La gastronomie moléculaire : une science pluridisciplinaire

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1 La gastronomie moléculaire : une science pluridisciplinaire Christophe LAVELLE Institut des Hautes Etudes Scientifiques 35 route de Chartres Bures-sur-Yvettes FRANCE lavelle@ihes.fr

2 Sommaire Avant propos 4 Introduction 5 1 ère partie : connaissances scientifiques de base 8 I. Un peu de physique 9 I.1. Interactions et états de la matière 10 I.1.1 Les interactions en jeux 10 I.1.2 Les états stables 11 I.1.3 Les états métastables 12 I.2. Transformation de la matière et cuisson 16 I.2.1 Formation d'états métastables 16 I.2.2 Cuisson 17 II. Un peu de (bio)chimie 20 II.1. Les réactifs en cuisine 20 II.1.1. Composés organiques de base 20 II.1.2. Les constituants élémentaires des aliments 23 II.1.3. Les additifs 32 II.2. Les réactions en cuisine 36 II.2.1. Quelques réactions élémentaires 36 II.2.2. Deux réactions complexes essentielles en cuisine 37 III. Un peu de biologie 46 III.1. Lait et produits dérivés 46 III.2. Oeuf 54 III.3. Farine 57 III.4. Viande et poisson 62 III.5. Végétaux 64 IV. Un peu de physiologie 66 IV.1. Le goût 66 IV.2. Digestion et nutrition 71 2 ème partie : analyse des procédés culinaires 78 I. Cuisson des viandes 79 II. Pâtes et biscuits 81 III. Meringues et soufflés 83 IV. Chantilly et dérivés 84 V. Mayonnaises et Cie 86 VI. Gelées et confitures 87 VII. Glaces et sorbets 88 2 Conclusion 89 Bibliographie 90 Annexes 95 A.1. Présentation de la gastronomie moléculaire (Hervé This) 96 A.2. La gastronomie moléculaire et ses objectifs (Hervé This) 102 A.3. La gastronomie moléculaire et physique (Hervé This) 116 A.4. Dossier sur la gastronomie moléculaire (Hervé This) 127 A.5. Article sur la gastronomie moléculaire et Hervé This (Vincent Olivier) 134 A.6. Une théorie du goût (Hervé This) 138 A.7. Menu "Science et Cuisine" (Hervé This) 157 A.8. La science et le plaisir de manger (Nicholas Kurti) 165 A.9. Molecular gastronomy: a scientific look to cooking (Hervé This) 174 A.10. Molecular Gastronomy (Harold McGee) 193 A.11. Molecular Gastronomy (Peter Barham) 194 A.12. Philosophy of cooking (Heston Blumenthal) 209 A.13. Constructivisme culinaire (textes d Hervé This) 213 A.14. Constructivisme culinaire (recettes de Pierre Gagnaire) 243 A.15. Les frères Adria 263 A.16. Un aperçu des discussions qui ont lieu sur MolecularGastronomy.com 275 A.17. Liste des cours disponibles sur le forum egullet 278 A.18. Les séminaires de Gastronomie Moléculaire "du jeudi" 321 A.19. Les chroniques d Hervé This 327 A.20. Additifs alimentaires 336 A.21. Complément de bibliographie 344 A.22. Biographies 351 A.23. Glossaire anglais/français - français/anglais 355 Index 376 Bonus dossiers thématiques (le sens du goût, la digestion, la nutrition) - un article d'hubert Richard et al sur les "Flaveurs et procédés de cuisson" - un article de Gil Morrot et Frédéric Brochet sur "Cognition et vin" (paru dans la Revue des œnologues, 2004) - un article d'harold McGee "Taking stock of new flavours" (paru dans Nature, 1999) - un article d'hervé This "Molecular Gastronomy" (paru dans Nature Materials, 2005) 3

3 Avant-propos Le but de ce document est de donner un aperçu de ce qu est la gastronomie moléculaire (objectifs, enjeux, méthodes) et de l étendue du socle de connaissances sur lequel elle se base. Il répond (en tous les cas, j'espère!) à une demande qu'il m'a souvent été faite de fournir un support pour "s'initier à la gastronomie moléculaire". Ce cours comprend donc une petite partie «personnelle», issue d un enseignement donné depuis plusieurs années dans différentes filières universitaires, ainsi qu une grosse partie «annexes» dans laquelle je propose un certain nombres de documents 1 choisis soit simplement pour leur contenu informatif, soit parce qu ils représentent à mes yeux les exemples les plus instructifs de travaux menés actuellement en gastronomie moléculaire. Ce polycopié est en perpétuelle élaboration (beaucoup de chapitres manquent encore ou son fortement incomplets) ; s'il a été initialement rédigé pour les enseignements de gastronomie moléculaire que je donne à l Université Paris VI (licence de Sciences du Vivant) et l Université d Aix-Marseille III (licence professionnelle de Génie Culinaire), j espère qu il sera également utile à un plus large public (étudiants, enseignants) ; ce document étant dans tous les cas à la fois en libre accès et en perpétuelle élaboration 2, n'hésitez pas d une part à vous en servir et d autre part à me faire part de vos remarques, suggestions et/ou corrections qui pourraient améliorer ce support 3. Introduction Qu'est-ce que la gastronomie? "Art and science of choosing, preparing and eating food" (Oxford Learned Dictionary) "Art de la bonne chère (cuisine, vins, ordonnance des repas, etc)" (Petit Robert) "La gastronomie est la connaissance raisonnée de tout ce qui a rapport à l'homme, en tant qu'il se nourrit. Son but est de veiller à la conservation des hommes, au moyen de la meilleure nourriture possible. Elle y parvient en dirigeant, par des principes certains, tous ceux qui recherchent, fournissent ou préparent les choses qui peuvent se convertir en aliments. Ainsi, c'est elle, à vrai dire, qui fait mouvoir les cultivateurs, les vignerons, les pêcheurs, les chasseurs et la nombreuse famille des cuisiniers, quel que soit le titre ou la qualification sous laquelle ils déguisent leur emploi à la préparation des aliments." (Brillat-Savarin) Qu'est-ce alors que la gastronomie moléculaire? La gastronomie moléculaire est la science des transformations culinaires. La dénomination de cette discipline scientifique récente a été proposée par la physicien d origine hongroise Nicholas Kurti ( ) 5 en 1969 lors d une présentation devant la Royal Institution et son contenu défini et popularisé par le physico-chimiste français Hervé This 6 dans sa thèse en Je remercie Anne Woisard et toute l équipe de gastronomie moléculaire de Paris VI pour les nombreuses discussions autour d'un TP ou autour d'une bouteille, ainsi qu Odile Renaudin pour m'avoir offert l'hébergement sur son site. Enfin, ce travail doit beaucoup à Hervé This 4 avec qui j'ai eu mainte fois l'occasion et le plaisir d'avoir des discussions aussi passionnantes qu'enrichissantes. Qu'il en soit ici largement remercié. Les Pères Fondateurs 1 En général accessibles librement sur internet ; j ai cependant souvent effectué une «remise en forme» pour des soucis de lisibilité. Ces documents étant en libre accès, j ai estimé qu ils étaient libres de droit pour être reproduit sur ce cours à but pédagogique et non lucratif. J ai bien entendu essayé de citer systématiquement les sources. Cependant, n hésitez pas à me contacter si vous reconnaissez quelque chose qui «vous appartient» et qui serait utilisé de manière non conforme à votre volonté : je m empresserai de corriger le document incriminé ou de l éliminer simplement de ce cours. 2 Il sera régulièrement corrigé, augmenté et actualisé. Vérifiez donc régulièrement si une nouvelle version est téléchargeable. De même, une version entièrement anglophone devrait voir le jour un jour. 3 Mon adresse , qui se trouve en première page, est, entre autre, là pour ça! 4 Ses recherches sont abondamment représentées dans ce cours. Consulter notamment les annexes A.1, A.2, A.3, A.4 et A.9 pour sa présentation de la Gastronomie Moléculaire, et surtout l'annexe A.13 pour découvrir le travail de constructivisme culinaire qu'il mène depuis plusieurs années avec Pierre Gagnaire. 4 5 Nicholas Kurti fit l essentiel de sa carrière au Laboratoire Clarendon d Oxford. Il se consacra à la physique des basses températures, découvrant notamment la désaimantation adiabatique nucléaire. Honoré par de nombreux prix scientifiques, il fut membre de très nombreuses commissions et de plusieurs académies des sciences. 6 Tout a commencé le 16 mars 1980 avec la réalisation d'un soufflé au roquefort en incorporant les 4 jaunes d'œufs à la fois: le résultat moyen obtenu incita le cuisinier à recommencer l'opération en suivant cette fois-ci les consignes de la fiche-recette du magazine Elle: incorporer les jaunes un à un. Le résultat, meilleur, incite Hervé à ouvrir son premier cahier de gastronomie moléculaire le 24 mars En 1988, il lance officiellement la discipline avec son confrère anglais Nicholas Kurti lors du First International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy (Erice, Italie). Depuis, la discipline s est largement développée: un Atelier International de Gastronomie Moléculaire réunit des chefs et des scientifiques à Erice (Italie) tous les deux ans, une Journée française de Gastronomie Moléculaire a lieu tous les ans, de nombreuses revues publient des rubriques de Gastronomie Moléculaire (Pour la Science, Thuriès Magazine, La Cuisine Collective), des émissions de télévision sont régulièrement produites, etc. Voir l'annexe A.9 pour l'historique de la genèse de cette discipline. 5

4 Une des premières motivations de la gastronomie moléculaire est de disséquer les protocoles culinaires les plus étonnants et s'interroger sur leur pertinence à l'aide des outils de la physico-chimie afin que les recettes deviennent plus sûres, meilleures et plus belles (avec la possibilité de se lancer ensuite dans les créations les plus imprévues 7 ), bref, de comprendre la cuisine pour mieux la maîtriser. Il s'agit à la fois comprendre les "définitions" données par les recettes (dans une recette de compote de poires, la "définition", c est de mettre des poires avec du sucre et de l eau et de chauffer), et d explorer les "précisions" qui accompagnent les définitions (par exemple, on dit qu il faut ajouter du jus de citron aux poires pour les empêcher de noircir). La maîtrise de cette science conduit tout naturellement à la cuisine raisonnée et à la cuisine moléculaire 8. Les objectifs de la gastronomie moléculaire sont plus généralement les suivants : 1) tester les tours de mains et dictons culinaires classiques : on débouchera ainsi sur une cuisine éclairée, épurée de ses dictons et méthodes empiriques 2) comprendre les procédés culinaires, les aliments et leurs transformations : on aura ainsi la possibilité de les perfectionner en connaissance de cause 3) introduire des ingrédients, méthodes, outils nouveaux en cuisine en utilisant la connaissance des opérations physiques et chimiques 4) inventer des plats nouveaux fondés sur la connaissance des aliments et la compréhension des transformations culinaires 5) utiliser la cuisine pour montrer au public que la science est belle 9. Toutes ces explorations font appel à la physique et à la chimie, mais aussi, parfois, à la biologie, la sociologie, l histoire. La gastronomie moléculaire est donc une science résolument pluridisciplinaire On notera que la gastronomie moléculaire se focalise plus sur les procédés (transformations opérées sur les aliments en cuisine) que sur les aliments eux-mêmes (ce qui la distingue de la "science des aliments" qui existe depuis longtemps), même si une connaissance approfondie de ces derniers est évidemment requise pour aborder l étude de leur transformation. 8 Il est important ici d éviter toute confusion : cuisine raisonnée et cuisine moléculaire sont des applications de la gastronomie moléculaire qui, elle, n est pas de la cuisine puisque c est une science. Voir à ce sujet les textes d'hervé This en annexe. 9 Consulter notamment l'annexe A.2 à ce sujet. 10 Citons encore Brillat Savarin: "La gastronomie tient : à l histoire naturelle, par la classification qu elle fait des substances alimentaires ; à la physique, par l examen de leurs compositions et de leurs qualités ; à la chimie, par les diverses analyses et décompositions qu elle leur fait subir ; à la cuisine, par l art d apprêter les mets et de les rendre agréables au goût ; au commerce, par la recherche des moyens d acheter au meilleur marché possible ce qu elle consomme, et de débiter le plus avantageusement ce qu elle présente à vendre ; Enfin, à l économie politique, par les ressources qu elle présente à l impôt, et par les moyens d échange qu elle établit entre les nations." 6 Quelques exemples correspondant aux différents objectifs de la gastronomie moléculaire (d'après B. Simon) Une évolution "naturelle" de la gastronomie d après-guerre Auguste Escoffier disait déjà en 1907 dans son Guide Culinaire que "la cuisine, sans cesser d'être un art, deviendra scientifique et devra soumettre ses formules, empiriques trop souvent encore, à une méthode et à une précision qui ne laisseront rien au hasard". On est ainsi passé de la cuisine "classique" (issue de la tradition Escoffier, entretenue par Gringoire et Saulnier) à la cuisine "nouvelle" (Guérard, Robuchon, défendue par Gault et Millau) puis à la cuisine de terroir "revisitée" (Bras, Roellinger, Loiseau) parfois mâtinée de cuisine "moléculaire" (Gagnaire, Conticini, Marx) 11. Des questions innombrables, du général au particulier On se demandera par exemple quelles sont les molécules qui composent les aliments et comment elles s'organisent pour donner les sensations d'onctueux et de craquant, pour lier une sauce ou amalgamer une purée. On s'intéressera ainsi à la texture des sauces, émulsions, suspensions, mousses, et on cherchera l'influence de ces textures sur les différents paramètres du goût. De manière plus ciblée, on cherchera à comprendre pourquoi un abricot mûr et sucré, excellent cru, devient acide à la cuisson? Pourquoi un gnocchi remonte à la surface lorsqu'il est cuit? Pourquoi une pellicule se forme sur une sauce lorsqu'elle reste au contact de l'air? Comment arriver à garder une salade fraîche durant tout un service sans qu'elle flétrisse? Etc. 11 Allez, ne soyons pas trop chauvin, et citons donc deux chefs étrangers triple-étoilés et têtes de file du mouvement de cuisine "moléculaire": Heston Blumenthal (à l'ouest de Londres ; cf annexe A.12) et Ferran Adria (au nord de Barcelone ; cf annexe A.15). 7

5 Evitons les polémiques 12 Certains professionnels de la cuisine (chefs, professeurs de lycée hôtelier, etc.) vilipendent la gastronomie moléculaire trouvant sans doute insupportable que des scientifiques (et plus particulièrement des chimistes) s'érigent en donneurs de leçons dans un domaine qui leur est a priori étranger. Cette polémique n'a à mon avis aucun sens car 1) il ne s'agit pas de donner des leçons (les scientifiques seraient bien en mal de se donner ce rôle lorsque eux-mêmes appliquent à longueur de journée des protocoles absconds 13 ). Les démarches et motivations scientifiques (du chercheur) et techniques/artistiques (du cuisinier) sont séparées. Tant mieux si le premier peut occasionnellement aider, par sa connaissance, le second dans son art 14. 2) comprendre ce que l'on fait ne peut, jusqu'à preuve du contraire, que conduire à mieux faire! Que certains estiment que l'on n'a pas attendu les scientifiques pour faire de la "(très) bonne" cuisine, c'est évident : les objectifs 1 et 2 de la gastronomie moléculaire ne prétendent d'ailleurs pas forcément faire "meilleur" mais plutôt faire plus simple, plus efficace, plus reproductible, bref, mieux maîtrisé. Que certains préfèrent les plats "de terroir" (c est quoi?) "à l'ancienne" (c était quand?) plutôt que les constructions intellectuelles de la cuisine moléculaire, c'est leur droit : l'utilisation des résultats de la gastronomie moléculaire issus des objectifs 3 et 4 n'est une obligation pour personne ère partie : connaissances scientifiques de base La pluridisciplinarité de la gastronomie moléculaire rend essentielle l acquisition d une culture scientifique très large. Les principaux concepts les plus utiles pour la compréhension des phénomènes culinaires sont donc présentés ici, dans des domaines aussi variés que la biologie, la physique, la chimie, la biochimie ou la physiologie. Enfin, dans un registre certes différent, on ne pourra pas nier l'utilité pédagogique de l'objectif 5 : il n'y a qu'à voir l'audience que font venir les conférences de gastronomie moléculaire et le nombre de lycées techniques et filières universitaires qui ouvrent des enseignements de gastronomie moléculaire "Do not participate in controversies" est un des conseils chers à Michael Faraday (cf annexe A.9). 13 On pourrait notamment à ce sujet créer la "Biologie moléculaire Moléculaire" (!) dont le principal objectif serait d'obtenir une expérimentation "éclairée" dans laquelle le chercheur comprendrait et maîtriserait les moindre étapes de son travail, ce qui permettrait au passage d'épurer les protocoles empiriques utilisés quotidiennement par des générations de biologistes et dont les opérations minutieusement enchaînées sont parfois loin d'avoir toute leur utilité! Trop de scientifiques et de cuisiniers partagent donc malheureusement ce défaut: ils préfèrent souvent utiliser tel quel un protocole qui "marche" plutôt que de "perdre du temps" à le rendre plus efficace. N'est-ce pas le syndrome du bûcheron qui n'a pas le temps d'aiguiser sa scie car il a trop de bois à couper? Démarche finalement subtilement égoïste, puisque c'est bien le premier qui profitera, lors d'une visite chez le second, du surplus de bonheur offert par cette progression 15 On n'insistera jamais assez à ce sujet sur le fait qu'il faut bien faire la différence entre l'approche scientifique (la gastronomie moléculaire, qui justement en sa qualité de science relève d'une démarche indiscutable) qui va produire ces résultats et leur éventuel utilisation en cuisine (que l'on appelle alors parfois la cuisine moléculaire, même si cette appellation n'a sans doute pas beaucoup de sens, puisque tous les cuisiniers manipulent des molécules qu'ils font réagir chimiquement dans le fond de leur casseroles et font donc ainsi de la cuisine moléculaire ) 16 Vous aurez compris que prenant moi-même activement part à ces ouvertures, je ne peux que me réjouir de ce succès 8 9

6 I. Un peu de physique I.1. Interactions et états de la matière Les différents états de la matière contiennent les mêmes molécules; la différence de comportement est due à des différences de liaisons intermoléculaires: les forces de liaisons intermoléculaires tendent à lier les molécules les unes aux autres, alors que l agitation thermique tend à les séparer. I.1.1 Les interactions en jeux Agitation moléculaire - mouvement Brownien Le mouvement brownien est un mouvement incessant, désordonné, aléatoire qui anime les particules et que l on peut observer au microscope. Ce mouvement est en fait la résultante macroscopique de l agitation thermique, qui témoigne de l énergie cinétique des molécules prises individuellement. On démontre (théorie cinétique des gaz) que cette énergie est proportionnelle à la température absolue: U = 3/2RT (avec U l énergie interne d'une mole de gaz parfait et R=8,32 J.mole -1.K -1 la constante des gaz parfait) 17. Liaisons intermoléculaires Les forces de forte énergie (400 à 800 kj.mol -1 ) assurent les liaisons de type covalentes; les forces de faible énergie (1 à 40 kj.mol -1 ) assurent des interactions momentanées (interactions ioniques, de Van der Waals, hydrogènes, hydrophobes). Interaction Ordre de grandeur Exemple Importance (kj.mol -1 ) Covalente H-O-H Molécules (liaison chimique) Ionique 5-20 Na + Cl - Electrolytes, sels (force de Coulomb) Charge - dipôle permanent 1-5 Na + H 2 O Solubilité et hydratation des ions Van der Dipôle permanent - dipôle permanent (Force de Keesom) 2-10 Cohésion des liquides Waals Dipôle permanent - dipôle 1-5 " induit (Force de Debye) Dipôle instantané - dipôle instantané (Force de London) 1-5 " Liaison hydrogène C=O H-N- Structure 2D des protéines Hydrophobe (pseudo force) Entre groupes non polaires Structure 3D des protéines 17 Ce résultat ne tient compte que de l'énergie de translation est n'est donc valable rigoureusement que pour un gaz monoatomique. Pour des molécules plus complexes (diatomiques, polyatomiques) on ajoutera l énergie des mouvements de rotation et d oscillation de part et d autre de leur position d équilibre. La quantité RT (ou kt si l'on considère non pas une mole mais une molécule unique) constitue cependant un bon ordre de grandeur des barrières d'énergie que peut franchir spontanément la molécule. 18 On parle de pseudo-force car il ne s'agit pas à proprement parler d'une interaction directe mais plutôt d'un rapprochement "par défaut" dû à l'absence d'interaction avec les autres constituants. 10 L énergie totale d une molécule est la somme des énergies de liaison, de translation, de rotation et de vibration; les deux premières énergies sont de loin les plus importantes, et c est leur importance relative qui gouverne le comportement macroscopique de la population de molécules considérée. I.1.2 Les états stables Si l énergie de translation est grande, les liaisons intermoléculaires vues précédemment peuvent être rompues et les molécules initialement liées se séparent; statistiquement, on peut atteindre une situation ou toutes les molécules sont indépendantes, c est l état gazeux: les molécules libres occupent par le mouvement brownien tout l espace qui leur est offert 19. Si l énergie de liaison intermoléculaire l emporte sur l énergie de translation, les molécules restent liées les unes aux autres et on ne peut que difficilement modifier l édifice constitué; on a affaire à un solide, dont l exemple parfait est le cristal dans lequel les atomes occupent des positions connues et régulières dans l espace. Entre les deux situations se situe l état liquide, qui offre une résistance partielle à la déformation, mais est incompressible. Au plan microscopique, les molécules sont liées les unes aux autres mais on peut cependant les déplacer; il existe un ordre à courte distance, mais le désordre à grande distance 20. Cet état, qui présente donc à la fois cohésion 21 et déformabilité, est peut-être le plus difficile à décrire. On y verra apparaître les notions d'écoulement, de forces de surface, de mélange. Les changements d état se réalisent par apport ou retrait d énergie, dont la forme la plus simple est la chaleur, expression macroscopique de l agitation moléculaire 22. Solide liquide gaz Les trois états des corps purs et les changements d'états correspondants 19 Le gaz est parfait lorsque les molécules sont faiblement concentrées, considérées comme ponctuelles et sans interactions; il répond alors à la loi des gaz parfaits, PV=nRT. Le gaz réel s éloigne bien sûr de ces conditions, et on corrige alors cette loi du volume occupé par les molécules et des interactions intermoléculaires (P+ a/v 2 )(V-b)=nRT (équation de Van der Waals). 20 Il existe certains fluides (appelés fluides complexes), comme les cristaux liquides, qui ont un comportement hybride entre solide et liquide: ils présentent un ordre à longue distance mais leurs molécules restent libres de se déplacer entre elles. Je ne connais cependant pas d'exemple en cuisine. 21 Cette cohésion à l'échelle moléculaire se traduit macroscopiquement par ce que l'on appelle la viscosité du liquide. Cette dernière dépend donc des forces d'interaction qui ont lieu au sein du fluide: plus elles sont importantes, plus la viscosité est élevée. C'est ainsi que l'eau (interaction hydrogène entre chaque molécule) est moins visqueuse que l'huile (très nombreuses interactions de Van der Waals entre les longues chaînes carbonées des molécules). Se reporter à ce sujet au chapitre sur les lipides. 22 L unité de chaleur est la calorie, énergie nécessaire pour porter un gramme d eau de 14,5 à 15,5 degrés Celsius (4,18 Joules). 11

7 Il est à noter chaque changement d'état se fait, sous pression atmosphérique, à température constante (toute la chaleur apportée ou retirée est utilisée pour réaliser le changement d'état) 23. Cette température dépend du corps considéré et de la cohésion entre ses molécules. Ainsi, l'huile, étant globalement plus cohésive que l'eau, se solidifie ("fige") au dessus de 0 C et ne se vaporise pas à 100 C 24. Seulement trois états de la matière? Comme nous venons de le voir, un état de la matière correspond à un certain degré de cohérence de la matière (densité, structure cristalline,...) qui se traduit par des comportements définis par les lois de la physique (malléabilité, écoulement...). On distingue ainsi couramment les 3 états: gaz, liquide et solide 25. Les comportements de la matière ne sont cependant pas toujours uniformes au sein d'un même état. Ainsi existe-t-il des états intermédiaires où l'on observe un solide se comporter comme un fluide (matière pulvérulente ou granuleuse) ou au contraire un liquide avoir certaines propriétés propres aux solides (émulsions). Ce dernier cas fait appel non pas à un corps pur mais à un mélange de corps pur. Or, la plupart des ingrédients en cuisine présentent justement ce type de structure. Ce sont donc les propriétés de ces mélanges qui vont nous intéresser maintenant. I.1.3 Les états métastables Les états métastables se rencontrent avec les systèmes dispersés, mélanges de deux substances non miscibles, l'une (constituant la phase dispersée) étant dispersée dans l'autre (la phase continue). Les différents cas de figure sont résumés dans le tableau suivant: phase continue phase dispersée Gaz (G) Liquide (L) Solide (S) Gaz (G) Liquide 26 (L) Solide (S) G/G gaz G/L mousse liquide (chantilly, blanc en neige, soufflé) G/S mousse solide (pain, meringue, soufflé) 12 L/G aérosol liquide, vapeur L/L émulsion (lait, mayonnaise, vinaigrette, ) L/S gel (confiture, gelée, aspic) S/G aérosol solide, fumée S/L sol ou suspension (lait, pâte à crêpes, crème anglaise ) S/S suspension solide (pâtes sèches, pâte à pain non levée) 23 Ainsi, un mélange eau liquide / eau gazeuse en ébullition se maintiendra à 100 C tant qu'il restera de l'eau sous forme liquide; c'est seulement une fois toute l'eau évaporée que le système peut de nouveau monter en température. Voir à ce sujet le chapitre sur les cuissons. 24 On verra à ce sujet au chapitre sur les lipides que ceux-ci ne se vaporisent même pas puisque l'énergie nécessaire pour séparer les molécules dépasse celle suffisante pour briser les liaisons covalentes: les lipides sont donc dégradés avant vaporisation. Ce sont ces produits de dégradation qui s'échappent en fumées nocives (cancérigènes ET inflammables) audessus des bains d'huile surchauffés. 25 On pourrait rajouter un quatrième état, le plasma (gaz ionisé), mais celui-ci n'a que peu d'intérêt en cuisine! 26 En général, ce liquide sera de l'huile (H) ou de l'eau (E). Nous allons maintenant détailler quelques uns de ces états les plus répandus en cuisine. Emulsions Les émulsions sont le résultat de la dispersion d'un liquide dans un autre liquide non miscible avec le premier. Les propriétés d'écoulement d'une émulsion dépendent du rapport volumique entre les deux phases 27. Le mélange peut éventuellement être stabilisé par un troisième ingrédient appelé émulsifiant (tensioactifs). En effet, deux dangers guettent les émulsions: la coalescence des gouttes (directement ou par mûrissement d'ostwald) et le crémage (dû à la poussée d'archimède sur les gouttes les plus grosses). Le premier est limité par les tensioactifs d'une part (répulsion des gouttes; évite la coalescence) et par l'éventuel ajout d'un soluté non soluble dans la phase continue (maintien de la taille des gouttes par pression osmotique; évite le mûrissement d'ostwald) d'autre part; le deuxième est limité par les tensioactifs (gouttes plus petites) et la viscosité de la phase continue. Quelques exemples d'émulsions culinaires 28 (avec leur formule et leur émulsifiant): - lait (H/E, caséine) - mayonnaise (H/E, lécithine du jaune d'oeuf) - vinaigrette (E/H, éventuellement lécithine de la moutarde) Suspensions et gels On nomme colloïde (ou dispersion colloïdale) une substance sous forme de liquide ou de gel qui contient en suspension des particules solides suffisamment petites pour que le mélange soit homogène. Les colloïdes sont intermédiaires entre les suspensions (particules de taille supérieure à 1µm) et les solutions 29 vraies (particules de taille inférieure à 1nm). Distinction solutions/colloïdes/suspensions 27 Le cas le plus connu d'émulsion est celui de l'huile dans l'eau, c'est-à-dire de la mayonnaise. Plus on bat l'émulsion en rajoutant de l'huile, plus les gouttes d'huile grossissent et se divisent et plus la sauce prend corps. 28 On pourrait évidemment rajouter les crèmes hydratantes, le film hydrolipidique (mélange de sébum et de sueur), etc. Mais ces exemples sortent du cadre gastronomique de notre propos. Notons enfin que l eau gazeuse (qui m est souvent citée comme exemple en cours ) est un mauvais exemple. Certe, on a bien un gaz dans un liquide, mais il ne s agit pas à proprement parler d une dispersion, mais plutôt d une solution de gaz dissouts. 29 Les solutions sont à considérer plutôt comme des états stables que métastables: lorsqu'un corps est dissous dans un liquide, il diffuse et le système atteint un équilibre stable lorsque son entropie est devenue maximale, c'est-à-dire lorsque le soluté est réparti le plus uniformément possible dans le solvant. Notons au passage qu'une solution se forme lorsque l'on mélange des composés miscibles, c'est-à-dire formant les mêmes types d'interactions entre eux ("qui se ressemble s'assemble"). C'est ainsi que l'alcool, pouvant former des liaisons hydrogène, se mélange à l'eau, tandis que l'huile, dont les chaînes carbonées ne peuvent former que des liaisons de Van der Waals, ne se mélange pas à l'eau. 13

8 Les colloïdes forment des gels 30, réseaux moléculaires plus ou moins rigides (dont les interstices laissent passer solvant et petites molécules) ou des sols, lorsque les mailles de ce réseau sont extrêmement lâches. Les protéines (telles l'ovalbumine ou la gélatine) et les glucides de haut poids moléculaire (tels la pectine, l'amidon ou la cellulose) forment des colloïdes et permettent de fabriquer des flans et des gelées. La stabilité d'une solution colloïdale résulte de l'équilibre entre les interactions attractives et les interactions répulsives qui s'exercent sur les particules. Ces interactions dépendent notamment de la température 31, du ph et des électrolytes dissous. Une sauce doit posséder une certaine viscosité (c'est-à-dire une résistance à l'écoulement) qui lui donne sa tenue et qui contribue au plaisir de la dégustation. Souvent, on part d'un liquide peu visqueux dont on augmente la viscosité. Il s'agit des sauces liées à la fécule, la farine ou à l'œuf. Par exemple, si pour réaliser une sauce béarnaise, on met en suspension le jaune d'œuf, qui forme de très petits grumeaux en cuisant, dans une petite quantité de vinaigre. Les mouvements de ces amas sont gênés et la sauce devient visqueuse. Lorsque l'on ajoute le beurre, on forme une émulsion, car en le fouettant, on le divise en fines gouttelettes enrobées par le jaune d'œuf. Emulsion Suspension solide Mousses Les mousses proviennent de l'ajout de bulles d'air dans une préparation visqueuse. Par exemple, on peut obtenir une mousse en battant des blancs d'œufs en neige (un blanc en neige résulte d'une dispersion de bulles d'air dans l'eau des blancs) ou de la crème liquide à froid (dispersion de bulle d'air dans l'émulsion -graisse/eau- visqueuse qu'est la crème froide). Les mousses souffrent des mêmes facteurs d'instabilité que les émulsions. Mélanges complexes Gel Les états rencontrés en cuisine sont rarement des états simples du à un mélange de deux composés mais plutôt des mélanges complexes 32. Ainsi, beaucoup sont à la fois des suspensions et des émulsions: le lait, suspension de micelles de caséine et émulsion de goutte de graisse; la béarnaise, suspension de particules de jaune d'oeuf coagulé et émulsion de graisse du beurre; le chocolat, suspension (solide à température ambiante) de particules de cacao et émulsion de beurre de cacao, etc. Représentation schématique et clichés de microscopie de différents systèmes métastables (sources: H This) Mousse 30 On notera la différence essentielle entre les gels chimiques et les gels physiques: les premiers (comme le blanc d'œuf cuit, gel d'ovalbumine) impliquent la formation de liaisons covalentes et sont donc irréversibles; les seconds (comme les gelées de fruits, gels de pectine) ne font intervenir que des liaisons faibles et sont donc réversibles. 31 Le passage sol-gel est le plus souvent très dépendant de la température (ex gélatine). 32 Voir à ce sujet les annexes A.3 et A Suspension

9 I.2. Transformation de la matière et cuisson 33 La cuisine utilise différents procédés pour transformer chimiquement et / ou physiquement la matière fournie par les ingrédients qu'elle travaille. I.2.1 Formation d'états métastables Les états métastables (simples ou complexes) mentionnés ci-dessus sont obtenus par divers procédés physico-chimiques. Prenons quelques exemples (culinaires bien entendu): Emulsion: elle est obtenue en mélangeant deux liquides "non miscibles". On peut partir d'un liquide (par exemple une solution comme le vinaigre) que l'on verse en fouettant dans un autre (par exemple de l'huile): on obtient ainsi une vinaigrette (éventuellement stabilisée par de la moutarde qui contient des tensioactifs). On peut aussi partir d'une émulsion préformée (un jaune d'œuf, émulsion de lipides dans de l'eau, stabilisée par la lécithine) dans laquelle on augmente la phase dispersée (ajout d'huile et fragmentation des goutte en fouettant): on obtient une mayonnaise. Enfin, on peut partir d'une suspension (gousses d'ail réduites en purée) dans laquelle on incorpore un liquide (huile dont les gouttes sont stabilisées par les tensioactifs présents dans la pulpe de l'ail: on a ainsi fait un aioli 34. Mousse liquide: elle est obtenue en partant d'un liquide dans lequel on fait rentrer de l'air. Pour cela, il faut une viscosité suffisante (pour retenir les bulles d'air au sein du liquide) et un tensioactif (pour abaisser les énergies de surface et faciliter la rentrée d'air dans le liquide). Ainsi, on peut partir d'une solution comme des blancs d'oeufs (solution rendue visqueuse par les protéines qui y sont dissoutes) fouettés pour obtenir des blancs en neige (les protéines présentes jouant le rôle de tensioactif, avec leur partie hydrophobes orientées vers les bulles d'air et les parties hydrophiles vers la solution). On peut aussi partir d'une émulsion, par exemple en fouettant de la crème liquide pour obtenir de la crème fouettée (ou chantilly si on ajoute du sucre), ou de tout autre émulsion présentant à peu près les mêmes caractéristiques que la crème (chocolat fondu avec de l'eau pour obtenir un chocolat-chantilly, foie gras pour le foie gras chantilly, etc.) Mousse solide: il suffit pour l'obtenir de sécher une mousse liquide. C'est ainsi que l'on fait les meringues (à partir de blanc en neige sucrés) et les soufflés (qui sont en fait des systèmes limites entre liquide et solide selon la quantité d'eau résiduelle à la fin de la cuisson: on a ainsi des soufflés plus ou moins "secs"). On peut aussi faire cuire une suspension (pâte à pain, pâte à biscuit) dans laquelle on aura introduit un agent levant (levure boulangère, levure chimique): on obtient du pain ou un biscuit! 33 La deuxième partie de ce cours est plus particulièrement consacrée à la "cuisine" et aux procédés qu'elle utilise; nous donnons cependant dès à présent quelques éléments sur ce vaste sujet qui est finalement le cœur de la gastronomie moléculaire, par définition science des transformations culinaires. 34 Un vrai aioli, sans jaune d'œuf (qui, certes, apporte des tensioactifs qui sont toujours les bienvenus, mais aussi un goût d'œuf dont on ne veut pas forcément ici) 16 Suspension: on l'obtient en dispersant des particules solides dans un liquide. Des grains d'amidon dans du lait font une pâte à crêpes; des grumeaux de jaunes d'œuf coagulés dans du lait font une crème anglaise. Suspension solide: on l'obtient en emprisonnant des particules (grains d'amidon) dans un réseau solide (gluten): ce sont les pâtes alimentaire (grain d amidon secs) et les pâtes à pain avant levée (grain d amidon gonflés d eau). Ou encore en congelant une suspension liquide Gel: on l'obtient en cuisant dans l'eau une suspension solide (pâtes cuites), en cuisant une suspension liquide (crêpes) 35 ou en laissant refroidir une solution (une gelée de fruit peut-être considérée au premier ordre comme une solution de pectines, de même qu'un aspic peu être considéré comme une solution de gélatine) 36. I.2.2 Cuisson Les effets de la cuisson La cuisson est l'opération par laquelle un aliment est transformé sous l'effet de la chaleur 37. Elle entraîne un ensemble de réactions physiques (dénaturation des protéines, évaporation, dilatation) et chimiques (ruptures de liaisons, formation de nouvelle liaisons, caramélisation, réactions de Maillard, etc.) qui modifient l aspect, la couleur, l odeur, la saveur, la texture, le volume, le poids et les qualités nutritives de l'aliment. L action physique de la chaleur permet également de tuer germes et parasites se trouvant dans la nourriture (rôle microbiologique) et d'inactiver les enzymes 38, tandis que la recombinaison des molécules permet de modifier la toxicité des aliments. Transferts de chaleur Le transfert de chaleur peut se faire par conduction, par convection ou par rayonnement. 35 Toutes les suspensions ne donnent pas le même résultat à la cuisson: ainsi, une crème anglaise cuite un peu trop longtemps ne donnera pas un gel, mais juste une crème anglaise râtée! (Taille des particules de jaune d'oeuf coagulés trop importante: des grumeaux aussi macroscopiques que disgracieux se forment ) 36 Même si ces solutions présentent heureusement d'autres éléments (dissouts ou en suspension) qui "donnent du goût" 37 On ne parlera pas ici des modes de cuissons "exotiques" tels que les marinades ou séchages. 38 C'est d'ailleurs en faisant cuire les ananas que l'on peut espérer en faire une gelée à partir de gélatine, car la cuisson inactive les protéinases présentes dans l'ananas frais (cf à ce sujet le cours de Jack Lang à l annexe A.17). 17

10 Conduction La conduction thermique est le mode de transfert de chaleur provoqué par une différence de température entre deux régions d'un même milieu ou entre deux milieux en contact sans déplacement appréciable de matière. C'est en fait l'agitation thermique qui se transmet de proche en proche, une molécule ou un atome cédant une partie de son énergie cinétique à son voisin (la vibration de l'atome se ralentit au profit de la vibration du voisin). C'est la cuisson par contact (plaques électriques, cuissons "à la plancha", ) Convection La convection est un mode de transfert de chaleur où celle-ci est advectée par au moins un fluide. Ainsi l'eau de cuisson des pâtes se met en mouvement spontanément : les groupes de particules de fluide proche du fond de la casserole sont chauffés, se dilatent donc deviennent moins denses et montent ; ceux de la surface de la casserole sont refroidis par le contact de la surface avec un milieu dont moins chaud, se contractent donc gagnent en densité et plongent. La chaleur est alors transférée de manière beaucoup plus efficace que par la conduction thermique. Ce phénomène physique très commun se produit dans de nombreux systèmes (four, casserole, mais aussi manteau terrestre, étoiles,...) sous des formes diverses. Rayonnement Le terme radiation ou son synonyme rayonnement en physique, désigne le processus d'émission ou de transmission d'énergie sous forme de particules ou d'ondes électromagnétiques ou acoustiques. Il comprend les radiations électromagnétiques (onde radio, infrarouge, lumière, rayons X, rayons gamma) ainsi que les rayonnements particulaires (particules alpha, bêta, neutrons). En cuisine, nous sommes surtout concerné par le rayonnement infrarouge (braises des feux de bois) et micro-onde (four à micro-ondes). cuire au bain-marie : consiste à faire cuire ou chauffer une préparation à la température de l eau bouillante. Pour cela le produit est placé dans une première petite casserole, à sont tour placée dans une deuxième casserole, remplie d eau. La chaleur de l eau est transmise à la première casserole, la température de cette casserole ne peut pas dépasser la température de l eau bouillante ; étouffer : cuire à court mouillement et couvert ; étuver : faire cuire à chaleur douce, à couvert, avec très peu de matières grasses et/ou de liquide ; mijoter : cuire lentement, à petit feu ; mitonner : cuire à petit feu ; pocher : faire bouillir quelques minutes ; poêler : passer à la poêle ; rissoler : faisant revenir une viande ou des légumes dans de la matière grasse pour donner une coloration ; rôtir ; faire cuire dans un four ; saisir : cuire rapidement à feu vif ; sauter : faire dorer un aliment dans un corps gras pour le saisir ; etc. Dans tous les cas, on gagnera à comprendre précisément l'action de la chaleur sur les aliments et à systématiser les différents modes de cuisson 39. Méthodes de cuisson Elles sont variées et l'étendue du vocabulaire qui sert à les décrire prête souvent à confusion. On entendra ainsi parler par exemple de blanchir: plonger une viande ou des légumes dans de l eau bouillante salée pour les attendrir, avant de les cuisiner autrement ; bouillir : porter un liquide à ébullition et l y maintenir afin de cuire les aliments qui y sont plongés ; braiser : faire cuire doucement une viande dans un récipient fermé avec du jus comme liquide ; compoter : cuire lentement à couvert jusqu à obtention d un appareil à consistance de compote ; Je conseille tout particulièrement à ce sujet les livres de Peter Barham (The science of cooking) et Hervé This (traité de cuisine élémentaire); cf bibliographie. 19

11 II. Un peu de (bio)chimie II.1. Les réactifs en cuisine II.1.1. Composés organiques de base (et leur présence dans les aliments) Les alcools :R-OH La fonction alcool est caractérisée par le groupe hydroxyle OH. Ce groupe rend généralement la molécule d'alcool polaire. Ces groupes peuvent former des liaisons hydrogène entre eux ou avec d'autres composés (d où la miscibilité de l alcool dans l eau par exemple, à condition que la chaîne carbonée ne soit pas trop longue). Les alcools de faible poids moléculaire se présentent à température ambiante comme des liquides incolores ; les alcools plus lourds comme des solides blanchâtres. On les trouve en premier lieu dans les alcools alimentaires. Le plus important est l'éthanol (ou alcool éthylique) CH 3 CH 2 OH, sa quantité sert à définir le ou % d'une boisson alcoolisée. Le méthanol est présent en très faible quantité (<350 mg/l dans le vin) mais mérite d'être mentionné car est à l'origine de la toxicité des alcools «frelatés» (ou simplement mal distillés) 40. Les alcools simples supérieurs (butyliques, iso-butyliques, ) sont également présents, ainsi que différentes molécules complexes comportant une fonction alcool. Ces deux dernières catégories jouent un rôle important dans le goût d'un alcool. On notera également que tous les alcools peuvent êtres impliqués dans des équilibres chimiques produisant des esters, molécules à fort pouvoir aromatique. Les alcools sont également présents dans de nombreuses denrées d'origine végétale et animale en faible quantité, et souvent dans des molécules complexes comme les hormones (stérols, stradiols,...). Les phénols : Ph-OH Les phénols sont des composés chimiques aromatiques portant une fonction alcool (on les appelle d ailleurs parfois «alcools aromatiques»). Les phénols proviennent quasiment tous des végétaux. Les phénols simples, déchets du métabolisme végétal, sont assemblés en polyphénols (dérivés portant plusieurs fonctions OH) de structure et propriétés très variables. Ces polyphénols sont des composés organiques phénoliques à haut poids moléculaire classés dans les antioxydants naturels car permettent, par un mécanisme de formation de radicaux libres, de lutter contre le vieillissement cellulaire, et de protéger contre certaines maladies: les affections cardiovasculaires, l'ostéoporose et la formation de tumeurs. Les polyphénols sont présents dans diverses substances naturelles ; sous forme d'anthocyanine dans les fruits rouges, le vin rouge ( en relation avec les tanins ), sous forme de flavonoïdes dans les agrumes, et sous d'autres 40 Le foie dégrade le méthanol en formaldéhyde qui provoque la cécité ou la mort. 20 formes dans le thé, le chocolat, les pommes, les oignons, les algues brunes, etc. On notera aussi la lignine qui permet aux végétaux de se rigidifier et donc de se dresser. Les éthers : R-O-R Les éthers simples sont quasiment inexistants dans l'alimentation, néanmoins on retrouve la structure de la fonction éther au sein de molécules plus complexes. Les éthers permettent la fermeture des cycles (on parle alors «d éthers cycliques») qui stabilisent la structure des sucres. On les rencontre aussi dans les graisses sous forme d'éthers lipidiques et d'éthers de glycol. Les aldéhydes : R-CHO Les aldéhydes sont des molécules très volatiles et fortement odorantes. Elles sont présentes dans de nombreux arômes naturels et artificiels. Par exemple l'éthanal est responsable de l'odeur de pomme verte, l'aldéhyde cinnamique répand une odeur de cannelle, etc. On trouve également des aldéhydes dans certains sucres qui sont alors dits aldoses. Les cétones : R-CO-R Ces composés, proches des aldéhydes, sont présents dans les sucres dits cétoses et dans les graisses. La fonction carbonyle est également trouvée dans des molécules complexes. Les acides carboxyliques : R-COOH La fonction acide carboxylique est fortement polaire grâce au groupe carbonyle, et au groupe hydroxyle qui la compose. Ceci permet la création de ponts hydrogène par exemple avec un solvant polaire comme l'eau, l'alcool, et d'autres acides carboxyliques. De par cette propriété les acides carboxyliques de petite taille (jusqu'à l'acide butanoïque) sont complètement solubles dans l'eau. Les molécules d'acides sont aussi capables de former des dimères stables par pont hydrogène, ce qui permet d'expliquer pourquoi leur température d'ébullition est plus élevée que celle des alcools correspondants. Les acides de faible poids moléculaire possèdent une forte odeur, par exemple l'acide butanoïque est responsable de l'odeur du beurre rance. En fait, le rôle des acides carboxyliques dans l'alimentation mériterait à lui seul un chapitre. Nous noterons simplement ici sa grande importance dans la chimie des graisses, avec les fameux acides gras ; dans les milieux liquides, notamment les alcools et les vinaigres (acide acétique) ; et enfin dans les arômes et les saveurs de part leur implication dans la formation d'esters. 21

