LA MÉDAILLE DE COMMANDE

Transcription

1 Entre réalisme et Art nouveau Au début du 20 e siècle, la médaille de commande est en grande partie destinée à l industrie horlogère. Elle rentre, en effet, directement dans la fabrication des boîtiers de montre. Elle se caractérise par trois courants, également prisés par les peintres suisses et régionaux de l époque : l Art nouveau et le symbolisme, les scènes de genre, la peinture d histoire et l art national. Le style Art nouveau se caractérise sur les médailles par de nombreux motifs végétaux et floraux ( ), ainsi que par des motifs architecturaux aux lignes sinueuses. L évocation de pives et de branches de sapin, dérivée du style régional du même nom, se retrouve également sous une forme très réaliste (144). Les scènes de genre illustrent le plus souvent des personnages sur leur lieu de travail, dans lesquels foisonnent nombre de détails, notamment les outils utilisés ( ). Elles apparaissent également dans certaines scènes sportives, sur lesquelles nous pouvons voir les spectateurs assistant à la manifestation (143). Pendant la Première Guerre mondiale, de nombreuses représentations militaires font leur apparition sur les médailles, soit pour commémorer un événement plus ancien (149), soit pour relater les faits marquants du conflit en cours ou pour rendre hommage aux soldats mobilisés (148).

2 Vers une première stylisation Dès les années 1920, les fioritures et les sinuosités de l Art nouveau cèdent petit à petit la place à un style plus austère. Ce dernier, aux personnages beaucoup plus froids et statiques, sera notamment employé pour représenter les nombreux thèmes militaires qui apparaissent sur les médailles de l entre-deux guerres, mais aussi sur des médailles sportives (154) ou de reconnaissance (156). La représentation du corps humain, le plus souvent masculin, athlétique et presque nu, est fréquente sur les médailles de cette époque. La nudité et la mise en valeur de la musculature se rencontrent aussi bien sur les illustrations d athlètes que sur celles d autres personnages, symbolisant parfois un employé du bâtiment ou un agriculteur ( ). A partir de 1930, la stylisation des formes et des motifs sur les médailles, qui mènera dans les décennies suivantes jusqu à l abstraction, éloignera le style de cette époque du réalisme et de l importance du détail qui foisonne sur la plupart des sujets appréciés au début du siècle. Les sujets illustrés se simplifient, allant souvent à l essentiel, tant au niveau du texte que de l image. Dès 1940, la stylisation s accentue encore et touche petit à petit l ensemble des éléments figurés ou décoratifs, qu il s agisse de personnages, d objets, d armoiries ou de bâtiments (155).

3 L essor du graphisme Après la Deuxième Guerre mondiale, les commanditaires recherchent un style plus moderne, souvent inspiré des succès du graphisme suisse ( ). Le développement de cet art dans notre pays est dû à deux écoles importantes, celle de Zurich, prônant les formes géométriques simples et les informations écrites réduites à l essentiel, et celle de Bâle, au style plus réaliste. La technique de la gravure chimique, moins onéreuse, se prête parfaitement à cette épuration graphique du style des médailles : le sujet, non attaqué par l acide, reste au premier plan et se détache du fond qui est ensuite patiné ou émaillé. Dès 1965, les représentations abstraites commencent à faire leur apparition. Certaines sociétés locales ou collectivités publiques font même appel à l Ecole d art ou à des artistes de la région pour la création de pièces originales, très proches des médailles d art de l époque. Le style des médailles revient ensuite à des sujets et à un style plus traditionnels à partir des années Cette évolution est accentuée par l apparition des nouvelles techniques de gravure assistée par ordinateur. La production de ces dernières décennies est avant tout marquée par des styles très différents les uns des autres, passant des sujets les plus réalistes ( ) à d autres beaucoup plus stylisés (159).

4 L image des entreprises Si les sociétés sont de moins en moins nombreuses à commander des médailles, certaines entreprises font appel à ce support pour développer une forme particulière de publicité à travers la «médaille-cadeau». Ces pièces, généralement situées à mi-chemin entre la médaille industrielle et la médaille d art, sont exécutées par des artistes auxquels l entreprise commanditaire a laissé une certaine liberté dans leur réalisation. Cette démarche sera notamment instaurée entre 1975 et 1990 environ par l entreprise Huguenin Médailleurs SA, faisant appel chaque année à un artiste de la maison ou à un sculpteur neuchâtelois pour la création de médailles de vœux ( , ). Une entière liberté quant au choix des sujets et à la technique de fabrication utilisée sera laissée aux artistes. Cette initiative a permis de concilier médaille d art et médaille de commande au sein même de l entreprise, mettant en valeur tant la qualité de l exécution que celle de la création artistique. Pour certaines entreprises, le rôle publicitaire nécessite que la pièce soit posée sur un support ou puisse être installée sur un meuble afin qu elle ne finisse pas au fond d un tiroir (170). La «médaille-cadeau» constitue certainement une alternative intéressante pour pallier à la diminution d autres commandes.

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