Theatre, recit, Beckett: recit scenique, genres et moi chez Beckett et Duras Engelberts, M.

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1 UvA-DARE (Digital Academic Repository) Theatre, recit, Beckett: recit scenique, genres et moi chez Beckett et Duras Engelberts, M. Link to publication Citation for published version (APA): Engelberts, M. (2000). Theatre, recit, Beckett: recit scenique, genres et moi chez Beckett et Duras General rights It is not permitted to download or to forward/distribute the text or part of it without the consent of the author(s) and/or copyright holder(s), other than for strictly personal, individual use, unless the work is under an open content license (like Creative Commons). Disclaimer/Complaints regulations If you believe that digital publication of certain material infringes any of your rights or (privacy) interests, please let the Library know, stating your reasons. In case of a legitimate complaint, the Library will make the material inaccessible and/or remove it from the website. Please Ask the Library: or a letter to: Library of the University of Amsterdam, Secretariat, Singel 425, 1012 WP Amsterdam, The Netherlands. You will be contacted as soon as possible. UvA-DARE is a service provided by the library of the University of Amsterdam ( Download date: 03 Nov 2017

2 DEUXIÈMEE PARTIE SPÉCIFICITÉÉ ET INDISTINCTION: FRONTIÈRESS DES GENRES, DES ARTS ET DU MOI Pourquoii faire jouxter Beckett et Duras lorsqu'il est question de Pemprise duu récit sur Ie theatre, et plus largement des échanges entre roman et theatre?? Marguerite Duras et Samuel Beckett sont évidemment loin d'etre less seuls auteurs de la deuxième moitié du vingtième siècle qui doivent leurr reputation au roman et au theatre a Ia fois. Ils ne sont pas non plus, quandd on limite 1' horizon a un courant spécifique, les seuls auteurs du 'nouveauu roman' a s'être distingués dans les deux genres, puisque des écrivainss comme Pinget et Sarraute ont publié romans aussi bien que pieces. 11 Et il est vrai également qu'on trouve d'importants récits dans Ie theatree d'autres auteurs, tel Bernard-Marie Koltès: la critique a même parlé dee "la vogue du théatre-récit" dans Ie theatre contemporain (Ryngaert 1993:73,77).. En outre, Ia distance entre 1'univers durassien du désir et de 1'amourr et Ie monde beckettien d'un moi introuvable mais tenace parait tress grande. Toutefois,, Ie couple Duras-Beckett mérite une place a part. II serait en effett difficile de trouver deux auteurs dont la production romanesque et theatralee soit si constante pour les deux genres, et dont les textes épiques ett les textes dramatiques soient en même temps si intimement lies. Cela est vraii pour ce qui est de la France de la deuxième moitié du vingtième siècle,, et on peut même se demander si on trouve dans Ie theatre europeen dee cette période deux écrivains qu'on puisse comparer avec autant de profit.. Car s'il y a bien des auteurs chez qui Ie récit occupe une place importantee dans Ie theatre, ou dont romans et textes de theatre se chevauchentt - c'est sans aucun doute surtout dans Ie theatre de Iangue allemande qu'onn pourrait trouver des exemples notables comme Heiner Muller et Peterr Handke), 2 les relations entre les genres narratifs et Ie genre dramati- 1.. Pour Ie theatre de Sarraute et de Pinget ainsi que sa relation au roman, voirr Eigenmann (1996). 2.. Citons pour Heiner Muller les cas de DerHoratieret de Mauser (1978: 45-54,55-69),, et pour Peter Handke Selbstbezichtigung, Der Ritt über den BodenseeBodensee (1973:55-154) et la fin de Kaspar (1972:99-198). Dans les pieces

