandé aux pays lors de la rencontre de Bamako. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Selon les données de la Loi de finances initiale de 2014, l éducation (un secteur couvert par trois ministères) absorbe environ 19 % du budget total. De son côté, le secteur de la santé draine 5 % seulement du budget, contre un objectif de 9 % recommandé par l Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon les résultats de l Enquête de suivi de la pauvreté au Sénégal de (ESPS-II) de septembre 2012, pas moins de 46.7 % de la population vit sous le seuil de pauvreté en 2011 contre 48.3 % en 2006, soit une baisse de 1.6 point. Le nombre de pauvres a augmenté de 11 % sur la même période, passant de 5.7 à 6.3 millions de personnes. Le taux de couverture de la protection sociale demeure faible au Sénégal. Les systèmes formels d assurance-maladie profitent surtout aux familles des employés du secteur moderne, environ 20 % de la population. La couverture maladie universelle a été mise en place en Elle contribue à renforcer la promotion des mutuelles de santé, avec un moitié de la prime annuelle payée par les membres des mutuelles, et l autre moitié par l État. Selon les données de 2011, 217 mutuelles de santé communautaires et 20 mutuelles d envergure nationale ont été répertoriées avec environ bénéficiaires. Toujours dans le cadre de la couverture maladie universelle, des programmes de gratuité des soins pour les couches vulnérables sont mis en œuvre. Il s agit notamment de la prise en charge des personnes âgées avec le plan Sésame, mais aussi des accouchements, des césariennes et des traitements des enfants de moins de cinq ans. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 199

201 Sénégal Le Sénégal n a pas encore atteint les normes préconisées par l OMS en termes d accès aux infrastructures sanitaires et de personnel qualifié. Dans l éducation, les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des moyens investis. Ces contreperformances traduisent aussi les effets négatifs des chocs exogènes externes (prix internationaux élevés) et internes (déficit pluviométrique). Sur la période , la croissance économique moyenne a atteint 3.2 %, pour une croissance démographique de 2.5 %. Le Sénégal réalisera probablement à l horizon 2015 la cible 6 des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), qui concerne la lutte contre le VIH/sida et le paludisme. Il pourrait faire des progrès importants vers les objectifs 2 (égalité d accès à l éducation) et 7 (environnement durable). Le PSE et les filets de protection sociale mis en place aideront à atteindre les OMD. Un programme national de bourses de sécurité familiale a ainsi été mis en place en Les ménages vulnérables touchent XOF par an. Sur les ménages visés en 2013, environ auraient reçu ces allocations, selon les données provisoires disponibles. La résilience face aux chocs exogènes reste à améliorer, de même que la réduction des inégalités. Le marché du travail comprend trois segments : rural, informel urbain et moderne. Il se caractérise par une situation de sous-emploi pour 32 % des actifs en Pas moins de 49 % des actifs occupés le sont dans le secteur informel en L auto-emploi est très répandu dans l informel, avec environ 92 % des entrepreneurs concernés. Les acteurs de l informel évoluent dans un environnement marqué par diverses contraintes, dont l accès limité aux financements et la faiblesse des débouchés. Égalité hommes-femmes Le Sénégal a ratifié les traités internationaux tels que la Convention des Nations Unies pour l élimination de toutes formes de discrimination à l égard des femmes (CEDAW), la Charte africaine des droits de l homme et des peuples (CADHP) et son protocole facultatif sur les droits des femmes. La Constitution sénégalaise consacre dans son article 7 l égalité des hommes et des femmes en droit. Le Sénégal a renforcé les actions de promotion de la femme avec la nomination d Aminata Touré au poste de Premier ministre, la deuxième femme nommée à ce poste dans le pays. Après les élections législatives de juillet 2012, qui ont permis de doubler la représentativité des femmes à l Assemblée nationale (de 22 % à 43 %), grâce à l application de la loi sur la parité, la représentation des femmes dans les collectivités locales devrait être renforcée lors des élections locales prévues en Le Sénégal a procédé à la révision de la loi sur la nationalité en 2013, afin de permettre à la femme d octroyer la nationalité sénégalaise à son conjoint et à ses enfants de nationalité étrangère dans les mêmes conditions que l homme sénégalais. Le Sénégal a connu des avancées significatives dans le domaine des droits juridiques et politiques des femmes même si des marges de progrès demeurent dans l application des lois protégeant les femmes. Pour rendre disponibles des outils opérationnels en faveur d une programmation budgétaire intégrant les objectifs d équité et d inclusion, le Sénégal a élaboré un guide d évaluation des projets publics. Ce guide inclut les indicateurs liés au genre. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique L émergence des chaînes de valeur mondiales (CVM) est perçue par les autorités comme une opportunité de mieux insérer le pays dans les échanges mondiaux. Même si ce processus ne va pas sans menaces. La transformation de l arachide en huile, un produit d exportation, se heurte par exemple à des difficultés : aléas dans la production et l exportation d arachide en coques (non 200 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

202 transformées) vers la Chine et l Inde. Dans le textile, la seule usine de filature au Sénégal a fermé en 2008, faute de plan de production pour s adapter à la concurrence. Les principales industries extractives phosphates, calcaire, ciment et raffinage de pétrole affichent des potentiels industriels limités. Le secteur des nouvelles technologies de l information, en revanche, présente des opportunités, avec notamment les centres d appel (traitement de texte et comptabilité de sociétés en dehors du pays, pages web, etc.). Les produits horticoles et le cuir offrent aussi des opportunités pour les CVM. Sénégal La vision stratégique en la matière comporte deux piliers. Le premier consiste à mieux positionner le Sénégal comme un pôle régional compétitif dans la logistique et la sous-traitance internationale. Le second vise à améliorer ses circuits locaux et régionaux d approvisionnement en fruits et légumes tropicaux, en vue d une réexportation vers les marchés demandeurs en Europe, en Afrique de l Ouest et dans les pays du Golfe. La relativement bonne dotation en infrastructures transnationales (port, et liaisons aéroportuaires), en chemin de fer et réseau routier vers les pays voisins, et la qualité des infrastructures de télécommunications offre au Sénégal de nouvelles opportunités exploitables dans la logistique internationale, la sous-traitance de services back-office, l accueil d activités de montage et d assemblage, et de télé-services dans les domaines autres que les centres d appel, notamment dans les services ciblés de l éducation et la santé. L ambition du pays est de réaliser un «parc d affaires» et d accueillir d ici 2018 cinquante sièges régionaux d entreprises et institutions internationales de la sous-région. Il s agit aussi de faire du Sénégal un campus régional d excellence et de Dakar une cité médicale, un positionnement qui prévoit la réhabilitation des aéroports secondaires du pays. Toutefois, le problème de l accès à l électricité reste un obstacle important. Le coût de l électricité, 115 XOF le kwh, est presque deux fois plus élevé qu en Côte d Ivoire (63 XOF), mais la qualité du service est perçue comme deux fois moins bonne. Il en est de même des contraintes d accès au crédit, de transport et de logistique en général. L une des contraintes à l accès aux CVM reste la faiblesse de l offre locale de matières premières. L approche, portée par la stratégie de croissance accélérée, vise à mieux connecter l ensemble des acteurs impliqués à différents niveaux de la chaîne entre la production, l acheminement, la transformation ou l exportation. Une logique de filière vise à identifier les grappes d activités à fort potentiel de croissance, de valeur ajoutée, de compétitivité à l export et de création d emplois. Elle se double d une logique territoriale pour mieux organiser et connecter les zones géographiques impliquées, les «territoires de compétitivité». Les grappes ainsi identifiées seront l axe central de l Acte III de la décentralisation qui vise à organiser le pays en territoires viables dotés de ressources financières consistantes et porteurs de croissance. La stratégie de croissance accélérée veut reposer sur cinquante grappes (contre douze actuellement). Pour chaque chaîne identifiée, l objectif est d améliorer les circuits d approvisionnement clients/fournisseurs, de surmonter les problèmes d invendus de matières premières et d augmenter la valorisation locale en introduisant les métiers et fonctions critiques manquants. Ainsi pour la chaîne «carotte», l introduction de nouveaux métiers pour l emballage des produits, la création de labels, le marketing et le management des circuits de distribution a permis de doubler la quantité commercialisée pour atteindre huit mois de production. De même, des débouchés ont été créés pour les jeunes managers en marketing. La même stratégie est en place pour le lait et l aviculture, dans l optique de l étendre progressivement à la filière maïs doux et autres céréales. Dans la production horticole, le cas d une ferme agricole située à Kirène (environ 60 kilomètres de Dakar) est une autre illustration d insertion dans les CVM. L activité porte principalement sur la production, dans une exploitation d environ 300 hectares, de haricots et de maïs doux destinés aux marchés européens. Le défi pour les politiques publiques consiste à dénicher les différents maillons du savoirfaire, très souvent fragmenté entre plusieurs types d acteurs peu structurés et dispersés dans le secteur informel. Par exemple, la rupture d approvisionnement en manioc lors de la crise ivoirienne a permis de révéler l importance que peut constituer la demande nationale au Sénégal. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 201

203 Sénégal Sous forme de farine ou de légume, le manioc est utilisé comme ingrédient dans plusieurs produits alimentaires de grande consommation (pain, plats cuisinés, gari, tapioca). Environ neuf entrepreneurs sur dix opèrent dans l informel. En majorité, ils déclarent souffrir de difficultés d écoulement de leurs produits (60.4 %) et d approvisionnement en matières premières (19.1 %). L inadéquation de leurs circuits de commercialisation et une organisation managériale insuffisante limitent leurs capacités sur les marchés régionaux et internationaux. La sortie de l informel leur donnerait très clairement la possibilité d exporter facilement à moindre coût et une meilleure opportunité de grandir (commandes plus larges et régulières). Dans la filière textile, l entreprise «Aïssa Dione Tissus» réalise par exemple un chiffre d affaire très important, principalement avec l industrie du luxe en Europe et aux États-Unis (80 %) et quelques grands hôtels en Afrique. La styliste Aïssa Dione emploie une centaine de personnes. Malgré l avantage mondial de la Chine et d autres pays asiatiques dans la fabrication industrielle et l approvisionnement en grande quantités, les nouvelles tendances de consommation éthique et les préférences commerciales internationales avec 0 % de droit de douanes communautaire dans la CEDEAO, l accès préférentiel aux marchés de l Union européenne (UE) et seulement 6 % de droits de douane aux États-Unis offrent des niches dynamiques (cf. OCDE et l OMC 2013, Aid for Trade and Value Chains in Textiles and Apparel). Le Sénégal dispose d une grande masse de stylistes et de petits artisans couturiers, qui ont un savoir-faire reconnu dans le design artisanal, la broderie, ainsi que la couture haut de gamme. Comme pour le textile, les opportunités de la transformation du cuir sont freinées par des obstacles structurels, à commencer par l importance du secteur informel. La demande de l Inde est importante, de même que dans la sous-région. Une part de 80 % de la production de l Association des cordonniers de la Médina (ACM), basée à Dakar, est ainsi écoulée au Mali, en Guinée-Bissau, en Guinée, au Congo et jusqu en Angola. Le défi consiste donc, pour le Sénégal, à rendre les circuits formels plus attractifs, avec des mesures d incitation et d appui adaptées. 202 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

204 SIERRA LEONE 2014 Jamal Zayid / j.zayid@afdb.org

205 Sierra Leone Sierra LEONE Les perspectives économiques de la Sierra Leone restent positives à court et moyen terme : la croissance est soutenue, l inflation décroît et la position budgétaire et extérieure s améliore. Pour préserver les avancées réalisées, le pays doit renforcer la prestation de services et créer des emplois. La politique publique doit être centrée sur une croissance inclusive via une accélération du développement humain et une bonne gouvernance. Vue d ensemble La Sierra Leone a accompli des progrès depuis la fin de la guerre civile en 2002, dans des conditions économiques et sociales pourtant difficiles. Son économie continue d afficher un taux de croissance impressionnant, les recettes intérieures s améliorent peu à peu malgré un taux de mobilisation des ressources fiscales historiquement bas, le déficit recule en pourcentage du PIB et les tensions inflationnistes qui avaient été ravivées par les crises mondiales tendent à diminuer. La Sierra Leone emprunte davantage à l étranger pour financer des projets d infrastructure, mais son risque de surendettement est toujours modéré grâce aux récents efforts d assainissement budgétaire. Sa position extérieure s améliore elle aussi (marginalement) en raison de l essor des exportations de minerais et du volume croissant des cultures de rapport. Déterminé par le marché, le taux de change de la monnaie du pays est resté relativement stable ces dernières années. Le climat sociopolitique demeure paisible et les indicateurs sociaux ne cessent de progresser sous l effet du recul général de la pauvreté et des inégalités. À moyen terme, les perspectives économiques sont favorables : la croissance est soutenue, l inflation faible et la position budgétaire et extérieure s améliore. Estimée à 16.3 % en 2013, la croissance du PIB réel dépassera encore les 10 % en 2014, atteignant 13.8 % d après les projections. Cette forte croissance s explique par la hausse continue de la production et des exportations de minerai de fer, par les gains de productivité dans les secteurs non extractifs, en particulier dans l agriculture et le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), ainsi que par la poursuite de l investissement public. Les autorités seront néanmoins aux prises avec des problèmes économiques et sociaux essentiellement liés à la gouvernance. Elles devront s attacher à préserver la croissance et la stabilité macroéconomique, à créer des emplois et à faire avancer les indicateurs sociaux, à soutenir le développement du secteur privé, à renforcer la politique sociale, à améliorer les programmes destinés à protéger les catégories sociales les plus vulnérables et, surtout, à continuer de lutter contre la corruption. 204 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

