UNIVERSITE DE PARIS 1 - PANTHEON SORBONNE

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1 UNIVERSITE DE PARIS 1 - PANTHEON SORBONNE INSTITUT DE RECHERCHE ET D ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME LA VALORISATION DES LIEUX DE MEMOIRE DE LA SHOAH EN FRANCE, ENTRE MEMOIRE ET PATRIMOINE CULTUREL Mémoire professionnel présenté pour l obtention du Diplôme de Paris 1 - Panthéon Sorbonne MASTER PROFESSIONNEL «TOURISME» (2 e année) Spécialité Valorisation Touristique des Sites Culturels Par Melle Alexandra DERVEAUX Directeur du mémoire : Mr Michel TIARD JURY Membres du jury : : : Session de Septembre 2010

2 Remerciements Je tiens à remercier Monsieur Michel Tiard d avoir consenti à diriger ce mémoire de Master professionnel, mais aussi de ses nombreux conseils éclairés. Ce travail n aurait pu aboutir sans l aide et la bienveillance d un certain nombre de personnes et d interlocuteurs. Aussi mes remerciements s adressent à Monsieur Rémy Knafou, professeur émérite de l Université de Paris 1 et ancien chef de projet de la Fondation du Camp des Milles ; Monsieur David Amar, chargé de mission Solidarité - Mémoire et Transmission à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ; Madame Nathalie Grenon, directrice du Centre d Etude et de Recherche sur les Camps d Internement dans le Loiret et la déportation juive (CERCIL) ; Monsieur Olivier Lalieu, responsable du service Aménagement des lieux de mémoire et des projets externes au Mémorial de la Shoah ; Madame Isabelle Plichon, responsable du service Communication au Mémorial de la Shoah. Je remercie également les documentalistes du Centre de Documentation Juive Contemporaine, ainsi que l équipe du CERCIL pour leur accueil et leur disponibilité. Enfin, une pensée toute particulière à mes proches, celles et ceux qui m ont soutenu et encouragé tout au long de ce travail universitaire. 1

3 Sommaire Introduction p. 5 I. Emergence et évolution des lieux de mémoire de la Shoah en France p. 9 A. La construction de la mémoire de la Shoah en France p. 10 1) Repères historiques p. 10 a) Qu est-ce que la Shoah? p. 10 b) La Shoah en France p. 13 2) La mémorialisation du génocide en France p. 15 a) D une mémoire confinée p. 15 b) Vers une mémoire collective nationale p. 18 B. La patrimonialisation de la Shoah p. 22 1) Des traces aux marques p. 23 a) Appropriation et réinvestissement p. 23 b) Marquage de l espace p. 24 2) Des lieux du souvenir aux lieux de mémoire p. 27 a) La notion de lieux de mémoire p. 27 b) Une difficile reconnaissance des lieux liés à la Shoah p. 31 II. La Shoah, entre lieux de mémoire et lieux touristiques p. 39 A. Quelle(s) valorisation(s) des lieux de mémoire de la Shoah? p. 40 1) De la mise en valeur commémorative p. 40 2) A la création d une offre muséale p. 47 a) Institutionnalisation de l histoire et de la mémoire de la Shoah p. 47 b) Des projets phares de réhabilitation et d aménagement p. 53 B. Le concept de tourisme de mémoire p. 56 1) Tourisme et Mémoire : une antinomie? p. 56 a) Naissance d une politique nationale p. 56 b) Enjeux et développement du tourisme de mémoire p. 61 c) La fin d un cycle? p. 67 2

4 2) Le «dark tourism» : visites macabres ou réelle conscientisation? p. 71 a) Définition p. 71 b) Le «tourisme de la Shoah» : l exemple d Auschwitz-Birkenau p. 75 III. Etudes de cas français de lieux de mémoire de la Shoah p. 82 A. Du mémorial au musée : état des lieux p. 83 1) Situation historique p. 83 a) La Maison d Izieu p. 83 b) Le Mémorial de la Shoah p. 86 c) La tuilerie des Milles p. 88 d) Les camps d internement du Loiret p. 92 2) Fonctionnement et modalités de financement p. 95 a) Statut juridique p. 95 b) Des structures professionnalisées p. 96 c) Un financement partagé p. 98 B. L engagement de multiples acteurs p.101 1) Le rôle moteur du monde associatif et de la société civile p.101 a) La mobilisation associative p.101 b) L appui de la société civile p.103 2) La nécessaire implication des pouvoirs publics p.104 a) Les collectivités territoriales p.104 b) L intervention de l Etat p.105 3) Des institutions nationales et internationales reconnues p.106 a) Le Mémorial de la Shoah p.106 b) La Fondation pour la Mémoire de la Shoah p.107 C. L offre culturelle et touristique p.112 1) Une offre variée, entre transmission et sensibilisation p.112 a) Les parcours muséographiques, outils de «conscientisation citoyenne» p.112 b) Activités culturelles et pédagogiques p.117 2) Fréquentation et publics p.122 3) Communication et promotion p.127 a) Une communication spécifique? p.127 b) Lieux de mémoire et promotion touristique p.130 3

5 Conclusion p.131 Bibliographie p.135 Annexes p.144 Table des figures p.158 Table des entretiens p.160 Dossier d outils méthodologiques p.161 4

6 Introduction Théâtre de nombreux conflits armés, la France, comme d autres pays d Europe, porte encore, dans son paysage et sa mémoire, les blessures et les stigmates des guerres. La Seconde Guerre mondiale, en particulier, reste à ce jour le conflit le plus meurtrier de l histoire de l humanité, avec près de millions de morts évalués 1. Aussi, elle a engendré de nombreux «lieux de mémoire», des lieux où s est cristallisée et réfugiée une mémoire collective, rappels d évènements importants, souvent tragiques : villages-martyrs, lieux de massacre par les nazis, camps d internement, lieux de combats de la Résistance, etc. Dans cette guerre, comme le rappelle Jean-Yves Boursier dans son ouvrage Musées de guerre et mémoriaux (2005) 2, les nazis ont organisé méthodiquement et systématiquement le génocide des Juifs d Europe. Les camps d extermination en premier lieu Auschwitz- Birkenau, devenu LE lieu de mémoire par excellence identifie cette Seconde Guerre mondiale sur un plan autre que militaire : celui du crime du «crime contre l humanité», du crime de masse 3. De cette guerre, du crime d Etat nazi, il subsiste des traces dans le paysage. Ce qui a eu lieu a ainsi parfois constitué le support à la création de musées et de mémoriaux. Les lieux liés à la Shoah, c est-à-dire l histoire du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, bénéficient, depuis vingt ans, d un «essor» particulier. En grande majorité oubliés, voire pour certains occultés, pendant près de quarante ans, ils sont devenus des «lieux de mémoire», un patrimoine qu il convient désormais de sauvegarder et de mettre en valeur. Cette reconnaissance patrimoniale s inscrit plus que jamais dans l absolue nécessité, à l heure où l on a commémoré en début d année le 65 ème anniversaire de la libération d Auschwitz 4, de se souvenir, de conserver intacte et de transmettre la mémoire des évènements et des souffrances endurées. 1 Chiffres donnés par le Mémorial de Caen, voir le site Internet de l institution, (consulté le 18 août 2010). Ce qu il faut retenir avant tout de ce bilan humain, c est l importance des victimes civiles. En effet, pour la première fois, le nombre de civils tués est égal voire sans doute supérieur à celui des pertes militaires. 2 Jean-Yves Boursier, «D une guerre à l autre en Europe», Musées de guerre et mémoriaux, Paris, Editions de la Maison des sciences de l homme, 2005, p Ibid. 4 Le camp d extermination d Auschwitz a été libéré le 27 janvier 1945 par l armée russe. La date anniversaire de la libération du camp est devenue aujourd hui, depuis 2002, la Journée européenne de la mémoire de l Holocauste et de la prévention des crimes contre l Humanité. 5

7 De fait, la prise en compte de ces lieux attachés à la Shoah a abouti à la création d institutions spécifiques 5, et s est accompagnée d un développement important d actions et de projets de réhabilitation et d aménagement, concernant en particulier les anciens camps français d internement et de déportation. Le sujet de ce présent mémoire a été motivé par un intérêt personnel à cette période de l histoire, et plus généralement au patrimoine historique et mémoriel du XXe siècle. Il m a semblé pertinent et intéressant d étudier la valorisation des lieux de mémoire de la Shoah, le tourisme de mémoire dans la mesure où la question du devoir de mémoire, de la transmission de l histoire et de la mémoire est plus que jamais présente et d actualité dans notre société. Ces vingt dernières années ont été marquées par l ouverture, en France comme à l étranger, de musées et mémoriaux d envergure (Musée-Mémorial de l Holocauste à Washington, Mémorial de la Shoah à Paris, Mémorial aux Juifs assassinés à Berlin, nouvelle exposition du Pavillon français du Musée-Mémorial d Auschwitz-Birkenau). Les lieux de mémoire de la Shoah sont, en ce début de XXIe siècle, confrontés à un tournant mémoriel et scientifique. Ils tendent, avec la disparition de plus en plus progressive des derniers survivants, à devenir les seuls témoignages de cet évènement tragique, et dès lors à se substituer à la parole unique des témoins directs. La valorisation des lieux de mémoire de la Shoah doit ainsi faire face à différents enjeux : enjeu de mémoire, enjeu idéologique, enjeu d histoire, enjeu de transmission et de sensibilisation. Un tel sujet pose des interrogations spécifiques : - Qu entend-t-on par valorisation de lieux de mémoire de la Shoah? Comment valoriser, réhabiliter et aménager de tels lieux de mémoire et d histoire? - Comment préserver le sens et les valeurs immatérielles de lieux liés à une histoire traumatique et tragique incommensurables? - Comment et jusqu où développer l ouverture au public, et dès lors la «mise en tourisme», tout en conservant le respect mémoriel et le recueillement nécessaire à l appréhension de ces lieux de mémoire? 5 Ces institutions font l objet d une analyse dans ce présent mémoire (voir précisément la troisième partie, Etudes de cas français de lieux de mémoire de la Shoah, p ). 6

8 L analyse de la valorisation des lieux de mémoire liés à la Shoah repose sur une étude de quatre sites français : la Maison d Izieu, le Mémorial de la Shoah, le projet du mémorial du camp des Milles et le projet du Centre d histoire et de mémoire d Orléans sur les camps d internement du Loiret. Témoignages d un même contexte, d un même évènement, ces lieux d histoire et de mémoire renvoient à des temporalités et des réalités successives. Ces lieux étudiés tant des institutions muséales déjà existantes que des lieux en création permettent de saisir la diversité des formes et des acteurs. Le choix de «limiter» cette étude à la France s explique essentiellement pour des raisons techniques, en sachant bien que le sujet ne concerne évidemment pas stricto sensu la France, mais une échelle transnationale. Aussi, la dimension européenne n est pas du tout éludée : des lieux de mémoire, des institutions muséales, et des organisations européennes et internationales seront évoqués au fil des pages. Différentes sources ont été nécessaires pour mener à bien cette étude. Elles demeurent principalement écrites, bien qu aucun ouvrage ne soit spécifiquement consacré à ce sujet. Les différents thèmes abordés histoire de la Shoah, histoire des lieux choisis, notion de lieux de mémoire, de patrimonialisation ont pu être étayés grâce à une bibliographie précise. De façon générale, l étude s appuie sur des travaux d historiens, d universitaires mais également sur des documents : articles de presse, documents officiels, documentations de communication par lesquels les lieux de mémoire se présentent au public etc. Surtout, mes recherches ont été complétées par une étude de terrain et d observation. Outre la visite de lieux de mémoire, des entretiens qualitatifs «face à face» ont été réalisées auprès des différents acteurs concernés (Mémorial de la Shoah, Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Centre d Etude et de Recherche sur les camps d internement dans le Loiret et la déportation juive), enrichissant indéniablement les sources écrites. Le présent mémoire s articule autour de trois grandes parties. L étude s attachera dans un premier temps à retracer une histoire des lieux de mémoire de la Shoah en France, de leur émergence à leur évolution. La valorisation des lieux attachés au génocide juif doit être nécessairement comprise et replacée dans un contexte très complexe. Le sujet est difficile, et ne peut être appréhendé sans une compréhension, une approche historique. Il est en effet important de comprendre ce qu on entend par «lieux de mémoire» de la Shoah, et de cerner l histoire, les dimensions et les enjeux que ces lieux impliquent. 7

9 La première partie tentera donc de revenir sur la construction mémorielle et la patrimonialisation de la Shoah en France. Puis, l analyse portera, dans une seconde partie, sur les rapports entre lieux de mémoire de la Shoah et tourisme. Outre les notions de valorisations commémoratives et muséographiques, ce deuxième volet envisagera le concept de «tourisme de mémoire», en particulier dans ses aspects les plus contrastés (dark tourism). Enfin, la troisième partie se concentrera précisément sur quatre lieux de mémoire français de la Shoah, à savoir la Maison d Izieu, le Mémorial de la Shoah, la tuilerie des Milles et les camps d internement du Loiret. Après avoir rappelé l histoire de chacun de ces lieux, la présente étude s intéressera à leur fonctionnement et financement, ainsi qu aux différents acteurs concernés. Enfin, l offre muséale et touristique proposée par les quatre sites ne pourra être ignorée et sera analysée dans un dernier temps. 8

10 Première Partie EMERGENCE ET EVOLUTION DES LIEUX DE MEMOIRE DE LA SHOAH EN FRANCE 9

11 A. La construction de la mémoire de la Shoah en France La Shoah est devenue aujourd hui de nombreux historiens tels qu Annette Wieviorka, Georges Bensoussan ou Pierre Nora le soulignent une mémoire omniprésente, voire une «forme de religion séculaire 6», qui donne lieu à un foisonnement de publications d ouvrages, de témoignages, de productions audiovisuelles (films, téléfilms, émissions) et de commémorations. Pourtant, comme le rappelle Floriane Schneider dans son introduction de thèse de doctorat d histoire consacrée à la construction de la mémoire collective de la Shoah en France 7, la «conscience de la Shoah» est loin d avoir été aussi prégnante quelques décennies plus tôt. La mémoire du génocide juif et sa présence visuelle dans l espace public se sont en effet construites au fil des années, se sont développées selon des rythmes spécifiques, non linéaires, d un pays à l autre, de l Europe à Israël, en passant par les Etats- Unis. Ainsi, cette construction mémorielle s est retrouvée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et se retrouve encore, au centre d enjeux sociétaux, politiques et idéologiques. 1) Repères historiques Ce point «Repères historiques» n est pas un travail d histoire, il s agit plutôt d une synthèse qui tend à rendre compte des recherches publiées par des spécialistes de la Shoah. L histoire du génocide juif a fait l objet d un très grand nombre d ouvrages, d articles, d études, de travaux de toutes sortes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. De ce fait, les acquis de la connaissance historique sont aujourd hui considérables. a) Qu est-ce que la Shoah? La Shoah mot hébreux signifiant «catastrophe» désigne spécifiquement l organisation par l Etat, par le régime nazi et ses collaborateurs, de la persécution et de l extermination systématique d environ six millions de Juifs européens 8. 6 Propos de Pierre Nora lors de la conférence «La mémoire de la Shoah dans la France contemporaine et dans la construction de l identité juive contemporaine», qui s est tenue le 8 février 2005 au Mémorial de la Shoah. 7 Floriane Schneider, La construction de la mémoire collective de la Shoah en France ( ), thèse de doctorat d histoire IRICE (Identités, relations internationales et civilisations de l Europe), s. dir. de Catherine Nicault, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, p Définition provenant de l Encyclopédie multimédia de la Shoah (base de données réalisée en partenariat avec le Musée Mémorial de l Holocauste à Washington, et le Mémorial de la Shoah à Paris), (consultée le 31 mars 2010). 10

12 Le terme, ainsi utilisé pour caractériser le génocide des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, couvre une période courant du début des massacres de l été 1941 à la fin de la guerre en Europe au printemps Toutefois, les recherches de nombreux historiens montrent que la persécution des Juifs d Europe commence en réalité bien avant. En effet, Georges Bensoussan historien, rédacteur en chef de La revue d histoire de la Shoah et responsable éditorial au Mémorial de la Shoah explique que le génocide juif, décidé à la fin de l été ou au début de l automne 1941, est «l aboutissement rationnel et bureaucratique d un délire idéologique qui plonge loin ses racines dans l histoire de l Occident» 9. Marginalisation, exclusion, expulsion, transferts forcés, enfermement dans des ghettos constituèrent autant d étapes avant la «Solution finale» mise au point par les nazis. La politique officielle de ségrégation à l encontre des Juifs débute dès 1933 en Allemagne, avec l arrivée d Hitler au pouvoir : les premières lois antijuives sont promulguées, excluant progressivement les Juifs de la société. Une discrimination juridique, politique et sociale est instituée deux ans plus tard, en 1935, avec les lois de Nuremberg. La fin des années 1930 marque le début de la terreur, la persécution des Juifs prend une tournure brutale. Le point culminant est atteint dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, avec la «Nuit de Cristal». Un véritable pogrom est organisé à travers toute l Allemagne nazie : des synagogues sont incendiées, des magasins pillés, des milliers de Juifs agressés, arrêtés, envoyés dans des camps (on compte un bilan de 91 morts) 10. L invasion de la Pologne et son occupation à partir de septembre 1939 accroît la persécution envers les Juifs, en particulier ceux de l Europe de l Est ; des actes de violence, des exactions sont perpétrés à une échelle sans commune mesure avec ceux de 1938, les premiers ghettos sont établis en 1940 (Lodz, Varsovie). L année 1941 constitue une étape importante dans l escalade de l assassinat organisé des Juifs d Europe, une première phase de la mise en œuvre du génocide, avec la constitution d Einsatzgruppen. Ces «groupes d intervention» eurent pour mission d assassiner à grande échelle la population juive, femmes et enfants inclus, sur le territoire de l Union Soviétique envahie. 9 Georges Bensoussan, «Brève histoire de la destruction des Juifs d Europe», Auschwitz en héritage? D un bon usage de la mémoire, Paris, Mille et une nuits, 2003, p L Allemagne nazie et les Juifs, dossier thématique «Les Ressources pédagogique du Mémorial de la Shoah», Cette documentation est diffusée dans le cadre des activités pédagogiques du Mémorial de la Shoah à destination des élèves de collèges et lycées. 11

13 Les historiens estiment que plus d un million de victimes furent massacrées à l Est de l Europe par ces unités mobiles de tuerie, entre juin 1941 et le printemps La décision de mettre en œuvre l extermination systématique des Juifs d Europe est probablement prise au cours de l été ou au début de l automne La «Solution finale» fut planifiée, coordonnée quelques mois plus tard lors d une réunion, connue sous le nom de Conférence de Wannsee, tenue le 20 janvier C est ainsi que près de trois millions de Juifs furent déportés de l Europe de l Ouest (Belgique, Pays-Bas, France), du centre (du Reich d où partent les premiers convois, de Tchécoslovaquie, de Yougoslavie, de Hongrie surtout), du Sud (Grèce, en particulier) entre 1942 et 1944, vers des camps d extermination, des centres de mise à mort (Auschwitz-Birkenau, Belzec, Chelmno, Majdanek, Sobibor, Treblinka), où ils furent assassinés dans des installations de tueries spécifiquement conçues à cet effet 13. Aujourd hui, les historiens estiment entre cinq et six millions le nombre de victimes juives assassinées durant la Shoah. Il faut admettre, comme le souligne entre autres Anne Grynberg (et d autres historiens), qu on ne connaîtra sans doute jamais le nombre de victimes avec une absolue précision, «les autorités nazis n ayant pas toujours tenu de comptabilité systématique des assassinats et des gazages qu ils ont commis 14». Néanmoins, des chiffres plus précis sont possibles pour certains pays. Ainsi, en France, la connaissance du nombre de victimes de la Shoah est permise grâce aux listes de déportation : près de juifs de France furent déportés vers les camps d extermination. 11 Voir l article de l Encyclopédie multimédia de la Shoah consacré aux Einsatzgruppen, (consulté le 8 avril 2010). 12 La date précise de décision de mise en œuvre de la «Solution finale» n est pas connue. Un bon nombre d historiens la situe entre juillet novembre Voir entre autres l article de l Encyclopédie multimédia de la Shoah consacré aux camps d extermination, (consulté le 8 avril 2010). 14 Site Internet du Mémorial de la Shoah, 12

14 b) La Shoah en France Comme le rappelle André Kaspi historien français, professeur émérite à l Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne dans l introduction de son ouvrage Les Juifs pendant l Occupation 15, le sort et la persécution des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale ont fait l objet de nombreuses recherches et publications qui sont venues enrichir la connaissance de cette histoire 16. Il faut souligner en premier lieu l action pionnière du Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC), qui depuis sa création en 1943, «n a cessé d aider les chercheurs, de faire paraître une revue, de parrainer des livres d histoire dont les premiers sont publiés dès ». La politique officielle d exclusion contre les Juifs est engagée en France dès l automne En effet, le gouvernement de Vichy impose de sa propre initiative, dans les deux zones (zone «libre» et zone occupée), les «statuts des Juifs», avec les lois des 3 octobre 1940 et 2 juin Cette législation antisémite vise à exclure les Juifs de la communauté politique, économique et sociale. Ainsi, les Juifs se voient interdit l exercice de presque toutes les professions (emplois dans la fonction publique, professions libérales et commerciales), l accès aux lieux publics. Les mesures antijuives vont se succéder et s amplifier par la suite (établissement de «fichiers juifs», recensement, port de l étoile jaune ). En outre, le régime de Vichy organise parallèlement, dans la zone dite «libre», l internement de milliers de Juifs étrangers dans des camps insalubres comme ceux de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), Les Milles (Bouches-du-Rhône), Noé (Haute-Garonne), etc. Après la mise à l écart de la communauté nationale, vont se succéder les rafles. Les premières arrestations à Paris organisées par les forces de police française et allemande en mai, août et décembre 1941 visent exclusivement les hommes Juifs (étrangers et français) hommes arrêtés sont internés dans différents camps de la zone occupée : Pithiviers et Beaunela-Rolande (Loiret), Drancy (Seine-Saint-Denis) et Compiègne (Oise). 15 André Kaspi, Les Juifs pendant l Occupation, Paris, Editions du Seuil, 1991, 421 p. 16 Sur l histoire et la persécution des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale, voir les numéros de la revue Le Monde Juif. Revue d histoire de la Shoah ; et surtout la bibliographie élaborée par les historiens du Mémorial de la Shoah (consultée le 10 avril 2010), d=210#79 17 André Kaspi, op. cit., 1991, p. 10. Le CDJC publia dès 1946 une revue consacrée à l histoire de la Shoah, Le Monde Juif. Devenue Revue d histoire de la Shoah, elle est à ce jour le seul périodique européen dédié à l histoire de la destruction des Juifs d Europe. Pour plus d informations, voir le lien suivant, 13

15 Ainsi se réalise en France le processus d exclusion, d internement et de déportation 18. Le premier convoi de déportés juifs de France à destination d Auschwitz-Birkenau quitte la France (Drancy et Compiègne) le 27 mars L été 1942 marquera un tournant décisif dans l application de la «Solution finale de la question juive en France», avec les rafles des 16 et 17 juillet, appelées la rafle du Vél d Hiv. Près de personnes sont arrêtées à Paris et sa banlieue par la police française, et parquées plusieurs jours au Vélodrome d Hiver. Visant essentiellement les Juifs étrangers, ces rafles concernent pour la première fois des femmes et surtout des enfants (4 051 enfants de 2 à 16 ans dont plus de nés en France et de nationalité française) 19. Les familles sont transférées dans les camps de Beaune-la-Rolande et Pithiviers, d où les parents seront déportés les premiers avec leurs enfants adolescents. Trois mille enfants en bas âge seront par la suite transférés à Drancy dans des conditions lamentables, et mélangés à des adultes pour faire croire qu il s agit de déportation de familles et non d enfants isolés. D autres rafles massives eurent lieu en zone occupée ainsi qu en «zone libre». Entre août et septembre 1942, le régime de Vichy fit déporter les Juifs étrangers internés dans les camps du sud (Les Milles, Rivesaltes), et ceux arrêtés lors de la grande rafle du 26 août menée dans les quarante départements de la zone non occupée. Au total, Vichy livra Juifs étrangers aux nazis : «ces victimes seront les seuls Juifs arrivés à Auschwitz en provenance d un territoire non occupé par les Allemands 20». Les chiffres exacts de la déportation et de l assassinat des Juifs de France ne sont connus que depuis la fin des années Il faut en effet attendre les travaux de Serge Klarsfeld et de l association des Fils et des Filles des Déportés Juifs de France pour avoir un bilan humain précis de la Shoah en France, avec la publication du Mémorial de la déportation des Juifs de France 21. Cet ouvrage a comblé une immense lacune, en décrivant chaque convoi et en présentant l état civil de chaque victime de la «Solution finale» en France. 77 convois de déportation partirent de France vers les camps d extermination entre le 27 mars 1942 et le 17 août Au total, près de Juifs dont enfants ont été déportés 22 : seules personnes ont survécu, aucun enfant n est revenu. 18 Sur le processus des rafles, sur les modalités de la déportation, les ouvrages de Serge Klarsfeld apportent vraiment l essentiel. Voir La Shoah en France, Paris, Fayard, 4 volumes, 4674 p. 19 «Les Juifs en France sous l Occupation», Plaquette de l exposition Les enfants Juifs déportés de France, juin 1942-août 1944, Association des Fils et des Filles des Déportés Juifs de France, mars 2007, p Ibid., p Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France, Paris, 1978, non paginé. 22 Soit environ 22 % de la population juive française (la France comptait environ Juifs en 1940). 14

16 2) La mémorialisation du génocide en France a) D une mémoire confinée Pour de nombreux historiens, l histoire de la mémoire de la Shoah ne peut se réduire à un passage de l occultation à l obsession : elle s inscrit dans une chronologie, une périodisation évolutive. Aussi, une première période s ouvre dès la Seconde Guerre mondiale. En effet, il faut savoir que le souvenir du génocide juif s est construit très tôt, au cœur même de l évènement. Annette Wieviorka historienne française spécialiste de la Shoah et de l histoire des Juifs au XXe siècle rappelle ainsi que la nécessité de conserver la trace, que le souci de documenter la déportation et l extermination des Juifs sont apparus pendant la guerre 23. Ces intentions mémorielles précoces se manifestent en Pologne, d abord, où les persécutions des Juifs commencent dès septembre 1939 avec l occupation allemande persécutions qui atteignent leur paroxysme avec la mise en œuvre de la Solution finale en Certains Juifs ont immédiatement pensé que leur présent deviendrait passé, ont pressenti qu un processus immédiat d annihilation systématique était alors en cours. Ils décident dès lors d écrire, de rendre compte, et de collecter des archives afin que les générations suivantes connaissent ce qui s est passé. Ces traces, ces premiers témoignages légués nous sont parvenus : beaucoup de textes ont en effet survécu à leurs auteurs. On peut citer, parmi tant d autres, le travail d histoire et de mémoire d Emmanuel Ringelblum. Historien du judaïsme polonais, il rédigea sa propre chronique du ghetto de Varsovie, consignant l horreur du quotidien, les récits des derniers jours. Surtout, Ringelblum fut le responsable de l l Oneg Shabbath 24, une organisation de résistance quelque peu spéciale qui s attacha à rassembler, à archiver tous les documents concernant le ghetto (presse clandestine, correspondances et documentation sur les organisations politiques etc.), tous les documents relatifs à la persécution de la plus grande communauté juive d Europe. Placées dans des bidons de lait, ces archives furent enterrées dans différents endroits du ghetto. Deux des trois lots de textes ont été retrouvés, en 1946 et Annette Wieviorka, «La construction de la mémoire de la Shoah : les cas français et israélien», article coécrit avec Nicolas Weill, Les cahiers de la Shoah : conférences et séminaires sur l histoire de la Shoah, Paris, Editions Liana Levi, n 1, 1994, p Allégresse du Shabbat, en hébreu. 15

17 Ils constituent indéniablement des matériaux précieux qui ont permis d écrire l histoire du ghetto de Varsovie. En outre, on retrouve également en France ce souci crucial de consigner, de témoigner, et de transmettre, avec la création, dans la clandestinité, le 28 avril 1943 à Grenoble ville alors en zone d occupation italienne, du Centre de Documentation Juive Contemporaine 25. La construction mémorielle de la Shoah se poursuivit dans les années d aprèsguerre. Annette Wieviorka souligne que le souvenir du génocide est présent en France, mais confiné au sein de «groupes sociaux, ceux des survivants, extrêmement étroits 26». Il n existe alors pas de mémoire juive, au sens d une mémoire communautaire qui se revendiquerait publiquement comme telle : «( ) [Les Juifs de France] n ont aucune revendication de mémoire et aucune revendication de la spécificité de ce qui a été leur sort pendant la Seconde Guerre mondiale. La mémoire, ils la cultivent entre eux, érigent leurs propres mémoriaux, ils mettent sur pied leurs propres cérémonies 27». La mémoire de la Shoah est donc d abord une mémoire individuelle inscrite dans celle d un groupe clos. De fait, l idée d un silence des rescapés a longtemps prévalu. Or, on sait aujourd hui, grâce à des travaux d historiens, qu il s agit d une idée reçue, d un mythe : les témoignages des déportés juifs furent en réalité très nombreux, entre 1945 et Georges Bensoussan y voit plusieurs explications : le mutisme des contemporains en particulier les historiens a été transféré sur les déportés, la difficulté d entendre s est transmuée en «mutisme des témoins 28». Le confinement de la mémoire de la Shoah peut s expliquer par une perception difficile voire une occultation de la spécificité, de l unicité du génocide. En effet, le sort des Juifs fut, dans les années qui suivent la guerre, fondu, brouillé dans celui, plus vaste, de tous les déportés de France. La mémoire de la déportation est largement dominée par celle des déportés de la Résistance : Buchenwald est considéré alors comme le camp type et non Auschwitz. La mémoire française de la Seconde Guerre mondiale portée par une forte volonté politique, en la personne du Général de Gaulle s est construite sur le souci de réconciliation, de reconstruction nationale et sur le souvenir de la Résistance (résistancialisme). 25 L histoire du Centre de Documentation Juive Contemporaine fait l objet d un développement plus précis dans la troisième partie, p Annette Wieviorka, op. cit., Propos d Annette Wieviorka sur le plateau d une émission télévisée consacrée «aux images de la mémoire, », Arte, 12 février Cité par Floriane Schneider, op. cit., 2008, p Georges Bensoussan, Auschwitz en héritage? D un bon usage de la mémoire, Paris, Editions Mille et une nuits, 1998, p

18 L Occupation, et plus particulièrement la collaboration et la complicité du régime de Vichy dans le génocide juif, sont pour ainsi dire bannies de la mémoire officielle 29. Le début des années 1960 inaugure une nouvelle période de la construction mémorielle de la Shoah, qui s étend jusqu au milieu des années Ce deuxième temps marque l amorce d un réveil avec, en premier lieu, le procès d Adolf Eichmann en Ce procès considéré comme le «Nuremberg du peuple juif 31» fit émerger le discours sur la Shoah dans la sphère publique : les images du procès, filmé intégralement, furent en effet diffusées dans le monde entier, par le biais de la télévision. Evènement médiatique, il a contribué à faire entrer le génocide juif dans la conscience universelle. Son incidence sur les mémoires nationales a été très importante en Israël et aux Etats-Unis, et dans une moindre mesure en France, ce point étant plus discuté par les historiens 32. Ce premier procès fut bientôt relayé par d autres : suivent en effet, en 1964, le procès de dix tortionnaires du camp d extermination de Treblinka à Düsseldorf, ainsi que celui de vingt-deux membres du personnel d Auschwitz à Francfort. Ces procédures judiciaires concoururent à mieux faire percevoir la spécificité de la Shoah, et surtout marquent l «avènement du témoin». Les témoignages des survivants deviennent le vecteur principal de la mémoire du génocide, qui se décloisonne en passant d une mémoire individuelle à une «mémoire juive». L évolution de la perception du génocide dans le monde juif s explique aussi par le contexte politique de la fin des années La guerre des Six-Jours, en juin 1967, fait craindre, chez la communauté juive de France, la destruction de l Etat d Israël. Ce conflit tend à affirmer une identité juive : il «met fin à la croyance dans la possibilité, pour les Juifs de France, de s assimiler totalement [à la nation], et ce [notamment] du fait de la politique française à l égard de l Etat hébreu 33». 29 Thèse défendue par Henry Rousso dans son ouvrage, Le Syndrome de Vichy : de 1944 à nos jours, Le Seuil, 1990 (deuxième édition revue et mise à jour), 414 p. 30 L histoire du procès Eichmann a fait l objet d un certain nombre de travaux et de publications. On peut citer, entre autres, l ouvrage d Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Paris, Folio- Gallimard, 1997 (la première édition française date de 1966), 363 p ; ainsi que le livre d Annette Wieviorka, Le Procès Eichmann, Bruxelles, Editions Complexe, 1989, 201 p. 31 Propos de David Ben Gourion, Premier ministre israélien de l époque, Le Monde, 11 juin Comme le précise Floriane Schneider dans sa thèse (p. 42), les avis divergent sur l importance du procès Eichmann dans la construction de la mémoire de la Shoah en France. Annette Wieviorka estime que le procès de 1961 a été essentiel, à la différence d Henry Rousso qui considère que son impact a été plutôt limité. 33 Annette Wieviorka, «La construction de la mémoire du génocide en France», Le Monde juif. Revue d histoire de la Shoah, Paris, Centre de Documentation Juive Contemporaine, n 149, septembre-décembre 1993, p

19 Surtout, cette période «réveille ce qui avait été mis entre parenthèse dans l après-guerre : l exclusion dont les Juifs ont été victimes du fait de Vichy 34». La mémoire de la Shoah prend, en partie, la forme d un combat militant : celui de la dénonciation des complicités de Vichy dans la déportation des Juifs de France. L arrivée à l âge adulte d une nouvelle génération née après la guerre notamment la première génération juive d après la Shoah change en effet le regard et le discours, de et sur le génocide juif. Cette génération veut savoir, tend à bousculer le silence, incite à parler ceux qui se sont tus. b) Vers une mémoire collective nationale L évolution de la mémoire de la Shoah débute donc au tournant des années Le contexte de Mai 1968, et l émergence d une nouvelle génération, provoquent une remise en cause de la vision nationale de l histoire de la Seconde Guerre monde. Le mythe d une Résistance unanime et massive est attaqué, en même temps que commence la découverte historique du régime de Vichy et son rôle dans la «Solution finale». Le début des années 1970 est la période où, pour Henry Rousso, «le miroir se brise et les mythes volent en éclats». La France commence petit à petit à regarder différemment «ce passé qui ne passe pas 35», sous l impulsion du film Le Chagrin et la Pitié de Marcel Ophuls (1971), de recherches et de travaux universitaires d historiens étrangers portés sur cette période de l Occupation et de la collaboration, tels que La France de Vichy de l historien américain Robert Paxton, ouvrage considéré comme fondateur d une nouvelle historiographie de Vichy. Une distance semble être prise avec la mémoire et la Seconde Guerre mondiale devient objet d histoire. Aussi, cette évolution doit être replacée dans un contexte général de regain mémoriel et d intérêt scientifique pour les phénomènes de mémoire 36. La décennie des années 1970 voit l essor du régionalisme, l affirmation des identités (ethniques, sociales ), la promotion des traditions populaires et du patrimoine local. La notion de mémoire collective se fait de plus en plus présente. Quelque peu complexe, elle se laisse difficilement enfermer dans une définition unique. Elle a fait l objet d un certain nombre de travaux et d ouvrages, de la part d historiens, de sociologues, à commencer par Maurice Halbwachs. 34 Ibid. 35 Henry Rousso, op. cit., Floriane Schneider, op. cit., 2008, p

20 Considéré comme le précurseur d une approche sociologique de la mémoire collective, Halbwachs a ainsi établi que la mémoire, entendue comme fait de se souvenir, est un phénomène social dépendant de l existence présente des individus, qui s inscrit dans des cadres sociaux 37. Il y a mémoire collective dès lors qu un groupe entier partage les mêmes souvenirs, qu il s agisse de souvenirs d expériences vécues ou simplement transmises. En évolution constante, la mémoire collective est susceptible de devenir un champ de bataille. Potentiellement conflictuelle, elle est en effet «au carrefour de mémoires plus ou moins distinctes de groupes plus ou moins larges, plus ou moins influents : mémoire officielle de l Etat, mémoires associatives et militantes, mémoire savante 38». La fin des années 1970 et le début des années 1980 marquent l émergence d une mémoire juive revendicative, d une quête mémorielle. La mémoire de la Shoah prit la forme, en France, d un combat militant. On assiste à la création d associations, telle les Fils et des Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF). Outre l apposition de plaques, la construction de stèles ou de monuments sur les lieux du martyre juif, ces associations répondent, comme le précisent Serge Barcellini et Annette Wieviorka 39, à une double finalité : sociabilité et échanges entre ceux qui ont vécu le génocide, mais aussi la dénonciation du rôle et des complicités de Vichy dans la déportation des Juifs de France. L action menée par les FFDJF association constituée précisément en 1979 pour soutenir l action de Beate et Serge Klarsfeld qui visait à «mettre fin à l impunité des principaux responsables allemands et français de la déportation des Juifs de France ; à publier des ouvrages relatant très précisément ce que fut le sort des Juifs de France de 1940 à 1944 ; à défendre la mémoire des victimes juives et à lutter contre l antisémitisme 40» ouvre ce nouveau cours de la construction mémorielle de la Shoah.La question de Vichy traverse avec acuité l espace médiatique et le débat politique. Serge Klarsfeld publie, en 1978, Le Mémorial de la déportation des Juifs de France ; œuvre de mémoire, l ouvrage fait état de la liste, par convoi, des déportés juifs de France. Un an plus tard est diffusé, sur Antenne 2 en février 1979, le feuilleton américain Holocauste. 37 Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Presses universitaires de France, 1952, 298 p. 38 Floriane Schneider, op. cit., 2008, p Serge Barcellini et Annette Wieviorka, Passant, souviens-toi! Les lieux du souvenir de la Seconde Guerre mondiale en France, Paris, Plon, 1995, p «Les Fils et Filles des Déportés Juifs de France, militants de la justice et de la mémoire», Plaquette de l exposition Les enfants Juifs déportés de France, juin 1942-août 1944, mars 2007, p