12 Les esters :R -COO-R II.1.2. Les constituants élémentaires des aliments Les esters sont formés par une réaction de condensation entre un acide et un alcool, libérant de l'eau (estérification de Fisher). Si rien n'est précisé, il s'agit d'esters d'acides carboxyliques. Ceux-ci sont présents dans les graisses sous forme de triglycérides (3 acides gras + glycérol triglycéride). On retrouve aussi dans de nombreuses plantes des esters simples qui sont à l'origine d'un arôme souvent fruité ou fleuri : acétate de lynalyle (lavande), acétate de butyle (banane), etc. Les esters jouent également un rôle important dans le goût des alcools, leur formation au cours du vieillissement en fûts de bois combine des molécules issues du bois et de la fermentation pour former de nouvelles saveurs. Les amides :R -N-C=O Les amides sont des dérivés d'acides carboxyliques, ont les retrouvent également dans les graisses mais aussi dans les vitamines B. Cependant, la fonction amide est principalement présente dans les protéines puisque c'est elle qui constitue la liaison peptidique entre les acides aminés. Les amines : R-N (ou R-NR pour les amines secondaires et R-NRR pour les amines tertiaires) Les amines sont essentiellement présentes dans les plantes dans les composés appelés alcaloïdes, ceuxci ont souvent un fort goût amer comme la quinine. Ces molécules ont généralement une forte activité biologique et sont purifiées pour une utilisation comme médicaments ou comme stupéfiants. De nombreuses amines ont une odeur très désagréable car elles sont produites par la décomposition des organismes 41. Les acides aminés : LES PROTEINES Une protéine est un assemblage (ou séquence) d'acides aminés liés par des liaisons peptidiques. On parle de protéine lorsque plus de 100 acides aminés sont liés au sein d'une chaîne d'acides aminés (et de polypeptide en-dessous). Les propriétés des acides aminés (charge, hydrophobicité...) gouvernent la structure de la protéine, globulaire ou fibrillaire, que l'on peut décrire à différents niveaux : la structure primaire, qui est la séquence linéaire des acides aminés dans la protéine ; la structure secondaire, qui rend compte de l'organisation de groupes d'acides aminés en éléments structuraux simples : hélices alpha, feuillets et tours beta, autres structures ; la structure tertiaire, qui correspond au repliement de la protéine dans l'espace tridimensionnel. Cette structure rend compte de l'organisation entre eux des éléments de structure secondaire. La structure tertiaire peut aussi rendre compte du fait que plusieurs chaînes protéiques distinctes sont reliées entre elles par liaisons covalentes, ponts disulfures par exemple ; la structure quaternaire, qui définit l'association (multimérisation) par liaisons faibles entre des protéines de structures primaires identiques (homoassociation) ou distinctes (hétéroassociation). Les protéines ont des fonctions très diverses : certaines pourront avoir une fonction structurale (elles participent à la cohésion structurale des cellules entre elles), enzymatique (elles catalysent les réactions chimiques de la matière vivante) ou encore une fonction de messager (pour les protéines impliquées dans des processus de signalisation cellulaire). Les acides aminés sont des molécules comportant à la fois une fonction amine et une fonction acide carboxylique. Ils s'assemblent entre eux en formant des liaisons peptidiques (amides) et forment des chaînes de plusieurs centaines de molécules que l'on appelle protéines. Les protéines sont présentes en grande quantité dans la viande et le poisson, mais on les trouve aussi dans des végétaux comme les légumes secs et les céréales complètes. Elles font parties, au côté des lipides et des glucides, des principaux constituants de nos aliments. LES LIPIDES Les lipides sont les matières grasses qui sont contenues dans les aliments et qui leur donnent une texture moelleuse et onctueuse. Ils sont insolubles dans l'eau (hydrophobes) et sont moins denses que l'eau. Ce sont des molécules constituées de carbone, d hydrogène et d oxygène sous forme de combinaison d acides gras et de glycérol. La plupart (80 à 90%) des lipides alimentaires sont constitués de l association d un glycérol et de trois acides gras de compositions diverses : on les appelle triglycérides 42. Ils ont pour forme générale CH 2 COOR-CHCOOR'-CH 2 -COOR" où R, R' et R" représentent des acides gras ; les trois acides gras peuvent être tous différents, tous identiques, ou seuls deux d'entre eux sont identiques. 41 Par exemple la cadavérine au nom assez évocateur Egalement appelés triacylglycérols ou triacylglycérides. 23

13 Les triglycérides sont le constituant principal de l'huile végétale et des graisses animales. L'huile est un terme générique désignant des matières grasses qui sont à l'état liquide à température ambiante et qui ne se mélangent pas à l'eau. Les huiles sont des liquides gras, visqueux, d'origine animale, végétale, minérale ou synthétique. Elles se différencient des graisses qui sont pâteuses dans les conditions normales d'utilisation 43. Dans les triglycérides, les chaînes des acides gras peuvent comporter de 4 à 22 atomes de carbone, mais 16 et 18 atomes sont les longueurs les plus courantes. Des chaînes plus courtes se rencontrent dans le beurre par exemple (acide butyrique). Presque sans exception, les acides gras naturels comportent un nombre pair d'atomes de carbone - du fait qu'ils sont bio-synthésisés à partir de l'acide acétique. La plupart des corps gras naturels sont constitués d'un mélange complexe de triglycérides ; à cause de cela, ils fondent progressivement sur une large plage de température 44. Les lipides sont très énergétiques : ils apportent beaucoup de calories (1 g de lipide apporte 9 kcal ou 38 kj). Les corps gras sont indispensables au bon fonctionnement de l'organisme animal mais une nourriture trop riche en graisses (surtout saturées) et en cholestérol (comme les viandes, les fromages, les charcuteries) favorise les maladies cardio-vasculaires. Par contre les graisses polyinsaturées et mono-insaturées (comme dans les huiles végétales d'olive, colza, tournesol, mais aussi dans les poissons) protègent les artères. Les acides gras-polyinsaturés (apportés par l'huile de tournesol, maïs, arachide, etc ) des séries oméga-3, oméga-6 et oméga-9 sont souvent appelés "acides gras essentiels" car l'organisme humain en a absolument besoin. Les acides gras des séries oméga-3 et oméga-6 sont qualifiés d'indispensables car l'organisme est incapable de les synthétiser et ils doivent donc obligatoirement être apportés par l'alimentation. Ces acides gras sont très importants pour l'organisme car ce sont des constituants des membranes cellulaires. Acides gras les plus courants Les acides gras saturés linéaires ont comme formule chimique : H 3 C-(CH 2 ) n -COOH où n est un nombre entier positif ou nul. Certains possèdent des noms particuliers 45 : Tableau des acides gras saturés linéaires Nombre d'atomes de Nombre de liaisons Nom commun Nom UICPA Structure carbone doubles 1 0 acide formique acide méthanoïque HCOOH 2 0 acide acétique acide éthanoïque H 3 C-COOH 3 0 acide propionique acide propanoïque H 3 C-CH 2 -COOH 4 0 acide butyrique acide butanoïque H 3 C-(CH 2 ) 2 -COOH 6 0 acide caproïque acide hexanoïque H 3 C-(CH 2 ) 4 -COOH 8 0 acide caprylique acide octanoïque H 3 C-(CH 2 ) 6 -COOH 10 0 acide caprique acide décanoïque H 3 C-(CH 2 ) 8 -COOH 12 0 acide laurique acide dodécanoïque H 3 C-(CH 2 ) 10 -COOH 14 0 acide myristique acide tétradécanoïque H 3 C-(CH 2 ) 12 -COOH 16 0 acide palmitique acide hexadécanoïque H 3 C-(CH 2 ) 14 -COOH 17 0 acide margarique acide heptadécanoïque H 3 C-(CH 2 ) 15 -COOH 18 0 acide stéarique acide octodécanoïque H 3 C-(CH 2 ) 16 -COOH 20 0 acide arachidique acide eicosanoïque H 3 C-(CH 2 ) 18 -COOH 22 0 acide béhénique acide docosanoïque H 3 C-(CH 2 ) 20 -COOH 24 0 acide lignocérique acide tétracosanoïque H 3 C-(CH 2 ) 22 -COOH 26 0 acide cérotique acide hexacosanoïque H 3 C-(CH 2 ) 24 -COOH 28 0 acide montanique acide octacosanoïque H 3 C-(CH 2 ) 26 -COOH 30 0 acide mélissique acide triacontanoïque H 3 C-(CH 2 ) 28 -COOH 32 0 acide lacéroïque acide dotriacontanoïque H 3 C-(CH 2 ) 30 -COOH Deux exemples courants: - L'acide palmitique, également appelé acide hexadécanoïque (nomenclature IUPAC), est l'un des acides gras saturés les plus courants chez les animaux et les plantes. On le symbolise souvent par les nombres 16:0 pour indiquer qu'il a 16 carbones et aucune liaison éthylénique. C'est un solide blanc qui fond à 63,1 C et sa formule chimique est CH 3 (CH 2 ) 14 COOH. Comme son nom l'indique, on en trouve dans l'huile de palme, mais aussi dans toutes les graisses et huiles animales ou végétales (beurre, fromage, lait et viande). L'acide palmitique est le premier acide gras produit au cours de la lipogénèse ; à partir de lui, les acides gras plus longs peuvent être produits. C'est un excellent aliment énergétique. Industriellement on utilise l'acide palmitique pour la fabrication des margarines, des savons durs. Des dérivés de l'acide palmitique furent utilisés au cours de la Seconde Guerre mondiale pour produire le napalm. - L'acide butanoïque ou acide butyrique, de formule CH 3 CH 2 CH 2 -COOH, est un acide carboxylique saturé que l'on trouve par exemple dans le beurre rance, où il dégage un odeur forte et désagréable. L'acide butanoïque est un liquide légèrement huileux qui se solidifie à -5 C et dont le point d'ébullition est de 164 C. Il est facilement soluble dans l'eau, l'éthanol, et l'éther. 43 Le beurre n'est pas considéré comme une huile bien qu'il soit liquide dans certains pays chauds. Dans les pays tempérés certaines huiles, normalement liquides, peuvent se figer par temps froid. 44 Le beurre de cacao est atypique car il constitué principalement d'un seul triglycéride (composé d'acides palmitique, oléique et stéarique) et a un point de fusion assez marqué (et donc le chocolat fond dans la bouche, pas dans la main ) Chaque acide gras saturé possède en général plusieurs noms : un nom systématique précis (caractérisé par sa formule chimique) et un nom commun qui rappelle souvent son origine (par exemple, l'acide formique est un produit naturel synthétisé par les fourmis). 25

14 Les acides gras insaturés sont en général non linéaires. On trouve notamment: - L'acide oléique est le plus abondant des acides gras monoinsaturés à chaîne longue dans notre organisme. Sa formule chimique brute est C 18 H 34 O 2 (ou CH 3 (CH 2 ) 7 CH=CH(CH 2 ) 7 COOH). Son nom IUPAC est acide cis-9-octadécénoïque, et son nom court de lipide est 18:1 cis La forme saturée de cet acide est l'acide stéarique. A la température de notre corps c'est un liquide (huile) qui ne se solidifie qu'à 4 C. Son nom vient de l'huile d'olive dont il constitue 55 à 80 %, mais il est abondant dans toutes les huiles animales ou végétales, par exemple dans l'huile de pépins de raisin (15 à 20 %). Données ophysiques: point de fusion 15,3 C; point d'ébullition 360 C; densité : 0,895 g/cm³). - L'acide linoléique 47 (C 18 H 32 O 2 ) est un acide gras polyinsaturé. Il est constitué d'une molécule de 18 atomes de carbone et 2 doubles liaisons, dont le composé est liquide et incolore. Il appartient au groupe des oméga-6. Le mot linoléique vient du grec linon (le lin). Oléique signifie une relation à l'huile : en effet, l'huile de lin en contient de grandes quantités. On distingue plusieurs énantiomères de l'acide octadécadiénoïque, mais seul l'acide 9-cis, 12-cis octadécadiénoïque correspond à l'acide linoléique. Sa désignation biochimique est 18:2(n-6), l'énumération des doubles liaisons se faisant en sens inverse de la nomenclature chimique. Sa température de fusion est de -12 C. Sa formule semidéveloppée est : CH 3 (CH 2 ) 4 CH = CH CH 2 CH = CH (CH 2 ) 7 COOH. L'acide linoléique est un acide gras polyinsaturé qui intervient dans la fabrication de la membrane cellulaire. Pour pouvoir être utilisé par le corps, l'acide linoléique doit être converti en acide gamma-linolénique (GLA), par une réaction enzymatique (delta-6-désaturase ou D6D). L'acide linoléique ne peut être synthétisé par l'organisme et doit donc être apporté par l'alimentation 48. On dit pour cela que c'est un acide gras essentiel. - L'acide linolénique est un acide gras polyinsaturé formé d'une chaîne de 18 carbones dont 3 double liaisons. Un isomère, appelé acide -linolénique (acide alpha-linolénique), appartient aux Oméga-3, et est un acide gras essentiel : il doit être apporté par l'alimentation. Un autre isomère est l'acide linolénique (acide gamma-linolénique), qui appartient aux Oméga-6 et qui est le résultat de la désaturation de l'acide linoléique. C'est un acide gras rare mais essentiel, car l'acide di-homo- linolénique est un constituant très important des phospholipides de la membrane cellulaire. - L'acide arachidonique (acide 5,8,11,14-eicosatétraénoïque; son nom courant vient de l'huile d'arachide) est un acide gras à 20 atomes de carbone, polyinsaturé à quatre double liaisons en cis qui sont les causes de sa flexibilité et lui donnent sa capacité de réaction avec l'oxygène moléculaire. Il fait partie de la famille des Oméga-6. Cet acide est présent dans la membrane cellulaire. L'acide arachidonique est considéré comme un acide gras essentiel, qui doit être apporté par l'alimentation : la plupart des mammifères sont incapables de le synthétiser. 46 On le symbolise par les nombres 18:1 pour indiquer qu'il a 18 atomes de carbone et une liaison éthylénique. Pour indiquer la position de la double liaison on préfère indiquer le nombre de carbones entre le dernier carbone (n 18) et le carbone où commence la double liaison (n 9), d'où 18-9, qu'on écrit n - 9, en désignant par n le nombre de carbones de la chaîne. 47 L'acide linoléique était autrefois appelé vitamine F, mais cette désignation a été abandonnée. 48 Des énantiomères trans-linoléiques sont obtenus à partir de l'acide linoléique par chauffage. C'est pour cela que certains médecins et nutritionnistes, donnent de l'importance aux l'huiles de première pression à froid. En effet l'extraction à chaud des huiles a tendance à transformer l'acide cis-linoléique en acide trans-linoléique et rendre ainsi l'huile inutilisable par l'organisme pour la synthèse d'acide gamma-linolénique. 26 Quelques huiles courantes Les huiles alimentaires ont des propriétés (arômes, cuisson) qui dépendent de leur composition. La matière grasse de l'huile est composée de triglycérides eux-mêmes constitués d'acides gras de différentes sortes, dont la répartition est caractéristique de l'huile en question, et à un niveau de détail plus poussé, des différentes variétés ou du lieu de production. Lorsque des triglycérides sont dégradés, les acides gras qui les constituaient sont détachés et errent librement dans l'huile: il sont alors dits «acides gras libres». Leur pourcentage dans l'huile est ce que l'on appelle «acidité» de l'huile, et s'exprime en grammes d'acide libre pour 100 grammes d'huile. Cette acidité ne se perçoit jamais sous forme de goût acide, mais sous la forme de telle ou telle dégradation, comme par exemple un goût de moisi. Prenons l'exemple de l'huile d'olive: elle est composée d'environ 99 % de matières grasses. Le 1 % restant constitue les composés mineurs ; il s'agit essentiellement (par ordre d'importance) : du squalène, des alcools triterpéniques, des stérols, des phénols, et des dérivés du tocophérol. Composition en acides gras des huiles d'olive (%) (source: Wikipedia) Acide gras Dénomination Moyenne centrée Premier quartile 2 Troisième quartile 2 C16:0 Acide palmitique 11,8 10,9 12,7 C16:1 9 Acide hypogéique 3 0,12 0,11 0,14 C16:1 7 Acide palmitoléique 0,81 0,62 1,08 C17:0 Acide margarique 4 0,08 0,05 0,12 C17:1 8 Acide margaroléique 4 0,15 0,10 0,25 C18:0 Acide stéarique 2,2 1,9 2,7 C18:1 9 Acide oléique 72,6 68,9 75,1 C18:1 7 Acide vaccénique 3 2,3 2,0 2,7 C18:2 6 Acide linoléique 7,9 6,5 10,1 C18:3 3 Acide linolénique 0,65 0,60 0,70 C20:0 Acide arachidique 0,37 0,34 0,42 C20:1 9 Acide gondoïque 0,28 0,25 0,31 C22:0 Acide béhénique 0,11 0,10 0,12 C24:0 Acide lignocérique 0,05 0,04 0,05 Acide gras saturés 5 14,8 14,0 15,6 Acides gras monoinsaturés 5 76,6 73,4 79,1 Acides gras polyinsaturés 5 8,6 7,2 10,8 27

15 LES GLUCIDES Très schématiquement, la plupart les glucides sont constitués par des chaînes plus ou moins longues de particules élémentaires (les oses) et on peut les classer en sucres simples et sucres complexes selon le nombre de particules élémentaires qui les constituent (monosaccharide = une particule élémentaire, disaccharide = deux particules élémentaires, polysaccharide = plus de deux particules élémentaires). Les monosaccharides et les disaccharides constituent le groupe des sucres simples. Ils élèvent la glycémie très rapidement (sauf le fructose), et les sucres simples sont donc à classer dans le groupe des sucres rapides. Les polysaccharides assimilables sont des glucides que l'organisme humain est capable de digérer. Certains d'entre eux sont digérés rapidement et ce sont donc des sucres complexes qui sont à classer dans le groupe des sucres rapides : pommes de terre, riz, semoule, ainsi que pâtes, pain, farine et autres dérivés. D'autres sont digérés beaucoup plus lentement, et ce sont ces sucres complexes qui constituent le véritable groupe des sucres lents : fèves, flageolets, lentilles, haricots rouges, haricots blancs, pois cassés, pois chiches. Les polysaccharides non assimilables, qui constituent le groupe des fibres alimentaires, sont des glucides particuliers que l'organisme humain n'est pratiquement pas capable de digérer, et qui ont des propriétés intéressantes : elles ralentissent la vidange de l'estomac et freinent les mouvements de la partie initiale de l'intestin, ce qui ralentit l'absorption des glucides assimilables 49 (certaines fibres peuvent retenir jusqu'à cinq fois leur poids en eau. Il en résulte la formation d'un gel qui réduit l'absorption des glucides, et qui facilite le transit intestinal ; elles se combinent dans l'intestin avec le cholestérol présent dans la bile, ce qui abaisse le cholestérol sanguin ; elles n'apportent pas de calories. Le glucose (symbolisé par Glc., synonyme dextrose lorsqu'il s'agit de D-glucose) est un ose simple et plus particulièrement un aldohexose. Il présente la même formule brute que ses isomères, en particulier le mannose ou le fructose : C 6 H 12 O 6. La masse molaire du glucose est de 180,156 g/mol. Il se présente sous forme d'une poudre blanche, d'une saveur sucrée caramélisant à partir de 150 C. Il est soluble dans l'eau et l'éthanol (molécule polaire) mais insoluble dans l'éther et les solvants organiques. Le fructose est un monosaccharide (sucre simple non-hydrolysable) du groupe des cétoses, que l'on trouve en abondance dans les fruits et le miel. Il présente la même formule brute que ses isomères, en particulier le glucose : C 6 H 12 O 6, c'est un hexose (sucre à 6 carbones). Sa formule semi-développée est CH 2 OH-CHOH-CHOH-CHOH-CO-CH 2 OH ou C 4 H 9 O 4 -CO-CH 2 OH si on veut faire apparaître sa fonction cétone. Il a tendance à se cycliser sous sa forme furanose (cycle à 5 carbones) plutôt que sous sa forme pyranose (cycle à 6 carbones). Le galactose est un monosaccharide formé par 6 atomes de carbone (hexose). C'est un épimère du glucose au 4ème carbone. De la famille des aldoses, c'est un sucre réducteur qui a tendance à se cycliser sous une forme dérivant du pyrane : le galactopyrannose. Monosaccharides (ou oses) Les oses (ou monosaccharides) sont les monomères des glucides. Ils ne sont pas hydrolysables. Tout comme les disaccharides, ils possèdent un pouvoir sucrant, et sont solubles dans l'eau. Leur formule générale est C n (H 2 O) n où n est un nombre entier représentant le nombre de carbones (de 3 à 7 pour les oses naturels) 49 L'apport conseillé en fibres pour la population générale est de l'ordre de 25 g/24 h, mais il n'est que rarement atteint dans notre alimentation occidentale. Les diabétiques ont tout intérêt à augmenter leur ration de fibres alimentaires. 28 Disaccharides (ou diholosides) Ce sont des diholosides (sucres formés par deux oses) dont la formule chimique est C 12 H 22 O 11 et la masse molaire 342 g.mol

16 Le saccharose (que les anglo-saxons appellent sucrose) est «le» sucre produit à partir de la canne à sucre et de la betterave. Son nom officiel est le -D-glucopyrannosyl(1->2) -D-fructofurannoside. Il peut être symbolisé par Glc-Fru. C'est un glucide simple. Grâce à l'invertase, en présence d'eau et à température modérée (37 C), il s'hydrolyse de façon irréversible en glucose et en fructose, ce qui permet son assimilation par l'organisme 50. Polysaccharides L'amidon (du latin amylum, fleur de farine) est un glucide de réserve utilisé par les végétaux supérieurs pour stocker de l'énergie au même titre que l'inuline chez certaines plantes et que le glycogène chez les animaux. Il se présente sous forme de grains visibles au microscope. C'est un polysaccharide de formule chimique (C 6 H 10 O 5 ) n. Il est composé de deux fractions polysaccharidiques : - l'amylose, molécule formée d'envion 600 molécules de glucose chaînées linérairement ; Le pouvoir sucrant du saccharose sert de référence dans l'échelle des produits sucrants, c'est-à-dire qu'il est considéré comme égal à 1. - l'amylopectine, molécule plus ramifiée Le lactose est extrait par évaporation du petit lait obtenu après séparation des matières grasses et précipitation de la caséine: on obtient des cristaux durs et sablonneux d'hydrate de lactose (formule C 12 H 22 O 11.H 2 O). Les cristaux perdent leur eau par chauffage à 140 C. Ils fondent et se décomposent à 202 C. Son nom officiel est le -D-galactopyrannosyl(1->4)D-glucopyrannose. Il peut être symbolisé par Gal-Glc. La lactase ( -galactosidase) hydrolyse le lactose en glucose et galactose. Il a un pouvoir sucrant assez faible, sa saveur sucrée étant de 20% de celle du saccharose. Le maltose est le produit de l'hydrolyse enzymatique de l'amidon par une amylase. Il a pour nom officiel l' -D-glucopyrannosyl(1->4)D-glucopyrannose et peut être symbolisé par Glc-Glc. Il est parfois appelé di-glucose. C'est le début d'une série biochimique importante, car si une unité de glucose lui est ajoutée celuici devient le maltotriose, puis malto-tétrose, et ainsi de suite. Des molécules à longue chaîne du glucose s'appellent parfois les maltosides. 50 Le mélange produit par l'invertase, glucose et fructose, est appelé sucre inverti. 30 Il se dissocie en glucose assimilable sous l'action d'enzymes, les amylases, d'autant plus facilement s'il se trouve sous forme d'amylopectine (la formation hélicoïdale favorise l'accessibilité de l'amidon aux enzymes). L'amidon est insoluble dans l'eau froide. En le traitant par l'eau chaude, on obtient l'empois. Il est exploité dans l'industrie pour ses propriétés d'épaississant et de gélifiant. On le trouve dans les organes de réserves : les graines (en particulier les céréales -maïs, fromentet les légumineuses), les racines, tubercules et rhizomes (pomme de terre, patate douce, manioc, etc.). Sur le plan industriel c'est surtout le maïs et la pomme de terre qui sont utilisés. Le glycogène est un sucre utilisé par les animaux pour stocker de l'énergie au même titre que l'amidon chez les végétaux. C'est un polymère du glucose de formule chimique (C 6 H 10 O 5 ) n Le foie réalise la glycogénolyse (hydrolyse du glycogène) pour «reformer» du glucose à partir de ses réserves de glycogène. Si celles-ci viennent à s'épuiser (au bout de 12 heures de jeûne chez l'humain), le foie utilise alors des protéines ou du lactate (issus des muscles, entre autres) pour reformer du glucose, par néoglucogénèse. On trouve du glycogène également dans les muscles où il est stocké puis dégradé en glucose lors d'efforts musculaires importants. Contrairement au cas du foie, le glucose ainsi produit par la cellule musculaire ne peut être utilisé que par cette même cellule. La 31

17 production de glycogène dans l'organisme est stimulée par l'insuline et la dégradation du glycogène en glucose est stimulée par le glucagon et l'adrénaline. Les pectines sont des polymères de polysaccharides acides. Les pectines sont composées d'une chaîne principale d'acide uronique lié en 1-4. Régulièrement entre ces monomères s'intercalent des molécules de rhamnoses par des liaisons 1-2 et 1-4. Ce type de liaison entre les molécules d'acide uronique et de rhamnose forme des coudes. La macromolécule de pectine ressemble à un zig-zag. Cet agencement donne des propriétés particulières aux pectines. Pour complèter la composition chimique des pectines il faut préciser qu'il existe des ramifications au niveau des acides uroniques comme au niveau du rhamnose par des molécules (ex galactane, arabinane etc..). Cette grande hétérogénéitée fait que l'on doit plutôt parler des pectines que de la pectine. De plus cette diversité fait des pectines des molécules complexes. Ils peuvent jouer un rôle de conservation, de colorant, d'exhausteur de goût ou avoir une valeur nutritionnelle (attention toutefois, dans ce cas, une législation particulière s'applique liée aux allégations nutritionnelles). Il peut s'agir de produits naturels, ou de produits synthétisés. Les organismes chargés de donner un avis sur ces produits sont la Food and Drug Administration (FDA) (aux États-Unis) et l'union européenne (pour ses pays membres). Les additifs se décomposent en cinq groupes : les agents colorants codés E1xx, les agents de conservation codés E2xx, les antioxydants codés E3xx, les agents de texture codés E4xx (dont les émulsifiants par exemple) et E14xx (amidons modifiés) et les autres catégories dont les édulcorants, exhausteur de goût, acidifiants etc. de code 5xx et supérieur. Plusieurs caractéristiques différencient un additif d'un aliment. Le terme «additif» fait référence à un usage à très faible dose. De plus, l'additif est un extrait moléculaire simple, alors que l'ingrédient ou aliment est un ensemble organique complexe. La cellulose est un glucide, polymère du glucose (ou polysaccharide de glucose), de formule (C 6 H 10 O 5 ) n (n compris entre 200 et 3 000) et principal constituant des végétaux et en particulier de la paroi de leurs cellules. Les monomères de glucose sont liés par de liaisons béta 1-4. Ce qui donne des fibres de cellulose droites. À ce titre c'est aussi le principal constituant du bois. La cellulose constitue la molécule organique la plus abondante sur la Terre (plus 50 % de la biomasse). La quantité synthétisée par les végétaux est estimée à milliards de tonnes par an. Elle n'est pas digérée par l'homme, mais est cependant utile au bon fonctionnement des intestins sous forme de fibres végétales. Les animaux herbivores utilisent en général des enzymes d'origine exogène, c'est-à-dire produites par les cellules de la flore intestinale pour digérer la cellulose. II.1.3. Les additifs 51 Les additifs alimentaires sont des produits ajoutés aux denrées alimentaires commerciales. Ils doivent être portés sur l'emballage, dans la liste notée «ingrédients». Les additifs choisis par les industriels doivent forcément avoir été validés au préalable et figurent dans une liste dite «positive». Tout additif non porté dans cette liste est de fait illicite. Les additifs sur les étiquetages sont le plus souvent écrits en toutes lettres. Dans le cas où ils portent un code Exx, ils doivent être explicités. Codes E1.. : Colorants. E10. jaune, E11. orange, E12. rouge, E13. bleue et violet, E14. vert, E15.. brun et noir, E16.-E17.-E18. autres. E2.. : Agents conservateurs. E20. sorbates, E21. benzoates, E22. sulfures, E23. phénols et formates (méthanoates), E24.-E25. nitrates, E26. acétates (éthanoates), E27. lactates, E28. propionates (propanoates), E29. autres. E3.. : Antioxydants et régulateurs de l'acidité. E30. ascorbates (vitamine C), E31. gallates et érythorbates, E32. lactates, E33. citrates et tartrates, E34. phosphates, E35. malates et adipates, E36. succinates et fumarates, E37.-E38. autres. E4.. : Épaississants, stabilisateurs et émulsifiants. E40. alginates, E41. gommes naturelles, E42. autres agents naturels, E43. dérivés du polyoxyéthène, E44. émulsifiants naturels, E45. phosphates, E46. dérivés du cellulose, E47.-E48. acides gras et dérivés, E49. autres. E5.. : Régulateurs du ph E50. acides et bases minéraux (non-organiques), E51. chlorures et sulfates, E52. sulfates et hydroxydes, E53.-E54. dérivés d'alcali-metaux, E55. silicates, E57. stéarates et gluconates, E58. autres. E6.. : Correcteurs du goût. E62. glutamates, E63. inosinates, E64. autres. E9.. : Divers. E90. cires, E91. verres synthétiques, E92. improving agents, E93.-E94. gaz, E95.- E96. édulcorant, E99. agent anti-mousse. E11..-E12..-E14..-E15.. : Agents chimiques additionels. (nouveaux produits et inclassables). 51 Consulter l annexe A.20 pour plus de renseignements

18 Quelques gélifiants 52 L Agar (E406) est un polysaccharide issu d algues rouges (Rhodophyceae), principalement de type gelidium et gracilaria. Sa structure principale est caractérisée par la répétition du disaccharide agarobiose, formant l agarose, et un polymère substitué d agaropectine. L Agar forme des gels thermoréversibles (fondent à de hautes températures, supérieures à C et gélifient à C) sans adjonction de contre ions (évite un arrière-goût), à de très faibles concentrations (employé à moins de 1% comme gélifiant). L Agar favorise le développement des arômes et apporte une texture courte et cassante. Les arômes peuvent être incorporés à de basses températures. Mode d'emploi: incorporer l Agar en pluie fine dans une solution à 85 C minimum. Agiter et laisser chauffer quelques minutes. Pour une meilleure utilisation, il est préconisé de le mélanger avec 3 fois son poids en sucre. Le gel se forme lorsque la préparation refroidit. La Gomme Xanthane (E415) est un polysaccharide bactérien issue de la précipitation alcoolique d une solution de bactéries Xanthomonas campestris. Disponible et économique, le Xanthane provient de la fermentation de maïs et de soja selon un procédé sûr et stérile. Parce que les bactéries produisent des polysaccharides réguliers, le Xanthane est un produit homogène et standardisé. Le Xanthane est soluble dans l eau chaude etfroide, est stable sur une large plage de ph et de températures, et il est résistant à la dégradation enzymatique. Il stabilise suspensions, émulsions et mousses. Le Carraghénane (E407) est produit par extraction alcaline à partir de différentes algues rouges (Rhodophyceae) de l ordre des Gigartinales, purifiées par filtration et récupérées de la solution soit par précipitation alcoolique, soit par précipitation en présence de chlorure de potassium. Le Carraghénane est un hydrocolloïde consistant essentiellement des esters sulfatés de sels d ammonium, de calcium, de magnésium, de potassium, de sodium et de galactose et 3,6- anhydrogalactose. Issus de produits naturels marins, les Carraghénanes peuvent varier d un lot à l autre d où le recours à une standardisation par l ajout de sucres et/ou de sels pour homogénéiser la performance des différents lots commerciaux. Les carraghénanes sont employés comme épaississants, gélifiants, stabilisants, et émulsifiants dans les applications laitières ou de gels à l eau. Les Carraghénanes sont solubles dans l eau chaude (70 C) et doivent être portées à 80 C pour atteindre leur fusion. La température de gel dépend de la nature et richesse en sels et de la pureté : typiquement située entre 40 et 60 C. L alginate de sodium (E 401) est un polysaccharide extrait d algues brunes (Phycophyceae) de type laminaire (Laminaria). Disponible et économique, ce gélifiant est devenu un additif reconnu dans l industrie agroalimentaire. Il a également trouvé des applications hors alimentation, pour le moulage de précision, la cosmétique, les encres C' est un gélifiant à froid qui se forme en présence de calcium. La réaction est rapide réclamant peu de calcium et fournit un gel irréversible sans chauffage préalable. Les alginates sont adaptés à des fourrages et nappages à froid, aux produits reformés et aux pellicules et films (substituts de boyaux ). Les alginates échappent à la digestion et sont dégradés lentement lors du transit dans les intestins ce qui les prédispose à des usages d excipient de matières actives de prise orale et comme fibre soluble de fermentation lente. Les alginates de sodium sont employées à moins de 1,5% comme épaississants, liants et gélifiants. Etant donné sa sensibilité aux ions, une eau minéralisée peut permettre la gélification. Pour un gel instantané et irréversible, il convient d employer 1 à 4 fois plus de CaCl 2 dans la préparation du mélange (perles, boyaux artificiels ). 52 Voir annexe A.15 pour quelques idées d'utilisation! 34 35

19 II.2. Les réactions en cuisine II.2.1. Quelques réactions élémentaires Hydrolyse / esterification L'hydrolyse d'une substance est sa décomposition par l'eau. Par exemple, l'hydrolyse du saccharose donne du glucose et du fructose, ou encore, l'hydrolyse d'un ester donnera un alcool et un acide. Pour des substances organiques telles que les protéines, une hydrolyse équivaut à la coupure des liaisons peptidiques entre les différents acides aminés qui les constituent. à une température comprise entre 80 et 100 C. La température élevée sert à accélérer la réaction de saponification. L'hydrolyse des corps gras produit du glycérol et un mélange de carboxylates (de sodium ou de potassium) qui constitue le savon. Réaction de saponification : CH 2 (OOC-R) - CH(OOC-R) - CH 2 (OOC-R) + 3 NaOH --> CH 2 OH - CHOH - CH 2 OH + 3 R-CO 2 -Na soit : corps gras + NaOH (ou KOH) --> glycérol + savon où R est une chaîne d'atomes de carbone et d'hydrogène. On peut avoir par exemple R=(CH 2 ) 14 - CH 3 La saponification est une réaction lente mais totale. C'est une réaction exothermique. On a R1-COO-R2 + H 2 O <=> R2-OH (alcool) + R1-COOH (acide). L'estérification est la réaction inverse. II.2.2. Deux réactions complexes essentielles en cuisine: caramélisation et réaction de Maillard Oxydation / reduction Dans le langage courant, l'oxydation est la réaction chimique dans laquelle un composé se combine avec un ou plusieurs atomes d'oxygène. Comme par exemple l'oxydation du fer qui produit la rouille (hématite) : 4Fe + 3O 2 2 Fe 2 O 3. D'une façon plus générale, en chimie, l'oxydation est la réaction dans laquelle un corps perd un ou plusieurs électrons. Fe 2+ Fe 3+ + e - Ce don d'électrons ne se produit que s'il existe un corps susceptible de les accepter. Le phénomène inverse (acceptation des électrons ) est appelé la réduction. En fait, l'oxydation d'un corps s'accompagne toujours de la réduction d'un autre (les électrons ne peuvent pas se balader tous seuls et sont nécessairement captés), on parle d'une réaction d'oxydoréduction. L'oxydation est une demi-réaction de l'oxydo-réduction, et la réduction est l'autre demiréaction. Saponification La saponification est la réaction chimique transformant le mélange d'un ester (acide gras) et d'une base forte en savon et glycérol. La réaction de saponification a été expliquée en 1823 par le chimiste français Eugène Chevreul qui a démontré que les corps gras sont formés d une combinaison entre le glycérol et des acides gras. Au cours de cette réaction, des corps gras (graisses ou huiles) sont hydrolysés en milieu alcalin par une base, généralement de la potasse (KOH) ou de la soude (NaOH)), 36 La caramélisation appartient au groupe des réactions de brunissement non enzymatique des aliments, comme la réaction de Maillard, responsable de la saveur des viandes grillées. Cuisson du sucre et caramélisation La caramélisation est un procédé culinaire traditionnel qui consiste à chauffer le saccharose, sucre de betterave ou de canne, au-delà de son point de fusion, de préférence en présence d'un catalyseur acide (jus de citron ou vinaigre). C'est également depuis plusieurs années un procédé industriel de préparation d'additifs alimentaires qui utilise aussi bien le glucose, le fructose ou des maltodextrines et des catalyseurs acides carboxyliques (ammoniac, voire hydroxydes alcalins). La réaction de caramélisation du saccharose fait intervenir une dissociation du disaccharide en glucose et fructose suivie d'une recombinaison en pseudodisaccharides spirodioxaniques. Ces entités spécifiques, dont la structure peut varier en fonction du traitement thermique ou de l'acidité, peuvent être glucosylées en seconde étape. Des polydextroses sont simultanément formés à partir du glucose résiduel, ainsi que des produits volatils (dérivés du furane, pyrones, aldéhydes, alcools et acides carboxyliques) vraisemblablement piégés par les propriétés complexantes des autres constituants pseudooligosaccharidiques. Des quantités de dianhydrides du fructose pouvant atteindre 80 % en poids ont été détectées dans certains caramels. La caramélisation proprement dite commence vers 160 C. Cela dépend cependant du sucre utilisé : par exemple, si le sucrose, le glucose et le galactose commencent effectivement à caraméliser vers 160 C, le maltose attend 180 C et le fructose commence dès 110 C. On trouvera ci-après un tableau récapitulatif des différents stades de cuisson du sucre et leurs utilisations respectives. 37

20 Stade T ( C) Densité Aspect Utilisation Nappé 105 1,24 Le sirop entre en ébullition et devient transparent. Il s'étend en nappe à la surface Babas et savarins d'une écumoire que l'on trempe Petit filé 107 1,25 Si lo'n trempe deux doigts dans le sirop après les avoir trempés dans l'eau froide, il se forme Pâte d'amandes entre les doigts un filet de 2 à 3mm, très fragile Grand filé (ou lissé) ,26 Le filament mesure un demi centimètre de long Crème au beurre et devient moins fragile De grosses perles rondes se forment à la Touron, sucre Petit perlé 111 1,29 surface du sirop; le filament est solide si on candi, confisage des écarte les doigts ananas Grand perlé (ou soufflé) 114 1,32 Petit boulé ,34 Si l'on souffle sur l'écumoire après l'avoi rtrempée dans le sirop, il se forme des bulles solides: le filament s'écarte entre les doigts sans se rompre jusqu'à 2 cm Un peu de sirop versé avec une cuillère dans un bol d'eau froide forme une boule molle et très malléable 38 Marrons glaçés, fruits confits Glaçage des fruits, confiturel Fondant, caramel Grand boulé ,36 La boule devient plus ferme mou, nougat, meringue italienne, praline Petit cassé La boule devient dure et collante Sucre d'orge roux Sucettes, berlingots, Grand cassé La boule est dure et cassante, non collante, et caramels durs, encore incolore barbes à papa, décors en sucre Caramélisation des Caramel clair Le sucre jaunit fruits et des choux, nougatine, crème renversée, tarte tatin Caramel brun ,75 Le sucre prend une couleur foncée Arôme et caramel pour colorer Carbonisation 190+ Le sucre noircit, dégage une fumée âcre et Aucune brûle Réaction de Maillard La réaction de Maillard 54, contrairement à la caramélisation qui ne concerne que les sucres, est une réaction de sucres avec des acides aminés et des protéines conduisant par étapes à des glycosylamines, des désoxy-hexosuloses et des hexosulosylamines (composés d'amadori) et ensuite à une variété d'hétérocycles azotés, pigments et polymères. Elle se fait aux alentours de 120 C et comporte deux grandes étapes: 53 Ce stade correspond à la mention «sirop de sucre» apparaissant sans autre précision. 54 Comme toute grande découverte scientifique, c est un peu par hasard que Louis-Camille Maillard, un chimiste français, a découvert que des acides aminés en présence de sucres et à température élevée brunissaient en créant un composé semblable à l humus et de composition très voisine. Maillard, dont l ambition secrète était de comprendre la structure des protéines, avait remplacé le glycérol qui lui permettait de condenser ces dernières par des sucres. Il observe alors que la fonction réductrice des sucres (carbonyle : C=O) est beaucoup plus réactive que la fonction hydroxyle (OH). Cette découverte, d abord communiquée à l Académie des Sciences est ensuite reprise et développée de manière minutieuse par Maillard dans «Genèse des matières humiques et des matières protéiques». Déçu de ne pas avoir conclu sur les protéines, il a pourtant conscience des nombreuses applications possibles de sa réaction. Malheureusement, elle tombe dans l oubli et Louis Camille Maillard meurt sans avoir pu voir sa découverte déclinée dans des domaines aussi divers que la cuisine, la lutte contre le diabète, le vieillissement, les pétroles (cf biographie annexe A.22) la synthèse de composés carbonylés très réactifs (furfurals, réductones ). la formation de polymères bruns, aussi appelés mélanoïdines, et de composés très volatils et odorants. La condensation de Maillard L'atome de carbone (C) du groupement carbonyle du sucre étant électrophile, et l'atome d'azote (N) de l'acide aminé au contraire nucléophile, ils vont avoir tendance à s attirer. Pour que N et C puissent se lier, l'atome oxygène (O) du carbonyle transforme une de ses liaisons avec le carbone en doublet non liant, car O est plus électronégatif (tendance à attirer les électrons) que C : il devient alors chargé négativement car est en excès d électron. -C=O -C-O - Le N de l'acide aminé va alors transformer son doublet non liant pour se lier au carbone qui ne peut rester avec seulement 3 électrons en couche externe. Le N est alors en défaut d'électrons (il doit récupérer son doublet non liant) et est chargé positivement. Il va alors, étant plus électronégatif que l'hydrogène, transformer une des liaisons avec ses hydrogènes en doublet non liant, l hydrogène libéré allant se lier à l oxygène qui avait créé un doublet non liant pour permettre à l acide aminé de se condenser avec le sucre. Ce processus réversible est appelé prototropie. OH-G-C-O - + A-NH 2 OH-G-OHC-NH-A La molécule va alors se stabiliser, la fonction alcool située en début de chaîne va alors se détacher, le O transformant sa liaison avec le reste de la molécule en doublet non liant. Cela va libérer une possibilité de liaisons pour le C, et il va utiliser l électron libéré pour former une deuxième liaison avec l azote de l acide aminé qui lui, pour pouvoir apporter un électron va casser une liaison avec un de ses deux H. L ion OH - et l ion hydrogène vont alors se lier, créant une molécule d eau. La molécule restante est appelée base de Schiff mais est encore instable. OH-G-OHC-NH-A G-OHC=N-A + H 2 O Le réarrangement d'amadori Ou réarrangement de Heyns. En milieu acide, l azote va se lier aux ions H +, caractéristique du milieu acide, grâce à son doublet non liant, se chargeant ainsi positivement. Le C en 2 e position va alors rompre sa liaison avec l hydrogène et libérer ainsi une possibilité de liaison avec l autre C, provoquant un dégagement d ions H +. Le carbone 1, ne pouvant faire 5 liaisons va donner un électron à l azote, comblant ainsi son défaut d électron(l azote le transformera en doublet non liant). On note d ailleurs que l acidité du milieu n est pas modifiée car les ions H + sont restitués au milieu. Au niveau de la 1 re fonction alcool, l oxygène va provoquer un dégagement d ions H + en transformant en doublet sa liaison avec le H. Le carbone en 2 e position va casser une de ses 2 liaisons avec le 1er 39

21 carbone pour rétablir l équilibre : le 1 er C va capter l ion H +, et le 2 e va se lier à l O, comblant son défaut d électron. On appelle cette transformation un équilibre céto-énolique car elle transforme un fonction alcool (énol) à en fonction cétone (céto) et ceci dans les deux sens bien que le passage -OH vers =O soit majoritaire. Synthèse d'une réductone Dans la voie de la déshydratation modérée, l'oxygène va transformer une de ses deux liaisons avec le carbone 2 en doublet non liant. Simultanément, le carbone en 3 e position sur le squelette carbonée va transformer sa liaison avec le H en liaison supplémentaire avec le carbone 2. Il va alors y avoir dégagement d'un ion H + en défaut d'électron qui va se lier avec le doublet non liant de l oxygène. Ce processus est appelé énolisation car il crée une fonction alcool à partir d'une fonction cétone et d'un atome hydrogène. Ici, on parle de l'énolisation 2 (place du carbone auquel est liée la fonction cétone), 3 (place du carbone auquel est lié l'atome d'hydrogène). Les ions OH -, caractéristique du milieu basique, vont alors intervenir dans la réaction en tant que catalyseur. Le H va transformer sa liaison avec le O en doublet non liant car le O, bien qu électronégatif, est déjà en excès d électrons. L ion H - libéré va alors créer une liaison avec l azote qui, pour l accueillir va se séparer de la chaîne principale, abandonnant l électron de sa liaison avec le C. Au niveau de la chaîne carbonée principale,la double liaison entre les carbones 2 et 3 va être transformée en liaison avec un des deux oxygène des fonctions alcool, provoquant au passage un dégagement d ion H - (pour les mêmes raisons que précédemment) qui va alors se lier à l ion O, recréant ainsi l ion OH - (l acidité du milieu est ainsi préservée). Au niveau de la fonction alcool localisée sur le carbone 3, le O va transformer sa liaison avec le H en liaison supplémentaire avec le C,le stabilisant ainsi. Un ion H + va alors être dégagé, qui va se lier à l ion C -. Une deuxième énolisation (3,4) va alors avoir lieu : l'oxygène va transformer une de ses deux liaisons avec le carbone 3 en doublet non liant. Simultanément, le carbone en 4 e position sur le squelette carbonée va transformer sa liaison avec le H en liaison avec le carbone 3. Il va alors y avoir dégagement d'un ion H + en défaut d'électron. L'oxygène lié au carbone 3 va alors transformer son doublet en excès en liaison avec l'ion H + qui pallie donc son défaut d'électron. Dégradation de Strecker C étant électrophile et N au contraire nucléophile, ils vont avoir tendance à s'attirer. Le O de la fonction cétone en 3ème position transforme alors sa double liaison avec le carbone en 2 doublets non liants et se détache de la molécule sous la forme O2-.Le N va alors faire de même avec les deux liaisons avec ses hydrogènes qui vont se retrouver en défaut d électrons dans le milieu (H+). Les deux ions H+ en défaut d électrons vont alors se lier au O2- qui lui est excédentaire, formant une molécule d eau. Le N va alors transformer ses deux doublets non liants en double liaison avec le C. Le O plus électronégatif va rompre la liaison avec le H dont il prend l électron. Ce H va se lier à l oxygène de la branche principale, qui aura rompu une de ses liaisons avec le carbone pour l accueillir. Le O, va se séparer ensuite du C par le même procédé, emportant là encore les deux électrons de la liaison. Mais la perte d électrons n est pas finie pour le C car l oxygène avec qui il formait une double liaison va emporter les deux électrons de celui-ci en cassant les deux doubles liaisons. Enfin, le C auquel il restait lié va lui aussi se servir et prendre en plus le dernier électrons qui lui restait sur sa couche externe. Heureusement pour lui, deux oxygènes libérés par les réactions successives et excédentaires chacun de deux électrons vont se lier à lui, formant ainsi du dioxyde de carbone stable à l état gazeux. Une molécule d eau, nécessaire à la dégradation, va se décomposer en ion H+ et OH-. Le H+ va se lier à l azote par l intermédiaire de son doublet non liant, et l azote pour récupérer sa stabilité électronique va transformer une de ses liaisons avec le Carbone de l acide aminé en doublet non liant. L ion OHresté dans le milieu va alors se décomposer selon le schéma classique en ion H+ et O2-(car l oxygène est plus électronégatif que le H).L ion O2- va créer une première liaison avec le carbone de l acide aminé, l ion H+ va se lier au doublet de l azote qui selon le procédé que l on vient d évoquer, provoquant une scission pour récupérer son doublet. Le O- va alors transformer son dernier doublet excédentaire en liaison avec le C. Cette réaction, qui intervient lors de la troisième étape de Maillard, peut aussi se réaliser entre un acide aminé et un acide gras. Elle donne naissance à des composés aromatiques, des aldéhydes. Cela justifie le fait que l appellation d origine soit accordée aux jambons provenant de porcs de race ibérique, dont la chair est riche en acides gras. La molécule ainsi obtenue est appelée réductone (elle a perdu son acide aminé et possède maintenant une fonction cétone). Le C en 5 e position va transformer sa liaison avec le H en doublet non liant, libérant un ion H +. Le carbone en 3ème position va transformer une de des deux liaisons avec le carbone 4 en liaison avec l'ion H + et le carbone 5 va enfin transformer son doublet non liant en une liaison avec le carbone 4 pour stabiliser l'ensemble