206 % 25 Figure 1. Taux de croissance du PIB réel Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l Ouest (%) Afrique (%) Sierra Leone (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives La Sierra Leone affiche depuis peu des fondamentaux macroéconomiques solides, avec, notamment, l accélération de sa croissance économique, l atténuation des tensions inflationnistes, un taux de change stable, une dette publique viable et une meilleure position de ses comptes courants. Depuis quelques années, la croissance du pays est tirée par le minerai de fer, et non plus par l agriculture, le BTP, les industries manufacturières et les services. Avant que la Sierra Leone ne commence à extraire et à exporter du minerai de fer, l expansion de ces quatre secteurs lui a permis d afficher un taux de croissance de 5.7 % par an, en moyenne, sur la période Lorsque le pays a commencé de produire et d exporter du minerai de fer dans le cadre de deux grands projets miniers, son PIB réel a fait un bond impressionnant, de 15.2 % en 2012, reflétant la hausse de la production de ce secteur, qui est passée de tonnes en 2011 à 6.6 millions de tonnes en Pour 2013, la croissance du PIB réel est estimée à 16.3 %. L agriculture enregistre une croissance vigoureuse depuis 2010, grâce à l introduction du Programme de commercialisation à l intention des petits exploitants (Small Holder Commercialization Programme SHCP). Soutenu par les donneurs et les pouvoirs publics, ce programme fournit aux petits exploitants des intrants améliorés, des tracteurs et du matériel, et les encourage à faire appel aux Agriculture Business Centres (ABC). On dénombre actuellement près de 500 organisations BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 205

207 Sierra Leone d agriculteurs et environ 300 ABC. En outre, plus de marais ont été asséchés entre 2008 et 2012 et des milliers de kilomètres de routes relient aujourd hui les ABC aux centres de production et aux marchés. À la fin de juin 2013, plus de kilomètres de routes avaient été construits pour soutenir l activité agricole. Par ailleurs, avec l appui de partenaires au développement, quelque 60 associations de services financiers et 20 banques communautaires ont été créées dans tout le pays pour faciliter l intermédiation financière. Fort de ces récents progrès, l État doit s attacher à lutter contre la pauvreté et à créer des opportunités d emplois via une croissance soutenue et inclusive. À cette fin, il s appuie sur les orientations énoncées dans le nouveau Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) : l Agenda pour la prospérité L Agenda énonce que la croissance économique revêt une importance fondamentale pour faire reculer la pauvreté, et que les politiques destinées à promouvoir la croissance doivent être viables sur le plan environnemental, social et économique. Il souligne qu une bonne gestion des ressources naturelles est cruciale pour que le pays puisse exploiter des opportunités environnementales et socioéconomiques très diverses. Il est impératif que l Agenda pour la prospérité soit déployé avec persévérance. Les projets et le programme d action sont certes importants, mais ce qui prime, c est la mise en œuvre. Les principales exportations du pays sont en hausse. D après les projections, elles seront tirées, dans une large mesure, par l accroissement de la production minière et agricole. La modélisation préliminaire réalisée par les autorités nationales et le Fonds monétaire international (FMI) indique que l extraction de minerai de fer pourrait générer une valeur actualisée nette de 9 milliards de dollars des États-Unis (USD) sur les 20 prochaines années. À moyen terme, les importations devraient, elles, se tasser du fait du recul des importations de minerai de fer ainsi que du démarrage de la production des deux grands gisements que possèdent les groupes miniers African Minerals et London Mining en Sierra Leone. En effet, cette production locale de minerai de fer se substituera en partie aux importations. Le pays continuera d importer principalement des biens de consommation et intermédiaires, des carburants et des lubrifiants. En revanche, il réduira ses importations de matériel et d outillage. Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. L économie de la Sierra Leone présente de bonnes perspectives à moyen terme : la croissance est soutenue, l inflation faible et la position budgétaire et extérieure s améliore, mais les problèmes de gouvernance et de corruption risquent de peser sur ces perspectives. Le pays devrait toutefois afficher une croissance économique à deux chiffres sur la période À moyen terme, hors 206 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

208 contribution du minerai de fer, le PIB réel devrait progresser de 6 % en moyenne, et tous les grands secteurs connaîtront une expansion. D après les estimations, l inflation a renoué avec un taux à un seul chiffre à la fin de 2013 et se maintiendra à ce niveau à moyen terme. La balance des comptes courants devrait continuer de s améliorer, car les exportations de minerais et de produits agricoles, en particulier, augmentent tandis que les importations se stabilisent. À moyen terme, le taux de change du leone (SLL) restera stable, et la dette publique viable grâce à la hausse des exportations et de la production intérieure. Sierra Leone Toutefois, deux principaux facteurs risquent d assombrir les perspectives économiques de la Sierra Leone : d une part, l atonie persistante de la reprise mondiale et, d autre part, les chocs négatifs sur les marchés internationaux des minerais, qui pourraient avoir des répercussions négatives sur la production intérieure, les exportations et les finances publiques. De surcroît, le pays est confronté à de graves problèmes de gouvernance et de corruption. Politiques macroéconomiques Politique budgétaire Après une politique expansionniste durant la période qui a suivi la reprise économique, les autorités nationales ont mis en œuvre une politique budgétaire restrictive ces deux dernières années. Il en a résulté une détérioration du solde global, qui est passé de -3.1 % du PIB en 2011 à -5.6 % en En 2013, ce solde s est élevé à -2.1 % du PIB, malgré les dépenses d infrastructure. D après les projections, il ressortira à -4.6 % en 2014 et à -4.1 % en Les recettes fiscales intérieures ont affiché une bonne tenue sur les deux dernières années. Cette évolution favorable s explique, dans une large mesure, par les réformes destinées à étoffer les recettes et par les diverses autres mesures déployées par l État, qui se renforcent mutuellement. Au premier semestre de 2013, les recettes fiscales ont représenté 6.4 % du PIB, contre 5.5 % sur la même période de La progression de leur part dans le PIB (environ 13 % en 2013 selon les estimations, contre 10 % en 2009) résulte en partie des réformes fiscales. Parmi ces réformes, l une des plus importantes a été l introduction d une taxe sur les produits et services (Goods and Services Tax GST), au début de 2009, en vue d élargir l assiette fiscale 1. Les autorités ont pris des mesures pour rationaliser les exonérations de droits de douane et élaborer une directive dans ce domaine, notamment en plafonnant ces exonérations à 3 % du PIB par an. Ces mesures viennent compléter le suivi du recouvrement des recettes et le contrôle de la conformité fiscale par le Comité de gestion de la trésorerie qui se réunit chaque semaine. Du côté des dépenses, étant donné que la progression des recettes est restée très faible, l État a adopté une politique de restrictions budgétaires ces dernières années. Il freine ainsi l expansion de ses dépenses depuis deux ans et privilégie les dépenses d investissement dans l infrastructure routière, l électricité et l alimentation en eau, afin de soutenir la croissance économique et de lutter contre la pauvreté. À moyen terme, d après les projections, le ratio des recettes intérieures sur le PIB devrait s établir à 12.5 % en 2014 et à 12.2 % en Les dépenses publiques continueront d être réorientées vers les investissements en capital. En moyenne, le total des dépenses représentera plus de 20 % du PIB et les dépenses d investissement augmenteront marginalement, passant de 8.1 % du PIB en 2012 à 8.3 % en En l absence de législation ou de politique définissant une règle budgétaire pour guider la gestion des recettes fiscales provenant des ressources naturelles, les autorités du pays sont en train d élaborer un projet de loi sur la gestion des finances publiques afin d adopter une règle budgétaire reposant sur les autres sources de recettes. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 207

209 Sierra Leone Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Recettes pétrolières Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire En 2013, la Sierra Leone a maintenu la politique monétaire offensive, axée sur la stabilité des prix et la stabilité financière, qu elle avait mise en place en Les tensions inflationnistes qui s étaient accentuées en 2010 et 2011 sous l effet des crises mondiales des produits alimentaires, des carburants et du secteur financier, ainsi qu en raison de l impact, par nature non récurrent, de l introduction de la taxe sur les biens et services (GST) en 2010, ont commencé à diminuer en Cette baisse s est poursuivie en 2013, dans un contexte caractérisé par des taux de change stables, une amélioration de l approvisionnement intérieur en produits alimentaires et une politique monétaire offensive. L indice des prix à la consommation a diminué, passant de 13.7 % en 2012 à 9.9 % en 2013 et, d après les projections, il va continuer de décroître pour ressortir à 8 % en 2014 et à 6.6 % en Selon les estimations, l expansion de la masse monétaire au sens large (M2) s est ralentie, passant de 23.1 % en 2012 à 14.8 % en Après avoir été évincé en 2012 par l accroissement considérable des emprunts de l État auprès des banques commerciales sur le marché des titres, le crédit au secteur privé a de nouveau vu sa croissance s accélérer en Les taux d intérêt étaient restés relativement stables sur une grande partie de l année Le taux d épargne moyen s est stabilisé à 6.5 % et le taux de prêt autour de %, tandis que les bons du Trésor à un an et à 91 jours se sont maintenus, respectivement, à environ 20 % et 23 %, sur l essentiel de l année. Cependant, ces deux derniers taux ont diminué significativement en 2013, passant en dessous de 10 %, car l État a cessé d emprunter massivement. En 2013, le Comité de politique monétaire a réduit le taux directeur (Monetary Policy Rate MPR) à deux reprises, afin de prendre en compte la baisse des taux d intérêt sur le marché de la dette publique. Le taux de change du leone (SLL) reste déterminé par le marché. Il s était considérablement déprécié en 2009 car la crise financière mondiale pesait alors sur les exportations de minerais, mais il s est redressé en 2010 et, depuis, il est resté relativement stable, malgré un recul modeste par rapport aux années précédentes : de 8 % en 2010 et de 4 % en Cette tendance s explique par l accroissement des entrées d investissements directs étrangers (IDE) qui accompagnent la réalisation des nouveaux projets dans le secteur du minerai de fer, ainsi que par la hausse des recettes d exportation (tout particulièrement des exportations de minerai de fer) et des envois de fonds de l étranger. Cependant, si la Sierra Leone veut exploiter les possibilités qui s offrent à elle grâce à l essor de ses exportations de minerai de fer, elle devra se protéger contre ce que l on appelle le mal hollandais. 208 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

210 Coopération économique, intégration régionale et commerce Les recettes d exportation qui totalisaient millions USD en 2012 ont augmenté de 56.9 % en 2013, reflétant l expansion des recettes d exportation de produits miniers (diamants, rutile et minerai de fer) conjuguée à la progression considérable des autres recettes d exportation. Les exportations ont fait un bond de 68 % entre le premier semestre de 2012 et le premier semestre de Les principaux partenaires commerciaux du pays sont la Chine, le Royaume-Uni, les États-Unis, l Inde, l Afrique du Sud et la Belgique. Sierra Leone La balance commerciale de la Sierra Leone s est améliorée : elle est passée de -55 % du PIB en 2011 à % en 2013, et devrait se stabiliser autour de ce niveau en 2015 (tableau 4). D après les estimations, le déficit des comptes courants s est réduit à % du PIB en 2013, contre 25.9 % en 2011, en particulier grâce à la diminution des importations de produits miniers et liés au BTP. Ce déficit a été essentiellement financé par les importantes entrées d IDE en 2011 et La balance des paiements a été excédentaire en 2012, avec des réserves en devises couvrant trois mois d importations. À moyen terme, les exportations poursuivront leur expansion tandis que les importations de produits miniers et liés au BTP se tasseront. Le déficit des comptes courants, transferts publics y compris, devrait ainsi passer à, respectivement, 11.2 % du PIB en 2014, avant de remonter à 15.9 % en La Sierra Leone applique le tarif extérieur commun (TEC) de la Communauté économique des États d Afrique de l Ouest (CEDEAO), qui, à cause des problèmes posés par la compensation de la perte de recettes, n est pas encore pleinement mis en œuvre par tous les pays membres. En 2013, le pays a affiché des performances impressionnantes au regard des critères de convergence de la Zone monétaire d Afrique de l Ouest. Il est par exemple en bonne voie pour atteindre un taux d inflation à un seul chiffre lorsqu il aura satisfait aux critères de croissance. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette La politique de la dette a pour objectif de maintenir la dette publique de la Sierra Leone à un niveau tenable à moyen et long terme. Elle a notamment donné lieu à la loi de 2011 sur la gestion de la dette publique (Public Debt Management Act PDMA), qui vise à renforcer le cadre juridique et à améliorer la transparence de cette gestion et la reddition de comptes en Sierra Leone. D après une récente analyse de la viabilité de la dette (AVD) des pays à faible revenu, menée conjointement par le FMI et la Banque mondiale en octobre 2013, le risque de surendettement de la Sierra Leone reste modéré : de 142 % en 2005, juste avant que le pays ne soit classé parmi les pays éligibles à l Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE), le ratio de la dette extérieure sur le PIB est tombé à 29 % en BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 209