21 Cette période se caractérise aussi par l apparition publique de thèses et de propos négationnistes, à commencer par Louis Darquier de Pellepoix, ancien commissaire général aux questions juives, qui affirme, dans une interview paru dans L Express (28 octobre 1978), qu à «Auschwitz, on n a gazé que des poux». Le négationnisme de la Shoah sera par la suite porté médiatiquement par Robert Faurisson 41. De mémoire juive, la mémoire de la Shoah va s inscrire peu à peu dans une mémoire nationale, non sans quelques difficultés. Les inculpations pour «crimes contre l humanité» d anciens fonctionnaires français Jean Leguay en 1979, Paul Touvier en 1981, Maurice Papon en 1983, René Bousquet en tendent à faire connaître les responsabilités et le rôle du régime de Vichy dans les persécutions anti-juives, les rafles et les déportations. L histoire de la Shoah prend désormais une place spécifique dans l histoire de la Seconde Guerre mondiale : son enseignement est introduit dans les programmes officiels de l Education nationale, grâce notamment aux Fils et Filles des Déportés Juifs de France qui se sont mobilisés pour un changement profond des manuels d histoire de terminale. Ils ont en effet œuvré pour que le contenu des manuels scolaires intègre la complicité active de Vichy. Néanmoins, la reconnaissance officielle de la responsabilité de l Etat français se fait attendre. Le procès de Klaus Barbie, en 1987, marque un tournant, en agissant à la fois comme un catalyseur et un accélérateur de la mémoire. En effet, il génère une dynamique nouvelle d appropriation politique, culturelle de la Shoah ; et coïncide avec les prémisses de formalisation du «devoir de mémoire», l impératif de la transmission aux jeunes générations 43. La mémoire de la Shoah entre dans une nouvelle phase à partir de 1990 : une demande sociale forte, portée par les médias et les militants de la mémoire, se forge peu à peu, fondée sur la conviction que le sort des Juifs de France durant la Seconde Guerre mondiale est banni de la mémoire officielle. 41 Sur le négationnisme en France, voir l ouvrage de Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Seuil, 2000, 691 p. 42 Jean Leguay fut délégué en zone occupée du secrétaire général de la Police, l un des principaux négociateurs avec les Allemands de l actions anti-juive de Vichy ; Maurice Papon fut quant à lui le Secrétaire général de la Gironde de 1942 à 1944, et responsable de l arrestation de Juifs ; René Bousquet a été le Secrétaire général de la Police, et l un des responsables de la rafle du Vél d Hiv. 43 Floriane Schneider, op. cit., 2008, p

22 Le début des années 1990 est traversé par une succession de commémorations et surtout de polémiques, dont la cérémonie du cinquantième anniversaire, en 1992, de la rafle du Vél d Hiv apparaît en point d orgue 44. L année 1993 constitue une première étape dans la construction d une mémoire collective nationale de la Shoah. Un décret, signé par le président de la République François Mitterrand, institue une «Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l autorité de fait dite Gouvernement de l Etat français ( )» 45, qui est fixée au dimanche suivant le 16 juillet, anniversaire de la rafle du Vélodrome d Hiver. Ce décret répond au souhait exprimé par différents porteparole de la mémoire de la Shoah (Serge Klarsfeld, associations de la communauté juive, Conseil représentatif des institutions juives de France etc.), mais sans aller jusqu à la reconnaissance officielle de la responsabilité de l Etat français dans les crimes perpétrés contre les Juifs pendant l Occupation. Il prévoit l organisation d une cérémonie officielle annuelle à l emplacement de l ancien Vélodrome d Hiver à Paris, ainsi que la tenue de cérémonies analogues dans les chefs-lieux de chaque département français. La mémoire de la Shoah est en passe de devenir une mémoire partagée par l ensemble de la communauté nationale. Cependant, elle n est définitivement inscrite dans la mémoire collective que deux ans plus tard. Le président de la République Jacques Chirac, alors récemment élu, reconnaît, le 16 juillet 1995, la responsabilité et la complicité de l Etat dans la persécution et la déportation des Juifs de France 46. Floriane Schneider souligne que cette allocution présidentielle tend à préfigurer, dans les années suivantes, les grandes orientations de la politique de la mémoire mise en œuvre par les pouvoirs publics 47. La reconnaissance officielle de la responsabilité de l Etat français s accompagne d une réparation. Une mission d étude sur les spoliations dont les Juifs de France ont été victimes pendant la guerre est créée en Serge Barcellini, «Sur deux journées nationales commémorant la déportation et les persécutions des années noires», Vingtième siècle Revue d histoire, volume 45, n 1, 1995, p Annette Wieviorka, «1992. Réflexions sur une commémoration», Annales ESC, mai-juin 1993, n 3, p Décret n du 3 février 1993, 46 Allocution de Jacques Chirac prononcée lors des cérémonies commémorant la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942, dimanche 16 juillet 1995, s_chirac_president_de_la_republique_prononcee_lors_des_ceremonies_commemorant_la_grande_rafle_des_16 _et_17_juillet_1942-paris.2503.html (consultée le 3 mai 2010). 47 Floriane Schneider, op. cit., 2008, p

23 Cette mission, nommée «Mission Mattéoli» du nom de son président Jean Mattéoli, eut pour objectifs «d étudier les conditions dans lesquelles les biens immobiliers et mobiliers appartenant aux Juifs de France ont été confisqués, ou d une manière générale acquis par fraude, violence ou vol, tant par l occupant que par les autorités de Vichy entre 1940 et 1944». Ainsi, il revenait à la Mission Mattéoli d évaluer l ampleur des spoliations, les «catégories de personnes physiques ou morales» qui auraient pu en profiter, d identifier «la localisation actuelle desdits biens ainsi que leur situation juridique», et d inventorier dans la mesure du possible «les biens accaparés sur le sol français qui seraient encore entre les mains d institutions ou d autorités publiques, françaises ou étrangères» 48. Cette reconnaissance et cette réparation s accompagnent d un ancrage, d une inscription de la Shoah dans l espace public. Ce phénomène vient consolider la profusion d initiatives, de commémorations et de manifestations opérées au cours de la même décennie (années 1990). Les lieux, les sites en rapport avec le souvenir de l extermination des Juifs d Europe, qui étaient jusqu alors quelque peu oubliés, sont ainsi (re)découverts. B. La patrimonialisation de la Shoah Les lieux relatifs à l internement et à la persécution des Juifs de France ont subi une profonde évolution depuis une vingtaine d années, bénéficiant d un essor particulier, d une certaine reconnaissance 49. Ils sont devenus un patrimoine qu il convient de sauvegarder, et de mettre en valeur. La patrimonialisation des lieux de mémoire de la Shoah en France résulte d un long et lent processus. Elle s inscrit dans la difficile marche de la mémoire collective. L analyse de la manière dont les différents lieux de mémoire français liés à la Seconde Guerre mondiale ont été préservés, aménagés ou au contraire, délaissés voire oubliés, tend à montrer à quel point leur mise en valeur, leur reconnaissance patrimoniale sont conditionnées par la distance prise par la société avec l Histoire et par des choix politiques assumés ou non Le travail de la Mission Mattéoli a fait l objet d un rapport, Mission d étude sur la spoliation des Juifs de France : Rapport général, Paris, La Documentation française, 2000, 205 p. 49 Olivier Lalieu, «Mémoire de la Shoah. L action du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC)», Tourisme de mémoire, Cahier espace n 80, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, décembre 2003, p Anne Bourgon, «L évolution des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale», Les Chemins de la Mémoire, Paris, Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, ministère de la Défense, n 189, décembre 2008, p

24 1) Des traces aux marques a) Appropriation et réinvestissement Le souvenir des lieux du génocide et le travail de mémoire réalisé autour de leur histoire se sont construits selon des chronologies particulières. Les lieux ou traces de ce qui subsiste furent plus ou moins réinvestis. Aussi, on assiste à la mise en place d une mise en mémoire précoce sur certains lieux, dès la fin de la guerre. Le souvenir de la déportation et du génocide juif a été inscrit très tôt, dans différents pays. Il fut d abord porté par une mémoire individuelle et/ou locale. C est ainsi que dès le mois de mai 1946, les associations de survivants et les municipalités de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande organisèrent une cérémonie en mémoire des plus de Juifs internés dans les camps du Loiret, avant même l érection de mémoriaux 51. Une commémoration locale se tint de même à Izieu (Ain) en avril 1946, en mémoire de la rafle du 6 avril 1944, sous l impulsion des acteurs de la colonie d Izieu rescapés et survivants et la population locale 52. Il n y eut certes à cette époque aucun écho national, mais il faut savoir que ces cérémonies furent relayées par les presses locales : les articles parus participèrent à la formation d une mémoire commune, partagée non seulement par les survivants, les associations mais aussi par les populations. La commémoration apparut dès lors comme une modalité privilégiée de la mise en place du souvenir, de la mise en mémoire. La commémoration, du latin commemoratio qui signifie mémoire, marque le souvenir d une personne, d un évènement. Il s agit véritablement de rendre hommage, de mentionner et de rappeler la mémoire de personnes disparues, selon un rite particulier. Elle est, selon Joël Candau, un dispositif qui permet l organisation des mémoires et la construction identitaire par le repérage dans le temps 53. Aussi, la commémoration a besoin pour «avoir lieu» de s inscrire dans une dimension spatiale. Elle suppose donc la création d espaces spécifiques, de repères visuels, de supports qui permettent de se souvenir, de d inscrire la mémoire des hommes et des évènements dans le temps. 51 Entretien avec Nathalie Grenon, directrice du Centre d Etude et de Recherche sur les Camps d internement dans le Loiret et la déportation juive (Cercil), Orléans, le 18 mars Ce travail de mémoire quant aux camps d internement du Loiret a fait l objet d une récente exposition itinérante, intitulée Les commémorations à Pithiviers et à Beaune-la-Rolande de 1946 à nos jours. Réalisée par le Cercil, avec le soutien de la mairie de Pithiviers, l exposition présentait un ensemble d articles parus dans la presse locale et régionale depuis la fin de la guerre jusqu à nos jours. 52 Voir page Joël Candau, Mémoire et identité, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, 225 p. 23

25 b) Marquage de l espace Des mémoriaux, des stèles, des plaques furent ainsi érigés et apposés sur les lieux même où de la persécution anti-juive, voire parfois à des milliers de kilomètres, mais également dans les cimetières et synagogues 54. Ceux qui avaient survécu à la Shoah eurent à cœur de rendre hommage, de marquer dans la pierre, dans l espace, le souvenir des disparus. Les études menées sur le sujet en particulier les travaux de James Edward Young 55 montrent que ces monuments commémoratifs sont aujourd hui extrêmement nombreux et présentent la plus grande diversité, au niveau des «commanditaires», du support matériel etc 56. Ce réinvestissement des lieux par la commémoration a beaucoup à voir avec le culte des morts, qui est au fondement même du travail de mémoire. Pour Vincent Veschambre, cette inscription mémorielle dans l espace renvoie en premier lieu à la matérialisation et à la localisation des morts 57. La Shoah fait ainsi l objet, dans les années d après-guerre, d érection de mémoriaux hors les lieux ayant abrité les évènements eux-mêmes. A commencer par le Tombeau-Mémorial du martyr juif inconnu, inauguré à Paris en Figure 1 : Pose de la première pierre du Mémorial du martyr juif inconnu, Paris, 27 mai 1953 Centre de Documentation Juive Contemporaine/ Mémorial de la Shoah 54 Serge Barcellini et Annette Wieviorka, Passant, souviens-toi! Les lieux du souvenir de la Seconde Guerre mondiale en France, Paris, Plon, 1995, 523 p. ; voir également l article de Nicolas Weill et d Annette Wieviorka, «La construction de la mémoire de la Shoah : les cas français et israélien», op. cit., James Edward Young, The texture of memory : Holocaust memorials and meaning, New Haven et Londres, Yale University Press, 1993, 398 p. 56 Anne Grynberg, «Du mémorial au musée, comment tenter de représenter la Shoah?», De l horreur à ses représentations, Les Cahiers de la Shoah, n 7, Paris, Les Belles Lettres, 2003, p Vincent Veschambre, «Faire mémoire des camps : trouver des traces et produire des mémoriaux», op.cit., 2008, p

26 Construit sur l initiative d Isaac Schneersohn, un des fondateurs du Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC), ce mémorial fut jusqu au début des années 1960 le seul dans le monde situé dans un espace public. Son érection marque l amorce d une évolution de la mémoire du génocide juif, et de sa transmission. Annette Wieviorka revient sur la genèse de construction du Mémorial du martyr juif inconnu, et sur les motivations de son initiateur : «Isaac Schneersohn avait compris que l écrit ne suffisait pas à assurer la pérennité de la mémoire. Frappé par l exemple du tombeau du soldat inconnu de l Arc de Triomphe et par le culte des morts de la Grande Guerre qu il avait sécrété, il avait constaté que la mémoire était mieux servie par le rite que par la chronique 58». Ce tombeau qui ne deviendra mémorial qu en 1974 est pensé comme devant regrouper dans le même bâtiment les cendres des morts des ghettos et des camps d extermination, le CDJC, une salle de conférence, une exposition permanente. Comme le souligne Annette Wieviorka, tout cela est aujourd hui d une banalité absolue : archives, bibliothèque, mémorial, exposition sont en effet les composants de tous les musées-mémoriaux qui concernent la Shoah, mais aussi de nombreux autres évènements historiques. Ces mémoriaux constituent de fait un support matériel privilégié de la revendication mémorielle voire identitaire. L érection du Mémorial du martyr juif inconnu ne fut pas sans polémique : les oppositions furent nombreuses du début 1951, lorsque le projet fut rendu public, jusqu à son inauguration en La pose de la première pierre en mai 1953 (fig.1) suscita un débat en Israël : le parlement israélien, la Knesset, estimait que «Jérusalem était le seul endroit approprié pour la construction du Mémorial des victimes du nazisme 59». Aussi, une loi votée en août 1953, «loi sur le souvenir des héros et des martyrs», créa Yad Vashem, voulu comme une «autorité du souvenir», un lieu central de mémoire, de recherche, d éducation et d enseignement de la Shoah. Les mémoriaux dédiés spécifiquement au souvenir du génocide juif sont restés peu nombreux dans le monde jusqu à une période récente, et l affirmation d une mémoire juive de la Seconde Guerre mondiale. 58 Annette Wieviorka, L ère du témoin, Paris, Hachette Littératures, 2002, p Voir également son article, «Du CDJC au Mémorial de la Shoah», in «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», Revue d'histoire de la Shoah - Le Monde juif, Paris, CDJC, n 181, juillet-décembre 2004, p Ibid. 25

27 Les marques du souvenir des camps d internement français n ont pas été, quant à elles, immédiates après la guerre, sans doute en raison de la multiplicité et de la juxtaposition des mémoires. En effet, certains camps d internement reçurent, simultanément ou successivement, plusieurs catégories d internés (communistes, ressortissants des «pays ennemis», Tziganes, réfugiés espagnols etc.). Serge Barcellini et Annette Wieviorka soulignent que le souvenir du génocide juif y est assez tardif : il faut en effet attendre les années 1980 pour voir se multiplier l érection de stèles ou l apposition de plaques. Il y a cependant des spécificités : des monuments commémoratifs de l internement et de la déportation des familles juives sont inaugurés à Beaune-la-Rolande et à Pithiviers à la fin des années 1950 début des années 1960, à l initiative des associations locales des anciens internés et déportés, sur l emplacement des anciens camps d internement 60. L idée d implanter un monument est également présente dès l après-guerre à Drancy. Porté à la fin des années 1950 par l Association des anciens déportés juifs de France, puis repris à son compte par la municipalité quelques années plus tard, le projet est concrétisé dans les années Un ensemble sculptural, réalisé par Shelomo Selinger, fut ainsi inauguré en mai Figure 2 : Monument aux déportés sculpté par Shelomo Selinger, Cité de la Muette, Drancy Sources : photographie de Miche Laffitte 60 Ces monuments seront remplacés par la suite par d autres, plus imposants. 61 Voir la conférence de Vincent Guigueno, La Shoah, entre mémoire et patrimoine culturel : le cas de la Cité de la Muette (Drancy), cours public filmé «Patrimoine et Identités», Université de Rennes 2, lundi 3 décembre 2007, (visionnée le 15 mai 2009). 26

28 Cette inscription du souvenir dans les lieux contribue évidemment à la construction mémorielle de la Shoah. La mémoire a, selon Maurice Halbwachs, besoin de repères matériels pour se fixer, se construire et se transmettre. A contrario, l effacement, la destruction de traces matérielles expriment une tabula rasa, «la tentation de tirer un trait sur ce qui renvoie à des souvenirs douloureux 62», une volonté de falsifier, d occulter la mémoire, de construire une non-mémoire. La production de monuments et la mise en espace contribuent donc à la visibilité, cette matérialité dont la société, les individus ont besoin pour le travail de deuil, et le partage de la mémoire. «Lieux du souvenir», les lieux attachés à la Shoah tendent à devenir, depuis ces dernières années, non sans disparités toutefois, des «lieux de mémoire». 2) Des lieux du souvenir aux lieux de mémoire a) La notion de lieux de mémoire Le concept des «lieux de mémoire» a été forgé par l historien Pierre Nora, il y a plus d une vingtaine d années 63. Le «lieu de mémoire» fut défini précisément et repris par la suite dans l édition du Grand Robert de la Langue Française comme «unité significative, d ordre matériel ou idéel, dont la volonté des hommes ou le travail du temps a fait un élément symbolique d une quelconque communauté 64». Pour Pierre Nora, les «lieux de mémoire» ont d abord un sens métaphorique, ils ne désignent pas a priori des espaces mais bien souvent des symboles (emblèmes, formules, devises ), des institutions (le Tour de France, la Coupole ). Il apparaît, au regard des différentes lectures faites, que la notion s est par la suite matérialisée et spatialisée. Assimilés à des édifices, des sites, les lieux de mémoire sont devenus le support de commémorations, des lieux où s est cristallisée et s est réfugiée une mémoire collective. Rappel d évènements importants, ils sont surtout les constructions au présent d un regard sur le passé : en effet, ils représentent des choix et des volontés politiques de faire mémoire autour de certains lieux et évènements historiques. En outre, l acceptation beaucoup plus matérielle et spatialisée des lieux de mémoire doit être replacée dans un contexte, celui d un rapprochement affirmé entre les notions de mémoire et de patrimoine. 62 Vincent Veschambre, op. cit., 2008, p Pierre NORA, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 7 volumes, , 4751 p. 64 Définition citée dans l ouvrage de Serge Barcellini et Annette Wieviorka, Passant, souviens-toi! Les lieux du souvenir de la Seconde Guerre mondiale en France, Paris, Plon, 1995, p

29 Les «lieux de mémoire» se sont ainsi retrouvés élargis au champ patrimonial. C est au tout début des années 1980 que le mot patrimoine a commencé à se diffuser plus largement dans la société dans un sens autre que celui des juristes ou des gestionnaires supplantant par là même la notion de monument historique, héritée du XIXe siècle. Le renouvellement du mot patrimoine s accompagne d une véritable mutation du regard, d une nouvelle manière de voir et d appréhender l espace. Le champ patrimonial s élargit, à la fois sur le plan typologique, chronologique et géographique : de l église au jardin, des antiquités au patrimoine du XXe siècle, du monument isolé au paysage. On assiste dès lors à l émergence de «nouveaux patrimoines», baptisés ainsi parce que différents de la conception traditionnelle du monument comme œuvre majeure. La protection au titre des Monuments historiques s ouvre à des éléments témoignant de l histoire de la vie urbaine (boutiques, cafés, restaurants, théâtres, cinémas, kiosques à musique, ) ; de la mémoire industrielle, scientifique et technique (usines, gares, instruments, ) ; de l architecture vernaculaire (pigeonniers, lavoirs, moulins, ). La conception du patrimoine passe donc d une vision classique, esthétisante, du type histoire de l art à une vision beaucoup plus ethnologique, voire sociologique. La notion des lieux de mémoire a nourri un certain nombre de protections au titre des Monuments historiques 65. Des lieux furent en effet protégés en tant que lieux témoins du caractère et du mode de vie d hommes et de femmes illustres appartenant à l histoire nationale (maisons natales de Jeanne d Arc et de Napoléon ), de l univers dans lequel des artistes ont vécu, écrit et créé (maisons d écrivains, ateliers, cafés ) 66. D autres lieux ont été protégés du fait de l importance historique, souvent tragique, des évènements qui s y sont déroulés : le mur des Fédérés au cimetière du Père Lachaise, quelques champs de bataille de la Première Guerre mondiale 67, les ruines du village d Oradour-sur-Glane, etc. 65 La question de la protection des lieux de mémoire a fait l objet d une intervention de Marie-Anne Sire, inspecteur général des Monuments historiques, lors d un colloque auquel j ai assisté en juin 2009, «La protection des lieux et des objets de mémoire au titre des monuments historiques : sa force et ses ambiguïtés», Lieux de mémoire, musée(s) d histoire(s), Rencontres Européennes du Patrimoine, Paris, Institut National de l Histoire de l Art Cité de l Architecture et du Patrimoine, 18 et 19 juin Il faut préciser néanmoins que la protection est large, voire ambiguë. Marie-Anne Sire estime en effet qu elle n a pas été forcément pertinente dans certains cas : des lieux anecdotiques (hôtel du Nord, château d If ) ont été protégés au titre de lieux de mémoire. 67 Il faut savoir que les premières protections au titre de la loi de 1913 sur les Monuments historiques concernent des lieux de mémoire de la Grande Guerre. Le premier Monument historique du XXe siècle classé est ainsi la plate-forme de tir d artillerie de Zillisheim (Haut-Rhin). 28

30 Ce patrimoine des faits de guerre et des conflits constitue des marques visibles mais aussi intangibles d une histoire et d une mémoire dont nous sommes aujourd hui les héritiers. Appréhender ce type de patrimoine est loin d être évident, tant du point de vue de la conservation que de la valorisation. En effet, quel sens donnons-nous au souvenir des conflits? Quels aspects patrimoniaux doivent en être conservés? Doivent-ils être reconnus comme patrimoine commun de l humanité? Comment ces lieux doivent-ils être assumés et vécus? 68. Comme le souligne Etienne Poncelet, la réflexion sur le degré de conservation des dégâts, des vestiges, des traces des guerres est un débat qui reste ouvert. Les réponses semblent dépendre de la mémoire que les lieux véhiculent encore et de notre sensibilité. La conservation des lieux de mémoire liés aux guerres implique de s interroger sur les questions de la «restauration», de l authenticité. Faut-il laisser ces lieux en l état, et dès lors sacraliser les traces? Ou bien au contraire agir, ne pas laisser se dégrader les vestiges et donc réhabiliter la matérialité, réinvestir les traces? De fait, comment conserver dans le temps les preuves matérielles de l horreur? Comment laisser «intacts» pour les générations à venir ces supports matériels de la mémoire? Toutes ces questions sont évidemment complexes, les avis divergent. Françoise Choay estime, par exemple, que les camps d extermination ne sont en aucun cas des monuments, mais des «reliques», des lieux sacrés qu il ne faut pas muséifier 69 : «La charge traumatique et affective de ces lieux, simplement encadrés, circonscrits et ainsi désignés à la piété des générations survivantes, tient à leur nature même de témoins, de reliques. Le travail de mémoire n y est possible qu à condition d en exclure toute fonction utilitaire et quotidienne. ( ) On n habite pas Auschwitz. On vient s y recueillir 70». Marie-Anne Sire, en évoquant l exemple d Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), parle de «cas de conscience permanent» pour les conservateurs quant à la préservation des traces de la barbarie, des massacres, des génocides. L idée de conserver en l état les ruines du village martyr est pratiquement contemporaine des évènements 71. L ancien village fut classé au titre des monuments historiques par une procédure tout à fait exceptionnelle (loi du 10 mai 1946), après la visite du Général de Gaulle. 68 Etienne Poncelet, «Mémoires de guerre», La mémoire des lieux : préserver le sens et les valeurs immatérielles des monuments et des sites, Paris, ICOMOS, 2005, p , (consulté le 27 juillet 2009), 69 Propos d Alain Sinou, lors de la conférence «Résilience et Patrimoine de l inhumanité» (à laquelle j ai assistée) organisée dans le cadre d un séminaire de l Ecole Normale Supérieure, Paris, 11 février Françoise Choay, «Drancy : le culte patrimonial», Urbanisme, n 325, Paris, juillet-août 2002, p Oradour-sur-Glane représente l un des massacres les plus marquants de la Seconde Guerre mondiale. 642 personnes (hommes, femmes et enfants) furent tuées et brûlées le 10 juin 1944 par la division SS «Das Reich». 29

31 Aussi, ce classement ne répondait pas aux critères traditionnels de la protection : en effet, il s agissait de «témoigner au monde entier, à travers le temps, des destructions accumulées sur notre territoire par quatre années d oppression et de violence 72». Cette patrimonialisation des traces s inscrit dans une démarche à la fois de mise en mémoire des victimes et de témoignage pour l avenir, qui semble s imposer aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Le caractère visible et tangible apparaît dès lors très important pour les acteurs de la mémoire et du patrimoine. Marie-Anne Sire estime que «le lieu de mémoire [tel qu Oradour-sur- Glane] doit être renouvelé matériellement pour qu il parle toujours de la même histoire ; qu il est un lieu qu il faut faire vivre sans cesse». Cette problématique de la préservation se pose sans doute d autant plus pour les lieux de la déshumanisation, les camps d extermination. Le principe de conserver les camps d Auschwitz-Birkenau en l état a été affirmé très tôt par les responsables du site. Le complexe protégé s étend sur 191 hectares soit 5 % de la surface totale des hectares de l ancien camp administré par les autorités SS, et compte à peu près 150 bâtiments et environ 300 bâtiments en ruine, dont les chambres à gaz détruites par les Allemands en novembre Les risques de dégradation du lieu manque d entretien, vandalisme etc. sont pris en compte dès les années 1960, avec la mise en place d une surveillance. Mais ce n est qu à partir des années 1980 et surtout au début des années 1990 que le site d Auschwitz-Birkenau fait l objet d un entretien, d une restauration et d une mise en valeur des traces : des bâtiments sont restaurés, des barbelés remplacés. La conservation d Auschwitz-Birkenau reste aujourd hui plus que jamais d actualité : des bâtiments en briques, des baraques en bois menacent en effet de s effondrer, les archives et les objets de disparaître. L Etat polonais ne peut désormais plus faire face aux frais qu entraînent l entretien et la préservation permanente du lieu, le budget annuel du musée ne suffisant plus. De nombreux acteurs (tels Simone Veil, Serge Klarsfeld) ainsi que le gouvernement polonais se mobilisent afin d alerter l opinion internationale, de recueillir des fonds destinés à financer la sauvegarde à long terme du camp 74. Un appel aux dons a été lancé en 2009 à destination des pays européens, pour récolter la somme de 120 millions d euros nécessaire à la restauration et à l entretien global du site Bernard Toulier, Architecture et patrimoine du XXe siècle en France, Paris, Editions du Patrimoine, 1999, p Cité par Vincent Veschambre, op. cit., 2008, p Franciszek Piper, «Auschwitz-Birkenau : lieu de mémoire et musée»,», in «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», op. cit., juillet-décembre 2004, p Voir les différents articles de presse, «Auschwitz, la course contre le temps», Journal du Dimanche, 23 janvier 2010, (consulté le 19 avril 2010) ; «65 ans après sa libération, comment préserver le camp d Auschwitz-Birkenau?», Le 30

32 La conservation des lieux de mémoire liés à des évènements tragiques constitue donc un véritable enjeu. Comme l explique le président de la Fondation Auschwitz-Birkenau, Wladyslaw Bartoszewski : «[Si des mesures indispensables ne sont pas prises pour la préservation], le lieu de mémoire cessera d exister comme cimetière, témoignage, monument et avertissement pour les générations futures. La génération des déportés arrive à la fin de sa vie. Il faut protéger le seul camp inscrit au Patrimoine mondial de l Unesco 76. C est une obligation vis-à-vis de ceux qui partent 77». La patrimonialisation mise en mémoire des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale n a cependant pas toujours été immédiate et consensuelle. Il y a souvent eu un temps d occultation avant que la mémoire ne puisse se partager. La reconnaissance patrimoniale des lieux attachés à la Shoah est assez récente en France, et résulte d une longue et difficile marche de la Mémoire. Il faut en effet attendre près de soixante ans, c est-à-dire les années , pour que des mesures de protection soient décidées. b) Une difficile reconnaissance des lieux liés à la Shoah Les camps d internement et les lieux de la déportation des Juifs en France n ont pas eu valeur de lieux de mémoire pendant longtemps, ou du moins ne semblaient pas relever de la catégorie «lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale» que la France s était choisis 78. Témoins d une histoire ambiguë, difficile à assumer, les principaux camps d internement et de déportation français ont eu une destinée très diverse dans les années d après-guerre. Certains furent ré-occupés, réutilisés, tels Drancy, Les Milles, Rivesaltes ; d autres disparurent tout simplement, tels Gurs, etc. Monde, 28 janvier 2010, (consulté le 19 avril 2010) ; 75 Voir «Appel aux dons pour la préservation d Auschwitz», Le Point, 27 février 2009, (consulté le 19 avril 2010) ; «Auschwitz, une mémoire à sauver», Le Figaro, 4 mars 2009, (consulté le 19 avril 2010). 76 Le camp de concentration et d extermination d Auschwitz-Birkenau est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial depuis Voir le site Internet du Centre du Patrimoine mondial de l Unesco, ( reconsulté le 19 avril 2010). 77 Voir l article du Journal du Dimanche cité ci-dessus. 78 Anne Gyrnberg, Les Camps de la honte. Les internés juifs des camps français ( ), Paris, La Découverte, 1991, p. 10. En outre, il faut préciser que cette difficile mémoire des lieux d internement français ne concerne pas les seuls Juifs, mais également d autres catégories d internés, les Tsiganes. A ce sujet, voir notamment l article d Emmanuel Filhol, «Des non lieux de mémoire, ou presque, pour les Tsiganes», in «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», op. cit., juillet-décembre 2004, p

33 Il y eut une volonté globale d oublier, de normaliser ces lieux et donc d effacer les traces matérielles 79. Olivier Lalieu responsable de l aménagement des lieux de mémoire et des projets externes au Mémorial de la Shoah estime qu il s agissait pour l essentiel d une volonté pragmatique de réutilisation de terrains 80. En outre, les traces matérielles n étaient pas, dans cette période d après-guerre, considérées comme importantes : le souvenir ne s ancrait, semble-t-il, pas nécessairement dans la matérialité. Les baraques des camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers n ont ainsi pas été conservées : cette décision de nonconservation fut prise par les mairies de Beaune-la-Rolande et Pithiviers, en concertation avec les associations locales juives 81. Plusieurs explications complémentaires peuvent être avancées quant aux raisons de cette difficile reconnaissance mémorielle des anciens lieux d internement et de la déportation 82. La première tient à leur nature complexe : en effet, l internement a concerné, d après les travaux de Denis Peschanski, historien et chercheur au CNRS, environ personnes. Des réfugiés espagnols, des étrangers dits «indésirables», des ressortissants des puissances ennemies (Allemands, Autrichiens), des Juifs, des Tziganes etc. : autant d individus et de catégories différentes, dont le destin dans les camps est loin d être uniforme, est loin de ne présenter que des similitudes 83. Ces lieux représentent pour les victimes juives l antichambre de la déportation, et pour l immense majorité d entre elles, de la mort. Cette juxtaposition de mémoires constitue évidemment une problématique importante, qui doit être prise en considération dans les projets d aménagement et de valorisation qui se dessinent et se concrétisent à l heure actuelle. En outre, l histoire des camps d internement est une histoire peu glorieuse pour la mémoire nationale, pour la France, «pays des Droits de l Homme». En effet, nés pour la plupart sous la IIIe République, les camps sont l expression d un système coercitif. 79 On verra cependant que l absence de traces n est, en réalité, pas totale : il en existe, aussi rares soient-elles. 80 Entretien avec Olivier Lalieu, Paris, le 19 mars Entretien avec Nathalie Grenon, Orléans, le 18 mars Olivier Lalieu, «La difficile mémoire des lieux d internement en France», in «Génocides. Lieux (et nonlieux) de mémoire», op.cit., juillet-décembre 2004, p L histoire des camps d internement français a fait l objet d une relecture historiographique depuis le début des années On peut citer le travail pionnier d Anne Grynberg, et également les travaux de Denis Peschanski, La France des camps. L internement, , Paris, Gallimard, 2002, 549 p. Cet ouvrage est la publication de sa thèse d Etat soutenue en 2000 à l Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne, qui est disponible à l adresse suivante, (consultée le 10 juin 2009). 32

34 De fait, ils témoignent d une politique conduite par des gouvernements successifs, qui inscrivirent le recours à l internement dans des logiques distinctes, entre 1938 et 1946 : une «logique d exception» (sous la IIIe République et à la Libération) et une «logique de contrôle et d exclusion» sous le régime de Vichy 84. Par ailleurs, la difficile reconnaissance des lieux de mémoire de la Shoah s explique par le relatif silence qui entoure, pendant plusieurs décennies, les «années noires» de l Occupation la collaboration de Vichy et la déportation juive. Comme nous l avons vu dans la partie précédente, la mémoire de la déportation est, jusque dans les années 1980, largement dominée par celle des déportés de la Résistance. Aussi, le camp de Natzweiler- Struthof (Bas-Rhin) représente l archétype du lieu de mémoire français de la Seconde Guerre mondiale, avec le village martyr d Oradour-sur-Glane. «Lieu du martyre des déportés politiques sur le sol de France», il fut «patrimonialisé» dès la fin de la guerre. Inscrit à l Inventaire des Monuments historiques en 1947, puis classé en août 1951, le camp de Natzweiler-Struthof fut par la suite aménagé entre 1951 et 1960, avec l érection d un mémorial et d une nécropole nationale pour les déportés français. Anne Bourgon architecteurbaniste de l Etat, chargée de mission au projet de réhabilitation de l ancienne gare de déportation de Bobigny souligne que ces procédures de protection (le village d Oradour et le camp de Natzweiler-Struthof) permettaient, dans cette période d après-guerre de réconciliation et d unité nationale, «de désigner deux lieux symboles du martyrologue de la France occupée et de [surtout] mettre en avant la responsabilité des autorités allemandes» 85. La France était alors plus prompte à reconnaître les torts de l ennemi que les siens. Ce silence national vis-à-vis de l internement est aussi un silence local. Il peut sans doute s expliquer par des raisons, des hypothèses diverses : déni psychologique, ignorance réelle ou occultation volontaire des populations locales etc. Les camps n étaient pas des lieux totalement déconnectés mais des lieux ancrés dans leur environnement. La construction des camps, leur approvisionnement et leur entretien bénéficièrent à une économie régionale. Les plaies sont restées vives, les mémoires locales ont oscillé entre culpabilité latente et ignorance pendant de très nombreuses années Denis Peschanski, Les lieux sans mémoire et la mémoire sans lieux, Colloque «Mémoire des lieux lieux de mémoire» organisé par Traverses92 [Rencontres départementales de l Education, des arts, de la culture et du territoire], 2005, (consulté le 13 février 2010). 85 Anne Bourgon, op. cit., 2008, p Olivier Lalieu, op. cit., 2004, p Par ailleurs, cette difficulté fut aussi soulignée par Rémy Knafou lors d un entretien, à propos du camp des Milles. 33