22 Facteurs influençant la réaction La vitesse de la réaction de Maillard est fortement influencée par de nombreux facteurs. Ceux-ci agissent comme activateurs ou inhibiteurs de la réaction, ou encore font privilégier l une des trois voies de synthèse des arômes. Ce sont en grande partie ces facteurs qui décident de la nature des composés formés. - Nature des sucres réducteurs et acide aminé La vitesse de la réaction dépend d abord de la nature des réactifs. Plus le sucre réducteur est gros et plus la réaction se réalise difficilement. Les pentoses comme le ribose sont donc plus réactifs que les hexoses comme le glucose, le galactose ou le fructose. Les sucres composés comme le maltose ou le lactose sont un assemblage de deux molécules de sucre ou plus et sont donc moins réactifs que les sucres simples, et à fortiori l amidon, composé de nombreuses molécules de glucose. Enfin rappelons que le saccharose n est pas un sucre réducteur et ne donne donc pas lieu à une réaction de Maillard. Pour l acide aminé, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. La lysine, qui possède deux fonctions amino, est plus réactive que les autres acides aminés. Pour les autres, plus la fonction amino est éloignée de la fonction acide carboxylique et plus l acide aminé est réactif. Par exemple, pour les acides aminés suivant, l ordre décroissant de réactivité est : lysine, arginine, acide glutamique, proline. - Le ph Toutes les réactions intervenant dans la réaction de Maillard sont dépendantes du ph. En particulier le réarrangement d Amadori nécessite un ph acide et la synthèse des réductones un ph basique. Le ph optimal se situe donc entre 6 et 10. La nature des composés formés est également dépendante du ph. Les ph basiques privilégieront plutôt des réactions de rétroaldolisation alors que les ph acide privilégieront les déshydratations. - La teneur en eau du milieu L'eau est indispensable à certaines étapes de la réaction mais elle en est aussi l un des produits. Donc si l eau est en trop grande quantité dans le milieu, les réactions de déshydratation sont inhibées. Le mieux est une proportion de 30 à 60% d eau dans le milieu. - La température Les réactions de Maillard se déroulent à presque toutes les températures ; mais elles sont très ralenties quand la température s abaisse. En règle générale, plus la température augmente, plus la vitesse de la réaction est importante. Schéma simplifié de la réaction de Maillard (d après

23 D autres facteurs peuvent également intervenir dans le déroulement et la vitesse de la réaction : ions métalliques, composés soufrés Comme chacun d eux n inhibe pas toutes les réactions, donc toutes les voies par lesquelles se développe la réaction, ce sont eux qui déterminent la voie privilégiée dans chaque cas. des mélanoïdines, qui seraient responsable de la couleur des jambons. Mais d autres réactions interviennent également dans la formation de composés aromatiques. L alimentation des porcs avec des glands produit par exemple des alcanes ramifiés. La dégradation de Strecker intervient aussi en dehors de la réaction de Maillard. Applications de la réaction à l'alimentation 55 Tous les jours, nous assistons sans nous en douter à de très nombreuses réactions de Maillard. Depuis le grillé du rôti jusqu'au bon goût du pain, celle-ci est en effet présente dans presque toutes les préparations culinaires, en particulier dans les viandes cuites. La chaleur du four ou de la plaque électrique augmente alors beaucoup la rapidité des transformations et c est pourquoi nous pouvons voir notre steak passer de «saignant» à «bien cuit» en quelques minutes. C est l exemple le plus courant de réaction de Maillard en cuisine, que l on pourrait qualifier de réaction «à chaud». C est aussi la plus facilement observable grâce au brunissement rapide de la viande produit par les mélanoïdines. Mais il existe aussi des exemples de réaction «à froid» qui ont lieu sans nécessiter de chauffage, donc en dehors de toute cuisson. C est le cas par exemple pour les jambons crus d Espagne, des jambons au goût si spécial que l Union européenne leur a accordé une appellation d origine contrôlée. Cette saveur se forme au cours de la fabrication grâce à des réactions spontanées produisant des arômes. Selon le procédé traditionnel, les porcs destinés à la fabrication de jambons doivent être élevés en liberté et être nourris de glands et d herbe. Après l abattage, la viande est conservée à 0 c pendant deux jours puis frottée avec du sel et du salpêtre. Elle est ensuite placée pendant une semaine sur un lit de sel à 3 c environ. Lors de cette phase, les protéines se décomposent et libèrent des acides aminés. Les jambons sont ensuite conservés sans sel pendant deux ou trois mois, toujours à basse température. Progressivement on augmente alors la température jusqu à 18 c, et après un mois et demi à température ambiante, vient la maturation finale. Celle-ci s effectue dans une cave pendant 14 à 22 mois. La fabrication complète dure près de deux ans après quoi les jambons sont prêts à être mangés. Ils ont pris une couleur foncée qui trahit la présence de composés colorés, dont les mélanoïdines. À partir de 1990, des scientifiques espagnols ont commencé à s intéresser à la fabrication de ces jambons. Ils ont montré que des acides aminés libérés lors du salage étaient dégradés pendant la longue période de maturation qui suivait, entre autre par la réaction de Maillard. Celle-ci produit de nombreux composés, qui s accumulent dans la viande. La quantité de ces produits croît avec la durée de la maturation, ce qui explique la longueur de celle-ci, qui permet d obtenir plus de composés, donc plus de goût. En outre, la réaction de Maillard produit 55 La réaction de Maillard, connue dans le monde médical sous le nom de glycation ou glycolysation non enzymatique des protéines, a d abord été étudiée dans le cadre du diabète grâce à l hémoglobine glyquée, une variante de l hémoglobine due à des modifications engendrées par Maillard, qui sert maintenant de marqueur à long terme de l état diabétique des patients. Mais les travaux de ces 20 dernières années ont aussi montré que la glycation a des conséquences dans tous l organisme, et joue notamment un rôle important dans certaines maladies telles les lésions cellulaires et tissulaires du diabète, le vieillissement vasculaire et l insuffisance rénale. Il faut aussi noter que la glycation est indépendante du diabète mais la forte proportion de sucres dans le cas de cette maladie favorise grandement les réactions de Maillard et donc de la glycation car dans l organisme, elle est ponctuelle et non enzymatique. 44 Globalement, les produits de la réaction de Maillard confèrent aux aliments des propriétés, le plus souvent intéressantes 9, telles que la couleur, l arôme, la valeur nutritionnelle, et une certaine stabilité au cours de la conservation grâce à leur pouvoir antioxydant. Couleur Lors de l ultime étape de la réaction de Maillard, la polymérisation conduit à des pigments bruns ou noirs insolubles, de poids moléculaire élevé (jusqu à D) : les mélanoïdines. Ces dernières donnent la couleur brune caractéristique de certains aliments (café et chocolat torréfiés, croûte du pain, couleur dorée de la bière, ). L évaluation de la couleur et de l intensité du brunissement est effectuée par l analyse de spectres d absorption de la lumière. Mais cela reste une technique assez peu précise. L avancement de la réaction peut aussi être suivi par dosage des sucres réducteurs résiduels. Arôme et goût Deux familles de substances aux propriétés organoleptiques intéressantes résultent de la réaction de Maillard : d une part les furaldéhydes et les réductones formés par déshydratation des cétosamines les aldéhydes obtenus après dégradation de Strecker Ce sont elles qui, par exemple, sont responsables du goût de la viande grillée, de l odeur de la croûte du pain frais ou de l arachide grillée. Cependant, si la réaction de Maillard se révèle bien utile en cuisine pour rendre nos aliments plus savoureux, elle peut être gênante en particulier lors du séchage des pâtes alimentaires. À la fin de leur fabrication, celles-ci sont en effet chauffées pour éliminer l eau qu elles contiennent. À la fin du processus, des réactions de Maillard peuvent se développer, donnant aux pâtes une couleur rougeâtre peu appétissante. La même réaction pourrait d ailleurs avoir des conséquences plus graves. Elle formerait en effet des composés comme les carbolines, des amines hétérocycles dérivées du tryptophane. Ces composés semblent à hautes doses avoir des effets destructeurs sur le fonctionnement des récepteurs cellulaires (adrénalines, ) et les sites actifs des enzymes. Cependant, la toxicité de ces composés n est pas prouvée car on les trouve aussi dans des aliments inoffensifs comme les reinesclaudes ou les bananes. 45

24 III. Un peu de biologie III.1. Lait et produits dérivés 56 Le lait Le lait est un liquide blanc mat, légèrement visqueux, dont la composition et les caractéristiques physico-chimiques varient sensiblement selon les espèces (et à l intérieur d une espèce selon les races). Ces caractéristiques varient également au cours de la période de lactation, ainsi qu au cours de la traite. Le lait de vache a une densité moyenne égale à 1,032. C'est un mélange très complexe et très instable. Il contient une forte proportion d'eau (environ 87 %), le reste constituant l'extrait sec qui représente 130 g par litre, dont 35 à 45 g de matières grasses. Les autres composants principaux sont du lactose, des matières azotées et des matières minérales. Sur le plan physique, c'est à la fois une solution (lactose, sels minéraux), une suspension (matières azotées) et une émulsion (matières grasses). Son ph est légèrement acide (entre 6,6 et 6,8). C'est également un milieu biologique : il contient des cellules sanguines et mammaires (jusqu'à par ml) et des microbes (jusqu'à par ml). blanc mat, plus ou moins jaunâtre selon la teneur en -carotènes de la matière grasse. Il a une odeur peu marquée mais reconnaissable. Ses caractéristiques physico-chimiques sont (en moyenne, le lait restant un produit naturel) : - ph (20 C) entre 6,5 et 6,7 - acidité titrable entre 15 et 17 D - densité entre 1,028 et 1,036 - température de congélation entre 0,51 C et 0,55 C - valeur énergétique autour de 275kJ/100mL Composition globale Le lait est caractérisé par différentes phases en équilibre instable : une phase aqueuse contenant en solution des molécules de sucre, des ions et des composés azotés; des phases colloïdales instables, constituées de deux types de colloïdes protéiniques; des globules gras en émulsion dans la phase aqueuse. Lait humain Équidés Composition du lait chez divers mammifères (source Wikipedia) Composition moyenne du lait en gramme par litre Matières azotées Eau Extrait sec Matière Lactose Matières grasse Totales caséine albumine minérales Jument Anesse Ruminants Vache Chèvre Brebis Bufflonne La dénomination "lait" sans indication de l'espèce animale de provenance, est réservée au lait de vache. Le lait est alors le produit de la sécrétion mammaire normale, obtenu par une ou plusieurs traites, sans aucune addition ou soustraction. Le lait de vache apparaît comme un liquide opaque 56 Pour une description complète de la physico-chimie des produits laitiers, consulter le site (en anglais) 46 Composition de la matière sèche Les glucides (49 g.l -1 ) Le sucre principal du lait est le lactose, disaccharide constitué par l'association d'une molécule de glucose et d'une molécule de galactose. On ne relève que 70 mg.l -1 de glucose et 20 mg.l -1 de galactose ainsi que des traces d'autres glucides. Le lactose a un faible pouvoir sucrant (indice 17) comparé à ceux du saccharose (indice 100) et du glucose (indice 75). Le lactose est assimilé après hydrolyse en présence de l'enzyme "lactase" au niveau de l'intestin grêle. Chez les mammifères, la production de lactase cesse entre le sevrage et l'âge adulte. La présence de lactase chez l'homme résulte d'une adaptation apparue avec la domestication du bétail et n'existe de manière généralisée que chez les populations originaires d'europe du Nord. Les sujets qui ne possèdent plus cette enzyme ne peuvent digérer le lactose, cause alors de troubles intestinaux. 47

25 Le lactose est un sucre fermentescible. Il est dégradé en acide lactique par des bactéries lactiques (lactobacilles et streptocoques) ce qui provoque un abaissement du ph du lait entraînant sa coagulation; celle-ci est indispensable pour la fabrication de fromages et de laits fermentés. La matière grasse (39 g.l -1 ) La matière grasse dont la quantité varie en fonction des conditions d'élevage, est présente dans le lait sous forme de globules gras, de 1 à 8 µm de diamètre, émulsionnés dans la phase aqueuse; le taux en est variable (environ 10 milliards de globules par millilitre de lait). Cette matière grasse est constituée principalement de composés lipidiques. Le trait commun aux lipides est la présence d'acides gras qui représentent 90 % de la masse des glycérides ; ils sont donc les composés fondamentaux de la matière grasse. Composition globale de la matière grasse (en % de matière grasse) Triglycérides (95-96%) Composés lipidiques (99,5 %) Composés liposolubles (0,5 %) Vitamines Glycérides Diglycérides (2-3%) Lipides simples (98,5 %) Monoglycérides (0,1%) Cholestérides (esters d'acides gras et cholestérol) (0,03 %) Lipides complexes (1 %) Cholestérol, acides gras libres et hydrocarbures divers Vit. E : 1,7 à 4,2 mg.(100 g) -1 Vit. A : 0,6 à 1,2 mg.(100 g) -1 Vit. D : 10 à 20 mg.(100 g) -1 Vit. K : traces Chez les ruminants, les acides gras à chaîne courte se trouvent en grande proportion ; ils proviennent de la fermentation anaérobique de glucides, tels la cellulose, par les microorganismes présents dans le système digestif de ces animaux. Composition du lait en acides gras comparée à d'autres matières grasses (en pourcentage molaire) Acide gras Formule 57 Lait Huile de maïs Huile d'olive butyrique 4:0 9 caproïque 6:0 5 caprylique 8:0 2 caprique 10:0 4 laurique 12:0 3 myristique 14:0 10 pentadécanoïque 15:0 1 palmitique 16: palmitoléique 16:1 2 1 stéarique 18: oléique 18: linoléique 18: linolénique 18: arachidique 20:0 1 autres 3 Le rancissement est une indication familière de la détérioration des matières grasses. Dans les produits laitiers, ce rancissement est le résultat de l'hydrolyse des triglycérides par des microorganismes de telle sorte que des acides gras odorants à chaîne courte sont libérés. La matière azotée (33 g.l -1 ) On distingue deux groupes de matières azotées dans le lait : les protéines et les matières azotées non protéiques. Les protéines (32,7 g.l -1 ), parmi lesquelles la caséine (80 %), les protéines solubles (albumines et globulines - 19 % - et des protéines diverses (enzymes) - 1 % -) en constituent la fraction essentielle. Le lait constitue donc une importante source de protéines pour l'homme, en particulier pour l'enfant. Sa teneur en protéines est par voie de conséquence une caractéristique essentielle de sa valeur marchande Dans la formule, la première valeur correspond au nombre de carbones de la chaîne et la seconde au nombre de doubles liaisons. 49

26 Composition en protéines de la matière azotée La crème % en protéines Concentration dans le lait(g.l -1 ) Caséines (total) 80 26,5 -caséine 40 13,5 -caséine caséine caséine 4 1 Protéines solubles (total) 20 6,5 Lactalbumine 12 4 Lactoglobuline 5 1,6 Immunoglobulines 2 0,6 Autres 1 0,3 Les protéines lactées sont présentes dans deux phases différentes : -une phase instable constituée de particules solides en suspension qui diffusent la lumière et contribuent, avec les globules gras, à donner au lait son aspect blanc et opaque : se sont les caséines. -la phase soluble stable constituée des différentes protéines solubles ou protéines du lactosérum. Les caséines se trouvent dans le lait sous forme d'un complexe des diverses caséines liées à du phosphate de calcium colloïdal : Ca 3 (PO 4 ) 2. Ces protéines qui contiennent des groupes acides et des groupes amines à caractère basique, sont sensibles au ph du milieu. L'acidification du milieu à ph 4,6 provoque la coagulation de ces protéines qui se séparent de la phase aqueuse. La matière saline (9 g.l -1 ) Le lait contient des sels à l'état dissous, sous forme notamment de phosphates, de citrates et de chlorures de calcium, magnésium, potassium et sodium. Composition de la matière saline (en g par litre de lait) Mg Na Ca K S P Cl Citrates 0,12 0,58 1,23 1,41 0,30 0,95 1,19 1,6 Les gaz dissous (5 % en volume) Le lait contient des gaz dissous, essentiellement du dioxyde de carbone (CO 2 ), du diazote (N 2 ) et du dioxygène (O 2 ). 50 La crème fraîche est une crème, blanche, épaisse et légèrement acidifiée par culture bactérienne. Elle est cependant moins aigre et épaisse que la crème aigre qui lui ressemble. À l origine, la crème fraîche était une spécialité française mais elle s est aujourd hui répandue dans toute l Europe. La crème fraîche est obtenue en injectant des cultures de lactobacilles dans de la crème légère non pasteurisée et en laissant ces dernières se développer jusqu à ce que la crème soit aigre et épaisse. La crème est ensuite pasteurisée pour mettre fin au processus. C est pourquoi elle ne peut pas être faite chez soi, à partir de crème pasteurisée : l absence de bactéries dans cette crème entraînera son pourrissement au lieu de l aigrir. Si de la crème épaisse non-pasteurisée n est pas disponible, une cuillerée à soupe de vinaigre versée dans deux tasses de crème, en faisant cailler le tout, peut tout à fait servir de produit de substitution à la crème fraîche. En général, la crème fraîche, tout comme la crème sûre, est utilisée dans la plupart des plats, mais la première possède deux avantages sur la seconde : elle peut être transformée en crème fouettée et elle ne pourrit pas lorsqu on la bout. Le beurre Obtenu à partir du lait, le beurre concentre sa matière grasse. Il est défini réglementairement comme comportant au moins 82 % de matière grasse et au plus 16 % d eau. C'est donc une émulsion de 16 % d eau dans 82 % de matière grasse. Avec 750 kcal pour 100 g, il est très calorique. Le beurre est riche en acides gras saturés qui augmentent le taux de cholestérol. Les acides gras contenus dans le beurre sont répartis en 67% d acides gras saturés, 30% d acides gras mono-insaturés et 3% d acides gras poly-insaturés. De plus, le beurre contient du cholestérol. Le beurre a une mauvaise réputation à cause de son action sur le taux de cholestérol, et sa consommation a diminué au profit des huiles et des margarines, tout aussi caloriques mais plus riches en acides gras poly-insaturés. Pourtant le beurre n est déconseillé que pour les personnes ayant des problèmes de cholestérol. Le beurre est une très bonne source de vitamine A. Il contient également de la vitamine D et de la vitamine E. Les matières grasses du lait sont très nombreuses, et ont un comportement varié par rapport au froid. Il est possible de trier les lipides par rapport à ce critère et ainsi, d avoir des beurres plus ou moins solides à basse température. On trouve donc sous la dénomination de beurre des produits plus élaborés et se tartinant mieux en sortant du réfrigérateur. La couleur du beurre dépend de l alimentation des vaches. Si elles sont nourries avec du foin, le beurre est jaune pâle. L été, lorsque les vaches mangent de l herbe, le beurre est plus coloré grâce aux pigments ( -carotène et chlorophylle) contenus dans l herbe. 51

27 Fabrication Le beurre est obtenu en battant la crème tirée du lait. L opération est souvent effectuée après maturation (fermentation légère) de la crème. Le barattage de la crème non réfrigérée (battre de la crème froide fait de la crème fouettée) rassemble les gouttelettes de matière grasse en suspension. Le beurre se sépare alors du babeurre. Il est ensuite malaxé pendant un rinçage à l eau fraîche, pour améliorer la conservation en évacuant autant de babeurre que possible. Le beurre peut ensuite être salé avant d'être réfrigéré et conditionné. On distingue le beurre salé (il contient plus de 3 % de sel), le beurre demi-sel (entre 0,5 et 3% de sel), et le beurre doux (teneur en sel minimum). Le beurre a une durée de conservation limitée. Il est sensible à la réaction d oxydation par l oxygène de l air qui dégrade ses composants. L oxydation a lieu encore plus vite sous l effet des rayons ultraviolets ou de la chaleur. Le beurre est alors rance, il est caractérisé par un goût et une odeur désagréables sauf pour certaines civilisations comme au Tibet où on l ajoute au thé. Pour limiter le rancissement, le beurre doit donc être conservé au réfrigérateur dans un emballage fermé, à l abri de l air, de la lumière et de la chaleur. Le beurre salé et le beurre demi-sel se conservent plus longtemps que le beurre doux grâce à la présence du sel, conservateur naturel. Utilisation Le beurre est un ingrédient de base pour beaucoup de recettes (pâtes à tarte, pâtisseries, sauces) : Beurre clarifié : beurre dont on a éliminé, en le faisant fondre à feu très doux, les éléments solides (caséine et petit-lait) pour ne retenir que les éléments gras qui supportent beaucoup mieux, et sans brûler, les températures de cuisson élevées. Beurres composés : sauces chaudes ou froides, salées ou sucrées, à base de beurre additionné de divers ingrédients et destinés à accompagner des grillades, des crustacés cuits au courtbouillon, des légumes cuits à la vapeur, sur des canapés ou des crêpes, tels que : beurre aux noix, beurre d anchois, beurre d'escargot, beurre d estragon, beurre de crevettes, beurre de crustacés, beurre de lavande, beurre de moutarde, beurre de paprika, beurre de poivrons, beurre de roquefort, beurre de saumon fumé, beurre maître d hôtel, beurre meunière, beurre ravigote, beurre d orange Beurre blanc : réduction de vinaigre et d échalotes montée au beurre destinée à l accompagnement de certains poissons tels que le brochet Beurre rouge : réduction d échalotes et de vin rouge ou de Madère montée au beurre destinée à l accompagnement de certaines viandes Beurre noisette : beurre chauffé jusqu à obtention d une couleur blonde destinée à l accompagnement de certains aliments tels que les poissons, les cervelles frites et les épinards. Beurre noir : beurre chauffé jusqu à obtention d une couleur brune destinée à l accompagnement de certains aliments tels que l aile de raie ou la cervelle de veau Les fromages Un fromage est un aliment moulé, obtenu à partir de la coagulation du lait suivie ou non de fermentation. C est un aliment riche en calcium. On fabrique du fromage à partir de lait de vache principalement, mais aussi de brebis, de chèvre, de bufflonne. La coagulation ou caillage du lait est obtenue par utilisation de présure et de chlorure de calcium, ou par acidification spontanée. Ce processus est suivi d un salage, puis éventuellement d une période de fermentation. Le processus complet de fabrication des fromages se déroule en six étapes principales : 1. Standardisation 2. Maturation 3. Emprésurage 4. Décaillage 5. Moulage 6. Affinage Plusieurs facteurs influencent le goût et la saveur du fromage : saison, climat, qualité des sols et des pâturages, race des animaux laitiers (vaches, chèvres et brebis), techniques de fabrication, savoir-faire d affinage, etc. Un fromage fermier se dit d un fromage fabriqué à la ferme par l exploitant agricole uniquement avec le lait de son propre troupeau. Le fromage laitier se dit d un fromage fabriqué en laiterie avec le lait de plusieurs exploitations. En France, 42 fromages sont protégés par une appellation d origine contrôlée (AOC)

28 III.2. Oeuf L œufs (de poule) est composé de trois parties (coquille, blanc et jaune) et pèse en moyenne 55 g (35 à 80 g). 1. coquille calcaire 2. membrane externe 3. membrane interne 4. chalaze 5. blanc d'œuf (ou albumen) externe (fluide) 6. blanc d'œuf (ou albumen) intermédiaire (visqueux) 7. peau du jaune d'œuf 8. jaune d'œuf (ou vitellus) formé 9. germe 10. jaune d'œuf jaune 11. jaune d'œuf blanc 12. blanc d'œuf interne (fluide) 13. chalaze 14. chambre à air 15. cuticule Composition moyenne de l œuf de poule (source USDA) La coquille : la différence de couleur est génétique et tient à la race de la poule ; elle n a rien à voir avec les conditions d élevage. C est l élément protecteur des substances nutritives contenues dans l œuf. Elle est recouverte d une enveloppe protéique : cuticule, qui en séchant forme des plaques alvéolaires au niveau des pores. Elle reste donc perméable aux gazs tout en gardant un effet protecteur contre les contaminations microbiennes extérieures. Il est donc important de ne pas laver ni brosser les œufs. Elle est tapissée à l intérieur d une membrane coquillière formée de deux feuillets constitués de kératine. Ils s écartent vers le bas pour former la chambre. Cette dernière se forme après la ponte et augmentent avec la durée de conservation. 1 coquille : «carapace» externe de l œuf, composée principalement de carbonate de calcium. Elle peut être plus ou moins colorée (de blanc à brun) selon la race de poule et est poreuse. 2 et 3 membranes interne et externe : feuillets de kératine qui offrent une barrière aux contamination bactérienne. 4 et 13 chalazes : filaments d albumines qui ancrent le jaune au centre de l œuf. 5 et 12 blanc interne et externe : albumen fluide. 6 blanc intermédiaire : albumen visqueux, principale source de protéine et de riboflavine. Ressemble à l albumen fluide dans les oeufs de mauvaise qualité (cf figure d étalement des œufs ci-dessous). 7 peau du jaune : enveloppe qui maintient le jaune. 8, 10 et 11 jaune : principale source de vitamines, minéraux, lipides et de la moitié des protéines ; sa couleur dépend de la nourriture de la poule. 9 germe : œuf primordial, contient le matériel génétique de la poule (en général non fécondé). 14 poche à air : se forme entre les deux membranes (sa taille augmente avec l évaporation du blanc à travers la coquille poreuse et est donc un indicateur de la fraîcheur de l œuf). Le blanc (albumen) : 52 à 60 % du poids de l œuf. Il est constitué essentiellement de protéines 58 (12.5%) et d eau (87%). La principale des albumines est l ovalbumine qui présente une haute valeur biologique (riche en lysine et tryptophane). Le blanc est fluide contre le jaune et plus condensé à la périphérie de l œuf. D un point de vu biologique c est lui qui offre les réserves nécessaires au développement du futur embryon. Le jaune (Vitellus) : 28 % du poids de l œuf. Il est maintenu au centre de l œuf par les chalazes et entouré d une membrane fine : la vitelline. Sa couleur est influencée par l alimentation de la poule mais est sans rapport direct avec la valeur nutritive. Enfin il contient l information génétique du futur embryon : uniquement les gènes de la poule pondeuse en l absence de reproducteur. Différents étalements d œuf frais : noter l évolution de l épaisseur du blanc selon la qualité de l œuf (d en haut à gauche à en bas à droite). 58 Parfois collectivement appelées albumines

29 Propriétés fonctionnelles de l oeuf III.3. Farine Pouvoir coagulant Les protéines de l œuf sont à l origine de cette coagulation. Elle se fait sous l action d agents physiques (chaleur, action mécanique) ou chimiques.cette propriété est recherchée dans les industries de cuisson comme la pâtisserie (flans) ou la charcuterie (quenelle, saucisse de volaille). Pouvoir anti-cristallisant et moussant Il est surtout utilisé en confiserie ou l addition de 3 % de blanc d œuf permet de limiter la formation de cristaux de saccharose (texture désagréable du produit). Une légère augmentation de la température au cours du battage (-> 40 C) améliore les capacités moussantes du blanc. L homogénéisation douce, la présence d additifs acidifiants (acide citrique), de sucre augmente la stabilité de la mousse. Le pouvoir moussant est essentiellement utilisé en biscuiterie (meringue, biscuits à la cuillère). Le blé Le blé est une plante annuelle appartenant à la famille des graminacées. Les racines du blé sont fibreuses, sa tige, haute, est généralement creuse, entrecoupée de noeuds où prennent naissance les feuilles. Le sommet de la tige porte une grappe de fleurs qui se transforment en grains, constituant un épis. Il existe un très grand nombre de variétés de blé. A titre d'exemple, plus de 200 variétés sont cultivées en France. Ce sont les cultivateurs et les producteurs qui essaient d'adapter au mieux ces variétés en fonction de la nature du sol et du climat de la région, afin d'obtenir le meilleur rendement possible. Toutes les différentes variétés de blé sont classées en trois grandes catégories : Pouvoir émulsifiant Pour qu une émulsion soit stable, il est nécessaire qu elle contienne un agent tensioactif qui diminue la tension entre deux phases ou un agent épaississant qui augmente la viscosité de la phase continue. Le pouvoir tensioactif du jaune est du à la présence de phospholipides (lécithine) et de cholestérol. De plus la viscosité du jaune donne de la viscosité aux émulsions. Le pouvoir émulsifiant du jaune est utilisé dans les industries de la mayonnaise, des sauces émulsionnées et des crèmes glacées. Les blés tendres : la plupart des blés cultivés en France appartiennent à cette catégorie. Les grains des blés sont arrondis, les enveloppes sont épaisses, sans transparence. Ils se prêtent particulièrement bien à la mouture ; en effet, lors du passage entre les cylindres, les enveloppes s'aplatissent et s'ouvrent sans se broyer, libérant l'amande et donnant une très forte proportion de son. Les blés tendres permettent d'obtenir une farine de bonne qualité, contenant environ 8 à 10 % de gluten, ayant de bonnes aptitudes pour la panification. Les blés durs : cette catégorie de blé est cultivée dans les pays de climat chaud et sec. En France, il en est récolté seulement quelques variétés en Provence. Les grains de blés durs sont allongés, souvent même pointus, les enveloppes sont assez minces et légèrement translucides. Ils donnent moins de son que les blés tendres et la farine obtenue, bien que contenant plus de gluten (12 à 14 %), se prêtent moins bien à la panification. Les blés mitadins : ces blés cultivés dans le midi de la France et dans les pays chauds (Afrique du Nord) ont des caractéristiques et des qualités intermédiaires entre les blés tendres et les blés durs. Les grains sont plus plats que les grains de blé tendre et moins longs que ceux du blé dur. Les enveloppes assez résistantes sont d'une épaisseur moyenne. Contenant du gluten de très bonne qualité, les blés mitadins sont parfois employés comme des blés de force, mélangés à des blés tendres, ce qui donne des farine de très bonne qualité pour la panification. Depuis la fécondation des fleurs, les grains de blé se sont formés ; ils ont grossi peu à peu et mûri au soleil. Chaque épis en porte de 45 à 60 environ. La taille du grain de blé est d'environ 6 mm, sa couleur varie du jaune pâle à l'ocre roux, selon la variété du blé. Sa forme rappelle celle d'un petit oeuf, marqué toutefois sur toute sa longueur par une légère fente : le sillon où se trouve le faisceau nourricier du grain. Une fine brosse de poils est attachée à son extrémité la plus arrondie

30 Le grain de blé comprend trois parties principales : - l'enveloppe (14 à 16 % du poids du grain), - l'amande farineuse (81 à 88 % du poids du grain), - le germe (2,5 à 3 % du poids du grain). Après la mouture, l'enveloppe détachée de l'amande, forme les sons. Le péricarpe, dur et résistant protège la graine. L'assise protéique permet de faire adhérer très fortement les membranes de l'enveloppe sur l'amande. L'amande farineuse (ou albumen) est la partie du grain qui donne la farine. Elle est blanche et farineuse dans les blés tendres ; dans les blés durs, sa couleur tire davantage sur le jaune. Cette amande est constituée d'un ensemble de cellules renfermant les grains d'amidon réunis entre eux par une sorte de ciment naturel, le gluten. Le germe est situé à la plus grosse extrémité du grain, il se divise en deux parties principales : - l'embryon qui comprend des feuilles, des bourgeons et des racines, le tout à l'état rudimentaire, - le scutellum qui renferme des protéines, des matières grasses, des vitamines (B1) et une faible quantité d'amidon. Lors de la germination, il cède ses ressources à l'embryon qui se développe. Il devient ensuite un organe de digestion servant à transférer les matières nutritives de l'amande vers la jeune plantule. La farine Pour 100 kg de blé, la quantité moyenne de farine que l'on cherche le plus souvent à obtenir est de 75 kg. Il y a 2 % de perte et les 23 kg restants forment les "issues". Le taux d'extraction, c'est-à-dire la quantité de farine produite est de 75 %. Mais le travail sur les grains écrasés peut être continué en vue d'obtenir un taux d'extraction de 92 à 96 %. La farine la plus blanche est faite essentiellement avec l'amande du grain de blé. Elle est très pure parce que son taux de cendres, c'est-à-dire la quantité de débris encore mélangés, est très faible. En ce qui concerne la production de farine, tout est parfaitement réglementé et il existe un certain nombre de types de farine bien déterminés. C'est en fonction du poids de cendres contenu dans les 100 g de matières séches que l'on désigne les grands types de farine. Les cendres sont des matières minérales principalement contenues dans les sons. Taux moyen Types Taux Cendres Humidité d'extraction Utilisation 45 moyen:0,50 15,5 67 Pâtisserie 55 de 0,50 à 0,60 15,5 75 Pain ordinaire 65 de 0,62 à 0,75 15,5 78 Pains spéciaux 80 de 0,75 à 0,90 15, Pains spéciaux 110 de 1,00 à 1,20 15, Pain bis 150 plus de 1,40 15, Pain complet Classification des farines par type Composition moyenne du grain de blé : - eau 12 à 18 % - glucides (amidon et sucres) 63 à 74,5 % - protéines (gluten) 8 à 12 % - lipides 1,5 à 2 % - cellulose 2,5 à 3 % - matières minérales 1,5 à 2 % Répartition dans le grain de blé de ces composants : - péricarpe ou enveloppes = cellulose + matières minérales - assise protéique = protéines (gluten) + lipides + matières minérales + vitamines - albumen amylacé ou amande = glucides + protéines + lipides + matières grasses + vitamines - germe = protéines (gluten) + lipides + matières minérales + vitamines 58 Le taux de cendres est la quantité de matières minérales, principalement contenues dans le son et encore mélangées à la farine. Plus la farine est pure, plus le taux de cendres est faible. Ce taux est réglementé par les pouvoirs publics, tout comme le reste du travail et de la production d'ailleurs. Cette réglementation permet le classement des farines selon un certain nombre de critères bien déterminés. Composition de la farine (type 55) - eau 0,5 à 15,5 % - amidon 60,0 à 72,0 % - sucres 1,0 à 2,0 % - protéines (gluten) 8,0 à 12,0 % - lipides 1,2 à 1,4 % - matières minérales 0,5 à 0,6 % - cellulose quelques traces 59

31 L'amidon est le principal composant de la farine. Il est insoluble dans l'eau froide, mais chauffé en présence d'excès d'eau, il se transforme en un gel ou "empois", selon un processus appelé empesage. Les grains d'amidon absorbent de l'eau, gonflent et éclatent, se soudant les uns aux autres. Ce gonflement est particulièrement net à partir de 55 C et se poursuit aux températures plus élevées. L'amidon glonflé, occupe un volume égal à 30 fois son volume initial. Le refroidissement de l'empois s'accompagne d'une transformation de l'amidon qui se prend en masse et se solidifie. Les protéines de la farine de blé ont la particularité, lorsqu'elles sont suffisamment hydratées et malaxées, de se grouper en un réseau que l'on appelle le gluten. Ce dernier transmet à la pâte ses caractéristiques d'extensibilité, d'élasticité, de tenacité, de cohésion et de rétention gazeuse. Le gluten est insoluble dans l'eau et renferme approximativement 90 % des protéines de la farine. En effet, une petite quantité, 10 % environ, est soluble dans l'eau. On considère que ces protéines servent uniquement à nourrir la levure pendant la fermentation de la pâte. cette farine donne trop de corps à la pâte, elle est pour cette raison mélangée avec de la farine ordinaire, le plus souvent à raison de 50 %. En boulangerie, la farine de gruaux est employée pour la fabrication de spécialités, en pâtisserie, principalement pour la préparation des pâtes feuilletées, des pâtes levées et des pâtes levées feuilletées. La farine de force est obtenue à partir de blés durs. Elle est moins fine que la farine de gruaux mais est employée dans les mêmes conditions pour la confection de certaines viennoiseries et spécialités de pain. Les types de farine ont des usages différents, en voici quelques exemples : - type 45 : tous travaux en pâtisserie - type 55 : en boulangerie, farine de panification, et viennoiserie - type : spécialités en boulangerie (pain au son, pain complet). L'eau : le taux moyen d'humidité de la farine est de 15,5 %. Celui-ci a tendance à croître ou à diminuer en fonction des conditions atmosphériques. Une trop forte proportion d'humidité peut provoquer la formation de moisissures ou la fermentation de la farine, ce qui amoindrirait les qualités de celle-ci. Les cendres : le taux de cendres d'une farine est la quantité de matières minérales qu'elle contient. C'est un indice du degré de pureté, car la plupart des matières minérales du blé se trouvent dans le son et les cellules de l'assise protéique. Comme le montre le tableau de la classification des farines, le taux de cendres augmente en fonction du taux d'extraction. Les matières grasses n'entrent que pour une faible part dans la composition de la farine. Un taux trop important diminue les propriétés mécaniques du gluten : principalement l'extention et la rétention des gaz pendant la fermentation de la pâte. Les sucres : malgré leur faible proportion, jouent un rôle prépondérant dans la fermentation panaire, en tant que substance nutritive des cellules de levure, avant que la transformation d'amidon en glucose et lévulose nécessaire au développement de l'action de la levure ne se soit produite. Différents types de farine La farine sans autre qualificatif précisant l'espèce du grain broyé, est le produit de la mouture du grain de blé, industriellement pur et nettoyé. Elle est parfois appelée farine de froment ; le froment étant une des meilleures espèces de blé cultivées. Les qualités de farine : La farine fleur (ou farine de première qualité) : Cette farine est d'un blanc brillant (tirant légèrement sur le crème), sans piqûres visibles à l'oeil nu. Les piqûres sont de fins débris de son (ou d'issue) dispersées dans la farine que l'on remarque lorsque le taux d'extraction est élevé. La farine fleur résulte du mélange des farines de broyage et de celles obtenues par convertissage des premiers gruaux se trouvant au centre du grain. C'est cette farine qui est le plus souvent employée en pâtisserie en raison de sa pureté qui en fait un produit de qualité. La farine de deuxième qualité : Elle est d'un blanc plus mat tirant davantage sur le crème. Des piqûres sont perceptibles à sa surface. La farine de troisième qualité : Elle est grisâtre et assez chargée en piqûres. Cette farine, dont le taux de matières grasses est élevé, est de moindre qualité et ne convient pas pour les travaux de pâtisserie. Pour assurer la bonne conservation des farines, il est conseillé de ne stocker que la quantité nécessaire aux besoins de la fabrication. Les moulins effectuant leur livraison régulièrement, les sacs de farine seront ensuite emmagasinés à l'abri de la chaleur et de l'humidité. La farine de gruau provient des blés exotiques (durs) qui subissent une mouture spéciale. Le taux d'extraction est faible et seule la partie centrale de l'amande (les gruaux) est utilisée. Employée seule, 60 61

32 III.4. Viande 59 et poisson 60 La viande est constituée par la chair de certains animaux consommés par l'homme. Ces animaux sont les animaux de boucherie, les animaux de basse-cour et les gibiers. La viande est un aliment de grande valeur nutritionnelle par sa richesse en protéines, (de 20 à 30 % selon les types de viandes) et surtout par le fait qu'elle apporte des acides aminés essentiels, ceux que l'organisme humain est incapable de synthétiser. La viande est également une source intéressante de fer et de vitamines du groupe B, notamment la vitamine B12 antianémique. Elle apporte également des quantités notables de lipides et de cholestérol. Les chaînes glycoprotéiques constitutives du collagène sont appelées chaînes ; il en existe plusieurs types ( 1 (I), 1 (II), 1 (III), 1 (IV), 2...), et leur structure primaire est: Gly-X-Y, répété de nombreuses fois. Dans 13% des cas X est une proline, et dans 9% des cas Y est une hydroxyproline. Ces chaînes s'assemblent par trois pour former une triple hélice, compacte, régulière et hydrophobe, appelée procollagène; la solubilité du procollagène est assurée par les extrémités N et C terminales, qui ne sont pas enroulées en triple hélice. Puis ces extrémités sont coupées; la molécule prend alors le nom de tropocollagène, et s'assemble avec ses sœurs pour former les fibrilles de collagène. Ces fibrilles sont alors regroupées par un cément pour former les fibres de collagène. 90% du collagène d'un vertébré est de type I. Il constitue la trame de l'os (à comparer aux armatures du béton armé), et plus généralement des tissus conjonctifs banals. On le rencontre dans les os, la peau, les tendons, la cornée et les organes internes. Les muscles sont une forme contractile des tissus des animaux. Ils forment l'un des cinq types majeurs de tissus, les autres étant le tissu épithélial, le tissu conjonctif, le tissu nerveux et le sang. La gélatine est une substance solide translucide, transparente ou légèrement jaune, presque sans goût et sans odeur, obtenue par l'ébullition prolongée de la peau animale et des tissus conjonctifs. La gélatine est un produit protéiné obtenu par hydrolyse partielle du collagène extrait de la peau, des os, des cartilages, des ligaments, etc. Les liaisons moléculaires entre les brins de collagène sont alors brisés. La gélatine fond lorsqu'elle est chauffée et se solidifie lorsqu'elle est refroidie. Mélangée à de l'eau, elle forme un gel colloïdal semi-solide. Le collagène est une glycoprotéine fibreuse dont le rôle peut être comparé à une armature. Il est secrété par les cellules des tissus conjonctifs. Contrairement à l'élastine presente aussi dans les tissus conjonctifs, le collagène est inextensible et résiste bien à la traction. Il est constitué de différents types selon leur localisation. Il est notamment indispensable aux processus de cicatrisation. 59 Au sujet de la viande, il existe un site très complet (en anglais). 60 A venir 62 63

33 III.5. Végétaux Les végétaux sont composés de cellules entourées d'une paroi faite notamment de trois polysaccharides: la cellulose, les hémicelluloses et les pectines. Ces dernières sont comme de longs fils hérissés de groupe acide carboxylique dont certains sont méthylés. Lors du chauffage des tissus végétaux (cuisson), l'amollissement résulte d'une dissociation des pectines (qui formaient un ciment intercellulaire) d'autant plus forte que le degré de méthylation est élevé. Fruits Les légumes-fruits, consommés en tant que légumes, mais constituant le fruit, au sens botanique, de la plante : aubergine, avocat, concombre, cornichon, courge, melon, olive, pastèque, poivron, piment, tomate, etc. Les «fines herbes», utilisées comme condiments : cerfeuil, persil, estragon, ciboulette, laurier, etc. Légumes En cuisine, un légume est la partie comestible d'une plante potagère ou d'une plante sauvage cueillie dans la nature. Plus généralement, légume désigne l'accompagnement d'un plat de viande. Au jardin, un légume est une plante, dont on consomme tout ou partie (bulbe, racine, feuille, fruit, graine...) à l'état frais (légumes frais) ou à l'état sec (Légumes secs), généralement dans une préparation salée. Généralement, les légumes correspondent à des plantes potagères, qui sont des angiospermes. Mais la correspondance n'est pas parfaite : certaines plantes potagères produisent des fruits, consommés normalement en dessert, par exemple le fraisier, la pastèque. Pour le melon, on peut hésiter entre légume et fruit, puisque ce fruit se consomme aussi bien en entrée qu'au dessert. D'autres fournissent des condiments, les fines herbes, mais certaines sont à la fois condiment et légume : l'ail, l'oignon... Certains légumes n'ont rien à voir avec une plante potagère, par exemple le chou palmiste ou la banane plantain, voire le champignon de Paris. Certains fruits sont parfois accommodés comme légumes, par exemple la pomme qui accompagne traditionnellement le boudin ou l'orange dans le canard aux oranges. Selon la partie de la plante qui est consommée, on distingue plusieurs catégories de légumes : En cuisine, un fruit, au sens large, est un aliment végétal sucré et est considéré essentiel à l'alimentation en apportant certaines vitamines et des fibres. On y distingue généralement: les agrumes : citron, orange, pamplemousse les baies : fraise, groseille, raisin les fruits à pépins : pomme, poire les fruits à noyaux : abricot, cerise, pêche les fruits à coque : noisette, noix les fruits exotiques: ananas, banane, kiwi, mangue Le concept culinaire de fruit recouvre en grande partie le concept botanique, mais de nombreux fruits botaniques sont considérés en cuisine comme des légumes (aubergine, concombre, haricot, maïs, tomate, olive, avocat ), d'autres encore comme des épices (noix de muscade, poivre, vanille, piment ). Avec les grains des graminées (blé, riz), qui sont d'ailleurs un type de fruit particulier, le caryopse, ils forment une partie essentielle de l'alimentation. A contrario, certains fruits au sens culinaire sont en botanique des faux fruits, qui résultent de l'évolution non de l'ovaire mais d'autres organes, notamment le réceptacle floral : fraise, figue, ananas. les légumes-feuilles, dont les salades constituent une catégorie particulière : céleri, chou, épinard, fenouil, oseille, bette, rhubarbe, etc. Les salades, qui ne sont consommées qu'accompagnées d'un assaisonnement du fait de leur fadeur naturelle : endive, laitue, mâche, romaine, scarole, etc. les légumes-tiges : poireau, asperge, chou-rave, pousses de bambous, etc. les légumes-fleurs dont on consomme les inflorescences : artichaut, chou-fleur, brocoli, câpres, etc. Les légumes-racines : betterave, carotte et panais, navet, radis, salsifis, cerfeuil tubéreux, etc. Les bulbes (souvent utilisés comme condiments) : ail, échalote, oignon. Les tubercules : crosne du Japon, igname, patate douce, pomme de terre, topinambour, etc. Les légumes secs, dont on consomme les graines, essentiellement représentés par des légumineuses, ils sont consommés frais ou secs, mais peuvent être conservés à l'état sec : fève, haricot, lentille, pois, pois chiche, soja