211 Sierra Leone Selon les estimations, en 2013, la dette extérieure de la Sierra Leone représentait 27.3 % du PIB hors minerai de fer, soit une légère amélioration par rapport à la fin de 2012 (27.8 %). Environ 64 % de cette dette sont dus à des créanciers multilatéraux, 13 % à des créanciers bilatéraux et 23 % à des créanciers commerciaux. L encours de la dette intérieure publique devrait s établir à 12.7 % en 2013, contre 11.6 % à la fin de 2012, malgré une baisse significative par rapport à 2007 (18.4 %). La dette extérieure en cours et décaissée (dette publique et dette garantie par l État) totalisait millions USD à la fin de décembre 2012, en hausse de 10.2 % par rapport à la fin de 2011 ( millions USD) 2. Cet accroissement de l encours de la dette reflète celui des décaissements effectués par les créanciers multilatéraux de la Sierra Leone, en particulier la Banque mondiale (37.42 millions USD), la Banque de la CEDEAO pour l investissement et le développement (BIDC) (29.44 millions USD), le Fonds africain de développement (5.6 millions USD) et la Banque islamique de développement (BID) (5.9 millions USD). La Banque mondiale a ainsi représenté 35.6 % du total, le FMI 19.4 %, la Banque africaine de développement (BAfD) 13.7 %, la BID 8.5 %, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique 6.5 %, la BIDC 4.9 %, le Fonds international de développement agricole 4.7 %, le Fonds de l OPEP pour le développement international (OFID) 4.6 % et la Commission européenne/banque européenne d investissement (BEI) 1.8 %. Malgré l augmentation de l encours de la dette publique, en partie pour financer des projets d infrastructure, le ratio de la dette sur le PIB affiche une tendance à la baisse car la croissance du PIB est supérieure à l encours de la dette. La dette extérieure en pourcentage du PIB a diminué, refluant de 30.8 % en 2011 à 28.5 % en décembre La stratégie de gestion de la dette à moyen terme anticipe une diminution progressive de l encours de la dette intérieure. Par conséquent, pour que la dette reste viable à moyen terme et long terme, les autorités devraient donner la priorité aux dons et aux prêts assortis de conditions très préférentielles. Or, le pays a récemment emprunté à des conditions non préférentielles, ce qui pourrait menacer la viabilité de sa dette. Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). 210 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

212 Gouvernance économique et politique Secteur privé L État s efforce d améliorer le climat d investissement, d attirer davantage d investissements étrangers et locaux et de renforcer sa capacité à nouer des partenariats public-privé durables et bénéfiques. Outre la création d un tribunal de commerce pour traiter plus rapidement les litiges et accélérer les procédures d insolvabilité, d autres réformes récentes concernent le cadre réglementaire et l environnement des affaires : promulgation d une nouvelle loi sur l accès aux données relatives à la solvabilité des emprunteurs, centralisées par le bureau d information sur le crédit mis en place depuis peu au sein de la Banque de Sierra Leone (BSL), numérisation des archives du ministère des Ressources foncières, de l Aménagement du territoire et de l Environnement et réduction de 19 jours du délai d enregistrement d un bien immobilier. Une loi sur les partenariats public-privé (Public-Private Partnerships Act) est en cours d introduction. Sierra Leone Le secteur formel de la Sierra Leone est très petit par rapport au secteur informel. Cependant, le pays figure parmi les 10 économies les plus réformatrices au monde. En cinq ans, il est passé de la 156 e place (2009) à la 140 e sur 185 (2013) dans le rapport Doing Business. Les changements les plus notables concernent le délai de création d une entreprise (76 e place sur 185 pays), qui a été ramené de 300 jours à 12 jours. La Sierra Leone a également reçu un substantiel volume de capitaux privés : les flux d IDE ont été multipliés par trois sur les cinq dernières années. Néanmoins, malgré ces avancées, l étude diagnostique réalisée par l organisation américaine Millenium Challenge Corporation (MCC) conclut que le grave déficit d infrastructures énergétiques et routières est le principal frein à la croissance de la Sierra Leone. Si ce déficit infrastructurel n est pas comblé, il limitera considérablement le développement du secteur privé dans ce pays. L environnement des affaires pourrait s améliorer à moyen terme grâce à la taxe et à d autres mesures incitatives introduites par la loi de finances (Finance Act) de 2013 dans l objectif d attirer l investissement, d alléger l administration de l impôt et d accroître les recettes fiscales. En revanche, bien que reposant sur des motivations louables, la politique destinée à promouvoir le contenu local (Local Content Policy), qui restreint le recours à des prestataires de services étrangers, risque d avoir un effet dissuasif sur les investisseurs potentiels et de mécontenter ceux qui opèrent déjà en Sierra Leone. Cependant, afin de faciliter la mise en œuvre de cette politique, le gouvernement s est récemment entendu avec les milieux d affaires sur un programme relatif au contenu local (Local Content Compact). Secteur financier Même si le secteur financier a affiché une expansion rapide ces dernières années, il demeure relativement sous-développé. Il se compose de banques et d établissements financiers non bancaires, tels que des sociétés d assurance, des banques communautaires, des organismes de financement immobilier, des sociétés spécialisées dans le crédit et des sociétés de fiducie, des maisons d escompte, des bureaux de change et des établissements de microcrédit. Fin 2013, on dénombrait 13 banques commerciales, contre 8 en Les banques contrôlaient plus de 80 % des actifs (l équivalent de 22 % du PIB) en Bien que leurs actifs et dépôts aient triplé depuis 2006, ils restent assez peu volumineux et fortement concentrés. Ainsi, les deux plus grandes banques détiennent 37 % des quelque 64 millions USD d actifs présents dans le système financier et 49 % du portefeuille global de prêts. Il existe apparemment très peu d interactions entre les banques et les autres établissements financiers, pour autant que l on puisse en juger d après les rares données fiables qui existent sur le sujet. L économie s appuie essentiellement sur l argent liquide et fait un usage très limité des moyens de paiement électroniques comme les cartes de crédit et les paiements par Internet, ou encore des distributeurs automatiques. Les données sont encore saisies manuellement dans les systèmes de compensation et de paiement, et les processus de règlement interbancaire ne sont toujours pas automatisés parce que le système informatique BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 211

213 Sierra Leone et l alimentation électrique sont défaillants. Toutefois, avec l assistance technique et financière de la BAfD et de la Zone monétaire de l Afrique de l Ouest, les autorités sont en train de mettre en place un système national électronique pour les paiements de gros montant. En Sierra Leone, les banques sont surtout actives dans le segment de détail : elles exercent les activités bancaires traditionnelles de base, mais proposent très peu de services d assurance ou de négociation de titres. En 2012, les agences bancaires étaient au nombre de 89, contre 57 en 2008, soit à peu près 3 agences pour habitants. Malgré cette expansion, l accès aux services financiers reste limité. D après l enquête de 2011 auprès des ménages, sur les 14 % de la population qui détiennent un compte de dépôt dans une banque commerciale (soit une personne sur sept), seulement 1 % a contracté un emprunt. Un certain nombre de facteurs, dont la structure du marché, l environnement d affaires et l infrastructure financière, ont une incidence sur l intermédiation financière. Les banques investissent essentiellement dans les emprunts d État à court terme et accordent des prêts à court terme à des taux élevés, étant donné que les marchés permettant de négocier des titres à plus long terme font encore défaut. Gestion du secteur public, institutions et réformes La Sierra Leone a réalisé des progrès en matière de gouvernance depuis 2007, avec un score de 48 en 2013 dans l indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG), qui la classe 10 e sur 16 en Afrique de l Ouest et au 31 e rang sur 52 pays africains. Les autorités, qui ont reçu l appui des donneurs pour la réforme de la fonction publique, s attachant à renforcer la gouvernance et les performances de la fonction publique, à en restaurer l efficience et à en améliorer la prestation de services, ont pu entreprendre plusieurs projets, notamment des examens fonctionnels et de la gestion des ministères, départements et agences, une étude diagnostique de l architecture du gouvernement de la Sierra Leone et l amélioration de la gestion des archives. Le cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) associe désormais les prévisions annuelles et à moyen terme des dépenses des ministères, départements et agences aux mesures ou projets. Les acteurs non étatiques participent eux aussi activement aux discussions budgétaires, avec à la clé un processus plus ouvert, transparent et crédible. Dans le budget, les dépenses sont ventilées dans les différents domaines de priorité définis dans l Agenda pour la prospérité. L introduction du système d information pour une gestion financière intégrée (IFMIS) a amélioré l exactitude et la rapidité de la communication financière et quelques aspects cruciaux du système de contrôle interne, notamment l automatisation des rapprochements bancaires lorsque c est possible, ainsi qu une vérification et un rapprochement plus rapides des comptes de la dette publique. Cependant, certains aspects, en particulier la saisie manuelle dans certains systèmes comptables des ministères, départements et agences, demeurent problématiques. Le plan de réforme pluriannuel de la rémunération au sein de l administration publique ( ) vise à porter les salaires des fonctionnaires à des niveaux plus acceptables, à rationaliser et à revaloriser les postes et à amener le secteur public à la taille adéquate, notamment en pourvoyant des postes techniques critiques et en instituant des systèmes de gestion de la performance plus solides. L État a d ores et déjà annoncé un relèvement substantiel du salaire minimal pour tous les fonctionnaires. Pourtant, la corruption pose problème. En témoignent le dernier classement en date établi par Transparency International, mais aussi le fait que, sur 273 affaires ayant fait l objet d enquêtes en 2012, seulement 22 ont abouti à une condamnation. L indice de perception de la corruption 2013 de Transparency International classe la Sierra Leone au 119 e rang sur 175 pays, avec un score de 30 sur 100, appelant l État à déployer «des efforts gigantesques» pour freiner la corruption qui, selon l organisation, devient progressivement la norme prédominante dans la société. 212 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

214 Gestion des ressources naturelles et environnement La Sierra Leone dispose d abondantes ressources naturelles : minéraux, ressources halieutiques et forestières, terres et probables réserves pétrolières. L Agenda pour la prospérité décrit la gestion des ressources naturelles comme le premier moteur d une croissance rapide, qui transformera, d ici 2035, la Sierra Leone en un pays vert et inclusif, à revenu intermédiaire. Récemment, dans le secteur minier, deux grands projets d exploitation du minerai de fer lancés par les sociétés African Minerals et London Mining ont généré une manne financière et créé des emplois. Sierra Leone La cargaison de tonnes de minerai de fer expédiée en novembre 2011 par African Minerals était la première de cette ampleur en plus de trente ans. De même, les activités d exploration d Anadarko et d African Petroleum, ainsi que l évaluation réalisée par ces deux entreprises, font apparaître des perspectives pétrolières intéressantes. Toutefois, l exploitation minière et pétrolière perturbe l environnement naturel, notamment à travers la déforestation, la dégradation des terres, l érosion des sols, l envasement ou encore la contamination des réseaux hydrographiques et le déplacement de villages. Plusieurs dispositions de la loi sur les mines et les minéraux (Mines and Minerals Act) de 2009, ainsi que de la loi sur la protection de l environnement (Environmental Protection Act) de 2009, s efforcent de remédier à ces problèmes. La création de l Agence nationale des minerais en 2013, visant à réguler le secteur minier et à permettre au pays de recueillir les fruits de l exploitation tout en en minimisant les répercussions négatives, y contribuera largement. Avec l appui du FMI, les autorités ont également élaboré et soumis au Parlement un projet de loi sur les revenus des industries extractives (Extractive Industries Revenue Bill), avec un nouveau régime qui réunit toutes les règles, fiscales et autres, portant sur les industries extractives en un seul instrument juridique et qui introduit une taxe sur les rentes applicables aux bénéfices exceptionnels. Pour l heure, le pays cherche principalement à obtenir le statut Conforme à l Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), que le pays n a pas encore réussi à obtenir. Contexte politique Si la Sierra Leone compte aujourd hui plus de 6 millions d habitants, elle a perdu une grande partie de sa population dans le conflit armé qui a fait rage entre 1991 et En outre, au moins 2 millions de personnes ont été déplacées et se sont réfugiées à l étranger. La communauté internationale s est alarmée des réalités de ce conflit après avoir découvert l existence des enfantssoldats, la pratique systématique des amputations de membres et l utilisation de ce que l on appelle les «diamants du sang» pour financer les groupes armés dans le bassin du fleuve Mano. Fort d une situation sociopolitique désormais stable, le pays a enregistré des avancées politiques entre sa sortie du conflit et l organisation réussie d élections nationales, locales et législatives, qui se sont déroulées pacifiquement en novembre C était là le troisième scrutin depuis la fin du conflit. Même si des violences sporadiques étaient de plus en plus redoutées à l approche des deux dernières élections présidentielle et parlementaires, il n y a pas eu d incidents importants motivés par des raisons politiques ou des menaces de violences électorales, hormis quelques escarmouches chez les militants de partis politiques. Selon l indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) 2013, la sécurité nationale est la catégorie dans laquelle la Sierra Leone a enregistré les progrès les plus marqués en six ans. D après plusieurs évaluations, notamment le cadre des banques multilatérales de développement pour l évaluation de la fragilité, ainsi que l évaluation de la fragilité pilotée par le pays lui-même en 2012, la Sierra Leone reste considérée comme un «État fragile». Deux indicateurs clés montrent que le pays est en passe de remédier à cette fragilité : i) la fermeture, en mars 2014, du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Sierra Leone (BINUCSIL), et ii) la progression constante des scores du pays, ces dernières années, dans les évaluations de la politique et des institutions nationales. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 213