35 De lieux du souvenir du martyr juif, les lieux attachés à la persécution et à la déportation des Juifs ont évolué peu à peu en lieux de mémoire inscrits dans une mémoire collective nationale. Une étape importante dans la reconnaissance de l intérêt historique de ces lieux est la protection officielle des sites et des bâtiments. En France, le classement au titre des Monuments historiques ou l inscription à l Inventaire supplémentaire constitue une mesure d utilité publique qui vise à protéger un édifice remarquable du fait de son histoire ou de son architecture. La base de données Mérimée, créée par le ministère de la Culture, recense et documente les édifices français protégés. L interrogation de cette base montre que quelques uns des lieux d internement et de déportation en réalité cinq ont été reconnus «monuments historiques» : - le camp de Natzweiler-Struthof (inscription en 1947, classement en ), - l ancienne tuilerie des Milles (classement en 1993, inscription en 2004), - le camp de Rivesaltes (inscription en 2000), - le camp de Drancy (classement en ), - le camp de Voves (inscrit en 2004) 87 Il faut également ajouter, à cette liste de sites protégés, des lieux du souvenir liés au génocide, tels la Maison dite des enfants d Izieu, inscrite en La patrimonialisation des lieux de mémoire de la Shoah n est pas sans polémique, comme l atteste le vif débat qui s est déroulé notamment dans la presse lors du classement de la Cité de la Muette, de Drancy, au titre des Monuments historiques. Réalisation, conçue dans les années 1930 par les architectes Marcel Lods et Eugène Beaudouin, et considérée comme le premier grand ensemble de France, la Cité a servi, durant la Seconde Guerre mondiale, de camp d internement et de transit des Juifs de France vers les camps d extermination 88. La nature de la Cité de la Muette est donc double : «œuvre architecturale et urbanistique majeure du XXe siècle» distinction remise en cause par certains spécialistes du patrimoine et lieu de mémoire d importance. La patrimonialisation du site est également rendue complexe par le fait qu il est un lieu de vie locale, habité : en effet, la Cité retrouva sa fonction initiale dès 1948, dans un contexte de forte pénurie de logements. 87 Sources Base Mérimée du ministère de la Culture et de la Communication (consultée le 10 juin 2009, et de nouveau le 22 janvier 2010). Les notices, plus ou moins précises, de chacun de ces lieux retracent un bref historique montrant l intérêt et la justification de leur protection. 88 Près de 83 % des Juifs déportés de France, personnes isolées ou familles entières, passèrent par Drancy, quelques mois ou quelques jours. 34

36 Le classement de la Cité portant sur les façades et toitures, les escaliers, les caves, le tunnel d évasion et le sol de la cour résulte de l intervention des pouvoirs publics en réponse à une polémique sur le remplacement des menuiseries originelles de Jean Prouvé par des menuiseries en PVC 89. En effet, il s agissait pour le ministère de la Culture d arrêter les travaux réhabilitation des logements jugés incompatibles avec la préservation du caractère architecturale de la Cité. Cette procédure a surtout été interprétée comme un acte symbolique de reconnaissance de ce que furent la déportation, la collaboration et le génocide juif. La protection du lieu incarne pour certains une muséification abusive, un excès du culte patrimonial, à commencer par Françoise Choay. Cette dernière, dans un article publié dans la revue Urbanisme, posait le problème en ces termes : «Il est temps que cesse l amalgame entre patrimoine historique et lieux de mémoire. ( ) Il est temps aussi de s interroger sur l actuelle bureaucratisation culturelle de notre pays. De se demander comment, par qui et au nom de quelle légitimité, sont prises unilatéralement, sans concertation avec le patrimoine vivant que constituent les habitants, des décisions de classement susceptibles de transformer des huisseries pourries en monument historique et de bloquer l évolution d un site et d une communauté 90». Pour Henry Rousso, ce classement se rattache d une demande sociale croissante en matière de transmission de la mémoire. Il s interroge de fait sur la matérialisation de valeurs immatérielles, la mémoire et la conservation des lieux de guerre : «On assiste en Europe, ces dernières années, à une patrimonialisation du crime et à la constitution d une mémoire négative ( ), où tout lieu lié à l histoire traumatique du siècle ne pouvait s incarner que dans la dimension matérielle, patrimoniale et non plus dans le registre symbolique. C est le cas de Drancy : il aurait été regrettable de raser la Cité de la Muette, mais l aurait-on fait que cela n aurait pas forcément entraîné une déficience de mémoire 91». Anne Bourgon préfère non pas parler d excès de patrimonialisation, mais d un déficit de réflexion quant à la transmission d un drame à travers le patrimoine bâti Sur le classement de la Cité de la Muette, voir le projet de fin d études d Anne Bourgon, Drancy : une affaire classée?, Ecole nationale des Ponts et Chaussées/ Centre des Hautes Etudes de Chaillot, mars Françoise Choay, op. cit., 2002, p Cité par Anne Bourgon. Henry Rousso, «Le patrimoine, indice du rapport de la société à l histoire», paru dans le journal Le Monde, le 27 novembre Anne Bourgon, op. cit.,

37 Le cas particulier du camp de Drancy reflète les enjeux de conservation de la mémoire d un évènement qui n est plus, de la préservation de valeurs immatérielles fortes, qui se rattachent ici à la souffrance, au tragique. Penser et appréhender ce type de patrimoine est difficile pour les acteurs concernés (restaurateurs, conservateurs, architectes ). Il apparaît sans doute plus évident de définir la matérialité d un édifice que sa valeur mémoriale et symbolique, plus simple de conserver un château ou une église que de protéger un espace de mémoire, trace matériel d un évènement douloureux. De ce fait, le classement de la Cité de la Muette a enclenché une réflexion sur la nécessité d adopter une cohérence dans la patrimonialisation des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale en général. Cette difficile mémoire des lieux attachés à la Shoah n est pas spécifique à la France. Elle se retrouve en effet dans d autres pays européens, aussi bien à l Est qu à l Ouest, dès la fin de la guerre, comme l explique Georges Bensoussan dans l éditorial de la Revue d histoire de la Shoah consacré aux «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire» 93. L histoire du camp de Westerbork est assez représentative de cette difficulté mémorielle autour des lieux d internement de la Seconde Guerre mondiale. Camp le plus important de la persécution raciale aux Pays-Bas désigné par certains historiens français comme le «Drancy hollandais», ce site a longtemps été un «non-lieu de mémoire» 94. En effet, il faut attendre plus de vingt-cinq ans après la Libération pour que le camp de Westerbork commence alors son histoire comme lieu de mémoire explicite, avec l inauguration d un monument pour les déportés juifs. En même temps, les autorités locales édifièrent un observatoire sur le site, afin, semble-t-il, de faire oublier, de «détourner» l histoire du camp 95. Il faut encore attendre le début des années 1980 pour qu un Centre de commémoration et d information «Kamp Westerbork» soit ouvert (fig. 3), et pour que la commune consente enfin à mentionner l ancien camp, devenu lieu de mémoire et de pèlerinage, dans les livrets touristiques «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», Revue d'histoire de la Shoah - Le Monde juif, Paris, Centre de Documentation Juive Contemporaine, n 181, juillet-décembre 2004, p Ido de Haan, «Vivre sur le seuil. Le camp de Westerbork dans l histoire et la mémoire des Pays-Bas», in «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», op. cit., 2004, p Ibid., p Pour plus d informations, voir le site Internet du Centre de commémoration du camp de Westerbork, (consulté le 17 mai 2010). 36

38 Figure 3 : Centre de commémoration du camp de Westerbork, Pays-Bas Herinneringscentrum Kamp Westerbork Les lieux de mémoire par définition lieux où se matérialise une mémoire collective se retrouvent ainsi au centre de véritables enjeux politiques et idéologiques. La tentation de réécrire, d occulter, d enjoliver, d instrumentaliser l Histoire fut constante autour de ces lieux. Le camp de déportation et d extermination d Auschwitz-Birkenau (Pologne) et sa mise en mémoire reflètent particulièrement ces enjeux 97. L idée de transformer le lieu en site mémoriel est née parmi les prisonniers polonais, alors même que le camp fonctionnait encore. Le processus de patrimonialisation fut quasi-immédiat après la fermeture du camp. Une loi votée par le Parlement polonais, le 2 juillet 1947, établit la création d un musée (qui porte aujourd hui le nom de musée d Etat d Auschwitz-Birkenau) chargé de conserver ad aeternam le site et ses installations comme «monument du martyrologe et de la lutte du peuple polonais et des autres peuples» 98. Auschwitz devient tout à la fois un enjeu et un théâtre de la guerre froide. Un récit historique «antifasciste-internationaliste» se met en place ; il met l accent sur la Résistance, sur la solidarité entre les internés, toutes nationalités confondues, et occulte l identité des victimes, en particulier juives mais aussi tsiganes ou encore des Polonais non communistes. Ainsi, pendant toute la période soviétique, le lieu sera présenté non pas comme un camp d extermination du peuple juif, mais comme un camp qui symbolise le martyre des communistes, la barbarie nazie à l égard du peuple polonais. 97 Sur le sujet, voir l article de David Weizmann, «Auschwitz : lieu de mémoire ou lieu de négation?», Musées de guerre et mémoriaux, s. dir. de Jean-Yves Boursier, Paris, Editions de la Maison des sciences de l homme, 2005, p Annette Wieviorka, «Eléments pour une histoire du camp-musée d Auschwitz», Auschwitz, la mémoire d un lieu, Paris, Hachette Littératures, 2005, p

39 Figure 4 : Mémorial international érigé à la mémoire des victimes du fascisme, Birkenau, août 2009 Sources : photographie de Gulwenn Torreben, -memorial_de_birkenau.htm Un monument international à la mémoire des victimes du fascisme inauguré en 1967 à Birkenau camp d extermination d Auschwitz où un million de Juifs furent assassinés cristallise ces enjeux politiques et idéologiques. Annette Wieviorka explique que ce monument ne symbolise pas la souffrance juive, mais celle du déporté politique (fig. 4) 99. Birkenau est annexé à la mémoire nationaliste et communiste. Cette annexion est par ailleurs redoublée par une inscription, sur dix-neuf dalles, «Quatre millions de personnes ont souffert et sont mortes ici dans les mains des meurtriers nazis entre 1940 et 1945». Ce chiffre, surestimé, a été imposé par les Soviétiques, qui passèrent ainsi sous silence le sort particulier des Juifs d Europe. En outre, le site d Auschwitz-Birkenau tend à devenir dans les années 1970 un haut lieu de la mémoire polonaise catholique, avec la sanctuarisation de la cellule de Maximilien Kolbe prêtre mort à Auschwitz en 1941, canonisé comme martyr en 1982 et surtout avec la messe dite par Jean-Paul II en La fin des années 1980 marque l émergence d une mémoire juive : la Shoah occupe en effet le débat public, de par la multiplication des travaux d historiens et les témoignages. Auschwitz-Birkenau «devient un lieu réel pour les Juifs de la Diaspora», et surtout un lieu de visite, un «lieu touristique». L ancien camp d extermination a, en 2009, été visité par près de 1,3 millions de visiteurs : il est, depuis quelques années, le site culturel le plus visité de Pologne Ibid., p Site Internet du Musée d Auschwitz-Birkenau, «The attendance record 1,3 million visitors at Auschwitz Memorial in 2009», (consulté le 26 avril 2010) 38

40 Deuxième partie LA SHOAH, ENTRE LIEUX DE MEMOIRE ET LIEUX TOURISTIQUES 39

41 La patrimonialisation constitue un processus de reconnaissance, voire de transmission et de pérennisation. Elle permet aux traces et aux espaces, marqués par un fait évènementiel, d accéder au champ de la durabilité culturelle et identitaire, au rang d héritages historiques et mémoriels 101. Les lieux relatifs à l internement et à la persécution des Juifs de France sont devenus, comme nous avons pu le voir, un patrimoine culturel, qu il convient de faire connaître au plus grand nombre, de mettre en valeur. Aussi, qu entend-on par valorisation des lieux de mémoire et d histoire de la Shoah? A. Quelle(s) valorisation(s) des lieux de mémoire de la Shoah? 1) De la mise en valeur commémorative La reconnaissance des lieux de mémoire s est caractérisée dans un premier temps par une valorisation commémorative, c est-à-dire l érection ou le renforcement de dispositifs mémoriels sur quelques sites majeurs. Cette mise en valeur, impulsée par des militants de la mémoire, des personnalités engagées et des structures associatives locales 102, s inscrit dans l évolution de la mémoire de la Shoah, et son émergence dans l espace public 103. C est dans ce contexte qu est «balisé l itinéraire de la persécution des Juifs jusqu à leur déportation». Les camps d internement, les gares depuis lesquelles sont partis les convois à destination de Drancy puis d Auschwitz, les lieux (certains quartiers, édifices ) liés au génocide juif sont progressivement «mis en valeur» 104. Les initiatives tendent ainsi à se multiplier, un certain nombre d actions sont réalisées au cours de la décennie Valérie Delignières, «Lieux d histoire, lieux du tourisme», 2 ème Journée de Recherche sur le Tourisme, 3 avril 2009, Groupe Sup de Co de la Rochelle, (article consulté le 12 mai 2010), Sur le rôle précis du monde associatif, voir p Le film de Claude Lanzmann, Shoah, a contribué à faire émerger dans la société un mouvement, une prise de conscience autour du génocide juif. 104 Annette Wieviorka, «La représentation de la Shoah en France : mémoriaux et monuments», Musées de guerre et mémoriaux, s. dir. de Jean-Yves Boursier, Paris, Editions de la Maison des sciences de l homme, 2005, p

42 Des cérémonies d inauguration de plaques, de stèles, de monuments commémorant les déportations des Juifs sont organisées sur différents lieux de mémoire, tels que : - le camp de Septfonds (Tarn-et-Garonne), - le camp de Drancy (Seine-Saint-Denis), - le camp des Milles (Bouches-du-Rhône) etc. Une valorisation commémorative fut aussi entreprise à l initiative de l Etat, dans le contexte particulier du décret présidentiel du 3 février 1993, qui institue la «Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l autorité de fait dite Gouvernement de l Etat français ( )». Des monuments et des stèles furent ainsi érigés sur trois lieux précis : - la Maison d Izieu (Ain), - le camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), - à l emplacement de l ancien Vélodrome d Hiver (Paris) Figure 5 : Monument commémoratif de la rafle du Vél d Hiv, Quai de Grenelle, Paris Source : photographie personnelle 41

43 Situé sur une promenade plantée en bordure du quai de Grenelle (15 e arrondissement), le monument du Vél d Hiv commémore la rafle des 16 et 17 juillet 1942, où Juifs parisiens furent arrêtés par la police française et parqués dans le Vélodrome d Hiver. A l exception d une simple plaque commémorative présente sur la façade de l enceinte sportive (détruite au début des années 1960 pour faire place à un immeuble), il n existait jusqu alors aucun monument rappelant ce tragique évènement historique. Réalisée par Walter Spitzer, la sculpture commémorative représente sept personnages sur un socle incurvé, évoquant la piste du Vélodrome d Hiver : un couple avec un enfant, un autre dont la femme est enceinte, une vieille dame, un enfant (fig. 5). Serrés les uns contre les autres, ils témoignent en quelque sorte pour toutes les victimes des persécutions antijuives durant la Seconde Guerre mondiale. Le monument commémoratif fait ainsi office, dans le square des Martyrs juifs du Vél d Hiv, de «lieu de mémoire». Des lieux associés à la persécution et à la déportation des Juifs de France sont «exhumés» et «mémorialisés», tels que les camps de travail, annexes de Drancy Austerlitz, Lévitan et Bassano situés au cœur de Paris 105. Des plaques commémoratives sont par ailleurs apposées sur les façades des établissements scolaires, en hommage aux élèves juifs, déportés et exterminés. La Ville de Paris a entrepris, depuis une dizaine d années maintenant, une politique en faveur de cette action de mémoire, soutenant ainsi le travail considérable des associations pour la mémoire des enfants juifs déportés 106. A ce jour, le souvenir de enfants est nominativement rappelé sur 332 plaques commémoratives, réparties sur l ensemble des établissements scolaires parisiens. Cependant, il faut savoir qu un certain nombre d enfants furent déportés avant l âge de leur scolarisation. Ils ne sont pas oubliés : des plaques ont été aussi apposées en mémoire de ces enfants non scolarisés ou qui n ont pu être rattachés à aucune école, dans les parcs et jardins publics interdits aux Juifs aux termes de la réglementation antisémite du régime de Vichy. 105 Sur l histoire de ces camps de travail parisiens, voir l ouvrage de Jean-Marc Dreyfus et Sarah Gensburger, Des camps dans Paris : Austerlitz, Lévitan et Bassano, juillet 1943-août 1944, Paris, Fayard, 2003, 323 p. 106 Des associations ont été créées, dans pratiquement chacun des arrondissements parisiens, pour retrouver les noms des écoliers juifs morts en déportation et les inscrire à jamais sur le lieu où ils furent élèves. On peut évoquer, par exemple, l action du comité «Ecole de la rue Tlemcen», association localisée dans le XXe arrondissement. Sur les plaques commémoratives, voir le site Internet de la Mairie de Paris, t_id=20214 (consulté le 22 avril 2010) ; _id=19888 (consulté le 15 mai 2010). 42

44 C est ainsi qu une stèle commémorative fut inaugurée en octobre 2007 dans le square du Temple (3 e arrondissement). Elle porte les prénoms, noms et âges des 85 «tout-petits qui n ont pas eu le temps de fréquenter une école», enfants juifs de 2 mois à 6 ans habitants le 3 e arrondissement et déportés entre 1942 et 1944 (fig. 6). Le nom de ces enfants est accompagné de cette inscription courte, sorte d épitaphe : «Passant, lis leur nom ; ta mémoire est leur unique sépulture» 107. Figure 6 : Stèle commémorative en hommage aux enfants juifs du 3 e Paris, square du Temple Source : photographie personnelle arrondissement, La valorisation commémorative ne peut toutefois être réduite à une seule fonction mémorielle. En effet, elle s est accompagnée d une volonté de présenter une information historique sur les lieux (notion de médiation). Des «wagons-témoins» furent ainsi installés à Drancy, en 1988 (fig. 7), et au camp des Milles en Référents mémoriels, ces wagons identiques à ceux utilisés dans la déportation sont alors utilisés comme espaces d exposition consacrés à l histoire de ces camps et à la Shoah. De petits musées, de petites structures, assez modestes, virent le jour, comme le Conservatoire historique du Camp de Drancy, en Installé dans un petit local situé dans un des bâtiments de la Cité de la Muette, il fut créé «en prolongement des hommages à la mémoire des déportés», à l initiative de personnes d origines et d horizons divers, qui «eurent à cœur de contribuer à la transmission de la Shoah, en ancrant leur action dans le lieu même où s opéra le regroupement des dizaines 107 D autres stèles furent inaugurées aux squares Villemin (10 e arrondissement), Léon Serpolet (18 e arrondissement), et Edouard Vaillant (20 e arrondissement) en 2008 et

45 de milliers de Juifs qui furent déportés à Auschwitz 108». Association de loi type 1901, le Conservatoire s attache à organiser, sur rendez-vous, des visites guidées pour des scolaires, des associations, des groupes ainsi que pour toute personne désirant visiter les lieux 109. Figure 7 : Wagon-témoin, Cité de la Muette, Drancy Association Fonds Mémoire d Auschwitz 93 Plus qu une simple valorisation commémorative, les initiatives combinent également actions culturelles et didactisme. Des manifestations, des expositions, des projections, des colloques sont en effet mis en œuvre, dans un triple dessein : voir, savoir et transmettre. Ces programmations tendent ainsi à mettre en valeur et à rendre vivante l histoire des lieux, en favorisant les débats d idées, les échanges entre publics. Une exposition, intitulée «Les camps d internement dans le Loiret : histoire et mémoire, », fut ainsi conçue et organisée dans cette optique par le Centre d Etude et de Recherche sur les Camps d Internement du Loiret et de la déportation juive (CERCIL), association alors nouvellement créée 110. Inaugurée en juin 1992 par Simone Veil à la mairie d Orléans, cette exposition peut être considérée comme une référence. 108 Voir le site Internet du Conservatoire historique du Camp de Drancy, Le Conservatoire reçoit en moyenne élèves par an. 110 Le CERCIL fait l objet d une présentation plus détaillée dans la troisième partie, «Etudes de cas de lieux de mémoire français de la Shoah», page

46 En effet, il s agissait de retracer, de raconter au grand public l histoire des camps de Beaunela-Rolande, Pithiviers et Jargeau, à une époque où rien de tel n existait. De fait, le parti pris choisi fut de rappeler les identités, les visages des victimes, et de présenter des «textes courts, simples qui disent les choses», de montrer «le plus de photos possibles, des notices biographiques permettant une identification 111». L exposition, itinérante, fut par la suite présentée, entre autres, à la Grande Arche de la Défense, en Aujourd hui, remaniée et réactualisée au regard des recherches et des nouvelles connaissances historiques, elle continue de circuler dans de nombreux lieux médiathèques, établissements scolaires, mairies, musées etc., tant dans le département du Loiret, la région Centre que sur le territoire national, permettant ainsi de faire connaître, au plus grand nombre, l importance des camps d internement du Loiret, et le rôle qu ils ont joué dans la déportation des Juifs de France. On peut également évoquer la grande opération d information et d éducation, «Mémoire pour demain», menée au Camp des Milles, en 1992, en commémoration du cinquantenaire des déportations. De nombreuses manifestations éducatives et culturelles furent organisées à cette occasion, afin de transmettre la mémoire du passé : - soirées débats, projection d une trentaine de films sur les thèmes de la déportation, de la résistance, de l intolérance, hier et aujourd hui, à l Institut de l Image d Aixen-Provence - tables rondes universitaires, centrées sur l analyse des évènements et processus qui ont conduit à la déportation des Juifs de la zone sud, à l Institut Interuniversitaire d Etudes et de Cultures Juives (Aix-en-Provence) - lectures de textes littéraires, soirée musique (chants) - expositions sur la déportation etc Entretien avec Nathalie Grenon, le 18 mars Présentation de l opération Note de synthèse et annexes, «Fondation du Camp des Milles : Mémoire et Education», mars 2009, 20 p., (consultée le 3 septembre 2009). 45

47 Initiée par l Association du Wagon Souvenir des Milles structure créée en 1991, regroupant l ensemble des associations de déportés, d internés et de résistants du camp des Milles ainsi que la communauté juive, cette riche programmation, échelonnée sur une quinzaine de jours, rencontra un écho extrêmement large : plus de personnes (dont environ jeunes) participèrent aux diverses manifestations. Le site des Milles est dès lors institué en lieu de mémoire, à vocation pédagogique : de nombreuses visites guidées sont organisées sur place pour les scolaires et les groupes par l Association du Wagon-Souvenir. La transmission de la connaissance du génocide, et des lieux qui lui sont attachés connaît une évolution depuis la fin des années Les différents dispositifs mémoriels mis en place ne sont aujourd hui plus forcément perçus comme suffisants par les associations concernées, les acteurs qui se consacrent à la mémoire et à l histoire de la Shoah. Nombreux sont ceux qui s interrogent sur le sens même des commémorations : font-elles encore date? La pose de plaques est-elle aujourd hui suffisante? Quelle est leur visibilité dans l espace publique? Comment le public reçoit-il les commémorations? 113 Il est apparu nécessaire, à l heure où les derniers survivants et les derniers témoins sont de moins en moins nombreux, de mettre en place une valorisation muséographique, des institutions spécifiques afin de transmettre l histoire et la mémoire de la Shoah à des nouvelles générations qui n ont pas connu les faits. 113 Entretien avec Olivier Lalieu, le 19 mars

48 2) A la création d une offre muséale On assiste, depuis quelques années, à une floraison en Europe, mais également aux Etats-Unis et en Israël, d institutions muséales consacrées spécifiquement à la Shoah : l United States Holocaust Memorial Museum de Washington (1993), la Maison-Mémorial des enfants juifs exterminés d Izieu (1994), le Musée commémoratif de l Holocauste de Montréal (2003), Yad Vashem de Jérusalem (ouvert en 1953 et entièrement rénové en 2005), le Mémorial de la Shoah à Paris (2005), l Holocaust Memorial Center de Budapest (2004) etc 114. a) Institutionnalisation de l histoire et de la mémoire de la Shoah L apparition des «musées de la Shoah» correspond à une période charnière, où l on prend conscience de l imminence de la disparition prochaine des survivants et des témoins. En outre, cette institutionnalisation muséale de la Shoah doit être replacée dans un phénomène plus général, l accroissement des constructions de musées de société, de musées d histoire, en particulier ceux consacrés aux conflits contemporains, dans les années Cette décennie est marquée par une évolution de la mémoire collective : la mémoire combattante (Résistance) cède en effet peu à peu sa place à une mémoire des victimes (Juifs déportés et assassinés, étrangers internés, victimes civiles des massacres). Cette évolution mémorielle s accompagne alors d une réflexion sur une autre façon de montrer l Histoire dans les musées, plaidant pour une institution d un type nouveau qui se signalerait à trois points de vue : comme lieu du souvenir, comme lieu de manifestations, comme centre d archives et de recherche. Ce musée serait ainsi un lieu de mémoire «nouvelle génération» qui tiendrait compte du passé mais aussi de l évolution historique ici le phénomène de la destruction des Juifs d Europe, ou encore des problèmes plus largement afférents au monde contemporain. 114 Une base de données complète, Holocaust Memorials, créée à l initiative de la Fondation Topographie de la Terreur, recense les principaux sites, mémoriaux, musées et institutions liés et consacrés à la Shoah à travers le monde, (reconsultée le 14 mai 2010). 47

49 Il devint nécessaire, pour un bon nombre d historiens, d offrir une présentation plus didactique et pédagogique de l histoire et de son lieu en le situant dans un contexte général, une vision plus large. Le Mémorial de Caen-Cité de l Histoire pour la Paix, ouvert en 1988, et l Historial de la Grande Guerre à Péronne, inauguré en 1992, sont ainsi les premiers musées de ce genre nouveau 115. Ces réalisations introduisent des concepts novateurs : - une œuvre architecturale visuellement imposante - une professionnalisation des structures (gestion, établissement d inventaires, restaurations et conservation, animation et diffusion pédagogiques) - un discours historique et un parcours muséal élaborés par des chercheurs, des historiens, des pédagogues professionnels, et des muséographes - une scénographie forte, basée davantage sur l émotion et sur la mémoire plutôt que sur l accumulation d informations et d objets - une utilisation des nouvelles technologies, de nouveaux supports (procédés interactifs, multimédias, présentations audiovisuelles etc.) L objectif de ces nouveaux musées d histoire est double : économique (attirer un grand nombre de visiteurs, et dès lors répondre à la fois au grand public, aux scolaires, mais également aux connaisseurs et aux témoins), et idéologique (chacun de ces musées se présente comme un outil européen voire mondial pour la paix et la réconciliation). Pour Serge Barcellini, ces deux objectifs semblent aller de paire : «la volonté économique affichée d attirer le plus grand nombre de touristes entraîne un nécessaire polissage des faits, un consensus. L histoire est débarrassée de ses aspérités, comme à Caen 116». De fait, le concept de mémoire des guerres et conflits contemporains serait remis en cause, la portée initiale des musées menacée par la banalisation : «On crée un mémorial des guerres comme on crée un écomusée de la pêche. Les entreprises d ingénierie culturelle qui définissent et mettent en œuvre les projets traitent ceux-ci comme elles traitent tout autre projet sur lesquels elles auraient à intervenir. La mémoire d Oradour est traitée de la même manière que la valorisation du vin de Champagne ou que l art du cheval 117». 115 On peut également citer d autres exemples de nouveaux musées : le Centre de la Mémoire d Oradour (1999), le Centre mémorial de la Paix de Verdun (1992), le Centre d Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon (1992), La Coupole (1997) etc. Sur l évolution des musées d histoire, voir les actes du colloque Des musées d'histoire : pour qui? Pour quoi?, publiés sous la direction de Thomas Compère-Morel et Marie-Hélène Joly, Noësis/Historial de la Grande Guerre, 1998, 367 p. 116 Serge Barcellini, «L intervention de l Etat dans les musées des guerres contemporaines», Musées de guerre et mémoriaux, s. dir. de Jean-Yves Boursier, Paris, Editions de la Maison des sciences de l homme, 2005, p Ibid. 48

50 La multiplication des musées d histoire résulte, semble-t-il, d une demande sociale. Nous semblons prendre de plus en plus conscience de notre identité, du temps qui passe et donc de notre mémoire. Aujourd hui, les musées, en matérialisant des faits anciens seraient ainsi des «substituts», une compensation pour lutter contre la «montée de l inculture historique», la «perte de connaissance livresque 118». De nombreuses personnes s interrogent, et estiment que les musées d histoire ne doivent justement pas être des compensateurs des lacunes de l éducation, de déficits de l apprentissage. Cet accroissement des mémoriaux et de l offre muséale s explique aussi par l apparition d une exigence nouvelle, au sein de nos sociétés, d un «devoir de mémoire», à transmettre aux générations futures. La notion de «devoir de mémoire», inventée dans les années , est une thématique de plus en plus importante, de plus en plus croissante depuis la dernière décennie. Cette importance du devoir de mémoire semble être subordonnée à la peur de l oubli, aussi bien individuelle que collective 120. La notion est aujourd hui devenue une expression banalisée, remise en cause par le monde scientifique (historiens, sociologues, ). Des voix s élèvent en effet pour mettre en garde contre cette banalisation, une certaine surenchère mémorielle qui viderait de son sens toute transmission, et qui irait jusqu à provoquer un effet de saturation qui pourrait conduire certains, notamment les plus jeunes, à se détourner du devoir de mémoire et d histoire. Pour de nombreux historiens, tels que Georges Bensoussan ou Pierre Nora, le devoir de mémoire est désormais assimilé à une «nouvelle religion civique 121» qui privilégie l émotion sans véritable contenu. Jean-Marcel Humbert conservateur général du patrimoine à l Inspection générale des Musées (Direction des Musées de France) estime que le devoir de mémoire est «un contresens : la mémoire ne peut être un devoir, elle est ou elle n est pas. En revanche, la présentation des faits et surtout leur explication et leur discussion sont de véritables devoirs 122». 118 Propos de Rémy Knafou, op. cit., Voir l article d Olivier Lalieu, «L invention du devoir de mémoire», Vingtième siècle. Revue d histoire, n 69, janvier-mars 2001, p Rémy Knafou, conférence «Tourisme et Mémoire», organisée par l IREST, 26 mai 2009, Paris, Direction du Tourisme. 121 Georges Bensoussan, Auschwitz en héritage? D un bon usage de la mémoire, Paris, Editions Mille et une nuits, 1998, p Jean-Marcel Humbert, «Introduction générale», extrait de la Lettre de la Fondation de la Résistance, consacrée à la table ronde «Les musées de la Résistance et de la Déportation» organisée par la Fondation de la Résistance et l Institut national du patrimoine les 15 et 16 mars 2005, n 41, juin 2005, p. 4-7 et

51 La fin des années 1980 marque une évolution, voire une véritable «mutation». Du mémorial, monument commémoratif, on assiste à l émergence de «musées de la Shoah». Le concept même de musée consacré au génocide des Juifs d Europe remet en question, d emblée, la notion de musée, au sens du museion de l Antiquité 123. En effet, la finalité de ces musées n est pas superposable à celle des musées «classiques», c est-à-dire les institutions muséales où sont rassemblées et présentées des collections d œuvres d art, de biens scientifiques ou techniques. Les musées consacrés au génocide des Juifs d Europe ont pour objectif le rappel et la transmission des faits. Aussi, se pose la question du discours historique et de la conception des parcours muséographiques. En effet, comment représenter, montrer la Shoah? Comment rendre intelligible les situations historiques d un point de vue muséal? Quelle muséographie adopter? Pour Anne Grynberg, le parcours muséographique se doit d être cohérent en fonction de la topographie du lieu, et clair, sans être pour autant simpliste ni réducteur 124. Il n existe donc pas une mais différentes approches muséographiques du génocide juif. Les «musées de la Shoah» peuvent être divisés en deux catégories : - les «musées narratifs», et - les musées in situ, c est-à-dire sur les lieux de persécution et d extermination 125 La première catégorie de musées se caractérise par une conception narrative. Les parcours muséographiques de ces «musées narratifs» reposent sur une approche qui conjugue information et émotion. L objectif étant ainsi d éduquer, de sensibiliser le public, qui «n est pas seulement convié à une visite, à un approfondissement de son savoir, mais à une leçon qui devra faire de lui un relais du discours normatif 126». L United States Holocaust Memorial Museum de Washington, ouvert en avril 1993, constitue sans doute le premier «musée de la Shoah» conçu sur ce procédé 127. Il s attache à travers une exposition permanente et des espaces d exposition temporaire à présenter, de façon convaincante, une 123 Anne Grynberg, «Du mémorial au musée, comment tenter de représenter la Shoah?», in «De l horreur à ses représentations», Les Cahiers de la Shoah, n 7, Paris, Les Belles Lettres, 2003, p Ibid., p «Quelles muséographies pour la Shoah?», Atelier 4, Colloque et séminaire ministériel «Enseignement de la Shoah et création artistique», organisés par le Conseil de l Europe, Strasbourg, octobre 2002, Journ%E9e%20holocaauste%20(pdf)1.pdf (dernière consultation le 22 mai 2010). 126 Anne Grynberg, op. cit., 2003, p Sur l historique de création du musée-mémorial de l Holocauste de Washington, voir le site Internet de l institution, (consulté le 20 mai 2010). 50

52 histoire complète de la Shoah. Pour ce faire, l institution s emploie à «instaurer, tout au long du parcours [de visite], une sorte de conversation entre le visiteur et le déporté 128». Les muséographes appellent cela «l effet de proximité». Le visiteur reçoit, à son arrivée au musée, une «carte d identité» portant la photographie et les indications biographiques d une victime de la Shoah, assassinée ou rescapée. Ce «passeport» est destiné à servir de guide, de parcours à travers les différentes sections de l exposition permanente. C est donc une évocation individualisée de destins personnels qui prévaut. Cette approche narrative n est pas sans susciter un certain nombre de problématiques. Les historiens s interrogent : l «effet de proximité» permet-il une meilleure sensibilisation, une meilleure «compréhension» des faits? ou au contraire, ne risque-t-il pas de déraper vers des effets pervers, vers un certain voyeurisme, et dès lors nuire à l objectif initial de transmission? 129 Le visiteur ne peut rester indifférent face à des pièces originales fortes, à des photographies, des objets, et des documents personnels. Les victimes ne restent pas des chiffres abstraits et sans visage, mais bien une multitude de personnes aux histoires individuelles. En même temps, on peut penser que ce type d approche risque de sacraliser l évènement, d élever les objets personnels exposés au rang de «reliques». L histoire du génocide des Juifs d Europe est par ailleurs présente dans les parcours muséographiques d institutions muséales dédiées à la Seconde Guerre mondiale. Des musées tels que le Mémorial de Caen consacrent un espace à la Shoah. On peut, à cet égard, s intéresser à l Imperial War Museum de Londres, qui a ouvert en 2000, sur m², une exposition permanente sur la Shoah, contextualisée dans le cadre général de la guerre 130. Cette réalisation a soulevé de nombreux questionnements. En effet, comment aborder et «intégrer» l histoire du génocide des Juifs d Europe au reste du musée? Suzanne Bardgett directrice de l Holocaust Exhibition de l Imperial War Museum explique le parti pris retenu : «Nous avons énormément réfléchi sur l atmosphère qu elle devrait avoir et sur les règles qui devaient en régir la création. Nous avions l impression qu elle ne devait pas se contenter de présenter quelque chose de prétendu ou de faire des reconstructions ; nous étions d avis qu elle devait avoir pour devoir principal de renseigner le visiteur sur ce qui s était passé 128 Anne Grynberg, op. cit, 2003, p Sur la réflexion muséale sur la guerre, et la Shoah en particulier, voir le dossier «Quoi de neuf sur la guerre? ou l art de la mémoire», Art press, Paris, n 215, juillet-août Voir le site Internet de l Imperial War Museum, (consulté le 19 mai 2010). 51

53 plutôt que de lui dire comment il devait se sentir, et c est pour cela que nous avons décidé qu un traitement simple et direct servirait au mieux ce sujet 131». Evènement tragique de l histoire humaine, le génocide s inscrit aussi dans une histoire du judaïsme, une histoire des communautés juives européennes. C est ainsi que le thème de la Shoah se retrouve dans les différents musées consacrés à l histoire et à la culture juive, comme le Musée juif de Berlin, le Jewish Museum de New York, le Musée Juif de Vienne, le Jewish Museum de Londres etc 132. Le Musée d Art et d Histoire du Judaïsme de Paris a fait le choix de ne pas constituer une collection d art thématique sur la Shoah. Au contraire, il s est attaché à «remonter l histoire emblématique de quelques juifs d Europe orientale, Russie, Pologne, Roumanie, qui vinrent s installer à Paris au début du siècle, et dont les chemins aboutirent à l hôtel de Saint-Aignan [édifice qui abrite le musée] 133». Aussi, à partir de sources d archives, le parcours muséographique propose une séquence documentaire «Etre juif à Paris en 1939», qui revient sur l histoire du judaïsme européen, la fin des communautés exterminées, l immigration à Paris, la vie juive dans le quartier du Marais etc. Une installation, réalisée par l artiste Christian Boltanski, évoque les noms des Juifs qui vécurent à cette adresse l hôtel particulier n était alors qu un immeuble de rapport et qui furent déportés pendant la guerre (fig. 8). Figure 8 : Les habitants de l hôtel de Saint- Aignan en 1939, Christian Boltanski Musée d Art et d Histoire du Judaïsme 131 Suzanne Bradgett, «Dernières nouveautés à l Imperial War Museum», Colloque «La seconde guerre mondiale, nouvelles perspectives», organisé par le SIVOM Vivarais-Lignon, la SHAM et l Association internationale des Musées d Histoire, 5-7 juillet 2002, Sainte-Agrève et Le Chambon-sur-Lignon, (consultée le 19 mai 2010). 132 Voir les sites Internet des différentes institutions muséales, The Jewish Museum de New York < le Jüdisches Museum de Berlin < The Jewish Museum de Londres < etc. 133 «Parcours du musée», site Internet du Musée d Art et d Histoire du Judaïsme, (consulté le 19 mai 2010). 52

