Prosopographie de la société juive du royaume de Judée de 134 av. J.-C. à 73/74 siècle ap. J.-C., d après l oeuvre de Flavius Josèphe.

Transcription

1 UNIVERSITÉ PARIS IV SORBONNE ÉCOLE DOCTORALE I MONDES ANCIENS ET MÉDIÉVAUX UMR 8167 «Antiquité classique et tardive» / IRER THÈSE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L UNIVERSITÉ PARIS IV Discipline : Histoire des religions Présentée et soutenue publiquement par Nicolas Masuez le Prosopographie de la société juive du royaume de Judée de 134 av. J.-C. à 73/74 siècle ap. J.-C., d après l oeuvre de Flavius Josèphe. Directeur de thèse : Mireille Hadas-Lebel (professeur émérite - Université Paris IV Sorbonne) JURY Mme Hadas-Lebel Mireille, professeur émérite Paris IV Sorbonne (directrice). Mme Baslez Marie-Françoise, professeur d Histoire des religions de l Antiquité Paris IV Sorbonne, UMR 8167 «Antiquité classique et tardive». M. Lemaire André, professeur émérite, directeur d étude EPHE IV ème section, correspondant de l Académie des Inscriptions et Belles Lettres (rapporteur). M. Schwentzel Christian Georges, professeur en Histoire Ancienne, Université de Lorraine, directeur équipe 3DCCS du CRULH (rapporteur).

2 Position de thèse Trop longtemps Flavius Josèphe a été exclu de l historiographie juive. Jusqu à une période récente, il est apparu comme un traître 1. Mais son oeuvre immense, son témoignage et ses remarques, quelquefois hautaines, en font un historien unique pour comprendre l histoire et l évolution de la société juive dans le royaume de Judée de l avènement des souverains hasmonéens jusqu à la défaite des armées rebelles juives contre les Romains en 70 ap. J.-C. Notre étude a pour principale ambition de proposer une «photographie» de la société juive du royaume de Judée. Des travaux ont déjà été menés mais ont toujours été centrés sur les familles royales ou sur l ensemble des populations du royaume de Judée. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur les personnages d origine juive (ou supposée juive) les moins connus. Ainsi nous proposons d analyser les modes onomastiques, les familles et clans, les liens sociaux, politiques et religieux dans la société juive. La première partie de notre étude s appuie essentiellement sur les livres XIII à XX des Antiquités Judaïques de Flavius Josèphe. La plupart des informations réunies par l historien judéen, sont issues de sources extérieures (notamment les écrits de l historien, au service du roi Hérode le Grand, Nicolas de Damas). Nous avons ainsi pu élaborer trente-huit notices biographiques. La majorité des noms utilisés est d origine biblique. Parmi tous ces noms les plus populaires sont Judas, Matthias et Simon. La proximité chronologique avec l action politique et militaire des Maccabées a profondément marqué les choix onomastiques des populations juives. Les sources utilisées mettent essentiellement l accent sur les personnages liés à l aristocratie sacerdotale ou à la cour royale. Aucun personnage provient des classes sociales les plus populaires. 1 Voir le texte, volontairement provocateur, de Pierre Vidal-Naquet, «Du bon usage de la trahison» cf. Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, trad. P. Savinel, Paris, Minuit coll. «Arguments». 2

3 La deuxième période de notre étude, qui s appuie essentiellement sur les livres XVIII à XX des Antiquités Judaïques et le livre I de la Guerre des Juifs, est la plus délicate à maîtriser. En effet Flavius Josèphe ne peut plus compter sur des sources extérieures rendant les informations confuses et parcellaires. Les notices biographiques que nous avons pu dégager sont courtes et limitées à trente-six. 83% des noms sont d origine biblique. La plupart des personnages sont issus de l aristocratie sacerdotale (grandprêtrise, clergé, service du Temple). Nous remarquons également l émergence d une contestation politique et religieuse dans la société juive prodrome de la future grande révolte de 66 ap. J.-C. La troisième période est chronologiquement la plus courte, mais la quantité d informations transmise par les livres II à VI de la Guerre des Juifs est dense. En effet Flavius Josèphe est témoin et acteur de ces événements. Nous avons ainsi pu reconstituer, pour cette partie, cent quatre notices. Parmi l ensemble des noms relevés, 73% ont une origine biblique. On remarque une nette préférence pour les noms théophores quelle que soit l origine sociale. Par exemple le nom d Eléazar peut aussi bien être porté par un aristocrate sacerdotal, un sicaire ou soldat. Le texte de Flavius Josèphe permet ainsi de mieux comprendre ces hommes qui se sont battus contre Rome et les élites juives. Nous avons pu reconstituer de véritables dynasties de grands-prêtres. Deux clans, ceux de Boéthos et Anan, ont occupé, alternativement ces fonctions à partir du règne Hérode le Grand. D autres familles n ont donné au Temple que deux ou trois grands-prêtres. Le service du Temple structure l organisation politique et sociale de la société juive. 3

4 Ce témoignage est unique pour comprendre la structuration et l évolution des mouvements religieux pharisiens et esséniens. Les Sadducéens, sauf dans un cas, ne sont jamais nominalement cités. Il admire les Esséniens, leur ascétisme et leur engagement pour une vie la plus pure possible. Pour les pharisiens, bien qu étant pharisien lui-même, son témoignage permet de comprendre la complexité et la diversité de ce mouvement religieux. Il permet aussi de comprendre le fonctionnement, la diversité et la complexité des insurgés et révoltés, qu ils soient judéens, iduméens, galiléens.. Son jugement, bien souvent hautain et méprisant offre néanmoins à l historien contemporain le moyen de connaître avec plus de précision les noms et actions de ces rebelles, aujourd hui oubliés. C est ainsi que nous pouvons proposer toute une série de portraits de chefs et de simples soldats. Longtemps l historien judéen a été considéré comme un «cinquième évangile» 2, bien que les premiers chrétiens, ne jouent qu un rôle mineur dans ses écrits. Dans l esprit de Josèphe il ne s agit que d une autre secte juive, d ailleurs le personnage ayant le plus retenu son attention est Jacob, le frère de Jésus. Hormis les princesses et les femmes de la cour royale, Flavius Josèphe ne mentionne qu une seule femme issue du peuple. Il semble que la société juive soit, comme les πολις grecques, une sorte de «club d hommes» 3. L historien judéen n échappe pas à cette misogynie. Il admire les esséniens car ceux-ci se méfient des femmes 4. Pour conclure, nous avons voulu proposer aux lecteurs, une analyse de la société juive depuis le règne du grand-prêtre Hyrcan I er, vers 134 av. J.-C., jusqu à la chute de Jérusalem et de Massada en 73/74 ap. J.-C. La principale 2 Hadas-Lebel M., Flavius Josèphe, le Juif de Rome, pp Loraux N., Les expériences de Tirésias, p B.J., II,

5 difficulté réside dans la complexité de la source principale. Flavius Josèphe demande à être lu et relu. Lorsqu il s appuie sur des documents antérieurs, comme pour l historien moderne, il est soumis à la qualité de ses sources. A cela s ajoute, une certaine partialité. Nicolas Masuez Université Paris IV Sorbonne Ecole doctorale I / UMR 8167 / IRER 5