215 Sierra Leone Dans ce contexte, on observe un consensus grandissant au sein de la communauté internationale du développement sur le fait que la Sierra Leone a franchi un cap et se trouve désormais sur une trajectoire positive qui lui permettra de devenir un pays stable et résilient. Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Les indicateurs sociaux de la Sierra Leone demeurent effroyablement faibles à tous égards, même s ils s améliorent peu à peu grâce à l accroissement des investissements réalisés par les partenaires au développement et par les autorités dans le secteur social. D après l indice de développement humain (IDH) que détaille le Rapport sur le développement humain 2013, la Sierra Leone obtient un score de 0.359, ce qui la classe en 177 e position sur 187 pays. Elle se trouve donc dans le bas du tableau et se situe en dessous de la moyenne régionale, qui est de De même, l espérance de vie à la naissance (48.1 ans) et la mortalité des enfants de moins de cinq ans (174 décès pour naissances vivantes) sont inférieures aux moyennes régionales. La Sierra Leone affiche également l un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde : 890 décès pour naissances vivantes. On dénombrait 1.6 médecin pour habitants en 2011, et 42.2 % des accouchements étaient assistés par du personnel de santé qualifié. La mise en œuvre du Programme de gratuité des soins de santé pour les mères allaitantes et les enfants de moins de cinq ans est difficile. Toutefois, des avancées ont été accomplies pour la réalisation en 2015 des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) 4 et 5, portant, respectivement, sur la mortalité des enfants et sur la santé maternelle, ce qui témoigne des progrès obtenus grâce au Programme de gratuité des soins de santé et à d autres efforts des pouvoirs publics. Les rémunérations des personnels de santé ont été relevées en 2010, et ces hausses de salaire sont étendues à d autres secteurs à travers une augmentation généralisée du salaire minimum. Le nombre d enfants qui dorment sous une moustiquaire imprégnée d insecticide a été multiplié par trois. La proportion d accouchements se déroulant dans un établissement de santé est passée de 17.8 % en 2008 à 55 % en 2011, puis à 60.9 % en La proportion d enfants vaccinés contre les maladies infantiles courantes a progressé, passant de 54.6 % en 2008 à 83.8 % en 2011, puis à 87 % en De plus, la composante de l OMD 9 relative au virus de l immunodéficience humaine/syndrome d immunodéficience acquise (VIH/sida) sera atteinte en 2014, puisque le taux de prévalence du VIH se stabilise à 1.5 %. De vigoureux efforts ont également été déployés en matière de prévention et de traitement du paludisme et de la tuberculose, notamment grâce à l achèvement du projet des services de santé de district de la BAfD. Le niveau d instruction, et surtout le taux d achèvement de la scolarité, est faible au regard des normes internationales, et il y a peu de chances pour que les cibles de l OMD 2 soient atteintes d ici D après l enquête de 2011 auprès des ménages, 56 % des adultes de plus de 15 ans ne sont jamais allés à l école. Selon le Rapport sur le développement humain 2013, le taux d alphabétisation des plus de 15 ans est de 42.1 %, et le taux brut de scolarisation est de 125 % dans le primaire et de 54.5 % dans les établissements d enseignement secondaire du premier cycle. Néanmoins, il semble que les indicateurs de l enseignement au-delà du primaire s améliorent, puisque davantage d élèves fréquentent aujourd hui l enseignement secondaire ou post-secondaire. Conformément à l Agenda pour la prospérité, l État a étoffé son budget alloué à l éducation et à la santé ; il entend ainsi accélérer le développement humain en Sierra Leone grâce à une amélioration de l accessibilité et de la qualité de l enseignement, et à la fourniture de services de santé, qui auront des conséquences notables. Cet Agenda prône la réalisation de la cible de la Déclaration d Abuja, à savoir l allocation de 15 % du budget à la santé ; or, le pays y consacre actuellement beaucoup moins : 1.9 % du PIB sert des dépenses de santé, 2.3 % vont à l éducation, et l ensemble du secteur social totalise seulement 8.2 %. 214 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

216 Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Si les autorités ont encore du mal à promouvoir une croissance reposant sur une large base et à lutter contre la pauvreté, la croissance soutenue qu a affichée l économie après la fin de la guerre civile se traduit par une diminution de l incidence de la pauvreté dans le pays. Selon l enquête intégrée auprès des ménages (Sierra Leone Integrated Household Survey SLIHS) menée en 2011, qui est la dernière en date, le taux de pauvreté est tombé à 52.9 %, contre 66.4 % en Globalement, cette réduction est à mettre au compte d une forte croissance dans les zones rurales, où l incidence de la pauvreté a reculé à 66.1 % en 2011 (contre 78.7 % en 2003), même si ce chiffre reste plus élevé que le taux de pauvreté urbaine. Ce dernier est passé de 46.9 % en 2003 à 31.2 % en 2011, malgré une augmentation de la pauvreté à Freetown, la capitale (20.7 % en 2011, contre 13.6 % en 2003). Sierra Leone Entre 2003 et 2011, la pauvreté a reculé dans les trois provinces, à savoir la Province de l Est (où elle est passée de 86.0 à 61.3 %), celle du Nord (de 80.6 à 61.0 %) et celle du Sud (de 64.1 à 55.4 %), mais pas dans la Région de l Ouest (de 20.7 à 28.0 %). Cette évolution pourrait s expliquer par la migration de jeunes issus de zones rurales vers la Région de l Ouest, surtout vers Freetown, en quête d opportunités économiques. Au niveau des districts, l analyse de la pauvreté montre qu en 2011, la plupart d entre eux avaient convergé vers des niveaux de pauvreté compris entre 50 et 60 %, à l exception de Freetown (20.7 %) et de Moyamba et Tonkolili, où le taux de pauvreté dépassait 70 %. Les ménages citadins les moins instruits sont plus susceptibles d être pauvres, à l inverse des ménages exerçant une activité non agricole. Le pays a enregistré un recul général des inégalités entre 2003 et Contrairement à plusieurs zones urbaines, Freetown et toutes les zones rurales ont vu les inégalités diminuer. Le coefficient de Gini calculé pour la consommation par habitant est passé de 0.39 en 2003 à 0.32 en Les niveaux d inégalités étaient très variables d un district à l autre en 2011 : c est dans celui de Bombali (0.42) que les inégalités étaient les plus grandes et dans celui de Tonkolili (0.21) qu elles étaient les plus faibles. Les inégalités sont également assez faibles dans la capitale, où le coefficient de Gini est de Cette amélioration s explique en grande partie par le fait que la croissance est pro-pauvres. On ne dispose pas de données actualisées relatives au marché du travail, et les marchés, la qualité des produits, les investissements et le savoir technique sont encore mal compris. Si les données sur l emploi font défaut et ne sont pas encore communiquées, c est parce que les centres pour l emploi sont quasiment inexistants. Ce problème est encore aggravé par l obsolescence de la législation sur le travail et la non-mise en œuvre de la politique nationale pour l emploi. En outre, les qualifications demandées sur un marché du travail en pleine évolution ne correspondent pas à celles produites par les établissements d enseignement et de formation. Le taux d alphabétisation des adultes reste faible dans l ensemble du pays. Sur les 35 conventions de l Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par la Sierra Leone, 30 sont entrées en vigueur, dont les huit conventions fondamentales, deux des quatre conventions de gouvernance et 25 des 177 conventions techniques. Les dernières conventions ratifiées sont la Convention sur l âge minimum et celle sur les pires formes de travail des enfants, toutes deux ratifiées le 10 juin 2011 et toutes deux en vigueur. Aucune nouvelle convention n a été ratifiée au cours des 12 derniers mois. La population de la Sierra Leone est jeune : 63 % des habitants ont moins de 25 ans. À cause de la guerre civile, une forte proportion est peu instruite ou dispose de faibles compétences professionnelles, ce qui la rend d autant plus difficile à absorber par le petit marché du travail formel du pays. D après les projections, le chômage des jeunes dépassera les 70 % sur les cinq prochaines années ; il sera donc nécessaire de créer plus de emplois, afin d occuper différentes catégories de jeunes, qualifiés ou non. La BAfD a achevé l année dernière une étude d identification des besoins en compétences, qui donne des pistes sur les moyens d accroître l emploi des jeunes. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 215

217 Sierra Leone Différents programmes publics ont aussi contribué à cette réduction notable de l incidence de la pauvreté, notamment le programme SHCP, qui fournit aux petits exploitants des intrants améliorés, des tracteurs et du matériel, le programme de gratuité des services de santé pour les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes, le programme de gratuité de l enseignement primaire, le programme de paiement des frais d examen pour différents niveaux de certificats, le programme de transferts monétaires destinés aux personnes âgées et vulnérables, et des programmes de développement social entrepris par la Commission nationale pour l action sociale (National Commission for Social Action NaCSA). Égalité hommes-femmes Les pouvoirs publics de la Sierra Leone sont conscients de l importance que revêtent les problèmes sexospécifiques. C est pourquoi les questions de genre ne sont pas simplement intégrées dans l Agenda pour le développement, mais en constituent un pilier à part entière. La Sierra Leone a signé plusieurs déclarations de politique publique et voté des lois reflétant la Convention sur l élimination de toutes les formes de discrimination à l égard des femmes. Un fonds pour l autonomisation des femmes et des jeunes a récemment été mis en place. Le pays est en bonne voie pour atteindre la composante de l OMD 3 relative à l enseignement primaire. S agissant des autres composantes relatives à la parité et à l autonomisation des femmes, ses résultats restent faibles et les cibles ne seront pas atteintes d ici Malgré ces efforts, des disparités significatives entre hommes et femmes persistent. D après le Rapport sur le développement humain 2013, la Sierra Leone se classe au 139 e rang sur 187 pays dans l indice d inégalité de genre. Seulement 9.5 % des femmes adultes ont suivi un enseignement secondaire ou supérieur, contre 20.4 % des hommes. La proportion de femmes à des postes de décision, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé, est inférieure à 30 %. Seulement 12.9 % des sièges au Parlement national et 19 % des postes de conseillers municipaux sont occupés par des femmes. D après le SLIHS 2011, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à participer à des activités non économiques dans le foyer. Le récent recensement des établissements scolaires (2010/11) indique que 48 % des enfants qui vont à l école en Sierra Leone sont des filles, mais que leur nombre et leur taux d inscription diminue à mesure que le niveau d instruction augmente : elles sont 51 % dans l enseignement préscolaire, 49 % dans le primaire, 45 % dans le premier cycle d enseignement secondaire et 38 % dans le second cycle du secondaire. De graves obstacles entravent l accès des filles à l éducation, notamment les mariages d enfants, les grossesses précoces, les rites d initiation, la pauvreté, l exploitation et le harcèlement sexuels. Plus de la moitié des cas de violence à l encontre des femmes sont considérés comme des violences conjugales et 30 % comme des violences sexuelles. Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique Évaluation globale de la participation du pays aux chaînes de valeur mondiales (CVM) La Sierra Leone ayant été dévastée par dix années de guerre civile, qui ont anéanti sa production de marchandises et ses capacités commerciales, et affaibli ses systèmes de marché, notamment les infrastructures, on comprend tout à fait que pendant et immédiatement après le conflit, la participation du pays aux chaînes de valeur mondiales ait été faible et limitée. Toutefois, ayant réussi à se relever de ce conflit au début des années 2000, en mettant en œuvre les Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) intérimaire et intégral, élaborés respectivement en 2001 et 2003, le pays a posé les fondations de sa participation aux chaînes de valeur mondiales, au moyen de réformes de sa politique publique et du renforcement de ses institutions. 216 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

218 Grâce à des réformes cohérentes de sa politique économique et commerciale, la Sierra Leone a franchi deux jalons significatifs en 2006, qui ont amélioré sa compétitivité au niveau de la production à l échelle mondiale : i) elle est devenue éligible à l Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE), ce qui a permis l effacement de l encours de sa dette, dégageant ainsi une marge pour de solides réformes de la politique publique, en particulier dans le secteur productif ; ii) elle a développé et mis en œuvre une Étude diagnostique sur l intégration du commerce (EDIC), avec notamment une vaste Matrice des actions reposant sur le secteur productif, visant à hiérarchiser et à établir un calendrier pour les réformes relatives au commerce et à rendre plus compétitifs les secteurs productifs, tels que l agriculture et la pêche. Ces deux jalons ont donné le rythme pour la participation progressive du pays dans les chaînes de valeur mondiales, surtout au niveau infrarégional. Sierra Leone Toutefois, malgré ces réalisations, si le pays veut être pleinement intégré au réseau de chaînes de valeur mondiales, surtout pour les produits pour lesquels il dispose d un avantage comparatif, il devrait entreprendre des réformes vastes et globales, du côté de l offre comme de la demande, dans les secteurs de la production et des échanges. Grâce à la mise en œuvre de la Matrice des actions de l EDIC 2006, qui comptait une centaine d actions couvrant huit domaines, le pays a enregistré des avancées considérables, avec notamment des changements législatifs et réglementaires visant à améliorer son environnement d affaires, ainsi que le renforcement des capacités institutionnelles permettant d élaborer et de déployer les politiques commerciales. L actualisation de l EDIC, finalisée en novembre 2013, fait fond sur les progrès accomplis grâce à la Matrice des actions 2006, en complétant ce qu elle a permis de réaliser et en dégageant des enseignements utiles. Description de la participation passée et à venir aux CVM L EDIC actualisée donne des éclaircissements et présente une analyse des secteurs productifs prioritaires (agriculture, tourisme et pêche). Elle définit aussi le programme d amélioration des échanges du pays pour les cinq prochaines années, en mettant l accent sur certains aspects transversaux, comme la facilitation des échanges et la logistique, qui permettraient de réduire les obstacles au commerce et à la compétitivité mondiale du côté de l offre. En outre, l EDIC actualisée intègre les questions commerciales dans l Agenda pour la prospérité ( ). Une évaluation au regard de la Matrice de 2006 montre que, si des avancées notables ont été réalisées, par exemple grâce à l adoption de règles et de stratégies, ces actions ne se sont pas nécessairement traduites par des coûts commerciaux moins élevés, par des exportations à valeur ajoutée ou par des chaînes d approvisionnement fiables. Par conséquent, on peut considérer que la Sierra Leone est à l aube de s intégrer pleinement dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). La mise en œuvre de l EDIC actualisée devrait accélérer cette intégration. L analyse de l EDIC actualisée indique que les principaux secteurs participant aux chaînes de valeur mondiales sont l agriculture (avec une place prépondérante pour quatre cultures commerciales, à savoir le cacao, le manioc, le riz et l huile de palme), la pêche (pour laquelle il faut limiter les prises illicites, non déclarées et non réglementées) et le tourisme (pour lequel il faut renforcer l emploi et l infrastructure). La Sierra Leone étant richement dotée en minéraux de base et précieux, le secteur minier est lui aussi présent dans le réseau de CVM, surtout pour ce qui concerne la production primaire et les exportations de matières premières. Le segment des diamants en particulier (mines de kimberlite et production alluvionnaire) joue un rôle clé dans le réseau de CVM et représente une part importante des exportations minières. Toutefois, la Sierra Leone étant un État fragile, les opérations au sein de la chaîne de valeur sont essentiellement menées à l échelon primaire. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 217