54 b) Des projets phares de réhabilitation et d aménagement L émergence récente des anciens camps d internement et de déportation français comme lieux de mémoire et leur prise en compte en tant que patrimoine se sont accompagnées d un développement important de projets d aménagement et de réhabilitation, qui visent à créer des institutions muséographiques et pédagogiques sur une poignée de sites «emblématiques» : Compiègne-Royallieu 134 (Oise), Les Milles (Bouches-du-Rhône), Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), Gurs (Pyrénées-Atlantiques) et, à moindre degré, Drancy (Seine-Saint-Denis). Aussi, il faut préciser qu il n existe pas un aménagement, une mise en valeur caractéristique des lieux de mémoire de la Shoah. En effet, les projets de réhabilitation, de valorisation muséographique diffèrent de par l histoire des lieux, de par les objectifs des porteurs de projets. Néanmoins, il s agit, pour tous, de préserver un lieu et de rendre hommage aux victimes, en développant un parcours de visite et en créant des outils muséographiques et pédagogiques adéquats. Par la valorisation des anciens camps d internement français, «on entend [donc] à la fois une sanctuarisation de l espace, et l installation sur place d outils qui permettent au public d avoir l information la plus juste possible sur les évènements qui se sont déroulés 135». Les projets de valorisation peuvent ainsi aller de la pose d un panneau explicatif à la création d un musée. Au-delà, il s agit surtout de mettre en place, de construire des activités autour du lieu. Pour Olivier Lalieu, «jalonner l espace est une chose tandis que disposer de médiateurs physiques ou technologiques en est une autre pour faire vivre localement, régionalement, nationalement cette histoire et cette mémoire 136». La question se pose d autant plus lorsque rien ne subsiste (ou presque). En effet, même si certains lieux d internement ont été détruits, il reste parfois des vestiges, telles que des soubassements de baraques, des rails de chemins de fer etc. La valorisation s inscrit dès lors dans une approche archéologique, qui consiste non seulement à exhumer les traces, mais aussi à les rendre visibles, et compréhensibles. On peut, à cet égard, évoquer l exemple de l ancien camp d internement de Gurs (Pyrénées- Atlantiques), détruit dès la fin de la guerre, pour faire place à une forêt. 134 Le Mémorial de l internement et de la déportation de Compiègne-Royallieu a ouvert en février Voir le dossier de presse de l institution, Entretien avec Olivier Lalieu, Paris, le 19 mars Ibid. 53

55 Le projet de valorisation du camp de Gurs, initié au début des années 2000 et réalisé en , s est caractérisé par trois aménagements, qui ont consisté à : - la construction d un bâtiment d accueil et d exposition, - la création de deux sentiers un «sentier historique», vers l est, d un kilomètre environ. Ce chemin, de caillebotis, part du bâtiment d accueil, et conduit dans un des îlots d internement, passe à l intérieur d une baraque reconstituée 137 un «sentier de la mémoire», vers l ouest, de 500 mètres de long, relie le bâtiment d accueil et le cimetière où reposent internés espagnols, juifs et tziganes morts au camp. Ces deux parcours sont jalonnés d une vingtaine de lutrins trilingues (français, allemand, espagnol), qui permettent aux visiteurs-promeneurs via des photographies et de petits textes de s informer sur le contexte historique de l époque du camp ainsi que sur les conditions de détention. Cette signalisation informative sur panneaux n est certes pas un dispositif original, mais elle est nécessaire : elle vient rappeler ce que fut l histoire tragique du lieu (fig. 9) 138. Figure 9 : Signalisation informative, «Sentier historique», camp de Gurs Source : photographie de Jean Sarsiat, Cette baraque, réalisée par des élèves d un lycée professionnel dans le cadre d un travail pédagogique, permet aux visiteurs de mieux «appréhender» spatialement, de se représenter ce que le lieu pouvaient être à l époque. 138 Sur le projet de valorisation du camp de Gurs, voir notamment le site Internet de la Communauté de communes du canton de Navarrenx, (consulté le 20 mai 2010). 54

56 Les projets de réhabilitation et d aménagement, réalisés ou en cours, n échappent pas à certaines considérations, d ordre politique et économique. En effet, la mise en place d une valorisation des lieux de mémoire de la Shoah, la volonté de les ouvrir au plus grand nombre, obligent à intégrer des notions propres au tourisme accueil, aménagement, gestion des flux, médiation, communication, intégration dans l offre culturelle existante et à l économie coûts de fonctionnement et d investissement, recherche de partenaires financiers, mécénat, cohérence et adaptation de la mise en valeur en fonction de l importance historique comme de l environnement local et régional 139. Dès lors, ces projets se caractérisent tous plus ou moins par une institutionnalisation des lieux de mémoire, voire une «professionnalisation» des structures. La valorisation muséographique est confiée, pour certains des projets, à des cabinets d ingénierie culturelle et touristique, à des cabinets d architectes-muséographes. L agence Les Clefs du Patrimoine a par exemple assuré la préfiguration, la programmation et l assistance à maîtrise d ouvrage pour la réalisation du Mémorial de l internement et de la déportation de Royallieu, ainsi que celle du Musée-Mémorial de Rivesaltes 140. Les projets muséographiques en cours de réalisation sur les anciens camps d internement tendent à devenir une composante complémentaire et un champ particulier de l offre culturelle et touristique française. L ouverture au public implique indubitablement, pour les acteurs porteurs des projets, de prendre en considération des logiques d aménagement, de gestion touristique. Des études prospectives, prévisionnelles de fréquentation sont ainsi réalisées afin de calibrer les besoins en surface des futurs équipements muséaux, d évaluer le nombre de visiteurs potentiels. Une étude a ainsi été réalisée en 2004, sur le site du camp des Milles, à la demande du Comité de pilotage, par une équipe universitaire du Laboratoire Culture et Communication de l Université d Avignon. La conclusion de cette étude évalue la fréquentation du futur Mémorial du Camp des Milles à visiteurs par an 141. Ce chiffre de fréquentation paraît quelque peu surestimé quand on sait qu il n existe aucun équipement culturel qui parvienne, dans l agglomération d Aix- Marseille, à attirer un public dépassant les visiteurs par an. 139 La troisième et dernière partie du présent mémoire s attache à analyser précisément la valorisation de quatre lieux de mémoire français liés à la Shoah : la Maison d Izieu, le Mémorial de la Shoah, le camp des Milles, et les camps d internement du Loiret. 140 Les références de Les Clefs du Patrimoine concernant les lieux de mémoire sont consultables sur le site Internet de la société, (dernière consultation le 10 mai 2010). 141 Une petite synthèse de l étude est disponible sur le site Internet du Camp des Milles, à l adresse suivante, (consulté le 12 octobre 2009). 55

57 Si le Camp des Milles atteint une telle fréquentation, il constituerait une exception remarquable de l offre touristique et culturelle de la région Provence-Alpes-Côte d Azur. La visite des lieux de mémoire (de la Shoah) envisagée dès la fin de la guerre sous forme de pèlerinages par les familles et les différentes composantes de la communauté juive 142 se rattache aujourd hui, avec la naissance de nouvelles générations qui n ont pas connu les faits, à la notion de «tourisme de mémoire». B. Le concept de tourisme de mémoire 1) Tourisme et Mémoire : une antinomie? L expression «tourisme de mémoire» peut a priori surprendre, en effet la juxtaposition des deux termes paraît quelque peu contradictoire, voire difficilement conciliable : le «tourisme» se rattache plutôt à l agrément, au voyage tandis que la «mémoire» évoque le souvenir, le recueillement. Ces deux notions paraissent donc être à la charnière de deux mondes, de deux logiques tout à fait différentes. Il s agit cependant d une apparente antinomie : il existe, comme le soulignait Rémy Knafou dans une conférence consacrée à cette thématique, une forte parenté entre le tourisme, «machine à produire des souvenirs», et la mémoire 143. a) Naissance d une politique nationale Le tourisme de mémoire n est pas une pratique nouvelle, puisqu il trouve ses origines dès la fin de la Première Guerre mondiale, dans l expérience initiale du tourisme de pèlerinage, du tourisme du souvenir. 142 Annette Wieviorka signale ainsi, dans son ouvrage Déportation et génocide, la tenue d un premier pèlerinage à Drancy, en septembre 1944 (avant même que soit connu dans son ampleur le sort des déportés), qui se renouvellera en 1946 et en 1947 sous l égide du Consistoire de Paris. Le pèlerinage à Drancy cessa en 1948, lorsque les bâtiments de la Cité de la Muette furent rendus à leur vocation originelle de logements sociaux. Sources : Déportation et génocide. Entre la mémoire et l oubli, Paris, Plon, 1992, p Propos de Rémy Knafou, géographe spécialiste du tourisme, ancien directeur de l équipe MIT et de l Institut de Recherche et d Etudes Supérieures du Tourisme (IREST). Conférence «Tourisme et Mémoire», organisée par l IREST, 26 mai 2009, Paris, Direction du Tourisme. 56

58 En effet, les vétérans, les familles des soldats entreprirent des voyages de mémoire sur les lieux même du drame, sur les champs de bataille. Ces voyages s expliquent par le souhait, pour les familles, de voir «où le cher mort a trouvé son dernier repos 144». Des guides spécifiques sont publiés, à commencer par les Guides illustrés Michelin des champs de bataille Ils ont pour vocation de conserver la mémoire des faits, des actions militaires, et d aider à les comprendre sur les lieux (champs de bataille, villes et villages meurtris) 145. La formalisation du concept de tourisme de mémoire est relativement récente : élaboré à l initiative de l Etat dans les années 2000, le concept reflète, semble-t-il, la volonté de rénover et de moderniser la politique mémorielle nationale, ainsi qu une volonté de constituer une offre originale dans l offre touristique française. Ce tourisme spécifique a été précisément défini comme «une démarche incitant le public à explorer les éléments du patrimoine mis en valeur pour y puiser l enrichissement civique et culturel que procure la référence au passé». Il tend ainsi à «valoriser l exceptionnel patrimoine militaire et civil dont dispose la France» 146. En effet, ayant été le théâtre de nombreux conflits, la France possède un important patrimoine mémoriel sur son territoire fortifications, monuments commémoratifs, musées, mémoriaux, champs de bataille, sites emblématiques de différentes guerres qui, jusqu alors, n avait jamais fait l objet d une réelle politique globale de valorisation. Outre une volonté de modernisation de la politique nationale de mémoire, l émergence d un «tourisme de mémoire» s explique également par des éléments conjecturels, tels que la professionnalisation des armées au tournant des années Cette réforme a eu pour conséquence de libérer un patrimoine immobilier (citadelles, bâtiments historiques etc.), ce qui a suscité un certain nombre de réflexions quant à son devenir. 144 Suzanne Brandt, «Le voyage aux champs de bataille», Revue d histoire du XXe siècle, janvier-mars 1994, p. 20. L article est consultable sur Persée (portail de revues en sciences humaines et sociale), au lien suivant, (consulté le 12 mai 2010). 145 Voir l article d Antoine Champeaux, «Les Guides illustrés des champs de bataille, », in Mémoire de la Grande Guerre. Témoins et témoignages, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1989, p François Cavaignac et Hervé Deperne, «Les Chemins de mémoire. Une initiative de l Etat», Tourisme de mémoire, Cahier Espace n 80, Paris, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, décembre 2003, p Cette définition figure également sur le site Internet «Chemins de mémoire», 57

59 Cette politique du tourisme de mémoire fut conduite et mise en place principalement par la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives (DMPA). Cette Direction du ministère de la Défense, créée en novembre 1999, a ainsi été chargée, via une mission «Mémoire», de dresser un état des lieux de mémoire à l échelle nationale, et de définir des zones de «territoires de mémoire» homogènes dans une optique de mise en valeur touristique. De fait, ce travail a consisté à recenser les différents sites et cheminements possibles afin de constituer un programme scientifique précisant les objectifs en matière de développement d un tourisme de mémoire. Il est apparu évident qu il était impossible de mettre en valeur le patrimoine mémoriel dans son entier, et surtout que cette politique de valorisation ne pouvait être menée par le seul ministère de la Défense. En effet, il était nécessaire d y associer d autres partenaires : le ministère de la Culture, le secrétariat d Etat au Tourisme, ainsi que les collectivités territoriales (régions, départements). Plusieurs accords et conventions interministériels furent dès lors signés dans ce sens, à commencer par la Convention relative au Tourisme de mémoire, le 9 février 2004, entre le ministère de la Défense, via le secrétariat d Etat aux Anciens combattants, et le secrétariat d Etat au Tourisme 147. Cette convention visait à mettre en œuvre une politique de valorisation touristique des sites de mémoire, dans un esprit de démarche qualité. L accueil du touriste (informations, supports de visites, accès aux sites etc.) ainsi que la promotion des lieux en France et à l étranger (intégration du tourisme de mémoire dans les activités de promotion des professionnels du tourisme) constituaient les axes prioritaires de ladite convention. Par ailleurs, une coopération entre les ministères de la Défense et de la Culture fut conclue en 2005, avec la signature du Protocole Défense-Culture 148. Ce document s organise autour d un objectif principal, celui de préserver, enrichir et valoriser le patrimoine militaire et mémoriel. Plusieurs dispositifs furent mis en place afin de favoriser l intégration du tourisme de mémoire dans l offre touristique, à commencer par la création du site Internet «Chemins de mémoire», qui s attache à recenser et proposer des sites et des exemples d itinéraires aux touristes (fig. 10). 147 Convention «tourisme de mémoire», 9 février 2004, Lille, (consultée le 7 janvier 2009) 148 Protocole Défense-Culture, 17 septembre 2005, Paris, (consulté le 7 janvier 2009), 58

60 Ce dispositif important le site Internet étant proposé en français, anglais et allemand tend à créer une sorte de mise en réseau, avec la sélection de «points d appui», c est-à-dire des sites symboles, des lieux de passages considérés comme incontournables en raison de leur intérêt historique ou mémoriel, complémentaires les uns des autres. Ces «Chemins de mémoire» ont été organisés autour de différents lieux de mémoire relatifs à quatre thèmes principaux : - l histoire des fortifications - la guerre de la guerre de la guerre de Ces principales thématiques sont elles-mêmes divisées en plusieurs sous thèmes complémentaires : les forteresses de Vauban, la ligne Maginot par exemple pour l histoire des fortifications ; les fronts de la Marne, l année 1918 etc. pour la Première Guerre mondiale ; la ligne de démarcation, le débarquement de Normandie etc. pour la guerre L internement et la déportation ont été pris en compte dans la thématique générale de la Seconde Guerre mondiale 149. Chacune des quatre thématiques principales fait l objet d une page de présentation historique, celle de l internement a été rédigée par un historien spécialiste, Denis Peschanski 150. En outre, ces pages s accompagnent d une rubrique «lieux à découvrir sur le sujet» : les lieux référencés possèdent une page descriptive, une bibliographie associée, ainsi que des informations et des liens pratiques pour le visiteur. 149 Site Internet des Chemins de mémoire [thématique Internement], (consulté le 23 janvier 2010), Site Internet des Chemins de mémoire [thématique Déportation], (consulté le 23 janvier 2010), Voir page

61 Figure 10 : Site Internet Chemins de mémoire, à la découverte des hauts lieux de mémoire français Quelques lieux liés à l internement et à la déportation sont ainsi présentés sur le site Internet «Chemins de mémoire» : - le camp du Vernet (Ariège), - le camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), - le fort de Queuleu (Meurthe-et-Moselle), - le musée du souvenir du camp du Vernet (Ariège), - le camp Joffre à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), - le camp de Septfonds (Tarn-et-Garonne), - la Saline royale d Arc-et-Senans (Doubs) - le camp des Milles (Bouches-du-Rhône) Cette liste de lieux de mémoire paraît extrêmement réduite quand on sait que la France a compté plus de deux cents camps répartis sur l ensemble de son territoire (un très grand nombre d entre eux ont été détruits) Une carte de la France des camps durant la Seconde Guerre mondiale est consultable en partie Annexes de ce présent mémoire page 144, et également sur le site Internet du Mémorial de la Shoah, 60

62 Quoiqu il en soit, le site «Chemins de mémoire» se veut être un outil original, en proposant une mise en réseau des sites mémoriels (itinéraires, création de parcours) et des professionnels du tourisme (comités régionaux et départementaux du tourisme etc.). Il constitue sans aucun doute une approche novatrice de la politique du tourisme de mémoire. Accessible depuis juin 2004, le site semble connaître, ces dernières années, une fréquentation croissante : 1,5 millions de pages seraient ainsi consultées annuellement par des visiteurs diversifiés (chiffre 2008). Le profil et les attentes des internautes sont d ailleurs connus du fait de la mise en ligne des résultats d un sondage : 30 % des internautes ont moins de vingt-cinq ans, 46 % sont des particuliers, 11 % des professionnels du tourisme, etc. 152 b) Enjeux et développement du tourisme de mémoire Le développement du tourisme de mémoire répond à «une triple ambition : civique et pédagogique, culturelle et touristique, économique et commerciale» 153. En premier lieu, le tourisme de mémoire implique, pour ses concepteurs, des enjeux civiques et sociétaux. Conçu comme un vecteur de conscientisation, le tourisme de mémoire participerait du «devoir de mémoire», de la transmission, d éducation aux nouvelles générations. La visite des lieux de mémoire équivaudrait à «un travail de deuil positif, pour non seulement se souvenir et connaître mais également accepter ce qui s est passé 154». Les lieux de mémoire sont dès lors des destinations particulières, qui permettraient à la collectivité de lutter contre l oubli, de se réapproprier et de sauvegarder une conscience historique. Références au passé, témoignages d un évènement important, ils tendent, depuis le début des années 1990, à devenir des lieux d apprentissage et de réflexion, tournés vers le présent et l avenir, comme le Mémorial de Caen, «Cité de l Histoire pour la Paix», ou l Historial de la Grande Guerre à Péronne, sites mémoriels pionniers en la matière 155. De fait, les lieux de mémoire s adressent tout particulièrement aux jeunes générations, citoyens de demain. 152 Résultats du «Sondage : votre avis nous intéresse!», (consultés le 5 avril 2010), René Ressouches, «Le tourisme de la mémoire combattante», Le tourisme de A à Z, Direction du Tourisme, 17 juillet 2008, p Jean-Didier Urbain, «Tourisme de mémoire. Un travail de deuil positif», Tourisme de mémoire, Cahier Espace n 80, Paris, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, décembre 2003, p Voir page

63 Les scolaires constituent donc, sans surprise, un public captif extrêmement nombreux, une part importante des visiteurs des lieux de mémoire. Ils représentent ainsi près de : - 52 % de la fréquentation du camp du Struthof, - 43 % des visiteurs à la Maison d Izieu, - 30 % au Mémorial de Caen, - 15 % au Centre de la mémoire d Oradour-sur-Glane etc 156. Il faut savoir que les relations entre les acteurs pédagogiques (rectorats, professeurs, enseignants) et ceux des lieux de mémoire se sont développées de façon croissante depuis les deux dernières décennies. Un protocole, entre les ministères de la Défense et de l Education nationale, fut d ailleurs signé en 2007 dans cette optique relationnelle, visant à mieux coordonner des actions communes dans les domaines de la citoyenneté et de la transmission de la mémoire 157. Figure 11 : Visite de scolaires au Mémorial de Caen (Calvados), 2006 Source : Luc Bonnin et Amélie de Fonclare, «N oubliez pas les scolaires!», Anticiper le vieillissement des destinations, Collection Revue Espaces n 235, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, mars 2006, p Protocole d accord entre le ministère de la Défense et le ministère de l Education nationale, de l enseignement supérieur et de la recherche, 31 janvier 2007, (reconsulté le 5 avril 2010). 62

64 Outre les enjeux de transmission et d éducation, le tourisme de mémoire a été pensé et voulu comme un outil de valorisation du patrimoine civil et militaire, et surtout comme une offre particulière sur le marché du tourisme. Un guide thématique, Guide des lieux de mémoire : champs de bataille, cimetières militaires, musées, mémoriaux 158 publié en 2005 aux éditions Le Petit Futé reflète ainsi la prise en compte du concept dans l édition des guides touristiques en tant que composante complémentaire de l offre touristique culturelle «traditionnelle». Elaboré en collaboration avec «des historiens, érudits, militaires, l ONAC (Office National des Anciens Combattants), conservateurs de musées, comités et offices de tourisme etc.», ce «guide émouvant» tend à permettre aux lecteurs «de partir sur les traces de leurs aïeux ou d un proche qui ont donné leur vie pour défendre notre pays». Figure 12 : Photographies du Mur des Noms du Mémorial de la Shoah illustrant la couverture et les premières pages du Guide des Lieux de Mémoire, Petit Futé 158 Dominique Auzias, Pascaline Ferlin, Jean-Paul Labourdette, Guide des lieux de mémoire : champs de bataille, cimetières militaires, musées, mémoriaux, Coll. Petit Futé Thématique guide, Paris, Nouvelles éd. de l Université, 2005, 357 p. 63

65 Dès lors, il se veut être le plus exhaustif possible, en envisageant de rassembler «tous les lieux de mémoire reflétant notre histoire de la Révolution de 1789 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec un accent particulier sur les deux conflits mondiaux 159». Ce guide des lieux de mémoire français reste néanmoins un ouvrage classique : les sites sont référencés par région, puis par département. Chaque région fait l objet d une page introductive, qui rappelle brièvement le caractère historique et mémoriel de ladite région. L ouvrage fournit bien évidemment les informations utiles à la visite (horaires d ouvertures, tarifs, services ) ainsi qu à la compréhension des lieux visités (présentation synthétique de l histoire des lieux). Certains lieux de mémoire liés à la Shoah y sont référencés : le Mémorial de la Shoah à Paris (fig. 12), le monument commémoratif de la rafle du Vél d Hiv, la Maison d Izieu, le camp de Drancy, le camp des Milles, le camp de Rivesaltes etc. Enfin, le tourisme de mémoire est, à l évidence, confronté à des enjeux économiques. Il est rare que des retombées ne soient pas escomptées lors d une ouverture au public, d une valorisation touristique d un lieu de mémoire. L économie du patrimoine quel qu il soit est devenue un enjeu aussi important que la protection et conservation. La question des retombées économiques directes se pose d ailleurs généralement pour l ensemble des sites patrimoniaux et des équipements culturels depuis ces vingt dernières années. La baisse, voire la disparition, des financements publics dans les budgets d investissement et de fonctionnement oblige les gestionnaires des monuments et sites culturels à se tourner de plus en plus vers d autres modalités de financement, en particulier privé (mécénat, dons etc.). Quelques lieux de mémoire s inscrivent dans une véritable logique d exploitation touristique d entreprise, en développant des recettes annexes, à commencer par le Mémorial de Caen, Société Anonyme d Economie Mixte Locale (S.A.E.M.L.). Le site génère de par ses activités commerciales (restaurants, boutiques, organisation de séminaires, de circuits touristiques, location d espaces etc.), près de 7 millions de chiffre d affaires (chiffres 2008) Avant-propos, ibid. 160 Information donnée sur le site Internet du Mémorial de Caen (consulté le 14 avril 2010), 64

66 Le tourisme de mémoire représente ainsi un outil de développement économique territorial, en particulier pour des régions dotées de peu d atouts touristiques «naturels». Il est le premier vecteur de fréquentation de certains départements, comme par exemple dans la Meuse les sites et lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale y reçoivent plus de visiteurs par an 161, ou dans le Calvados, avec les musées et sites du Débarquement 162. La valorisation touristique des lieux de mémoire constitue donc un facteur direct de retombées en termes de création d emplois, de création d activités pour les territoires concernés. Des régions françaises telles l Alsace, la Lorraine, la Normandie, la Picardie, le Nord-Pas-de-Calais développent depuis plusieurs années maintenant de véritables produits touristiques autour des lieux de mémoire : circuits, packages de courts séjours, excursions. En outre, des équipements culturels sont créés, à l initiative de ces collectivités territoriales, dans une logique d aménagement et d activité touristique, comme : - le Mémorial de Caen, équipement pionnier ouvert en 1988, - l Historial de la Grande Guerre à Péronne (Somme), ouvert en 1992, - le Mémorial de l Alsace-Moselle à Schirmeck (Bas-Rhin) ouvert en 2005, - le Mémorial Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne) ouvert au public en , - le Musée de la Grande Guerre à Meaux (Seine-et-Marne), qui ouvrira ses portes le 11 novembre De ce fait, le tourisme de mémoire constitue une filière spécifique au sein de différents Comités Régionaux et Départementaux du Tourisme. Nous pouvons évoquer l exemple du CDT du Calvados qui a mis en place une politique touristique mémorielle dès le début des années «Principaux sites», Chiffres clés du tourisme lorrain, Observatoire du CDT de Meuse, 2007, p. 9, (consultés le 14 avril 2010) 162 Fréquentation des sites et musées du Calvados [ ], CDT du Calvados, (consulté le 14 avril 2010). 163 Voir les sites Internet des différentes institutions citées : Mémorial de Caen, ; Historial de la Grande Guerre, Mémorial de l Alsace-Moselle, Mémorial Charles de Gaulle, Sur le projet, voir les différents articles consacrés au sujet sur les sites Internet de l Agglomération du Pays de Meaux, < des Chemins de mémoire, < du magazine Le Point, < etc. 65

67 Plusieurs actions sont entreprises afin de promouvoir les sites et musées de la Seconde Guerre mondiale : édition de brochures à destination du marché français et étranger, mise en place de parcours thématiques, mise en réseau des sites et musées de la Bataille de Normandie, création en février 2005 d un site Internet «Normandie Mémoire Espace Historique», accessible en six langues (français, anglais, allemand, néerlandais, espagnol et italien). Ce site (fig. 13) propose un certain nombre de rubriques qui permettent aux visiteurs / internautes d accéder à des informations historiques sur le Débarquement (chronologie, déroulé des opérations ), à des cartes interactives de l espace historique et touristique, ainsi qu à la programmation culturelle et évènementielle etc. Figure 13 : Site Internet Normandie Mémoire Espace Historique On remarque, sans surprise, que ces actions de promotion, de communication sont particulièrement renforcées lors des célébrations importantes. Les grandes commémorations du Débarquement de ces dernières années en particulier 2004 et 2009 ont été l occasion d engager une réflexion nouvelle sur la politique globale à mener en matière de valorisation de l ensemble des sites de la Bataille de Normandie (Débarquement, Reconstruction). 66

68 Le CRT de Normandie s est donné pour objectifs, dans le plan d actions de son Schéma interrégional de développement touristique adopté en 2009, de mieux qualifier l offre des sites et musées de la Bataille de Normandie, d améliorer la médiation, et surtout d établir une charte éthique du tourisme de mémoire 165. c) La fin d un cycle? Le tourisme de mémoire semble être parvenu à un tournant : «projet innovant et fédérateur 166» mis en œuvre au début des années 2000, il constitue aujourd hui une filière intégrée dans l offre touristique culturelle française. Le temps du bilan semble donc venu. Il apparaît nécessaire de s interroger sur le devenir, les perspectives de cette forme de tourisme, tant du point de vue de l offre que de la demande. Le tourisme de mémoire suscite encore à l heure actuelle un certain nombre de réflexions et de problématiques, à commencer par la définition de la notion. En effet, les définitions du tourisme de mémoire proposées et données en France ne semblent guère satisfaisantes et rigoureuses aux yeux de certains spécialistes : «les lieux de mémoire n étant entendus que dans une seule idée de valorisation du patrimoine historique 167». Au contraire, un lieu de mémoire doit être compris comme «un espace où se sont déroulés des évènements d une importance collective, où est entretenue une charge mémorielle et identitaire forte 168». Ce lieu doit être visité par des personnes venues expressément visiter le site. Le tourisme de mémoire implique nécessairement une fréquentation intentionnelle, avec des touristes sachant le pourquoi de leur visite, avec des touristes co-porteurs d une mémoire. Une question se pose alors : la fréquentation suffit-elle à faire d un lieu un haut lieu de la mémoire, tandis que d autres, a contrario, seraient relayés au plan des «lieux ordinaires»? 165 Schéma inter-régional de développement touristique des Régions de Basse-Normandie et de Haute- Normandie, Comité Régional du Tourisme de Normandie, 19 et 26 octobre 2009, 118 p., (consulté le 14 avril 2010). 166 Avis sur les anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, Assemblée nationale, rapport législatif n 277 tome II, Session ordinaire de , Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2008 (n 189), [avis et débat présentés] par M. Jean-Claude Mathis, p Propos de Rémy Knafou au cours de la conférence mensuelle de l Institut de Recherche et d Etudes Supérieurs du Tourisme (IREST), sur le thème «Tourisme et Mémoire», qui s est tenue le 26 mai 2009 à la Direction du Tourisme. 168 Ibid. 67

69 Pour Rémy Knafou, la fréquentation touristique assure une «survie mémorielle», et paraît aujourd hui être une source de légitimation renouvelée, une condition de durabilité pour les lieux de mémoire. Néanmoins, il faut garder à l esprit que la durabilité d un lieu de mémoire n est jamais pleinement assurée. En effet, la fréquentation est disparate et variable, d un lieu de mémoire à l autre, d une région à l autre. De ce fait, l exemple des lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale est assez significatif. Nombre d entre eux connaissent, depuis une dizaine d années, une baisse, voire une «érosion», de leur fréquentation (tableau 1) Citadelle souterraine de Verdun (55) Crypte du Vieil Armand (68) Fort de Vaux (55) La Coupole (62) Mémorial Canadien de Vimy (62) N.R Mémorial de Verdun (55) Musée et Citadelle de Bitche (57) Ossuaire de Douaumont (55) N.B. : Les chiffres indiqués correspondent au nombre total de visiteurs (payants et non payants) Tableau 1 : Evolution de la fréquentation de lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale au cours de ces dix dernières années Sources : La fréquentation des sites et manifestations touristiques en France métropolitaine depuis une quinzaine d années, ODIT France ; CRT Lorraine et Nord-Pas de Calais En outre, la fréquentation touristique doit être quelque peu nuancée pour un certain nombre de lieux de mémoire. En effet, comme nous l avons vu précédemment, le public scolaire constitue une part importante des visiteurs. Le Mémorial de Caen reçoit, par exemple, 30 à 35 % de scolaires sur visiteurs, ce qui représente environ scolaires. 68

70 Les statistiques de fréquentation données, par les lieux et sites de mémoire aux CRT et CDT, ne distinguent pas visites et visiteurs, visiteurs individuels et visiteurs en groupe. Comme le souligne Valéry Patin dans son ouvrage Tourisme et Patrimoine, ces incertitudes peuvent conduire à des interprétations erronées 169. Nombreux sont les sites culturels qui affichent des chiffres de fréquentation appréciable, «gonflés» par les groupes scolaires et les visiteurs bénéficiant de gratuité. Or, la fréquentation scolaire n est pas synonyme de retombées et de durabilité. En effet, elle ne garantit aucunement la viabilité et la pérennité des institutions. Les acteurs du tourisme de mémoire se doivent donc d apporter, de mettre en œuvre des éléments nouveaux pour attirer un public touristique, pour susciter (à nouveau) l intérêt des visiteurs. A cet effet, des enquêtes sur la filière «Tourisme de mémoire» ont été menées dans quelques régions françaises Nord-Pas-de-Calais en , et Champagne-Ardenne en afin de connaître quantitativement et qualitativement la demande en matière de tourisme de mémoire 170. Ces études, commandées par les Comités Régionaux de Tourisme, visent ainsi à : - réaliser un diagnostic de l offre globale, - obtenir une meilleure connaissance de la fréquentation (avec un benchmark des régions «concurrentes» en la matière), - obtenir une analyse du profil, des comportements et des attentes de la clientèle «mémoire», - obtenir une analyse économique et de l impact du tourisme de mémoire sur l économie touristique régionale, - obtenir des préconisations opérationnelles afin de mieux adapter l offre à la demande et d orienter davantage les actions de promotion 169 Valéry Patin, Tourisme et Patrimoine, Paris, La Documentation française, 2005, p Etude des sites de tourisme de mémoire et analyse de leurs clientèles [réalisée par Public & Culture, et Acorn Consulting], Comité Régional de Tourisme du Nord-Pas de Calais, , (consultée le 27 février 2009). Enquête Tourisme de Mémoire : résultats d étude, [réalisée par Public & Culture], Comité Régional de Tourisme de Champagne-Ardenne, 2009, (consultée le 5 avril 2010). 69

71 Les données obtenues offrent une représentation assez précise des profils, comportements et attentes des visiteurs des lieux et sites de mémoire. On constate ainsi une forte présence des retraités et des catégories professionnelles supérieures (cadres, professions libérales, enseignants). Les motivations principales de visite sont, d après les différentes enquêtes réalisées, l intérêt pour l histoire, la volonté de se cultiver, la curiosité (fig. 14). L hommage à un parent disparu ou ayant vécu la période historique semble s estomper peu à peu, au fil des années. La visite des lieux de mémoire constitue donc, sans surprise, le but principal de la venue d un grand nombre de visiteurs, qu ils soient résidents régionaux, touristes nationaux ou visiteurs étrangers 171. Par intérêt pour l'histoire Par curiosité Par intérêt spécifique pour les sites militaires Pour accompagner de la famille ou des amis Pour le faire découvrir à vos enfants On vous l'avait conseillé Hommage à un parent Pour vous distraire Autres Pour les animations/expositions Figure 14 : Motivations de visite des lieux et sites de mémoire Sources : Enquêtes sur les clientèles du Tourisme de mémoire, Comités Régionaux de Tourisme de Champagne-Ardenne et du Nord-Pas-de-Calais Au regard des analyses et des études, le tourisme de mémoire reste un marché porteur de l offre touristique française. Néanmoins, il appartient aux professionnels et aux institutionnels du tourisme de renouveler l offre. 171 Ibid. 70

72 Le vieillissement des musées, des aménagements et des outils d interprétation, le manque de professionnalisme de certains équipements, l absence de services et d évènementiel constituent autant de motifs de critiques de la part des visiteurs, autant de raisons quant à la baisse de fréquentation constatée sur certains lieux de mémoire. Il s agit dès lors, pour les acteurs concernés, de définir des axes stratégiques afin de répondre aux nouvelles attentes touristiques et culturelles des visiteurs. Le renouvellement de l offre du tourisme de mémoire passe ainsi sans doute par une (re)dynamisation de la mise en tourisme des lieux de mémoire (création de nouveaux produits, développement d évènements ), une amélioration de l offre en termes d accueil, d animation (développement de manifestations et d activités, mise en réseau de sites ), d interprétation (mise en œuvre de nouveaux outils de médiation, de nouveaux supports interactifs, ). 2) Le «dark tourism» : visites macabres ou réelle conscientisation? Le monde anglo-saxon envisage quant à lui le tourisme de mémoire comme un tourisme particulier, plus sombre, le «dark tourism». a) Définition Le «dark tourism» littéralement tourisme sombre 172 est un concept forgé dans les années 1990, par John Lennon et Malcolm Foley, professeurs à la Glasgow Caledonian University. Il a été défini comme une forme de tourisme centrée sur la visite de sites associés à la mort et/ou à la destruction 173. Ce tourisme est devenu, depuis quelques années maintenant, un véritable sujet de recherches et d études, certaines universités anglo-saxonnes proposant même un enseignement spécifique. C est ainsi que l University of Central Lancashire (Royaume-Uni) a mis en place, via son «Department of Tourism and Leisure 172 Certains auteurs ont traduit le terme comme «tourisme macabre». D autres termes, comme le thanatourisme, le «grief tourism», sont parfois utilisés pour cette forme particulière de tourisme. 173 Sur le «dark tourism», voir l ouvrage de John Lennon et Malcolm Foley, Dark tourism : the attraction of death and disaster, Londres et New York, Continuum, 2000, 184 p. ; ainsi que l ouvrage récent de Richard Sharpley et Philip R. Stone, The darker side of travel : the theory and practice of dark tourism, Bristol et Buffalo, Channel View Publications, 2009, 275 p. 71

73 Management» le «Dark Tourism Forum», qui tend à se positionner comme le premier centre de recherche universitaire en ligne consacré au phénomène 174. Maïthé Levasseur, dans un article publié sur le Réseau de veille en tourisme du Québec, souligne que le «dark tourism» est une pratique touristique fortement répandue. La «dénomination de ce type de tourisme et sa définition peuvent sembler [a priori] loin de la réalité de voyage de la majorité des touristes, mais dans les faits, beaucoup visitent de tels sites au cours de leurs voyages 175». Surtout, le «dark tourism» est une pratique loin d être inédite et nouvelle : en effet, il renvoie à d anciennes pratiques culturelles. La visite des sites liés à la mort, à des évènements tragiques, aux désastres, aux atrocités humaines se rattache à une forme de pèlerinage. On peut évoquer, entre autres, le cas des champs de bataille de Waterloo, de la Guerre de Sécession qui furent visités par des «groupes de mémoire» dès le XIXe siècle. Le «tourisme sombre» recouvre des réalités différentes. En effet, derrière ce concept sont rassemblés des lieux très divers, puisqu il désigne aussi bien : - les promenades dans les cimetières (Le Père Lachaise à Paris, le cimetière militaire national d Arlington à Washington), - la visite des prisons (prison d Alcatraz aux Etats-Unis, prison de Rhodden Island en Afrique du Sud), - la visite de sites à la connotation plus tragique comme les camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale, les camps de répression soviétique (goulags) ou bien Ground Zero traces des attentats du 11 septembre 2001 à New York Le «dark tourism» est également associé à des sites touchés par des catastrophes naturelles, comme La Nouvelle-Orléans (Etats-Unis) par exemple. Julie Hernandez agrégée de géographie et doctorante à l Université de Paris X Nanterre s est attachée, dans un article, à analyser précisément comment ce tourisme macabre s est développé, après le passage de l ouragan Katrina en août «The Dark Tourism Forum», University of Central Lancashire, (consulté le 30 mars 2010, et de nouveau le 5 mai 2010). 175 Maïthé Levasseur, «Le tourisme sombre : visites macabres ou commémoration et conscientisation?», Réseau de veille en tourisme, la référence québécoise en information sur les tendances touristiques internationales, (consulté le 30 mars 2010). 72