3 2322 FRONTIÈRES DES GENRES, DES ARTS ET DU MOI quee ne sont peut-être pas aussi diverses, ni surtout Ie contraste entre les deuxx auteurs en definitive si marqué, sur Ie plan des genres, des arts et des thèmes,, que dans Ie cas de Duras et Beckett Ill y a par ailleurs bien des raisons pour confronter, quant aux relations entree roman et theatre, des auteurs qui a première vue pourraient sembler sii différents. II y a en effet chez Beckett et Duras, d'abord, non pas seulementt une remarquable constance thématique dans les deux genres de textes-- pour chaque auteur pris individuellement -, mais encore une interpénétrationn frappante des formes épiques et dramatiques. Interpénétrationn qui d'ailleurs a souvent été commentée par les critiques des deux auteurs, 33 sans qu'il existe jusqu'a présent une comparaison suivie des faconss - tres différentes - dont récit et theatre ou genres narratifs et genre dramatiquee se chevauchent chez les deux écrivains. 4 En outre, Duras et éminemmentt monologiques de Thomas Bernhard, Ia part du récit n'est au contrairee pas tres grande; Ia méme chose vaut pour Botho Strauss. Le cas exceptionnell de Jandl a été cité dans 2.1 c. 3.. Ne répétons pas ici les references aux textes critiques concernant Beckett ett le récit dans son theatre ou la théatralité de son roman; pour Duras, il suffira peut-êtree de citer ici le titre d'un article de Nores publié dans Critique dès 1964 (c'est-a-diree dans la première période de la critique durassienne qui commence parr quelques contributions a la fin des années 50 et dans la première moitié des annéess 60): 'Le drame latent dans I'oeuvre de Marguerite Duras*, un article qui commee son titre I'indique porte entre autres sur les intersections du theatre et du romann chez Duras. On trouvera des references a d'autres textes critiques dans le restee de ce chapitre et dans les deux suivants. 4.. De Ruyter-Tognotti (1997) ne compare que deux textes (India Song et Pas)Pas) dans un article d' ailleurs fort interessant - oü cependant, lorsqu'on le considèree sous notre angle, les deux auteurs sont trop souvent traites comme des cass comparables chez qui *'le récit théatral contribue a créer de nouveaux équilibress dramatiques" (1997:50). Martin (1987) de son cöté se borne égalementt a deux pieces il'eden Cinéma et Berceuse) dans un texte qui n'est guère satisfaisant.. A cöté des simples erreurs que contient eet article (rien n'indique parr exemple que le récit dit par Suzanne et Joseph doit être "recorded" (1987: passim,passim, cf. 239,244) - le texte de la pièce ne le dit nulle part, et dans la premièree mise en scène, celle de Claude Régy de 1977 (cf. le prière d'insérer de la 'versionn scénique' de la pièce, publiée en 1988), le récit n'était en effet pas enregistré,, mais les acteurs le lisaient a voix haute, debout devant des pupitres), onn trouve des affirmations contestables dans eet article. Ainsi, il est faux de dire quee les récits des deux pieces, qu'ils soient enregistrés ou non, montrent que c'estt le cinéma qui "has infiltrated the theatrical corps" (Martin 1987:239). S*il s'agitt de récits enregistrés, c'est d'abord la technique qui 'envahit'!e theatre, souss la forme du magnetophone par exemple et non pas nécessairement de la caméraa ni de la bande-son du film: pour ce qui est du récit, c'est plutöt au

4 FRONTTÊRESS DES GENRES, DES ARTS ET DU MOI 233 Beckettt ont tous les deux pris une part active i Ia realisation scénique de leurss textes, a tel point qu'ils ont endossé eux-mêmes la responsabilité de laa mise en scène de certains spectacles fondés sur leurs textes. Cette remarquablee activité theatrale de mise en scène est allee de pair, pour chacun des deuxx auteurs, avec d'intenses relations avec des gens de theatre. Ainsi, en tantt qu'auteurs de theatre et metteurs en scène, Duras et Beckett avaient dess predilections marquees pour certains acteurs. 5 * Nonobstant ces ressemblances,, les deux ceuvres contrastent également, quand on les regarde dee plus prés: theatre et roman s'articulent différemment chez Duras et Beckett,, la fusion étant fondamentale chez Duras comme nous Ie constateronss dans cette deuxième partie. C'est ce cas de figure - importance de Ia production,, diversité du recoupement du récit ou du roman, d'une part, et duu theatre d'autre part, constance thématique pour chaque auteur pris individuellement,, et activité theatrale considerable- qui retiendra notre attention.. Orr une mise en parallèle de Duras et Beckett devra porter sur un éventaill de phénomènes plus large qu'on ne pourrait être amené a Ie penser si 1'onn considère 1'oeuvre de Beckett uniquement. La oü chez 1'auteur de Solo,Solo, c'est sans aucun doute Ie récit dans Ie theatre qui frappe Ie plus lors romann qu'il faudrait penser, ou, mais plus prudetnment, au chceur du theatre antiquee - comme ne manque pas de Ie faire 1'auteur sur Ie tard, comme si cela nee nuisait en rien a son rapprochement du récit 'enregistré' et du cinéma. 5.. On connait les noms du pantheon théatral beckettien: citons les acteurs Jackk MacGowran, Patrick Magee, David Warrilow, Billie Whitelaw. Les noms dess comédiens privilegies de Duras ne sont pas moins connus - ils ont d'ailleurs tress souvent joué les pieces de Beckett aussi: Madeleine Renaud (pour qui a été écritee Savannah Bay) et Michael Lonsdale (dédicataires du Theatre de VAmante anglaise),anglaise), Bulle Ogier et Delphine Seyrig, pour ne nommer qu'eux (cf. sur Seyrigg et sur Renaud Ie recueil Outside, Duras 1984: , ). Renaud aa incarné Winnie dans un spectacle célèbre, Lonsdale a joué Comédie avec Seyrigg dans une mise en scène (1964) de Serreau assisté de Beckett, ainsi qu'impromptuu d 'Ohio et Catastrophe mis en scène en 1983 par Pierre Chabert (Lonsdalee 1986). 6.. Sur Ie plan biographique, on peut faire remarquer que Beckett connaissait bienn Le Square, dont il aurait vu la première mise en scène "quatre fois*\ selon unn article inventoriant le theatre de Duras et basé sur une interview avec elle (Costazz 1985:59, cf. Knowlson 1996:406). Dans ses lettres a Alan Schneider, Beckettt suggère même une fois que La dernière bande pourrait avec Le Square fairee une soiree theatrale (Harmon 1998:56). On connaït en outre une lettre de Beckett,, écrite en 1965, oü il souhaite bonne chance è Madeleine Renaud qui va jouerr le röle de la mère dans Des journées entières dans les arbres (Cahiers Renaud-BarraultRenaud-Barrault1965:6). 1965:6).