219 Sierra Leone Ainsi, les métaux de base sont essentiellement exportés sous forme brute vers des pays industrialisés qui procèdent à leur raffinage et à leur transformation en produits à plus forte valeur ajoutée. En 2012, le pays a exporté 7.5 millions de tonnes de minerai de fer, surtout vers la Chine et l Europe, mais, sur la même année, les importations de produits finis issus de minerais représentaient 32.4 % du total de ses importations. Les pierres précieuses, telles que le diamant, sont elles aussi essentiellement exportées sous forme brute. Il en va de même pour les cultures commerciales, comme le cacao, le café et l huile de palme, qui sont produits puis exportés vers des pays de la région. La principale activité réalisée par la Sierra Leone dans la chaîne de valeur mondiale consiste à produire ou à extraire des produits de base et à les exporter vers d autres pays qui y ajouteront de la valeur. Doté de piètres infrastructures, surtout en ce qui concerne l approvisionnement en énergie et le réseau routier (seulement 12 % de la population a accès à l électricité et 8.9 % des axes routiers sont revêtus), le pays n est pas à même d opérer à des niveaux plus élevés de la chaîne de valeur. Si les marchés finals des exportations de produits miniers sont répartis dans le monde entier, avec par exemple la Chine et l Europe pour le fer, la bauxite ou l oxyde de titane, la Belgique et Israël pour les diamants et l or, ceux des produits alimentaires sont encore locaux ou, dans une certaine mesure, régionaux, hormis, probablement, pour le cacao et le café. Pour l heure, les produits halieutiques de la Sierra Leone n ont pas accès aux marchés de l Union européenne (UE) ; toutefois, en raison de la pêche illicite et non réglementée, la majeure partie ces produits finit par se retrouver sur ces marchés, avec à la clé un manque à gagner pour la Sierra Leone sur les recettes du secteur, pourtant indispensables. Plusieurs possibilités s offrent au pays pour améliorer son positionnement à l intérieur des CVM, notamment dans l extraction de diamants et la culture manioc. Ainsi, l EDIC actualisée souligne que la production de manioc et sa transformation en gari sont extrêmement rentables pour les agriculteurs, les négociants et les fabricants, et que le coût de production global est faible, étant donné l utilisation limitée de facteurs inorganiques. Actuellement, le produit fini (le gari) est très demandé dans la sous-région. Compte tenu de son avantage comparatif dû à ses conditions de production favorables, la Sierra Leone dispose d un énorme potentiel de participation à la CVM du manioc. Opportunités et potentiel de participation aux CVM Étant un important producteur et exportateur de diamants (issus de la kimberlite et alluvionnaires), la Sierra Leone pourrait également exploiter un potentiel dans la taille et le polissage de ces pierres, ce qui lui permettrait de produire des marchandises à plus forte valeur ajoutée. Le pays compte deux projets d exploitation à grande échelle de la kimberlite, dispose de vastes communautés qui procèdent à l exploitation alluvionnaire aussi bien de l or que des diamants, et réalise une proportion substantielle des exportations totales de diamants. Les possibilités de renforcement de la participation de la Sierra Leone à la chaîne de valeur dans le secteur diamantifère sont à portée de main, et le pays devrait mettre en place les conditions adéquates pour qu elles se concrétisent. Les possibilités d ajouter de la valeur dans d autres filières comme, dans le secteur minier, le minerai de fer ou, dans le secteur agricole, le cacao, nécessiteraient des investissements massifs dans l infrastructure. Facteurs limitant la participation aux CVM La Sierra Leone étant un pays encore fragile, de nombreux obstacles entravent sa pleine participation aux CVM ou sa progression vers des échelons plus élevés de la chaîne de valeur, identifiés dans l EDIC Les facteurs les plus handicapants sont les coûts de production élevés et les niveaux de production sous-optimaux. On peut citer aussi l inefficience de l assemblage de produits de base ou les méthodes de transformation retenues par les agriculteurs, qui laissent 218 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

220 peu de possibilité de spécialisation, car les agriculteurs combinent diverses fonctions le long de la chaîne de valeur. Dans certains cas, la production, l assemblage et la transformation sont combinés. Le coût élevé des facteurs, dû à la faible utilisation de technologies, crée des inefficiences, qui alourdissent les coûts de production. Autre problème : les méthodes de production à forte intensité de main-d œuvre. Ainsi, l EDIC actualisée indique que le pays dispose d un avantage comparatif dans la production de riz destinée à remplacer les importations, mais probablement pas à l exportation, car vu ses méthodes de production, ce segment emploie une abondante main-d œuvre et ses rendements sont relativement faibles. Dans la filière du cacao, l analyse de la chaîne de valeur montre qu environ 43 % des coûts proviennent de l exploitation agricole, 27 % de l assemblage et 30 % des phases de transformation et d exportations, ce qui témoigne de la faible productivité due aux mauvaises pratiques agricoles et à l ancienneté des plantations. De plus, les fonctions d assemblage, de triage et de transport local des produits de base sont très inefficients. En ce qui concerne l huile de palme, les coûts élevés associés aux phases de transformation et à la logistique pèsent fortement sur la compétitivité du commerce de ce produit. Au niveau de la transformation, les coûts se décomposent en coûts d emballage, coûts de fourniture d énergie, coûts d utilisation de véhicules et coûts d entretien. Au niveau de l assemblage, il s agit des coûts d amortissement des véhicules et des frais généraux, taxes et prélèvements. Néanmoins, malgré ces limitations intrinsèques, de nombreuses politiques et stratégies nationales se sont attachées à créer un environnement d affaires plus propice à l intégration dans les chaînes de valeur mondiales. La Sierra Leone est membre d organisations régionales comme la CEDEAO et l Union du fleuve Mano (UFM), qui favorisent l harmonisation tarifaire. Ce sont les insuffisances au niveau de l infrastructure pour l eau, l énergie et le transport routier, maritime et aérien qui gênent le plus la progression dans les chaînes de valeur. La faible participation des petites et moyennes entreprises (PME) aux chaînes de valeur et le manque de compétences et de capacités dans des secteurs critiques sont également des facteurs qui inhibent la participation aux CVM. Sierra Leone Politiques et stratégies nationales Deux stratégies à moyen terme visent à faciliter la participation aux CVM : l EDIC actualisée, adoptée en décembre 2013, et les programmes et pratiques présentés dans le volet diversification économique de l Agenda pour la prospérité. Comme indiqué plus haut, ces deux stratégies sont complémentaires et se renforcent l une l autre. La mise en œuvre de l EDIC 2006 a permis de tirer des enseignements utiles pour l actualisation des actions dans l EDIC 2013, compte tenu de l évolution du contexte mondial et régional. Notes : 1. Malgré l amélioration des recettes grâce aux réformes fiscales, le ratio des recettes sur le PIB reste inférieur à la moyenne de l Afrique subsaharienne, et même moins élevé que celui des États fragiles aux caractéristiques comparables, ce qui est le signe d un faible taux de mobilisation des recettes. 2. À la fin de 2011, le montant de la dette en cours et décaissée a été revu en hausse, de millions USD à millions USD, pour prendre en compte les décaissements différés. 3. Le PIB de 2011 a été révisé en hausse, à milliards SLL, contre une estimation antérieure de milliards SLL. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 219

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222 TOGO 2014 Carpophore Ntagungira / c.ntagungira@afdb.org

223 Togo Togo Estimé à 5.6 % en 2013, le taux de croissance est en léger recul par rapport à 2012 (5.9 %), mais devrait s établir à 6.0 % en 2014 et 6.3 % en Grâce aux améliorations de 2013 et à l Office togolais des recettes, opérationnel depuis février 2014, le gouvernement devrait assainir un environnement des affaires qui freine toujours la création d entreprises et l accès au foncier. Le Togo compte exploiter les atouts des industries extractives, des unités de transformation qui s y attachent, des services du port et du transport pour tirer profit des chaînes de valeurs mondiales. Vue d ensemble Le taux de croissance, estimé à 5.6 % en 2013, s explique par les performances du secteur primaire, notamment dans le coton et les cultures vivrières, et celles du secteur tertiaire : commerce, transport et entreposage, communications. La poursuite des programmes d investissements publics, combinée à la relance des filières du coton et des phosphates, devrait soutenir la croissance, projetée à 6.0 % en 2014 et 6.3 % en Malgré la hausse significative des recettes fiscales (11 % par rapport à 2012), le niveau de la pression fiscale n a augmenté que très légèrement : 16.4 % en 2012 et 16.9 % en Le déficit du solde global s est amélioré : 4.6 % du PIB en 2013, contre 5.8 % en Le taux d inflation s est établi à 1.8 % en 2013, et il sera maîtrisé à moyen terme. Sur le front politique, les élections législatives de 2013 se sont déroulées sans incident. La préparation dans la sérénité de la présidentielle, prévue en 2015, sera un facteur déterminant pour la bonne marche du pays. La population demeure très jeune : 75 % des Togolais ont moins de 35 ans et 35 % ont entre 15 et 35 ans. Cette dernière tranche d âge connaît des taux de chômage et de sous-emploi particulièrement élevés : respectivement 8.1 % et 20.5 %. L incidence de la pauvreté a connu une baisse de 3 points de pourcentage, passant de 61.7 % en 2006 à 58.7 % en Ces résultats, bien que positifs, sont loin de la cible de 30.9 % prévue en 2015 par les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). D autant que, au cours de la même période, l extrême pauvreté a augmenté de 28.6 % à 30.4 %. Elle est associée à une hausse des inégalités, comme l a mesuré l indice de Gini qui est passé de à En matière d éducation, les efforts consentis ces dernières années par le gouvernement ont porté : le taux brut de scolarisation (TBS) a atteint % en 2012/13. Les élèves, néanmoins, ont du mal à achever leur scolarité, et cela à tous les niveaux d enseignement. Conséquence : près de 85 % des demandeurs d emploi restent sans qualification. Le secteur de la santé est confronté à l insuffisance des ressources et aux problèmes de gouvernance. La mortalité infanto-juvénile (124 pour mille), et la mortalité infantile (77 pour mille) ont légèrement augmenté en 2010 par rapport à leurs valeurs de 2006 (76 pour mille et 123 pour mille). En revanche, entre 2008 et 2011, le taux de mortalité maternelle est passé de 350 décès pour cent mille naissances vivantes à 300 pour cent mille. De même, la prévalence du VIH/sida au sein de toute la population est passée de 4 % en 2006 à 3 % en Le Togo possède d importants gisements de minerais (phosphate, calcaire, fer et manganèse). Il devra en premier lieu développer les industries extractives et les unités de transformation à moyen et long termes pour tirer profit des chaînes de valeur mondiales. Les services portuaires 222 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

224 et le transport régional constituent également des opportunités. D autres occasions pourront se créer dans des branches industrielles différentes, mais elles dépendront, d une part, de la qualité du service public, d autre part, du tarif et de la disponibilité des services d utilité publique. Togo Figure 1. Taux de croissance du PIB réel % 9 Taux de croissance du PIB réel (%) Afrique de l Ouest (%) Afrique (%) (e) 2014(p) 2015(p) Source : BAfD, Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p). Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques (e) 2014(p) 2015(p) Croissance du PIB Taux de croissance du PIB réel par habitant Inflation Solde budgétaire (% PIB) Compte courant (% PIB) Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Développements récents et perspectives Le Togo a réussi à s engager sur la voie de la croissance depuis Le PIB réel a ainsi progressé de 4.8 % en 2011, 5.9 % en 2012 et 5.6 % en Le secteur primaire a connu un léger ralentissement, avec une croissance s établissant à 6.0 % en 2013, contre 6.4 % en En cause : la mauvaise fréquence des pluies en Le secteur secondaire, lui, a subi un ralentissement plus prononcé : 6.5 % de croissance en 2013, contre 13.2 % en Ce ralentissement est imputable au reflux de la production des industries manufacturières, notamment dans les activités du ciment et de l énergie. Quant au secteur tertiaire, sa croissance est passée de 3.2 % en 2012 à 5.0 % en Un bon résultat à mettre notamment au crédit de la restructuration du système bancaire, de la reprise du commerce et de la réduction des coûts des communications. En outre, le gouvernement continue de mettre en œuvre des politiques contracycliques qui permettent de soutenir le secteur agricole et de maintenir un cadre macroéconomique relativement stable. Le déficit budgétaire s est ainsi amélioré, passant de 5.8 % en 2012 à 4.6 % en BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 223