74 Des visites guidées d espaces affectés par la catastrophe sont en effet organisées par des professionnels du tourisme, non sans quelques polémiques et problématiques (voyeurisme, construction d une mémoire sélective de la catastrophe, surreprésentation de certains lieux, interprétation de l évènement) 176. Le caractère dramatique, tragique des lieux constitue l attrait premier de la visite (fig. 15). Figure 15 : Panneau destiné aux touristes en bus, quartier Lower Ninth Ward, Nouvelle-Orléans Source : Daniel Terdiman, «The ignored nonrecovery of New Orleans», CNET News.com, Un grand nombre de sites dans le monde sont ainsi devenus aujourd hui des lieux «touristiques», visités par des personnes venues intentionnellement. De nombreux auteurs se sont interrogés sur les motivations des «dark tourists», des voyageurs axés vers le tourisme sombre. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer la visite des lieux de souffrance, de mort, mais cela reste de l ordre des suppositions étant donné qu il s agit d un domaine d étude encore assez peu documenté. Le recueillement, la commémoration semblent être les motivations premières des touristes et voyageurs : la visite se rattache dès lors à une sorte de pèlerinage. Le site de Ground Zero à New York, marqué par la destruction des Twin Towers lors des attentats du 11 septembre 2001, est devenu un haut lieu de visite pour les Américains et les touristes étrangers. 176 Julie Hernandez, «Le tourisme macabre à La Nouvelle-Orléans après Katrina : résilience et mémorialisation des espaces affectés par des catastrophes majeures», Norois, Rennes, Presses universitaires de Rennes, n 208, 2008/3, p

75 Maïthé Levasseur explique d ailleurs que la visite du Ground Zero semble relever, pour un grand nombre d Américains, d un pèlerinage patriotique. Il s agit véritablement de se souvenir, de «voir pour le croire», ne pas oublier ce qui s est passé 177. La quête de la mémoire est devenue un élément constitutif de l identité, un élément important voire essentiel de la société contemporaine. En outre, la visite des lieux associés à la mort, à la souffrance et au tragique apparaît sans doute comme une occasion de méditer sur le sens même de la vie et de la mort. D autres raisons, plus controversées, peuvent également être envisagées. Le «dark tourism» peut en effet s apparenter à une forme de tourisme expérientiel, à une recherche de sensationnel. La visite de la prison des Trois-Rivières (Québec) s inscrit dans ce que l on appelle la visite-expérience. En effet, le visiteur est invité à vivre une «expérience de visite forte, troublante et réelle». Le lieu, géré par le Musée québécois de la culture populaire, propose ainsi des visites-témoignages assurées, semble-t-il, par d anciens détenus. Le visiteur est, dès son arrivée, immergé dans l espace par un «rituel» d accueil : il doit remplir une fiche d incarcération, avec photographie et prise d empreintes digitales. Surtout, le visiteur peut, s il le désire, être emprisonné la nuit dans une authentique cellule afin «de s imprégner encore davantage de l ambiance carcérale, de l esprit du lieu 178». On peut dès lors s interroger sur les motivations des visiteurs. S agit-il d un divertissement? Cherchent-ils à assouvir une certaine curiosité? Recherchent-ils une confrontation avec la mort, avec un imaginaire quelque peu morbide? Le site qui était, avant sa fermeture en 1986, le plus ancien établissement carcéral en fonction au Canada est aujourd hui devenu à l évidence une véritable «attraction». Cet exemple démontre les dérives de la mise en tourisme, et pose les questions de la présentation et de l interprétation. L exploitation touristique des lieux associés à la mort et à la tragédie n est pas sans susciter des débats, éthiques et moraux, à commencer par les lieux d extermination. 177 Voir les avis sur le site communautaire de voyageurs TripAdvisor (qui «regroupe la plus grande communauté de voyageurs au monde), Ground_Zero_Museum_Workshop-New_York_City_New_York.html#REVIEWS (consulté le 6 mai 2010). 178 «Sentence d une nuit», offre de visite de la Vieille prison des Trois-Rivières, (consulté le 6 mai 2010). 74

76 b) Le «tourisme de la Shoah» : l exemple d Auschwitz-Birkenau Des lieux de mémoire liés à la Shoah sont devenus, avec la création d une offre muséale spécifique et le développement croissant du tourisme mondial, des lieux très fréquentés. Des sites comme le Yad Vashem (Jérusalem), l United States Holocaust Memorial Museum (Washington) reçoivent chaque année plusieurs millions de visiteurs 179. Le «tourisme de la Shoah 180» s apparente en réalité à la visite des lieux de la destruction (camps d extermination de l Europe de l Est), mais aussi à la visite des villes ou des localités où les persécutions furent perpétrées (Varsovie ). Ce tourisme sur les lieux du désastre et des violences commises envers la population juive d Europe est véritablement apparu à la fin des années 1980, avec la chute du communisme (impliquant l ouverture des frontières), et surtout avec l émergence d une mémoire juive, avec la reconnaissance de la spécificité de la Shoah. L exemple du camp d extermination d Auschwitz-Birkenau est particulièrement significatif. Le site connaît, comme nous l avons vu dans la précédente partie Emergence et Evolution des lieux de mémoire de la Shoah, un processus de patrimonialisation quasiimmédiat dès les années d après-guerre, avec l ouverture du musée. L ancien camp est visité dès la fin de la guerre : visiteurs en 1946, en 1949, en 1956, en 1968, en 1972, après la béatification de Maximilien Kolbe, en 1979, après la visite du pape Jean-Paul II etc 181. Ce flux de visiteurs se stabilisera dans les années 1990 autour du demi-million de visiteurs pour augmenter ensuite de manière exponentielle au cours des années 2000 (fig. 16). Le nombre de visiteurs a ainsi quasiment doublé de 2004 à 2009, passant de à 1,3 millions 182. Cette évolution de la fréquentation s accompagne d un mouvement touristique croissant. Qui sont les visiteurs et pourquoi viennent-ils? 179 Plus de 30 millions de personnes ont ainsi visité l United States Holocaust Memorial Museum de Washington depuis son ouverture en Chiffre réactualisé en mars 2010, donné sur le site Internet de l institution, (consulté le 7 mai 2010). 180 Concept anglo-saxon d «Holocaust Tourism». 181 Annette Wieviorka, op. cit., 2005, p Ce chiffre de 1,3 millions de visiteurs constitue à ce jour la plus forte fréquentation du site, depuis sa muséification en Voir le site Internet du Musée d Etat d Auschwitz-Birkenau, «The attendance record 1,3 million visitors at Auschwitz Memorial in 2009», (consulté le 26 avril 2010). 75

77 Figure 16 : Evolution de la fréquentation du site d Auschwitz-Birkenau ( ) Source : Site Internet du Musée d Auschwitz-Birkenau Tout d abord, il faut noter que si les visites sont de plus en plus nombreuses, c est aussi parce qu elles sont, sans doute, rendues plus faciles depuis quelques années, du fait notamment du développement des compagnies aériennes low cost et de l entrée de la Pologne dans l Union européenne. En 2009, le camp d extermination d Auschwitz-Birkenau a été visité par 1,3 millions de personnes. Si la moitié se compose de Polonais ( ), la part des visiteurs étrangers tend, d après Andrzej Kacorzyk, responsable de la Section des Services aux Visiteurs, à augmenter par rapport aux années précédentes 183. On remarque que les visiteurs européens se rangent parmi les visiteurs les plus nombreux venus en 2009 (fig. 17). Les statistiques des visiteurs en provenance des pays non-européens sont également intéressantes. Le nombre de visiteurs israéliens est ainsi en progression constante depuis six ans de en 2003, il est passé à en 2009 tandis que celui des visiteurs américains a, semble-t-il, baissé en 2009, probablement en raison de la crise économique et de la dépréciation du dollar par rapport à l euro. Les responsables du musée ont remarqué l augmentation, et ce d une manière très récente, du nombre de visiteurs asiatiques. 183 Voir les statistiques pays par pays des visiteurs donnés par le musée d Etat (consultés le 6 mai 2010), 76

78 En 2009, l ancien camp d extermination d Auschwitz-Birkenau a été visité par personnes en provenance de la Corée du Sud, du Japon, de Chine. De fait, l ancien camp d Auschwitz-Birkenau est devenu aujourd hui le site le plus visité de Pologne. L Slovaques Coréens du Sud Israéliens Japonais Chinois Polonais Tchèques Français Allemands Italiens Britanniques NB : Graphique non exhaustif Figure 17 : Les principaux visiteurs du camp d Auschwitz-Birkenau en 2009 Source : Site Internet du Musée d Auschwitz-Birkenau Les modalités du voyage à Auschwitz sont multiples et obéissent à des motivations différentes. Les visiteurs d Auschwitz-Birkenau sont majoritairement des scolaires ( en 2009), qui n ont pas fait le choix de venir : la visite du camp s inscrit en effet principalement dans le cadre de voyages pédagogiques organisés par des enseignants et des établissements scolaires publics ou privés. Quels sont les effets d un tel voyage sur les lieux mêmes de l extermination des Juifs d Europe? La visite des lieux de mémoire exerce-t-elle un rôle pédagogique sur ceux qui y participent? Dans quelle(s) mesure(s) la visite des sites d Auschwitz et de Birkenau apporte-t-elle une connaissance de la Shoah? 77

79 Des enquêtes et des études ont été menées afin d évaluer précisément le rôle et l impact des voyages sur les lieux de mémoire de la Shoah 184. Il apparaît, à travers les conclusions qui en ressortent, que les voyages pédagogiques à Auschwitz-Birkenau sont «indéniablement une expérience unique que rien d autre (cours d histoire, films, lectures ) ne peut offrir», et surtout qu ils sont «essentiels dans la connaissance de la Shoah 185». Ils complètent en effet la connaissance historique de l évènement, par une expérience très marquante à la fois sur le plan émotionnel et rationnel (de l ordre de l éducation civique). Outre les scolaires, les descendants (enfants, petits-enfants) des survivants, et les familles de victimes constituent une autre «catégorie» de visiteurs. Ces «touristes du souvenir» venus en voyages organisés ou individuels effectuent la visite dans un but de pèlerinage. Ils cherchent ainsi à reconstituer une partie d une histoire familiale ou individuelle, inconnue ou perdue. Anne Grynberg, dans un article des Cahiers de la Shoah, explique qu il s agit avant tout, pour beaucoup de rescapés et de membres de leur famille, d un geste de piété, d un recueillement familial. En l absence de tombes, ils sont nombreux à considérer que le site d Auschwitz-Birkenau constitue en quelque sorte le seul cimetière de leurs proches anéantis, le seul qu ils puissent avoir 186. On observe, à côté de ces voyages pédagogiques et de ces voyages de pèlerinage, un mouvement touristique croissant, qui doit être mis en relation à la suite du succès du film de Steven Spielberg, La Liste de Schindler 187. Auschwitz-Birkenau s inscrit désormais dans l économie touristique nationale polonaise. Le camp est devenu une «destination touristique» : il fait en effet l objet d une véritable programmation de la part des tour-opérateurs locaux et des agences réceptives. Des offres spéciales, «Auschwitz Tours», sont proposées en grand nombre sur place, et sur Internet 188. Nathalie Funès, journaliste au Nouvel Observateur, décrit le phénomène : «Dès l aéroport de Cracovie, les chauffeurs de taxi se poussent du coude pour proposer l allerretour à Auschwitz pour seulement 400 zlotys [environ 100 euros]. 184 Voir la synthèse globale de l étude Le rôle et l effet des visites des sites de l extermination dans la pédagogie de la Shoah, commandée, en 2005, par la Fondation pour la mémoire de la Shoah auprès de l institut CSA, (consultée le 8 avril 2010). 185 Ibid. 186 Anne Grynberg, «La pédagogie des lieux», in «Enseigner et transmettre», Les Cahiers de la Shoah, n 8, Paris, Les Belles Lettres, 2005, p Rémy Knafou, conférence «Tourisme et Mémoire», organisée par l IREST, 26 mai 2009, Paris. 188 Voici quelques exemples d agences proposant des «Auschwitz Tours» : < < < < < Krakow>, < etc. (consultés le 23 janvier 2010, le 8 mai 2010). 78

80 En ville, les agences prennent le relais. Avec leurs voyages clés en main : aller-retour en bus, visite commentée par un guide du musée, pause casse-croûte et achat de souvenirs (cartes postales, livres, DVD) Le tout en six heures chrono 189». Ce phénomène des «Auschwitz Tours» prolifère depuis le début des années Le site d Auschwitz-Birkenau a été en l occurrence aménagé : certaines infrastructures se sont installées pour le confort des visiteurs et la commercialisation du souvenir (cafétéria, librairie ). Le développement de ce phénomène n est pas sans susciter des polémiques. De nombreuses personnes s élèvent contre «l avènement d un tourisme de masse», contre une dénaturation du site, une trivialisation. En effet, elles pointent du doigt le comportement de certains visiteurs, jugé indécent et inapproprié, qui, l été, arpentent les allées du camp «en shorts et sandales, canettes de coca et sandwiches à la main, appareil photo autour du cou, rires tonitruants, malgré les panneaux demandant une tenue correcte et une attitude respectueuse 190». Figure 18 : Groupes de visiteurs devant le portail «Arbeit macht Frei», Auschwitz I Musée-Mémorial d Auschwitz-Birkenau 189 Article de Nathalie Funès, publié le 16 avril 2009 dans Le Nouvel Observateur, (consulté le 23 janvier 2010). 190 Nathalie Funès, op. cit.,

81 Figure 19 : Touriste se faisant photographier devant la vitrine de boîtes de zyklon B, Exposition permanente, block 4, Musée d Auschwitz Source : La visite sur le site d Auschwitz-Birkenau semble s être ainsi banalisée depuis ces dernières années. Des albums photographiques de l ancien camp d extermination sont mis sur Internet, comme n importe quels albums de souvenirs de vacances. Annette Wieviorka rend compte de cette évolution des comportements et des pratiques : «Désormais, certains arpentent le site, téléphone portable à l oreille. Ça capte très bien, à Auschwitz I comme à Birkenau, mieux que dans certains coins de France. Le 27 janvier 2004, à Auschwitz I, le portable d une visiteuse a sonné. Ça pourrait aller mieux. Je suis dans une chambre à gaz a- t-elle répondu à un interlocuteur qui lui demandait probablement de ses nouvelles 191». Les dérives de l exploitation touristique ne sont pas surprenantes pour un certain nombre d acteurs de la mémoire et d historiens, tels Henry Rousso. En effet, ce dernier estime «qu à partir du moment où Auschwitz a été transformé en musée, où les gouvernements et les associations ont favorisé les voyages pédagogiques, où il y a eu volonté de sensibiliser le plus grand nombre à la charge symbolique du camp, on ne pouvait échapper à la mémoire de masse, donc au tourisme de masse. Difficile, dans ces conditions, de conserver à un tel lieu une dimension sacrée. Plus il est visité, plus son message originel se dilue, plus il se banalise. 191 Annette Wieviorka, op. cit., 2005, p

82 Les Auschwitz Tours en bus climatisé peuvent paraître choquants, mais ils sont inévitables 192». L exemple d Auschwitz-Birkenau est donc significatif de la complexité voire de la difficulté de «mettre en tourisme» des lieux de mémoire tragiques, de concilier l ouverture au public et le respect mémoriel, la préservation de valeurs hautement immatérielles. Les limites de l exploitation touristique sont ici dépassées, du fait notamment de l absence de planification des flux, et d une mauvaise gestion des autorités polonaises. Une fréquentation excessive, ou en tout cas mal gérée, est un facteur de risque évident de dégradation. Aussi, les responsables du site d Auschwitz-Birkenau ont commencé à mettre en place des mesures de régulation des flux. En effet, la situation devient quelque peu compliquée, suite au nombre record de visiteurs en 2009 (1,3 millions). Depuis ces cinq dernières années, le site accueille, l été, en une journée entre et personnes, soit un groupe toutes les deux minutes. C est ainsi que l organisation des visites est modifiée pour la «saison touristique» Pendant les heures de pointes c est-àdire 10h00-15h00, l entrée sur le site d Auschwitz I ne sera réservée qu aux groupes avec guides. Les visiteurs individuels ont alors la possibilité de se joindre à des groupes durant ces horaires, ou bien de visiter librement le site avant 10h et après 15h. Ces nouvelles procédures, ainsi que de meilleures conditions de visites tendent à désengorger le site d Auschwitz I, et à garantir la sécurité des visiteurs. Surtout, la mise en œuvre d un véritable plan de gestion des flux s avère aujourd hui indispensable à la préservation des bâtiments et objets de l ancien camp de concentration et d extermination d Auschwitz-Birkenau. La protection et la conservation du site passent indéniablement par une maîtrise de la fréquentation. 192 Propos recueillis par Nathalie Funès, op. cit., Voir les nouvelles modalités de visite sur le site Internet du musée d Auschwitz-Birkenau, (consulté le 9 mai 2010). 81

83 Troisième partie ETUDES DE CAS FRANÇAIS DE LIEUX DE MEMOIRE DE LA SHOAH 82

84 La présente partie s intéresse précisément à la valorisation de quatre lieux de mémoire français liés à la Shoah. La nature de ces lieux valorisés est extrêmement diverse. En effet, ils peuvent revêtir différentes formes, qui sont parfois «imbriquées» : un mémorial, un camp d internement, une maison, un musée. Bien que témoignages d un même contexte, d un même évènement historique, ces lieux de mémoire possèdent leur histoire propre, leur spécificité. Il apparaît important de rappeler dans un premier temps l histoire de chacun des lieux choisis afin de mieux comprendre comment ces lieux sont devenus des lieux de mémoire, c est-à-dire des institutions muséales reconnues, avant d analyser plus amplement leurs fonctionnements, le rôle des acteurs participant à cette mise en valeur muséographique, la conception et le contenu de l offre muséale proposée. A. Du mémorial au musée : état des lieux 1) Situation historique a) La Maison d Izieu La Maison d Izieu, situé dans le département de l Ain région Rhône-Alpes, témoigne d une tragédie particulière. Construit à la fin du XIXe siècle, le lieu se compose d une maison bourgeoise et de deux bâtiments agricoles, une magnanerie et une grange. De mai 1943 à avril 1944, la maison qui fait office avant guerre de colonie de vacances pour enfants catholiques est mise à la disposition de Sabine et Miron Zlatin par le sous-préfet de Belley, Pierre-Marcel Wiltzer, pour accueillir «la colonie des enfants réfugiés de l Hérault». La maison d Izieu sert ainsi de lieu d hébergement pour de nombreux enfants juifs souvent sortis des camps d internement du sud de la France (Agde, Rivesaltes, Gurs, Les Milles ) grâce à l action de l Œuvre de Secours aux Enfants (O.S.E.) et également de lieu de passage à certains, avant qu ils ne soient pris en charge par une famille d accueil, une autre colonie ou une filière pour gagner la Suisse L histoire de la tragédie de la Maison d Izieu a fait l objet d un certain nombre d ouvrages et de travaux d historiens. Voir entre autres les ouvrages de Serge Klarsfeld, Les enfants d Izieu, une tragédie juive, Paris, Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France, 1984, 127 p. ; de Pierre-Jérôme Biscarat, Les enfants d Izieu 6 avril 1944 : un crime contre l humanité, Veurey, Editions Le Dauphiné Libéré, 2007, 51 p. ; de Richard Schittly, Izieu, l innocence assassinée, Seyssel, Editions Comp Act, 1994, 167 p. 83

85 Figure 20 : Maison d Izieu, Ain Comité départemental du tourisme de l Ain Le site n est pas choisi par hasard : juchée à flanc de montagne et assez isolée, la maison semble à l écart des tourments de la guerre. Après des mois d une relative tranquillité, la situation change : le département de l Ain, jusqu alors en zone italienne, est occupé par les forces allemandes, qui ne tardent pas à procéder à des arrestations. Le 6 avril 1944, la Gestapo de Lyon, sous le commandement de Klaus Barbie, raflent 44 enfants, âgés de 5 à 17 ans, et 7 adultes de la colonie d Izieu. Ils furent incarcérés au fort Montluc à Lyon, puis transférés à Drancy, «antichambre de la mort». 42 enfants et 5 adultes ont été déportés et exterminés à Auschwitz-Birkenau ; 2 adolescents et le directeur de la maison ont été fusillés en Estonie. Il y eut une unique rescapée des déportés de la colonie d Izieu, Lea Feldblum, une des éducatrices. Une mémoire de la rafle d Izieu se construit dès la fin de la guerre. Impulsée et portée par Sabine Zlatin, ancienne directrice de la colonie, elle est d abord une mémoire individuelle et locale. Une première commémoration officielle est célébrée le 7 avril 1946, sur les lieux même de la rafle 195. A cette occasion, un monument est érigé à la sortie du village de Brégnier-Cordon, au bord de la route qui mène à Izieu et à la Maison d Izieu. En outre, une plaque où sont gravés les noms des enfants et des adultes raflés est posée sur la maison. La mémoire de la rafle d Izieu sera entretenue durant de longues années par Sabine Zlatin et la population locale, qui commémora chaque année le souvenir de la rafle. 195 Sur la construction de la mémoire de la rafle d Izieu, voir les travaux universitaires de Stéphanie Cannoodt, Mémoire(s) de la rafle d Izieu : une histoire en construction, mémoire de maîtrise sous la direction d Annette Becker, Université Paris X-Nanterre, 2001, 191 p. ; Pierre-Jérôme Biscarat, La «Colonie d enfants réfugiés» d Izieu : histoire et mémoire, , DEA d histoire contemporaine réalisé sous la direction d Anne Grynberg, Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne,

86 Néanmoins, il faut attendre le début des années 1980 pour que cette mémoire évolue, avec l arrivée de nouveaux acteurs de la mémoire, en particulier Serge et Beate Klarsfeld, et l Association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France. Ces «militants» de la mémoire retrouvent la trace de Klaus Barbie, responsable de la rafle et de la déportation des enfants de la colonie d Izieu, et parviennent à le faire inculper en France. Serge Klarsfeld réalise dès lors un immense travail de documentation et de recherche, en vue de l instruction du dossier d accusation de Barbie. C est avec le procès de Klaus Barbie qui se déroule à Lyon pendant près de deux mois, du 11 mai au 3 juillet 1987 que la mémoire d Izieu s inscrit dans la mémoire collective française. En effet, la grande médiatisation du procès permet la reconnaissance nationale, permet de rendre publique la tragédie. La rafle des enfants d Izieu devient dès lors le symbole de l enfance juive persécutée et exterminée par les nazis. A compter de ce moment précis, va naître la décision de créer un musée-mémorial. Une association se constitue en 1988, autour de Sabine Zlatin et de Pierre-Marcel Wiltzer, afin précisément de définir et mettre en œuvre ce projet muséal, «en souvenir des 44 enfants, de leur directeur et de leurs éducateurs, juifs et martyrs, déportés le 6 avril 1944 et en hommage aux résistants et déportés, plus particulièrement de l Ain, de l Isère, du Jura, du Rhône, de la Haute-Savoie, de la Savoie et de la Saône-et-Loire 196». L association dite «Musée mémorial des enfants d Izieu» se veut dès lors délibérément éclectique et œcuménique, en associant diverses hautes personnalités nationales, régionales, religieuses, anciens résistants et déportés de toutes obédiences. La première action menée fut d acquérir la maison, devenue, dès les lendemains de la guerre, une propriété privée. Une souscription publique nationale placée sous le haut patronage du président de la République François Mitterrand est ainsi lancée pour collecter les fonds nécessaires. La maison sera achetée en juillet 1990, grâce aux nombreux dons de particuliers, et aux subventions de l Etat, et des collectivités publiques 197. L Etat, co-financeur pour le lancement du projet, devint par la suite le promoteur principal de la réalisation du Musée-Mémorial d Izieu. Le projet est inscrit, en novembre 1992, au programme des Grands Travaux présidentiels. L Etat assura ainsi la maîtrise d ouvrage, allouant près de 16,6 millions de francs à cette opération. 196 Extrait des statuts de l association, devenue en 2000, l Association de la Maison d Izieu, mémorial des enfants juifs exterminés, Sur la genèse et le déroulement du projet, voir le mémoire de maîtrise de Stéphanie Cannoodt, op. cit., 2001, p

87 Cette inscription marque la volonté de l Etat de se saisir de la mémoire d Izieu et de commémorer ces évènements au niveau national. La Maison d Izieu est, par décret présidentiel 198, instituée comme l un des trois lieux de mémoire nationale des «persécutions racistes et antisémites», avec le monument commémoratif du Vélodrome d Hiver et le camp d internement de Gurs. Inauguré le 24 avril 1994, le Musée-mémorial des enfants d Izieu renommé la Maison d Izieu, mémorial des enfants juifs exterminés en se trouve aujourd hui à un tournant mémoriel et scientifique. En effet, l institution entame, depuis 2004, un projet d extension qui prévoit la création d un nouveau bâtiment, destiné à l accueil du public, et surtout l élaboration et la mise en place d une nouvelle exposition permanente 200. b) Le Mémorial de la Shoah Le Mémorial de la Shoah est un lieu «multiple». Situé à Paris au cœur du quartier du Marais, quartier historique de la communauté juive, le site est en quelque sorte un lieu de mémoire ex nihilo. Ouvert dans sa forme actuelle depuis le 27 janvier , l institution résulte en réalité de la fusion et de l évolution de deux entités : le Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC) et le Mémorial du Martyr Juif Inconnu. La première institution, le Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC), fut créée en avril 1943, dans la clandestinité, à Grenoble par les principaux responsables de la communauté juive, rassemblés à l initiative d Isaac Schneersohn. L objectif des fondateurs était de mettre en place une structure qui rassemblerait des preuves de la persécution des Juifs afin de témoigner, de révéler à la conscience des hommes les crimes des nazis et la complicité active du gouvernement de Vichy, et de demander justice dès la fin de la guerre Voir page Ce changement de nom induit la volonté de rappeler, dans l intitulé de l institution, l histoire même du lieu. 200 Sur le projet d extension de l institution, voir, entre autres, le Rapport d activités 2008, Maison-mémorial des enfants juifs exterminés d Izieu, 2009, p L inauguration du Mémorial de la Shoah eut lieu à l occasion du soixantième anniversaire de la libération du camp d Auschwitz, en présence de nombreuses personnalités (le président de la République Jacques Chirac, Simone Veil, les représentants de la communauté juive, ). 202 Ainsi, à la Libération, des fonds d archives allemands (archives du service anti-juif de la Gestapo, de l Ambassade d Allemagne à Paris, de l état-major allemand en France) et français (archives du commissariat général aux Questions juives, de l Union générale des Israélites de France ) majeurs sont entrés dans les collections du CDJC. 86

88 Dès lors, le CDJC entreprit un important travail d histoire et de mémoire. Le renforcement de la connaissance de l histoire de la Shoah comme de la Résistance, le sauvetage et la perpétuation de la mémoire des victimes, ainsi que l aide à la justice en matière de procédure pénale à l encontre de criminel de guerre s inscrivent, depuis les origines, au cœur des missions de l institution 203. Parallèlement à cela, Isaac Schneersohn, mit en œuvre, dans les années 1950, un autre projet : celui de créer un tombeau-mémorial destiné aux victimes de la Shoah 204. Inauguré le 30 octobre 1956 en présence de délégations des communautés juives du monde entier et de nombreuses personnalités politiques et religieuses venues de toute l Europe, le Mémorial du Martyr Juif Inconnu abrite dans ses murs le CDJC. Classé Monument historique depuis 1991, il accueille chaque année les principales cérémonies liées à la Shoah, organisées par l Etat ou par la communauté juive. Figure 21 : Crypte, Mémorial de la Shoah (ancien Mémorial du martyr juif inconnu) CDJC / Mémorial de la Shoah Figure 22 : Façade du Mémorial de la Shoah (ancien Mémorial du martyr juif inconnu), CDJC / Mémorial de la Shoah 203 Le fonds documentaire du CDJC est en accroissement permanent et constant grâce à des dépôts, donations d organismes et de personnes privées, ou achats. Il compte aujourd hui plusieurs millions de pages de documents, plus de photographies etc. 204 Voir p Sur l histoire précise du CDJC et du Mémorial du martyr juif inconnu, voir l article d Annette Wieviorka, «Du CDJC au Mémorial de la Shoah», in «Génocides, Lieux (et non-lieux) de mémoire», Revue d histoire de la Shoah. Le monde juif, n 181, Paris, CDJC, juillet-décembre 2004, p

89 Le développement du CDJC et du Mémorial du Martyr Juif Inconnu, l exiguïté des locaux, la volonté d accueillir davantage de visiteurs et de chercheurs et de déployer les activités, ont amené à la création du Mémorial de la Shoah. Un projet d agrandissement et de remodelage de ces deux institutions en une seule entité s est ainsi mis en place en 1997, avec le soutien de l Etat, de la Ville de Paris et de la région Ile-de-France. Achevé en 2004, le Mémorial de la Shoah constitue indéniablement une nouvelle étape de la transmission de la mémoire et de l enseignement de la Shoah, qui étaient jusqu alors essentiellement portés par les survivants et les témoins directs de l extermination des Juifs d Europe. Le Mémorial de la Shoah, voulu comme «le premier musée de ce genre en Europe 205», est une institution de référence, qui s impose aujourd hui comme le plus grand centre européen de recherche, d information et de sensibilisation sur l histoire du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. c) La tuilerie des Milles Situé à la périphérie d Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le camp des Milles fut le principal camp d internement, de transit et de déportation du sud-est de la France durant la Seconde Guerre mondiale. Ouvert en septembre 1939 au sein d une tuilerie, le site connut un peu plus de trois ans d activité au cours desquelles plus de personnes, originaire de 27 pays, furent internées. Figure 23 : Façade de la tuilerie des Milles, Aix-en-Provence Association Mémoire du Camp d Aix-Les Milles 205 Extrait de l allocution d Eric de Rothschild, président du Mémorial du martyr juif inconnu (et de l actuel Mémorial de la Shoah), 24 avril Cité dans Le Monde juif. Revue d histoire de la Shoah, Paris, CDJC, n 156, janvier-avril 1996, p

90 L histoire du camp des Milles se divise précisément en trois périodes distinctes, qui correspondent aux différentes catégories d internés qui y séjournèrent 206 : 1. Septembre Juin 1940 Cette période débute ainsi au tout début de la Seconde Guerre mondiale, lorsque le gouvernement Daladier sous le régime de la IIIe République prend la décision d interner les ennemis supposés de la France, les ressortissants du Reich. La tuilerie des Milles, alors désaffectée, est réquisitionnée pour interner des réfugiés allemands et autrichiens considérés alors comme une «menace» pour la sécurité nationale. En réalité, ces «étrangers» étaient pour la plupart des opposants au régime nazi qui avaient fui l Allemagne dès 1933 pour venir se réfugier en France. Il y avait parmi ces internés, une intelligentsia mondialement connue : des hommes de lettres (Fritz Brugel, Lion Feuchtwanger, ), des scientifiques, des hommes de théâtre, des musiciens et des peintres (Max Ernst, Hans Bellmer, 207 ). 2. Juin Une seconde période s ouvre, avec la défaite française et la signature de l armistice. Le camp des Milles devient rapidement surpeuplé à cette période : des internés étrangers des camps du sud-ouest en particulier d anciens membres des Brigades internationales d Espagne et des Juifs expulsés d Allemagne sont transférés aux Milles. Passé sous l autorité du ministère de l Intérieur du régime de Vichy, le camp devient, à partir de novembre 1940, le seul camp de transit en France pour une émigration outre-mer, transit régulier ou illégal. C est de cette période (automne hiver 1941) que datent les peintures murales réalisées par les internés dans le réfectoire des gardiens (fig. 23 et 24). La forte proportion d intellectuels et d artistes internés permit le développement d une vie culturelle très active. Des concerts, des pièces de théâtres, des conférences, des cours, des activités artisanales furent ainsi organisés, comme autant de moyens d occupation, de s abstraire mentalement et temporairement de l enfermement. 206 Sur l histoire du camp des Milles, voir l ouvrage d André Fontaine, Un Camp de concentration à Aix-en- Provence? Le camp d étrangers des Milles ( ), Aix-en-Provence, Edisud, 1989, 240 p. ; Provence- Auschwitz : de l internement des étrangers à la déportation des juifs , s. dir. de Robert Mencherini, Aix-en-Provence, Publications de l Université d Aix-en-Provence, 2007, 318 p. 207 Une exposition, organisée par le Conseil général des Bouches-du-Rhône il y a une dizaine d années à la Galerie d Art - Espace 13 d Aix-en-Provence, a retracé l internement de certains peintres surréalistes. Voir le catalogue Des peintres au camp des Milles, septembre 1939-été 1941, Aix-en-Provence, Actes Sud, 1997, 93 p. 89

91 Figures 24 et 25 : Salle des peintures réfectoire des gardiens, camp des Milles Association Mémoire du Camp d Aix-Les Milles 3. Août mars 1946 Enfin, l histoire des Milles se trouve bouleversé en août et septembre 1942 : le site devient un camp de déportation pour les Juifs de la zone dite «libre». Près de hommes, femmes et enfants seront déportés vers le camp d extermination d Auschwitz-Birkenau, via Drancy ou Rivesaltes. Ces déportations s inscrivent dans le cadre de l accord passé entre les autorités de Vichy et l Allemagne nazie de livrer dix mille Juifs de la zone «libre» ; et sont d autant plus édifiantes qu elles surviennent avant même l occupation allemande de la zone sud (novembre 1942). Au-delà du mois de septembre 1942, le camp des Milles demeure un camp de transit ; quasiment vidé en décembre 1942, avec le départ des derniers internés, il est fermé officiellement en mars La tuilerie retrouva dès 1946 son activité industrielle, gommant progressivement les stigmates de cette période de l internement. Il faudra attendre près de quarante ans pour que la mémoire du camp soit recouvrée et réactivée, dans un premier temps au début des années 1980 par des travaux universitaires qui permirent de (re)découvrir l histoire du site. En outre, la menace d une destruction des lieux renforça une prise de conscience sur la nécessité de sauvegarder l ancien camp, et de fixer la mémoire des évènements qui s y déroulèrent. 90

92 Un «Comité de coordination pour la sauvegarde du Camp des Milles et la création d un Musée mémorial de la déportation, de la résistance et de l internement» voit le jour en Un certain nombre d actions et de réalisations furent impulsées tout au long des années 1990 : - installation de différents dispositifs mémoriels (stèles, wagon-souvenir), - création d un «Chemin des déportés» (qui correspond au trajet qu effectuaient les déportés du camp vers les trains), - opération «Mémoire pour demain» 209 etc. L adoption d une «Déclaration commune sur le projet de lieu de mémoire de l internement et de la déportation dans la Tuilerie des Milles» en mars 2002 par la Mairie d Aix-en-Provence, la Société Lafarge Couverture (alors propriétaire des lieux), le Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF), l Association du Wagon-souvenir et du Site-Mémorial des Milles marqua officiellement le lancement du projet «Mémoire du Camp des Milles». Un Comité de pilotage fut dès lors constitué afin de conduire le travail de conception et de réalisation in situ d un Musée-Mémorial de l internement et de la déportation. Il faut préciser que le travail de définition de ce Comité fut préparé initialement (ou complété) par des groupes de travail chargés d approfondir la réflexion sur des aspects particuliers du projet (financier, patrimonial, réflexif, pédagogique, juridique). Présidé par Alain Chouraqui, chercheur au CNRS, le Comité de pilotage a principalement convenu des orientations de préfiguration, de réalisation et d aménagement du site de l ancienne tuilerie. Il a, par ailleurs, œuvré à la création, en 2003, d une structure ad hoc porteuse du projet, l Association Mémoire du Camp d Aix-Les Milles, qui a assuré, jusqu à ces derniers mois, la maîtrise d ouvrage, le suivi opérationnel du projet 210. Les travaux n ont officiellement démarré qu en janvier 2009, après un difficile bouclage des budgets d investissement du projet et de fonctionnement de la future institution. L ouverture complète au public du Mémorial du Camp des Milles est, en principe, prévue pour le début de l'année Composé à l origine de quelques associations d anciens déportés, résistants et internés d Aix ainsi que de la communauté juive, ce comité entreprit de réhabiliter le réfectoire des gardiens du camp (la salle des peintures murales). 209 Voir p Sur le développement précis du projet du Mémorial du Camp des Milles, et de son opération, voir le site Internet du Camp des Milles, 91