34 IV. Un peu de physiologie IV.1. Le goût 61 L'aspect, l'odeur, la saveur, l'arôme, la texture sont autant de paramètres qui participent à l'appréciation d'un aliment. Tous nos sens conditionnent les goûts 62 que nous percevons et envoient au cerveau une multitude de messages destinés à nous faire reconnaître ce qui est bon. D'abord, un peu de vocabulaire (d'après le petit Robert) Goût: 1. sens grâce auquel l'homme et les animaux perçoivent les saveurs propres aux aliments 2. Saveur Gustatif: qui a rapport au goût Gustation: perception des saveurs par le goût Saveur: qualité perçue par le sens du goût Sapide: qui a un goût, une saveur Sapidité: caractère de ce qui est sapide Odorat: sens grâce auquel l'homme et les animaux perçoivent les odeurs Odeur: émanation volatile, caractéristique de certains corps et susceptible de provoquer chez l'homme ou chez un animal des sensations dues à l'excitation d'organes spécialisés Odorant: qui exhale une odeur (généralement bonne) Odoriférant: qui possède une odeur agréable que l'on utilise Olfaction: fonction par laquelle l'homme et les animaux perçoivent les odeurs Olfactif: relatif à l'odorat, à la perception des odeurs Sentir: 1. avoir la sensation de (une odeur) 2. dégager, répandre une odeur de Senteur: odeur agréable, parfum Fragrance: odeur agréable Parfum: odeur agréable et pénétrante Arôme: odeur agréable de certaines essences naturelles de végétaux, d'essences chimiques ou d'acides volatils Bouquet: parfum d'un vin, d'une liqueur Effluve: émanation qui se dégage des corps organisés ou de certaines substances, altérées ou non 61 Voir à ce sujet les annexes A.6, A.11, A.12 et A Le vocabulaire français entretient une confusion au niveau du terme «goût» car, dans le langage courant, on dit par exemple «goût de fraise» ou «goût de fumée» pour désigner des arômes. Le terme arôme, qui conviendrait en l'occurrence, est sous-utilisé et souvent compris comme arôme ajouté ou même synthétique (comme dans «chewing-gum arôme banane»). 66 Emanation: émission ou exhalaison de particules impalpables, de corpuscules subtils qui se détachent de certains corps Fleurer: répandre (une odeur agréable) Exhaler: dégager de soi et répandre dehors (une chose volatile, odeur, vapeur, gaz) Exhalaison: ce qui s'exhale d'un corps Exhalation: action d'exhaler Fumet: 1. odeur agréable et pénétrante émanant de certaines viandes pendant ou après la cuisson 2. bouquet (d'un vin) 3. sauce faite de jus de viande assaisonné de truffes et de champignons 4. émanation odorante Flaveur: sensation provoquée conjointement par le goût et l'odeur d'un aliment Essayons de synthétiser tout ça Le goût est un ensemble de sensations qui, une fois perçu de façon physiologique (le goût dépend des circonstances, de l environnement, de l état de santé, de la culture, de l histoire individuelle...), est interprété par le cerveau, qui lui associe des qualités d après les expériences individuelles ou sociales (souvenirs, émotions, apprentissages, etc.). Il fait appel aux récepteurs visuels: la vue est le premier sens qui nous renseigne; l'aspect (brillance, couleur) détermine notre appréciation d'un aliment tactiles: non par les doigts, dans nos cultures occidentales où nous mangeons avec des couverts, mais par la mastication (les dents, notamment, transmettent des informations mécaniques) olfactifs: l'odeur perçue dans un premier temps résulte de l'évaporation de molécules "aromatiques" initialement présentes dans l'aliment; puis, une fois l'aliment en bouche, ces molécules remontent vers le nez par l'arrière de la bouche (fosses rétro nasales) pour donner ce que l'on appelle la "rétro-olfaction". L'odorat par voie directe et rétro nasale est responsable de 90% de notre sensation gustative gustatifs: certaines molécules solubles "sapides" de l'aliment passent dans la salive et se lient aux récepteurs de la cavité buccale (regroupés en papilles) pour donner la saveur trijéminaux: des récepteurs non-gustatifs intègrent aussi des informations somesthésiques sur les aliments, transmises par le nerf trijumeau: température (chaud/froid), douleur (piquant), texture (mou/dur, gras, mouillé) auditifs: la mastication (notamment sur du croquant) produit des sons qui raisonnent dans la tête Le goût est donc une sensation globale perçue par celui qui mange, superposition de perceptions visuelle, tactile, olfactive, gustative, thermique, mécanique, affective, émotionnelle 67

35 Un peu de physiologie Perception des odeurs 64 Perception des saveurs Les cellules sensorielles spécialisées dans la gustation sont regroupées dans des structures sphériques appelées bourgeons gustatifs. Chez l'homme, il en existe environ Les bourgeons gustatifs sont principalement localisés sur la face dorsale de la langue (75%), le reste étant distribué sur le palais, le pharynx et même la partie supérieure de l'œsophage. Sur la langue, les bourgeons sont situés dans l'épithélium au niveau des papilles linguales (caliciformes, fungiformes et filiformes). Chaque bourgeon compte 50 à 150 cellules sensorielles entourées par des cellules de soutien. Le bourgeon gustatif s'ouvre vers la cavité buccale par un pore. Au XIXe siècle, le physiologiste Adolph Fick a défini quatre saveurs primaires ou fondamentales qui seraient liées à quatre types de récepteurs sensoriels et quatre localisations sur la langue: sucré comme le saccharose; salé comme le chlorure de sodium; amer pour la quinine; acide pour le citron ou l'acide chlorhydrique par exemple. Cette théorie a été corrigée par Hanig (1901), qui a montré que les goûts primaires sont perçus par toutes les papilles, quelle que soit leur localisation, mais la sensibilité à un goût particulier est plus grande dans certaines régions de la langue. Un cinquième type de goût est apparu depuis : l'umami, que l'on trouve dans un sel: le monoglutamate de sodium, et d'autres devraient suivre 63, D'autres personnes font appel à une conception moins segmentée et plus synthétique, basée sur une perception globale, considérant que la classification des goûts en cinq goûts primaires est réductrice. Il y a d autres saveurs qui n entrent pas dans cette classification: saveurs métalliques, saveur grasse, saveur de l amidon, De plus, il est difficile de ne pas tenir compte d'autres sensations telles que l'astringente (airelles, thé, tanins), le piquant (piment, gingembre), etc. En outre, les réponses gustatives varient selon les individus. Ainsi, par exemple, le goût du phénylthiocarbamide (saveur amère) n est pas perçue par environ 35% de la population. Les molécules sapides ne génèrent une sensation qu'au-delà d'une certaine concentration, on parle de seuils de détection. Pour indication, on donne souvent - salé : 10 mm - sucré : 10 mm (saccharose 20mM) - acide : 900 µm (acide citrique 2 mm) - amer : 8 µm (quinine 8 µm, strychnine 100 nm) 63 Se reporter à ce sujet aux différents textes en annexe (notamment le cours de Jane Zimmerman à l'annexe A.17) En construction 69

36 Quelques autres considérations sur le goût 65 IV.2. Digestion et nutrition 67 L'ennui naît de l'uniformité, et des phénomènes d'habituation ou de fatigue gustative affadissent progressivement les aliments. La concentration des goûts n'est sans doute pas la solution, on pensera plutôt à créer des contrastes par juxtapositions nettes (sec/humide, dur/mou, cuit/cru, chaud/froid, sucré/salé, acide/basique, etc 66.) ou variations progressives (gradients). Enfin, on a trop dit que "les plats sont bons quand ils ont le goût de ce qu'ils sont", ce qui n'a pas beaucoup de sens, tout l'art du cuisinier consistant justement à ajouter du goût et transformer les goûts de base que lui fournis la nature! Pourquoi mange-t-on? Les besoins nutritionnels de notre organisme représentent les quantités de substances alimentaires essentielles nécessaires pour assurer une bonne croissance et le maintien d'une bonne santé. Afin de répondre à ses besoins nutritionnels, l'organisme possède un signal distinctif: la sensation de la faim. À première vue, la faim nous pousse à chercher de la nourriture par plaisir, mais ce serait plutôt principalement pour fournir au corps les substances qui lui sont indispensables. Si le corps n'en reçoit pas suffisamment, il manifestera des signes de carence par divers symptômes, dont la fatigue, des problèmes de concentration, de l'essoufflement, certaines infections fréquentes, etc. Tout ce qu'effectue le corps humain (dormir, manger, bouger, grelotter) dépend du travail des cellules, et, pour un bon fonctionnement de l'organisme, celles-ci exigent une quantité minimale de substances alimentaires diversifiées. On distingue trois types de substances alimentaires aux rôles bien distincts: - les éléments de synthèse qui assurent la croissance et la multiplication des cellules ainsi que l'entretien normal du corps; ce sont les protéines et certains minéraux (calcium, magnésium et phosphore); - les substances énergétiques qui jouent un rôle dans la fabrication des cellules, dans la digestion ou tout simplement dans le maintien des fonctions corporelles telle la température constante du corps: ce sont les glucides et les lipides; - les substances régulatrices qui permettent une utilisation efficace des substances énergétiques et des éléments de synthèse par le corps, plus spécifiquement les cellules; il s'agit de l'eau, des vitamines et des minéraux. Le rôle des aliments 65 Consulter "Une théorie du goût", par Hervé This (annexe A.6). 66 Nous n'avons cité ici que les juxtapositions spatiales, mais on pourrait évidemment aussi envisager une juxtaposition temporelle en jouant sur la longueur en bouche des aliments (penser aux "notes de tête" et "notes de queue" des parfums). 70 Les protéines Elles tirent leur nom du mot grec protos qui signifie «premier» ou «de première importance», car elles sont les constituants de base des cellules vivantes. Les protéines servent à la construction, à la réparation et à l'entretien de l'organisme, fonctions essentielles de la matière vivante. De plus, elles accélèrent certaines réactions biochimiques (enzymes), agissent comme messagères hormonales, comme constituantes du système immunitaire ainsi qu'à titre de neurotransmetteurs. Lorsque l'apport alimentaire en glucides et en lipides est insuffisant, elles peuvent être utilisées comme source d'énergie; ainsi, un gramme de protéines fournit 4 kilocalories (17 kj). 67 Chapitre notamment inspiré de l'encyclopédie visuelle des aliments de Jacques Fortin (Chariot d'or, 2005). 71

37 Composées d'acides aminés dans des proportions relatives différentes, on dit des protéines qu'elles sont «complètes» ou «incomplètes». Parmi les 20 acides aminés dont elles peuvent être composées, 8 sont dits «essentiels» car l'organisme ne peut les fabriquer, tandis que les autres peuvent être synthétisés par le corps humain. Les protéines d'origine animale sont dites complètes et celles d'origine végétale sont qualifiées d'incomplètes. C'est pourquoi le végétalisme ou végétarisme strict exige la consommation d'une grande variété de protéines végétales afin d'obtenir tous les acides aminés essentiels dans des proportions idéales. Car si un des acides aminés n'est pas présent en quantité suffisante, il constitue un «facteur limitant», ce qui fait que la synthèse ne peut utiliser les autres acides aminés que dans la limite où le moins abondant est présent. Par contre si on associe une protéine pauvre en un certain acide aminé à une protéine riche en cet acide aminé, c'est le phénomène de la complémentarité et la valeur biologique de l'ensemble s'en trouve améliorée. La viande, la volaille, le poisson, les oeufs et les produits laitiers constituent les principales sources de protéines animales. Les protéines végétales proviennent des légumineuses, des noix et graines et des produits céréaliers. Ces dernières sources sont à privilégier puisqu'elles ne renferment que peu de matières grasses tout en étant riches en fibres alimentaires. Les glucides Ils tirent leur nom de glucis qui signifie «doux». Ils représentent la principale source d'énergie nécessaire au métabolisme et fournissent l'énergie nécessaire au fonctionnement du cerveau et du système nerveux. Ils sont également un des éléments constituants des membranes cellulaires. Puisqu'ils sont digérés rapidement, les glucides libèrent leur énergie de façon relativement plus rapide que les protéines et les lipides. Les glucides fournissent 4 kilocalories par gramme (17 kj). On distingue trois principales sortes de glucides: - les glucides simples formés d'un ou de deux sucres tels que le glucose, le fructose, le saccharose et le lactose. Ces glucides sont absorbés par l'organisme sans avoir été préalablement digérés; on les retrouve dans les fruits, les légumes et le miel, ainsi que dans le sucre de table (cassonade, sirop de maïs, mélasse, sirop d'érable); - les glucides complexes constitués de trois sucres ou plus, tels que l'amidon, le glycogène et la cellulose; ils doivent être brisés lors de la digestion afin d'être absorbés sous forme de glucides simples par l'organisme. On les retrouve dans les produits céréaliers, les légumineuses, les noix et les graines, ainsi que dans certains légumes féculents tels que la pomme de terre, les pois verts, le maïs et la patate douce; - les fibres alimentaires composées en grande partie de glucides et aussi d'éléments de la structure de la plante qui résistent à la digestion. Les fibres ne sont pas nécessairement solides et filamenteuses (fibres insolubles), elles peuvent aussi se retrouver sous forme de gélatine et de mucilage (fibres solubles). N'étant pas digérées, les fibres ne fournissent pratiquement pas d'énergie; elles contribuent plutôt à stimuler le fonctionnement de l'intestin. Leur efficacité est reconnue quant à la prévention et au traitement de la constipation. Les fibres se retrouvent en 72 proportions variables dans les produits céréaliers surtout à grains entiers, les légumineuses, les légumes et les fruits, ainsi que les noix et graines. Les lipides Ils tirent leur nom du grec lipos qui signifie «graisse». Malgré leur mauvaise réputation, il faut rappeler que les lipides sont nécessaires au maintien d'une bonne santé: ils contribuent à la formation des membranes des cellules, à la synthèse des hormones; ils donnent de la saveur aux aliments et procurent une sensation de satiété; sans oublier qu'ils représentent une source concentrée d'énergie: 9 kilocalories par gramme de lipides (37 kj), soit deux fois plus que les glucides ou les protéines. De plus, les lipides servent de moyen de transport à certaines vitamines dites «liposolubles» (solubles dans les graisses) (A,D,E et K) et facilitent ainsi leur absorption. Ils fournissent les acides gras essentiels, soit l'acide linoléique et l'acide alpha-linoléique, les seules matières grasses dont le corps ne peut se passer car il ne peut les fabriquer lui-même. Ces acides gras essentiels assurent l'intégrité de toutes les cellules du corps en leur permettant de faire les bons échanges avec l'extérieur et de protéger leur contenu intérieur. Ces acides gras essentiels se retrouvent principalement dans les céréales à grains entiers, dans les huiles et dans les noix et graines. Dans les aliments, la plupart des lipides se retrouvent sous forme de triglycérides qui, eux, sont composés d'acides gras. Ces acides gras peuvent être polyinsaturés, monoinsaturés ou saturés 68, selon la présence ou l'absence de doubles liaisons entre les atomes de carbone dont ils sont composés. Ces acides gras sont en proportions variables dans les huiles et les corps gras. Généralement, on dit que les aliments d'origine animale contiennent plus d'acides gras saturés que les aliments d'origine végétale. Font exception à cette règle les huiles de noix de coco et de palme qui sont en grande partie saturées et les poissons et fruits de mer qui contiennent une bonne part d'acides gras polyinsaturés. Les acides gras polyinsaturés se retrouvent principalement dans les huiles végétales et les monoinsaturés, dans l'huile d'olive, l'huile de noisette, l'avocat et les amandes. Les vitamines Elles tirent leur nom de l'anglais vitamin, lui-même construit à partir du latin vita qui signifie «vie». Il s'agit de substances organiques indispensables mais présentes en quantités infimes, et que fournit l'alimentation; on compte 13 vitamines essentielles. Tout en ne fournissant aucune énergie, elles assurent la transformation des lipides et glucides en énergie utilisable par le corps humain; elles sont nécessaires pour assurer la croissance, la reproduction et le bon fonctionnement de l'organisme. 68 Le cholestérol est une sorte de gras que l'on retrouve normalement dans le sang et qui est essentiel à la synthèse des hormones sexuelles, des acides biliaires, des membranes cellulaires et de la vitamine A. Seuls les aliments d'origine animale contiennent du cholestérol; il n'y en a aucune trace dans les aliments d'origine végétale. Contrairement aux acides gras essentiels, le cholestérol est fabriqué par le corps humain à environ 70%, le reste étant fourni par l'alimentation. Il n'y a pas de risque de déficience, même avec une alimentation qui en serait exempte. En fait, le cholestérol alimentaire n'a que peu d'influence sur le cholestérol sanguin, ce dernier est beaucoup plus influencé par les acides gras. Les acides gras saturés ont pour effet de faire augmenter le cholestérol sanguin surtout chez les personnes qui en consomment beaucoup et qui sont vulnérables. Par contre les acides gras polyinsaturés et monoinsaturés ont tendance à faire diminuer le taux de cholestérol sanguin. Comme on le sait, les graisses alimentaires sont étroitement associées aux maladies coronariennes. Selon des études cliniques, il semblerait qu'une consommation modérément réduite en matières grasses, dont on aurait plus spécifiquement diminué les gras saturés et augmenté les gras monoinsaturés et polyinsaturés, permettrait de diminuer de façon significative les risques de maladies coronariennes. 73

38 Chacune joue un rôle spécifique, sans qu'elles puissent être remplacées par une autre, car elles n'ont aucune similitude de leur structure. Il est possible de les regrouper en vitamines hydrosolubles (solubles dans l'eau) et liposolubles (solubles dans les graisses). Parmi les vitamines hydrosolubles, on trouve la vitamine C et les vitamines B qui comprennent la thiamine (B1), la riboflavine (B2), la niacine (B3), le pantothénate (B5), la vitamine B6 ou pyridoxine, la vitamine B12 ou cobalamine, la biotine et l'acide folique. Les vitamines hydrosolubles ne sont pas stockées en quantités appréciables dans l'organisme; solubles dans l'eau, elles sont éliminées par l'urine et la sueur; l'alimentation doit donc en fournir quotidiennement. On les retrouve principalement dans les fruits et les légumes pour ce qui est de la vitamine C et dans les céréales à grains entiers, la viande et les produits laitiers dans le cas des vitamines B. Les vitamines hydrosolubles agissent dans un grand nombre de réactions biochimiques impliquées dans la régénération des cellules de la peau, du sang et du système nerveux. Ainsi, la vitamine C, que l'on nomme également acide ascorbique, participe à la formation du collagène, contribue à la résistance de la peau, des cartilages, des os, des dents et des vaisseaux sanguins. Elle contribue également à l'absorption du fer contenu dans les aliments. Les vitamines B agissent de concert; lorsqu'il y a déficience de l'une ou de l'autre, cela nuit à l'utilisation de certaines d'entre elles. Elles sont particulièrement efficaces à transformer les protéines, glucides et lipides en énergie et à la libérer dans l'organisme. Elles ont un rôle à jouer dans la formation des anticorps et des globules rouges et assurent le bon fonctionnement du système nerveux et digestif. Le groupe des vitamines liposolubles comprend les vitamines A, D, E et K. Puisqu'elles sont solubles dans les graisses, il est possible de les stocker dans la graisse corporelle ainsi que dans le foie. Elles s'éliminent très lentement par la bile, et peuvent donc être toxiques si leur consommation est excessive, surtout dans le cas des vitamines A et D prises sous forme de suppléments vitaminiques. La vitamine A, que l'on trouve principalement dans les produits laitiers, le foie et le jaune d'oeuf, joue un rôle important dans la vision en luminosité restreinte ainsi que dans le bon fonctionnement du système immunitaire. Cette vitamine se retrouve aussi sous forme de précurseurs (le carotène, substance présente dans les aliments, qui favorise la création de vitamines dans l'organisme) dans les fruits et les légumes jaunes, verts ou orangés. On nomme parfois la vitamine D «vitamine soleil», car la peau contient un précurseur qui, sous l'action des rayons ultraviolets du soleil, se transforme en vitamine D. Cette vitamine favorise l'absorption du calcium et du phosphore pour assurer la formation du tissu osseux. Une carence en vitamine D au cours de la croissance entraîne une malformation des os: le rachitisme. Même si quelques minutes d'exposition au soleil suffisent à combler les besoins en vitamine D, au Canada, le lait et la margarine sont enrichis de cette vitamine car les conditions d'ensoleillement et les périodes d'exposition sont souvent insuffisantes. On trouve donc la vitamine D dans le lait et également dans les oeufs, le foie et les poissons gras. La vitamine E est un agent antioxydant qui empêche la formation de radicaux libres, substances qui stimulent la prolifération de cellules pouvant s'avérer cancérigènes. On trouve la vitamine E principalement dans les huiles végétales, le germe de blé et les huiles de poisson. La vitamine K est un facteur antihémorragique nécessaire à la coagulation du sang, son nom vient d'ailleurs de l'allemand Koagulation. Plus de la 74 moitié des besoins sont produits par la flore bactérienne de l'intestin et on la trouve également dans les épinards et le chou, ainsi que dans le lait, le foie et les oeufs, et ce, en quantités moindres. Les minéraux Ce sont des substances inorganiques qui contribuent au métabolisme des lipides, des glucides et des protéines, à la formation du squelette et au bon fonctionnement du système nerveux et des muscles. Tout comme dans le cas des vitamines, ils ne fournissent pas d'énergie. On trouve 22 minéraux essentiels qui se regroupent en macrominéraux et microminéraux ou oligo-éléments. - Les macrominéraux sont nécessaires en grandes quantités (d'où leur nom); il s'agit du calcium, du phosphore, du magnésium, du sodium, du chlore et du potassium. - Les microminéraux, dont seules d'infimes quantités sont nécessaires, comprennent le fer, le zinc, le cuivre, l'iode, le fluor et le sélénium. Les minéraux sont présents dans un grand nombre d'aliments souvent en petites quantités, mais suffisantes pour combler les besoins. Font exception à cette règle le fer et le calcium dont les besoins sont plus importants tout en étant, dans bien des cas, plus difficiles à combler. Dans l'alimentation, le fer se trouve dans les viandes et substituts, principalement dans le foie et les légumineuses, ainsi que dans les produits céréaliers et les légumes vert foncé. On trouve principalement le calcium dans les produits laitiers et également dans les mollusques et les crustacés, les légumineuses, les légumes verts, et les noix et graines. Il est donc important d'adopter une alimentation variée afin de combler tous les besoins de l'organisme autant en protéines, en lipides, en glucides, en vitamines et en minéraux. L'eau L eau est le constituant le plus important de l'organisme: environ 55% du corps de l'adulte en est constitué. Elle est indispensable à la vie, et on ne peut survivre que quelques jours sans eau. Elle joue un rôle dans la thermorégulation du corps, dans la lubrification des articulations et la transmission du son dans l'oreille, et elle sert également d'amortisseur dans le système nerveux. En fait, tous les phénomènes physiologiques de l'être humain ont besoin d'eau pour assurer leur bon fonctionnement. Elle est essentielle à la digestion, à l'absorption, à la circulation et à l'excrétion des déchets de l'organisme ainsi qu'au transport des éléments nutritifs ou à la reconstitution des tissus. L'apport en eau est réglé par la soif et devrait compenser la quantité éliminée, on conseille donc la consommation de 1,5 à 2 l de liquide par jour. Par liquide, on entend l'eau, le lait, le jus, le café, le thé, les tisanes et les boissons gazeuses; les légumes et les fruits représentent aussi une source alimentaire de liquide puisqu'ils sont composés de 60 à 90% d'eau. 75

39 Principe de la digestion La digestion débute dans la bouche où la majeure partie des aliments est réduite de taille, mélangée avec la salive et transformée en une masse semi-liquide. Celle-ci est envoyée dans l'oesophage pour arriver ensuite dans l'estomac. Les aliments y sont attaqués par les sécrétions gastriques puis passent dans le duodénum et l'intestin grèle proximal où ils rencontrent les sécrétions digestives en provenance du pancréas, du foie et des cellules intestinales elles-mêmes. La réabsorption de la grande majorité de ces aliments alors digérés a lieu dans l'intestin grèle (duodénum, jéjunum et iléon). L'eau est réabsorbée dans le gros intestin (colon). Le contenu de la fin du gros intestin - les selles - se compose de végétaux non réabsorbables et d'un minimum d'eau. Les selles sont stockées dans le rectum jusqu'à ce qu'elles soient volontairement éliminées (c'est la défécation). La digestion des glucides est une voie métabolique d hydrolyse des polyosides en oligosides, puis en oses simples, qui se déroule principalement dans l intestin. La digestion des protéines résulte de l action des protéases de l estomac et de l intestin. Les acides aminés, mais aussi des peptides sont absorbés par l intestin. La digestion des acides nucléiques ne se fait que dans l intestin et aboutit à l absorption de nucléosides ; La digestion des graisses enfin après une phase d émulsion gastrique et duodénale est le résultat de multiples estérases, qui libèrent des acides gras, des monoglycérides et du cholestérol qui sont absorbés à partir des micelles de sels biliaires. Elle est aussitôt suivie d une resynthèse de triglycérides parce que les acides gras et le cholestérol sont des nutriments insolubles qui sont transportés dans les chylomicrons

40 I. Cuisson des viandes La couleur de la viande dépend de son pigment naturel, la myoglobine. Celle-ci est fixée au cœur de la fibre musculaire sur les protéines myofibrillaires. Nous voyons la couleur rouge par transparence à travers une composante de l albumine. Lorsque la viande est crue, l albumine est transparente. La chaleur ou l acide entraînent la dénaturation des protéines sarcoplasmiques et en particulier celles de l albumine. Cette coagulation de l albumine provoque autour des protéines myofibrillaires et de la myoglobine un écran blanc translucide qui modifie la perception de la couleur rouge du muscle. La couleur devient brun-gris: c est le passage du saignant au cuit correspondant à la température de dénaturation de l albumine soit environ +62 C cuisson saignante/rosé T < +62 C. A partir de +66 à +68 C, dénaturation complète de la myoglobine. 2 ème partie : analyse des procédés culinaires Sont présentés ici, et analysées au regard des concepts scientifiques introduits précédemment, quelques opérations courantes effectuées par les cuisiniers. La jutosité de la viande dépend du pouvoir de rétention d eau des protéines myofibrillaires. La perte du pouvoir de rétention d eau se fait à +68 C. Si le produit doit être juteux, la température en tout point ne doit pas dépasser cette température de +68 C sinon l exsudation pendant la cuisson sera optimum. Cependant, les phéno-mènes sont plus complexes dans la mesure ou la dénaturation de l albumine peut masquer une partie de ces pertes en eau : tout dépend alors de l allure de la montée en température. La tendreté d une viande (que l on qualifiera par le mot texture) est modifiée par la chaleur : la texture est liée pour l essentiel au tissu conjonctif plus ou moins rétracté sous l influence de la chaleur au début de la cuisson. Pour attendrir la viande, il est nécessaire d hydrolyser le collagène qui est la protéine responsable de cette dureté. Cette hydrolyse est rapide si la température est élevée et le milieu acide. Elle devient très lente vers +65 C et le temps de cuisson s en trouve sérieusement augmenté : de 2 heures à 72 heures ou plus suivant la nature de la viande. Le goût est surtout lié à l origine de la viande et à sa qualité. Mais la chaleur contribue également à modifier la saveur de la viande (cf réactions de Maillard). Cuisson basse température Adopter un mode de cuisson à basse température pour les viandes et volailles permet dans la majorité des cas de maîtriser parfaitement la couleur lorsque celle-ci doit être rosée. De plus la jutosité et la tendreté sont supérieures. En ce qui concerne le goût, il est souvent équivalent à celui d un aliment cuit d une façon traditionnelle ou légèrement moins marqué dans le cas des cuisses de volaille. Il sera donc recommandé d accompagner l aliment d une sauce bien élaborée qui compensera. Par contre, la surveillance est simplifiée, ce qui permet pendant le temps de cuisson de se consacrer à d autres tâches. Ce sera donc le professionnel qui jugera de l opportunité de conduire une cuisson traditionnelle ou une cuisson à basse température en fonction du résultat souhaité ou du type de prestation réalisée

41 Tests effectués dans le cadre d Ateliers de gastronomie moléculaire (BTS option «arts de la table», lycée Jean Monnet, Limoges): Cuisson traditionnelle Cuisson à basse température Cuisse poulet fermier Mignon de porcelet Magret de canard -Cuisson poêlé avec adjonction d une garniture aromatique. -Temps de cuisson : 40 en cocotte avec couvercle à mi-cuisson -Résultat test : Couleur interne grisée. Viande goûteuse et ferme. -Cuisson au four à basse température dans poche plastique avec filet huile olive et assaisonnement léger. T à cœur n ayant pas dépassé 61 C. Brunies (snackées en fin de cuisson en surface) -Temps de cuisson : 2H -Résultat test : Couleur rosée. Viande moelleuse et juteuse, mais ayant un peu moins de goût. Corrections ou améliorations proposées : adjonction G.A dans la poche et élaborer conjointement jus ou sauce bien relevée. -Cuisson rôti au four -Temps de cuissson : 10 à 220 C + 5 à 180 C. Assaisonné avant cuisson. Accompagné sauce au curry. -Résultat test : Couleur grisée après avoir été tranchée puis redevenue légèrement rosée après 5 de repos. Viande au goût et à la texture correcte. -Cuisson au four à basse température après rissolage -Temps de cuisson : 45. T à cœur n ayant pas dépassé 58 C. Assaisonnement rissolage. après Accompagné sauce au curry. -Résultat test : Couleur rosée parfaite. Viande extrêmement moelleuse et juteuse. Goût très correct et tendreté exceptionnelle. -Magret préalablement légèrement dégraissé et entaillé. -Cuisson à la poêle pour rissolage et terminée au four à 220 C pendant 7. Assaisonné après rissolage. -Résultat test : Couleur rouge saignant. Goût et texture parfaite. -Magret préalablement légèrement dégraissé et entaillé. -Cuisson directe au four à basse température à 57 C sur grille pendant 20. Assaisonnés et brunis (snackés en fin de cuisson en surface). Résultat test : Couleur rosée parfaite. Goût parfait et tendreté supérieure (impression de fondant en bouche). De plus dans le cadre d un service banquet les magrets peuvent être maintenus à 57 C pendant un laps de temps important sans subir de surcuisson et de modification de la couleur. Remarque: il est indispensable de travailler d une façon rigoureuse et d être particulièrement vigilant au respect des règles d hygiène lorsque l on cuit à basse température. Il est souhaitable de faire procéder à une analyse bactériologique des plats que l on décide de cuire à basse température afin d être certain de la stabilité du produit. Il est par contre indispensable d être équipé d un bain-marie ou d un four permettant de réguler d une manière très précise la température dans l enceinte et à cœur de l aliment. II. Pâtes et biscuits Les biscuits sont composés de farine, de matière grasse (souvent du beurre), d'eau, d'œuf (parfois) et de sucre. Avec seulement de la farine, de la matière grasse et de l'eau, on obtient une pâte à tarte, différente selon la façon dont on l'a travaillée: on obtient par exemple une pâte beaucoup plus friable (pâte sablée) si l'on travaille farine+beurre avant d'ajouter l'eau, comparé à farine+eau puis beurre. En effet, lorsque l'on travaille ensemble farine et eau, les protéines de gluten forment un réseau qui maintient les grains d'amidon ensemble; lorsque l'on travaille la farine et le beurre, les grains d'amidon sont entourés par la matière grasse qui empêche le réseau de bien se former: les grains ne tiennent, après cuisson et refroidissement, que légèrement grâce au beurre solidifié. Lorsque l'on ajoute du sucre à la pâte, celui-ci, attirant plus l'eau que la farine, s'y dissout, formant un sirop liquide où se dispersent les grains d'amidon: cet effet, responsable de l'étalement des pâtes à biscuit, est encore plus flagrant avec du sucre glace dont les cristaux, très petits, se dissolvent rapidement. Lorsque l'on chauffe un mélange de farine et d'eau, les grains d'amidon absorbent l'eau, celle-ci agissant comme un "plastifiant" en favorisant la séparation des molécules d'amylose et d'amylopectine; la gélatinisation de l'amidon commence vers 60 C et est complète vers 90 C. L'ajout de sucre peut élever cette température à près de 130 C en captant l'eau: les biscuits, dont le cœur n'atteint guère plus de 100 C à la cuisson, restent moelleux. Pâte feuilletée Les pâtes feuilletées et tourées se distinguent par le fait qu elles sont composées de très fines couches (plusierus centaines) de pâte et de matière grasse. Les différentes couches ont une épaisseur inférieure à 0,1 mm. Ce sont environ 35% d eau fixés dans un pâton qui se dilatent et s étendent sous l effet de la chaleur. 1cm 3 se dilatent à 100 C pour atteindre 1670 cm 3 de vapeur (cause de l augmentation de 8 à 10 fois le volume). Des petites bulles de vapeur passent alors de la pâte aux couches de matière grasse devenues liquides, s unissent et dispersent les couches. Ce mouvement peut être expliqué par le fait que la vapeur à haute pression se trouvant dans la pâte déjà affermie (coagulation des protéines) se répand à un niveau de pression plus bas dans la matière grasse fondue. De récentes prises de vues microscopiques confirment cette théorie et réfutent l ancienne hypothèse selon laquelle les couches de pâte dilatées provoquent le développement. La plus grande partie de la vapeur s échappe car, après le processus de cuisson, la teneur en humidité a baissé jusqu à 2%. Le degré de cuisson optimal est alors particulièrement important pour obtenir l impression gustative typique croustillante et feuilletée

42 III. Meringues et soufflés Une mousse est une dispersion de bulles de gaz dans une phase liquide. Les protéines du blanc d'œuf battu en neige, déroulées par le cisaillement dû au fouet, se dispersent et diffusent à l'interface air-eau, réduisant la tension de surface et augmentant alors le volume des bulles. Plus précisément, les globulines réduisent l'énergie de surface, l'ovomucoïde et les globulines retardent le drainage du liquide entre les bulles (et pérennisent donc ces dernières) en raison de la viscosité qu'elles confèrent au blanc, les lysozyme forment des complexes avec l'ovomucine et les autres protéines, ce qui renforce les interfaces. Le sucre, lui, stabilise les mousses (en augmentant la viscosité) et réduit la taille des bulles (en modifiant l'énergie de surface). Au début du battage, le foisonnement est le fait de grosses bulles. Ensuite, la taille des bulles diminue quand le fouet les divise (sans que de nouvelles bulles soient crées). La poursuite du battage dénature l'ovalbumine, les protéines réticulent et on obtient le grainage, c'est à dire m'apparition de particules insolubles. Avec de fortes concentrations en protéine, on a d'avantage de coagulation de ces dernières, mais aussi recristallisation du sucre lors du cisaillement (les protéines servant sans doute de germe de nucléation), ces cristaux fragilisant les parois des bulles. On obtiendra donc une mousse bien plus délicate si l'on ajoute au contraire de l'eau dans les blancs d'œuf. En faisant ensuite cuire cette mousse très doucement (pour que le blanc coagule avant que l'eau ne s'évapore), on obtiendra des "cristaux de vent 69 ", meringues très légères Blanc battu 69 L'appellation est due à Hervé This. Cf annexe A

43 IV. Chantilly et dérivés La crème de lait (de préférence liquide) est d'abord mélangée doucement au sucre et l'arome, puis battue impérativement à froid (éventuellement dans un bol plongé dans de la glace) avec un fouet pour augmenter la surface de contact avec l'air où se forme la pellicule solide qui va incorporer les bulles d'air. Le fouettage manuel nécessite un mouvement de rotation très régulier et de bien battre le fond du mélange pour conserver l'homogénité de l'émulsion, sinon les grumeaux de beurre se formeront avant que l'ensemble de la crème prenne. La préparation dansunbol à fond rond est indispensable. Crème chantilly de chocolat 70 Une variante de la crème chantilly utilise un chocolat fondu riche en beurre de cacao au lieu de la crème de lait, ou un mélange de crème de lait sucrée et de chocolat fondu. La préparation manuelle est beaucoup plus délicate, car il faut refroidir le mélange progressivement pour éviter la solidification et l'agglomération du chocolat avant que se forme la mousse. Pour faciliter la prise lors de la préparation au fouet, ou si la crème chantilly doit être utilisée sur des préparations chaudes sans se dissoudre immédiatement, on peut ajouter un peu de poudre de blanc d'œuf dans le mélange (le blanc d'œuf est riche en protéines), ou un émulsifiant (lécithine). Il faut arrêter de battre dès que la crème est "prise" et tient dans le fouet sans couler (sinon l'élongation des micro-bulles conduira à casser les filaments de protéines et provoquera la séparation de la matière grasse qui s'agglomérera alors en grumeaux de beurre). Une chantilly contenant des bulles d'air visibles qui ne montent plus à la surface a soit été trop battue, soit été conservée trop longtemps. On peut aussi la préparer aujourd'hui plus facilement en quelques secondes dans une bombe à chantilly, par injection brutale de gaz neutre dans un récipient métallique étanche spécial (le gaz est vendu en cartouches vertes d'azote liquide, il ne faut surtout pas utiliser les cartouches bleues contenant du CO 2 sinon la crème sera acide), la détente du gaz refroidissant brutalement le liquide. Utilisation et conservation Une fois préparée, ou la bombe entamée, la crème ne se conserve pas et doit être consommée rapidement (après quoi elle tourne en beurre et s'oxyde). La préparation en bombe peut se conserver deux jours au froid (5 C, ne pas congeler) tant que la pression interne de la bombe est suffisante. Les bombes de chantilly du commerce contiennent des agents conservateurs (antioxydants) et émulsifiants pour en préserver la texture et éviter la formation du beurre. Mais une fois la bombe entamée, sa conservation n'est pas plus longue qu'avec une bombe préparée soi-même. La crème chantilly est utilisée en pâtisserie pour la décoration, mais aussi pour garnir des choux à la crème. Elle est également très appréciée sur les coupes glacées, et sert aussi à la préparation du cappuccino (un café chaud nappé de chantilly et saupoudré de copeaux ou poudre de chocolat noir) Cf annexe A

44 V. Mayonnaises et Cie VI. Gelées et confitures Comment faire une mayonnaise? Avec un fouet, dans un cul de poule ou un saladier, mélanger un jaune d'œuf et de la moutarde. Ajouter sel et poivre puis détendre avec le vinaigre. Fouetter avec énergie et rapidement tout en incorporant l'huile que l'on verse en filet. La mayonnaise doit monter, c'est-à-dire s'émulsifier ; le tout se transforme en une masse onctueuse et homogène. Le principe est le suivant: le jaune d'œuf est un élément tensioactif qui permet de réaliser une émulsion avec l'huile et l'eau. La moutarde peut donc être remplacée par tout élément comprenant de l'eau, par exemple du vinaigre. L'ajout d'huile épaissit la mayonnaise tandit que l'ajout d'eau provoque l'effet inverse. Comme toutes les recettes traditionnelles plusieurs versions existent selon les traditions locales; la plus connue est l'aïoli qui, dans sa version strictement traditionelle (et conformement à son ethymologie), est sauce uniquement composée d'aï (ail) et d'oli (huile d'olive). Mais la difficulté à faire prendre un tel mélange a amener la plupart des cuisiniers à preferer la recette avec du jaune d'oeuf. Quelques gélifiants et leur propriétés: Hydrocolloïde Solubilité à chaud Solubilité à froid Effet de la chaleur Agar + Supporte l autoclavage + (70- Non, sauf Ne fond pas à carraghéna 80 C) sous la 25 C nes forme sodée, qui ne gélifie pas carraghéna nes carraghéna nes carraghéna nes + caroube partiellem ent Conditions de gélification Nécessite K+, thermoréversible, Ca 2+, Na+, NH4+ sont aussi possibles, 0.02 à 2.0% Tolérance aux ions, à la congélation, gélifie avec Ca2+ non Ne gélifie pas, mais viscosité Texture des gels Apparence Applications Ferme, claire Confiserie cassant Cassant, Légèrement Desserts, rigide, opaque, clair flans et crémeux avec sucre produits avec Ca2+ carnés Elastique, moins ferme + Nécessite K+ élastique opaque Desserts et produits carnés alginate + Non thermoréversi ble Pectines HM Pectines LM clair Nécessite Ca 2+ cassant opaque Desserts et laits gélifiés + cassant claire Confitures et gelées + thermoréversi ble tartinable claire Dessers laitiers et fruits appertisés Gomme arabique + mou claire Amidons + Rétrograde au stockage Rigide à souple opaque Xhanthane + Élastique, opaque + caroube caoutchou teux Puddings et desserts Le principe des perles d'alginates (cf annexe A.15 pour applications de hautes volées ): A gauche: principe de la stabilisation d'une mayonnaise (rôle des tensioactifs) A droite: étapes de sa réalisation (gouttes de plus en plus serrées: la mayonnaise gagne en viscosité) 86 87

45 VII. Glaces et sorbets Conclusion Les crèmes glacées sont composées d'un mélange d'ingrédients congelés parmi lesquels le lait, le sucre (et/ou autres produits sucrants), des émulsifiants et des aromatisants. Ce mélange est pasteurisé et homogénéisé avant congélation pendant laquelle un battage rapide incorpore des bulles d'air et procure une texture moelleuse au produit final. La phase continue de la crème glacée est composée des Notre parcours initiatique pluridisciplinaire se termine. J'espère avoir donner au lecteur un aperçu de solutés solubles dans l'eau tels que les sucres, les protéines et les agents de stabilisation ainsi que la la vaste étendue du terrain de jeu de la gastronomie moléculaire. Beaucoup de questions restent sans matière grasse émulsifiée. réponse, et encore plus de questions restent à poser. Comme je l'ai déjà mentionné dans l'avant-propos, ce cours est en perpétuelle élaboration et sera donc régulièrement modifié et complété, et c'est avec plaisir que je tiendrai compte de vos suggestions. et/ou questions qui pourraient venir compléter ce panorama très incomplet et provisoire que j'ai brossé. Il est temps maintenant de continuer la route en se plongeant dans les annexes puis de poursuivre avec les pistes bibliographiques ci-après. Bonne lecture et vive la gastronomie! Les différents ingrédients utilisés jouent un rôle spécifique suivant leur nature et leur teneur. De la matière sèche dépendent le point de congélation, la durée de vie et d'autres attributs sensoriels (saveur, texture). Les sources de matières grasses sont le lait et la crème, mais on utilise de plus en plus de la matière grasse végatale (huile de coprah, huile de palme). Les produits sucrants sont pour l'essentiel le saccharose, mais aussi les sirops de glucose et les matodextrines. Les stabilisants ont pour rôle d'empêcher la formation de gros cristaux de glace; les émulsifiants sont là pour stabiliser l'émulsion, donner une structure moelleuse et réduire le temps de battage de la crème tout en assurant l'incorporation de fines bulles d'air dans la masse

46 Bibliographie suggérée 71 Cette bibliographie, aussi incomplète que subjective, constitue juste quelques pistes de lecture scientifiques et/ou gastronomiques à travers la liste des 50 livres que j emmènerais volontiers sur une île déserte (sans connexion wi-fi disponible). Pour ceux qui ne pourraient tout mettre dans leur malle, j'ai sélectionné en gras 10 ouvrages à mon avis vraiment indispensables quand on décide de se lancer dans la gastronomie moléculaire. Physique Physique, J. Kane et M. Sternheim (Dunod, 2004) Gouttes, bulles, perles et ondes, P.G. De Gennes, F. Brochart-Wyart et D. Quéré (Belin, 2002) Liquides, B. Cabane et S. Henon (Belin, 2002) Chimie Révélations gastronomiques, Hervé This (Belin, 1995) La casserole des enfants, Hervé This (Belin, 1998) Casseroles et éprouvettes, Hervé This (Belin, 2002) Traité élémentaire de cuisine, Hervé This (Belin, 2002) La cuisine, c'est de l'amour, de l'art et de la Technique, Hervé This et Pierre Gagnaire (Odile Jacob, 2006) La chimie du petit déjeuner, Marie Terrien et Josette Fournier (Cultures et techniques, 1998) On food and cooking, Harold McGee (Scribner Book Company, 2004) The science of cooking, Peter Barham (Springer, 2001) Cookwise, Shirley O. Corriher (Morrow Cookbooks, 1997) What Einstein told his cook, Robert L. Wolke (W. W. Norton & Company, 2002) What Einstein told his cook (2), Robert L. Wolke (W. W. Norton & Company, 2005) But the crackling is superb, Nicholas Kurti (Institute of Physics Publishing, 1997) Food chemistry, H. D. Belitz, W. Grosch et P. Schieberle (Springer, 2004) Food science, Helen Charley (Wiley, 1982) Foods, Helen Charley et Connie M. Weaver (Prentice Hall, 1997) Chimie physique, Paul Arnaud (Dunod, 2004) Chimie organique, Paul Arnaud (Dunod, 1997) Chimie physique, Peter Atkins (De Boek, 2004) Le parfum de la fraise, Peter Atkins (Dunod, 2004) Biologie Biochimie, L. Stryer (Flammarion, 2003) La cellule, B. Alberts et coll (Flammarion, 2004) Biologie, N.A. Campbell et J.B. Reece (De Boek, 2004) Le monde du vivant, W.K. Purves et coll (Flammarion, 2002) Science des aliments Science et gastronomie, Dossier Pour la Science n 7 (mars 1995) Les nourritures de demain, Hors-série Sciences et Avenir n 94 (octobre 1993) Physico-chimie et alimentation, Revue du Palais de la Découverte n 311 (octobre 2003) Cuisine et molécules, Jean Matricon et Daniel Riberzani (Hachette, 1990) Les secrets de la casserole, Hervé This (Belin, 1993) Gastronomie The Oxford Companion to food, Alan Davidson (Oxford University Press, 1999) Larousse Gastronomique, collectif (Larousse, 2000) Les Français et la table : Alimentation, cuisine, gastronomie du Moyen Age à nos jours, Alain Drouard (Ellipse, 2005) Atlas mondial des cuisines et gastronomies : Une géographie gourmande, G Fumey et O Etcheverria (Autrement, 2004) Physiologie du goût, JA Brillat-Savarin (Flammarion, 1993) Pour une nouvelle physiologie du goût, JD Vincent et JM Amat (Odile Jacob, 2000) Almanach des gourmands, ABL Grimod de la Reynière (Mercure de France, 2003) Le guide culinaire, Auguste Escoffier (Flammarion, 2001) Le livre de cuisine, Jules Gouffé (Parangon, 2004) L Art de la cuisine française au XIX e siècle, Antonin Carême (Payot, 1994) Le Pâtissier pittoresque, Antonin Carême (mercure de France, 2003) La bonne cuisine de Madame de Saint-Ange, E Saint-Ange (Larousse, 2005) Bras Laguiole Aubrac France, Michel Bras (Editions du Rouergue, 2003) Une cuisine contemporaine, Olivier Roellinger (Flammarion, 2005) Sucré salé, Pierre Gagnaire (La Martinière, 2003) L'Encyclopédie culinaire du XXIe siècle, Marc Veyrat (Philéas Fogg, 2003) 71 Un complément de bibliographie est proposé dans l annexe A