225 Togo L économie reste dominée par le secteur primaire, dont le poids est estimé à 51.8 % du PIB pour Le secteur tertiaire représente 31.8 % du PIB, celui du secondaire 16.3 %. L agriculture occupe toujours une place de choix au Togo, contribuant à 47.7 % du PIB en Pourtant, son potentiel n est pas entièrement mis en valeur : seulement 45 % des 3.4 millions d hectares de terres cultivables sont exploités. Les agriculteurs bénéficient d importantes subventions d État pour les engrais. Mais la productivité des activités agricoles reste faible et freine l essor des unités de transformation. Pour remédier à cette carence, le secteur devra réaliser d énormes progrès dans la mécanisation des moyens de production, la maîtrise des systèmes d irrigation, la réhabilitation et l entretien des pistes rurales afin de désenclaver les régions agricoles, et l accès à la propriété foncière. La filière cotonnière est la première source d exportation agricole. Elle a été restructurée en 2009 à travers la création de la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT). L État a cédé 40 % de son capital aux producteurs, ce qui a permis, dans un premier temps, d assurer une augmentation de la production : de 2010 à 2012, elle est passée de tonnes de coton graine à tonnes, soit une progression en moyenne de 68 % par an. Cependant, la production a baissé de 13 % de 2012 à 2013, en raison des problèmes d encadrement et du mauvais rythme des pluies. Cette tendance à la baisse devrait se poursuivre du fait des incertitudes sur les cours mondiaux du coton. À moyen terme, l État a l ambition d au moins doubler la production, puis de la porter à tonnes, un niveau atteint dans les années 90. Malgré l aide du gouvernement pour les engrais, le rendement reste faible : 0.7 tonne de coton graine par hectare, alors que le seuil jugé acceptable pour maintenir durablement la collaboration entre l État et les producteurs est de 1.3 t/ha. De son côté, la filière café-cacao a connu une reprise depuis 2009 grâce aux subventions de l État. La production n avait cessé de décroître depuis des décennies : de tonnes en 1970, elle était passée à tonnes en 1980 et tonnes en De 2010 à 2013, la production a évolué en dents de scie : entre et tonnes pour le café, et tonnes pour le cacao. Son évolution reste instable. La contribution du secteur secondaire à la croissance réelle a baissé : 1.1 point de pourcentage en 2013, contre 2.1 points en Les efforts du gouvernement pour améliorer le réseau routier urbain et les pistes rurales ont à nouveau favorisé la part relative du bâtiment et des travaux publics (BTP) dans le PIB : 5.1 % en 2013, contre 4.5 % en Toutefois, le BTP a moins contribué à la croissance en 2013 qu en 2012 (0.2 point de pourcentage en 2013 contre 0.9 point en 2012). Il en est de même pour la filière électricité, eau et gaz : 0.1 point de pourcentage en 2013 contre 0.4 point en Le raccordement du Togo au réseau mondial de la fibre optique ayant été effectué en 2012, le développement des télécommunications n a pas encore eu d effet sur la croissance. Le rythme de croissance du Togo devrait se maintenir en 2014 et 2015, avec des taux projetés respectivement à 6.0 % et 6.3 %. Deux facteurs pourraient y contribuer : des conditions favorables à la productivité agricole et l exploitation des ressources minières. Le secteur primaire devrait croître de 7.4 % en 2014 et 8.8 % en 2015 grâce aux investissements de l État dans les cultures vivrières et de rente. Ils devraient progresser de 17.4 % en 2014 et 14.2 % en Quant aux industries extractives, elles représentaient 4.1 % du PIB en 2013 (contre 4.0 % en 2012) et étaient dominées par l exploitation du phosphate et du clinker. La part de ces industries dans le PIB devrait augmenter, pour atteindre 4.3 % en 2014 et 4.5 % en Le secteur secondaire ne sera pas en reste : les prévisions tablent sur une hausse de 8.8 % en 2014 et 7.1 % en 2015, due essentiellement aux BTP (9.7 % en 2014 et 13.9 % en 2015). Le secteur tertiaire devrait connaître une croissance de 4.1 % en 2014 et 3.7 % en 2015, portée par le développement des services dans les banques et les assurances (10.3 % en 2014 et 4.2 % en 2015), ainsi que dans le transport, l entreposage et les communications (6.1 % en 2014 et 17 % en 2015). La contribution du secteur tertiaire à la croissance réelle du PIB est passée de 1.6 point de pourcentage en 2012 à 2.5 points en Elle devrait être de 2.1 points en 2014 et 1.8 point en Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

226 La demande intérieure est supérieure au PIB depuis les années 90. Cette tendance explique la dépendance structurelle du Togo aux apports des capitaux extérieurs. Sur la période , la part de la consommation s est élevée à près de 97 % du PIB en moyenne (dont environ 87 % pour la consommation privée). En 2012, elle en représentait 92.5 % et est estimée à 94.2 % en La consommation privée s est établie à 82.1 % du PIB tandis que la consommation publique était estimée à 12.1 %. Un reflux devrait s amorcer en 2014, à 92.8 % du PIB, conséquence du recul de la consommation privée, estimée à 80.5 %. La consommation publique s établirait à 12.3 %. La part des investissements dans le PIB s est accrue entre 2008 et 2013, passant de 17.8 % à 24.4 %. L investissement privé, qui était de 15.2 % en 2012, a atteint 16.9 % en 2013, tandis que l investissement public a affiché une tendance inverse : 8.9 % en 2012, mais 7.5 % en Les prévisions annoncent une amélioration de la part des investissements totaux dans le PIB, à 27 % en 2014 et 28 % en Togo Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB) Agriculture, chasse, foresterie et pêche dont pêche Mines dont pétrôle Manufactures Electricité, gaz et eau Construction Vente en gros et de détail, hôtels et restaurants dont hôtels et restaurants Transports, entreposage et communications Finance, immobilier et services aux entreprises Services des administrations publiques Autres services Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs Source : Données des administrations nationales. Politiques macroéconomiques Politique budgétaire Les recettes de l État, qui constituaient 21.2 % du PIB en 2012, ont augmenté en 2013 pour atteindre 22.9 % selon les estimations. La pression fiscale, évaluée à 16.3 % du PIB, est en très légère baisse par rapport à 2012 (16.5 %). Elle devrait rester à ce même niveau en 2014 et 2015 (respectivement 16.6 % et 16.5 % prévus), ne parvenant pas à franchir le seuil des 17 % fixés par l Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Les dons reçus par le Togo ont crû en 2013, à 4.4 % du PIB contre 2.4 % en 2012, mais ils devraient baisser en 2014, à 3.6 %. Le ratio masse salariale/recettes fiscales est passé de 36.7 % en 2012 à 37.4 % en 2013 et reste supérieur à la norme communautaire de l UEMOA : 35 %. Ces dépassements sont la conséquence des grèves répétées de fonctionnaires qui ont poussé l État à négocier l augmentation de certaines rémunérations. Le gouvernement poursuit néanmoins ses efforts pour rationaliser la masse salariale et maîtriser les effectifs de la Fonction publique. La part des salaires dans les recettes fiscales devrait continuer à baisser, pour atteindre 34.6 % en 2014 et 33.6 % en Les dépenses et prêts nets, qui s établissaient à 27.5 % du PIB en 2013, sont en légère augmentation par rapport à 2012 (27.0 %). La hausse des recettes fiscales (dons compris) a cependant contribué à améliorer le déficit du solde global, qui est passé de 5.8 % en 2012 à 4.6 % du PIB en BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 225

227 Togo La loi de finances de 2014 prévoit une augmentation du budget de plus de 50 milliards XOF (Franc CFA BCEAO) par rapport à 2013, s équilibrant à milliards XOF en dépenses et en recettes. Le budget 2014 prévoit de nouveaux investissements dans les infrastructures routières, la restauration des capacités de l État à fournir des services de base comme l eau, l éducation, la santé et l assainissement. Les ressources allouées à la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l emploi (Scape) s élèvent à milliards XOF, soit 74.3 % du budget. Le solde sera consacré aux crédits globaux et à l amortissement de la dette publique. Toutefois, le niveau de réalisme du budget 2014 a été remis en question, ce qui pourrait pousser le gouvernement à revoir à la baisse certaines rubriques, dont le budget d investissement. Tableau 3. Opérations financières de l État (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Recettes totales (avec dons) Recettes fiscales Dons Dépenses totales (et prêts nets) (a) Dépenses courantes Sans les intérêts Salaires Paiement d'intérêts Dépenses en capital Solde primaire Solde global Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés. Source : Données des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique monétaire Les conditions monétaires au sein de l UEMOA ont changé en 2013 avec la baisse de 8.3 % des taux directeurs de la Banque centrale des États de l Afrique de l Ouest (BCEAO). Les principaux agrégats monétaires du Togo respectent les normes de l UEMOA et l intermédiation financière semble se renforcer avec la restructuration du système bancaire, qui a par ailleurs conduit à une hausse des dépôts de 5 % entre 2012 et La masse monétaire a progressé, avec un taux évalué à 5 % en 2013, mais moins qu en 2012 (8.9 %). Le crédit intérieur a augmenté de 9.6 % par rapport à 2012, les crédits à l économie de 12.4 %. L inflation, qui était de 3.6 % en 2011, est redescendue à 2.6 % en 2012 et 1.8 % en 2013, un niveau au-dessous de la norme communautaire de l UEMOA fixée à 3 %. Ce résultat doit beaucoup à la baisse des prix des services de communication (-4.6 % entre 2011 et 2012) et des services de santé (-1.6 % sur la même période). En 2013, le recul de l inflation est essentiellement dû à la diminution des prix des produits alimentaires. Le niveau de l inflation devrait rester stable, à 2.3 % en 2014 et 1.6 % en Le marché financier reste embryonnaire. Le Togo ne compte qu une seule entreprise (Ecobank Togo) cotée à la Bourse régionale des valeurs mobilières. Entre 2008 et 2013, l État a lancé sur le marché sous-régional 14 emprunts obligataires, dont le coût est évalué à plus de 260 milliards XOF. Pour 2014, le budget prévoit d autres emprunts à lancer sur le marché de l UEMOA. L État a par ailleurs émis à plusieurs reprises des bons du Trésor, dont la mobilisation des ressources a été assurée par la BCEAO. En 2013, le montant des obligations de l État a atteint 36 milliards XOF, celui des bons du Trésor 143 milliards XOF. Ces émissions agrégées ont progressé de 38 % par rapport à Coopération économique, intégration régionale et commerce Même si le Togo a signé et ratifié la quasi-totalité des accords et protocoles relatifs au commerce, il n a pas encore paraphé les accords de partenariat économique (APE), en négociation depuis Sa politique commerciale est en grande partie déterminée par les accords régionaux, 226 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

228 Togo notamment avec la Communauté économique des États de l Afrique de l Ouest (CEDEAO) et l UEMOA. Néanmoins, selon le rapport du 2 décembre 2013 de l UEMOA, le Togo n avait pas encore appliqué la nomenclature du tarif extérieur commun de l union douanière qui lie l UEMOA et la CEDEAO, ni toutes les dispositions relatives au prélèvement communautaire de solidarité. Le Togo souhaite renforcer et améliorer sa position stratégique de pays de transit en Afrique de l Ouest. Dans cette perspective, les autorités ont signé le 10 octobre 2013 la convention de mise en œuvre du guichet unique du commerce extérieur avec le Bureau Veritas, associé à l opérateur portuaire Soget. Des études et rapports régionaux concernant l élimination des barrières non tarifaires sur les axes routiers inter-états montrent que le Togo est le meilleur élève de la région. Les perceptions illicites et le nombre de points de contrôle par camion sur 100 kilomètres y sont moins élevés par rapport aux autres pays. La balance commerciale reste négative, du fait surtout de l importance des importations de biens d équipement, d énergie et de denrées alimentaires. Elle s est détériorée en 2013, avec un solde déficitaire de 16.6 % du PIB (contre 15.8 % en 2012), malgré la reprise des exportations de phosphates qui ont grimpé de 15.1 %. Cette détérioration devrait s aggraver en 2014 et 2015 pour passer le seuil des 19 % du PIB, compte tenu de la poursuite des investissements publics qui nécessitent d importer de nombreux équipements. Parallèlement, le ratio des importations, qui s était stabilisé 47.5 % du PIB en 2012 et 47.4 % en 2013 devrait s ajuster au-dessus de la barre de 49 % en 2014 et Le déficit de la balance courante s est établi à 11.7 % du PIB en 2013 et devrait se dégrader en 2014 et 2015, respectivement à 13.3 % et 13.8 %. Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB) (e) 2014(p) 2015(p) Balance commerciale Exportations de biens (f.o.b.) Importations de biens (f.o.b.) Services Revenu des facteurs Transferts courants Solde des comptes courants Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales ; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p). Politique de la dette En décembre 2010, le Togo a atteint le point d achèvement de l Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Depuis lors le pays a bénéficié, au titre de l Initiative, de l allégement de sa dette multilatérale, d une annulation de 95 % de sa dette vis-à-vis des créanciers du Club de Paris (soit milliards XOF) et d une annulation par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) d environ 357 milliards XOF. La dette extérieure, établie à 51.6 % du PIB en 2009, a pu ainsi être ramenée à 16.6 % fin 2010 et 14.2 % fin Cette situation a contribué à restaurer la solvabilité de l État et rendre soutenable l endettement extérieur. La dette extérieure représentait 14 % du PIB en 2012 et 16.6 % en Les différents allégements ont permis de réduire sensiblement la dette publique, qui est passée de 84.5 % du PIB fin 2009 à 46.7 % fin 2010 et à 44 % fin Les allégements de la dette extérieure ont aussi modifié sa structure : fin 2009, avant l atteinte du point d achèvement de l Initiative PPTE, la dette extérieure prédominait dans la dette publique, avec 61.9 % du total ; fin 2011, après l atteinte, elle n en constituait plus que 29 %, avant de remonter légèrement à 30.7 % fin Par la suite, la dette publique du Togo est passée de milliards XOF fin décembre 2012 à milliards XOF fin Cette fois-ci, elle est dominée par la dette intérieure, qui représente 71 % du total. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 227