93 d) Les camps d internement du Loiret : Beaune-la-Rolande, Pithiviers Les camps d internement de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers furent les deux premiers camps d internement ouverts pour Juifs étrangers, puis pour Juifs français de la zone occupée, avant Drancy. Plus de personnes, en majorité des femmes et des enfants, y ont été internées entre 1941 et Situés au sud-est d Orléans, à une centaine de kilomètres de Paris, les camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers furent construits peu après la déclaration de guerre, en août 1939, par les autorités militaires françaises pour accueillir des réfugiés et des prisonniers de guerre allemands. Les deux camps vont devenir des structures d internement à partir de mai L ouverture des deux camps marque dès lors une étape importante : «c est là que commence, sous le sceau de la légalité de Vichy, la concentration des Juifs étrangers 211». Perçus comme une seule entité par les différents services français et allemands, les camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers relèvent de l autorité du Préfet du Loiret. L histoire des deux camps est ainsi quasi similaire de par leur administration et de par leur destination. Trois phases peuvent être distinguées : 1. Internement de Juifs étrangers (mai juillet 1942) Ces internés, exclusivement des hommes, furent arrêtés à Paris par la police française lors de la rafle du 14 mai Ces Juifs étrangers avaient reçu la veille une convocation «billet vert» de la préfecture de Paris leur enjoignant de se présenter le lendemain matin dans un des cinq centres de rassemblement indiqués pour «examen de leur situation». Au total, plus de hommes, âgés de 18 à 60 ans, furent raflés, et acheminés par des autobus en service spécial jusqu à la gare d Austerlitz, puis transférés vers Beaune-la-Rolande et Pithiviers 212. Les internés survivent tant bien que mal, tentent d améliorer leurs conditions de vie, dans une totale incertitude de leur sort : une activité culturelle intense est de fait développée par les internés eux-mêmes, permettant ainsi de maintenir un semblant de vie, et de «ne pas s abandonner au désarroi». En juin et juillet 1942, les deux camps d internement du Loiret sont vidés en trois convois (25 juin, 28 juin, 17 juillet) pour «faire place à de nouveaux détenus 213». 211 Les camps d internement du Loiret , Histoire et mémoire, Orléans, Centre de recherche et de documentation sur les camps d internement et de la déportation juive dans le Loiret [Cercil], 1992, p Sur l histoire de la rafle du 14 mai 1941, voir l ouvrage de David Diamant, Le Billet vert, Paris, Editions Renouveau, 1977, 334 p. 213 «Les premières déportations : 25 juin juillet 1942», op. cit., 1992, p

94 2. Internement des victimes de la «rafle du Vél d Hiv» (juillet- août 1942) A partir de l été 1942, Beaune-la-Rolande et Pithiviers occupent une place importante dans la mise en œuvre de la «Solution finale» en France : de camps d internement, ils deviennent camp de déportation. Organisée conjointement par les autorités allemandes et le gouvernement de Vichy et opérée par la Police française, la rafle du Vél d Hiv (16-17 juillet 1942) constitue la plus importante rafle conduite sur le territoire français Juifs de Paris et sa banlieue, dont enfants, la plupart de nationalité française, furent arrêtés 214. Les familles avec enfants (8 160 personnes) furent rassemblées au Vélodrome d Hiver, où elles furent parquées du 16 au 21 juillet 1942, puis transférées en train dans les camps du Loiret personnes sont entassées à Pithiviers et à Beaune-la-Rolande dans des conditions indescriptibles : grande promiscuité, absence totale d hygiène, manque de nourriture, épidémies etc. Les adultes (et adolescents) furent déportés dans un premier temps, le gouvernement de Vichy attendant l autorisation de Berlin de déporter aussi les enfants. Quatre convois partent directement de Pithiviers et Beaune-la-Rolande le 31 juillet, les 3, 5 et 7 août 1942 à destination d Auschwitz-Birkenau. Séparés de leurs mères, les enfants, au nombre d environ 3 300, se retrouvent seuls, livrés à eux-mêmes, dans une détresse morale et matérielle totales. Ils seront par la suite presque tous déportés, via Drancy, entre le 17 et 31 août 1942, et gazés dès leur arrivée à Auschwitz. 3. Septembre août 1944 A partir de septembre 1942, le camp de Beaune-la-Rolande devint un camp de transit, annexe du camp de Drancy, lorsque celui-ci atteint sa capacité maximale. Les Juifs internés alors à Beaune-la-Rolande sont considérés (momentanément) comme «non-déportables» ; ils seront pour la plupart déportés vers les camps d extermination. Le camp de Beaune-la- Rolande continue à fonctionner jusqu en juillet 1943, date à laquelle le commandant de Drancy, Alois Brünner, ordonne la liquidation du camp. Le camp de Pithiviers est quant à lui évacué au mois d octobre 1942 pour devenir un camp d internement de prisonniers politiques, essentiellement communistes. Les deux camps du Loiret furent par la suite réutilisés jusqu en 1947 pour interner des collaborateurs. 214 Le nombre des arrestations se révèle être inférieur au nombre escompté par les organisateurs de la rafle, grâce aux aides rencontrées dans la population et aux réticences de quelques policiers. 215 Un film français, La Rafle, sorti au cinéma en mars 2010, retrace cette histoire tragique. Voir le site Internet dédié, (consulté le 19 août 2010). 93

95 Il ne reste aujourd hui quasiment plus de traces des camps d internement du Loiret. Aussi, une association, le Centre d Etude et de Recherche sur les Camps d Internement dans le Loiret et la déportation juive (CERCIL), s attache, depuis 1991, à restituer et à faire connaître l histoire de ces camps du Loiret. Créé à l initiative des municipalités de Beaune-la-Rolande, de Jargeau, d Orléans et de Pithiviers, de la communauté juive d Orléans, et de plusieurs associations Section régional du CRIF, Fils et Filles de Déportés Juifs de France, Union des Déportés d Auschwitz, Association des amis de Jean Zay, etc. le CERCIL a ainsi pour objectifs : - l approfondissement de la recherche, de la connaissance historique - la préservation des traces des camps d internement du Loiret - le rassemblement d une documentation spécifique, mise à la disposition des chercheurs et du public - l aide à la réalisation, et à la publication d études se rapportant à l histoire des camps du Loiret, au sort des victimes Surtout, l association œuvre à la création, depuis 2004, d un Centre d histoire et de mémoire à Orléans, «afin de conserver la mémoire vivante et d offrir le contexte nécessaire à la compréhension des évènements 216». Implanté dans les locaux d une ancienne école maternelle, il remplira ainsi «le rôle de Musée, de Mémorial, de Centre de documentation, d éducation, de culture et de rencontres 217». La réalisation de cette institution muséale constitue indubitablement «l aboutissement logique d un travail mené depuis vingt ans 218». L ouverture du Centre est prévue, semble-t-il, le 27 janvier 2011, date anniversaire de la libération d Auschwitz. 216 Dépliant de présentation du CERCIL, reçu lors de l entretien avec Nathalie Grenon, le 18 mars Extrait des statuts du CERCIL, Entretien avec Nathalie Grenon, Orléans, le 18 mars

96 2) Fonctionnement et modalités de financement La création d institutions muséales implique de prendre en considération des composantes inhérentes aux domaines juridique, économique et technique. Il s agit en effet, pour les porteurs de projet, de s interroger sur l aménagement même des lieux et leurs environnements ; de définir des objectifs et des orientations, le fonctionnement et les investissements ainsi que la structure de gestion. a) Statut juridique Les institutions muséales étudiées sont des structures associatives, régies par la loi de Le choix de cette modalité de gestion n est pas surprenant, étant donné que les projets sont, dans la grande majorité, portés en amont et/ou soutenus en phase de conception par une association. Le musée-mémorial de la Maison d Izieu a été ainsi conçu par l association dite «Musée mémorial des enfants d Izieu», constituée précisément dans ce but 219. La gestion du futur Centre d histoire et de mémoire sur les camps d internement dans le Loiret (Orléans) sera prise en charge par le CERCIL, association fondatrice, pour reprendre les termes d Emmanuelle François, c est-à-dire «une association où l historicité de l engagement prime sur la compétence gestionnaire 220». Le projet du Mémorial du Camp des Milles a été également porté par une structure associative, l Association Mémoire du Camp d Aix-Les Milles, créée ad hoc en 2003, par le Comité de pilotage. Véritable outil opérationnel, l association a assuré, jusqu à ses derniers mois, la maîtrise d ouvrage, le suivi et l interface entre les différents partenaires. Néanmoins, la future institution muséale du camp des Milles ne relèvera pas de ce mode de gestion. En effet, une fondation, la «Fondation du Camp des Milles : Mémoire et Education», a été créée en 2007 afin justement «de poursuivre l opération engagée par l Association Mémoire du Camp d Aix-Les Milles, et d assurer la gestion et le développement du Mémorial après son ouverture 221». 219 La création, l aménagement, la gestion et le développement du Musée-Mémorial d Izieu constituent les statuts mêmes de l association, Emmanuelle François, Les musées d histoire de la Seconde Guerre mondiale, Rapport d études au ministère de la Culture, Direction des Musées de France, Communiqué de presse de la «Fondation du Camp des Milles : Mémoire et Education» et de l Association «Mémoire du Camp d Aix-Les Milles», Premier Conseil d Administration de la Fondation du Camp des Milles, le 25 mai 2009, à 22h, 95

97 Reconnue d utilité publique par décret du Premier ministre en date du 25 février 2009, la Fondation du Camp des Milles gérera une dotation initiale d une valeur de euros 222. Les associations, et les fondations sont des structures juridiques de droit privé, à but non lucratif. Elles bénéficient, en France, d un statut particulier : les associations peuvent en effet obtenir des subventions, des aides publiques, et ne sont généralement pas soumises aux mêmes obligations fiscales que les entreprises privées (TVA, impôts sur les sociétés, ) 223. Ces dispositions font donc des associations des supports privilégiés pour la gestion des biens culturels, en particulier des institutions muséales comme celles étudiées 224. On remarque que ces structures associatives sont pour la plupart reconnues d utilité publique (Mémorial de la Shoah) ou d intérêt général (Maison d Izieu). Ces reconnaissances d utilité publique et d intérêt général accordées par l Etat aux associations œuvrant dans les «domaines philanthropiques, social, éducatif, scientifique, culturel, 225» permettent de recevoir, outre des dons manuels, des donations et des legs. b) Des structures professionnalisées Les institutions muséales liées à la Shoah ainsi gérées par des structures privées poursuivent plusieurs objectifs communs : - faire connaître cette histoire, cette tragédie humaine que représente la Shoah, la resituer et la restituer dans toute sa diversité, dans toutes ses dimensions, - transmettre de fait l histoire et la mémoire des lieux - susciter la réflexion sur le crime contre l humanité, sur les phénomènes de société, les grandes questions éthiques - éduquer et sensibiliser etc. 222 Sur la dotation de la Fondation du Camp des Milles, voir le complément au communiqué ci-dessus, Sur le financement, la fiscalité, la législation en matière d associations, voir notamment le site Internet «Associations.gouv.fr» du ministère de la Jeunesse et des Solidarités actives, (consulté le 27 mai 2010). 224 Valéry Patin, op. cit., 2005, p Article «Associations reconnues d utilité publique», site Internet officiel de l administration française, (consulté le 27 mai 2010). 96

98 La réalisation de ces objectifs nécessite de mettre en place une structure, une organisation qualifiée, de mettre en œuvre des actions, un programme scientifique et muséographique. Aussi, pour mener à bien leurs missions, les institutions muséales en l occurrence celles déjà existantes s appuient, à l instar d autres institutions culturelles, sur une équipe de professionnels. Celle de la Maison d Izieu se compose d une dizaine de personnes, tandis que le Mémorial de la Shoah compte environ 70 personnes, réparties dans différents services : - Service Administration - Service Communication - Service Internet - Service Logistique et Accueil des publics (standard, accueil, médiation, sécurité, maintenance) - Centre de Documentation (archives, bibliothèque, photothèque, magasins, accueil des familles) - Service Formation - Service Lieux de mémoire et projets externes - Service Editions - Services des Activités Culturelles (librairie, centre d enseignement multimédia, expositions, auditorium) - Service Pédagogique Les services pédagogiques et des activités culturelles peuvent être considérés comme étant les principales composantes, les principaux outils de développement des lieux de mémoire, «lieux de formation et d éducation», au regard des objectifs d éducation et de transmission de l histoire et de la mémoire qui animent les institutions. Le budget consacré aux activités culturelles, aux actions pédagogiques et de médiation représente une part importante du fonctionnement des institutions. En 2008, le Mémorial de la Shoah a ainsi «dépensé» près de 2 millions d euros pour assurer ses missions de transmission, de médiation culturelle «Budget de fonctionnement», Mémorial de la Shoah, Rapport moral 2008, p. 35, 97

99 c) Un financement partagé La valorisation des lieux de mémoire de la Shoah n échappe pas à des considérations d ordre économique. La réalisation et la mise en œuvre des projets de création d institutions muséales ont évidemment un coût d investissement et de fonctionnement, plus ou moins conséquent d un lieu de mémoire à l autre 227. Comme le rappelle Olivier Lalieu, chaque projet de valorisation est spécifique. Aussi, les coûts diffèrent, ne sont pas les mêmes en fonction de la configuration des lieux, des aménagements, et des desseins des porteurs de projets. Le coût d investissement du projet «Mémoire du Camp des Milles» est ainsi particulièrement élevé (fig. 25). Evalué à 16,3 millions d euros, il comprend à la fois le budget de l opération elle-même (13,8 millions d euros hors actualisation / révision 228 ) et l évaluation des aménagements d accès (qui représentent un coût de 2,5 millions d euros). Les coûts d investissement et de fonctionnement des institutions muséales sont financés par différentes sources, provenant de différents partenaires. Etat (2,5 M ) 15% (1,5 M ) 9% 11% (1,6 M ) 15% (2,5 M ) (2,6 M ) 16% (2,5 M ) 15% 19% (2,9 M ) Conseil Régional PACA Conseil Général 13 Fondation pour la Mémoire de la Shoah Groupe Lafarge Communauté Pays d'aix Ville d'aix-en-provence Figure 26 : Répartition du coût d investissement [16,3 millions d euros] du projet «Mémoire du Camp des Milles», entre les partenaires publics et privés 227 Il n a pas été possible d avoir des données chiffrées plus précises pour certains lieux de mémoire, tels que la Maison d Izieu et le Mémorial de la Shoah. 228 L actualisation-révision du budget d investissement de l opération est de l ordre d environ 2,9 millions d euros. Il faut ajouter à ce montant quelques demandes complémentaires ( euros) concernant la mise en sécurité, la dépollution et la recherche de traces sur le site jugées nécessaires par le Comité de pilotage et l Association Mémoire du Camp d Aix-Les Milles, structure porteuse du projet. 98

100 Les quatre lieux de mémoire étudiés bénéficient ainsi d un soutien financier public de(s) : - l Etat ministère de la Culture et de la Communication (via notamment ses Directions Régionales des Affaires Culturelles) ministère de l Education nationale ministère de la Défense (via sa Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives) - Collectivités territoriales Conseil régional Conseil général Communauté de communes Mairie On remarque que l Union européenne est absente de cette liste. Les projets de réhabilitation et d aménagement des anciens camps d internement ne sont en effet pas soutenus financièrement par l Europe. Néanmoins, il faut savoir que des demandes de subventions sont envisagées par les porteurs de projets (le CERCIL, l Association du Camp des Milles). Faute de temps et de moyens pour le montage de dossiers, ces demandes n ont pu aboutir à ce jour 229. A ce financement public, s ajoute des financements privés, provenant de : - la Fondation pour la Mémoire de la Shoah - dons privés et cotisations - différents mécènes Le Mémorial de la Shoah est en grande partie financé par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, qui prend ainsi en charge 80 % du budget de fonctionnement de l institution 230. En 2008, ce financement a représenté 7,7 millions d euros 231. Ce soutien pérenne est «destiné à accompagner le développement [du Mémorial de la Shoah] et à lui donner les moyens de mettre en œuvre une politique de mémoire sur la Shoah 232». 229 Entretiens avec Rémy Knafou, le 12 octobre 2009, et Nathalie Grenon, le 18 mars Voir Annexe 2, p Rapport d activité 2008, Fondation pour la Mémoire de la Shoah, p Entretien avec David Amar, Paris, le 4 novembre

101 Le mécénat s avère aujourd hui être une source de financement de plus en plus développée 233. La baisse, voire la disparition, des financements publics dans les budgets d investissement et de fonctionnement fait que les institutions muséales sont amenées à se tourner vers cette modalité de financement. Le développement et les conditions de mise en œuvre des opérations de mécénat ont été facilités, et rendus plus favorables depuis quelques années maintenant, avec la loi du 1 er août 2003, «relative au mécénat, aux associations et aux fondations 234». Cette loi permet ainsi à une entreprise mécène de bénéficier d avantages fiscaux (déduction fiscale à la hauteur de 60 % de son apport), et autorise en outre des contreparties dont la valorisation peut atteindre 25 % du montant du don. Le mécénat ne constitue pas seulement un investissement financier : il est aussi, pour les entreprises mécènes, un moyen de conforter, de renforcer une image citoyenne. Soutenir les projets muséographiques des lieux de mémoire de la Shoah, c est «s engager pour la mémoire, pour la société, pour le futur», c est «contribuer à l existence d équipements majeurs, essentiel à une prise de conscience citoyenne sur l Histoire, mais aussi sur le présent et l avenir. C est s associer à des projets pédagogiques et culturels, porteur de valeurs fortes et nécessaires : tolérance, respect, solidarité, dignité, responsabilité, 235». Le projet du Mémorial de la Shoah a pu être réalisé grâce au soutien financier d un certain nombre de mécènes français et internationaux : - la Claims Conference (The Conference on Jewish Claims against Germany) - la Fondation Clore Duffield - la Fondation Hanadiv - la Fondation philanthropique Edmond J. Safra - la Fondation Rothschild - la société Eiffage - la SNCF - la Fondation EDF - Sanofi-Aventis etc Entretien avec Isabelle Plichon, responsable du service Communication du Mémorial de la Shoah, Paris, le 12 avril Pour plus d informations, voir le site Internet mis en place par le ministère de la Culture et de la Communication, «Mission du mécénat», (consulté le 29 mai 2010). 235 Extraits du dossier de recherche de mécènes «Porter la voix des Milles» : Devenir Mécène du futur Mémorial du Camp des Milles, (consulté le 15 décembre 2009). 236 Voir le site Internet de l institution ainsi que le dossier de présentation du Mémorial de la Shoah, 100

102 Le mécénat est également sollicité pour la réalisation du projet «Mémoire du Camp des Milles». L Association Mémoire du Camp des Milles recherche en effet des partenaires publics et privés mécènes pour compléter son budget de fonctionnement, et assurer le plein développement des missions éducatives et culturelles du futur Mémorial. Une campagne a ainsi été lancée au début de l année 2009, suite à la signature d une première convention de mécénat régional, avec la Fondation d entreprise Ecureuil pour un montant de euros en octobre Outre l aspect financier, la recherche de partenaires implique également le mécénat de compétences : le Groupe Aegis Media accompagne ainsi, à ce titre, l Association Mémoire du Camp d Aix-Les Milles dans sa communication, sa production évènementielle, et son site Internet. B. L engagement de multiples acteurs La valorisation des lieux de mémoire de la Shoah, qu elle soit commémorative ou bien muséographique, est portée et décidée par une grande diversité d acteurs et de partenaires qui apportent un soutien tant moral, technique, scientifique que financier. Ces acteurs se retrouvent tous plus ou moins dans les projets muséographiques et pédagogiques. Cette partie s attache donc à analyser, à travers les quatre études de cas, le rôle et l implication des acteurs concernés. 1) Le rôle moteur du monde associatif et de la société civile a) La mobilisation associative Le recouvrement de la mémoire des lieux attachés au souvenir de l internement et de la Shoah, et leur reconnaissance en tant que lieux de mémoire ont été initiés par des militants engagés, voire des «combattants», de la mémoire. On trouve en effet à l origine de la mise en mémoire et de la valorisation muséographique d un certain nombre de sites, la mobilisation de personnalités issues du tissu associatif. 237 Communiqué de presse de la Fondation Ecureuil et de l Association «Mémoire du Camp d Aix-Les Milles», Signature solennelle d une convention de mécénat entre la fondation d entreprise Ecureuil et la future «Fondation du Camp des Milles», le 24 octobre 2008, 101

103 Nous avons pu constater dans les pages précédentes que les associations constituées d anciens internés et déportés, de fils et filles de victimes, d acteurs historiques de l évènement jouent un rôle essentiel dans l apposition des plaques, dans l érection des stèles et des monuments. Ces associations sont ainsi diverses et de tailles très variées. En effet, elles peuvent être : - locales, et entretiennent dès lors le souvenir à l échelle d un territoire précis (commune, département) - ou bien avoir, davantage, une portée nationale Les premières associations ou amicales d anciens internés et déportés voient ainsi le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, telles l Association des anciens déportés juifs de France créée officiellement en juin 1945 ou bien l Amicale des anciens déportés d Auschwitz et des camps de Haute-Silésie etc. Une seconde génération d associations apparaît à la fin des années 1970 et le début des années Ces années marquent l arrivée de nouvelles associations militantes et revendicatrices, qui regroupent pour l essentiel les descendants de victimes, comme l Association des Fils et des Filles des Déportés Juifs de France. Ce monde associatif, «addition de volontés individuelles» pour reprendre les termes de Floriane Schneider 238, entreprend dès lors une multitude d initiatives et d actions afin de sauvegarder, de valoriser les lieux de mémoire liés à la Shoah. En outre, il ne faut pas non plus omettre, en lien avec les associations, l implication de la communauté juive et ses composantes. Nous pouvons évoquer, entre autres, l engagement du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) dans les différents projets actuels d aménagement de lieux de mémoire, d anciens camps d internement français. Le CRIF a en effet joué un rôle important dans la sauvegarde du camp des Milles. Les bâtiments de l ancienne tuilerie dont ceux recelant des traces de l internement, en particulier les grandes peintures murales réalisées en dans le réfectoire des gardiens furent sauvés in extremis en 1983 par un arrêté d inscription provisoire à l Inventaire des Monuments historiques, grâce à une intervention et une mobilisation conjointe du CRIF régional, des associations et de la Mairie d Aix-en-Provence Floriane Schneider, op. cit., 2008, p Voir le site Internet du camp des Milles, (dernière consultation le 27 avril 2010). 102

104 Par ailleurs, l institution est à l origine, avec d autres acteurs, de la création du Centre d Etude et de Recherche sur les Camps d Internement dans le Loiret et la déportation juive (CERCIL). La section du CRIF en région Centre, via sa responsable Eliane Klein, sensibilisa à la fin des années début des années 1990 les élus locaux de Beaune-la-Rolande, de Jargeau, d Orléans et de Pithiviers sur la situation des anciens camps du Loiret. Il s agissait véritablement d expliquer, d attirer l attention sur le devenir de ces lieux de mémoire, de faire quelque chose pour rappeler, pour préserver les traces et le souvenir 240. b) L appui de la société civile La société civile chercheurs, historiens, universitaires, personnalités, médias participe également à la valorisation commémorative et muséographique des lieux de mémoire de la Shoah. La production et la publication de travaux et d études universitaires de chercheurs, à partir des années 1980, ont contribué à la (re)découverte de l histoire particulière des différents camps, des lieux attachés au génocide juif. Rémy Knafou a ainsi rappelé, lors de la conférence «Tourisme et Mémoire», que le recouvrement de la mémoire du camp des Milles fut impulsé en premier lieu par des universitaires 241. Ces acteurs de la société civile se retrouvent bien entendu dans les instances organisationnelles et opérationnelles conseils d administration, comités de pilotage, et plus particulièrement les conseils scientifiques et pédagogiques des institutions muséales déjà existantes et celles à venir. Ces instances scientifiques, aujourd hui incontournables, apparaissent indispensables à la crédibilité des projets. Composés d historiens, de spécialistes reconnus pour les thématiques et les périodes en jeu tels Anne Grynberg, Annette Wieviorka, Serge Klarsfeld, Denis Peschanski, Henry Rousso, Olivier Lalieu, etc. 242, les conseils scientifiques sont chargés d impulser un travail de recherche historique, mais aussi d apporter une certaine caution. En effet, ils tendent à garantir la qualité et la scientificité du discours et des contenus muséographiques ; et constituent de fait des instances de validation, qui expertisent, amendent et accompagnent les orientations des programmes des institutions muséales. 240 Entretien avec Nathalie Grenon, Orléans, 18 mars Conférence «Tourisme et Mémoire», organisée par l IREST, 26 mai 2009, Paris, Direction du Tourisme. 242 Ces historiens se retrouvent d ailleurs tous plus ou moins dans les conseils scientifiques des différents lieux de mémoire étudiés. 103

105 2) La nécessaire implication des pouvoirs publics L engagement des pouvoirs publics, précisément les collectivités territoriales (régions, départements, communautés de communes, communes) s avère à l heure actuelle indispensable pour relayer les initiatives des associations, pour assurer la concrétisation des réalisations, des projets de valorisation des lieux de mémoire attachés à la Shoah. Cela n a pas toujours été le cas, comme le rappelait Rémy Knafou lors de la conférence «Tourisme et Mémoire» qui s est déroulée à la Direction du Tourisme le 26 mai Certaines collectivités locales préféraient en effet oublier, à l image de la communauté nationale, ces lieux, traces d une histoire peu glorieuse et difficile à assumer. a) Les collectivités territoriales On assiste, depuis ces dernières années, à un changement. L implication des collectivités et des élus locaux semble aller crescendo : les régions, les départements et les communes tendent à jouer un rôle de plus en plus important, de plus en plus présent dans le développement de projets d aménagement et de valorisation. Les lieux de mémoire de la Shoah étudiés sont tous bénéficiaires de subventions, attribuées par les collectivités territoriales. Ce soutien financier est plus ou moins important, et surtout varie d une année à l autre en fonction des budgets municipaux, départementaux et/ou régionaux. On peut ainsi évoquer l engagement permanent de la Ville de Paris et du Conseil régional d Ile-de-France dans le réaménagement, et le fonctionnement du Mémorial de la Shoah. Il faut savoir, qu outre un apport financier régulièrement renouvelé d un montant de euros pour l année , la Ville de Paris a fait aussi don des immeubles situés aux 12 et 14 rue du Pont Louis-Philippe, qui jouxtent l emprise actuelle du Mémorial. Des collectivités pilotent, et assurent par ailleurs la maîtrise d ouvrage, telles la Ville d Orléans, propriétaire des locaux du futur Centre d histoire et de mémoire consacré aux camps d internement dans le Loiret 244, ou bien le Conseil général des Pyrénées-Orientales, porteur du projet du Musée-Mémorial de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) Convention 2009 relative à l attribution d une subvention de fonctionnement entre la Ville de Paris et l association «Mémorial de la Shoah», site Internet de la Mairie de Paris, (information consultée le 30 avril 2010). 244 Entretien avec Nathalie Grenon, Orléans, le 18 mars Voir le site Internet du Conseil général des Pyrénées-Orientales, (consulté le 4 juin 2010). 104

106 On peut signaler également l intérêt récent de la municipalité de Bobigny pour son ancienne gare, consacrée «lieu de mémoire» en 2005 par son inscription à l Inventaire supplémentaire des Monuments historiques 246. La Ville mène à l heure actuelle un projet de réhabilitation, destiné à «reconvertir» l ancienne gare en un mémorial de la Shoah. La valorisation muséographique des lieux de mémoire semble devenue aujourd hui un enjeu de développement et d aménagement territorial. Les projets n échappent pas à des considérations économiques. Lieux de mémoire à vocation pédagogique, les futurs mémoriaux de Rivesaltes et du Camp des Milles sont aussi pensés comme des équipements, des «outils» au service du développement local 247. De fait, l impact touristique n est nullement négligé par les porteurs de projet et les concepteurs 248. b) L intervention de l Etat Il faut également considérer l intervention et la contribution de l Etat dans la valorisation des lieux de mémoire de la Shoah. Il semble que la reconnaissance du génocide juif en tant que mémoire nationale au cours des années 1990 marque une évolution de la politique de mémoire de l Etat en faveur de ces lieux de mémoire. L Etat apporte un soutien moral, technique et financier aux lieux de mémoire étudiés (institutions et projets de réhabilitation et d aménagement des anciens camps d internement), via ses différents ministères et leurs services déconcentrés : - le ministère de la Culture et de la Communication Directions Régionales des Affaires Culturelles - le ministère de la Défense Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives Office National des Anciens Combattants - ministère de l Education nationale Rectorats et Inspections académiques 246 L ancienne gare de Bobigny fut utilisée comme point de départ pour les convois de déportation vers le camp d extermination d Auschwitz de 1943 à 1944n après que la gare de Drancy-Le Bourget fut bombardée par les Alliés. 21 des 79 convois de déportation français partirent de Bobigny. 247 Entretien avec Rémy Knafou, Paris, le 12 octobre Voir la partie suivante, page

107 On peut évoquer, entre autres, l engagement du Rectorat de l académie d Aix-Marseille, qui est depuis 1992, un partenaire essentiel du projet du Camp des Milles. Par sa présence au sein des instances de pilotage et des groupes de travail, il participe à la mise en place d un service éducatif, à la préparation des modalités et des outils pédagogiques de la future institution. 3) Des institutions nationales et internationales reconnues La valorisation des lieux de mémoire de la Shoah implique des partenariats, des collaborations techniques et financières avec des acteurs privés quelque peu spécifiques. a) Le Mémorial de la Shoah Le Mémorial de la Shoah apporte, aux porteurs de projet qui le souhaitent, un soutien technique, une expertise et une expérience historique sur le contenu scientifique, le montage muséographique d aménagements des lieux de mémoire, via un service spécialisé «Aménagement des lieux de mémoire et projets externes». Créée en 2002, au moment où le Centre de Documentation Juive Contemporaine était en pleine mutation, c est-à-dire pendant la phase d élaboration et de mise en œuvre du chantier de ce qui allait devenir le Mémorial de la Shoah, cette entité est «destinée à aider les différents projets [de valorisation] 249». L institution qui se positionne aujourd hui, en Europe, comme le plus grand centre de recherche, d information et de sensibilisation sur l histoire du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est dès lors très régulièrement sollicitée. Olivier Lalieu responsable actuel du service explique que l appui scientifique et historique apporté aux porteurs de projet qu ils soient des institutionnels ou des responsables associatifs est très divers. Le service «Aménagement des lieux de mémoire et projets externes» est d une certaine manière «complémentaire des métiers de la maîtrise d œuvre : il accompagne les porteurs de projet, les aide à être vigilant sur un certain nombre d aspects des dossiers, à faire de bons choix dans la définition non seulement des contenus mais aussi des contenants». Par ailleurs, il s agit aussi pour l institution de créer une synergie entre les différents partenaires, de «faire exister un réseau des lieux de mémoire de la Shoah». 249 Entretien avec Olivier Lalieu, Paris, le 19 mars

108 Le Mémorial de la Shoah a soutenu divers projets et évènements. Il a contribué à la rénovation de l exposition du Pavillon français d Auschwitz, inauguré en janvier 2005 par le président de la République Jacques Chirac 250. Surtout, l institution est investie depuis plusieurs années dans la valorisation patrimoniale de plusieurs anciens camps d internement français. Le Mémorial de la Shoah a en effet signé en 2006 une convention avec l Association Mémoire du Camp des Milles structure porteuse du projet de réhabilitation et d aménagement, le chargeant de l encadrement des recherches iconographiques et documentaires, de l élaboration et de la rédaction des contenus muséographiques, et du suivi de la conception de la future exposition historique. Le Mémorial participe également, en partenariat avec le Centre d étude et de recherche sur les camps d internement du Loiret (Cercil), à la création du Centre d Histoire et de Mémoire à Orléans, projet actuellement en phase de DCE (Dossier de Consultation des Entreprises) 251. Outre un rôle d accompagnement, le Mémorial de la Shoah peut assurer une maîtrise d ouvrage : il est, en effet, engagé en tant que tel, à la demande de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, dans la réalisation d un Centre d histoire et de mémoire, situé à proximité de l ancien camp de Drancy. Cette future institution muséale fonctionnera comme une antenne décentralisée du Mémorial 252. b) La Fondation pour la Mémoire de la Shoah L action du Mémorial de la Shoah ne saurait néanmoins être envisagée sans l appui et le soutien permanent de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (FMS). La Fondation pour la Mémoire de la Shoah est une fondation privée d utilité publique, qui a été créée en 2000, sur les recommandations de la Commission Mattéoli chargée d inventorier et d évaluer les fonds spoliés aux Juifs pendant la guerre et indûment conservés par les administrations de l Etat et les établissements financiers français. La restitution de ces fonds, d une valeur de 393 millions d euros, constitue la dotation de la Fondation qui finance à partir des intérêts de cette dotation, des projets et des institutions. 250 Les visiteurs peuvent ainsi consulter une base de données qui donne des informations concernant les victimes juives de la Shoah en France, rassemblées par le Mémorial de la Shoah. Sur le processus de rénovation du Pavillon français d Auschwitz, voir le dossier de presse mis en ligne par le ministère de la Défense, witz_internet.pdf (consulté le 29 avril 2010). 251 Entretien avec Nathalie Grenon, Orléans, le 18 mars Entretien avec Olivier Lalieu, Paris, le 19 mars

109 La majeure partie du budget annuel de la FMS est attribuée au financement de projets, examinés et évalués à travers cinq commissions thématiques instances d instruction composées de membres bénévoles. Les commissions sont de natures différentes : - la commission «Solidarité», - la commission «Mémoire et Transmission», - la commission «Histoire de l antisémitisme et de la Shoah», - la commission «Enseignement de la Shoah» et, - la commission «Culture juive» 253 La Fondation pour la Mémoire de la Shoah a ainsi financé, depuis sa création, plus de projets. David Amar chargé de mission «Mémoire et Transmission» précise que le nombre de projets traités par la Fondation évolue de façon croissante : 417 projets ont été enregistrés en 2008, contre 361 en 2007 (fig. 26) 254. On remarque, par la lecture du graphique ci-dessous, que plus de la moitié des projets présentés chaque année reçoit le soutien financier de la Fondation. Figure 27 : Evolution du nombre de projets traités par la FMS Source : Rapport d activité 2008, Fondation pour la Mémoire de la Shoah 253 Sur les missions et actions précises de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, voir la retranscription de l entretien accordé le 4 novembre 2009 par David Amar, p ; et également le site Internet de l institution, (consulté de nouveau le 29 avril 2010). 254 Entretien avec David Amar, Paris, le 4 novembre

110 En 2008, les financements, accordés aux 267 projets acceptés, se sont élevés à près de 14 millions d euros (fig. 27). Figure 28: Evolution des financements accordés par la FMS ( ) Source : Rapport d activité 2008, Fondation pour la Mémoire de la Shoah Il faut préciser que la Fondation pour la Mémoire de la Shoah a été conduite, par le contexte économique actuel peu favorable, à un resserrement de ses critères de choix dans tous ses domaines d activité. Cela s est traduit, en 2008, par un accroissement du nombre de projets refusés ou n entrant pas dans le champ d action de la Fondation. L institution s est attachée à maintenir son soutien à certains projets majeurs afin qu ils aboutissent. Il semble que la FMS sera amenée dans les prochaines années à ne financer que les projets définis comme prioritaires dans ses différents domaines 255. La mémoire et la transmission de la Shoah constituent de fait des axes majeurs. La Fondation a pour mission «de contribuer à préserver, perpétuer et transmettre, tant sur le plan régional, national qu international, le souvenir de la déportation des Juifs de France et des discriminations dont ils furent victimes durant l Occupation». L institution apporte dès lors son soutien financier aux projets portant sur l entretien, la réhabilitation ou la création de lieux de mémoire en France, et à l étranger (dans d autres pays liés à la Shoah), et avec lesquels les Juifs de France ont des rapports passés ou présents. 255 Rapport d activité 2008, p

111 Les aides de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah peuvent porter sur : - les manifestations de commémoration locales, régionales, nationales et internationales, en liaison avec le ministère de la Défense, - l édification ou la préservation de mémoriaux (les camps d internement en France, les camps d extermination des Juifs de France en Europe), - la création d expositions et de projets muséographiques, - l édition, la traduction, la diffusion écrite ou audiovisuelle de témoignages des victimes de la Shoah et des «Justes», - la création de documentaires ou œuvres de fiction (cinématographiques, littéraires, artistiques, audiovisuelles) Tout porteur de projet peut demander un financement auprès de la FMS : il doit pour cela constituer et déposer selon une procédure et un calendrier précis un dossier général, composé d un certain nombre d éléments, de pièces et d informations à joindre (fiche projet, devis détaillés, plan de trésorerie, dossier administratif ) 256. Les projets de réhabilitation, de valorisation des lieux de mémoire présentés à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah sont de faite instruits par la Commission «Mémoire et Transmission». Composée d une dizaine de membres venant d horizons différents (historiens, témoins de la Shoah, écrivains, spécialistes), cette commission expertise les demandes, via un ou deux rapporteurs désigné(s) par le Président de ladite commission. Les projets sont expertisés selon des critères rigoureux, qui sont les suivants : - l adéquation du projet avec les objectifs prioritaires de la Fondation, - les compétences du demandeur pour mener à bien le projet, - le caractère novateur (selon le projet), - l opportunité, - l impact attendu, - l utilisation des nouvelles technologies (selon le projet), - la pertinence du budget du projet, l implication financière du porteur du projet, et la justification du montant demandé à la Fondation 256 Les dossiers de demande de financement sont téléchargeables sur le site Internet de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Un exemplaire du dossier «Mémoire et Transmission» est consultable en partie Annexes du présent mémoire, p