47 Grand livre de cuisine d'alain Ducasse, Alain Ducasse (LEC éditions, 2005) Grand livre de cuisine d'alain Ducasse : pâtisserie, Frédéric Robert (LEC éditions, 2005) Toute la cuisine, Guy Martin (Seuil, 2004) Tentations, Philippe Conticini (Marabout, 2004) J'ai perdu 120 kilos, Philippe Conticini (J'ai lu, 1999) El Bulli I (83-93), Ferran Adrià, Juli Soler et Albert Adrià (Rba Libros, 2005) et aussi II (94-97), III (98-02) et IV (03-04) Ph10: pâtisserie Pierre Hermé, Pierre Hermé (Agnès Vienot Editions, 2005) Larousse des desserts, Pierre Hermé (Larousse, 2002) En images 92 93

48 Quelques sites internet 72 La gastronomie moléculaire Le site du laboratoire d Hervé This. La collaboration This/Gagnaire, ou le constructivisme culinaire en action. Voir annexes A.9 et A Le portail gastronomiquo-scientifique d'odile Renaudin. Portail (en anglais) de gastronomie moléculaire (liens, bibliographie), tenu par Martin Lersch. Informations variées (en anglais) sur la science de la cuisine. Le site d'échange (en anglais) des acteurs de la gastronomie moléculaire. Voir annexe A Des forums extrêmement variés sur la gastronomie (moléculaire ou non). Voir annexe A.12. La gastronomie tout court LE site de cuisine (avec quelques aspects de GM en bonus). Incontournable. Culture gastronomique à tout va. Recettes, produits, informations diverses. Annexes Sont regroupés ici différents documents représentatifs de ce qu'est la Gastronomie Moléculaire aujourd'hui. On y trouvera des réflexions, des recettes, des points de vue. "Attention", certains textes sont en anglais Le site de la Librairie Gourmande à Paris (librairie à visiter d urgence si ce n est déjà fait). Ou comment (exceptionnellement) bien occuper son temps en regardant la télé Des restaurants où il fait bon se détendre (le restaurant de la rue Balzac, à Paris) (le restaurant de Laguiole) (le restaurant d'olivier Roellinger, à Cancale) (les restaurants de Megève et d'annecy) (le restaurant de la rue de Varenne, à Paris) (le restaurant où-on-ne-peut-de-toutes-façons-pas-réserver) (le restaurant d'heston Blumenthal, à l'ouest de Londres) 72 Dans une catégorie tout à fait général, il me faut mentioner le site universellement connu Wikipedia ( qui allie convivialité et exhaustivité. Certaines informations de ce cours en sont d ailleurs issues

49 A.1. Présentation de la gastronomie moléculaire, par Hervé This 73 Le chemin que nous emprunterons, pour présenter la "gastronomie moléculaire", consistera à examiner d abord son objet : la cuisine. Nous observerons tout d abord que le mythe du "naturel" y sévit gravement, puis nous verrons comment les préjugés déterminent les demandes que le monde de la cuisine fait au monde agricole, et quelles sont les positions extrêmes dans le continuum des comportements culinaires. Une analyse de la cuisine en termes évolutifs révélera à la fois les orientations possibles, et les conséquences pour nos sociétés. Quelle est la gamme des consommations? Considérons cette gamme en classant les pratiques par ordre d "artificialité" culinaire. Le commencement de l intervalle est tenu par les "crudités", moins en vogue aujourd hui que naguère (on a oublié que, pendant le milieu du XXe siècle, le ravier de crudités était fréquemment sur la table, en début de repas), ce que révèlent les livres de cuisine, qui décrivaient la préparation de ces carottes râpées, céleri rémoulade, radis A l opposé, il y a une cuisine qui commence à faire usage de compositions aromatisante, nommées à tort "arômes". Pourquoi "à tort", alors que la réglementation entérine l usage? Parce que le commerce alimentaire ne cesse de confondre le goût, la saveur, l arôme, l odeur, le parfum, négligeant simultanément les autres sensations gustatives. La cuisine Qu est-ce que la cuisine? Cette activité se limite rarement à servir des ingrédients crus, c est-à-dire sortis du sol ou prélevés sur des animaux. Elle s évertue à les assainir, à en modifier la consistance et le goût. A cette fin, elle procède souvent à des divisions, mais, surtout, à des cuissons, c est-à-dire à l emploi de chaleur (pour détruire les micro-organismes pathogènes). Rien de naturel, dans tout cela : les ingrédients sont travaillés, et même une simple découpe provoque des réactions chimiques, telle l action des enzymes polyphénoloxydases sur des composés polyphénoliques simultanément libérés lorsque les cellules végétales sont endommagées. Pourtant, le monde culinaire professionnel ne cesse de revendiquer une activité "naturelle", et met l emphase sur les "produits", ce qui est paradoxal : si c est le produit qui compte, à quoi bon l activité culinaire, le travail même du cuisinier? Dans les meilleurs cas, on entend dire que le cuisinier doit mettre ces "beaux" produits en valeur, mais la prétention est également étonnante, sachant que le goût d un haricot vert cuit n a rien à voir avec celui d un haricot vert cru, d une part ; d autre part, qu est-ce que ce goût "meilleur" dont il est question? L observation d une appréciation culturelle des aliments ne peut manquer de penser que les cuisiniers ont une référence interne non formulée. Au total, moins encore que l agriculture (dont les produits résultent d opérations humaines, avec des entrants, et de l emploi de variétés végétales longuement sélectionnées), la culture n est pas naturelle. Pis encore, ce serait sans doute un facteur de progrès que l on reconnaisse qu elle est surtout de l artificiel, ce dernier étant l honneur de l humanité, qui ne survit que grâce à ses efforts. Puisque la cuisine fait usage des produits agricoles, qu elle est "cliente" de l agriculture, il n est pas inutile d examiner quelle est l étendue de la gamme des consommations, actuelles ou à venir. Evidemment, les tendances culinaires et agricoles interagissent, par la voie de l offre et de la demande: les cuisiniers et leurs clients suscitent des productions, mais, en retour, ils augmentent parfois leurs consommations en raison d offres nouvelles venant du monde agricole (kiwi ). 73 Extrait de son blog 96 Commençons par éclaircir le débat en reconnaissant que le "goût" est une sensation composée, synthétique, obtenue lors de la dégustation des mets. Cette sensation est déterminée par l aspect visuel, au point que des œnologues sont trompés par la coloration d un vin à l aide de pigments pourtant sans effet sur les récepteurs des papilles ni sur les récepteurs olfactifs. Puis, l odeur de l aliment est perçue, et, à nouveau, des illusions sont possibles par le jeu de ces odeurs superficielles : le "goût" de l aliment ultérieurement perçu est également déterminé par cette perception olfactive. Quand l aliment arrive en bouche, les molécules odorantes sont perçues une seconde fois, lorsqu elles remontent par les fosses rétronasales ; à noter que cette seconde perception diffère de la première, en raison des conditions différentes (température, force ionique, environnement chimique) de leur évaporation. En bouche toujours, les aliments stimulent le nerf trijumeau, et engendrent des sensations de frais ou de piquant, et ils stimulent aussi les récepteurs des papilles dites classiquement "gustatives", qui détectent des molécules plutôt hydrosolubles, passées de l aliment à la salive et, de là, aux papilles. Ces molécules étant qualifiées de sapides (elles conduisent à la perception des saveurs), il serait rationnel de qualifier les papilles de "sapictive", plutôt que de gustatives. Enfin, la bouche contient également des capteurs de température, des capteurs mécaniques (appréciation de la consistance, formation de la sensation nommée "texture"). Où serait l arôme, dans tout cela? La réponse a été donnée par Guyton de Morveau, en 1787, dans sa Nomenclature chimique : "émanation de substances odoriférantes". Le mot vient d ailleurs du latin aroma, au sens d odeur agréable, selon Dioscoride. Une sensation n étant pas un produit, l arôme étant l odeur agréable de l aromate, la législation devrait être revue, et les produits aujourd hui vendus par quelques grosses sociétés pour donner de l odeur (agréable, si possible) aux aliments devraient être nommés "compositions aromatisantes", ce qui aurait en outre l intérêt de mettre cette activité industrielle sur la voie des produits loyaux et francs : à ce jour, on admet de nommer "arômes vanille naturels" des compositions obtenues par fermentation d aiguilles de pin à l aide de micro-organismes naturels sélectionnés. Enfin, ces compositions ne sont pas garanties sans effet sur les récepteurs des papilles ou du nerf trijumeau. Terminons à ce sujet en observant que l industrie alimentaire s est essentiellement limitée à utiliser des compositions aromatisantes naturelles, condamnées à n être que des copies, au lieu de se reconnaître une activité créatrice, synthétique, artificielle, qui serait l extrême 97

50 opposé de la crudité. Entre les deux, il y a tous les intermédiaires de transformation, de la simple grillade, au braisage, de l assemblage à la recréation de matières. Animaux ou végétaux, les tissus des organismes vivants forment le matériau que transforment les cuisiniers. Toutefois, revenons à la question : qu est-ce que la cuisine? Est-ce l activité technique qui consiste à produire des aliments à partir d ingrédients? La cuisine n est clairement pas réductible à sa composante technique, car le goût est une appréciation subjective, qui n a rien à voir avec la réussite technique : tel soufflé parfaitement gonflé peut être "mauvais". Il faut admettre que la composante "esthétique" (au sens du "bon", c est-à-dire du "j aime") est au-dessus de la composante technique, ce qui a été dit dans une autre branche, celle de la peinture, par Pablo Picasso : "quand je n ai plus de bleu, je prends du rouge". De ce fait, on comprend que, jugée sur des critères esthétiques, et donc culturels, la cuisine se fournisse aussi de produits dont les marchés fluctueront au gré des "modes". Technique? Esthétique? La cuisine ne se réduit pas à ces deux composantes, car l acte de cuisiner pour autrui est intime : celui qui mange met sa vie ou, au moins, sa santé, entre les mains du cuisinier. Il semble essentiel de reconnaître que nous ne déclarons "bons" que des aliments qui ont été préparés avec soin, pour nous. Cette observation explique sans doute l attrait de la cuisine de nos grands-mères, qui n étaient pas toujours des cuisinières averties ; il semble plus intéressant de reconnaître que nous mangeons de l "amour", plutôt que des nutriments : l exemple du chimiste français Marcellin Berthelot a bien montré combien il était erroné de croire que l alimentation puisse se résumer à la consommation des molécules, fussent-elles adaptées à l entretien de l organisme. Ainsi, en 1894, lors d un banquet de l Union des industries chimiques, Marcellin Berthelot prononça un discours intitulé "En l an 2000", où il prévoyait le futur de l alimentation : ce dernier devait être bouleversé, déclaraitil, par la synthèse chimique qui, il faut le rappeler, était alors naissante. Ayant commencé par indiquer quelques uns des résultats de la chimie (naissante) du XIXe siècle, Berthelot écrivait ainsi : "Quelque considérables soient ces progrès, chacun de nous en entrevoit bien d autres : l avenir de la chimie sera, n en doutez pas, plus grand encore que son passé. Laissez-moi vous dire à cet égard ce que je rêve : il est bon d aller en avant, par l acte quand on le peut, mais toujours par la pensée. [ ] Laissez-moi donc vous dire mes rêves : le moment est propice, c est après boire que l on fait ses confidences. On a souvent parlé de l état futur des sociétés humaines ; je veux, à mon tour, les imaginer, telles qu elles seront en l an 2000 : au point de vue purement chimique, bien entendu ; nous parlons chimie à cette table. Dans ce temps-là, il n y aura plus dans le monde ni agriculture, ni pâtres, ni laboureurs : le problème de l existence par la culture du sol aura été supprimé par la chimie! Il n y aura plus de mines de charbon de terre, ni d industries souterraines, ni par conséquent de grèves de mineurs! Le problème des combustibles aura été supprimé, par le concours de la chimie et de la physique. Il n y aura plus ni douanes, ni protectionnisme, ni guerres, ni frontière arrosées de sang humain! La navigation aérienne, avec ses moteurs empruntés aux énergies chimiques, aura relégué ces institutions surannées dans le passé! Nous serons alors bien prêts de réaliser les rêves du socialisme... pourvu que l on réussisse à découvrir 98 une chimie spirituelle qui change la nature morale de l homme aussi profondément que notre chimie transforme la nature matérielle! [ ] Mais revenons à nos moutons, je veux dire à la chimie. Qui dit source d énergie calorifique ou électrique, dit source d énergie chimique. Avec une telle source, la fabrication de tous les produits chimiques devient facile, économique, en tout temps, en tout lieu, en tout point de la surface du globe. C est là que nous trouverons la solution économique du plus grand problème peut-être qui relève de la chimie, celui de la fabrication des produits alimentaires. En principe, il est déjà résolu : la synthèse des graisses et des huiles est réalisée depuis quarante ans, celle des sucres et des hydrates de carbone s accomplit de nos jours, et la synthèse des corps azotés n est pas loin de nous. Ainsi le problème des aliments, ne l oublions pas, est un problème chimique. Le jour où l énergie sera obtenue économiquement, on ne tardera guère à fabriquer des aliments de toutes pièces, avec le carbone emprunté à l acide carbonique, avec l hydrogène pris à l eau, avec l azote et l oxygène tirés de l atmosphère. Ce que les végétaux ont fait jusqu à présent, à l aide de l énergie empruntée à l univers ambiant, nous l accomplissons déjà et nous l accomplirons bien mieux, d une façon plus étendue et plus parfaite que ne le fait la nature : car telle est la puissance de la synthèse chimique. Un jour viendra où chacun emportera pour se nourrir sa petite tablette azotée, sa petite motte de matière grasse, son petit morceau de fécule ou de sucre, son petit flacon d épices aromatiques, accommodées à son goût personnel ; tout cela fabriqué économiquement et en quantités inépuisables par nos usines ; tout cela indépendant des saisons irrégulières, de la pluie ou de la sécheresse, de la chaleur qui dessèche les plantes, ou de la gelée qui détruit l espoir de la fructification ; tout cela enfin exempt de ces microbes pathogènes, origines des épidémies et ennemis de la vie humaine. Ce jour-là, la chimie aura accompli dans le monde une révolution radicale, dont personne ne peut calculer la portée ; il n y aura plus ni champs couverts de moissons, ni vignobles, ni prairies remplies de bestiaux. L homme gagnera en douceur et en moralité, parce qu il cessera de vivre par le carnage et la destruction des créatures vivantes. Il n y aura plus de distinction entre les régions fertiles et les régions stériles. Peut-être même que les déserts de sable deviendront le séjour de prédilection des civilisations humaines, parce qu ils seront plus salubres que ces alluvions empestées et ces plaines marécageuses, engraissées de putréfaction, qui sont aujourd hui les sièges de notre agriculture. Dans cet empire universel de la force chimique, ne croyez pas que l art, la beauté, le charme de la vie humaine soient destinés à disparaître. Si la surface terrestre cesse d être utilisée, comme aujourd hui, et disons-le tout bas, défigurée par les travaux géométriques de l agriculteur, elle se recouvrira alors de verdure, de bois, de fleurs ; la terre deviendra un vaste jardin, arrosé par l effusion des eaux souterraines, et où la race humaine vivra dans l abondance et dans la joie du légendaire âge d or. " Pourquoi un chimiste aussi adulé que l a été Berthelot s est-il tant trompé? Examinons d abord la question des "tablettes azotées" : si l on ne comptabilisait que l énergie nécessaire à un individu pour vivre, il faudrait environ 300 grammes de la matière la plus énergétique, qui est la matière grasse. Cette tablette (grosse comme une plaquette de beurre) serait malvenue, parce qu elle ne contiendrait 99

51 toutefois pas l azote nécessaire à la constitution des protéines, notamment, ni les divers produits indispensables à la vie. Pis encore, Berthelot n a pas compris que, comme l a bien dit Theodosius Dobzhansky ( ) : Nothing in biology makes sense except in the light of evolution. Si l espèce humaine a été dotée d un appareil gustatif, c est pour des raisons importantes pour sa survie : notamment, l individu doit être capable de reconnaître, par l odeur, la saveur, l aspect visuel, des matières dont la consommation serait dangereuse. D autre part, il doit être capable de reconnaître (par les mêmes sens, et, surtout, par la saveur), les matières sucrées, qui lui apportent de l énergie : les primates non humains, comme les nourrissons humains, font à la naissance une mimique de "plaisir" quand on leur dépose une solution sucrée sur les lèvres. Ensuite, il doit être capable d associer, par un réflexe conditionné, le sentiment de satiété à la texture de produits contenant des matières grasses et des féculents. L ensemble des adaptations physiologiques nécessaires à la survie de l espèce humaine impose que soient stimulés, lors de la consommation d aliments, l ensemble des récepteurs gustatifs. Mieux encore, il n est pas anodin que les êtres humains se réunissent pour manger : la convivialité ne pourrait-elle également être déterminée par l évolution? L espèce humaine étant grégaire, nous pourrions-nous supposer raisonnablement que le comportement de manger en groupe soit "récompensé" d un point de vue évolutif par la libération d endorphines, par exemple? En tout cas, la consommation d aliments ou de substances refusées par le jeune humain (bière, tabac) a été interprétée comme l importance prépondérante de la récompense évolutive (la grégarité satisfaite) par rapport à la "punition physiologique" liée à cette consommation (amertume associée initialement à des composés de type alcaloïdes, âcreté du tabac) ; c est ce que l on a nommé l effet "bière et tabac". Enfin, Berthelot a eu le tort de ne pas reconnaître que les matières énergétiques fossiles pourraient venir à manquer, et que l humanité devrait à terme privilégier des énergies renouvelables ; de surcroît, il a largement sous-estimé l effort de synthèse des molécules nécessaires à l alimentation humaine. Pourquoi ne pas laisser aux végétaux et aux animaux, systèmes perfectionnés par l évolution, le soin de produire des molécules complexes dont nous avons besoin pour vivre? Pour en revenir à la composante «amour» de la cuisine, il serait également erroné d oublier que nous mangeons de la culture: si l Alsacien consomme du Munster, dont l odeur repousse les peuples qui n ont pas été habitués à la consommation de ce fromage, et si, inversement, certaines populations se régalent d insectes, ou bien de cervelle de singe dans un crâne ouvert, c est que nous mangeons de la culture, c est-à-dire des aliments sélectionnés par le groupe auquel nous appartenons, une autre façon de satisfaire la grégarité de notre espèce. Consacrée à la cuisine, la discipline scientifique nommée Gastronomie moléculaire doit reconnaître ces phénomènes, et explorer les transformations culinaires à la lumière de ces trois composantes techniques, esthétiques et amour. Les recherches en Gastronomie moléculaire Examinons plus en détail cette Gastronomie moléculaire à peine évoquée. Nous faisons ici une distinction qui nous semble essentielle entre la science, qui cherche le mécanisme des phénomènes à l aide de la méthode expérimentale, introduite par Francis Bacon, puis par Galilée, et la technologie, qui est l application des résultats scientifiques à la technique. Chaque science a son corpus de données, et ses méthodes, adaptées à ce corpus. Par exemple, l astrophysique étudie les objets de l Univers, sans pouvoir les modifier ; elle se limite à l analyse des rayonnements émis par les corps lointains qu elle analyse. La chimie, en revanche, étudie les molécules ou associations moléculaires, leurs transformations, et elle ne se prive pas de modifier les objets de son étude. Depuis des siècles, les scientifiques, notamment les chimistes, se sont intéressés aux phénomènes culinaires, mais l idée de créer une discipline spécifique est née en 1988, lorsque, avec Nicholas Kurti, qui était alors professeur émérite à l Université d Oxford, nous avons préparé le First International Workshop on Molecular Gastronomy, au Centre Ettore Majorana (Erice, Italie). Depuis des années, nous effectuions séparément des expériences sur les phénomènes culinaires, mais nous avons compris que la science des aliments avait progressivement oublié cette composante essentielle qu est l activité culinaire. Le nom de "Gastronomie moléculaire" s est imposé : la gastronomie est, selon le juriste français Jean-Anthelme Brillat-Savarin (Bellay, 1755 Paris, 1826) qui a popularisé le terme après son introduction en français par le poète Joseph Berchoux ( ), "la connaissance raisonnée de tout ce qui se rapporte à l homme en tant qu il se nourrit". Notre activité scientifique étant initialement consacrée à l analyse physico-chimique des phénomènes culinaires, il semblait rationnel de la nommer "Gastronomie moléculaire". Initialement, Kurti réclama que la discipline soit nommée Gastronomie moleculaire et physique, mais l usage imposa une terminologie plus courte. Initialement placée entre la science des aliments, alors essentiellement consacrée à l étude fine des ingrédients alimentaires, et la technologie alimentaire, alors limitée essentiellement aux procédés industriels, la Gastronomie moléculaire s intéresse aux transformations culinaires et, plus généralement, aux phénomènes qui ont lieu entre le garde-manger et l assiette. Notons que cette discipline est essentiellement une physico-chimie dont le corpus est l ensemble des phénomènes qui ont lieu dans les cuisines ou dans les salles à manger. Son importance est évidemment considérable, car plusieurs millions de personnes cuisinent chaque jour, rien qu en France), mais il faut observer que la Gastronomie moléculaire s impose autant par ses travaux propres (scientifiques : la production de connaissances) que par ses applications

52 A.2. La gastronomie moléculaire et ses objectifs, par Hervé This La chimie, science mal aimée parce que redoutée Dans la rue, arrêtons un passant et demandons-lui ce qu il pense de la chimie : souvent, hélas, il l associe à des usines polluantes, nauséabondes, dangereuses Pensez! La «dioxine dans les poulets», Seveso, Bhopal s il a de la mémoire, et les gaz de combat s il est plus âgé Naturellement la chimie n est pas la seule science incriminée : la physique a eu sa bombe nucléaire, et la biologie ses prions. Au total, le désintérêt des jeunes pour les carrières scientifiques et techniques, révélé par la chute des inscriptions dans les filières scientifiques des universités, montre peut-être une crainte de chômage mais, sans doute aussi, une perte de confiance du public dans les sciences. À noter sans attendre la confusion que l on fait souvent entre la science, recherche de connaissances, et ses applications. Qui porte la responsabilité de l accident de Bhopal? Le public incrimine la chimie, mais la faute en revient à ceux qui faisaient fonctionner l usine. La chimie, recherche de connaissance, pourrait être accusée, mais pas de l accident de Bhopal : elle n est coupable que d être l honneur de l esprit humain, c est-à-dire une volonté constante d exploration du monde. Jean-Anthelme Brillat-Savarin, l immortel auteur de la Physiologie du goût, disait : «L âme, cause toujours active de perfectibilité.» La confusion entre la science et ses applications s est progressivement doublée d une confusion entre science, technologie et technique. Il existe mille «bonnes» raisons pour que cette confusion (entérinée par le détournement du mot «technologie» dans une acception qui mêle vaguement science, technologie et technique) s instaure : le public demande à la science de justifier le coût de son fonctionnement ; les chercheurs ne veulent pas manquer des occasions de se montrer utiles à la société qui les paye, en mettant au point des applications de leurs recherches ; certains considèrent même que la science doit être pratiquée comme le faisait Archimède, la quête technique posant les questions auxquelles la recherche doit répondre ; etc. Cette confusion me semble être à l origine d un transfert de responsabilités, des utilisateurs de résultats de la science vers la science elle-même. D où les attaques contre la chimie quand seule l industrie chimique (et pas toute!) est responsable de drames. D où aussi, probablement, le désintérêt des étudiants pour les filières scientifiques des universités. Comment restaurer la confiance et l intérêt? En favorisant la culture scientifique? Et qu est-ce que cette fameuse «culture scientifique» qui semble si naturellement nécessaire, surtout à «l élite scientifique»? La méthode du flamant rose le sens de la vie. [ ] Il faut s attaquer par la bande aux grands problèmes, et non de front.» Et c est ainsi qu il part d une observation insolite pour s interroger et remonter vers les questions de fond, telle l évolution du vivant. La méthode est belle ; pourrions- nous l utiliser pour traiter le difficile problème de la culture scientifique? Avant de nous lancer, que réclamons-nous? Sans doute pas un vernis de connaissances inutiles. Ni une connaissance dont «l élite scientifique» gaverait un public passif avec le sentiment de faire son devoir civique. Non, la culture scientifique n a de sens, je crois, que si elle est active, citoyenne, quotidienne, permanente. Un exemple? Un automobiliste transporte une batterie usée dans le coffre de sa voiture. Au cours d un virage, la batterie se renverse et l acide coule dans le coffre. Il n est pas inutile de savoir que la batterie contient de l acide sulfurique et qu il y aurait danger à utiliser une éponge, à main nue, pour l éliminer. Toutefois l automobiliste ne sera véritablement «cultivé scientifiquement» que s il utilise ses connaissances pour réparer l incident : l acide sulfurique est acide? Neutralisons-le au bicarbonate de sodium, présent dans la cuisine. Et c est ainsi que la science, rendue familière par son usage quotidien, sera définitivement acceptée. Notons au passage que le grand public n est pas seul destinataire de culture scientifique. Le monde scientifique, lui aussi, mérite de se rappeler toujours que la science est l école du doute, et que la vérification doit être permanente. Par exemple, ce même monde scientifique perpétue l expérience de l encre sympathique, où du jus de citron permettrait d écrire des messages invisibles qui seraient révélés par la chaleur ; pour expliquer l effet, on dit même que l acide ascorbique catalyse la dissociation de la cellulose. Est-ce vrai? Avant d examiner les causes, assurons-nous des effets. Une première expérience, à cette fin, consiste à écrire des messages au jus de citron et à comparer les effets obtenus avec une solution d acide ascorbique (quand on dilue cette poudre blanche dans de l eau, on voit que la solution concentrée est brune, et la solution diluée légèrement jaune), avec une solution d acide citrique et avec de l eau pure. On observe d abord que le jus de citron et la solution d acide ascorbique laissent une légère trace jaune, tandis que la solution d acide citrique et l eau ne laissent aucune trace (sauf une légère désorganisation des fibres du papier). Puis, à la chaleur, les solutions d acide citrique, d acide ascorbique et le jus de citron colorent le papier dans une teinte qui dépend à la fois du composé dissous et de sa concentration : la solution d ascorbique engendre une teinte plus foncée que la solution d acide citrique, plus proche de celle du jus de citron. Ainsi, de cette première expérience, nous tirons au moins trois conclusions : 1. la confidentialité d un message serait mal assurée par ce procédé ; 2. la prétendue décomposition de la cellulose par l acide ascorbique n est pas seule en cause ; 3. plusieurs des composés du jus de citron pourraient contribuer au brunissement. Le paléontologue américain Stephen Jay Gould, connu notamment pour ses articles et ses livres de vulgarisation, utilise souvent le procédé de l exemple : «Il est très efficace d aborder les grands problèmes d ordre général en partant des petits détails. Cela ne sert à rien de vouloir écrire un livre sur 102 Testons maintenant le rôle du papier. La cellulose intervient-elle? Pour le savoir, écrivons sur de la porcelaine blanche avec les solutions précédemment préparées : on obtient les mêmes jaunissements ou brunissements! Enfin, puisque l explication proposée semble définitivement douteuse, testons 103

53 divers composés organiques : solution d acide tartrique, solution d acide acétique dilué, jus d oignon Chaque fois, le papier brunit à la chaleur, et c est probablement une décomposition thermique des composés organiques qui semble à la base de l effet. Cette hypothèse est corroborée par la découverte, par Georges Bram (GHDSO, Université Paris-Sud), d un texte chimique ancien qui mentionne une foule de composés susceptibles d être utilisés pour la réalisation d encre sympathique : tous ont en commun d être des solutions de corps organiques. une évaluation quantitative des prises alimentaires. L enjeu de cette recherche est à la fois technique, social et politique. En 1969, lors d une conférence à la Royal Institution, N. Kurti s était attristé que l on connaisse mieux la température au centre des étoiles qu au cœur des soufflés. Prolongeons sa remarque : n est-il pas étonnant que l humanité envoie des sondes sur Mars alors que, simultanément, elle continue à utiliser et, surtout, à enseigner aux jeunes cuisiniers des tours de main culinaires douteux, voire faux? La Gastronomie moléculaire Après ce détour, revenons à la question : comment semer la bonne parole scientifique, comment développer la culture scientifique? Pas en se contentant de semer des connaissances. Elles ne sont pas inutiles, bien au contraire, mais elles sont insuffisantes. Ce qui manque, essentiellement, c est une transmission de la méthode. Or la science se fonde, on l oublie parfois, sur la méthode expérimentale. D où la question suivante : comment transmettre la méthode expérimentale? Une abstraction se capte mieux sur l exemple, surtout quand un besoin a été créé. D où l importance, en vulgarisation scientifique, de questions telles que : «Pourquoi l estomac ne se digère-t-il pas lui-même?» Une telle question appelle aussitôt une réponse. Et plus la question s impose naturellement, plus l interlocuteur réclame cette culturede méthode que l on souhaite transmettre. Tout cela est déjà dans la Rhétorique d Aristote, et dans Aristophane qui signalait qu «enseigner, ce n est pas remplir des cruches, c est allumer un brasier». Allumons un brasier, en France, terre de culture gastronomique, grâce à la cuisine. C est là le cinquième objectif de la discipline scientifique que nous avons nommée la Gastronomie moléculaire. Examinons ce dont il s agit. La Gastronomie moléculaire a cinq objectifs Recueillir les tours de main et dictons culinaires, et les tester expérimentalement. Analyser les gestes, recettes, méthodes et pratiques culinaires classiques, afin d en proposer des rationalisations et des améliorations. Introduire en cuisine des ustensiles, méthodes et ingrédients nouveaux. Inventer des plats nouveaux en se fondant sur les modélisations et expérimentations effectuées dans le cadre des trois premiers types de travaux. Utiliser la cuisine afin de communiquer les résultats des sciences au public. Tours de mains et dictons culinaires Le premier objectif, nécessairement pluridisciplinaire, commence par un recueil des dictons et des tours de mains présentés dans les livres de cuisine et propagés oralement dans le monde culinaire actif. Un tel recensement impose une exploration des sources anciennes ou modernes, françaises ou étrangères. Il précise évidemment les comportements alimentaires et leur évolution, donnant même 104 Les questions qu examine la Gastronomie moléculaire semblent individuellement futiles, mais l enjeu du travail de recherche est important. Par exemple, doit-on ajouter du sel au blanc d œuf que l on bat en neige? Doit-on utiliser des ingrédients à température ambiante pour faire des mayonnaises? Doit-on vraiment cuire les terrines à 150 C au bain-marie? Les salades de pomme de terre sont-elles plus tendres quand les rondelles de pomme de terre sont mises, encore chaudes, dans la sauce vinaigrette? Et ainsi de suite : les questions sont innombrables, et les individus qui cuisinent, même dans les milieux cultivés, traînent en héritage des gestes dont ils ignorent le bien-fondé et l efficacité, parce que les opérations culinaires domestiques n ont jamais été clairement examinées du point de vue chimique, physique et biologique. L exemple des salades de pommes de terre n est que superficiellement une provocation : c est surtout une bonne introduction à cette partie, qui évoque les enjeux de la Gastronomie moléculaire. Considéré hâtivement, cet exemple tend à faire croire que la Gastronomie moléculaire est une activité futile, qui se préoccupe de détails culinaires sans importance. Pourtant, la réputation de plus d un chef a tenu à la réalisation perfectionnée d un plat : pensons à Joël Robuchon (Restaurant Joël Robuchon, Paris), dont la purée est célèbre dans le monde entier. Pourtant, les industriels aussi commercialisent des plats préparés, et la salade de pomme de terre tient un rôle notable dans leurs gammes (la plupart des rayons traiteurs de supermarché en proposent). L absorption de la vinaigrette par les pommes de terre est alors un problème économique important (sur de grosses productions, quelques grammes de vinaigrette en plus ou en moins représentent des sommes considérables), en même temps qu un atout concurrentiel notable. Voyons maintenant pourquoi la Gastronomie moléculaire a aussi des enjeux politiques, économiques, éducatifs et scientifiques. Nous observerons tout d abord que le citoyen qui cuisine ne bénéficie qu indirectement des résultats de la Science des aliments. Les études des propriétés gélifiantes des chairs animales, par exemple (principalement effectuées à la Station INRA de Theix), ont débouché sur la mise au point de la «cerise de bœuf», dans les années 1990, mais elles n ont conduit à aucune modification des pratiques culinaires. Le citoyen a eu la possibilité d acquérir des «cerises de bœuf» (le produit, bien que remarquable, n a pas eu le succès escompté), mais les résultats scientifiques ne lui ont été communiqués ni sous leur forme scientifique initiale ni sous une forme adaptée à la pratique culinaire. Les millions de personnes qui cuisinent quotidiennement, rien qu en France, n ont donc pu bénéficier des résultats des recherches qu ils subventionnent, en tant que contribuables ; elles n ont pu perfectionner leurs pratiques culinaires à la lumière des résultats obtenus. La communication scientifique insuffisante de la Science des aliments explique-t-elle en partie le rejet 105

54 de la science dans les aliments par les citoyens (écoutons le public parler de «nourriture industrielle»)? La Gastronomie moléculaire, en se proposant de mettre les résultats de la recherche à la disposition de tous, a clairement un rôle politique important à jouer. englober les explorations physico-chimiques de la cuisine et de la dégustation, nous avons repris le terme de «gastronomie», largement accepté dans les milieux culinaires depuis la Physiologie du Goût, de Jean-Anthelme Brillat-Savarin : D autre part, les enjeux de la Gastronomie moléculaire sont également économiques. Nous avons esquissé ces enjeux en évoquant le cas des salades de pomme de terre, mais il y a plus : ne parlait-on pas, naguère, d «économie domestique»? Cette économie à l échelle de l individu se double d une économie à l échelle du pays. Nous l examinerons maintenant à propos de la filière viande, mais toute l activité agro-alimentaire est concernée. Suivons cette filière à partir des biochimistes de l INRA, qui font un remarquable travail, notamment à Theix, dans l élucidation des mécanismes biochimiques qui ont lieu au cours de la contraction musculaire. Ces études débouchent sur des recherches de sélection animale, par leurs collègues des centres plus appliqués, tels les domaines de l Orfravière, du Magneraud, de Jouy-en-Josas Puis des agronomes multiplient ces animaux, des éleveurs cherchent les meilleurs moyens de proposer des animaux en bonne santé et de bonne qualité, les chevillards, les abatteurs et, finalement, les bouchers abattent les animaux et détaillent la viande afin de lui donner une grande tendreté. Pour peu qu un acheteur de cette viande, mal formé à la cuisine, fasse bouillir inconsidérément la viande vendue, le résultat est lamentable et toute l activité de la filière est incriminée. L individu qui cuisine, en fin de filière, en est aussi la sanction. La Gastronomie moléculaire a également des enjeux éducatifs. Elle a la mission d enrichir les enseignements de science appliquée dans les établissements d enseignement hôtelier, culinaire ou agronomique. Elle est la recherche sans laquelle ces enseignements s appauvrissent. La Gastronomie moléculaire veut notamment, nous l avons vu, construire une banque des dictons et tours de main, les tester, puis épurer les livres de cuisine ou les enrichir des dictons et tours de main oubliés mais avérés. Cette banque de dictons veut servir ensuite de base à la publication d ouvrages culinaires pour les professionnels ou pour le public qui seront débarrassés des scories du développement empirique de la cuisine. La chimie et la physique sont les principales disciplines utilisées pour l exploration des dictons culinaires, mais des recours à d autres disciplines sont parfois indispensables : biologie, toxicologie, pharmacie Car la Gastronomie moléculaire vise la résolution de questions culinaires et non la pratique d une discipline scientifique particulière : si la résolution d une question impose l utilisation d optique (pour comprendre, par exemple, pourquoi une mayonnaise s éclaircit quand on lui ajoute le jus d un citron), cette science devra être utilisée ; si la résolution d une autre question impose l utilisation de chimie organique (pour comprendre la réduction des vins, par exemple), la chimie organique sera mise à contribution, etc. Signalons aussi que la cuisine n est pas seulement visée par la Gastronomie moléculaire, sans quoi le titre moins pompeux de «cuisine moléculaire» ou de «physico-chimie culinaire» aurait suffi. En revanche, certains phénomènes physico-chimiques qui se produisent lors de la dégustation méritent une exploration qui prolonge celle de la cuisine. Pourquoi certains vins rouges deviennent-ils désagréables quand ils sont consommés en même temps qu une salade vinaigrée, par exemple? Là encore, la Gastronomie moléculaire a des réponses à donner. Pour 106 «La gastronomie est la connaissance raisonnée de tout ce qui a rapport à l homme, en tant qu il se nourrit. Son but est de veiller à la conservation des hommes, au moyen de la meilleure nourriture possible. Elle y parvient en dirigeant, par des principes certains, tous ceux qui recherchent, fournissent ou préparent les choses qui peuvent se convertir en aliments. [ ] La gastronomie tient : à l histoire naturelle, par la classification qu elle fait des substances alimentaires ; à la physique, par l examen de leurs compositions et de leurs qualités ; à la chimie, par les diverses analyses et décompositions qu elle leur fait subir ; à la cuisine, par l art d apprêter les mets et de les rendre agréables au goût ; au commerce, par la recherche des moyens d acheter au meilleur marché possible ce qu elle consomme, et de débiter le plus avantageusement ce qu elle présente à vendre ; Enfin, à l économie politique, par les ressources qu elle présente à l impôt, et par les moyens d échange qu elle établit entre les nations.» Signalons enfin que les explorations des dictons et tours de main culinaires posent des questions scientifiques concrètes, qui irriguent les disciplines scientifiques : la condensation des tanins dans les vins, l adhérence des mets aux ustensiles de cuisson, la réalisation de croustillant, la caramélisation, la coagulation, l obtention de textures spécifiques, etc. sont des phénomènes qu examinent la chimie ou la physique modernes, du point de vue fondamental. Modélisation et rénovation des pratiques Le deuxième objectif l analyse et la modélisation des recettes, procédés ou gestes culinaires est indissociable du premier : il serait dommage d explorer les tours de main et dictons culinaires sans chercher une compréhension globale de la cuisine, et il serait dommage d explorer les recettes, procédés, gestes et méthodes culinaires sans chercher à les rationaliser ou à les améliorer. Au cours de ce travail d analyse, on prévoit une modélisation de la totalité des recettes de cuisine, base d une analyse des comportements alimentaires. Quelle est la part du connu et de l inconnu? Quelle partie de ces recettes sait-on modéliser? Le chantier est considérable. Il commence seulement. L objectif numéro 3, l introduction de méthodes, d outils et d ingrédients nouveaux en cuisine, a été décrit, pour la partie des outils, dans un article de L Actualité chimique 74. Il s impose tout naturellement : une rationalisation des méthodes culinaires ne peut s effectuer sans une transformation des méthodes, des outils et des ingrédients. Il est tout à fait étonnant que la cuisine se pratique 74 Hervé This, La Gastronomie moléculaire, in L Actualité chimique, Juin

55 aujourd hui presque comme au Moyen Âge. Seul le four à micro-ondes est une innovation de principe. Les robots, l acier inoxydable, les plaques électriques, etc. ne sont que des perfectionnements techniques légers, qui n ont pas modifié le principe des opérations culinaires effectuées. Pourtant, les laboratoires de recherche sont pleins d ustensiles et de méthodes qu il serait utile d introduire en cuisine. L article publié dans L Actualité chimique était précisément une liste non exhaustive des matériels de laboratoires qui faciliteraient ou perfectionneraient le travail culinaire : la colonne à reflux est plus efficace qu un couvercle, les bacs à ultrasons font des émulsions bien plus efficacement que les cuillers en bois, etc. Les ingrédients, aussi, pourraient changer, car les sociétés productrices d arômes ou de composés chimiques définis ont une large gamme qui pourrait être source d innovations en cuisine (ces produits sont déjà utilisés dans l industrie alimentaire, mais les conditions d exercice culinaire des consommateurs individuels ou des restaurants imposeraient des formulations et des conditionnements différents, assortis d un règlement spécifique). Nous avons déjà réussi à faire adopter par plusieurs pâtissiers la bêta ionone, par exemple, pour les desserts qui doivent avoir un goût de violette, et nous faisons couramment l apologie du 1-octène-3-ol, au remarquable arôme de sous-bois, que la cuisine peut utilement utiliser quand la saison des champignons est terminée. Bien d autres molécules seraient utiles, non seulement pour l enrichissement de l arôme, mais aussi pour leurs qualités sapides. Dans un article publié en 1995 dans Scientific American 75, nous espérions voir le temps où des cuisiniers utiliseraient de telles molécules. Le 4th International Workshop on Molecular Gastronomy, en mai 1999, a été précisément l occasion de confronter les cuisiniers et les scientifiques sur ce thème. Progressivement les cuisiniers s habituent à l emploi de préparations aromatiques, et certains en sont venus à utiliser des composés définis. Enfin les méthodes pourraient être transformées. Aujourd hui, par exemple, quelques chefs pratiquent couramment des infusions ou des macérations de plantes aromatiques dans l eau ou dans l huile. Pourquoi se cantonner à la température ambiante ou à la température d ébullition de l eau pour effectuer les extractions? Pourquoi ne pas varier les matières grasses? Pourquoi ne pas reprendre à l industrie des parfums ses méthodes d extraction, et les adapter aux conditions d exercice de l Art culinaire? L invention de mets nouveaux Collège de France, Paris), et ils avaient analysé la relation entre la structure du gel et la température de prise. La mise en pratique culinaire de leur étude a été présentée lors de la conférence de lancement du Groupement de recherche CNRS «Systèmes moléculaires organisés», au siège du CNRS : le cuisinier du siège a divisé une même solution de gélatine en deux moitiés, qui ont été placées l une en chambre froide et l autre à température ambiante. Les participants au Groupement de recherche, tout comme les journalistes invités, ont apprécié la différence de textures : les gelées prises à basse température sont aqueuses, cassantes et elles tiennent mal au réchauffement, tandis que les gelées prises à température ambiante, de même composition, sont fermes, bien prises, et thermorésistantes. Bien d autres innovations sont possibles. Le «chocolat Chantilly», par exemple, découle immédiatement d une bonne compréhension physico-chimique de l opération qui consiste à fouetter de la crème. Cette dernière est une émulsion, c est-à-dire une dispersion de gouttelettes de matière grasse (du lait) dans l eau (du lait) ; les gouttelettes sont stabilisées par diverses molécules «tensioactives», c est-à-dire ayant une ou plusieurs parties qui se dissolvent dans l eau («hydrophiles») et une ou plusieurs parties qui ne se dissolvent pas («hydrophobes»). Quand on fouette cette émulsion en la refroidissant, le fouet introduit des bulles d air, qui sont stabilisées par les tensioactifs présents, et l on obtient une mousse, la crème fouettée, qui se nomme la crème Chantilly si l on y ajoute du sucre. Peut-on généraliser le procédé? Celui-ci est seulement la transformation d une émulsion en une mousse. Par exemple, commençons par confectionner une émulsion chaude de chocolat en mêlant dans une casserole un peu d eau (par exemple, 20 centilitres) et du chocolat (225 grammes de chocolat à croquer), car ce dernier contient du beurre de cacao. Si l on chauffe, le chocolat fond, et sa matière grasse se disperse spontanément en gouttelettes enrobées des molécules de lécithines qui étaient présentes dans la tablette de chocolat : on obtient l émulsion chaude que je nomme une «béarnaise de chocolat». Il ne reste alors qu à poser la casserole sur des glaçons et à fouetter : on obtient une mousse aussi légère que de la crème Chantilly. Puisque la crème engendre une mousse qui se nomme crème Chantilly, nommons cette mousse de chocolat un «chocolat Chantilly». Et n omettons pas de généraliser le procédé au fromage : d un roquefort, on fera une «Béarnaise de roquefort», qui engendrera un «Roquefort Chantilly». D un munster, d un crottin de Chavignol, on fera un Munster Chantilly, un Crottin Chantilly, etc. Bien d autres recettes de plats nouveaux (et le raisonnement qui y conduit) ont été divulguées aux professionnels et au public. Le quatrième objectif découle quasi nécessairement des trois premiers. Par exemple, en utilisant un résultat obtenu par Madeleine Djabourov, Jacques Leblond et Pierre Papon, de l E.S.P.C.I, à Paris 76 1, on peut perfectionner la confection des gelées (gels de gélatine). M. Djabourov et ses collègues avaient étudié la prise des gels (précisément sur l exemple de la gélatine) et testé la théorie de la percolation pour décrire le phénomène (sur une idée initiale de Pierre-Gilles de Gennes, E.S.P.C.I et 75 Hervé This et Nicholas Kurti, Physics and Chemistry in the kitchen, in Scientific American, avril M. Djabourov, J. Leblond et P. Papon, Gelation of aqueous gelatin solutions, I. Structural investigation, in J. Phys. France, 1988, 49, ; et M. Djabourov, J. Leblond et P. Papon, Gelation of aqueous gelatin solutions, II. Rheology of the sol gel transition, in J. Phys. France, 1988, 49, La dernière innovation en date est apparue quand on a cuit une «mayonnaise au blanc d œuf» dans un four à micro-ondes et qu une sorte de solide plein d huile a été formé. Allons-y doucement. La mayonnaise classique est une émulsion que l on obtient en divisant des gouttelettes d huile dans l eau présente dans un jaune d œuf (un jaune, c est de l eau pour moitié) ; ces gouttelettes sont stabilisées par les protéines et les lécithines du jaune. Le même procédé peut être appliqué au blanc d œuf : à un blanc, composé de 90 pour cent d eau et de 10 pour cent de protéines, ajoutons de l huile goutte à 109