229 Togo Les projections tablent sur une stabilisation du volume de la dette publique au-dessous de la barre des 45 %, sous l effet conjugué du recul de la dette intérieure 26.6 % du PIB en 2014 et 22.1 % en 2015 et d une légère augmentation de la dette extérieure : 19.7 % et 20.8 % du PIB pour les mêmes années. Le Togo reste solvable à court, moyen et long termes par rapport à sa dette extérieure, mais il ne reste éligible qu aux emprunts à des taux concessionnels. Figure 2. Part de l encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations % Dette extérieure (publique et privée) /PIB Service de la dette /Exportations Source : FMI (WEO & Article IV). Gouvernance économique et politique Secteur privé En 2013, le gouvernement a beaucoup amélioré le fonctionnement du Centre de formalités des entreprises, créé en 2011 pour être le guichet unique d enregistrement des entreprises. Conséquence de ces efforts : le temps et les frais requis pour l immatriculation d une société ont été considérablement réduits. L édition 2014 du rapport de la Banque mondiale Doing Business cite le Togo parmi les 20 économies du monde qui ont le plus réformé la réglementation des affaires depuis En 2013, le Togo a fait un nouveau pas en avant en facilitant l exécution des contrats grâce à la création de la cour d arbitrage commercial et des chambres commerciales spécialisées au sein du tribunal de première instance de Lomé. Le guichet unique a permis de raccourcir significativement la durée nécessaire à la création d une entreprise. En 2010, alors qu il fallait 84 jours pour effectuer cette opération, il n en fallait plus que 19 en 2013 (contre 29.7 jours pour l Afrique subsaharienne). Le nombre de procédures n est plus que de 7, contre une moyenne de 8 pour l Afrique subsaharienne. Ces avancées ont fait gagner au pays deux places dans l édition 2014 du rapport Doing Business, pour passer au 157 e rang sur 189 pays (159 e dans l édition 2013). L environnement des affaires continue néanmoins d être pénalisé par certaines contraintes, malgré les progrès réalisés en matière d exécution des contrats, d octroi de permis de construire et de transfert de propriété. Le nombre de jours pour transférer une propriété reste fixé à 228 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

230 295, contre 65 jours en moyenne en Afrique subsaharienne, 33 jours en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, et 26 jours dans les pays de l Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En matière de régime foncier et d accès à la terre, le Togo fonctionne toujours avec des dispositions légales et réglementaires qui remontent à Elles sont adaptées à un environnement exclusivement rural alors que la population togolaise s est urbanisée à 39 %. La révision de la loi de 1906 est toutefois en cours et le nouveau code comportera un guichet unique du titre foncier avant la fin de l année Togo Chaque entreprise du Togo procède en moyenne à 50 paiements d impôts par an. Les formalités pour s y conformer prennent 270 heures et coûtent 49.4 % du profit commercial. Ces scores classent le Togo au 172 e rang sur 189 pays pour les facilités accordées dans le règlement des impôts. En décembre 2012, le Parlement a adopté une loi qui a autorisé le regroupement des administrations des douanes et des impôts au sein de l Office togolais des recettes (OTR), une structure offrant aux contribuables des services de meilleure qualité. L OTR est opérationnel depuis février 2014, avec la prise de fonction du commissaire général et des trois commissaires qui piloteront l institution. Le Togo est le premier pays de la zone franc CFA à s être engagé dans cette réforme. Secteur financier Fin juin 2013, les 12 banques et 2 établissements financiers constituant le réseau bancaire disposaient de 175 agences, réparties dans tout le pays. Le montant des dépôts des banques est passé de 785 milliards XOF en 2011 à milliards XOF en 2012, et celui des crédits de 298 milliards XOF à 376 milliards XOF pour les mêmes années. Cela correspond à un taux de progression de 47 % pour les dépôts et 26 % pour les crédits. Les taux directeurs varient entre 3 % et 4 %, tandis que les taux créditeurs des banques oscillent autour de 10 %. La croissance du crédit bancaire, régulière depuis 2009, est encourageante. Le ratio crédits au secteur non gouvernemental/pib est en constante progression : de 28.5 % en 2011, il est passé à 32.1 % en Quant au ratio crédits au secteur non gouvernemental/dépôts bancaires, il s est maintenu autour de 70 %. Toutefois, l édition 2014 du rapport Doing Business pointe les mauvais résultats en matière de facilités accordées pour obtenir des prêts. Le Togo a rétrogradé de quatre places en un an, se fixant au 130 e rang, soit 13 places derrière la moyenne des pays d Afrique subsaharienne. Au 31 décembre 2012, les 92 institutions de microfinance (IMF) opérant dans le pays concernaient 1.9 million de bénéficiaires directs, dont près de 20 % de micro et petites entreprises. L encours total des crédits à cette même date s élevait à plus de 108 milliards XOF, l encours d épargne à près de 121 milliards XOF. Les prêts octroyés par les IMF représentent 28.7 % du total des prêts bancaires, les dépôts près de 10.4 %. L expansion rapide de la microfinance a poussé la BCEAO à élaborer, à partir de 2007, des normes prudentielles propres au secteur qui sont applicables depuis La Scape projette de restructurer et de renforcer le système financier décentralisé afin d accroître le taux de pénétration de la microfinance à 48 % en Le programme d assainissement bancaire initié à partir de 2008 a permis de relever le ratio de solvabilité des banques, qui est passé de -4.1 % en 2008 à 12 % en 2009, 14.4 % en 2010 et 13 % en Le processus de désengagement de l État du capital des quatre banques publiques : la Banque togolaise pour le commerce et l industrie (BTCI), la Banque togolaise de développement (BTD), l Union togolaise de banque (UTB) et la Banque internationale pour l Afrique au Togo (BIA-Togo) est en voie de finalisation. La BTD et la BIA-Togo ont déjà été privatisées. L État a pris l option de ne pas vendre la totalité de ses actions et de rester un actionnaire minoritaire. Les deux banques restantes sont encore sur le marché à la suite d appels d offres infructueux. BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 229

231 Togo Gestion du secteur public, institutions et réformes La Cour des comptes a été officiellement installée le 24 septembre Elle a avalisé en juin 2011 la loi de règlement de l exercice 2007 et, en 2012, a travaillé sur la gestion budgétaire de l État pour l exercice En 2013, elle a produit deux rapports d audit sur les sociétés publiques (Togo Telecom et Togolaise des eaux). Fin janvier 2014, toutefois, le Parlement n avait pas encore convoqué la Cour des comptes pour faire l exposé de ses rapports, pas plus qu il n avait invité le gouvernement à s expliquer sur le rapport de gestion des comptes de l État. En 2013, le Togo figurait toujours parmi les pays perçus comme corrompus. L indice de corruption s est même légèrement détérioré, passant à 2.9, contre 3.0 en 2012 et 2.4 en 2010 et Selon la base de données du Worldwide Governance Indicators (WGI) du 20 septembre 2013, le score du Togo en matière de contrôle de la corruption reste toujours faible, de en 2011 à en Cela place le pays parmi les 17 plus mauvaises performances du monde en la matière. La loi de finances 2014 a été déposée au Parlement en novembre 2013 et été votée le 30 décembre suivant. Pour la première fois, le budget de l État s équilibre en recettes et en dépenses. Les données budgétaires du gouvernement central sont publiées dans l Annuaire des statistiques des finances publiques sous la vieille nomenclature du tableau des opérations financières de l État. À partir de 2014, pour accroître la transparence et l intégrité dans la gestion des finances publiques, ces données seront présentées sous la nomenclature du FMI en vigueur depuis Le gouvernement publie chaque trimestre deux rapports qui donnent la situation des finances publiques et de l économie du pays. L un est adressé à l UEMOA, l autre à la CEDEAO. Gestion des ressources naturelles et environnement Malgré les abondantes ressources hydriques, le niveau d accès à l eau potable reste faible. Le taux de desserte à l échelle du pays est passé de 42 % en 2012 à 44 % en 2013, en deçà de la cible des OMD fixée à 49 % en 2011 et 75 % en En milieu urbain, la distribution de l eau est assurée par une entreprise publique, la Société togolaise des eaux, mais celle-ci peine à étendre son réseau du fait d une situation financière critique. Pour tenter de remédier au problème, le gouvernement finance l implantation de forages dans le cadre de son programme de développement communautaire. En outre, il a créé en 2011 la Société du patrimoine, de l eau et de l assainissement urbain (SP-EAU) pour réaliser des investissements en milieu urbain et semi-urbain. La forte pression sur les ressources naturelles du pays, corrélée à l accentuation de l extrême pauvreté en zones rurales, se traduit par un déboisement évalué à hectares par an. Les destructions s effectuent à un rythme d environ 5.5 % par an. La superficie des écosystèmes protégés, qui était de 14.2 % en 1992, est tombée à 7.1 % depuis Le littoral subit de nombreuses agressions : accumulation de déchets humains et industriels, eaux usées, ordures et érosion côtière. Le décret n PR du 16 mars 2011, qui fixe les modalités de mise en œuvre de l audit environnemental, s est ajouté aux trois principales lois liées aux biotechnologies, aux forêts et à l environnement. Ce dispositif réglementaire a permis au Togo de se doter de nouvelles institutions, dont le Fonds national pour l environnement et l Agence nationale de gestion de l environnement (Ange). Mais l Ange ne dispose pas de moyens matériels, financiers et humains pour remplir sa mission. Depuis sa création en 2008, et alors que la loi l exige, elle n a pas pu produire un seul rapport annuel pour renseigner sur l état de l environnement dans le pays. Contexte politique En 2012, le paysage politique a été marqué, d une part, par la naissance le 4 avril d une nouvelle coalition, le Collectif sauvons le Togo, et, d autre part, par l autodissolution le 14 avril du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), qui a aussitôt été suivi par la création de l Union pour la République (Unir). Ce parti a obtenu la majorité absolue au Parlement après les législatives de juillet 2013, avec 62 sièges sur Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

232 En janvier 2013, des incendies criminels ont ravagé les bâtiments centraux des marchés de Kara et de Lomé, provoquant des pertes matérielles et financières évaluées à plus de 4 milliards XOF. Les différentes tendances politiques se sont rejeté la responsabilité de ces crimes, dégradant le climat politique. Les tensions se sont encore aggravées autour de la question : faut-il ou non engager des réformes institutionnelles et constitutionnelles pour autoriser un chef de l État à briguer un troisième mandat présidentiel? La question a occasionné des grèves et des marches de protestation sur tout le territoire. Prévue en 2015, l élection présidentielle devra se préparer et se dérouler dans une ambiance apaisée pour permettre au pays de sortir à moyen terme de son état de fragilité. Togo Contexte social et développement humain Développement des ressources humaines Avec un indice de développement humain de en 2012 (159 e sur 186 pays) contre en 2011, le Togo est classé dans la catégorie «développement humain faible». La population, estimée en 2013 à 7.2 millions d habitants dont 51.4 % de femmes, a une espérance de vie à la naissance de 64 ans. La population est très jeune : 75 % des Togolais ont moins de 35 ans, et 35 % ont un âge compris entre 15 et 35 ans. Cette structure démographique souligne l urgence à investir dans l éducation et créer un environnement favorable à la création d emplois et de richesses. Le gouvernement a fait d énormes efforts dans ce domaine ces dernières années, notamment dans l enseignement primaire. Le nombre de salles de classe a augmenté de près de 25 % et plus de salles de classe supplémentaires ont été construites entre 2006 et Les autorités ont aussi pris des mesures pour inciter les enfants à se rendre à l école. Elles ont notamment instauré en 2008 la gratuité de l école primaire publique et mis en place des cantines scolaires pour les enfants les plus démunis. Ces efforts ont entraîné une augmentation du taux brut de scolarisation dans le primaire, qui est passé de 98 % en 2007/08 à % en 2012/13. Néanmoins, le taux d achèvement du cycle primaire reste encore faible, même s il est en hausse depuis 2009 : en 2012, il s établissait à 75.7 %. Ce pourcentage baisse sensiblement pour le secondaire, avec moins de 50 % des élèves achevant leur scolarité dans le premier cycle, et moins de 25 % dans le second cycle. Ces bas niveaux constituent un problème structurel pour l emploi, dans la mesure où près de 85 % des demandeurs d emploi restent sans qualification. Le système éducatif doit offrir plus d opportunités dans l enseignement technique et la formation professionnelle, des spécialisations qui ne représentaient que 6 % de l effectif de l enseignement secondaire en Le secteur de la santé est confronté, d une part, à l insuffisance des ressources et, d autre part, aux problèmes de gouvernance. Selon les résultats de la méthodologie d enquête à indicateurs multiples (MICS) 2010, la mortalité infanto-juvénile (124 pour mille) et la mortalité infantile (78 pour mille) ont augmenté par rapport à leurs valeurs de En revanche, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a baissé, passant de 98 pour mille en 2011 à 96 pour mille en Quant au taux de mortalité maternelle, il est passé de 350 décès pour cent mille naissances vivantes en 2008 à 300 en De même, la prévalence du VIH/sida pour toute la population est passée à 3 % en 2012 contre 4 % en 2006, selon le Programme national de lutte contre le sida et des infections sexuellement transmissibles. Dans la loi de finances de 2012, l éducation représentait 21.2 % du budget national et la santé 6.5 %. Le Togo a encore un long chemin à parcourir pour se conformer aux engagements d Abuja qui préconisent de consacrer 15 % du budget de l État à la santé. Réduction de la pauvreté, protection sociale et travail Selon les résultats du Questionnaire unifié sur les indicateurs de base du bien-être (QUIBB) datant de 2011 derniers chiffres disponibles, l incidence de la pauvreté a reculé entre 2006 et 2011, passant de 61.7 % à 58.7 %. La vulnérabilité reste surtout un phénomène affectant les BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 231