112 Le processus d instruction des projets se traduit au final par des recommandations favorables ou défavorables de la commission, qui sont ensuite transmises aux instances de décision de la FMS (Bureau et Conseil d administration). Depuis plusieurs années, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah est associée aux réflexions et études concernant le devenir des lieux de mémoire de la Shoah, en France mais également à l étranger 257. La Fondation s investit activement dans les projets d aménagement et de valorisation des anciens camps d internement et de déportation français. L institution s est ainsi engagée en 2005 à financer sur plusieurs années, à hauteur de 2,5 millions d euros, le projet «Mémoire du Camp des Milles». Ce soutien constitue à ce jour l un des engagements financiers les plus importants de la FMS. En outre, elle intervient également dans la mise en œuvre des projets de création de Centres d Histoire et de Mémoire à Orléans, et à Drancy. Le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ne saurait être considéré uniquement comme une aide financière. Les porteurs de projet demandent aussi un «label», un soutien moral, un accompagnement dans la démarche 258. De ce fait, on peut estimer que le soutien de la Fondation est aussi un partenariat intellectuel. En s associant à des projets, l institution garantit en quelque sorte une certaine rigueur et exactitude historique, la qualité et le sérieux des démarches. La Fondation pour la Mémoire de la Shoah, comme le Mémorial de la Shoah, fait parti d un réseau, d un groupe d action internationale œuvrant pour l histoire et la mémoire de la Shoah. En effet, les deux institutions sont affiliées à la Task Force for International Cooperation on Holocaust Education, Remembrance and Research (ITF). Structure créée au printemps 1998 à l initiative de la Suède, l ITF fut formellement constituée en janvier 2000 à l occasion d un grand forum international sur l éducation de la Shoah 259. L organisation, qui regroupe 27 Etats membres, promeut, comme son nom l indique, la coopération sur l éducation, la mémoire et la recherche sur la Shoah. L ITF mène des travaux dans différents domaines d action via des groupes de travail dont un sur les musées et mémoriaux de la Shoah composés d experts de diverses origines, et aux compétences scientifiques et pédagogiques variées. Les lieux de mémoire de la Shoah et leurs aménagements ont, ces dernières années, fait l objet d un certain nombre de réflexions. Le Mémorial de la Shoah a été particulièrement impliqué. 257 Voir la liste des projets soutenus par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, p Entretien avec David Amar, Paris, le 4 novembre Pour une présentation détaillée de l organisation, de ses missions et de ses activités, voir le site Internet, (reconsulté le 5 juin 2010). 111

113 C. L offre culturelle et touristique Les institutions muséales étudiées offrent le même type de «produits», le même type d évènements qu un musée dit «classique» : exposition permanente, manifestations temporaires (expositions temporaires, colloques, conférences), activités culturelles et pédagogiques. Cependant, les enjeux des lieux de mémoire liés à la Shoah sont loin d être à proprement parler «culturels», en effet, ils impliquent de toutes autres dimensions. Parce qu il s agit d une histoire douloureuse et récente, portant sur un sujet complexe aux conséquentes humaines dramatiques, l offre de telles institutions répond et doit être pensée en fonction d impératifs. Aussi, elle se caractérise par une dimension pédagogique qui s avère essentielle et nécessaire, car l Histoire sans explication risque de devenir manipulation. 1) Une offre variée, entre transmission et sensibilisation a) Les parcours muséographiques, outils de «conscientisation citoyenne» La conception et la mise en œuvre des parcours muséographiques, des expositions permanentes traitant de la Shoah s inscrivent dans l évolution de la mémoire collective du génocide juif 260. Pour rappel, la Maison d Izieu a été la première institution muséale en France, spécifiquement consacrée à la persécution des Juifs de France. Deux bâtiments sont en effet ouverts à la visite depuis 1994 : - la maison, «dédiée à la mémoire 261» Lieu où vécurent les enfants et leurs éducateurs, les visiteurs y trouvent une «évocation de l atmosphère de l époque de la colonie et de la présence disparue des enfants 262». La maison n est ainsi pas l objet d une reconstitution muséographique, les concepteurs ayant préféré ne pas «succomber aux dérives mémorielles, ( ) à des expériences muséales sensationnelles, jouant sur l effet de proximité 263». 260 Comme nous l avons vu dans la deuxième grande partie «La Shoah, entre lieux de mémoire et lieux touristiques» de ce présent mémoire, p Présentation de la Maison d Izieu, site internet de l institution, Ibid. 263 Stéphanie Cannoodt, Mémoire(s) de la rafle d Izieu : une histoire en construction, mémoire de maîtrise sous la direction d Annette Becker, Université Paris X Nanterre, 2001, p

114 Des fac-similés de lettres, des dessins, de photographies, traces de la vie quotidienne de la colonie d Izieu, sont exposés dans les différentes pièces de la maison 264. Le dispositif scénographique se veut le plus sobre possible, une signalétique discrète indique l usage de chaque pièce (salle des éducateurs, dortoirs, réfectoire, salle de classe). Le propos développé ne s inscrit pas directement dans un discours historique, mais dans une approche sensible. Les visiteurs ne peuvent rester indifférents face à aux documents, face aux portraits des enfants arrêtés le 8 avril 1944 présentés dans les dortoirs, qui sont autant de supports de transmission des faits historiques. - la grange, «dédiée à l histoire», lieu de réflexion et de présentation historique Réaménagé, l ancien bâtiment agricole propose une exposition permanente, qui retrace l itinéraire et l histoire de quatre familles d enfants de la colonie d Izieu, dans le contexte historique de l Europe de la Seconde Guerre mondiale, depuis leur arrivée en France dans l entre-deux-guerres jusqu à leur déportation. Les histoires singulières sont ainsi mises en regard de l histoire des persécutions antisémites de Vichy et du génocide juif d Europe. L exposition permanente est par ailleurs complétée par des films, notamment un montage inédit des dépositions et des plaidoiries du procès de Klaus Barbie relatives à la rafle d Izieu. Le parcours muséographique proposé à la Maison d Izieu et présenté uniquement en français 265 combine l aspect mémoriel et l aspect historique, l émotion et la réflexion. On retrouve ces deux aspects au Mémorial de la Shoah. L institution parisienne est, en premier lieu, un mémorial, et à ce titre, le Mur des Noms, érigé sur le parvis d entrée, le Mur des Justes et la Crypte 266, située au cœur du Mémorial, rappellent aux visiteurs la fonction originelle mémorielle et commémorative de l édifice. Cependant, le Mémorial de la Shoah ne peut être considéré uniquement comme un lieu de recueillement : il est aussi un «musée de vigilance» conçu pour apprendre et comprendre. L institution offre, dans un vaste espace de 1000 m², une exposition permanente présentée en français et en anglais qui s attache à retracer l histoire des Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale. 264 Les archives originales de la colonie, notamment les lettres et dessins ainsi que certaines photographies, sont conservées à la Bibliothèque nationale de France, au cabinet des Estampes. Elles y ont été placées en 1992 par Sabine Zlatin, soucieuse de leur conservation et protection. 265 Des documents de visite en anglais, allemand et polonais sont néanmoins disponibles à l accueil, et prêtés le temps de la visite aux visiteurs étrangers. 266 Le Mur des Noms porte les noms, prénoms et date de naissance des hommes, femmes et enfants juifs déportés de France entre 1942 et La Crypte est le tombeau symbolique des six millions de Juifs morts sans sépulture. En son centre reposent en effet les cendres des victimes, recueillies dans les camps d extermination. 113

115 Cette histoire est abordée, à travers une grande variété de documents (photographies, textes, documents originaux, fac-similés, objets) dans un parcours chronologique et thématique composé de douze séquences cohérent : - Introduction à l histoire des Juifs de France et en Europe - La montée du nazisme - L occupation de l Europe de l Ouest : de l exclusion des Juifs aux premiers camps - Le pillage des Juifs en France et en Europe - La société civile face à la persécution des Juifs En réalité, et afin de mettre en regard l histoire collective et le témoignage, deux parcours parallèles sont proposés aux visiteurs : l un concernant la France, l autre concernant l Europe. L ensemble s inscrit dans un esprit constant de va-et-vient, une contextualisation indispensable. Le contenu de l exposition permanente est extrêmement dense on peut parler de densité livresque et loin d être facilement appréhendable, et dès lors la muséographie du Mémorial de la Shoah, comme celle des autres lieux de mémoire étudiés, est confrontée à la problématique que rencontre tout les musées d histoire : l élaboration du discours muséal. Comment expliquer, comment faire comprendre cette période tragique de l histoire qu est la Shoah? Il est indéniable que cela est loin d être une tâche simple de vulgarisation à l usage d un large public : la muséographie doit se concilier avec la rigueur scientifique et historique indispensable. Conçue et organisée par des comités ou conseils scientifiques 267, les démarches muséographiques mises en œuvre par les quatre lieux de mémoire se veulent pédagogiques : en effet, plusieurs niveaux de lecture tentent de rendre l approche historique plus «facile» pour les visiteurs et leur permettre d acquérir ou d approfondir des informations de qualité différente. Le jeune public n est pas oublié. Le Mémorial de la Shoah et la Maison d Izieu ont développé un livret d accompagnement ou livret découverte à destination des enfants de 8 à 12 ans, venus en famille, hors du cadre scolaire. Ce livret, élaboré par les services pédagogiques des institutions, permet via des questions, des jeux et des réflexions, de cheminer à l intérieur de l exposition permanente Les conseils scientifiques des quatre institutions muséales étudiées sont constitués des principaux historiens français travaillant sur Vichy, l histoire des Juifs de France pendant la guerre et la Shoah, mais également de conservateurs, de pédagogues. La présence d un conseil scientifique s avère aujourd hui indispensable à la crédibilité des institutions muséales. 268 Le service pédagogique du Mémorial de la Shoah a d ailleurs conçu un parcours spécifique pour les enfants, accompagnés de leurs parents : des repères numérotés de couleur orange leur signalent les documents, les plus adaptés, qui leurs sont «destinés». La Maison d Izieu propose quant à elle, chaque mercredi des vacances 114

116 Outre l approche pédagogique et cognitive, les parcours des institutions se caractérisent aussi par une dimension émotionnelle. L exposition permanente du Mémorial de la Shoah présente vingt et un «destins individuels», répartis tout au long du parcours, sous forme de petites vitrines transparentes contenant des objets et documents personnels, la photographie ainsi que la biographie d une personne déportée. Ce dispositif muséographique vise à montrer que l histoire n est pas seulement des archives, une mémoire collective, mais qu elle est aussi des histoires individuelles et familiales. Figure 29 : Une des salles de l exposition permanente, à mi parcours, Mémorial de la Shoah, Mémorial de la Shoah Figure 30 : Le Mémorial des Enfants, Mémorial de la Shoah, Mémorial de la Shoah scolaires, une visite guidée pour les enfants en famille. Voir la brochure d accueil des publics, (reconsultée le 05 août 2010). 115

117 Sans tomber dans l écueil de la surexposition et d un voyeurisme malsain, les choix muséographiques de la Maison d Izieu et du Mémorial de la Shoah permettent aux visiteurs de «particulariser» leur rapport à la Shoah. Grâce à l individualisation, les victimes ne restent pas des chiffres abstraits et sans visage, mais bien une multitude de personnes aux histoires distinctes. Néanmoins, le choix d une approche émotionnelle peut s avérer être à double tranchant. Elle permet une prise de conscience, de «mieux» sensibiliser ; mais a contrario, elle peut avoir des effets pervers (sacralisation, culpabilité, ), et nuire à l approche historique et pédagogique. Les études de cas précisément le Mémorial de la Shoah et la Maison d Izieu ont réussi à trouver, semble-t-il, un juste équilibre entre l appréhension émotionnelle et l approche cognitive. La logique muséale s accompagne d une logique pédagogique, d une logique de transmission. A travers et au-delà même des expositions permanentes, il s agit en effet de donner à chacun les outils de réflexion sur l histoire, et d amener à un questionnement sur le présent. Lieux d échange et de recherche, les institutions muséales étudiées sont également équipées de centre de ressources et de documentation. Le Mémorial de la Shoah dispose ainsi d un Centre d enseignement multimédia, où chacun peut consulter librement via des postes de consultation et de visionnage un nombre important de documents audiovisuels et sonores (témoignages de survivants, fictions, documentaires, archives radiophoniques et musicales, ), et dès lors compléter la visite du musée et/ou des expositions temporaires. L offre mise en œuvre à destination du public individuels et groupes s inscrit dans une démarche de «conscientisation citoyenne» du visiteur : ce dernier est amené à conduire son propre questionnement. Chacun des lieux tend donc à rendre compte du «pourquoi» et pas uniquement du «comment» de cette histoire. Il s agit de tenter de susciter des réflexions ou des prises de conscience en tissant des liens entre le passé et le présent. Le futur Mémorial du Camp des Milles se positionne d ailleurs comme une institution innovante en la matière. Outre la présentation d une information historique sur le camp et ses acteurs (volet «connaissance») et l ouverture au public du lieu de mémoire en lui-même (volet «émotion»), le projet de réhabilitation et d aménagement comprend la création d un «espace réflexif», appelé provisoirement «Comprendre pour agir» Pour plus d informations, voir (reconsulté le 05 août 2010). 116

118 Cet espace est, d après l Association Mémoire du Camp des Milles, une «réalisation pédagogique unique au monde dans un lieu de mémoire, qui reposera aussi sur l interpellation et l implication du visiteur par des dispositifs interactifs et multilingues 270». Inscrit dans le prolongement de la visite de l exposition permanente et du lieu de mémoire, il tend à s apparenter à une sorte de «station expérimentale» au cours de laquelle, par divers dispositifs (films, archives sonores, bornes interactives), le visiteur est amené à s interroger sur les mécanismes qui conduisent de «la haine ordinaire au crime contre l humanité 271». b) Activités culturelles et pédagogiques Les lieux de mémoire étudiés s attachent à proposer à l instar de nombreuses institutions muséales une programmation culturelle et scientifique, et des activités diversifiées tout au long de l année, qui sont : - visites guidées - expositions temporaires - conférences, colloques - présentations de livres - rencontres avec des témoins - projections de films, représentations théâtrales - ateliers culturels et pédagogiques - visites de lieux de mémoire Ces activités prolongent et complètent indubitablement le parcours muséographique. Elles sont autant de moyens de diffuser, de mieux «comprendre cette période tragique de l histoire, [de] la transmettre aux nouvelles générations et lutter contre le retour de toute forme d intolérance 272». Car les lieux de mémoire de la Shoah ne sont en aucun cas des lieux «figés dans le passé», au contraire, ils se veulent être des lieux de réflexion et d apprentissage, tournés vers le présent et l avenir. 270 Ibid. 271 Ibid. 272 Brochure de présentation du Mémorial de la Shoah, à destination des visiteurs. 117

119 Les activités tendent à s adresser au plus grand nombre, à tous les publics sans exception, individuels et groupes (familles, groupes jeunes et adultes, scolaires). Le public scolaire constitue a fortiori le cœur de cible de la médiation culturelle des lieux de mémoire, et ce dans cet enjeu sociétal de transmission. Les institutions muséales offrent un large choix de prestations, d activités destinées aux élèves des écoles primaires, des collèges et des lycées : - visites guidées - ateliers pédagogiques - parcours au sein des musées - projections-rencontres - visites de lieux de mémoire Plusieurs formules de visites adaptées pour chaque niveau scolaire sont donc proposées, en fonction du temps que les enseignants désirent consacrer au sujet et à l approfondissement de certains thèmes. Néanmoins, aucun des lieux de mémoire étudiés n est conçu et pensé comme exclusivement destiné aux jeunes et au public scolaire. Leurs expositions permanentes, ainsi que le contenu des activités, notamment culturelles, qu ils proposent en attestent. En effet, le Mémorial de la Shoah et le Cercil ont mis en place des ateliers d écriture pour adultes. Cette offre, assez récente dans la programmation des deux institutions, s inscrit dans un esprit d interdisciplinarité. A travers la pratique de l écriture, il s agit pour les participants, d apprendre et de représenter, de questionner l histoire et la mémoire dans une démarche créative. Ces ateliers destinés à un public de proximité sont également des lieux de rencontre, d écoute et de partage intergénérationnel. De fait, les institutions se positionnent aussi comme des «lieux de vie», des lieux où les actions de sensibilisation ne sont pas strictement redondantes avec l enseignement, l éducation scolaire. 118

120 Au regard des objectifs d éducation, de sensibilisation et de transmission inhérents, les activités des lieux de mémoire de la Shoah s étendent également au-delà de leurs murs. La Maison d Izieu, le Mémorial de la Shoah et le Cercil développent des expositions itinérantes, qui sont mises à la disposition des établissements scolaires, d institutions, de collectivités et associations, de centres culturels et musées qui en font la demande 273, aussi bien en France qu à l étranger (pays européens, Etats-Unis etc.). Une convention de prêt est ainsi signée entre le lieu de mémoire et l emprunteur. Ce dernier, en plus d un coût de location, s engage à assurer l exposition et à prendre en charge le transport. A travers ces expositions itinérantes, les lieux de mémoire de la Shoah tendent à accroître leur visibilité auprès de différents publics 274. Outre des activités classiques (expositions, conférences, rencontres, lectures, ) développées «hors les murs», les institutions étudiées proposent aussi des visites de lieux de mémoire, en particulier à destination du public scolaire. Le Mémorial de la Shoah organise, depuis plus de 10 ans maintenant, des voyages d étude sur le site du camp de concentration et d extermination d Auschwitz-Birkenau, encadrés par des rescapés et des accompagnateurs-historiens. Destinés aux lycéens, ces voyages d étude «s inscrivent au cœur d une véritable démarche éducative, qui repose sur une préparation approfondie, sur une mise à disposition d outils pédagogiques adaptés et exclusifs, sur un encadrement qualifié et un suivi rigoureux après le voyage 275». Cependant, les scolaires ne sont pas le seul public visé par cette offre. En effet, le Mémorial organise également chaque année, pour les individuels et les collectivités, des voyages de mémoire : - visites d une journée sur le site d Auschwitz-Birkenau, - séjours en Pologne et à Berlin sur les lieux de mémoire et les traces de la vie juive avant la guerre. 273 Ces expositions itinérantes abordent ainsi toutes des thèmes autour de la Shoah. Voir les catalogues des expositions proposées par le Mémorial de la Shoah, et la Maison d Izieu, (consultés le 26 juin 2010). 274 Les demandes pour les expositions itinérantes mises à disposition par les institutions muséales de la Shoah sont en constante progression depuis ces dernières années. 275 Voir le mini-site Internet dédié «Voyages d étude à Auschwitz», (consulté le 26 juin 2010). 119

121 L organisation de ces voyages développés par l institution parisienne est confiée à son service des lieux de mémoire. Les voyages d une journée se déroulent selon un programme standard, modulé en fonction des connaissances ou des centres d intérêts des participants personnes ont ainsi participé en 2009 à ces voyages de mémoire. Outre le Mémorial de la Shoah, le Cercil organise régulièrement, depuis 2007, des visites, sur le site même de l ancien camp de Pithiviers. D une durée variant entre 1h30 et 3h, ces visites prennent la forme d un parcours «itinéraire de la mémoire» basé sur des repères spatiaux permettant de situer le camp (voie ferrée, silo, infirmerie, ), des photographies (d époque et récentes), des documents d archives (lettres, cartes, plans du camp, photographies aériennes de 1947, ) et des histoires de vie 277. Les demandes de visites sont nombreuses. Le Cercil est obligé de procéder à des refus : l institution ne peut pour des raisons de logistique et également de disponibilité suffisante de son équipe satisfaire toutes les sollicitations. De ce fait, sont privilégiées les visites qui s inscrivent dans le cadre d un projet global, d un projet pédagogique cohérent 278. Néanmoins, il faut signaler que des visites de l ancien camp d internement sont organisées à l occasion des Journées européennes du patrimoine, en lien avec l Office de tourisme de Pithiviers 279. Face à une demande de visites en constante progression, tant en provenance des enseignants que des individuels, le Cercil réfléchit à une valorisation muséographique in situ des anciens camps d internement du Loiret (installation de panneaux informatifs et didactiques, audioguides). L institution travaille actuellement à la conception «d un dépliant à destination des offices de tourisme, permettant aux visiteurs, touristes et public local, de prendre connaissance de ces faits historiques, et d éventuellement pratiquer en autonomie ce chemin de la mémoire 280». Ainsi, l objectif poursuivi est de créer un circuit, une mise en réseau des camps d internement du Loiret : le Centre d histoire et de mémoire d Orléans (dont l ouverture est prévue en janvier 2011), les anciens camps de Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Jargeau, et les fermes de Sologne. 276 Pour connaître le déroulé et les modalités des voyages de mémoire organisés par le Mémorial de la Shoah, voir le site Internet de l institution, (consulté le 26 juin 2010), J ai pu suivre une visite de l ancien camp de Pithiviers, qui a été organisée le 6 avril 2010 pour un groupe de jeunes allemands, venus de Munster dans le cadre d un jumelage. Voir le «reportage» de cette visite, en Annexes 7, pages Entretien avec Nathalie Grenon, Orléans, 18 mars Outre l ancien camp de Pithiviers, le Cercil propose également, lors de ces Journées, la visite des fermes de Sologne, qui servaient d annexes aux camps du Loiret. 280 Rapport d activité 2009, Cercil, p

122 Par ailleurs, et afin d aborder l histoire de la Shoah à travers différentes thématiques, certains des lieux de mémoire étudiés ont développé des parcours inter-musées. Le Mémorial de la Shoah propose en effet des parcours, en partenariat avec le Musée de l Armée, les Archives Nationales, le Musée d Art et d Histoire du Judaïsme, et la Maison d Izieu. Cette dernière propose également un parcours inter-musées, «Regards croisés, Savoirs partagés», avec le Musée gallo-romain d Aoste (Isère) et l Observatoire de la Lèbe (Ain). Présents sur un même territoire et cependant très différents par leurs thématiques, ces structures auxquelles il faut ajouter les Amis de la Réserve Naturelle du Marais de Lavours (Ain) se sont associées «pour faire découvrir leurs richesses naturelles, scientifiques, historiques et patrimoniales ( ) et proposer une découverte du patrimoine avec les questionnements du temps présent 281». En travaillant sur des thèmes comme la mémoire, le respect de l autre, de son environnement et de son histoire, les quatre institutions muséales souhaitent proposer «une découverte du patrimoine avec les questionnements du temps présent, et développer un tourisme ouvert sur le monde et citoyen 282». Les parcours inter-musées mis en place par le Mémorial de la Shoah et la Maison d Izieu constituent une offre évidemment intéressante d un point de vue culturel, dans la mesure où elle permet d enrichir le contenu, de le resituer et de le recontextualiser, et de faire ainsi une mise en regard de l histoire. Depuis ces dernières années, les lieux de mémoire de la Shoah se sont engagés très activement dans la mise en réseau d activités de réflexion et de recherche. Des partenariats sont développés, tant au niveau international avec diverses institutions homologues, tournées vers l histoire et la mémoire de la Shoah, et de la Seconde Guerre mondiale qu au niveau national. Le Mémorial de la Shoah, la Maison d Izieu et le Cercil participent à groupe de travail, «Réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains», mis en place par la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives 283. En outre, il ne faut pas omettre l importance des réseaux régionaux, tel le Réseau MEMORHA réseau de lieux de mémoires et d histoire et d universitaires constitué en 2007, en région Rhône-Alpes, pour comparer les histoires et les mémoires de la résistance et de la guerre de Brochure d accueil des publics de la Maison d Izieu, (consultée le 9 juillet 2010). 282 Ibid. 283 Voir la rubrique «Musées et mémoriaux des conflits contemporains» sur le site Internet du ministère de la Défense, (consultée le 25 juillet 2010). 121

123 La Maison d Izieu fait partie des membres très actifs de ce réseau 284, avec d autres lieux d histoire et de mémoire répartis sur le territoire rhône-alpin (Centre d Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon, Centre du Patrimoine Arménien de Valence, Site national historique de la Résistance en Vercors etc.) 285. Le réseau MEMORHA a pour objectif de mettre en perspective les expériences et les réflexions de sites historiques et mémoriels de la guerre et de la Résistance en région Rhône-Alpes avec celles de différents sites européens (Allemagne, Italie, Espagne), que ce soit en termes de contenus, de muséographie et de scénographie, de renouvellement des publics. 2) Fréquentation et publics La fréquentation des lieux de mémoire liés à la Shoah en France ne peut être concrètement analysée qu au regard des institutions muséales déjà existantes, à savoir la Maison-Mémorial des enfants juifs exterminés d Izieu et le Mémorial de la Shoah. La Maison d Izieu a ainsi reçu près de visiteurs, depuis son ouverture en Le graphique ci-dessous (fig. 30) montre que depuis les années 2000, la fréquentation totale s échelonne entre et visiteurs par an 287. La fréquentation a toutefois connu, en 2007, une augmentation exceptionnelle ( visiteurs), suite à une «médiatisation télévisuelle», en l occurrence la diffusion du téléfilm La dame d Izieu, en mars 2007 sur TF La fréquentation de la Maison d Izieu doit être cependant quelque peu «nuancée». Les groupes scolaires constituent, sans surprise, près de la moitié des visiteurs (43 %). Le nombre de scolaires a d ailleurs plus que doublé en 10 ans : élèves pour 1997 / 1998 contre pour l année 2007 / A contrario, le nombre de visiteurs adultes (individuels et groupes) diminue largement de moitié depuis l ouverture : en 1994 contre en Il faut préciser que l institution assure la gestion des activités du réseau MEMORHA. 285 La liste des membres que les actualités et les travaux du réseau sont consultables sur le blog Réseau MEMORHA, (consulté le 9 juillet 2010). 286 Rapport d activités 2008, Maison-Mémorial des enfants juifs exterminés d Izieu. Voir également, en partie Annexes, le tableau de la fréquentation de la Maison d Izieu depuis son ouverture, page Ces chiffres de fréquentation sont les mêmes pour la très grande majorité des sites culturels français. 288 Voir le lien suivant (consulté le 10 juin 2010). 122

124 Gr. adultes Gr. scolaires Adultes Fréquentation totale Figure 31 : Fréquentations de la Maison d Izieu depuis son ouverture Source : Chiffres de fréquentation, Rapport d activités 2008 de la Maison d Izieu Le Mémorial de la Shoah a, quant à lui, accueilli en 2009 environ visiteurs, dont environ scolaires 289. La fréquentation du Mémorial semble en progression depuis , après avoir connu une baisse «naturelle» l année qui a suivi l ouverture 290. Les fréquentations de la Maison d Izieu et du Mémorial de la Shoah doivent être plus généralement replacées dans celle globale des musées, des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale en France (tableau 2) 291. La fréquentation est ainsi très variable d un site à l autre, mais également d une année sur l autre. Le Mémorial de Caen est de loin l institution muséale qui reçoit le plus de visiteurs par an, entre et Le site du Struthof et le Mémorial de la Shoah «arrivent en seconde position», avec une fréquentation comprise entre et visiteurs, etc. 289 Entretien avec Isabelle Plichon, responsable du service Communication au Mémorial de la Shoah, Paris, le 12 avril La fréquentation est ainsi passée de (2005) à visiteurs en Il faut préciser que ce tableau des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale n est pas exhaustif. 123

125 Camp de concentration du Struthof (67) Centre de la Mémoire d Oradour-sur- Glane (87) Centre d Histoire, de la Résistance et de la Déportation de Lyon (69) Maison d Izieu (01) Mémorial de la Paix - Caen (14) Mémorial de la Shoah (75) Mémorial de Compiègne-Royallieu (60) Musée d Arromanches 360 (14) N.B. : Les chiffres indiqués correspondent au nombre total de visiteurs (payants et non payants, individuels et groupes) Tableau 2 : Fréquentation de quelques lieux de mémoire français de la Seconde Guerre mondiale ( ) Sources : La fréquentation des sites et manifestations touristiques en France métropolitaine depuis une quinzaine d années, ODIT France ; CRT et CDT ; Institutions muséales Les chiffres de fréquentation des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale, et plus généralement ceux des sites culturels, sont corrélatifs à un certain nombre d éléments : la notoriété, la localisation, l environnement touristique, la capacité d accueil, la promotion, etc. Une fréquentation importante ne constitue pas l objectif principal des «gestionnaires» des lieux de mémoire attachés à la Shoah. Toutefois, les institutions muséales étudiées s attachent à attirer le plus grand nombre de visiteurs possible, non pas dans une logique économique, de rentabilisation, d exploitation touristique développée par certains lieux et musées de la Seconde Guerre mondiale, tels ceux situés en Normandie, mais dans une logique a priori «citoyenne», de sensibilisation et de transmission. Les lieux de mémoire tendent donc à toucher un large public, transgénérationnel. A commencer par les scolaires, qui constituent, sans surprise, un public captif important. 124

126 Les groupes scolaires reçus par les services pédagogiques de la Maison d Izieu et le Mémorial de la Shoah sont très nombreux. La visite des lieux de mémoire de la Shoah s adresse tout aussi bien aux élèves de l école primaire, aux collégiens et aux lycéens qu aux étudiants. Le nombre de demandes de visites et d activités pédagogiques est en constante augmentation 292. Faute d espaces et de médiateurs en nombre suffisant, les institutions muséales ne peuvent prendre en compte toutes les demandes, et sont dès lors obligées de procéder à des refus, dans un souci de qualité de la prise en charge, et de qualité de l offre pédagogique. L accueil du public scolaire est ainsi, en terme éducatif, un véritable enjeu pour les lieux de mémoire, et plus généralement pour les équipements culturels. Ce public pose la question de «l enfant prescripteur». Considérés comme le «public de demain», les scolaires tendent en effet à jouer un rôle de prescripteur envers leurs familles 293. Le service pédagogique du Mémorial de la Shoah l a bien compris : il travaille actuellement à l élaboration d un dossier-journal que les élèves pourraient ramener chez eux, et qui serait consultable par les autres membres de la famille 294. Outre les scolaires, les lieux de mémoire liés à la Shoah accueillent un public de visiteurs individuels. Quelques enquêtes internes ont été faites par le Mémorial de la Shoah, notamment à l occasion des expositions temporaires, pour justement connaître le profil et les motivations de ces visiteurs. Les données obtenues montrent que ce profil correspond à celui des lieux culturels 295. On constate une forte présence des retraités et des catégories professionnelles supérieures (cadres, professions libérales, enseignants), soit des visiteurs qui ont des pratiques culturelles régulières 296. Les motivations principales de visite sont l intérêt pour l histoire, la volonté de se cultiver, la curiosité. L hommage à un parent disparu ou ayant vécu la période historique reste un motif de visite, mais qui semble s estomper peu à peu, au fil des années. Par ailleurs, il s agit pour l essentiel d un public de proximité. En effet, les visiteurs individuels de la Maison d Izieu viennent principalement de la région Rhône-Alpes, des grandes villes comme Lyon, Grenoble, Saint-Etienne. 292 Entretien avec Jacques-Olivier David, coordinateur des activités pédagogiques au Mémorial de la Shoah, Paris, le 7 mai Entretien avec Nathalie Grenon, Orléans, le 18 mars Voir l article de Luc Bonnin et Amélie de Fonclare, «N oubliez pas les scolaires!», Anticiper le vieillissement des destinations, Collection Revue Espaces n 235, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, mars 2006, p Entretien avec Isabelle Plichon, le 12 avril Ibid. 296 Voir la publication d Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des Français à l ère numérique. Eléments de synthèse , Editions La Découverte / Ministère de la Culture et de la Communication, 2009, (consultée le 27 juin 2010). 125

127 Les institutions muséales étudiées s attachent à proposer une programmation et des activités en plus grand nombre pour continuer à accueillir le public local, les habitués des lieux que pour attirer de nouveaux publics. Aussi, la dimension touristique ne semble pas omise. Au public local, s ajoute un public estival. Un travail de visibilité est réalisé par le Mémorial de la Shoah pour attirer le public touristique. Pour ce faire, des dépliants bilingues français / anglais, italien / espagnol sont produits et diffusés très largement de juin à septembre, lors de la saison touristique, dans les lieux de passage et d information : aéroports, offices de tourisme, hébergements, bateaux-mouches etc 297. Le Mémorial de la Shoah est intégré dans l offre culturelle parisienne. Localisé au cœur du Marais, à proximité d institutions culturelles telles la Maison Victor Hugo, le musée Carnavalet, le musée Picasso, le Mémorial ne reçoit cependant pas «un tourisme de masse, étant donné la concurrence sur Paris, entre les différents sites et musées à visiter 298». La dimension touristique est également présente dans les projets de réhabilitation et d aménagement des anciens camps français d internement, tel le camp des Milles. Lieu de mémoire à vocation pédagogique, le futur mémorial semble pensé aussi comme un équipement culturel, susceptible d attirer les touristes présents dans la région Provence-Alpes- Côte-d Azur. La création d un mémorial est «une manière de diversifier l offre touristique 299». En outre, le potentiel touristique, la position géographique du site, sa localisation dans une région extrêmement visitée, la proximité avec d importants axes de communication routiers, ferroviaires et aériens sont mis en avant, dans les études de préfiguration, comme l un des principaux atouts du projet 300. En effet, une étude du potentiel de fréquentation du futur site, réalisée en 2004 par le Laboratoire Culture et Communication de l Université d Avignon, mis ainsi l accent sur ces facteurs positifs, «sur l existence dans le sud de la France et dans la région d Aix d un flux conséquent de touristes français et étrangers 301». 297 Un dépliant français-anglais est visible dans la partie Annexe, page Entretien avec Isabelle Plichon, Paris, 12 avril Entretien avec Rémy Knafou, Paris, le 12 octobre Voir la retranscription de l entretien, p Présentation de l opération - Note de synthèse et annexes, «Fondation du Camp des Milles : Mémoire et Education», mars 2009, p. 2. La dimension touristique est également présente dans le projet du Mémorial de Rivesaltes, voir le site Internet du Conseil général des Pyrénées-Orientales, (reconsulté le 27 juin 2010). 301 Une petite synthèse de l étude est disponible sur le site Internet institutionnel du Camp des Milles, à l adresse suivante, (reconsultée le 27 juin 2010). 126

128 3) Communication et Promotion a) Une communication spécifique? La communication est devenue un élément dont il faut tenir compte : elle s avère aujourd hui indispensable dans un monde où les médias sont omniprésents et influencent très largement les visiteurs. A l instar de nombreuses institutions muséales, les lieux de mémoire étudiés tendent à avoir une visibilité, à faire connaître leurs actions à la plus large audience possible. Pour ce faire, le Mémorial de la Shoah dispose d un service dédié spécifiquement à la communication. La création de l institution a en effet nécessité la mise en place d une stratégie de communication globale, autour et après l ouverture : conception et réalisation de supports de communication, achat d espaces d affichage, mise en place d une stratégie de relations presse et de partenariats, évaluation des cibles de publics, conception d une stratégie de communication par thème et par activité, création d une identité visuelle 302. La communication peut également être externalisée, comme au Camp des Milles. L Association Mémoire du Camp des Milles bénéficie d un mécénat de compétences : le groupe Aegis Media accompagne l association dans sa communication, sa production évènementielle, et son site Internet. La communication des institutions muséales liées à la Shoah passe, sans surprise, par des supports de communication classiques : dépliants, affiches, articles de presse Il ne faut cependant pas omettre le rôle d Internet, qui s est considérablement accru depuis la dernière décennie. Les sites Web constituent désormais un outil de communication important voire indispensable quant à la valorisation des sites culturels. Cependant, le fait de disposer d un site Internet ne suffit pas ; il faut que le contenu soit lisible et de qualité, et qu il fournisse des informations utiles à la compréhension du lieu visité. Les lieux de mémoire étudiés possèdent chacun un site Internet, plus ou moins bien conçus, plus ou moins complets 303. Le site du Mémorial de la Shoah, créé en , s est donné la capacité de toucher un large public tout en valorisant la gamme des outils d information scientifique et de sensibilisation qu il met à disposition des visiteurs. 302 Rapport moral du Mémorial du martyr juif inconnu Centre de documentation juive contemporaine, Certains des sites Internet tendent à être repensés et sont actuellement en cours de refonte, comme celui de la Maison d Izieu et du Camp des Milles. 127

129 Le site Internet ne se contente pas d être une «vitrine» de l institution : il entend aussi répondre aux demandes du grand public comme à celles des professionnels, des publics plus spécifiques (universitaires, historiens, professeurs) auxquels il propose des outils de recherche performants, dont une encyclopédie multimédia de la Shoah. Outre la présentation de l institution (historique, informations pratiques, programme des activités pédagogiques téléchargeables etc.), le site Internet propose une visite virtuelle, présente des ressources audiovisuelles (témoignages d anciens déportés, conférences de l auditorium diffusées dans leur intégralité), détaille également les expositions 304 et les publications, et induit de nombreux liens autour des thèmes de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah. Les visiteurs-internautes ont donc facilement accès à un ensemble d informations assez complet et lisible : les différentes rubriques sont hiérarchisées et ciblées, et régulièrement actualisées. Figure 32 : Site Internet de l exposition Filmer les camps, John Ford, Samuel Fuller, Georges Stevens, de Hollywood à Nuremberg, Mémorial de la Shoah Source : Mise en ligne de sites thématiques d expositions temporaires, que le Mémorial de la Shoah a accueillies ou aidé à concevoir. 128