56 goutte en fouettant. Nous obtenons finalement une émulsion blanche et ferme, sans autre goût que celui de l huile 77. L innovation est venue de l idée saugrenue suivante : puisque la mayonnaise est une émulsion dont les gouttelettes sont tapissées de protéines, et que ces protéines coagulent à la chaleur, qu obtiendrait-on si l on cuisait au four à micro-ondes la mayonnaise? On récupère une masse semisolide, où toute l huile est emprisonnée. Et si l on presse cette masse, on parvient à en faire sortir l huile. Une sorte d éponge à huile peu ragoûtante. Peut-on d un petit mal faire un grand bien? Conservons le principe en cherchant ses vertus culinaires. Remplaçons l huile par du chocolat fondu (éventuellement avec un liquide : jus d orange, Cointreau, café ) dont on s assurera que la température est inférieure à la température de coagulation du blanc d œuf (62 C) : en fouettant ce chocolat fondu dans du blanc d œuf, comme on fouette une mayonnaise, on obtient d abord une émulsion de chocolat. Passons au four à microondes : on obtient en une minute environ un gâteau de chocolat d une remarquable texture et d un goût puissant. Un nom pour cette préparation? «Gel émulsionné de chocolat» conviendrait, mais comment faire manger cela à mes interlocuteurs? Après mûre réflexion, je propose plutôt "Dispersion de chocolat". Les innovations proposées par les cuisiniers professionnels sont plutôt des associations inédites d ingrédients. En revanche, les mets nouveaux qui sont fondés sur la science sont plutôt des innovations de fond, de principe. (Une «théorie du goût» et un «tableau des doubles cuissons» circulent aujourd hui dans les milieux culinaires ; ils proposent respectivement une réflexion générale sur les moyens techniques de donner du goût à un plat et un grand nombre de nouvelles méthodes de cuisson.) La réflexion théorique, indispensable dans le cadre d une activité scientifique, surtout quand elle touche à l art, s impose d autant plus qu elle a été excessivement négligée jusqu ici. L application des sciences à la cuisine conduit tout naturellement à une telle réflexion. Concluons cet examen du quatrième objectif en mentionnant que les propositions de rénovation des pratiques culinaires auxquelles ces travaux conduisent doivent être prudentes. Dans un discours prononcé à l Union des industries chimiques, en 1894, le chimiste Marcelin Berthelot 78 a donné l exemple de ce que l on doit éviter : il a prédit qu en l an 2000 (c était le titre de son discours), l agriculture et la cuisine auraient disparu, en raison des progrès de la chimie. Un siècle après, toutefois, on observe que la cuisine (et l agriculture) sont restées, et que le public n est pas près d échanger le coq au vin, la choucroute, les braisés contre les pilules nutritives envisagées par Berthelot. 77 Ce qui semble être un défaut est en fait un avantage : si l on voulait faire une mayonnaise de girolles grillées, on obtiendrait un piètre résultat en ajoutant les girolles à une mayonnaise classique, car le goût du jaune d œuf, du vinaigre et de la moutarde l emporterait nettement ; en revanche, dans la mayonnaise au blanc d œuf, le goût de la girolle ressort parfaitement. 78 Marcelin Berthelot, En l an 2000, Discours prononcé au Banquet de la Chambre syndicale des produits chimiques, 5 avril Membre de l Académie des sciences, professeur au Collège de France, Berthelot fut aussi, rappelons-le, un homme politique influent, puisqu il fut même ministre des Affaires étrangères, et adversaire efficace de l introduction dans l enseignement, en France, de la théorie atomiste. Cf. Jean Jacques, Marcelin Berthelot, autopsie d un mythe, Éditions Belin, Paris, Afin d éviter de répéter de telles erreurs, nous proposons d ancrer l innovation dans la tradition. Cette idée justifie notamment l insistance que nous mettons dans l exploration des tours de main et dictons culinaires classiques. Elle justifie aussi que l on présente les innovations comme des variations mineures de pratiques déjà en vigueur, même quand les innovations proposées rompent avec les pratiques. Par exemple, bien que le chocolat Chantilly n ait jamais été inventé par la cuisine, on a repris dans le titre du plat le nom d un plat classique afin de le faire mieux accepter ; et la Dispersion de chocolat a un nom proche du quotidien. Gastronomie moléculaire et culture scientifique Revenons enfin à la question de la culture scientifique : le cinquième objectif de la Gastronomie moléculaire ne relève pas de l exercice de la science, mais se justifie par la teneur des quatre autres objectifs. Puisque notre discipline est une application des sciences expérimentales à la cuisine (domestique ou de restaurant, essentiellement), on doit d abord parvenir à communiquer les résultats des explorations à tous les cuisiniers. Cependant, une telle communication est insuffisante : afin de faire progresser l Art culinaire de façon durable, on veut communiquer aussi les méthodes qui ont obtenu ces résultats. C est ainsi que l on combattra la «recette», qui est l application automatique et généralement irraisonnée de préceptes anciens, et que l on contribuera à stimuler la réflexion des cuisinières et cuisiniers, ce qui ne manquera pas de favoriser leur créativité. Autrement dit, au lieu de donner seulement des résultats d expériences, on cherchera le plus possible à indiquer les bases scientifiques qui permettraient à n importe qui de parvenir au même résultat. Le problème du gonflement du soufflé par exemple (pourquoi les soufflés gonflent-ils?) montre bien la relation entre le travail de recherche et le travail de vulgarisation qu impose l étude expérimentale des plats. Les cuisiniers, et les livres de cuisine qu eux-mêmes ou d autres publient, expliquaient naguère (certains des plus influents persistant dans l erreur, le combat n est pas terminé) que les soufflés gonflaient en raison d une dilatation de l air introduit dans l «appareil» à soufflé (c est-à-dire dans la préparation qui est placée dans les ramequins) sous la forme principale de blancs d œufs battus en neige. Toutefois un calcul de thermodynamique simple montre que le phénomène de dilatation de l air n explique pas bien le gonflement du soufflé. Ayant expérimentalement exploré la dynamique des soufflés (en partie avec Nicholas Kurti), nous avons démontré que les soufflés gonflent principalement en raison d une vaporisation de l eau présente dans l appareil : au contact du fond du ramequin (ce fond est à une température peu différente de celle du four, c est-à-dire comprise entre 150 et 200 C pour la majorité des recettes), l eau des couches inférieures du soufflé s évapore, et les bulles de vapeur formées sont piégées dans le soufflé tout en poussant les couches supérieures de soufflé vers le haut (une partie des bulles s échappe par la face supérieure). Ce résultat doit être communiqué à la communauté culinaire, parce qu il rectifie une erreur qui se propage depuis longtemps (notamment dans l enseignement hôtelier), mais il a des conséquences pratiques : puisque 111

57 c est la vaporisation qui est le principal phénomène responsable du gonflement du soufflé, on devra chauffer ce dernier par le fond pour le faire mieux gonfler, et on devra le cuire dans des ramequins dont le fond communique efficacement la chaleur à l appareil à soufflé, par contact avec une sole chaude et, éventuellement, après avoir démarré le soufflé à froid, en posant son fond sur une flamme. Les soufflés sont plus gonflés quand on utilise des blancs battus en neige très ferme: les bulles de vapeur créées par évaporation de l eau, au fond du ramequin, sont alors gênées dans leur remontée par la mousse de blanc. Au contraire, dans des soufflés préparés à partir de blancs peu fermes, les bulles de vapeur viennent crever en surface, sans soulever notablement les couches supérieures du soufflé. On voit ainsi qu au total, un travail de vulgarisation scientifique et technique doit accompagner le travail de recherche. Des millions de personnes qui cuisinent, rien qu en France, ne bénéficient pas, dans leur pratique culinaire, des avancées de la science. La Gastronomie moléculaire, en se fixant son cinquième objectif, veut combler cette lacune. En expliquant ses résultats et ses méthodes, elle contribuera à une présentation générale des sciences au public sous une forme qu on espère appétissante. En retour, cet objectif impose la mise au point d expériences simples, que tous les publics peuvent comprendre. Cet objectif impose aussi le type de publication des résultats scientifiques obtenus : à côté de revues telles que Lebensmittel und Technologie, on ne doit pas négliger de présenter résultats et méthodes aux millions de lecteurs de Elle ou de Vogue, aux téléspectateurs des grandes chaînes de télévision, etc. Notons enfin, à propos de ce cinquième objectif, que le grand public n est pas le seul visé. Les élèves et étudiants des divers établissements d enseignement général ou spécialisé (culinaire, hôtelier, agronomique) peuvent bénéficier, grâce à la Gastronomie moléculaire, d une initiation aux sciences expérimentales qui nous semble cruciale pour le développement de l Art culinaire. Pour en revenir à la chimiphobie publique, il sera notamment utile de souligner, à l attention du public, que la cuisine est ainsi toute chimique : le cuisinier qui grille sa viande et lui donne une belle couleur blonde ou brune ne fait rien d autre que de faire réagir les sucres de la viande avec des acides aminés, afin de former des composés sapides, aromatiques et colorés, par des réactions variées : de Maillard, de Strecker, de caramélisation, etc. Or on ne peut détester ce que l on aime : on ne peut donc détester la chimie puisqu on aime les steaks grillés. Mieux encore, le public chimiphobe a intérêt à maîtriser cette science qu il redoute. Veut-il une bonne viande grillée? Il doit alors savoir, notamment, les conditions optimales de formations des molécules aromatiques, sapides et colorées. Veut-il manger sa viande grillée sans risque pour sa santé? Il doit alors comprendre que bien des opérations qu il effectue couramment, en cuisine, peuvent engendrer des composés dangereux quand ils sont en concentrations excessives. ceux qui rechignent à l usage d anglicismes parce qu ils pensent avec Lavoisier que la pensée se confond avec la langue, c est l étude des techniques. Et la science, c est la recherche de connaissances. L usage de la langue anglaise, ainsi que les conditions d exercice de la science, ont contribué à la confusion entre les trois activités. Quand des chimistes synthétisaient la vitamine B12, par exemple, faisaient-ils un travail technique, technologique ou scientifique? Quand ils synthétisaient cette vitamine parce qu ils voulaient la vendre, leur activité était technique. Quand ils examinaient la synthèse de la vitamine B12 parce qu elle était un exemple d une synthèse totale d un produit organique, par exemple, leur activité était technologique. Quand ils profitaient de leur recherche d une voie de synthèse pour inventer des réactions chimiques nouvelles ou pour analyser les mécanismes de réactions utilisées lors de la synthèse, et si la vitamine B12 n était qu une sorte de prétexte à cette exploration, alors il y avait de la science. Et la Gastronomie moléculaire? Raisonnons sur l exemple des gnocchis. On dit que les gnocchis jetés dans de l eau bouillante sont cuits quand ils remontent à la surface de l eau. Le tour de main est-il juste? Et, s il l est, pourquoi l est-il? Face à un tel dicton («on dit que»), tour de main, ou procédé culinaire, la Gastronomie moléculaire commence par un test expérimental, dans les conditions culinaires qui accompagnent l énoncé du dicton. Ces conditions sont parfois recueillies oralement, mais, souvent, elles proviennent de livres de cuisine. D où une première étude historique, souvent intéressante, parce qu elle montre les évolutions des habitudes et comportements alimentaires, ainsi que les progrès de la technique culinaire. Dans le cas des gnocchis, on reherchera ainsi des recettes classiques, dans des livres modernes ou anciens, français ou étrangers, et l on cherchera dans quelles recettes précises le dicton se retrouve. En l occurrence, il s applique à de nombreuses préparations analogues, et le test expérimental initial portera sur un modèle représentatif : par exemple, sur des gnocchis de pomme de terre, que l on prépare à partir de pulpe de pomme de terre (des pommes de terre sont cuites à four chaud, puis pelées, et l on écrase la chair cuite), d œuf (entier ou jaune seul, selon les recettes), d un peu de lait (c est donc essentiellement de l eau) et de farine. On obtient une pâte que l on travaille à la cuiller en bois, puis avec laquelle on forme des cordons que l on détaille en petits bouchons. Ce sont ces bouchons qui sont jetés dans l eau bouillante. Avant de passer en cuisine-laboratoire, observons que les gnocchis ne sont pas un plat de riche, au contraire : pomme de terre, un peu d œuf, du lait. Alors pourquoi avoir affublé la Gastronomie moléculaire d un nom si prétentieux? Réglons son compte à la remarque qui voudrait faire de la discipline une science à l attention des riches : quelle que soit la connotation du titre de la discipline, ceux qui ont peu à manger ont évidemment intérêt à tirer le meilleur parti des ingrédients dont ils disposent. Et c est ainsi qu on s intéressera tout particulièrement aux procédés qui conduisent à rendre mangeables, par la préparation culinaire, des ingrédients qui ne le sont pas 79. Terminons en revenant à la confusion qui entoure l emploi des mots «technique», «technologie», «science». La Gastronomie moléculaire donne le moyen de montrer la distinction au public. Une technique est une mise en œuvre de moyens en vue de la réalisation de biens. La technologie, pour Pensons aux galettes de farine de gland préparées par les Corses, en période de disette : de l argile qui captait les facteurs antinutritionnels était mêlée à la farine de gland. 113

58 Revenons au dicton proprement dit et testons-le expérimentalement. On voit alors que, comme cela est bien décrit, les gnocchis tombent d abord au fond de la casserole. Tandis qu ils cuisent, ils s «allègent» progressivement : les mouvements de convection les décollent légèrement, mais ils commencent par retomber ; puis leurs mouvements se font plus amples et, enfin, les gnocchis viennent flotter franchement à la surface. Conclusion : le dicton est, au moins, partiellement exact, puisqu il stipule bien que les gnocchis flottent. Deux questions se posent alors : pourquoi les gnocchis flottentils? Sont-ils cuits au moment où ils flottent? La première question est de pure curiosité. Et l analyse est la suivante : puisque les gnocchis «crus» tombent d abord au fond de la casserole, c est qu ils sont plus denses que l eau. D ailleurs, ils sont composés de pomme de terre (plus dense que l eau, il suffit d en mettre une dans l eau pour s en convaincre), de jaune d œuf (moins dense que l eau, mais guère), de lait (dans certains cas, il est remplacé par du bouillon, de densité quasi égale à celle de l eau) et de farine (plus dense que l eau, comme le montre encore l expérience). Lors de la cuisson, les grains d amidon apportés par la farine s «empèsent» (ils absorbent des molécules d eau et gonflent, par un mécanisme bien exploré par des biochimistes de la station I.N.R.A. de Nantes). Cependant, la densité totale, si elle se rapproche de celle de l eau, ne peut devenir inférieure par ce dernier mécanisme. Les gnocchis ne flottent, par conséquent, que s ils s enrichissent de parties moins denses que l eau. Des bulles, par exemple, d air dissous ou de vapeur d eau. Testons l hypothèse de l air dissous : nous l éliminons en faisant bouillir longuement de l eau, puis nous déposons les gnocchis : ils tombent, mais remontent ensuite à la surface. Ce ne sont donc pas des bulles d air dissous qui sustentent les gnocchis. Alors, la vapeur d eau? Les bulles de vapeur d eau ne s apercevant pas facilement, comment nous assurer de leur présence? En prélevant des gnocchis qui flottent, en les faisant rouler sur un plan de travail, afin d éliminer les bulles éventuelles, puis en remettant les gnocchis dans l eau : ils replongent, et ils flotteront de nouveau, plus tard, quand de nouvelles bulles se seront agrégées aux gnocchis. Observons d ailleurs que du chou-fleur détaillé en petits bouquets a le même comportement ; dans ce dernier cas, la rugosité de la surface permet de bien voir la vapeur, en surface, sous l apparence d une couche brillante qui se détache quand on agite les morceaux du chou-fleur. culinaire qui consiste à considérer comme cuits des gnocchis qui sont remontés à la surface. En revanche, l étude des causes de la remontée est une recherche pure de connaissance. Il s agit de science. Si la composante technologique est notable en Gastronomie moléculaire, ce serait une erreur de couper la discipline de sa composante scientifique, car le public est friand d informations qui l aident à comprendre le monde où il vit. Mieux encore, la transmission des résultats scientifiques valorise la communication des résultats technologiques, en même temps qu elle communique un état d esprit que je trouve important. Faire des gnocchis cuits, c est bien ; faire des gnocchis mieux cuits, c est mieux ; faire des gnocchis mieux cuits en sachant pourquoi on les fait mieux et en acquérant les outils intellectuels pour proposer des variations ou des perfectionnements, c est encore mieux. En corollaire, on comprend également que des missions d enseignement et de communication accompagnent nécessairement la mission de recherche. Disons-le en une phrase : l examen des dictons et tours de main, apparemment futile, doit toujours conduire à la compréhension, à la modélisation, à l innovation et à l information. Dans le cas des gnocchis, par exemple, on pourra chercher à mieux établir les mécanismes de sustentation, en étudiant la répartition des bulles de vapeur, leurs relations avec les aspérités des gnocchis, la répartition de ces aspérités et l évolution de cette répartition en cours de cuisson ; on pourra aussi chercher à mieux comprendre les mécanismes de gonflement des gnocchis en relation avec l empesage des grains d amidon individuels ; on pourra chercher à examiner l évolution des cellules de pomme de terre durant la cuisson, etc. Voilà pour la recherche, c est-à-dire pour la compréhension et la modélisation. Pour l innovation, on cherchera à faire de meilleurs gnocchis, ou des gnocchis plus tendres en se fondant sur les modèles établis, par exemple, ou encore des gnocchis qui reprendront les principes essentiels des gnocchis mais changeront les ingrédients Toujours, les résultats techniques, technologiques et scientifiques des études seront donnés au public sous une forme accessible, je préfère dire appétissante, comestible et digeste : il ne me semble pas répréhensible d attirer le public vers les sciences en l appâtant avec de la cuisine. Simultanément, nous devons examiner le dicton. Tout tient dans le mot «cuit» : qu est-ce qu un gnocchi qui est cuit? Il faut sans doute que l œuf soit coagulé, ce qui donne de la tenue à l édifice, et il faut aussi que l amidon soit bien empesé ; une température supérieure à 60 C environ est nécessaire pour atteindre ces objectifs. Or si l on cuit de petits et de gros gnocchis et si l on mesure la température à cœur, une fois qu ils sont remontés en surface, on observe que les plus gros gnocchis n ont pas une température à cœur suffisante : autrement dit, il n est pas vrai, stricto sensu, que les gnocchis sont cuits quand ils flottent. Dans les livres de cuisine de demain (à l attention du grand public ou des jeunes qui se destinent à la profession de cuisinier), on devra préciser si l on veut donner des indications justes aux lecteurs que les petits gnocchis sont effectivement cuits quand ils remontent, mais on gagnera à préciser que, pour les gros gnocchis (gros de combien? On le précisera), la cuisson doit se poursuivre après que les gnocchis sont remontés (on précisera quel temps de séjour en surface s impose). Le test du dicton culinaire est un travail technologique : on étudie la technique

59 A.3. La gastronomie moléculaire et physique, par Hervé This 80 Le 28 mai 1996, Pierre Potier, Pierre-Gilles de Gennes, Jean-Marie Lehn, Jacques Leblond, Jean-Yves Pétroff, Georges Bram et Christian Conticini constituaient le jury d'une thèse de... gastronomie moléculaire et physique. De la gastronomie à l'université? En sciences physiques? Comment en est-on arrivé-là? Et la science des aliments ayant depuis longtemps pignon sur rue, pourquoi particulariser une activité qui semble n'en différer que par un nom pompeux? Parce que, depuis quelques siècles, la science des aliments se développe dans les laboratoires, tandis que l'art culinaire s'élabore dans les cuisines domestiques ou de restaurant. Le mariage n'est pas consommé: cuisinières, cuisiniers et chefs ne fréquentent pas les laboratoires, tandis que chimistes, physiciens ou biologistes ne vont dans les restaurants que pour s'y faire traiter, sans concourir, par leur savoir, à l'élaboration des mets. Pourtant, les chefs qui font éclater les viandes à feu vif utilisent la chimie, et les physiciens qui se préoccupent des émulsions ou des mousses ne sont pas loin des mayonnaises et des blancs en neige. Pourtant encore, les spécialistes en science des aliments ne se préoccupent que de nourriture: dans les centres de recherche publics ou industriels, ils mettent au point les ingrédients ou les méthodes contribuant à nourrir les peuples. Pourquoi les sciences exactes ne sont-elles pas passées en cuisine? Pourquoi le monde de la science et le monde de la cuisine s'ignorent-ils? Peut-être parce qu'ils croient n'avoir rien à se dire. Ils se trompent: cuisinières et cuisiniers qui veulent réussir leurs plats gagnent à comprendre la chimie et la physique que fait intervenir leur pratique ; et, inversement, physiciens et chimistes, en quête d'étrangetés du monde naturel, trouveront en cuisine de nombreux mystères auxquels ils pourront se consacrer: pourquoi les poires rougiraient-elles quand on y plonge un petit morceau d'étain? Pourquoi existe-t-il plusieurs façons de rater une mayonnaise? Pourquoi certaines gelées contenant de l'oeuf subsistent-elles à des températures supérieures aux 36 C fatidiques qui font fondre les gels de gélatine? Dans l'attente de cette réconciliation de la science et de l'art culinaire, la cuisine traîne derrière elle, comme une casserole, des brassées de dictons souvent fondés sur des observations empiriques, mais abâtardis par les superstitions et les croyances; les dictons des chefs, parfois différents de ceux que l'on rapporte dans les foyers, sont tantôt des perles d'observations, tantôt des réminiscences superstitieuses. Et tourne la cuisine... Si les dictons faux ne nous ont pas tués, nous nous sentirions mieux de ne recevoir que les dictons fondés: on conviendra qu'un soufflé dont les saveurs ont été artistiquement ménagées n'exercera son 80 Article paru en 1997 dans la revue Alliage (n 31) plein effet gastronomique que s'il gonfle correctement. De surcroît, quel esprit exercé à se poser la question comment ça marche pourrait-il supporter de cuisiner sans comprendre ce qu'il fait? La séparation est d'autant plus étonnante que, dans son laboratoire, le chimiste verse un liquide d'un becher dans une fiole, chauffe, observe les changements de couleur, d'odeur et de goût, et explique ces changements en termes moléculaires ; puis, en cuisine, ce même chimiste verse un liquide d'une casserole dans une terrine, chauffe, observe des changements de couleur, d'odeur et de saveur, sans se préoccuper des modifications moléculaires. Comment supporter cette séparation schizophrénique de la pratique culinaire et de la pratique de la science? Les deux cultures de C. P. Snow ne menacent manifestement pas la société, mais bien chacun d'entre nous, et notre première lutte contre cette séparation doit se faire à la cuisine. Toutes ces raisons expliquent pourquoi, avec Nicholas Kurti, professeur de physique à l'université d'oxford et membre de la Royal Society, nous avons décidé, il y a plusieurs années, de promouvoir l'activité que nous avons identifiée sous le nom de Gastronomie moléculaire et physique. Après deux congrès internationaux (International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy), qui ont réuni des chefs et des scientifiques au Centre de culture scientifique Ettore Majorana (Erice, Sicile), après la publication de plusieurs livres visant à montrer au grand public l'intérêt de la gastronomie moléculaire et physique, après de nombreux articles, après des émissions de radio, de télévision, après un nombre considérable de conférences, un point s'est finalement fait, le 28 mai 1996, à l'ecole supérieure de physique et de chimie de Paris: c'était la raison de la thèse de sciences physiques de l'université Paris VI évoquée en début d'article. Le document proprement dit rapportait quelques résultats d'expériences, ainsi qu'un programme de travail. Examinons les uns et les autres. Les objectifs, tout d'abord. J'assigne à la gastronomie moléculaire et physique les objectifs suivants: tester les tours de main et dictons culinaires, anciens ou modernes, français ou étrangers ; expliquer les transformations culinaires ; présenter la chimie et la physique au grand public, sous une forme appétissante et digeste ; utiliser la connaissance des opérations physiques et chimiques pour introduire en cuisine de nouveaux outils ou ingrédients ; inventer des plats nouveaux, fondés sur la connaissance des aliments et la compréhension des transformations culinaires. Expliquons-nous par un exemple - le mystère des fruits rouges -, avant d'envisager le chantier en cours. Les fruits rouges et la compote de poires Madame Saint-Ange écrit, dans La bonne cuisine de Madame Saint-Ange, page 954: Rappelons que, pour la manipulation des fruits rouges, l'emploi de tout ustensile étamé doit être écarté, le contact de l'étain leur donnant une couleur violacée. On teste ce conseil culinaire en plaçant des framboises ou des groseilles rouges dans des casseroles variées, fraîchement lavées, afin de savoir si le matériau du récipient change les couleurs de ces fruits. On n'observe pas d'effet. Pourtant, la chimie sait que les molécules d'anthocyanines des fruits ont une couleur qui change quand elles complexent des ions 117

60 métalliques: fer, ou aluminium, par exemple (cf. Food Chemistry, Belitz et Gross, pp ). Dans les premières expériences, on a naturellement utilisé des casseroles propres, mais des casseroles oxydées ou salies ne peuvent-elles, par leur sels, changer la couleur des fruits? Comparons donc des fruits rouges additionnés de divers sels métalliques afin d'observer d'éventuels changements de couleur. Les framboises ou groseilles sont broyées dans des ramequins en pyrex ; puis trois centilitres de solutions concentrées de sels métalliques sont versés sur les fruits: - l'ion étain II produit effectivement un remarquable changement de couleur: les fruits prennent une teinte violacée ; - l'ajout de sels de cuivre (acétate) ne semble pas changer notablement la couleur, mais, au bout de quelques minutes, la couleur est plus fraîche (orangée) que les fruits rouges témoins ; - l'ajout de chlorure d'argent blanchit très légèrement les fruits ; - l'ajout d'oxyde de fer noircit un peu les groseilles ; - l'ajout de carbonate d'aluminium ne provoque pas de modification de couleur. Pour expliquer ces réactions, on suppose que la liaison du métal au pigment mobilise les électrons F de ce dernier: l'absorption de la lumière est alors modifiée. Notons ici que la science des aliments s'évertuerait à identifier le pigment responsable de l'effet, et rechercherait précisément les mécanismes de l'absorption lumineuse et de son décalage. A quoi une telle connaissance servirait-elle aux cuisinières et aux cuisiniers? Nous préférons cesser l'exploration du dicton à ce stade, et conclure: le tour de main contient un fond de vérité, mais il est imprécis ; on devrait signaler que les fruits rouges ne doivent pas être placés dans un récipient en cuivre étamé si celui-ci est sale ou exposé à l'air depuis longtemps. Cet exemple du changement de couleur des fruits rouges montre que certains conseils fondés sur des observations empiriques sont insuffisants ; ils doivent être précisés. D'autres conseils sont nettement faux: par exemple, l'auteur du Cuisinier parisien (1882) écrit page 221: Comme les poires restent rarement blanches, il vaut mieux les avoir rouges tout à fait ; il suffit pour cela de mettre dans le sirop où elles cuisent un petit morceau d'étain fin ; ce morceau d'étain peut servir indéfiniment et son emploi n'a rien de malsain. Une casserole étamée produirait le même effet, mais si elle avait servi à d'autres usages, il faudrait auparavant y faire bouillir de la cendre pour en enlever tout ce qui peut être resté attaché à sa surface. Quelle précision! On ne peut manquer de se convaincre, à la lecture de ce passage, que le tour de main est manifestement vrai, et l'on en vient à supposer un effet qui intéresserait la chimie. Pourtant, quand on fait l'expérience de confectionner un sirop où l'on place des grains d'étain et des poires pelées et coupées en quartiers, on ne voit aucun changement de couleur: au mieux, les poires prennent une 118 légère teinte jaune frais (et l'ajout de sels d'étain à des compotes de poires n'a pas entraîné, jusqu'ici, d'effet). Ces deux exemples montrent que la gastronomie moléculaire et physique se construit autour de petites vérifications, où chimie et physique viennent questionner et aider la cuisine. Elle ne doit pas, à mon sens, poursuivre ses études au-delà de la cuisine, sous peine de se transformer en science des aliments (ce qui serait louable, certes, mais hors de son propos). Son objectif est utilitaire, mais cette utilité visée n'empêche pas de comprendre, bien au contraire. On débouche sur une cuisine éclairée, épurée: le temps où les livres de cuisine seront débarrassés des scories de son développement empirique est proche. Voici donc l'un des premiers objectifs: une partie du travail de gastronomie moléculaire et physique consiste à recenser les tours de main des chefs anciens et modernes, et à les passer au crible de l'analyse de physico-chimie des matériaux. Mieux comprendre pour mieux cuisiner: le sabayon Ces tests des tours de main débouchent naturellement sur une compréhension des mécanismes physico-chimiques des transformations culinaires. C'est le deuxième objectif de la gastronomie moléculaire: en comprenant mieux les opérations effectuées, on a la possibilité de les perfectionner en connaissance de cause. Un exemple? La confection des sabayons. Les sabayons sont des préparations que l'on obtient en fouettant des jaunes d' oeufs avec du sucre, puis en ajoutant un liquide (par exemple un vin d'alsace) ; on chauffe en fouettant, jusqu'à obtenir une mousse légère. A quelle température doit-on chauffer? Dans un soufflé, par exemple, le gonflement, qui atteint deux à trois cents pour cent, montre que ce n'est pas la dilatation de l'air des blancs en neige qui est responsable du gonflement, mais la vaporisation de l'eau (d'ailleurs, un nuage de vapeur s'échappe quand on coupe le soufflé). Le sabayon monte-t-il parce que, de même, il est porté à cent degrés? L'introduction d'un thermocouple dans un sabayon montre, au contraire, que l'on obtient parfaitement le sabayon quand sa température reste bien inférieure aux cent degrés fatidiques. Alors, l'évaporation de l'alcool contenu dans le vin, vers soixante dix-huit degrés, serait-elle responsable du gonflement? Sans doute pas, car un sabayon dont le liquide est de l'eau gonfle tout aussi bien. Alors? Alors, l'on peut vérifier que les sabayons montent même quand la température est de l'ordre de cinquante à soixante degrés: comme de nombreuses compositions alimentaires contenant des oeufs (jaunes ou blancs), protéines et lécithines sont des tensioactifs qui stabilisent les bulles d'air qu'a introduites le fouet. D'autre part, le sabayon ainsi foisonné tient dès que sa température est supérieure à la température de coagulation des jaunes. Cette information anodine est de première importance, car les pâtissiers redoutent le goût de jaune d'oeuf cuit des sabayons ; or ce goût apparaît dès que les oeufs sont trop chauffés. Conclusion: pour avoir un sabayon idéal, platonicien, il faut le chauffer aussi peu que possible. Combien peu? Jusqu'à soixante-huit degrés, puisque c'est la température nécessaire et suffisante. 119

61 Un rôle didactique et social La gastronomie moléculaire, au service de la cuisine domestique ou de restaurant, n'est pas cantonnée à ses atouts techniques. Elle a également un rôle didactique et un rôle social. Le rôle didactique, tout d'abord: les tests de la gastronomie moléculaire et physique, en triant les tours de main, éviteront que soient propagés ceux que dément l'expérience, et qui continuent pourtant de courir dans les manuels de cuisine. Si l'on n'enseignait plus que des tours de main raisonnés, on aurait des bases saines pour construire une cuisine renouvelée. Cet enseignement aurait en outre le mérite de former des esprits rationnels (au moins pour la partie technique de la cuisine ; pour ce qui est de la partie artistique de l'art culinaire, c'est une autre histoire). Enfin, dans les entreprises, des chefs ont déjà déclaré que la compréhension apportée par la gastronomie moléculaire leur permettait d'expliquer à leurs collaborateurs les objectifs visés et les moyens d'y parvenir. Le rôle culturel et social, maintenant: ne peut-on espérer que nos sociétés auraient un fonctionnement plus harmonieux si l'ensemble des citoyens était ouvert aux sciences? La gastronomie moléculaire, en proposant un abord appétissant, utile et digeste aux sciences exactes, pourrait, on l'espère, contribuer à la vie de la nation. En montrant que la cuisine se ramène à de la physico-chimie, la gastronomie moléculaire démontre l'intérêt de ces disciplines, en même temps qu'elle dissipe la crainte qui les entoure. Se sachant faire de la chimie en cuisant un steak, on ne peut plus prétendre que celle-ci est nuisible. L'image de la discipline change, et l'on en vient à comprendre que ce n'est pas la science, mais son application, que l'on doit redouter. Le nucléaire pour l'énergie civile est la face bénéfique de la physique nucléaire ; le nucléaire pour la bombe en est la face maléfique. De même, la chimie, connaissance du monde, ne peut endosser la responsabilité de l'emploi des gaz de combat, pas plus qu'elle n'a droit à l'éloge des steaks bien grillés. C'est celui qui emploie les gaz ou celui qui fait griller les steaks qui porte la responsabilité de son emploi de la chimie. Enfin la gastronomie moléculaire doit permettre d'innover, conformément à la citation rappelée en avant-propos par Pierre-Gilles de Gennes lors de sa conférence introductive au Second International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy (Erice, avril 1995). Parfois, les expérimentations mentionnent l'usage d'outils, de molécules ou de méthodes courants dans les laboratoires, mais absents des cuisines. C'est l'un de nos objectifs que de favoriser l'emploi de ces méthodes et composés par les cuisinières et cuisiniers. La gastronomie moléculaire devrait, ainsi, jouer un rôle dans le développement de l'art culinaire: dans un article publié par l'actualité chimique ( juillet 1995), on s'est amusé à dresser la liste de tous les ustensiles de laboratoire qui pourraient utilement s'introduire en cuisine. Naturellement les composés peuvent l'être également. 120 Des matériels rudimentaires Les objectifs de la gastronomie moléculaire déterminent les matériels utilisés. Notamment, on travaille autant que possible dans des conditions culinaires, parce que l'on cherche à observer qualitativement ou quantitativement des effets que les cuisinières et cuisiniers, avec leurs méthodes et leurs instruments, disent avoir observés ; on verra, par exemple, que l'eau pure met autant de temps à bouillir que l'eau salée, quand les conditions sont celles de la cuisine ; il ne servirait à rien, pour l'objectif, de mesurer plus précisément le phénomène étudié, car on veut seulement vérifier des observations effectuées en cuisine. De surcroît, l'un des objectifs est de pousser le public à répéter les expériences, afin qu'il acquière le goût des sciences. De ce fait, on s'efforce de lui montrer des expériences qu'il peut répéter facilement, c'est-à-dire avec un matériel simple et peu coûteux. Aussi peut-on se contenter d'utiliser, le plus souvent: un microscope optique, un thermocouple, une balance, un ph-mètre, des éprouvettes graduées, un bain d'huile thermostaté... et des casseroles, verres doseurs, cuillers, fourchettes, couteaux, four... Bref, la classique batterie de cuisine. Comme la gastronomie moléculaire s'intéresse à la cuisine et, mieux encore, à la cuisine domestique ou de restaurant, on teste les tours de main culinaires à l'aide des mêmes matériels: casseroles, terrines, cuillers, fourchettes, couteaux, four, plaques électriques... Dans bien des cas, on précise les opérations à l'aide de béchers ou d'éprouvettes gradués, afin de déterminer précisément les volumes et masses, mais la plupart des expériences sont conçues d'après la devise de Nicholas Kurti: Faisons une expérience simple. L'effort, ainsi, est constamment de mettre au point une expérience qui, malgré sa simplicité, donne un résultat tranché sans l'aide de matériel scientifique complexe. Ce parti pris a un double but. D'une part, il permet de réaliser des tests simples ; d'autre part, comme nous l'avons vu, il montre aux chefs ou aux jeunes qu'eux-mêmes pourraient avoir effectué de tels tests. Point de méthode Peut-on espérer effectuer des expériences simples alors que, dans les laboratoires, physiciens et chimistes modernes sont souvent forcés d'utiliser des spectroscope à résonance magnétique nucléaire ou des accélérateurs de particules pour obtenir la réponse à des questions que pose la constitution des matériaux? La réponse est un oui énergique: les questions que soulève la pratique culinaire sont souvent si simples que des appareillages rudimentaires suffisent. Ainsi, il y a environ vingt ans, Nicholas Kurti se plaignait à ses collègues de la Royal Institution que l'on connaisse mieux la température au centre d'une étoile qu'au coeur d'un soufflé. Il suffisait pourtant d'un thermocouple pour effectuer la mesure... qu'il a faite. Nous partageons son point de vue, et nous nous attachons également depuis longtemps à explorer la physico-chimie des matériaux culinaires. Un autre point: la cuisine donne-t-elle des résultats reproductibles et si non, comment espérer obtenir des informations fiables sur les mécanismes physico-chimiques qui interviennent dans la cuisine? Examinons ce problème sur deux préparations: la mayonnaise et les sabayons. 121

62 Dans le cas des mayonnaises, tout d'abord, les aléas sont multiples. Le 25 novembre, lors d'une conférence publique à la Cité des sciences et de l'industrie où je présentais des mayonnaises à la goutte de jaune, puis au blanc d'oeuf et sans jaune, je faisais exécuter les recettes par trois spectateurs. Le premier fit correctement sa mayonnaise, jusqu'à ce qu'elle tourne, après être devenue très ferme. Le second obtint le résultat souhaité, et le troisième fit tourner sa mayonnaise en cours de réalisation. Pour montrer que la faute incombait aux exécutants et non aux prévisions scientifiques, je repris les trois mayonnaises et, sans changer les ingrédients, je remontai les sauces en respectant une règle de base, pour de telles émulsions: au début, quand l'huile et la phase aqueuse sont en contact, il faut commencer par mettre très peu d'huile pour obtenir une émulsion de type huile dans eau, et non eau dans huile. Puis je m'attachai à toujours fouetter vigoureusement afin de maintenir, dès le début de la réalisation, une sauce épaisse: ainsi on conserve bien l'émulsion, et on risque moins qu'elle tourne. Il s'agissait d'une méconnaissance de la physico-chimie de la mayonnaise. En corollaire, il est clair qu'une connaissance des émulsions aussi parfaite que possible s'impose en gastronomie moléculaire. Toutefois, l'expérimentateur peut rater une sauce sans que ses connaissances s'avèrent obsolètes pour autant: les milieux culinaires sont si hétérogènes, irréguliers, que des règles saines et scientifiquement fondées ne s'appliquent parfois plus. Les analyses des échecs sont autant d'informations à conserver précieusement, parce qu'elles aident à interpréter les conseils donnés dans les livres et qui sont au ciur de ce travail. Un programme d'expérimentations en gastronomie moléculaire On a vu précédemment quelques exemples de résultats de gastronomie moléculaire. Le travail est presque sans fin, et l'on donne ici, également à titre d'exemple, quelques questions en cours d'analyse - en nous limitant au début de leur liste alphabétique. Pour beaucoup, ont été obtenus des résultats préliminaires, mais qui attendent des confirmations. Ail - Dans Le meilleur et le plus simple, page 61, le chef parisien Joël Robuchon (restaurant Joël Robuchon) écrit: Comme le mélange cru d'ail et d'échalotes peut sembler un peu agressif à certains, les deux ingrédients sont mis d'abord à mariner dans un peu d'huile pour en atténuer le goût. Cette indication est intéressante: on peut supposer que, soit des composés ressentis comme agressifs sont oxydés, soit qu'ils sont extraits par l'huile de la marinade où ils sont dissous. Le premier cas est peu probable si l'on prend l'indication à la lettre, car l'oxygène entrera difficilement dans les gousses si celles-ci ne sont pas d'abord écrasées. La seconde hypothèse est peu probable, également, sauf si ces composés sont dans la partie externe de l'ail et de l'échalote ; en outre, les chefs disent souvent que c'est le germe qui contient les principes agressifs et, effectivement, le germe a des raisons d'être agressif: la plupart des végétaux le sont, et c'est un miracle si certains végétaux sont doux. On pourrait tester ces hypothèses par plusieurs expériences. De même, lors d'un séminaire au Laboratoire de physique thermique et mécanique des fluides de l'espci, je fis exécuter un sabayon par l'un des membres du laboratoire, pendant que je préparais des diapositives. Il s'agissait de fouetter un mélange de jaunes d'oeufs et de sucre, afin de faire le ruban: la préparation doit devenir blanchâtre et lisse. L'exécutant tenait mal son fouet, et effectuait un mouvement qui ne lui permettait pas d'obtenir le ruban ; l'appareil restait jaune et irrégulier. Cette observation permit d'introduire la diapositive montrant le jaune ayant fait le ruban, plein de bulles d'air. Elle permit également de montrer que, puisque l'objectif du travail au fouet est en l'occurrence d'introduire des bulles d'air, il faut un mouvement du fouet particulier, vertical, et non un touillement du fond de la casserole. Muni de cette explication, l'exécutant obtint facilement le ruban. Ces deux exemples montrent que l'activité de gastronomie moléculaire impose une bonne connaissance des gestes et des savoir-faire culinaires. Est-elle moins scientifique pour autant? Non, car les gestes et les savoir-faire culinaires peuvent se codifier. De même qu'un chimiste effectuant une mesure de ph doit connaître le fonctionnement d'un ph mètre, le gastronome moléculaire qui teste la préparation d'un sabayon doit connaître la recette de ce sabayon. Au total, la connaissance des gestes et, mieux encore, des phénomènes physico-chimiques de la cuisine, donne des résultats parfaitement reproductibles et, parfois même, reproductibles malgré les fluctuations de composition des ingrédients. Tout d'abord, on devra tester le tour de main, et, comme l'agressivité de l'ail ou de l'échalote est difficile à apprécier objectivement, on pourra commencer par chercher si l'huile de la marinade se charge de composés odorants. Puis l'on pourra comparer gustativement, en aveugle, de l'ail et de l'échalote entiers, d'une part, et de l'ail et de l'échalote dont on aura éliminé la partie externe. Enfin l'on comparera de l'ail et de l'échalote ainsi traités, et les deux bulbes blanchis à l'eau bouillante. Aïoli - Edouard de Pomiane signale dans Le code de la bonne chère, page 106, qu'une mie de pain imbibée de lait favorise l'émulsion que l'on cherche à obtenir quand on confectionne de l'aïoli. Le lait contient des composés tensioactifs (la caséine, regroupée en micelles, autour des gouttelettes de matière grasse, diverses protéines, et divers phospholipides ou glycolipides). Il contient également de l'eau. Aussi peut-on supposer que le lait intervient à deux titres dans l'obtention de l'émulsion. Si l'on suppose que l'ail contient suffisamment de tensioactifs (une purée d'ail mousse), on supposera que le lait intervient plutôt par l'eau, peu abondante dans les gousses d'ail. Favoriserait-on également l'émulsion avec du pain trempé dans de l'eau?