233 Togo campagnes, puisque 73 % de la population rurale vit en dessous du seuil de pauvreté. En 2011, 52.7 % de la population vivait avec moins de 2 dollars par jour. Le taux d extrême pauvreté a légèrement augmenté sur la même période, passant de 28.6 % à 30.4 %, signe que la croissance enregistrée ces dernières années n a pas bénéficié aux plus démunis. L indice de Gini, passé de en 2006 à en 2011, indique que l aggravation de l extrême pauvreté s est accompagnée d une hausse des inégalités. En matière fiscale, le Togo applique le système d imposition progressive. L impôt sur le revenu des personnes physiques est calculé selon un barème à taux par tranche de revenu, avec un taux de 4 % pour le revenu minimum et de 45 % pour le revenu maximum. Quatre pour cent de la population seulement bénéficie d une protection sociale, essentiellement les salariés du secteur public et du secteur privé formel. La presque totalité 96 % de la population n a aucune sécurité sociale. La santé constitue un coût important pour tous les foyers : 34.6 % des ménages éprouvent des difficultés à financer leurs soins lorsque les ordonnances dépassent XOF. Ce pourcentage atteint 68.6 % lorsque le montant avoisine XOF. Pour 90 % des agents de l État, la santé est remise en question dès que l ordonnance affiche XOF. L assurance maladie dédiée aux agents de l administration publique, l INAM, qui est opérationnelle depuis le 1 er mars 2012, n a pas encore permis de relever ce défi. L institution connaît en effet quelques problèmes de ressources et d équilibre financier, dus au fait que la prise en charge de certains traitements va au-delà de 90 % du coût des dépenses. La part du budget allouée aux secteurs prioritaires a très nettement progressé, passant de 38 % en 2008 à 43.4 % en 2009, 52 % en 2010, 54.5 % en 2011 et 57 % en Elle a un peu fléchi en 2013, pour s établir à 48.2 %. Les ressources engagées s élèvent à milliards XOF en 2013, contre milliards XOF en 2012 et milliards XOF en Environ 57 % de ce budget est consacré aux secteurs tels que la santé, la création d emplois, l agriculture, l assainissement et l éducation. Le programme de promotion du volontariat national (PROVONAT) initié par le gouvernement depuis 2010 a créé un cadre d embauche pour des milliers de jeunes. La période du volontariat dure un an et est renouvelable une fois 2. En octobre 2013, 750 nouveaux volontaires ont été sélectionnés par le PROVONAT, qui a coûté 3 milliards XOF au gouvernement cette même année. Selon les derniers chiffres disponibles, le pays fait face à un taux cumulé de sous-emploi et de chômage de plus de 29 % en 2011, soit 22.8 % pour le sous-emploi et 6.5 % pour le chômage. Cette situation touche particulièrement les jeunes : 20.5 % sont en situation de sous-emploi et 8.1 % au chômage. Elle a poussé le gouvernement à faire de l emploi et de l inclusion sociale une priorité et à adopter en 2013 un plan stratégique pour la promotion de l emploi des jeunes ( ). Égalité hommes-femmes Le taux d inégalité de genre 3 était de en 2012, contre une moyenne de pour l Afrique subsaharienne. Selon le Rapport sur le développement humain 2013 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Togo se classait au 122 e rang sur 186 pays. Les efforts réalisés en faveur de l éducation pour tous ont permis de relever le ratio filles/garçons pour les inscriptions dans le primaire, qui est passé de 85 % en 2009 à 92 % en En 2012/13, dans le premier cycle du secondaire, le TBS des filles (55.8 %) était inférieur à celui des garçons (72.7 %) et, globalement, les femmes étaient moins alphabétisées que les hommes (52.4 % contre 76.9 %). Selon le dernier recensement de la population réalisé en 2010, la proportion de chômeurs est deux fois plus élevée chez les femmes (9 %) que chez les hommes (4.3 %). Les Togolaises occupaient 15.4 % des sièges au Parlement en 2013, un progrès par rapport à la période où elles n étaient que 12.5 % à y figurer. Le Togo reste toutefois loin de la moyenne mondiale de 19 % de femmes dans les instances législatives. La représentation féminine est également faible dans les structures décisionnelles : les femmes détiennent 21 % 232 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

234 des portefeuilles ministériels, mais aucune d entre elles ne figure parmi les 35 préfets que compte le pays. L absence de mesures incitatives pour favoriser la représentation paritaire contribue à cette situation d inégalité. Togo Analyse thématique : les chaînes de valeur mondiales et l industrialisation de l Afrique Le Togo s est intégré dans les chaînes de valeur mondiales à partir des années 1860, avec l exportation vers l Europe de quelques dizaines de tonnes de coton graine et, par la suite, de café et de cacao. Ces échanges avec le reste du monde portant sur les produits agricoles de rente se sont intensifiés à partir des années 40, pour atteindre leur apogée dans les années 70. Vers la fin des années 70, le Togo a connu une première phase d industrialisation soutenue, financée par des emprunts garantis par le boom des phosphates, du cacao, du coton et du café. Les initiatives de l État pour créer des usines textiles, chimiques, agroalimentaires, de matériaux de construction, des raffineries de pétrole et des aciéries n ont pas résisté au temps et aux vicissitudes du marché. Presque toutes les industries d État ou d économie mixte étaient déjà déficitaires à la fin des années 80. Les autorités se sont peu à peu résignées à vendre, louer, liquider ou fermer les entreprises industrielles. Ces usines étaient dans l ensemble très «capitalistiques», impliquant beaucoup de capitaux et peu de main-d œuvre, l inverse de ce qu il aurait fallu entreprendre pour créer de la valeur ajoutée locale. Les sociétés de production et d exportation de matières premières (phosphates, café, cacao et coton) ont connu des hauts et des bas qui ont abouti à leur fermeture temporaire ou à leur restructuration. En 2013, le niveau de leurs exportations était en deçà d un tiers au moins du pic des années Parmi les grandes usines des années 70-80, seules celle de production de bière et de boissons gazeuses et l usine de production de clinker/ciment ont jusqu à ce jour (début 2014) connu une croissance. Le deuxième élan industriel date des années 90, avec le développement de la zone franche de transformation des produits destinés à l exportation. En 2001, après dix ans de fonctionnement, la part de la valeur ajoutée des entreprises de la zone franche représentait 51 % de leur chiffre d affaires (CA) 4. Depuis lors, ce pourcentage a fléchi constamment, pour ne plus constituer que 36 % du CA en 2008 et 18 % en Une situation due en partie au déclin des entreprises agroindustrielles à forte valeur ajoutée. La part des intrants locaux sur le total des intrants est tombée de 32 % en 2000 à 12.5 % en 2008 et 12.3 % en Le secteur moderne emploie aujourd hui environ salariés permanents 6, dont dans l administration publique, dans les branches marchandes du territoire douanier et dans la zone franche. La contribution de la zone franche à l emploi moderne était de 12 % en 2013, contre 14 % en Bien loin de l hypothèse des nouveaux salariés projetée lors de son ouverture en La plupart des entreprises de la zone franche ne respectent pas l accord leur demandant d utiliser des matières premières locales et des équipements à haute intensité de main-d œuvre en contrepartie d exonérations fiscales et de privilèges accordés par l État. En 2012, environ 60 % des industries togolaises opéraient dans la zone franche. Celle-ci comptait 62 entreprises dont 52 industries en activité et brassait un chiffre d affaires de 250 milliards XOF. Quarante pour cent d entre elles avaient des capitaux originaires d Asie, 34 % de la CEDEAO, 27 % d Europe, 29 % du Togo et 5 % d Amérique 7. La consommation intermédiaire est importée à 73 %. En 2012, les industries extractives ont participé à la création de la valeur ajoutée à raison de 62 % de leur chiffre d affaires, suivies par les entreprises de transformation de produits agricoles (25 %), les services (11 %) et les industries manufacturières (3.8 %). Depuis 1997, la production de clinker/ciment est la plus importante activité au Togo. Elle va de l extraction de la matière première locale le calcaire à sa transformation en produit fini destiné à l exportation. Sa part dans les exportations togolaises est passée de 1.6 % en 1998 à 15.3 % en 2006 et 15.7 % en BAfD, OCDE, PNUD 2014 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest 233

235 Togo Les consommations intermédiaires des industries manufacturières sont à 94 % importées et représentent 96 % de leur chiffre d affaires. La manufacture absorbe 88 % des emplois de la zone franche, mais sa participation à la création de la valeur ajoutée totale de la zone n est que de 12 % 8, conséquence d emplois peu qualifiés. La moitié de ces emplois se retrouve dans la production de cheveux synthétiques, perruques et postiches. Les autres industries de la zone franche sont plutôt à très haute intensité de capital. En 2012, l Afrique était la destination privilégiée des exportations de produits togolais (70.2 % des exportations), suivie de l Europe (20.6 %), l Asie (8.4 %), l Amérique (0.3 %) et d autres pays non classés (0.5 %). La même année, les importations provenaient en grande partie d Europe (37.8 %) et d Asie (33.8 %), suivies de l Afrique (14.8 %) et l Amérique (11.8 %) 9. Les industries extractives et les unités de transformation rattachées aux exportations constituent la première opportunité de chaîne de valeur pour le Togo. Le pays dispose d importantes réserves de phosphate carbonaté (2 milliards de tonnes), de phosphate meuble (70 millions de tonnes) et de métaphospharénite (300 millions de tonnes). Il possède, en outre, des réserves de calcaire (200 millions de tonnes), de marbre (40 milliards m³), de fer (500 millions de tonnes), de manganèse (15 millions de tonnes) et de pétrole (la teneur reste à déterminer). L infrastructure portuaire s est agrandie avec le nouveau quai, qui devrait être opérationnel en 2014, et le nouveau terminal à conteneurs pour le transbordement, prévu en Ces extensions constituent un atout indéniable pour le Togo, qui pourra ainsi exporter ses services portuaires. L émergence d opportunités dans d autres branches industrielles dépendra de l évolution de la qualité du service public ainsi que de la disponibilité et du tarif des services d utilité publique. Depuis les années 80, le coût de l énergie et des communications, conjugué à la faible qualité du service public, apparaît comme l un des plus graves handicaps à l industrialisation du pays. Le niveau de compétitivité des entreprises de la zone franche reste faible face aux produits asiatiques et ceux fabriqués sur le territoire douanier du Togo. En effet, le dispositif d exonérations et de privilèges confère à la zone franche une compétitivité fictive, entraînant à tous les niveaux de fortes spéculations et des distorsions des règles du marché. Pour créer une grande valeur ajoutée locale, la nouvelle stratégie d industrialisation doit d abord ouvrir l économie nationale à la concurrence, sans nécessairement passer par l attribution de privilèges. Le Togo pourra ainsi mieux se positionner stratégiquement et tirer avantage de ses atouts en intégrant les secteurs des mines et des services dans les chaînes de valeur mondiales. Les autorités se sont déjà engagées dans cette voie en visant à faire de l investissement privé et de l ouverture au monde les moteurs de son développement. Notes : Indice d inégalité de genre : indice composite mesurant le déficit de progrès dans trois dimensions du développement humain : santé reproductive, autonomisation et marché du travail, résultant d inégalités de genre. 4. Banque mondiale, Rapport No TG, Togo - Relancer les secteurs traditionnels et préparer l avenir : une stratégie de croissance tirée par les exportations. Mémorandum économique du pays et étude diagnostique pour l intégration du commerce. Septembre 2010, p Calcul des auteurs à partir des données de la Société d administration des zones franches (SAZOF) - janvier Les statistiques sur l emploi varient énormément entre différents services et publications. Il s agit ici d une estimation à partir de plusieurs sources. 7. Calculs des auteurs à partir des données de la SAZOF : 8. Calcul des auteurs à partir des données de la SAZOF - janvier Exploitation des statistiques de la Direction générale de la statistique et de la comptabilité nationale (DGSCN) à partir de la base de données fournie par la douane togolaise. 234 Perspectives économiques en Afrique - Édition régionale / Afrique de l Ouest BAfD, OCDE, PNUD 2014

236 Perspectives économiques en Afrique 2014 Édition régionale : Afrique de l Ouest Bénin Burkina Faso Cabo Verde Côte d Ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo Le rapport complet est disponible à l'adresse suivante :

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