5 2344 FRONTIÈRES DES GENRES, DES ARTS ET DU MOI d'unn rapide inventaire de Poeuvre et des rapports entre roman et theatre, genress distincts chez Beckett, on trouve dans 1'oeuvre de I'auteur d'india Song,Song, même si elle est n'inventoriée qu'a vol d'oiseau, non seulement ce "textee theatre film" et un certain nombre d'autres textes explicitement polyvalents,, roman et theatre a la fois, mais encore des paires de textes relevantt simplement de la sage categorie traditionnelle de 1'adaptation. Chezz Duras, une même intrigue se prête tantöt a la littérature narrative, tantott au theatre, et tantót même aux deux a la fois: c'est cette sorte de migrationn et de poly valence génériques qui la distingue Ie plus visiblement dee Beckett. Il ne pourra done plus être question dans cette deuxième partie dee se limiter strictement au récit dans Ie theatre, ou dans Ie theatre et Ie roman;; car pour mettre en relief Ia difference entre Duras et Beckett, il fautt bien prendre en consideration ces genres de textes oü Duras rapproche ett fait même coïncider roman et theatre en leur insufflant Ie même univers fictif.. Nouss commencerons par conséquent la comparaison des deux auteurs parr un inventaire du chevauchement du roman et du theatre oü ces cas tres apparentss de rapports entre les genres littéraires- adaptations, textes polyvalentss - sont traites avant les cas d'échange formel se produisant dans dess textes oü 1'intrigue n'est pas Ia même - dialogue et monologue dans Ie romann et puis récit dans Ie theatre (chap. IV). Ensuite, eet inventaire aboutiraa a un double questionnement auquel répondront les deux chapitres suivants.. La première question est celle de savoir si les différents rapports entree roman et theatre chez les deux auteurs reposent sur une conception différentee de Tart du theatre, c'est-a-dire du theatre en tant qu'art du spectaclee face a la littérature en tant qu'art de Ia parole (chap. V). Finalement,, il est interessant de savoir si ces deux conceptions esthétiques concernantt Tart de la littérature et Tart du theatre sont ancrées dans Punivers quee les deux auteurs créent dans leurs aeuvres. Y a-t-il un rapport entre les thèmess des deux auteurs et les différentes manières dont roman et theatre, littératuree et spectacle se faconnent chez eux (chap. VI), telle est la deuxièmee et dernière question qui suivra 1'inventaire comparatif des "amours difficiless du narratif et du dramatique" chez les deux auteurs- belle expressionn due a la critique Danièle de Ruyter-Tognotti (1996:55) qui utilisee une métaphore - 'amour' - s'alliant mieux a 1'univers durassien qu'aa 1'univers de Beckett, tout en se servant d'un adjectif- 'difficile' - auxx resonances plutöt beckettiennes. Bref,, trois étapes, et trois chapitres consacrés aux rapports entre roman ett theatre chez Beckett et Duras. L'inventaire comparatif des formes de 1'intersectionn du roman et du theatre chez les deux auteurs mènera a une étudee des différentes conceptions esthétiques sur lesquelles sont fondées les

6 FRONTIÈRESS DES GENRES, DES ARTS ET DU MOI 235 differencess mises en evidence giice a Tinventaire comparatif du roman et dess textes de theatre. Ensuite, cette étude aboutira a son tour a une mise en rapportt de ces différentes conceptions esthétiques avec les differences thématiquess entre les textes des deux auteurs - autrement dit, a un parallèlee entre Ie choix générique et esthétique concernant Ie rapport entre romann et theatre, littérature et spectacle, et les choix thématiques des deux auteurs.. Hypothese hasardeuse: Ie désir de 1'autre qui traverse les personnagess durassiens, 1'insaisissable moi qui hante Ie discours beckettien peuventt être mis en parallèle avec la tendance a Ia fusion des genres et des artss chez Duras, et avec la tendance a la redefinition de la spécificité génériquee et esthétique chez Beckett. Mouvement vers 1'autre, vers Pindifférenciation,, vers 1'indistinction; mouvement vers Ie moi, vers Ia différenciation,, vers la spécificité: ce résumé-éclair de la difference thématique entree Duras et Beckett prefigure les résultats d'une comparaison qui permettraa de voir dans quelle mesure Duras tend a une fusion des genres ainsi quee des arts, tandis que Beckett maintient Ia spécificité du roman et du theatre,, de Ia littérature et du spectacle, non sans en redéfinir par ailleurs less rapports.

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