63 D'autre part, le pain contient quelques protéines, quelques composés aromatiques formés soit lors de la fermentation, soit lors de la cuisson (produits de Maillard) et, surtout, beaucoup d'amidon. Les expériences semblent montrer que l'effet signalé par Pomiane est exact: on a notamment comparé un aïoli et un échalotoli montés avec ou sans pain imbibé de lait. Il reste à comparer un aïoli favorisé par l'ajout de lait sans pain, et un aïoli favorisé par l'ajout de pain mixé dans du lait. D'autre part, on pourra comparer un aïoli confectionné à partir de pain finement mixé dans du lait, et un aïoli monté à l'aide de pain simplement trempé. Artichaut - Dans La bonne cuisine de Madame Saint-Ange, page 734, Madame Saint-Ange écrit que lorsqu'il est entamé, à l'état cru, l'artichaut noircit È. Suit un paragraphe contradictoire. Des expériences préliminaires où l'on entaillait des coeurs d'artichauts qu'on laissait à l'air ont donné des effets irréguliers. Soit les artichauts ne noircissaient pas, malgré de nombreuses entailles du coeur, soit le noircissement était localisé. On se propose de refaire l'expérience en variant les types d'artichauts, sur toute l'année. Pourtant, le noircissement s'expliquerait facilement: il serait du même type que celui qui a lieu dans de nombreux autres fruits, tels les pommes, et du à des polyphénoloxydases. Joël Robuchon, dans Les dimanches de Joël Robuchon, page 16, écrit: Dans une grande casserole, faire bouillir de l'eau. Saler à raison de dix - dix-huit grammes par litre ; ajouter un jus de citron entier. Verser cinq cuillerées à soupe d'huile d'olive. Je déconseille le procédé classique qui consiste à ajouter de la farine dans l'eau de cuisson pour préserver la couleur des fonds d'artichaut. Je préfère le jus de citron et l'huile d'olive, qui fait office d'isolant. A la fois le procédé classique et le procédé de Joël Robuchon mériteraient d'être mieux compris. Les données connues sont les suivantes: les polyphénoloxydases sont inhibées par l'eau bouillante, par les acides, et par les composés réducteurs ; d'autre part, le brunissement enzymatique n'a lieu qu'en milieu oxydant, et l'huile mouille les végétaux en raison de leur cuticule cireuse. L'huile d'olive contient tant de composés actifs (tanins, monoacylglycérides, etc.) que certains d'entre eux sont peut-être responsables de l'effet, s'il existe. Quant à la farine, on voit mal comment elle protégerait du brunissement. Les expérimentations à mener consistent à comparer les effets respectifs - de l'eau bouillante seule ; de la farine dans l'eau bouillante ; du jus de citron seul, dans l'eau bouillante ; d'une huile composée seulement de triacylglycérides sans eau bouillante ; de cette huile dans l'eau bouillante ; de l'huile d'olive seule sans eau bouillante ; d'huile d'olive dans l'eau bouillante ; du jus de citron et de l'huile d'olive dans l'eau bouillante. A ce jour, les expériences semblent montrer que le noircissement est différent sur la partie centrale et sur la partie périphérique des coeurs. Sur la partie centrale, la farine ou bien le jus de citron accompagné d'huile donnent les mêmes résultats, médiocres. En revanche, le 124 jus de citron accompagné d'huile d'olive préserve effectivement mieux la partie périphérique et la base des feuilles que la farine. Asperges - Antonin Carême, dans son Art de la cuisine française, page 180, conseille d'ajouter de la cendre de bois à l'eau bouillante où l'on cuit des asperges pour les obtenir d'un vert printanier. Le même procédé est recommandé pour les haricots verts et les petits pois. Les données d'interprétation sont les suivantes: les cendres sont souvent basiques (une solution de 10,2 est obtenue par ajout de vingt-cinq grammes de cendres à vingt centilitres d'eau distillée) ; les chlorophylles a et b contiennent un atome de magnésium facilement remplacé par un proton en milieu acide (les phéophytines formées ont alors une couleur brune). On évite ce remplacement en milieu basique (raison pour laquelle certains cuisiniers conseillent de cuire les végétaux verts en mettant du bicarbonate de sodium dans l'eau de cuisson). L'expérience consisterait à comparer trois lots d'asperges vertes: dans l'eau pure, dans l'eau rendue basique par du bicarbonate, et dans l'eau ou l'on a dissous des cendres. Avocat - On dit qu'un velouté d'avocat reste vert si on laisse les noyaux dans le potage jusqu'au moment de servir. Remarquons que Harold McGee a déjà commencé l'étude de cet adage dans The Curious Cook ; à mon sens, le travail n'est pas achevé. Remarquons également que la composition du velouté n'est pas précisée. On se propose de se limiter à une purée d'avocat, dont on déterminera quantitativement le noircissement en présence et en l'absence de noyaux. L'avocat noircit pour les mêmes raisons que l'artichaut (cf. ci-dessus). De ce fait, si l'on observait un effet, on cherchera dans les noyaux des propriétés d'inhibition des enzymes: si ces propriétés existent contre les enzymes de l'avocat, elles existent également contre le noircissement d'autres légumes: pommes coupées, champignons de couches, etc. On comparera l'effet éventuel à celui de composés antioxydants, tel l'acide ascorbique. Brioche - Madame Saint-Ange, La cuisine de Madame Saint-Ange, page 1062, écrit que: L'eau qui a bouilli perd ses propriétés nécessaires à la fermentation de la pâte. Cette remarque est douteuse, car le développement des levures qui sont ajoutées à la pâte nécessite de l'eau et des oligosaccharides. L'eau qui a bouilli est seulement débarrassée d'éventuels micro-organismes (qui viendraient en concurrence avec les levures ajoutées) et de l'oxygène dissous, mais ce dernier est largement introduit dans la pâte lors du pétrissage. Par acquis de conscience, on pourra comparer deux brioches: l'une faite à partir d'eau bouillie, et l'autre à partir d'eau non bouillie. Madame Saint-Ange, dans les pages qui suivent celle où figure cette remarque, indique: faire de profondes incisions permet que la chaleur rentre mieux. Ce conseil est également donné par quelques auteurs de livres de cuisine, au chapitre des pâtes feuilletées. Dans le pain, aussi, on conseille de faire des grignes, c'est-à-dire d'entailler la pâte, afin de 125

64 faciliter son développement, lors de la seconde pousse. Il est exact, dans le cas du pain, que des entailles nettes permettent un gonflement supérieur, parce qu'on limite l'effet résistant du réseau de gluten. Dans la pâte feuilletée, également, ces entailles permettent-elles une meilleure levée? Et dans la brioche, pour y revenir, les entailles ne servent-elles pas le même but? A.4. Dossier sur la gastronomie moléculaire, par Hervé This 81 Introduction On fera donc deux séries d'expériences. Les premières, à l'aide d'un thermocouple introduit à divers endroits de brioches incisées, permettront de tester l'effet thermique ; les secondes viseront à déterminer les différences de gonflement des pâtes entaillées ou non. Que mangeons-nous? Nous mangeons généralement des produits de l'agriculture et de l'élevage locaux, transformés par les cuisiniers ou par l'industrie en objets admissibles, acceptables, déterminés par notre culture. Par exemple, le Toulousain mange du cassoulet, parce que cette préparation fait partie de sa culture ; il ne mangerait ni le haricot cru, ni un cassoulet dont le canard et le porc seraient remplacés par du serpent, ni un plat ayant les ingrédients du cassoulet classique, mais dont la cuisson n'aurait pas traditionnelle. Il supporte le cassoulet industriel, parce que ce dernier est exécuté (ou semble l'être) selon les mêmes règles qu'en cuisine domestique ou de restaurant. Culture, cuisine, art culinaire. Quel rapport avec la science? Divisons en deux cette question des relations entre la science et la cuisine. D'une part, la science peut-elle contribuer à la technique culinaire telle que pratiquée quotidiennement dans les foyers? D'autre part, la science peut-elle contribuer à l'avancement de l'art culinaire Cette seconde question est importante, parce que, sans l'art, la technique ne vaut rien : savoir cuire un cassoulet en effectuant des transformations physicochimiques raisonnables est insuffisant pour qu'il soit bon. Préalablement, il faudra avoir choisi d'utiliser de l'ail rose plutôt que de l'ail commun, il aura fallu décider de la variété des haricots, etc. Pour savoir si la science peut contribuer à l'art culinaire, analysons-le problème. Les sciences sont des explorations du monde qui utilisent la méthode expérimentale : ayant identifié un phénomène (le ciel est bleu), les scientifiques en recherchent les mécanismes (pourquoi le ciel est-il bleu?) par une méthode rigoureuse qui consiste en (1) analyse du phénomène ; (2) élaboration d'une théorie (ou, plus modestement, d'un modèle) ; (3) établissement de prévisions déduites de la théorie ou du modèle ; (4) test expérimental des prévisions qui, on l'espère, réfuteront plutôt qu'elles ne confirmeront les prévisions ; (5) modifications du modèle ou de la théorie afin de mieux décrire les phénomènes ; (6) et ainsi de suite. En cuisine, par exemple, confectionnons un soufflé : pourquoi gonfle-t-il? On peut d'abord supposer que les bulles d'air apportées par le blanc d'oeuf battu en neige, dans la préparation pour soufflé, gonflent quand elles sont chauffées, parce que les gaz se dilatent à la chaleur. Sur la base de cette hypothèse ou modèle, on utilise une loi dite «loi des gaz parfaits» pour calculer le gonflement du soufflé. On suppose par exemple que la pression est constante et égale à environ une atmosphère, dans le soufflé, puis on applique, avant et après la cuisson, la relation PV=nRT, entre la pression dans le soufflé, V le volume, n le nombre de moles de gaz dans le soufflé, R la constante des gaz parfaits, et T la température (en kelvins). En supposant une température initiale de 20 C, avant cuisson, et de Accessible sur le site internet Futura Sciences 127

65 100 C en fin de cuisson (on ne peut dépasser cette température, parce qu'il reste de l'eau liquide non évaporée), on calcule ainsi que le soufflé doit gonfler de 27 pour cent. Si l'on corrige le calcule afin de tenir compte de la légère surpression dans le soufflé, le gonflement théorique n'est plus que de 20 pour cent environ. On teste alors expérimentalement l'hypothèse en cuisant un soufflé, et l'on observe que le gonflement peut atteindre 200 pour cent, de sorte que la dilatation des bulles d'air n'est pas le phénomène permettant de bien expliquer le gonflement du soufflé. Il faut alors faire une autre hypothèse : le gonflement serait dû à l'évaporation de l'eau présente dans la préparation, au contact des parois du ramequin. On étudie alors cette évaporation en pesant le soufflé avant et après cuisson (on observe que, pour un soufflé d'environ 300 grammes, 10 grammes d'eau sont évaporés, formant 10 litres de vapeur : de quoi faire gonfler le soufflé comme le font les cuisiniers! Mais où sont les 10 litres prévus? Pourquoi les soufflés ne gonflent-ils pas comme le prévoit la seconde hypothèse? L'observation montre que des bulles de vapeur viennent crever à la surface du soufflé en cours de cuisson. Une partie fait gonfler le soufflé, et une partie est perdue. Le deuxième modèle doit donc encore être perfectionné, et ainsi, de proche en proche, on continue de progresser dans la description affinée du soufflé. Et l'art, dans tout cela? Dans la méthode expérimentale, on voit n'y pas de place pour la subjectivité. Le scientifique est interchangeable. Au contraire, en art, c'est l'artiste qui importe. Ce dernier a des objectifs personnels, variables selon les époques, qui vont de l'expression d'un sentiment personnel à l' explication poétique du monde, en passant par tous les intermédiaires recensés par les théoriciens de l'art. D'où la conclusion apparente que la science et l'art n'ont en commun que d'être des activités de culture. Ils semblent avancer indépendamment, la science ignorant l'art comme l'art ignore la science. Ce qui risque de nous faire conclure que notre analyse précédente est insuffisante. Elle l'est, évidemment, comme nous allons le voir maintenant. Partons du Manifeste du Bauhaus, où, en 1934, l'architecte Walter Gropius a bien montré qu'il n'existait pas de différence de nature entre l'artiste et l'artisan ; l'artiste est un artisan inspiré. Cette hypothèse redonne à l'art une fonction artisanale qui avait été oubliée dans notre discussion : il faut bien que le peintre sache étaler les couleurs pour faire son tableau, ou que le musicien sache poser les doigts sur le clavier de son piano. Il faut, en outre, que les outils utilisés par l'artistes soient appropriés : pas de peinture sans pinceau! Le pont de la technologie Cette remarque introduit la technologie, qui se préoccupe d'analyser les techniques, de les perfectionner, d'améliorer les outils utilisés par les techniciens. Par exemple, au siècle dernier, le céramiste alsacien Théodore Deck fut célèbre pour avoir apporté aux artistes de son époque un bleu 128 profond, qui fit dire de lui dans la presse et dans les milieux artistiques qu'il avait «tiré le bleu du ciel». Deck n'était pas un artiste : il demandait à des peintres de peindre des carreaux, des vases, des sculptures, et il assurait la cuisson afin que les ouvres soient conformes à l'intention des artistes. Pour l'art culinaire, le travail technologique, de perfectionnement des techniques, est celui qui donne une meilleure maîtrise des goûts et qui facilite la confection des plats. La technologie est un pont qui relie la science et l'art, en conduisant à un perfectionnement des techniques culinaires et en offrant des possibilités nouvelles d'expression. Reprenons l'exemple d'un délicieux soufflé. Une fois que la science a compris pourquoi il gonfle, la technologie peut, en se fondant sur les théories du gonflement des soufflés, chercher des moyens pour faire mieux gonfler les soufflés : par exemple, on pensera à proposer une imperméabilisation des dessus de soufflés à l'aide de fromage ou de sirop de sucre. La technique, ensuite, devra apprendre à maîtriser les innovations technologiques (choix des fromages utilisés, choix des sucres, etc.). De la science en cuisine? Cette introduction a fait une impasse : nous avons admis sans discussion que la science puisse se préoccuper du gonflement des soufflés. Quoi!, des disciplines réputées aussi sérieuses que la chimie et la physique se préoccuperaient de choses aussi futiles que ce que nous mangeons chaque jour? Tout d'abord, nous observerons que chaque foyer, si petit qu'il soit, a toujours un lieu, une pièce souvent, exclusivement réservé à la cuisine. L'activité culinaire n'est donc pas superflue, mais essentielle! D'autre part, nous avons dit que nous ne pouvons manger que des objets identifiés par la culture : pas des tablettes ou à des pilules nutritives, mais des plats véritables, tels que pot-au-feu, sauce mayonnaise, grillades, poulets rôtis, purées de pomme de terre, bouillon. Enfin, ces mets résultent de transformations physico-chimiques, effectuées à partir de denrées : viandes, légumes, fruits, poissons. Comme la physique et la chimie sont mis en oeuvre, la cuisine est un monde que la science n'a aucune raison de ne pas explorer. C'est l'objectif de la science des aliments, en général, et, plus particulièrement, de la discipline nommée «gastronomie moléculaire». Science des aliments et gastronomie moléculaire L'identification de la gastronomie moléculaire, comme sous discipline scientifique spécifique, s'est imposée en raison de l'évolution de la science des aliments. En 1988, avec le physicien britannique Nicholas Kurti ( ), nous avons observé que la science des aliments, qui se développe depuis bientôt deux siècles, était partie de questions culinaires : par exemple, en 1791, le grand chimiste Antoine Laurent de Lavoisier s'est préoccupé de la confection des bouillons. A cette époque et ensuite, l'effort en science des aliments a essentiellement porté sur l'approvisionnement des peuples en denrées alimentaires, soit par des perfectionnements agronomiques, soit par des collaborations avec l'industrie alimentaire. Le succès a été considérable : les populations vivant aujourd'hui dans les pays 129

66 industrialisés sont les premières, dans l'histoire de l'humanité, à n'avoir pas connu de famine! Toutefois, lors de ce développement de la science des aliments, la cuisine est restée quasi inexplorée du point de vue scientifique ; encore récemment, elle était un «art chimique» privé de science. Or, paradoxalement, la cuisine est le lieu où se couronnent les efforts de la science des aliments : à quoi bon produire des viandes tendres ou des légumes goûteux si le cuisinier ne sait pas les préparer à la hauteur de leurs qualités initiales? Afin de mettre à la disposition des cuisiniers, domestiques ou de restaurant, des informations et connaissances utiles à leur pratique, nous avons eu le souci de distinguer une discipline qui ne se préoccuperait que des transformations culinaires : c'est la gastronomie moléculaire, introduite en Cette dernière est-elle une science de nantis, qui se préoccupent de la qualité gastronomique des mets? Evidemment non : chacun a intérêt à tirer le meilleur parti des denrées qu'il transforme culinairement. La gastronomie moléculaire est-elle, alors, une science futile? Cette question renvoie sur une éventuelle hiérarchie des sciences, mais peut-on dire que la chimie soit plus importante que la physique, la biologie que la cosmologie? La science, répétons-le, explore le monde : la géologie explore le Globe, la biologie explore les êtres vivants, la cosmologie explore l'univers, et la gastronomie moléculaire étudie le monde des transformations culinaires. devant le Mont Blanc? Pour bien exécuter ces sauces, il faut en comprendre la structure et identifier les relations entre les diverses sauces : par exemple, l'aïoli est une mayonnaise dont le jaune d'oeuf est remplacé par de l'ail. Cette recherche des points communs et des différences facilite l'apprentissage. Observons que les sauces les plus simples sont des solutions, dans l'eau ou dans l'huile, chaque sauce contenant de très nombreuses sortes de molécules odorantes (elles stimulent les récepteurs olfactifs) ou sapides (elles stimulent les récepteurs des papilles gustatives). C'est le cas des fonds et des jus, par exemple. Toutefois la plupart des sauces sont des systèmes dont la structure physicochimique est plus complexe que celle d'une solution ; ce sont des systèmes "dispersés" (on disait naguère "colloïdal"). Les cas les plus simples sont obtenus par l'examen du tableau ci-dessous, où l'on a indiqué le nom des systèmes obtenus par dispersion d'un gaz, d'un liquide ou d'un solide dans un gaz, un liquide, un solide. Chaque case du tableau contient quelques exemples de mets. Les stratégies de recherche L'objet de la gastronomie moléculaire étant clair, examinons sa stratégie de recherche. Le corpus de données à analyser est l'ensemble des phénomènes qui peuvent être observés dans les cuisines ou qui sont décrits par les livres de cuisine. Ainsi les recettes comportent toutes, d'abord, une "définition" : un soufflé au fromage, c'est du blanc d'oeuf battu en neige mêlé à une préparation pâteuse, l'ensemble est mis dans un ramequin et chauffé au four ; un pot-au-feu s'obtient quand on chauffe de la viande dans de l'eau. Après les définitions viennent des "précisions" : on doit beurrer et fariner le moule des soufflés, on doit mettre la viande dans l'eau froide, pour un bon pot-au-feu. A noter que les dictons, tours de main, pratiques, conseils transmis oralement sont de telles "précisions". D'où l'idée de distinguer deux objectifs de recherche. Le premier est une modélisation physico-chimique des définitions : que se passe-t-il quand un soufflé cuit, quand de la viande cuit dans l'eau? Ensuite une exploration des précisions : est-il vrai que le pot-au-feu est «meilleur» quand la viande est initialement mise dans l'eau froide? est-il vrai que les sauces mayonnaises tournent quand la lune est pleine? Recherche et enseignement La modélisation des recettes est non seulement une aide pour le cuisinier, mais aussi pour celui qui apprend la cuisine. Qui, face aux 351 recettes de sauces données par le cuisinier Auguste Escoffier ( ), dans son Guide culinaire, n'est pas saisi d'une sensation d'impuissance, tel le marcheur 130 En cuisine, ce tableau est insuffisant, car nombre de sauces n'y sont pas présentes. Par exemple, la sauce béarnaise s'obtient par chauffage de vinaigre et d'échalotes hachées ; puis, quand une proportion notable de l'eau du vinaigre est évaporée, on ajoute du jaune d'oeuf, que l'on chauffe avec du beurre. Cette sauce n'est évidemment pas une simple solution, puisqu'elle contient des gouttelettes de matière grasse dispersées dans l'eau, ni une simple émulsion, car elle contient aussi des agrégats de jaune d'oeuf coagulé. C'est une sorte de suspension-émulsion. Comment décrire de tels systèmes physicochimiques plus complexes que ceux du tableau? L'exemple des grands anciens est toujours à la fois une source d'idéal et d'inspiration. Par exemple, Lavoisier a introduit le formalisme de la chimie, parce qu'il voulait abréger les terminologies : "pour présenter aux yeux, sous un même coup d'oeil, le résultat de ce qui se passe dans les dissolutions métalliques, j'ai construit des espèces de formules, qu'on pourrait prendre d'abord pour des formules algébriques, mais qui ne dérivent point des mêmes principes ; nous sommes encore bien loin de pouvoir porter dans la chimie la précision mathématique, et je prie en conséquence, de ne considérer les formules que je vais donner que comme de simples annotations, dont l'objet est de soulager les opérations de l'esprit". Ici, dans le cas des sauces, des abréviations s'imposent pour les mêmes raisons. En 2002, nous avons proposé d'utiliser, d'une part, les initiales des phases présentes, telles que G pour gaz, H pour 131

67 huile (les physico-chimistes nomment "huile" toute matière grasse à l'état liquide), E pour eau, S pour solide. D'autre part, nous avons proposé d'utiliser des "connecteurs" pour décrire comment ces "phases" sont réparties. L'examen au microscope de diverses sauces montre des structures variées, où les phases sont dispersées, réunies, incluses : ce que l'on désignera respectivement par «/», «+» et «<». Les quelques signes retenus peuvent se combiner de façons variées et décrire tous les aliments préparés, qui sont généralement des systèmes dispersés complexes. Par exemple, les émulsions sont désignées par la formule H / E. C'est le cas de la mayonnaise, où de l'huile est ajoutée à un jaune d'oeuf, lequel contient 50 pour cent d'eau environ ; la stabilisation (temporaire) de la sauce est assurée par les protéines et les phospholipides du jaune d'oeuf. Dans un tel cas, le formalisme est peu utile, mais son intérêt apparaît davantage quand on considère des sauces plus complexes. Par exemple, la sauce béarnaise est de type (S1 + S2 +H) / E, puisque les échalotes hachées (S1), le jaune d'oeuf coagulé en microscopiques grumeaux (S2) et le beurre fondu (H) sont dispersées dans l'eau (E) apportée par le vinaigre, par le jaune d'oeuf et par le beurre. Ou encore, la classique sauce blanche doit être décrite par la formule ((E/S1) + S1 + (S1 < (E/S1)) + H)/E : la première parenthèse (E/S1) décrit les grains d'amidon "empesés", gélifiés ; le second S1 décrit des grains d'amidon non empesés (il y en a une proportion dans le système) ; la deuxième parenthèse (S1 < (E/S1)) décrit des cours de grains d'amidon non empesés (en raison d'une cuisson insuffisante) dans des grains empesés ; le beurre fondu (H) se trouve sous la forme de gouttelettes. A l'aide de ce «formalisme», les 351 sauces sont ramenées à quelques catégories, parce que la combinatoire fait beaucoup à partir de peu : à partir de trois phases (choisies parmi quatre) et de deux des trois connecteurs évoqués, on peut obtenir 1200 systèmes physico-chimiques possibles (4 fois 3 fois 4 fois 3 fois 4 fois 2 pour tenir du nombre de façons de mettre des parenthèses dans une formule A*B*C, où A, B, C sont les trois phases et où * désigne un des trois connecteurs /, + ou <). De la modélisation à l'invention L'exploration des "précisions" mériterait un article à elle toute seule. Ici, je préfère revenir à la question posée initialement : la chimie et la physique peuvent-elles contribuer à l'avancement de l'art culinaire? S1) / E) / S2). P Gagnaire sert cette préparation sur des lamelles de haddock passées au grill, avec du beurre, notamment (voir rubrique "culinaire modernité"). Puis, avec Volker Hessel et Christian Hoffmann, de l'institut de microtechnique de Mayence (IMM), nous avons mis au point le prototype d'un appareil qui "matérialise" des formules et crée des plats inconnus. Ce système utilise des "micro réacteurs", c'est-à-dire des objets gros comme des boîtes d'allumettes, qui effectuent des mélanges, des dispersions, etc. La mise en série et en parallèles des micro-réacteurs devrait permettre la réalisation de n'importe quelle formule. Retour à la science Les réalisations que nous venons de considérer sont des applications technologiques des avancées de la gastronomie moléculaire, laquelle est toutefois, il faut le répéter, l'exploration scientifique du monde culinaire. La place manque, ici, pour montrer comment le travail scientifique, lui, contribue au perfectionnement des techniques classiques et contribue, de ce fait à l'art culinaire. Il facilite également la transmission des connaissances culinaires, et devrait conduire, on l'espère, à la rénovation des méthodes culinaires : à l'heure où les peuples des pays avancés se préoccupent d'environnement, de développement durable, peut-on supporter que les millions de Français qui cuisine gaspillent quotidiennement jusqu'à 80 pour cent de l'énergie qu'ils consomment pour chauffer leurs casseroles? A l'heure où l'humanité envoie des sondes vers Mars, pourquoi cuisiner avec les mêmes casseroles, fouets, tamis qu'au Moyen Âge? Ceux-ci n'ont de raison de subsister que s'ils sont appropriés aux fonctions qu'on leur attribue, mais comment faire des mousses, par exemple? Le fouet est moins efficace que des systèmes qui injecteraient des bulles par le fond du récipient. Comment faire des émulsions? Si les laboratoires de physico-chimie se sont équipés de cuves à ultrasons, pour réaliser les émulsions, c'est que ces systèmes sont plus efficaces que les fourchettes et fouets des cuisines. N'est-il pas temps que cet "art chimique" qu'est la cuisine profite enfin des avancées des sciences et des techniques? La question est alors posée d'une déshumanisation d'une activité artistique, mais en quoi un meilleur pinceau gênerait-il le peintre? En décembre 2002, nous avons tiré une formule au hasard : ((G + H + S1) / S2) / E. Puis nous avons travaillé avec le cuisinier français Pierre Gagnaire (dans ce cas précis, on devrait sans doute dire "artiste culinaire") pour la réaliser. Ainsi est née la recette de la "Faraday de Saint Jacques", nommée en l'honneur du physico-chimiste britannique Michael Faraday ( ) : de l'huile où ont macérés des zestes d'orange (H) est mêlée à de la chair de coquilles Saint-Jacques (S1) dans du thé (E) où a été dissoute une feuille de gélatine ; la dispersion obtenue (H + S1) / E a été foisonnée ((H + S1) / E + G (G + H + S1) / E), et l'on a ensuite refroidi le système afin qu'il gélifie ((G + H + S1) (G + H

68 A.5. Article sur la gastronomie moléculaire et Hervé This (par Vincent Olivier) 82 Il a calculé la température idéale pour cuire un œuf à la coque, mis 351 sauces en équations, découvert l'«effet pastis»... Chercheur à l'inra, Hervé This révolutionne l'art de jouer des casseroles. Saveurs, textures, mariages inédits: ses trouvailles offrent à des grands chefs un nouvel espace de création. Une coquille, une belon, une bille argentée: voici «Ostra con su perla» (l'huître avec sa perle), juste entourée d'une émulsion laiteuse. Un plat simple en apparence. Une illusion, plutôt. Car le lait n'est pas du lait, la perle, pas une perle. Le premier développe un fort goût de jambon cru espagnol. La seconde est une sphère d'algue gélifiée contenant un cœur liquide qui éclate sous le palais et libère de l'eau de mer fumée! Choc de saveurs, de textures, mélange déconcertant d'iode et de viande. «Tranche de lard fermier au caviar pressé, marmelade d'oignons doux à la laitue». Un rectangle épuré, sublime dégradé de gris. Des temps de dégustation différents dans une même bouchée: la consistance fondante du bulbe, le croquant du lard grillé, l'explosion des grains sur la langue. Et enfin, le retour de la saveur sucrée de l'oignon. Un plat brutal, archaïque. Rencontre de la terre et de la mer. Deux assiettes, deux cuisiniers. L'un, espagnol, Ferran Adria; l'autre, français, Pierre Gagnaire. Derrière ces deux créations époustouflantes, un seul homme: Hervé This. Scientifique inventif, touche-à-tout passionné, Hervé This est à l'origine de la notion de «gastronomie moléculaire». C'est lui qui a organisé, en 1992, le premier colloque mondial sur ce thème à Erice (Italie); lui qui a jeté les bases d'une discipline dans laquelle de plus en plus de cuisiniers se reconnaissent aujourd'hui. De lui, Ferran Adria dit: «C'est le premier, le fondateur. Il nous a permis de créer des plats qui, jusque-là, n'existaient pas.» Pierre Gagnaire ajoute: «Ce qui compte, en cuisine, c'est l'amour, pas la technique. De ce point de vue, nous cheminons ensemble avec Hervé.» Hommages de valeur, quand on connaît la personnalité des deux chefs. Ferran Adria, désigné un jour comme «meilleur cuisinier de la planète» par Joël Robuchon: un Catalan fou qui joue avec tous les outils de la chimie moderne - azote liquide, siphon au gaz carbonique, lyophilisation. Situé non loin de la frontière française, son restaurant ouvre six mois durant et ne peut accueillir que personnes, pour demandes annuelles. Quant à notre second créateur, il mériterait tout autant ce titre de «meilleur cuisinier» - si celui-ci avait un sens. Amateur de jazz et de peinture moderne, Pierre Gagnaire est un artiste hors du commun qui compose chaque mois, dans son restaurant parisien, un plat spécifique associant gastronomie et science. Avec, toujours, la même quête: inventer des saveurs inconnues et, surtout, provoquer des émotions nouvelles chez ses convives. Pour y parvenir, Pierre Gagnaire s'appuie sur son génie mais aussi sur son ami This; et sur ses connaissances en chimie fondamentale, issues notamment d'une thèse de doctorat ès sciences physiques soutenue devant un jury exceptionnel (le chimiste Pierre Potier, les Prix Nobel de chimie Jean-Marie Lehn et de physique Pierre-Gilles de Gennes ). Chercheur à l'institut national de la recherche agronomique (Inra), Hervé This est également conseiller scientifique de la revue Pour la science, auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation dont le célèbre Casseroles et éprouvettes (Belin), et animateur de nombreux séminaires au cours desquels il se livre à son activité favorite: effectuer des manipulations avec divers ustensiles de cuisine. Quand on l'interroge sur son incroyable capacité de travail, notre homme la joue modeste et préfère mettre en avant son père, Bernard This, inventeur de l'accouchement sans douleur, ou encore sa femme, Pascale, brillante cancérologue à l'institut Curie, et «beaucoup plus intelligente que moi», jure-t-il. Affable, souriant, séducteur (très), bavard (parfois trop!), il a toujours une anecdote à raconter - en particulier quand il s'agit d'examiner la validité scientifique d'un dicton culinaire. Car, pour ce scientifique, «une assertion peut, doit, toujours être vérifiée. C'est la seule façon de tordre le cou à des idées toutes faites». Avec une telle approche rationnelle, Hervé This découvre pourquoi, et surtout comment, des phénomènes chimiques simples se produisent. Il a ainsi déterminé que, pour obtenir un œuf coque idéal, il faut le cuire une heure à 65 C! Le blanc se solidifie en effet à partir de 62 C, tandis que le jaune durcit après 68 C. Autrement dit, en plongeant un œuf dans l'eau bouillante, on risque d'obtenir un jaune verdâtre sur les bords et un blanc figé, voire caoutchouteux. Tandis qu'à 65 C, le premier sortira quasi cru et goûteux et le second soyeux et moelleux. Hervé This est allé plus loin encore. Il a étudié les 351 sauces classiques officiellement répertoriées dans Le Guide culinaire d'escoffier (blanche, Soubise, grand veneur, ravigote ) et il s'est amusé à les résumer en 14 équations. Pas une de plus. Avec quatre éléments de base: G pour gaz, H pour huile (ou toute autre matière grasse), E pour eau, S pour solide. Et quatre modes de transformation: dispersion («/»), mélange («+»), inclusion («<») et superposition («S»). Un gaz dispersé dans l'eau s'écrit donc «G/E» (par exemple, un blanc battu en neige), tandis qu'une émulsion se présente sous la formule «H/E». C'est le cas de la mayonnaise, où l'huile est ajoutée à un jaune (soit 50% d'eau) additionnée d'un peu de vinaigre, la stabilisation de la préparation étant assurée par les protéines de l'œuf. Un véritable «miracle chimique» que cette mayonnaise, note au passage Hervé This: partant de trois liquides, on obtient en effet une nouvelle consistance, une de ces «matières molles» chères à Pierre-Gilles de Gennes. Du point de vue physico-chimique, une sauce béarnaise et une crème anglaise se révèlent en outre très voisines: dans les deux cas, il s'agit d'une «suspension», due à la dispersion de petits agrégats d'œuf coagulé soit dans une réduction d'échalotes allongée de vin (béarnaise), soit dans du lait sucré (crème anglaise). 82 paru dans l'express du 27/06/

69 Plus subtil et plus troublant encore, ce qu'hervé This appelle l' «effet pastis». Celui-ci permet de répondre à une question à première vue insoluble: comment dissoudre de l'huile dans de l'eau? Prenez quelques centilitres d'huile, ajoutez de l'éthanol (alcool pur) et secouez. Laissez reposer, puis versez la préparation obtenue dans de l'eau pure: elle se dissout presque instantanément. C'est l' «effet pastis». Reste à attendre que l'éthanol s'évapore, et vous obtenez une eau parfaitement claire, sans aucune consistance grasse, avec un léger goût d'huile! Quel est l'intérêt de produire une eau pareille? objectera la cuisinière, éberluée. C'est simple. De nombreuses molécules odorantes sont hydrophobes: elles ne se dissolvent pas dans l'eau et s'évaporent donc en cours de cuisson. La manipulation d'hervé This permet de cuisiner des aliments dans une eau (ou tout liquide) parfumée à la truffe, à la violette, aux champignons des bois. Et de leur donner ainsi une saveur auparavant impensable. D'ailleurs, ce principe admis, il n'y a aucune difficulté sur le plan chimique à remplacer un ingrédient par un autre. Un jaune par un blanc dans une mayonnaise, puisqu'ils possèdent les mêmes propriétés «tensioactives» de liaison entre molécules. De l'huile par de la gélatine (en feuilles ou en poudre), ou encore l'eau du jaune d'œuf par une infusion de romarin, un fond corsé de crustacés ou du jus d'orange. C'est ainsi que se créent des goûts nouveaux, des associations inédites. Et même, des textures jusque-là totalement inconnues. Ainsi pour le «caviar» de melon: broyez un melon, versez de l'eau minérale pauvre en calcium et ajoutez un gélifiant - par exemple de l'alginate, substance tirée d'algues brunes issues du varech géant. Cette préparation obtenue, déposez-la, goutte à goutte (avec une pipette ou tout instrument adapté à la taille voulue de la goutte), dans un bain d'eau additionné de 5% de chlorure de sodium. Vous obtenez alors des perles de melon enrobées d'une peau gélifiée, avec à l'intérieur un cœur liquide. Rincez soigneusement dans l'eau pure, afin de stopper le processus de gélification et d'éliminer l'excès de sel. Vous avez créé du caviar de melon, ressemblant à s'y méprendre à des œufs d'esturgeon. Cela ne vous rappelle rien? C'est le principe mis en œuvre pour obtenir la vraie-fausse perle d'huître mentionnée plus haut. Dès lors, la cuisine se révèle comme un espace de création infini, dont Ferran Adria use et abuse. Tout lui devient possible: confectionner des makis (rouleaux d'algue contenant du riz vinaigré) comme les Japonais, en remplaçant le riz par de tout petits bâtonnets d'asperge. Créer une bière solide, une glace de poulet au curry, des tagliatelles croquantes de betterave, des tempuras (fritures légères) de fleurs d'acacia, un bonbon à l'huile de citrouille «La structure classique de la gastronomie française - un produit, sa garniture et une sauce - c'est fini, il faut dé-cons-trui-re! lance Ferran Adria. La cuisine, c'est la vie, dans la vie, il y a de tout. Faisons preuve d'un peu d'humour» Et, de l'humour, notre cuisinier catalan n'en manque pas. Ses «Kellogg's de paella» en sont une parfaite illustration: du riz soufflé au safran, assaisonné de poudre de crevettes naturelle et de tomate. A plonger dans un savoureux bouillon de paella, afin de retrouver le goût de l'enfance pour un petit déjeuner aux céréales revisité façon Adria. 136 Aujourd'hui, le chef fait école; on ne compte plus, en Espagne ou ailleurs, les adeptes du siphon et de l'azote liquide. Et, là, attention: gare aux effets de mode, aux artifices en tous genres, à la technique pour la technique - «du trompe-couillon», jette Pierre Gagnaire. Les imitateurs n'ont en général pas le talent du maître. Déjà, des voix s'élèvent qui dénoncent une cuisine quasi irréelle, une «nonnourriture» en quelque sorte. Sociologue, anthropologue, maître de conférences à l'université de Toulouse et gastronome invétéré, Jean-Pierre Poulain déplore cette vogue du minimalisme éthéré, de la bouchée sans consistance. Mais l'auteur, avec Edmond Neirinck, d'une Histoire de la cuisine et des cuisiniers (éd. Jacques Lanore) rappelle aussi que pareil débat ne date pas d'hier: «Au milieu des années 1980 déjà, Jean-Paul Aron dénonçait dans Les Modernes une gastronomie menacée par l'ascétisme. En réalité, Ferran Adria est enraciné dans sa culture d'origine, celle des tapas, observe-t-il. De ce point de vue, il ne fait que culinariser la pratique du grignotage. Tant mieux pour lui si, en même temps, il rencontre des préoccupations contemporaines.» Alors, la cuisine est-elle un art, une série d'équations chimiques, ou un ensemble de technologies mises au service d'un besoin vital, celui de se nourrir? Un peu de tout cela, sans doute. Mais bien d'autres choses également. Depuis peu, Pierre Gagnaire s'est lancé avec Hervé This dans une entreprise passionnante: l'étude des juxtapositions culinaires. Tous deux sont partis des travaux d'un scientifique français, Eugène Chevreul ( ). Mondialement connu pour ses travaux sur la chimie des graisses, ce dernier l'est également des peintres grâce à sa «loi du contraste simultané des couleurs» - ou comment une couleur est influencée par la couleur complémentaire de sa voisine. Ainsi, un blanc qui jouxte du bleu semble un peu jaune (le jaune étant la complémentaire du bleu). D'où l'idée de nos deux compères: chercher un équivalent culinaire à cette loi des contrastes. Ils y travaillent depuis quelques mois et sont déjà parvenus à établir plusieurs principes généraux. Loi de la juxtaposition, notamment: un ingrédient paraît fade s'il est placé à côté d'un autre, de même goût mais plus soutenu. Loi de la dominance: la masse d'une saveur majoritaire doit toujours être réveillée par une autre masse - il faut acidifier un plat très sucré, adoucir un plat très acide. Régulièrement, ils se retrouvent pour échanger idées et expériences. Une rencontre fascinante: dès 8 h 30, et trois heures durant, les propositions fusent. Ce jour-là, Pierre Gagnaire imagine un mets «en quintessence»: un bouillon de crustacés avec des écorces d'agrumes mouillé de vin blanc, réduit jusqu'à la consistance d'un sirop, si suave qu'il en deviendrait «un condiment pour salade». Hervé This réfléchit à «un goût qui viendrait en second, s'opposant au premier ou le prolongeant» - du gingembre après de l'huile de noix par exemple. Pierre Gagnaire répond par le «texturé un peu sablé du jaune d'œuf qui irait très bien avec des amandes grillées». Hervé This propose alors de travailler sur l' «effet brillant de la gelée de citron, qui rappelle le vernis en peinture». Les sens aux aguets, des images plein la tête, le journaliste noircit son cahier de notes. Salive. Rêve du jour où ces idées prendront vie. Et s'interroge: «Si ce n'est pas de l'art, ça, qu'est-ce que c'est?» 137

70 A.6. Une théorie du goût, par Hervé This Les bases du goût On a insuffisamment précisé le vocabulaire du goût. On lit même, dans un document technique d un centre professionnel que nous ne citerons pas, que «le goût est une sensation gustative perçue dans la cavité buccale ; il permet de percevoir les quatre saveurs à l aide de la langue. Ce sont les papilles qui détectent les saveurs». Cette définition est non seulement tautologique («le goût est une sensation gustative» : quelle révélation!), mais elle est en outre fautive de plusieurs points de vue. D une part, si le goût est effectivement la sensation perçue dans la cavité buccale, ce n est pas le goût qui permet de percevoir les saveurs, puisque le goût est une sensation, comme les saveurs. D autre part, il n existe pas quatre saveurs, comme on l a longtemps prétendu et comme nous le verrons plus loin. Bref, tout cela est bien confus, d autant que même des spécialistes des arômes et des saveurs parlent de gustation pour désigner la perception des saveurs, et non la perception du goût. Il est temps de tout remettre à plat, en se fondant sur les données récentes de la neurophysiologie sensorielle. sont regroupées en papilles (les petites zones rondes que l on perçoit sur la langue). Dans la bouche, l aliment chauffé et décomposé par la mastication laisse évaporer d autres molécules aromatiques, qui remontent vers le nez par l arrière de la bouche, par les «fosses rétronasales». C est encore l olfaction qui est en jeu, et l on devrait réserver le terme d arômes à ces odeurs. Et dans la bouche toujours, d autres molécules de l aliment ont d autres actions : par exemple, des molécules stimulent les cellules qui signalent la douleur ou la chaleur, engendrant la sensation de piquant. Et diverses cellules ou capteurs détectent les caractéristiques mécaniques, par exemple : ainsi percevons-nous le dur, le mou, le gras, le mouillé, etc. L ensemble des sensations, gustatives (saveur), olfactives (odeurs et arômes), mécaniques, proprioceptives, thermiques... est le goût, qui, une fois perçu de façon physiologique, est interprété par le cerveau, qui lui associe des qualités d après les expériences individuelles ou sociales (souvenirs, émotions, apprentissages, etc.). Doit-on alors nommer gustation la perception de la sensation générale du goût? Il faut alors nommer différemment la perception des saveurs. Je propose le terme de sapiction. Préoccupons-nous d abord des sensations. On ne changera pas le fait que les Français nomment «goût» la sensation générale qu ils perçoivent en mangeant : un aliment peut avoir bon goût ou mauvais goût. Ainsi, le goût, c est la sensation synthétique, globale, avant son analyse éventuelle, avant sa décomposition en plusieurs composantes. Quelles sensations composent-elles le goût? Approchons un aliment de la bouche. D abord, il a une couleur, qui détermine notre appréciation de l aliment. Si nous sommes mystifiés par les aliments diversement colorés (faites l expérience d ajouter des colorants sans goût à une même pâte de fruits, aux pommes par exemple, et donnez-les à déguster en aveugle, vous verrez les réactions!), c est la preuve que la couleur est une composante du goût. La sensation tactile, le toucher, détermine également le goût, mais notre culture, et l usage général de couverts, nous a fait oublier ce phénomène (pensons-y : il y a peut-être là un germe de progrès culinaire pratique). Puis nous approchons l aliment de la bouche, et nous percevons son odeur. Cette odeur résulte de l évaporation de molécules initialement présentes dans l aliment. Plus ces molécules «aromatiques» sont volatiles, plus elles stimulent en grand nombre les cellules réceptrices du nez. Notons que l on nomme parfois arômes ces molécules aromatiques, en les confondant avec la sensation qu elles engendrent. Dans un souci de clarification, nous proposons de qualifier d aromatiques les molécules qui sont perçues par le nez, en prenant garde que certaines de ces molécules pourraient également stimuler d autres sens que l olfaction. L arôme sera alors à la sensation donnée par une molécule ayant des propriétés aromatiques. L aliment vient maintenant en bouche. Certaines de ses molécules passent dans la salive, puis se lient à des molécules nommées récepteurs, à la surface de cellules spéciales de la cavité buccale. Ces molécules dites sapides sont celles qui donnent la sensation de saveur. Les cellules qui portent les récepteurs des molécules sapides 2. L ennui de l uniformité Le goût, comment le créer? La question semble naïve, car, pour tout autre corps alimentaire que l eau distillée, des molécules présentes en grand nombre dans ce corps stimulent déjà nos divers récepteurs gustatifs. Autrement dit, tous les aliments ont du goût. Toutefois il est vrai qu un aliment a plus de goût si sa concentration en molécules aromatiques ou sapides est élevée, et il est vrai aussi que l ennui naît de l uniformité, et des phénomènes d habituation ou de fatigue gustative affadissent progressivement les aliments. Par exemple, certains aliments dont les molécules sapides ou aromatiques ont été éliminées par la cuisson n ont pas beaucoup de goût : une carotte cuite à l eau a moins de goût qu une carotte cuite en papillote. D autre part, nous ne sentons plus un aliment après l avoir beaucoup consommé, sauf si nous y prêtons une attention particulière : après plusieurs bouchées, un suprême de volaille est fade, et même un steak grillé devient triste. Pour donner du goût, l idée la plus évidente est d augmenter la concentration en molécules aromatiques et sapides : comme en musique, on fait mieux entendre les notes quand on les joue fort. Toutefois la force gustative, l enrichissement d un aliment en ses molécules aromatiques ou sapides, par des moyens que nous examinerons plus loin, ne suffit pas à donner du goût : une note la jouée forte à la trompette ne fait qu un bruit assourdissant, et si ce bruit assourdissant se prolonge, il devient même gênant, voire douloureux. Par exemple, la cuisine de Pierre Gagnaire, qui, dans ses divers styles a testé celui que je nommerais le pastel, n a pas moins de goût que bien des cuisines pourtant épicées. Nous y reviendrons. 83 Accessible sur le site internet Futura Sciences

71 La concentration des goûts n est pas la solution. On pensera plutôt à créer le contraste, par la juxtaposition. 3. La juxtaposition Pourquoi penser juxtaposition? Comment la créer? Pensons à la peinture : un tableau tout bleu, tout du même bleu, aurait l ennui de l uniformité. En revanche, quand deux couleurs sont juxtaposées, le contraste ajoute une troisième composante. Par exemple, dans la cuisine française classique, la sauce vient parfois faire une juxtaposition rapide avec les morceaux : pensons à l oeuf dur mayonnaise, par exemple. Cette juxtaposition trouve sa forme la plus poussée dans les oppositions : sec/humide, dur/mou, cuit/cru, chaud/froid, acide/basique, sucré/salé. Toutefois l opposition n est pas, de loin, le seul mode de juxtaposition. On peut aussi rapprocher des ingrédients appartenant à des registres différents. Par exemple, Guy Savoy servait, il y a quelques années, une terrine composée de foie gras (gras), de blanc de volaille (sec) et de fonds d artichaut ; le gras du foie s opposait au sec de la volaille ; tandis que l artichaut venait enrichir l opposition précédente, en apportant une note de texture sur un autre registre que les deux autres. Christian Conticini, lui, rapproche des registres différents non seulement du point de vue des saveurs, mais aussi des cultures. Le cuisinier peut aussi jouer, non pas la juxtaposition nette de deux goûts, mais la variation progressive, le gradient. En peinture, c est le dégradé. Par exemple, la cuisson des poissons à l unilatérale est un moyen d obtenir un dégradé de texture, et donc de goût, puisque le goût dépend de la texture. On peut aussi faire diffuser des molécules aromatiques ou sapides à partir d une face d un aliment, de sorte que la concentration en ces molécules diminue progressivement, de la face où elles ont été initialement déposées jusqu à la face opposée de l aliment. Pensons à une couverture d herbe sur un poisson cuit lentement, au four. L étude des juxtapositions culinaires est en retard sur celle de juxtapositions de couleurs, en peinture. Ce dernier art doit beaucoup au chimiste français Eugène Chevreul ( ), réputé dans le monde entier pour ses travaux sur la chimie des graisses. Toutefois Chevreul s est aussi fait connaître des peintres pour sa «loi du contraste simultané des couleurs». Sollicité par les teinturiers de la Manufacture des Gobelins, qui se plaignaient que certaines couleurs donnaient de mauvais résultats, il découvrit d abord que certaines teintures n étaient chimiquement pas stables ; puis il observa que d autres teintures, pourtant chimiquement stables, ne donnaient pas les résultats qu on attendait d elles. C est ainsi qu il découvrit que les couleurs sont contaminées par les couleurs voisines. Plus précisément, il démontra qu une couleur est influencée par la couleur complémentaire de la couleur voisine. Voila pourquoi le blanc qui jouxte du bleu semble jaune (le jaune est le complémentaire du bleu). Voila aussi pourquoi du vert et du rouge semblent parfois «clignoter», ou «140 vibrer» : le complémentaire du vert est un rouge qui aura peu de chances d être exactement celui d à côté, et on observera un phénomène de battements (un phénomène analogue peut-il se produire en cuisine?). Quel serait l équivalent culinaire de la loi du contraste simultané des couleurs? De surcroît, la cuisine est temporelle plutôt que spatiale : à la juxtaposition spatiale des goûts peut s ajouter la juxtaposition temporelle, c est-à-dire la perception successive des goûts, en raison d une libération différée dans le temps des molécules aromatiques ou sapides. Comment tenir compte de ce phénomène. D autres dimensions existent-elles? Notre analyse préalable du goût répond à la question. 4. Les dimensions du goût Nous avons vu que le goût est la sensation globale que perçoit celui qui mange : le goût est à la fois perception visuelle, tactile (rarement toutefois), olfactive, gustative, thermique, mécanique, proprioceptive, affective, émotionnelle... La stimulation des diverses composantes du goût augmente le nombre de dimensions, et, pour chaque dimension, l idée de la juxtaposition subsiste. En se fondant sur ces remarques, on pourrait chercher à faire, avec des goûts, un escalier paradoxal tel celui d Escher, qui descend sans fin. Remarquons tout d abord que Jean-Claude Risset a reproduit un tel escalier en musique : il synthétise une note, composée d une vibration fondamentale (fréquence f) et d harmoniques (fréquences 2f, 3f, etc.), puis il réduit la hauteur de la note, en affaiblissant progressivement le fondamental tout en renforçant les harmoniques ; l oreille perçoit ainsi une note qui descend à l infini. En cuisine, il reste à trouver un principe analogue : par exemple, on pourrait donner une sensation de salé décroissante, en réduisant la concentration en sel, mais en augmentant la concentration en un autre composé, ce qui masquerait la concentration en sel que l on réaugmenterait en sous main. 5. Le sens Comment organiser les juxtapositions? Le peintre ne juxtapose pas le bleu et le jaune sans intention, pas plus que le musicien ne fait suivre le do du sol sans raison esthétique. Pour que le bleu jouxte le jaune, pour que le sol s impose après le do, il faut que l artiste y trouve du sens, ce sens qu il veut communiquer. Ce sens peut être de différentes natures. Certains artistes prônent un «sens inné», ou «sens de l Évolution» : si le nouveau-né humain ou le jeune primate fait une mimique de plaisir quand on lui fait goûter une solution sucrée, alors qu il fait une grimace de dégoût quand on lui présente de l amer ou de l acide, c est que les sensations sucrées, amères ou acides ont un sens inné : nous associons du plaisir à la ces sensations. De ce point de vue, l homme est proche de l animal. Les chevaux ou les vaches lèchent des pierres à sel, et nous aussi ajoutons du sel aux aliments, sous peine de les trouver fades. D autre part, divers primatologues ont bien montré que notre espèce réagit envers le sucré comme nos cousins les singes : 141