130 La communication du Mémorial de la Shoah ne s inscrit pas uniquement dans un cadre institutionnel. En effet, l institution muséale a mis en place «un espace d échange et de partage», au travers des réseaux sociaux que sont Facebook, Twitter, YouTube, Dailymotion, «afin que chacun puisse œuvrer pour la transmission mémorielle» 305. Aussi, la démarche du Mémorial de la Shoah n est pas surprenante étant donné qu il s attache à développer de nouvelles méthodes, de nouveaux outils qui permettent de transmettre l histoire et la mémoire du génocide juif, de sensibiliser les nouvelles générations qui n ont pas connu les faits. Parce qu il s agit d une histoire douloureuse, portant sur un sujet complexe, la communication des institutions muséales liées à la Shoah répond à des impératifs spécifiques. Le sujet impose une sobriété quasi évidente. Il est évidemment difficile de faire, à l instar de musées nord américains de la Shoah, une «communication attractive», une «communication marketing». La communication des lieux de mémoire de la Shoah emprunte une approche scientifique. Pour Isabelle Plichon, une vigilance est plus que nécessaire, en ce qui concerne notamment la terminologie. Le terme «devoir de mémoire» n est ainsi pas employé. Il ne s agit ni de faire un discours moralisateur, ni d être dans le registre du sensationnel, du pathos. Le message se veut avant tout pédagogique. Aussi, les lieux de mémoire font par ailleurs attention à ne pas tomber dans l écueil des raccourcis ils communiquent non pas sur «la transmission de la Shoah» mais sur «la transmission de l histoire de la Shoah» 306, et s attachent à «rester neutre par rapport à des problématiques amalgames [conflit israélopalestinien ]». 305 Voir la rubrique «Le Mémorial sur la Toile», (consultée le 9 juillet 2010). 306 Entretien avec Isabelle Plichon, 12 avril

131 b) Lieux de mémoire et promotion touristique Les institutions muséales précisément celles déjà ouvertes au public, à savoir la Maison d Izieu et le Mémorial de la Shoah sont intégrées dans une offre culturelle et touristique locale et régionale 307. Les gestionnaires de ces lieux de mémoire travaillent ou souhaitent travailler avec les professionnels du tourisme. Le service Communication du Mémorial de la Shoah a organisé en 2009, en collaboration avec l Office de Tourisme et des Congrès de Paris, une visite du Mémorial à destination des professionnels du tourisme (tour-opérateurs, autocaristes, agences réceptives, etc.) 308. Cet éductour, qui a réuni une soixantaine de personnes, a permis de mieux faire connaître l institution parisienne et son offre, et également de «connaître les attentes des professionnels du tourisme, en particulier celles des guides-conférenciers indépendants 309». En outre, le Mémorial de la Shoah participe depuis 2007 au «Forum des loisirs culturels : musées, monuments de Paris et d Ile-de-France». Ce forum, créé en 2002 à l initiative de sites culturels parisiens et franciliens, a pour objectif de présenter les collections et les offres (services, programmations, locations d espace ) de plus de 100 musées, monuments, châteaux de Paris et d Ile-de-France aux professionnels du tourisme de loisirs et d affaires adhérents de l Office de Tourisme de Paris, aux collectivités territoriales, aux associations et comités d entreprise 310. On peut également évoquer les relations régulières qu entretient le CERCIL avec l Office de tourisme de Pithiviers, en ce qui concerne les visites de l ancien camp de Pithiviers et les fermes de Sologne, annexes des camps d internements du Loiret. La conception d un dépliant à destination des offices de tourisme est actuellement en projet La consultation des sites Internet des Offices de tourisme de Paris, du Pays de l Huis et d Izieu, des Comités départementaux et régionaux du tourisme montrent que la Maison d Izieu et le Mémorial de la Shoah sont référencés et intégrés. 308 Entretien avec Isabelle Plichon, Paris, le 12 avril Ibid. 310 Voir la présentation de l offre du Mémorial de la Shoah à l occasion de la 7 ème édition de ce Forum, qui s est déroulé au musée du Quai Branly en 2009, (consultée le 6 juin 2010). 311 Entretien avec Nathalie Grenon, 18 mars

132 Conclusion Les lieux relatifs à l internement et à la persécution des Juifs de France bénéficient donc depuis une vingtaine d années maintenant d un essor particulier. Normalisés, délaissés voire oubliés pendant des décennies, ils sont devenus non sans certaines disparités et difficultés un patrimoine, un héritage historique et mémoriel qu il convient aujourd hui de protéger, de préserver. Cette reconnaissance patrimoniale doit être replacée dans une évolution mémorielle, dans la construction d une mémoire collective de la Shoah, inscrite définitivement dans la communauté nationale, en 1995, avec le discours de Jacques Chirac. La reconnaissance officielle de la responsabilité et de la complicité de l Etat français s est accompagnée d une (re)découverte, et d une volonté de mettre en valeur les lieux, les traces liés au souvenir du génocide juif. La valorisation des «lieux de mémoire» de la Shoah atteste, sans aucun doute, d une évolution et d une transformation des politiques de transmission des traces de l évènement. Les lieux de mémoire rassemblent divers acteurs, des représentants des institutions publiques aux historiens et professionnels des musées, sans oublier les témoins de leur histoire, les militants de la mémoire, de nombreux acteurs associatifs et de la société civile, qui bien souvent impulsent la mise en mémoire et la mise en valeur. On entend donc par valorisation des lieux de mémoire de la Shoah une appropriation et un réinvestissement de l espace. Cette valorisation commémorative s est mise en place très tôt sur certains lieux (Maison d Izieu, camps d internement du Loiret, ) ou au contraire de façon tardive (camp des Milles, camp de Rivesaltes, ). Portée par une mémoire individuelle et/ou locale, elle se traduit par un marquage de l espace, avec l érection de dispositifs mémoriels : mémoriaux in situ et non in situ (Mémorial du martyr juif inconnu à Paris, Yad Vashem à Jérusalem), stèles, plaques, œuvres monumentales. Toutefois, la valorisation commémorative ne peut être réduite à une seule fonction mémorielle, puisqu elle s est, à la fin des années 1980, accompagnée d une volonté de présenter une information historique sur les lieux mêmes de la tragédie. Des «wagons-témoins» ont été ainsi installés et aménagés, des visites guidées ont commencé à être organisées, à destination de scolaires et de groupes. 131

133 Cette valorisation commémorative n apparaît aujourd hui plus suffisante pour les acteurs concernés, en particulier les associations et les militants de la mémoire. La question de la transmission de la Shoah s impose depuis la dernière décennie comme une problématique majeure, au moment précis de ce basculement où les derniers témoins, les derniers survivants sont en passe de disparaître. D où une volonté de mettre en place une valorisation muséographique, des institutions muséales spécifiques afin de transmettre l histoire et la mémoire du génocide juif à des générations qui n ont pas connu les faits. On entend par valorisation muséographique la mise en place d outils de médiation permettant de rendre visible et lisible les traces, de donner au public l information la plus juste possible sur les évènements qui se sont déroulés. Il n existe pas vraiment une mise en valeur muséographique caractéristique des lieux de mémoire de la Shoah. Les aménagements sont tous spécifiques aux lieux concernés : ils peuvent aller de la pose de panneaux explicatifs à la création d un musée. Les projets diffèrent de par l histoire des lieux, et de par les objectifs des porteurs de projets (associations, fondations, collectivités territoriales). Appréhender ce type de patrimoine est loin d être évident, tant du point de vue de la conservation que de l aménagement muséographique. La question de l authenticité se pose dès lors. L aménagement des lieux de mémoire de la Shoah doit être d abord pensé selon un impératif de préservation. Il ne s agit pas de reconstruire, de reconstituer les lieux qu ils étaient pendant la Seconde guerre mondiale. Cela aurait indéniablement un sens de théâtralisation et annihilerait le sens et les valeurs immatérielles dont sont porteurs les lieux de mémoire. A contrario, la préservation de tels lieux ne doit pas non plus s inscrire dans une démarche de «sanctuarisation», de conservation de reliques. La valorisation des lieux de mémoire français (et européens) de la Shoah s apparente à une réhabilitation des traces de cette histoire. Des institutions muséales ont été aménagées ou construites. Qui dit musée, dit choix d un médium, d une conservation, d une exposition et d une communication. Bien qu ayant leurs propres spécificités, les parcours muséographiques des lieux de mémoire français liée à la Shoah possèdent des traits et des principes directeurs communs. Ils combinent deux aspects, approches : l aspect mémoriel et l aspect historique, l émotion et la réflexion. 132

134 Les études de cas français étudiées (Maison d Izieu, Mémorial de la Shoah, Mémorial du camp des Milles et le Centre d histoire et de mémoire sur les camps d internement du Loiret) ont réussi à trouver un juste équilibre, entre une approche cognitive et une approche émotionnelle. En outre, les parcours proposés se caractérisent par une muséographie discrète, une scénographie sobre, sans mise en spectacle de la guerre et des persécutions antisémites, ni expérience muséale sensationnelle qui jouerait sur l effet de proximité. Au-delà des parcours, il s agit également de mettre en place une médiation, une offre culturelle et pédagogique de qualité à destination de tous visiteurs, jeunes, familles et adultes sans exception. La visite des lieux de mémoire (de la Shoah) se rattache aujourd hui au «tourisme de mémoire». L ouverture au public implique indubitablement des nécessaires aménagements, obligeant ainsi les gestionnaires, les porteurs de projets à intégrer la dimension touristique, que ce soit en termes d accueil, de programmation, de communication etc. L ouverture au public paraît être aujourd hui une condition de durabilité pour les lieux de mémoire. Néanmoins, cette durabilité n est jamais pleinement assurée : la fréquentation, essentiellement scolaire, est en effet variable et disparate d un lieu de mémoire à l autre. Les lieux de mémoire français de la Shoah ne sont pas devenus des sites touristiques, contrairement aux lieux de mémoire allemands et polonais liés à la persécution et à l extermination de la population juive d Europe. L ancien camp d Auschwitz-Birkenau est devenu, pour différentes raisons, une véritable destination touristique. Plus d un million de personnes, venues du monde entier, visitent chaque année le site. L exemple d Auschwitz est particulièrement significatif de la complexité, voire de la difficulté de «mettre en tourisme» des lieux de mémoire tragiques, de concilier l ouverture au public et le respect mémoriel, la préservation de valeurs hautement immatérielles. Les limites de l exploitation touristique sont ici dépassées, du fait notamment de l absence de planification des flux, d une mauvaise gestion des autorités polonaises. Lieux de transmission, les lieux de mémoire de la Shoah se fixent, au-delà de la diffusion de leur histoire et de celle de la Shoah des objectifs d éducation à la citoyenneté. Aussi, se pose la question de leur avenir. Les derniers survivants, les derniers témoins ayant vécu cette période ne seront bientôt plus là, et le souvenir de ces évènements historiques ne pourra être transmis qu «indirectement». 133

135 Cette disparition progressive induit un passage de témoins d une génération aux autres, un rapprochement pour les associations d anciens déportés juifs avec les institutions (Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Mémorial de la Shoah, Maison d Izieu, ) qui paraissent dès lors les plus aptes à prendre le relais, moralement et matériellement, et à assurer la continuité des actions initialement menées par les associations. Au regard des intentions et des activités qu ils déploient, les lieux de mémoire constituent indéniablement une des principales modalités de transmission de l histoire et de la mémoire de la Shoah. La problématique du renouvellement de l offre, des parcours muséographiques se pose alors, en particulier pour des institutions muséales créées il y a plus de vingt ans, comme la Maison d Izieu. La recherche historique, la muséographie ayant considérablement progressées et évoluées depuis la dernière décennie, conduisent inévitablement les lieux de mémoire à reprendre l ensemble de leurs dispositifs historiques et pédagogiques. Les institutions devront adapter la muséographie et la médiation aux aspirations des nouvelles générations très attirées par les nouvelles technologies de l information et de la communication, l espace numérique, le virtuel et l interactivité. La visite des lieux de mémoire pourra se faire sans doute au travers des témoignages de déportés, de survivants (qui ne seront plus là), d images de synthèse reconstituant les lieux (en particulier quand il reste partiellement des traces, comme les chambres à gaz à Auschwitz-Birkenau) consultables sur des supports innovants, types Dvd-Rom, mp3 etc. Néanmoins, il apparaît important que soit maintenue une médiation physique, une appréhension des lieux à travers le corps et la parole. 134

136 Bibliographie I. Sources Tourisme de mémoire - Avis sur les anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, Assemblée nationale, rapport législatif n 277 tome II, Session ordinaire de , Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2008 (n 189), [avis et débat présentés] par M. Jean-Claude Mathis - Compte rendu «Projet de loi de finances pour 2008 : Examen des crédits de la mission «Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation», Assemblée nationale, compte rendu n 10, mercredi 31 octobre 2007, Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, - Rapport d information sur les lieux de mémoire, Sénat, Session ordinaire de , Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation ; [rédigé] par M. Charles Guené, - Rapport sur les anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, Assemblée nationale, rapport législatif n 276 annexe n 5, Session ordinaire de , Commission des finances, de l économie générale et du plan sur le projet de loi de finances pour 2008 (n 189), [rapporté] par M. Jean-François Lamour. - Tourisme et Mémoire, [conférence de M. Rémy Knafou], Compte-rendu réalisé par Alexandra Derveaux et Loriane Gouaille, Conférences de l IREST, Direction du Tourisme, 26 mai 2009, 7 p. Seconde Guerre mondiale et Lieux de mémoire de la Shoah et de l internement - La cité de la Muette, passés et devenir du patrimoine, travail d étude d Alexandre Laignel réalisé dans le cadre de l enseignement «Patrimoine et Aménagement» dirigé par Jean-Pierre Courtiau, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, 2008, (dernière consultation le 14 avril 2010) - La mémoire de la Shoah dans la France contemporaine et dans la construction de l identité juive contemporaine [conférence de Pierre Nora], Mémorial de la Shoah, Auditorium Edmond J. Safra, 8 février 2005, 135

137 - La Shoah, entre mémoire et patrimoine : le cas de la Cité de la Muette (Drancy), [conférence de Vincent Guigueno], Cours publics filmés «Patrimoine et Identité», Université de Rennes 2, Lundi 3 décembre 2007, - L évolution des musées de la Seconde Guerre mondiale à l exemple du Centre national Jean Moulin de Bordeaux, du Mémorial de Caen et du Centre de la mémoire d Oradour-sur-Glane [conférence d Henning Meyer], Colloque «De l imitation dans les musées» organisé par l Ecole Normale Supérieure de Paris, 6 décembre 2007, - Les lieux sans mémoire et la mémoire sans lieux, [synthèse de l intervention de Denis Peschanski], Colloque «Mémoire des lieux lieux de mémoire» organisé par Traverses92 [Rencontres départementales de l Education, des arts, de la culture et du territoire], 2005, - Mémorial de l internement et de la déportation, Camp de Royallieu, [Dossier de presse], février 2008, - Présentation de l opération Note de synthèse et annexes, «Fondation du Camp des Milles : Mémoire et Education», mars 2009, 20 p., II. Ouvrages généraux - AUBRY Marie, Le Tourisme de Mémoire : avenir certain ou devenir fragile?, mémoire professionnel «Tourisme» spécialité Valorisation Touristique des Sites Culturels s. dir. de Noël Le Scouarnec, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, IREST, 2007, 108 p. - AUZIAS Dominique, FERLIN Pascaline, LABOURDETTE Jean-Paul, Guide des lieux de mémoire : champs de bataille, cimetières militaires, musées, mémoriaux, Coll. Petit Futé Thématique guide, Paris, Nouvelles éd. de l Université, 2005, 357 p. - Musées de guerre et mémoriaux : politiques de la mémoire, s. dir. de Jean-Yves Boursier, Paris, Ed. de la Maison des sciences de l homme, 2005, 257 p. - NORA Pierre, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, , 7 vol., 4751 p. - Tourisme de mémoire, s. dir. de Mylène Leenhardt-Salvan, Cahier Espaces n 80, Paris, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, Décembre 2003, 121 p. - VESCHAMBRE Vincent, Traces et Mémoires urbaines : enjeux sociaux de la patrimonialisation et de la démolition, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, 315 p. 136

138 Seconde Guerre mondiale et Mémoire de la Shoah et de l internement - BARCELLINI Serge et WIEVIORKA Annette, " Passant souviens-toi " - Les lieux du souvenir de la Seconde Guerre mondiale en France, Paris, Plon, 1995, réédité en 1998 aux Éditions Graphein, 256 p. - BENSOUSSAN Georges, Auschwitz en héritage? D un bon usage de la mémoire, Paris, Editions Mille et une nuits, 1998, 206 p. - BISCARAT Pierre-Jérôme, Les enfants d Izieu 6 avril 1944 : un crime contre l humanité, Veurey, Editions Le Dauphiné Libéré, 2007, 51 p. - CANNOODT Stéphanie, Mémoire(s) de la rafle d Izieu, une histoire en construction, mémoire de maîtrise d histoire s. dir. d Annette Becker, Université Paris X Nanterre, 2001, 191 p. - FORGES Jean-François, Éduquer contre Auschwitz, histoire et mémoire, Prix Mémoire de la Shoah, Paris, ESF, 1997, 155 p. - FRANCOIS Emmanuelle. Les musées d histoire dans la Seconde Guerre mondiale. Rapport au ministère de la Culture, Paris, Direction des musées de France, 1996, 146 p. - «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», Revue d'histoire de la Shoah - Le Monde juif, Paris, CDJC, n 181, juillet-décembre 2004, 484 p. - GRYNBERG Anne, Les Camps de la honte. Les internés juifs des camps français ( ), Paris, La Découverte, 1991, 399 p. - HOUZÉ Kathel, Histoire, mémoire et transmission. Enjeux actuels des lieux de mémoire. Etude comparée de la maison de la conférence de Wannsee, de la maison d Izieu, mémorial des enfants juifs et du projet du mémorial du camp de Rivesaltes, mémoire de master en muséologie sciences et société s. dir. de Cora Cohen et de Geneviève Erramuzpé, Muséum national d histoire naturelle, 2005, 125 p. - La Shoah : témoignages, savoirs, œuvres, s. dir. Annette Wieviorka et Claude Mouchard, [ouvrage qui fait suite aux journées d étude organisées à Orléans les 14, 15 et 16 novembre 1996 par le Cercil avec les Universités de Paris VIII et d Orléans], Cercil / Presses Universitaires de Vincennes, 1999, 396 p. - Les camps d internement du Loiret , Histoire et mémoire, Orléans, Centre de recherche et de documentation sur les camps d internement et de la déportation juive dans le Loiret [Cercil], 1992, 113 p. 137

139 - LINDEPERG Sylvie et WIEVIORKA Annette, Univers concentrationnaire et génocide : voir, savoir, comprendre, Paris, Mille et une nuit, 2008, 126 p. - SCHNEIDER Floriane, La construction de la mémoire collective de la Shoah en France ( ), thèse de doctorat d Histoire IRICE (Identités, relations internationales et civilisations de l Europe) s. dir. de Catherine Nicault, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2008, 3 vol., 1023 p. - WIERVIORKA Annette, Déportation et génocide : entre la mémoire et l oubli, Paris, Hachette littératures, 2003, 506 p. - WIERVIORKA Annette, L ère du témoin, Paris, Hachette littératures, 2002, 185 p. - YOUNG James E., The Art of Memory: Holocaust Memorials in History [publié à l occasion de l exposition «The Art of Memory : Holocaust Memorials in History» du Jewish Museum de New York, mars-juillet 1994], New York, Prestel, 1994, 196 p. III. Articles, Colloques 1) Actes de colloques - Actes des premières Rencontres internationales sur la mémoire partagée [Texte imprimé], Paris, octobre 2006, actes organisées par le Ministère de la défense et le Ministère délégué aux anciens combattants, 2007, Paris, La Documentation française, 195 p. - COMPÈRE-MOREL Thomas et JOLY Marie-Hélène, Des musées d'histoire pour l'avenir, actes du colloque «Des musées d'histoire : pour qui? Pour quoi?», Noësis/Historial de la Grande Guerre, 1998, 367 p. - Mémoriaux, Actes des journées d études des décembre 2005, Musée d histoire de Marseille, Paris, Conseil français de l association internationale des musées d histoire, 2006, 172 p. - Quelles perspectives pour les musées d'histoire en Europe?, actes de colloque, Musée national des arts et traditions populaires, 4-6 mai 1994, actes organisés par l'association internationale des musées d'histoire, s. dir. de Laurent Gervereau, 1997, 176 p. - Sorties des crises dans la seconde moitié du XXe siècle : Allemagne, Espagne, France. Approches nationales de la transmission, formation et pédagogie dans les lieux de mémoire, actes du colloque des octobre 2006, co-organisés à Prades [Pyrénées-Orientales] par le Conseil Général des Pyrénées-Orientales [en préfiguration du Musée-Mémorial du Camp de Rivesaltes], la Fondation Topographie de la Terreur de Berlin et la Maison d Izieu, 121 p. 138

140 - Transmettre la Shoah dans la famille, à l école, dans la cité, s. dir. Jacques Fijalkow, 4 e colloque de Lacaune, 2007, Paris, Editions de Paris Max Chaleil, 2009, 238 p. 2) Articles - ASSAYAG Jackie, «Le spectre des génocides : Traumatisme, muséographie et violences extrêmes», Gradhiva, 2007, n 5, p DIEUDONNE Emmanuel, «Tourisme et lieux de mémoire de guerre», Tourisme et culture, Cahier Espaces n 37, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, Juin 1994, p GUYOTAT Régis, «Que faire des lieux de mémoire des deux guerres mondiales? La sauvegarde des sites est devenue un outil de pédagogie», Le Monde, 20 janvier LEDOUX Sébastien, Pour une généalogie du «devoir de mémoire» en France, Centre Alberto Benveniste / EPHE-Sorbonne, février 2009, 9 p., - PONCELET Etienne, Mémoires de guerre, Paris, ICOMOS, 2005, p , - RESSOUCHES René, «Le tourisme de la mémoire combattante», Le tourisme de A à Z, Direction du Tourisme, 17 juillet 2008, 5 p. Les lieux de mémoire liés à la Shoah et à l internement - BECKER Annette, «Visiter les camps de la mort : devoir de mémoire ou devoir d histoire?», Historiens et Géographes, n 355, novembre 1996, pp BECKER Annette, «Traces d assassinats devenues musées : Auschwitz-Birkenau, Phnom- Penh», in «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», Revue d'histoire de la Shoah - Le Monde juif, Paris, CDJC, n 181, juillet-décembre 2004, p BOURGON Anne, La cité de la Muette à Drancy : ambigüités, difficultés et perspectives de l héritage, Paris, Section française de l ICOMOS, 2002, p BOURGON Anne, «L'évolution des lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale», Les Chemins de la Mémoire, n 189, décembre 2008, p

141 - GRYNBERG Anne, «Les camps français, des non-lieux de mémoire», Oublier nos crimes. L amnésie nationale : une spécificité française, Paris, Autrement, 1994, p GRYNBERG Anne, «La pédagogie des lieux», Enseigner et transmettre, Les Cahiers de la Shoah, n 8, Paris, Les Belles Lettres, 2005, pp KREMENETZKY Alain, «Le camp de Drancy, site touristique (réseau Europe de la Mémoire), Tourisme de mémoire, Cahier espace n 80, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, décembre 2003, p LALIEU Olivier, «L'invention du «devoir de mémoire», Vingtième siècle - Revue d'histoire, janvier-mars 2001, p LALIEU Olivier, «Mémoire de la Shoah. L action du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC)», Tourisme de mémoire, Cahier espace n 80, Editions Espaces Tourisme et Loisirs, décembre 2003, p LALIEU Olivier «La difficile mémoire des lieux d internement en France», in «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», Revue d'histoire de la Shoah - Le Monde juif, Paris, CDJC, n 181, juillet-décembre 2004, p PIPER Franciszek, «Auschwitz-Birkenau, lieu de mémoire et musée», in «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», Revue d'histoire de la Shoah - Le Monde juif, Paris, CDJC, n 181, juillet-décembre 2004, p SCHNEIDER Floriane, «A l école de la Shoah. De l enseignement de l histoire à la pédagogie de la mémoire», Enseigner et transmettre, Les Cahiers de la Shoah, n 8, Paris, Les Belles Lettres, 2005, p TISSERON Serge, «Comment accompagner la souffrance dans les lieux de mémoire?», La Lettre de la Fondation de la Résistance, n 49, juin WIEVIORKA Annette, «La construction de la mémoire de la Shoah en France», Le Monde juif. Revue d histoire de la Shoah, n 149, Paris, Centre de Documentation Juive Contemporaine, septembre-décembre 1993, p WIEVIORKA Annette, «Du Centre de documentation juive contemporaine au Mémorial de la Shoah», in «Génocides. Lieux (et non-lieux) de mémoire», Revue d'histoire de la Shoah - Le Monde juif, Paris, CDJC, n 181, juillet-décembre 2004, p WIEVIORKA Annette, «Naissance d'un musée», in «Auschwitz », dossier, L'Histoire, n 294,

142 IV. Webographie 1) Institutions, Organisations et Associations Association Europe de la Mémoire : Association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France : Chemins de mémoire : Site Internet du ministère de la Défense présentant les lieux de mémoire nationaux Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes Fondation pour la Mémoire de la Shoah : Fondation pour la Mémoire de la Déportation : Mémorial de la Shoah Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC) : http//: Mémorial de Yad Vashem : Maison-Mémorial des enfants d Izieu : Ministère de la Défense, Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) moine_et_des_archives_-_dmpa Task Force for International Cooperation on Holocaust Education, Remembrance and Research (ITF) : UNESCO, Education pour perpétuer la mémoire de l Holocauste URL_ID=57734&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html United States Holocaust Memorial Museum Washington D.C: 141

143 2) Camps d internement et de déportation français Camp de Drancy, Conservatoire Historique du Camp de Drancy Camp des Milles : Camp de Rivesaltes, Mémorial : Camp de Royallieu, Mémorial de l internement et de la déportation Camp de Natzweiler-Struthof, Centre européen du résistant déporté : 142

144 Table des annexes Annexe 1 : Carte de la France des camps durant la Seconde Guerre mondiale p.144 Annexe 2 : Budget de fonctionnement du Mémorial de la Shoah p.145 Annexe 3 : Tableau des principales caractéristiques des lieux de mémoire étudiés p.146 Annexe 4 : Dossier général de présentation des projets «Mémoire et Transmission» de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah p.148 Annexe 5 : Les projets de valorisation des lieux de mémoire soutenus par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah p.152 Annexe 6 : Programmation culturelle proposée par le Cercil p.154 Annexe 7 : Itinéraire de visite de l ancien camp de Pithiviers p.155 Annexe 8 : Livret de visite «Un itinéraire de la mémoire : sur les traces de l ancien camp de Pithiviers ( ) p.158 Annexe 9 : Fréquentation de la Maison d Izieu depuis son ouverture p.164 Annexe 10 : Dépliant français-anglais du Mémorial de la Shoah p

145 Annexe 1 : Carte de la France des camps durant la Seconde Guerre mondiale (Centre de Documentation Juive Contemporaine / Mémorial de la Shoah) 144

146 Annexe 2 : Budget de fonctionnement du Mémorial de la Shoah (Rapport moral 2008, Mémorial de la Shoah) 145

147 Annexe 3 : Tableau des principales caractéristiques des lieux de mémoire étudiés Date de début de projet Date d ouverture Statut juridique Budget Sources de financement Fréquentation Maison- Mémorial des enfants juifs exterminés d Izieu (Ain) 1987 : création de l association Musée-Mémorial après le procès Barbie souscription nationale pour l achat de la maison 24 avril 1994 Association loi 1901, reconnue d intérêt général N.C - Subventions (ministère de la Culture, région Rhône Alpes, département de l Ain, communauté de communes de Rhône et Gland, communes d Izieu et de Brégnier-Cordon) - Produits des activités et billetterie (2008) - Cotisations - Fondation pour la Mémoire de la Shoah Mémorial de la Shoah (Paris) 1997 : lancement plan d agrandissement du CDJC et Mémorial du Martyr Juif Inconnu 27 janvier 2005 Association loi 1901, reconnue d utilité publique 11,5 millions d euros (budget 2008) - Produits des activités - Subventions (ministère de la Culture, région Ile-de-France, Mairie de Paris) (2008) - Dons privés et cotisations 146

148 Mémorial du Camp des Milles, Aix-en- Provence (Bouches-du- Rhône) 2002 : adoption d une «Déclaration commune sur le projet de lieu de mémoire de l internement et de la déportation dans la Tuilerie des Milles» par la Mairie d Aixen-Provence, la société Lafarge Couverture, le CRIF et l Association du Wagonsouvenir 2011 Fondation reconnue d utilité publique 2,6 millions d euros (budget annuel de fonctionnement, évalué en ) - Subventions (ministère de la Culture, région PACA, département des Bouches-du- Rhône, communauté du Pays d Aix) - Fondation pour la Mémoire de la Shoah - Produits des activités - Mécénat (Fondation d entreprise Ecureuil pour l Art, la Culture et la Solidarité, ) (étude du potentiel de fréquentation, 2004) Centre d Histoire et de Mémoire, Orléans (Loiret) 2004 : mobilisation du CERCIL, pour l acquisition d un édifice janvier 2011 Association loi 1901 La Ville d Orléans, propriétaire des locaux et du mobilier muséographique, délègue la gestion au CERCIL 1,5-1,6 millions d euros (budget d investissement) - Subventions (ministères de la Défense et de la Culture, région Centre, département du Loiret, Mairie d Orléans) - Fondation pour la Mémoire de la Shoah - Produits des activités N.R 147

149 Annexe 4 : Dossier général de présentation des projets «Mémoire et Transmission», Fondation pour la mémoire de la Shoah FICHE PROJET N de dossier 08/l TITRE DU PROJET* Reçu le Accusé de réception envoyé le : COMMISSION* Transmis à l expert le Proposé par (institution, nom, adresse, tél, fax, e.mail)* : Coût total de l opération* Aide demandée* Autres institutions sollicitées et montant des financements demandés* Autres institutions sollicitées et montant des financements obtenus* Résumé du projet par le porteur* (15 lignes maximum) : 148

150 FORMULAIRE GENERAL DE PRESENTATION DES PROJETS 1) DESCRIPTION DU PROJET -Titre -Descriptif détaillé -Nouveauté ou originalité -Public visé -Diffusion envisagée -Suite envisagée - Calendrier de réalisation -Portée européenne ou internationale -Compétences du porteur du projet : autres actions menées dans le domaine. 2) QUESTIONS FINANCIERES - Coût global du projet - Budget prévisionnel - Calendrier des recettes et des dépenses attendues - Montant du financement demandé à la FMS. - Durée prévue du projet et date du paiement demandé à la FMS avec justificatifs. Merci de joindre toute information que vous jugeriez utile à une bonne compréhension de votre projet Date et signature 149

151 DOSSIER ADMINISTRATIF (cocher les cases correspondant à toutes les pièces jointes au dossier) Case à cocher Liste des pièces à fournir Personne physique Associatio n ou fondation Société Institution publique (université, centre de recherche.) Note de l établissement x x x Relevé d identité bancaire ou postal, ou code IBAN (pour les comptes étrangers). Statuts de l institution. Copie du récépissé de dépôt à la Préfecture. Liste des dirigeants (Président, Trésorier, Secrétaire général, Directeur général), avec copie du PV de l assemblée, ou de la délibération du conseil, qui a procédé à leur nomination. Décret accordant la reconnaissance d utilité publique à l institution (le cas échéant). Bilan et comptes du dernier exercice, certifiés par le commissaire aux comptes, ou l expert-comptable. x x x x Copie du dernier rapport d activité. x x Extrait K bis du registre du commerce, daté de moins de 3 mois. Copie de la délibération de l instance décisionnaire de l établissement (conseil d administration, conseil de perfectionnement ) autorisant le projet. Copie de l accord de l autorité de tutelle pour un projet auquel l Etat ou une autre collectivité publique participe. x x x x x x x x x x Nous attirons votre attention sur les conditions complémentaires à remplir si votre projet est accepté : - Ouvrir un compte d emploi spécifique au projet dans les écritures de l institution (au crédit : subvention allouée par la FMS, par d autres institutions, ressources propres affectées par l institution au projet ; au débit : engagements de dépenses du projet). - Fournir un compte-rendu d exécution et un bilan financier de l opération, dans les deux mois suivant la réalisation du projet. - Permettre le contrôle par la Fondation de la réalisation des actions et de l emploi des fonds, notamment par l accès aux documents administratifs et comptables. 150

152 TABLE DES MATIERES Page Fiche projet... Formulaire Titre... Descriptif détaillé... Nouveauté ou originalité... Public visé... Diffusion envisagée... Suite envisagée... Calendrier de réalisation... Portée européenne ou internationale... Compétences du porteur du projet... Coût global du projet... Budget prévisionnel... Calendrier des recettes et des dépenses attendues... Montant du financement demandé à la FMS... Durée prévue du projet et date du paiement demandé à la FMS avec justificatifs... Devis détaillés (1 devis pour les postes de dépenses inférieurs à , 3 devis différents pour les postes de dépenses supérieurs à pour les projets immobiliers)... Lettres d engagement chiffrées des autres sources de financement.... Plan de trésorerie (tableau des recettes et des dépenses attendues)... CV des intervenants... Dossier administratif (1 exemplaire agrafé ou relié)

153 Annexe 5 : Les projets de valorisation des lieux de mémoire soutenus par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah Etude de préfiguration pour la création d un musée-mémorial sur le site de Rivesaltes, Conseil général des Pyrénées-Orientales - Etudes et concours visant à la création d un musée-mémorial sur le site du Camp d Aix- Les Milles, Association Mémoire du camp des Milles Nouveau musée d histoire de la Shoah, Galerie de la résistance et du sauvetage, Yad Vashem [Jérusalem] - Aménagement d un Espace Mémoire à Nice, Espace Culturel et Social Juif de Nice - Remise en état des locaux du Conservatoire Historique du Camp de Drancy, Conception et réalisation de l exposition, Conservatoire Historique du Camp de Drancy - Projet de réhabilitation du Tunnel de Drancy, Association du Tunnel de Drancy - Rénovation de l exposition Déportation en Anjou, Association des Familles et Amis des Déportés du Convoi n 8 - Mise en valeur du site du Camp de Gurs, Amicale du Camp de Gurs - Contribution à l exposition du Pavillon français d Auschwitz, Ministère de la Défense (Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives) Réhabilitation de la Judenrampe à Auschwitz-Birkenau, FMS - Réhabilitation et création d un musée-mémorial au Camp des Milles, Association Mémoire du Camp des Milles - Mémorial des Noms des Déportés de Marseille, Consistoire de Marseille et AFMA Marseille Provence - Recherche des fosses communes des victimes juives des Einsatzgruppen en Ukraine, dans les régions de Ternopil, d Ivano-Frankivsk et de Kherson, et enregistrement des témoignages, Père Patrick Desbois, Association Yahad-In-Unum 152

154 Aménagement d un lieu de mémoire et d histoire sur les camps d internement du Loiret, Mairie d Orléans, CERCIL - Exposition permanente consacrée aux Enfants de la Hille, Mairie de Montagut- Plantaurel - Recherches des fosses communes des victimes juives en Ukraine ( ), Père Patrick Desbois, Association Yahad-In-Unum - Poursuite de l aménagement de l ancienne Judenrampe à Auschwitz-Birkenau, Musée d Etat d Auschwitz-Birkenau - Collecte des noms des victimes de la Shoah ( ), Yad Vashem Réalisation du musée-mémorial Charles De Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises, Fondation Charles De Gaulle - Réalisation d un lieu de mémoire et d histoire face à la Cité de la Muette à Drancy, FMS/Mémorial de la Shoah - Demande de financement pour des travaux de construction, rénovation, équipement de l Institut, Institut Elie Wiesel de Bucarest - Désherbage du secteur III de Birkenau («Mexico»), FMS Edification d un monument à la mémoire de la Shoah, CRIF Toulouse Midi-Pyrénées - Contribution à la dotation de la future Fondation du Camp des Milles, Association Mémoire du camp des Milles - Accueil de l exposition Les enfants juifs déportés de France, Association Mémoire du camp des Milles - Conception d une exposition itinérante sur les enfants internés dans les camps du Loiret, CERCIL Restructuration scénographique de l exposition permanente Génocides et massacres de masse L extermination des Juifs, Mémorial de Caen 153

155 Annexe 6 : Programmation culturelle proposée par le CERCIL, janvier-juin

156 Annexe 7 : Itinéraire de visite de l ancien camp de Pithiviers, organisé par le CERCIL, le 6 avril Point de départ de l itinéraire : gare de Pithiviers Plaque commémorative à la mémoire des internés juifs, gare de Pithiviers 2. Entre la gare et le camp de Pithiviers, chemin emprunté par les internés à leur arrivée 155

157 3. Entrée de l ancien camp d internement de Pithiviers 4. Voie ferrée du silo 5. Rue de l ancien camp 6. Zone des premiers baraquements du camp 7. Ancienne infirmerie du camp de Pithiviers 156

158 8. Emplacement de l ancien camp de Pithiviers 9. Vue vers l ancienne infirmerie 10. Vue vers le silo 11. Vue du silo depuis la voie ferrée ligne Orléans à Etampes 157

159 Annexe 8 : Livret de visite «Un itinéraire de la mémoire : Sur les traces de l ancien camp d internement de Pithiviers ( )» 158

160 159

161 160

162 161

163 162

164 163

165 Annexe 9 : Fréquentation de la Maison d Izieu depuis son ouverture en 1994 (Rapport d activités de l année 2008, Maison - mémorial des enfants juifs exterminés d Izieu) 164

166 Annexe 10 : Dépliant français-anglais à destination du public touristique, Mémorial de la Shoah 165

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