72 les fruits, souvent sucrés, procurent à l organisme l énergie dont il a besoin (notons que certains primates qui se nourrissent de fruits se mettent à manger des feuilles, quand les fruits manquent, mais ils y ajoutent alors parfois de la terre, parce qu ils «savent» que celle-ci se lie aux tanins, lesquels sont des facteurs antinutritionnels, parce qu ils se fixent sur les protéines). Nous aimons aussi manger des aliments qui ont peu de saveur, parce qu ils ont des qualités de texture que nous apprenons à reconnaître, par une sorte de conditionnement : nous sommes rassasiés après avoir mangé des matières grasses ou des féculents, de sorte que nous associons inconsciemment le rassasiement à la détection des lipides ou des matières amylacées dans les aliments. La cuisine ne peut oublier ce sens inné, fondé sur les réflexes de l espèce. Notons que ces remarques devraient encourager les pâtissiers à utiliser davantage d autres sucres que le saccharose : le glucose, le fructose ou le lactose, par exemple, devraient donner de bons résultats. D autre part, puisque notre organisme et, notamment, notre gustation est forgée par l évolution, nous devrions trouver dans l alimentation des primates des associations que notre espèce également reconnaître comme plaisante d un point de vue inné. Ainsi la reconnaissance du sens inné peut être un facteur de progrès culinaire. Par exemple, si nous découvrions pourquoi certaines saveurs sont «bonnes», ou pourquoi certaines odeurs nous semblent agréables, d un point de vue évolutif ou inné, nous pourrions prévoir d autres sensations. Il en va de même pour des juxtapositions de goûts. Par exemple, pourquoi les Européens apprécient-ils la vanille, alors qu elle n est pas présente dans leur environnement? Il y a certainement à cela une raison «innée» qu il est important de comprendre. Proche de ce premier «sens inné», il existe un «sens physiologique» : certains composés sont appréciés par l organisme, parce qu il en a besoin. C est le cas du sel, mais bien d autres molécules ont sans doute un rôle analogue. Par exemple, les graisses sont nécessaires à l organisme, qui les utilise pour en faire les membranes des cellules, notamment. Toutefois la cuisine qui ne se fonderait que sur le sens inné ou sur le sens physiologique oublierait que nous sommes avant tout humains, c est-à-dire êtres de culture. Bientôt, l enfant est sevré et, selon son environnement, il apprend des goûts nouveaux. La cuisine se fonde de façon variée sur cet apprentissage. Certains chefs prônent ainsi un «sens affectif». Par exemple, Christian Conticini a largement écrit sur ces sensations où le souvenir ajoute au goût : c est ainsi qu il réclame que le lapin soit accompagné de vin blanc et d ail. Mieux même, il pense que le lapin n a pas de goût de lapin s il n est pas cuit en présence de ces deux ingrédients. D autres cuisiniers veulent un «sens de la mémoire» : c est une cuisine «associative». Par exemple, Michel Bras ou Pierre Hermé tiennent des «cahiers de sensation», où ils notent des correspondances perçues entre les mets. C est ce type de raisonnement qui a présidé à l invention du sorbet basilic et citron vert de Pierre Hermé. 142 Il existe également un «sens culturel». Le sens culturel est celui qui consiste, par exemple, à chercher de la charcuterie avec la choucroute, pour un Alsacien, ou des carottes et des poireaux avec un pot-au-feu pour à peu près n importe quel Français. La détection de ces associations fait sens pour ceux qui les connaissent. Les juxtapositions étant toujours innées ou culturelles, on se demandera utilement quelles associations sont culturelles ou et quelles associations sont innées. Bien des chefs ont mentionné des harmonies naturelles, en cuisine. Ce serait un progrès de savoir quand elles en sont vraiment. Par exemple, l association de jaunes d oeufs avec de la crème, que l on trouve dans bien des plats de la cuisine française classique (Guy Savoy y met des foies de volailles pour en faire des flans, par exemple, dans une démarche tout à fait classique), a-t-elle été sélectionnée par la physiologie, par l évolution ou par la culture? D autre part, d où vient le goût de brûlé, et pourquoi ne le supporte-t-on généralement pas? Est-ce inné? Appris? Explorons davantage le sens culturel. Le «sens historique», qui en est une partie, est évoqué par une cuisine datée. Par exemple, les viandes piquées accompagnées de légumes verts en sauce béchamel font typique de la cuisine bourgeoise du dernier siècle. Les soles sauce Mornay aussi. Les pêches Melba sont un héritage d Auguste Escoffier. Les filets de rougets accompagnés de tapenade sont caractéristique de la dernière décennie et marquent sans doute l influence d Alain Ducasse. Toutes les époques sont leur sens. Certains historiens se sont intéressés à reconstituer la cuisine du moyen-âge, avec sa double cuisson, ses aigre-doux et ses épices excessives, ou la cuisine romaine. Mais il y a aussi des cuisines (paysannes, bourgeoise, de cour, d apparat...) de la Renaissance, de l Empire, etc. Le sens donné par l histoire explique certaines associations classiques, mais il est aussi la possibilité de donner du sens aux mets : il suffit d exacerber un peu des goûts, dans un registre historiquement connu, pour les rendre identifiables. Par exemple, si le lapin est toujours cuit avec ail et vin blanc, dans la cuisine française classique, on gagnera à faire sonner les composants de l association. Par exemple, on fera ressortir le goût d ail (en le grillant ou en le confisant dans sa peau, ou bien encore en plaçant en dernier lieu de petits morceaux qui n auront pas cuit, ou enfin en pressant l ail pour que des gouttes de jus d ail se déposent sur le lapin) ; on pourra aussi rehausser le goût de vin blanc (en le réduisant et en ajoutant du vin blanc qui n aura pas cuit). À côté de ce sens historique, il y a aussi un «sens géographique» : des associations particulières font évoquer des contrées différentes. Ce sens géographique est celui du terroir, ou encore celui de l exotisme, ou, plus simplement, celui des cuisines régionales ou nationales. Le terroir, par exemple, est une façon simple de faire du sens : on accrédite un plat par des ingrédients symboliques et reconnaissables. Par exemple, quand je mets dans une assiette de la choucroute, à quelle cuisine penset-on? Et quand on réunit de la graine de couscous avec de l agneau, des pois chiches, des légumes cuits dans un bouillon? Et le chou avec de la farce? Et une crêpe de blé noir avec de l épaule de porc? Jean Claude Icart m a fait remarquer avec raison que, parallèle à ces sens de l histoire et de la 143

73 géographie, il y a le sens de la religion. Est-il besoin d insister sur l importance de la religion dans la composition des plats? Un plat qui contient du porc n est certainement pas de certaines religions. Un pain azyme est connoté. Un plat qui contient du lait et de la viande ne peut se réaliser que dans certaines conditions. A propos du sens historique, nous avons évoqué les diverses cuisines de classe : paysanne, bourgeoise, aristocrate... Une sorte de synchronie s oppose à une diachronie. Chacun de nous sait reconnaître une cuisine familiale, une cuisine ouvrière, une cuisine collective, une cuisine gastronomique, une cuisine bourgeoise, une cuisine de banquets, une cuisine de noces, une cuisine de fête... Dans chaque cas, il y a des variations. Par exemple, une certaine grande cuisine tombe dans le gongorisme : ce procédé qui consiste à mettre de la truffe ou du foie gras dans tous les plats est le même argument rhétorique que celui qui consiste, pour un peintre, à mettre de l or partout sur un tableau. Une autre variation est le «chic canaille», qui consiste à réunir des ingrédients «nobles» et des ingrédients populaires. L opposition des connotations crée ce sens. Guy Savoy est un de ceux qui ont beaucoup joué de ce registre : il servait naguère du pied de porc avec du foie gras, et il réunit aujourd hui du foie gras avec des lentilles. Parfois, quand aucun ingrédient ne fait riche, un effet analogue crée un «décalage». Par exemple, Guy Savoy met des rondelles de boudin noir dans une tarte feuilletée. Le boudin, couramment cuit seul et servi avec des purées (de pommes de terre, de pommes fruits, etc.), est ici placé dans un environnement nouveau. Le sens du décalage est fondé sur l étonnement. Peu différent est le «sens de la surprise», qui était utilisé dans les banquets médiévaux, quand on farcissait un porcelet avec une volaille, qui était elle-même farcie d une volaille plus petite, etc. Aujourd hui, le farcissage conserve du sens. Exemple : les endives farcies à la crème d épinard de Pierre Gagnaire. La liste des divers sens est immense, et l on aura raison d utiliser les progrès conceptuels d autres arts, telles la musique ou la peinture, pour se guider dans l art culinaire. Prenons l exemple de la musique, qui est rythme, mélodie et timbre, pour un morceau joué par un seul instrument. Comment transposer en cuisine? Le timbre, tout d abord, c est un choix particulier de molécules aromatiques ou sapides, en concentrations relatives fixées. Un dessert, sucré, n a pas le même timbre qu un plat salé, et une choucroute n a pas le même timbre qu un cassoulet. D une certaine façon, le timbre, c est le goût typique du plat. Pensons aussi que des variations subtiles de timbre sont possibles : si le salé est dû au sel, il y a plusieurs façons distinctes de faire de l acide, mais aussi des sucrés, des piquants, des amers, et sans doute des umamis et des réglisses. Le citron, le vin et le vinaigre ne donnent pas la même acidité, alors qu ils peuvent avoir le même ph. Le saccharose (le sucre de table) n a pas la même saveur que le glucose, que le fructose, que le lactose, que le maltose, que les divers édulcorants. L acide glicirrhizique n a pas la même saveur que la réglisse, tout comme la vanilline (une molécule ayant un fort goût de vanille, et présente en concentration importante dans la vanille naturelle) n a pas le même goût que la vanille. 144 Puis la hauteur des notes, c est la concentration en molécules aromatiques ou sapides. En conservant les rapports de concentrations en diverses molécules, on peut modifier ce niveau global du goût. L enchaînement des notes en bouche forme la mélodie. Enfin le rythme s imposera, par exemple, par la construction de l édifice, par la définition des masses réparties dans l assiette, ou bien par la succession des plats. Notons qu une façon utilisée par les musiciens pour donner du sens consiste à créer des variations sur un thème. Cette pratique peut également se retrouver en cuisine. Par exemple, Guy Savoy avait fait un dessert «tout pommes». Les rondelles de pomme séchées, avec la compote de pomme, des pommes coupées en morceaux et caramélisées au beurre. Tout était variation sur le thème de la pomme. Une autre pratique musicale courante consiste à ne pas poursuivre une ligne mélodique tel que l oreille le prévoit. En cuisine, on pourra reproduire cette technique en changeant un des goûts d un plat connu, familier. Par exemple, une choucroute au vin rouge et non au vin blanc ; ou bien une choucroute où le chou est d abord cuit dans une infusion de laurier. De la musique, on retiendra aussi l idée qui consiste à faire sonner un ingrédient, à lui donner le chant. Cet ingrédient doit être soutenu, c est-à-dire sans doute concentré. On pensera aussi à donner de la richesse aux accords. De même qu une note seule est pauvre et un accord riche, on utilisera les arômes et les saveurs pour enrichir les arômes. Par exemple, les pâtissiers mettent du sel dans une pâte brisée sucrée. Dans ce même esprit, ils auraient intérêt à faire infuser de la réglisse dans l eau qui sert à mouiller la farine, et, peutêtre, à introduire également un soupçon de monoglutamate de sodium. Notons à ce propos que le sel dans une pâte sucrée ne se sent pas distinctement ; l usage de la réglisse ou du monoglutamate de sodium, dans le même type d usage, devrait être extrêmement discret. Un grand art, pour le compositeur ou pour le musicien, consiste à faire entendre une note qui n est pas jouée, une note insaisissable. Cette idée se transpose en cuisine : on part d un mélange connu, et on soustrait un ingrédient, qui reste présent parce qu il est culturellement associé au plat. Par exemple, la choucroute est invariablement associée à de l acidité. Imaginons la choucroute sans aucune acidité mais avec du goût : on pourrait avoir le plaisir de son acidité sans la percevoir. Autre exemple, le plaisir d une sauce à l estragon est parfois de percevoir «quelque chose» sans pouvoir l identifier. Et, après réflexion, on comprend et on s illumine intérieurement quand on comprend que cette note qui résonnait de façon indistincte est celle de l estragon. Comment faire sentir une saveur ou un arôme qui sont absents? On pourra essayer de faire sonner tous les goûts plus forts qu ils ne devraient. Il faut ainsi penser à l insaisissable : le goût fugace de la madeleine, celui qu on cherche. Quel plaisir que la cuisine devinette, où l on perçoit sans identifier nettement, parce que le goût nous provoque sans se démasquer! Pensons aussi à classer les ingrédients en termes d instruments de musique. C est un moyen de penser l orchestration. L organisation des goûts dans l assiette correspondrait peut-être à la répartition des instruments dans la salle de concert. Par exemple, le citron vert fait penser à une flûte piccolo, le citron à une clarinette, le sel à un violon, le sucre à un cor, etc. 145

74 On peu aussi faire des notes pures à l aide de composés définis, tels la vanilline, l eugénol, le menthol, etc. Enfin pensons que la musique est évocation. De même, la cuisine peut évoquer. Par exemple, Syrinx, de Debussy, fait penser à une chèvre et un pâtre dans les montagnes de Grèce. Ce serait un exercice salutaire que de chercher à obtenir de tels effets en cuisine. Que me fera une assiette qui me fasse penser à une chèvre gambadant? A un paysage de montagne? A un camion rouge? Les styles de cuisine sont alors comme les styles de musique : de même qu il y a un style classique, un style baroque, un style jazz, un style moderne, on retrouve des équivalents en cuisine. Dans toutes ces musiques, il y a des mouvements différents : les mouvements lents alternent généralement avec les mouvements rapides. Y a-t-il un équivalent culinaire de ce principe? Maintenant, la peinture : le tableau résulte d un dépôt définitif, figé, de la peinture, tout comme les goûts dans la cuisine. L oeil évolue dans le tableau, tout comme la fourchette évolue dans le plat. Celui qui regarde le tableau distingue des éléments : un arbre, un personnage... De même, on pourra créer dans l assiette des masses reconnaissables, qui correspondront à des goûts. Soit ces masses auront un goût intrinsèque, soit on les aura rendues goûteuses. Mais comment? Il faut préalablement extraire des goûts pour les redonner spécifiquement. Tant que nous y sommes à faire le sens par des dispositions dans l espace, évoquons ce sens qui apparaît quand on sépare ce qui est habituellement réuni : l esprit cherchera aussitôt l ingrédient manquant, et le trouvera à proximité. Par exemple, on cuit habituellement les lentilles au lard en une fois ; on pourra aussi cuire les lentilles, d une part, et le lard, d autre part, puis on pourra réunir les deux composants. L effet sera différent, sémantiquement, de celui qui consiste à cuire les lentilles au lard, et à ajouter du lard qui aura cuit à part. Dans ce dernier cas, c est un soulignement. Pensons que la peinture reproduit. Pourquoi la cuisine ne ferait-elle pas de même? On peut reproduire de façons variées. Par exemple, un loup en croûte dont la pâte est travaillée en forme d écailles est une façon de reproduire. Comme souvent, la reproduction n est jamais à l identique. Le chef doit interpréter. Par exemple, un citron peut être évidé et empli de mousse de citron, ou bien de la glace au citron peut être servie en forme de citron. Ou bien encore un dessert aura un goût de citron qui aura été entièrement créé par l artiste. Cette interprétation mérite qu on s y arrête, parce qu on a trop dit que les plats sont bons quand ils ont le goût de ce qu ils sont, déclaration avec laquelle je suis en désaccord total : il n existe pas un goût unique, idéal, de poulet, ou de lotte, ou d abricot. Reproduire, c est plus exactement créer : pour donner un goût de pomme à une pomme cuisinée, il faut l avoir voulu, l avoir pensé, l avoir exécuté en utilisant toutes les ressources de l art culinaire. En outre, les aliments ne pourront généralement jamais avoir le goût de ce qu ils sont, parce que nos souvenirs mettent la barre trop haut : quand nous mangeons un pâté à la viande, tel que nous le faisait notre grand-mère, nous mangeons le pâté, mais il nous manque la grand-mère, car nos souvenirs mêlent la nourriture et les conditions de leur 146 dégustation. Pour pallier cette insuffisance intrinsèque des mets, le cuisinier doit s attacher à donner un goût mieux perceptible, accentué, suggestif. Par exemple, Pierre Hermé fait un sabayon aux pommes où son art sert à engendrer le goût de la pomme. Il cuit la pomme, parce qu elle se dégage mieux, dit-il ; puis il y met du jus de citron, pour faire ressortir ce goût de pomme ; mais comme le goût soutenu est trop court, il le soutient par du gingembre, etc. Enfin, les noms des mets apportent à la musique de l ensemble. Attention à la difficulté de jouer de ce registre. On voit trop souvent des noms mal attribués sur les cartes, et il y a toujours le risque de la prétention. Notamment on voit souvent des mousses qui ne méritent pas leur nom, parce qu il n y a pas de bulles d air piégées. Attention : ce n est pas parce que quelque chose a du goût qu il est superflu de lui en donner. Le goût de base, c est la nature ; le goût qu on ajoute, c est l art. Par exemple, dans des champignons poêlés, on ajoutera du fond de volaille réduit. Pour conclure, pensons que toutes les associations sont permises. C est l art du cuisinier de trouver du sens, de donner du sens aux aliments, aux plats. Et, évidemment, donner un sens personnel n est pas tout : après l émetteur d un signal, il y a le récepteur, qui doit être capable de décoder. Tel qui entend le jazz n entend pas le baroque, et inversement. Parfois même, le cuisinier devra aller jusqu à cacher les associations par crainte d un refus a priori. Par exemple, beaucoup refuseraient de manger de la viande de cheval, de chat, de la cervelle de singe, ou du camembert avec de la framboise. 6. L extraction Nous avons vu sur quelles bases le cuisinier pouvait organiser les goûts dans les mets, mais nous n avons encore pas examiné les moyens techniques qui permettent de faire venir les goûts dans l assiette, en pratique. Deux cas principaux se présentent. Premièrement certains ingrédients qui font masse dans l assiette ont du goût ou peuvent acquérir lors des opérations de cuisson ; l art du chef consiste alors, notamment, à choisir les produits qui auront le plus de goût (conformément à des standard artistiques prédéfinis), soit qui seront les plus aptes à posséder du goût après les transformations culinaires. Deuxièmement le chef a souvent besoin d introduire dans une masse, solide ou liquide, un goût qui n y figurait pas. L ajout d épices est pratique depuis longtemps, en cuisine, mais d autres possibilités existent. Notamment la chimie peut être une aide utile, car elle a appris, depuis longtemps, à extraire des composés des produits naturels. Remarquons que les épices sont des matières aromatiques ou sapides solides. On peut aussi utiliser des molécules à l état liquide, que l on obtient soit pures, soit en solution. Ainsi on obtient des molécules pures par pressage : rompues par l action d une pression, les matières végétales ou animales laissent échapper leur contenu liquide, qui est récupéré. Ce contenu se sépare parfois spontanément en deux phases, l une aqueuse, et l autre «huileuse», qui dissolvent chacune des molécules différentes, avec, par conséquent, des goûts différents. Le broyage est une opération du 147

75 même type que le pressage, mais la déstructuration est plus poussée. Pour obtenir les molécules aromatiques ou sapides en solution, on peut placer les matières aromatiques dans un liquide, eau ou huile. Ce sont alors les techniques d infusion, de macération, de décoction qui visent à dissoudre les diverses molécules aromatiques ou sapides. Ces méthodes donnent des résultats différents, essentiellement parce que les molécules sont d autant plus extraite que le solvant (le liquide qui les dissout) est chaud et que l opération dure longtemps. - La macération, tout d abord, est l opération qui consiste à déposer un corps solide dans un liquide froid. Par exemple, ces huiles parfumées que l on obtient en laissant du basilic dans de l huile, et ces vinaigres que l on confectionne en mettant une branche d estragon dans du vinaigre sont des macérations. - L infusion est le procédé bien connu des buveurs de tisanes ou de thé : on extrait quelques molécules aromatiques ou sapides à l aide d eau chaude, sans faire bouillir. - Enfin la décoction est la préparation que l on obtient quand on a fait bouillir un produit dans un liquide. Par exemple, un bouillon est une décoction. molécules volatiles qui s évaporent se dissolvent dans la graisse. On remplace périodiquement les fleurs. Puis, quand la graisse est très enrichie en molécules volatiles, on dissout la graisse pour récupérer les huiles essentielles fragiles qui s y sont dissoutes. Notons enfin que l usage d ampoules à décanter ou de tout système analogue permet une extraction et un partage, à chaud ou à froid. Les ampoules à décanter sont faites pour recevoir deux liquides non miscibles (en cuisine, de l huile et de l eau). On les utilise pour séparer des molécules qui, pour certaines se dissolvent dans une phase, pour d autres passent dans l autre phase. Quand on récupère une phase d un côté, et l autre phase de l autre, on sépare les molécules dissoutes. Ainsi d un goût (celui des girolles, donné par des girolles entières), on peut en faire deux : celui des molécules aromatiques de girolle qui se dissolvent dans l huile, et celui des molécules aromatiques de girolle qui se dissolvent dans l eau. Chaque fois que de l eau est en présence de graisse, pensons que les diverses molécules sapides ou aromatiques se répartissent entre les deux phases. Les chimistes utilisent pour décrire cette répartition ce que l on nomme un coefficient de partage. 7. La synthèse Ces opérations de macération, d infusion ou de décoction s effectuent dans l huile ou dans l eau, et le nom de l opération dépend essentiellement de la température d extraction. Évidemment, plus cette extraction se fait à basse température, moins les arômes ou saveurs réagissent et moins ils se «dénaturent». L infusion vous semble proche de la décoction? Comparez alors l infusion que vous obtenez en mettant des feuilles de thé dans l eau pendant moins de trois minutes, et la décoction que vous effectuez à l aide des mêmes feuilles de thé : dans le premier cas, parfum délicat, et dans le second, amertume. Les chefs français connaissent intuitivement ce phénomène : notamment Madame Saint Ange ( La bonne cuisine de Madame Saint Ange, Éditions Larousse) ou Auguste Escoffier (Guide culinaire) indiquent même que le poivre ne doit pas séjourner plus de huit minutes dans la sauce 84. D autres opérations utilisées en chimie sont des formes perfectionnées de ces opérations. L extraction au soxhlet est une extraction en continu, à chaud, avec recyclage des produits. Elle n a pas encore cours en cuisine. La distillation, à pression ambiante ou non, pourrait être facilement mise en oeuvre afin d extraire plusieurs fractions aromatiques différentes d un même produit. L enfleurage est une forme extrême de la macération en phase grasse. On dépose des produits aromatiquement délicats (par exemple, des fleurs) sur une graisse neutre, solide ; on enferme le tout, de sorte que les 84 Est-ce vrai? Le premier test de ce tour de main a été effectué lors d'un stage de la Fondation Auguste Escoffier, à l'hôtel Martinez, en février 1994, à Cannes. Nous avons préparé un bouillon, nous l'avons divisé en deux moitiés égales, que nous avons placées sur deux feux identiques. Dans une des deux casseroles, nous avons mis 15 grains de poivre, tandis que nous laissions l'autre partie sans poivre. Après 15 minutes de cuisson, nous avons ajouté 15 grains de poivre dans l'autre bouillon et prolongé la cuisson des deux bouillons pendant quatre minutes. Puis nous avons goûté les deux bouillons en aveugle. L'effet était indiscutable : le bouillon où le poivre avait bouilli longtemps avait perdu son piquant et sa fraîcheur. Ce phénomène s interprète facilement : comme quand on prépare du thé, les arômes volatils sont les premiers extraits, puis les molécules les plus fortement liées, tels les tanins, passent en solution. Dans le cas du poivre, la capsaïcine (responsable du piquant du poivre) étant volatile, elle est rapidement extraite, puis éliminée, tandis que les tanins sont progressivement extraits. Le piquant se perd et l'âcreté (ou l'astringence) apparaît. 148 Nous avons évoqué la fragilité des arômes, leur dénaturation... Cela nous amène à considérer que les molécules aromatiques ou sapides peuvent réagir chimiquement quand on cuisine. Inversement les chimistes et les biologistes savent utiliser des réactions chimiques pour synthétiser de nouvelles molécules, soit dans le plat, soit avant sa confection. La synthèse chimique peut faire presque n importe quelle molécule aromatique à la demande, mais comment la chimie nous aide-t-elle à faire ces synthèses en cuisine? Les réactions les plus évidentes sont les réactions de Maillard et les caramélisations, mais bien d autres possibilités existent. Un mot d abord sur les réactions de Maillard : quand on chauffe un sucre avec un acide aminé, les atomes des deux molécules se réarrangent : un atome d oxygène et deux atomes d hydrogène partent sous la forme d une molécule d eau, tandis que les autres atomes forment une molécule que l on nomme un composé d Amadori ou de Heyns. Puis ce composé se transforme ensuite par quatre voies, pour former des composés aromatiques légers et des polymères colorés nommés mélanoïdines. On a découvert il y a peu que les graisses participent à ces réactions, après la formation des composés d Amadori ou de Heyns. Par exemple, le risssolage de viandes, singées ou non, la confection de roux, sont des façons de synthétiser chimiquement arômes et saveurs. Dans un roux, on n a pas le même goût quand on cuit beurre et farine, ou quand on cuit beurre clarifié et fécule. Dans le premier cas, le goût est plus riche parce qu on a fait des réactions de Maillard entre les acides aminés de la farine ou du beurre et les sucres détachés lors de la cuisson de l amidon. D autre part, on n a pas les mêmes résultats gustatifs quand on rôtit une volaille bardée ou non. Comment utiliser ce qui n est pour l instant que description? Les chimistes qui ont étudié les réactions de Maillard ont découvert que les molécules finalement formées changent selon l acidité, la 149

76 teneur en eau, la température et, naturellement, selon les sucres et acides aminés qui servent de réactifs. En pratique, on pourra donc commencer par tester des changements d acidité (à l aide d acides et de bases naturels, tels le vinaigre, le vin, le jus de citron, le bicarbonate de sodium), soit changer la température. Puis on pourra aussi tester des changements de la teneur en eau. On évaluera très simplement les changements de goûts dus à des réglages différents de la température. Enfin on pourra changer les réactifs, par ajout de certains sucres (glucose, lactose, fructose, saccharose...) ou par ajout d acides aminés spécifiques sur les matières à brunir. Un mot à propos des réactions de caramélisation, maintenant : on fait généralement les caramels à partir de saccharose (le sucre blanc de table) qu on chauffe en présence d un peu d eau. Toutefois on peut aussi caraméliser d autres sucres (les caramels de glucose ont un goût puissant avant d avoir de la couleur ; les caramels de fructose ont un goût de raisins confits) ou modifier le cours des réactions de caramélisation en ajoutant un acide ou une base dans le caramel en train de cuire. assure la dispersion dans l eau de l aliment ; la liaison entre les cyclodextrines et les molécules aromatiques ralentit la libération de ces derniers. Toutefois les aliments contiennent peut-être déjà des molécules susceptibles d encapsuler les molécules aromatiques. On pensera notamment aux molécules comme l amylose (qui s enroule en hélice autour de molécules hydrophobes) de l amidon ou la gélatine. Ce champ est certainement destiné à se développer. En pratique, la libération contrôlée des molécules aromatiques ou sapides est fondamentale, parce qu elle est la clé du jeu sur le registre temporel des goûts. Par exemple, l association de deux molécules ayant des volatilités très différentes est la garantie d une libération successive, et non simultanée, de ces molécules. C est par ce type de moyens que l on donne de la longueur en bouche aux mets. On conservera l idée générale que les arômes peuvent être : tels, en solution ou englobés dans des compartiments de diverses tailles, dissous en présence de molécules avec lesquelles ils ont plus ou moins d affinités. Plus généralement, on pourra synthétiser des arômes et des saveurs en effectuant des réactions de chimie organique (hydrolyse, condensation, estérification...). On pensera notamment que les esters, les aldéhydes... sont souvent des molécules aromatiques ou goûteuses. Cette idée devra être développée soigneusement. C est une mine d or. Notons que la chimie peut être épaulée par la microbiologie : diverses fermentations engendrent des goûts nouveaux. Pensons à la choucroute, au saucisson, aux fromages, au pain... Enfin pensons que les extractions culinaires classiques sont parfois la cause de réactions. Par exemple, quand on réduit un vin blanc ou rouge, ou même un bouillon, on provoque des réactions qui engendrent des molécules aromatiques ou sapides. De même, la récupération de sucs attachés à une casserole ou à une poêle est une alliance de l extraction et de la synthèse. Ces arômes et saveurs étant extraits ou synthétisés, comment les utiliser? Notons que les fines herbes sont un mode naturel de conditionnement. Le plus primitif et pas nécessairement le meilleur. D ailleurs, si l on s y prend bien, on peut récupérer les arômes et saveurs des herbes pour les distribuer différemment, éventuellement favoriser leur dégagement Remarque pratique : c est sans doute pour cette raison que certains chefs cisèlent très finement la ciboulette, par exemple); Notons que les épices peuvent être sous plusieurs formes : en poudre, en graines entières, en infusion, en macération... Notons enfin que les cuisiniers asiatiques ont bien compris intuitivement les questions de compartimentation : ils s attachent à découper de façon spécifique. Ces découpes ont, certes, un rôle de texture, mais la division correspond aussi à une différenciation des goûts. 9. Le conditionnement en produit pur 8. Le conditionnement des molécules aromatiques et sapides, clef de l organisation temporelle Les molécules aromatiques et sapides ayant été extraites sont souvent soit en solution, dans l eau ou dans l huile, soit pures (huiles essentielles ou produits de la synthèse chimique), soit en poudre (épices). Comment les communiquer à l aliment qui doit les recevoir? L industrie agro-alimentaire qui se préoccupe d aromatisation depuis plusieurs décennies s est souvent heurtée à la faible longueur en bouche des aliments aromatisés, c est-à-dire qu elle ne maîtrise pas ce que nous avions assimilé au rythme de la cuisine. Les molécules aromatiques, souvent volatiles, ne subsistent pas suffisamment longtemps pour donner une impression olfactive suffisante, et l on a été obligé d augmenter les doses. D où les études sur le ralentissement de libération. Les moyens testés ont été généralement des encapsulations dans des structures physiques (liposomes, par exemple, et, plus généralement, dans des phases émulsionnées) ou dans des molécules. Cette seconde voie, encore peu testée, semble d avenir. Les chimistes se sont beaucoup intéressés aux cyclodextrines, molécules en forme d abat-jour, avec une partie hydrophobe, comme les molécules aromatiques, et une partie hydrophile, externe, qui 150 Ce type de conditionnement est difficile à utiliser, parce que bien rares sont les molécules aromatiques ou sapides qui ne soient pas dangereux à l état pur. A noter que les huiles essentielles, qui sont des mélanges de composés aromatiques ou sapides quasi purs ne sont pas les seuls produits de ce type. Les molécules de synthèse sont également des conditionnements en produit pur. On devra apprendre à les utiliser. Pour parvenir à utiliser ce type de conditionnement, on pourra utilement penser à un système de pulvérisation ou de dispersion de type émulsion. 10. Le conditionnement en solution Cette solution peut être de l eau, de l huile, de l alcool, etc. La solution peut être diluée ou concentrée. Notons que les graisses ont la double propriété de dissoudre les molécules aromatiques ou sapides solubles dans les graisses (beaucoup d entre elles) et de coller à la bouche, ce qui prolonge la sensation. Notons aussi que la rétention d une molécule en solution dépend du solvant : la même molécule aromatique n a pas la même volatilité selon qu elle est dissoute dans l huile (les interactions 151

77 de la molécule aromatique et de l huile sont faibles) ou qu elle est dissoute dans l eau. Tout dépend du type de molécule aromatique et des liaisons qu elle établit avec son solvant. 11. Le conditionnement supramoléculaire Quand des molécules aromatiques ou sapides sont en présence de molécules non volatiles avec lesquelles elles établissent des liaisons faibles (liaisons hydrophobes, liaisons hydrogène, liaisons électrostatiques, ponts disulfures ou, au pire, liaisons covalentes), les molécules aromatiques ou sapides sont retenues ; leur libération est retardée. Pour comprendre et maîtriser ces rétentions, on examinera la composition moléculaire des molécules aromatiques ou sapides, et l on cherchera des complémentarités possibles dans les masses où ces molécules sont dispersées. On devra notamment savoir que les molécules d amylose ou d amylopectine ont des groupes -CH2OH, -OH, -O- qui ont soit des doublets d électrons, soit un atome d hydrogène polarisé. De même, la gélatine a des groupes -OH, -COO- ou -COOCH3, qui possèdent le même type de caractéristiques électroniques. Or les molécules aromatiques ont parfois des propriétés complémentaires, qui favorisent l association. D autre part, l amylose peut se structurer en hélice autour de composés hydrophobes. Les molécules aromatiques ou sapides ayant cette propriété, ils peuvent être retenus dans ces hélices. A ce propos, on doit évoquer la notion de support. Le riz, les pâtes, les féculents, les pommes de terre, les farines de châtaignes ou de maïs, la gelée ont une neutralité (toute relative) qui autorise l ajout de goûts variés. Cette propriété est sans doute due à des liaisons faibles entre les molécules du support et les molécules aromatiques ou sapides. Toutefois la notion de support est générale : toute viande, poisson, oeuf, légume peut servir de support. D ailleurs, souvent la viande n est que le support des composés de Maillard créés en surface par le brunissage. molécules aromatiques ou sapides. Les fines herbes sont une façon naturelle d utiliser des microcompartiments. Notons que leur ciselage leur donne des rôles différents. A ces systèmes naturels s ajoutent tous les systèmes artificiels, tels que les émulsions, les suspensions, les mousses, les pâtes... Dans les émulsions, il y a dispersion de gouttelettes d une phase huile dans une phase eau, ou bien dispersions de gouttelettes d eau dans de l huile ou de la graisse. Pensons que les molécules aromatiques ou sapides peuvent être dans la phase dispersée ou dans la phase dispersante. Par exemple, le trans hexanal de l huile d olive se trouve plutôt dans les gouttelettes d huile d une mayonnaise, tandis que le citron ajouté à cette même mayonnaise sera dans la phase aqueuse dispersante. Dans une mayonnaise, le jus de citron a un effet considérable, parce qu il vient dans la phase eau, qui est en petite quantité. Notons qu une même émulsion retiendra plus ou moins les arômes, selon les compositions respectives des solutés (les molécules dissoutes) et du solvant. Une émulsion faite avec une huile saturée retiendra différemment les molécules aromatiques qu une émulsion avec une huile polyinsaturée. Une même émulsion retiendra aussi davantage les arômes selon la microstructure. La même mayonnaise change de goût si elle est puissamment battue, de sorte que ses gouttelettes soient plus fines. Ce pourrait être d ailleurs une façon de faire du sens que de juxtaposer la même émulsion différemment confectionnée. Notons que, dans les émulsions, la volatilité d une molécule aromatique dépend de la solubilité de cette molécule dans l huile et dans l eau. Par exemple, la solubilité de l heptanone-2 est plus grande dans le lait entier que dans le lait écrémé (qui se comporte comme un solvant de type eau). On pensera aussi que la perception dépend de la vitesse de migration des molécules ; de ce fait, les petites molécules diffusent plus rapidement que les grosses. 13. Le conditionnement en macro-compartiments Attention aux rétentions excessives : une gelée trop forte en gélatine, ou une confiture contenant trop de pectine n ont pas de goût, parce que les molécules aromatiques ou sapides sont excessivement liées à la gélatine ou à la pectine. Pensons que les protéines, avec leurs parties hydrophiles et leurs parties hydrophobes, avec leurs possibilités de repliement, peuvent facilement se lier aux molécules aromatiques. De même pour les polysaccharides. On se souviendra aussi que l amidon ne se lie aux molécules aromatiques qu après gélatinisation et que la composition de l amidon, en amylose et en amylopectine, explique que divers amidons ne captent pas les arômes de la même façon. Enfin on conservera à l idée que les interactions hydrophobes, plus que les interactions hydrophiles, sont responsables de la liaison des molécules aromatiques en solution. Une autre façon de retenir les molécules aromatiques ou sapides consiste à les séquestrer dans des compartiments séparés. C est ce que l on fait dans un pâté, dans une volaille ou toute autre préparation farcie (soufflés, endives, suprême de volaille...). L herméticité des compartiments permet de conserver le goût. Par exemple une note de tête (voir plus loin) s échappera au moment précis où le compartiment est ouvert. Dans ce type de conditionnement, penser à la notion de taches, d îlots. Par exemple, des zestes d oranges confits dans une crème anglaise. Ou des framboises dans un fromage blanc. 14. Le conditionnement en masse 12. Le conditionnement en micro-compartiments Les molécules aromatiques ou sapides peuvent être retenues lorsqu elles sont dans des systèmes dispersés. Par exemple, les cellules végétales sont des micro-compartiments, qui contiennent diverses 152 Il s agit cette fois de disperser les molécules aromatiques ou savoureuses dans une masse solide. Il peut s agir d une pièce unique ou d une pâte. Par exemple, une marinade conduit à donner à une viande un goût qu elle n avait pas naturellement. Notons que les pâtes utiles pour l aromatisation peuvent être variées : échalotes hachées, cuites et mixées, purée de carotte, fonds d artichaut écrasés. 153

78 15. L organisation souvent un bon moyen de séparer les filets d un poisson ou de désosser une viande : le mangeur ne s égare alors pas sur les arêtes ou sur les os, et il peut faire son parcours gustatif en toute quiétude. Disposant de techniques avec lesquelles on retardera à volonté la libération des molécules aromatiques ou sapides, nous pouvons maintenant reprendre utilement des notions mises au point par les parfumeurs. Ceux-ci, notamment, composent les parfums en constituant une note de tête, un corps et une note de queue. Les molécules les plus volatiles font les notes de tête. Les molécules les plus lourdes font les notes de queue. Pour que le parfum soit réussi, il doit avoir de la durée, tout comme le plat doit avoir de la longueur en bouche. Par conséquent, pour parvenir à une composition analogue à celle du parfumeur, le cuisinier aura intérêt à doubler sa connaissance de la volatilité propre des molécules aromatiques ou sapides avec la maîtrise des rétentions. Par exemple, le basilic, le cerfeuil, la menthe, le combawa (une sorte de citron) et les premiers arômes du thé ou du poivre font des notes de tête. Les molécules à faible tension de vapeur, en solution dans les graisses, feront de bonnes notes de queue. Par exemple, le lait de coco ou la vanille dans de la crème font des notes lourdes, de queue. On pensera à l ensemble des phénomènes physico-chimiques qui déterminent la volatilité des molécules. Par exemple, la volatilité change selon la température : on pourra en jouer pour faire changer certaines molécules de catégorie. Par exemple, du cerfeuil dans une partie froide d un plat pourra se faire sentir après de la vanille dans une partie chaude. On peut ainsi inverser la perception habituelle des molécules aromatiques ou sapides. Un même ingrédient traité de plusieurs façons différentes prendra de l importance, d une part parce qu on lui donne plusieurs goûts, et d autre part, parce qu il peut tenir plusieurs rôles dans l assiette. On met de l emphase, c est-à-dire du sens. 16. L organisation A ce stade, nous avons considéré que la cuisine doit faire sens, et nous avons envisagé les moyens techniques que le cuisinier peut utiliser pour répartir des molécules aromatiques ou sapides dans un plat. En revanche, nous n avons pas encore examiné comment les masses gustatives pouvaient être organisées. On peut penser à des répartitions verticales, ou horizontales, ou à des montages plus complexes (au risque que le mangeur ne sache se déplacer dans l assiette conformément à l idée organisatrice). Cette remarque permet de comprendre pourquoi l architecture eut tant d attraits pour certains cuisiniers, tel Antonin Carême. Exemple : des feuilletages, des couches, des superpositions, des juxtapositions permettent une salutaire confrontation. Notons que le fait d avoir des textures différentes, dans un plat, correspond souvent à des rétentions différentes des goûts. Par exemple, un canard rôti accompagné d une sauce faite à partir d un fond dudit canard a deux fois le goût de canard, dans deux contextes de rétention aromatique différents. Notons aussi que le parcours du mangeur, dans l assiette, devra être clair, pour que l effet perçu soit l effet voulu. C est pour cette raison que c est Quelques règles simples de cuisine Pour terminer, quelques règles utiles à connaître pour parvenir aux buts précités. Les chefs disposent de bien d autres indications. Il sera utile de les ajouter. La cuisine sait être économe en produits ; elle peut l être aussi en goûts. Par exemple, on évitera de jeter l eau de cuisson d un légume, parce qu y sont dissous des composés aromatiques libérés par l éclatement des cellules végétales. Et, dans les cuissons à l anglaise (peu conseillées, parce qu on jette classiquement l eau de cuisson, en perdant ce qui s y trouve), on ajoutera des ingrédients aromatiques ou savoureux : sel, laurier, thym, etc. Notons que c est un meilleur principe d effectuer de telles cuissons non dans l eau pure, dans une solution aqueuse gustativement appropriée. Notons à ce titre qu une cuisson de pomme de terre à l eau n est pas une panacée. On n y est pas condamné! Les mêmes légumes, cuits dans la graisse, libéreront d autres composés ; de même que l on propose de conserver les eaux de cuisson, on conservera la graisse de cuisson, si elle n a pas noirci excessivement, parce qu elle se sera enrichie de composés goûteux. Remarque : les légumes libérant des molécules différentes dans les deux milieux (graisse et eau), on obtiendra des variations sur un thème en réunissant les deux cuissons. Ne pas cuire ensemble les divers légumes d un même plat permet de conserver des goûts différents, dont la réunion engendrera le contraste cherché. La même remarque s applique aux champignons. Notons que le goût dépend de la texture. Une façon simple de faire des variations de goût avec un seul ingrédient consiste à faire des variations de texture. Notons que l on n a pas encore testé systématiquement les variations de texture des viandes. La science des aliments a identifié les températures à partir desquelles se déclenchent les diverses réactions (coagulations, dissolutions...) dans les viandes. En contrôlant bien al température de cuisson, on détermine la texture. Mieux encore, pour obtenir un plat bien conçu, on créera des morceaux de différentes tailles. Quand on cuisine, soit on met des ingrédients aromatiques en début de cuisson pour que des morceaux s en imprègnent, soit on veut les faire entendre et on les met plutôt dans la sauce. Une viande ou un poisson peuvent prendre du goût en surface (cuisson brève et forte) et en masse (cuisson longue dans un liquide goûteux : il faut que les molécules aromatiques et sapides aient le temps de diffuser dans la viande). Les deux possibilités ne s excluent pas (noter que si l on effectue un brunissage initial, les molécules aromatiques et sapides créées diffuseront ensuite dans la masse et dans le liquide environnant). En cuisine classique, on dispose de trois tons : viande ou poisson, garniture, sauce. Pensons que l architecture des goûts ne doit pas faire oublier l esthétique visuelle de l assiette. Celle-ci est une promesse. 155

79 Enfin la cuisine n est pas tout : quand nous mangeons, nous ne profitons pleinement du plaisir de manger que si nous sommes en sécurité. Il y a dans l adulte le nouveau-né qu il a été, et qui tétait le sein maternel, enveloppé par les bras de la mère. C est cela que bien des restaurants recréent sans le savoir. Et de la même façon que deux mères ne sont pas identiques, bien des cadres de restaurants sont possibles. Ils plairont sans doute à des catégories différentes de convives. Pour finir, quelques lois universelles : Loi de la juxtaposition : un ingrédient paraîtra fade s il est placé à côté d un autre ingrédient de même goût plus soutenu. Mais ce dernier sera alors rehaussé. Loi de la longueur : un goût paraîtra plus long en bouche s il est mis dans plusieurs contextes de rétention différents. Loi du support : tout ingrédient en masse peut servir de support à des composés aromatiques ou sapides pourvu que sa concentration en ces molécules soit inférieure. Par exemple, des framboises dans du fromage blanc. A.5. Menu "Science et Cuisine" Ce menu est dû au travail conjoint d'hervé This et de Pierre Gagnaire. Il fut initialement proposé au Cercle de l'académie des Sciences le 20 mars 2000 et marque le début de la collaboration entre les deux hommes (cf annexes A.8 et A.9). La version présentée ici est un peu différente de la version initiale qui comprenait: - Pain grillé, lard blond, raisins frais mi-séchés - Soupe à l oignon, tuile de poire au reggiano - Gelée au vin jaune du Jura, patate douce et noix de ris de veau grillée - Jus de crustacé émulsionné à l huile d olive santa tea, bouquet d oreille du diable et riquette au céleri rave - Écume de bière à l eau de mer ; bouquet d asperges pitchounes et artichaut maco aux noisettes torréfiées. - Jus vert, mousseline de poivron rouge et gnocchi à l encre - Feuilletage croustillant, tartare de boeuf, dorade royale et langoustine ; béarnaise Herve This - Coffre de canard Pékin macéré "cumin-cannelle", marmelade de papaye et mangue verte ; crumble d amande - Vieux Comté millésimé 1996, roquefort " travaillé " aux navets et petit suite à l eau de vie. - Granité et suc de carotte à l huile d argan - Biscuit soufflé au cassis, caramel réglissé en gelée, fruits rouges aux feuilles de céleri - Le Chocolat été 2000 selon un principe de Hervé This Loi de la constitution : un plat aura davantage de longueur s il a une tête, un corps et une queue. Par exemple, un pain perdu (support du beurre, note de queue), avec des abricots caramélisés (notes de corps et de queue) et une feuille de menthe ou du jus de menthe (note de tête). Loi de la dominance : une masse d une saveur majoritaire doit toujours être réveillée par une autre masse. Par exemple, un plat très sucré doit être acidifié. Un plat très acide doit être adouci. On retrouve bien sûr dans la version ultérieure ci-dessous le même "esprit" et les mêmes intentions dans l'élaboration des plats. Pain grillé au lard blond et raisins mi-séchés Pour faire du pain, il faut que la farine contienne ce que l on nomme du gluten, des protéines qui se lient en un réseau élastique, qui permet le gonflement. Comment faire du pain de châtaigne quand la farine de châtaigne ne contient pas ce gluten? En récupérant le gluten du blé et en l ajoutant à la farine non panifiable de châtaigne. Nous avons le pain parce que nous avons le blé : depuis le travail du chimiste italien Jacoppo Beccaria, en 1754, nous savons que le pain est composé de gluten et d amidon. L expérience est facile à reproduire : il suffit de pétrir de la farine avec de l eau, puis de malaxer le pâton formé dans une grande bassine d eau ; s échappe une poudre blanche, faite de grains d amidon, tandis qu il reste entre les mains une masse élastique, le gluten. L amidon est fait de sucres complexes, le gluten de protéines. C est la présence du gluten qui permet la confection du pain, puisque ce réseau élastique est détendu quand les levures introduites dans la pâte produisent des bulles d air en fermentant l amidon : le gluten, telle la peau d un ballon que l on gonfle, s étend et conserve au pâton une forme de boule ; sans lui, la pâte s étalerait à la façon d une crêpe. Peu de farines contiennent du gluten, de sorte que peu de farines peuvent donner lieu à la confection de boules de pain. Il est impossible, par exemple, d obtenir une boule de pain de maïs, d avoine, de châtaigne Comment obtenir un peu de variété gastronomique? Comment faire ces pains variés que l esprit du gourmand réclame? Les boulangers ont trouvé

80 une solution, en mêlant les farines non panifiables à de la farine de blé, mais ce procédé nuit au goût original des farines introduites. Pour obtenir un pain pur châtaigne, nous avons repris l expérience du chimiste italien, et avons extrait le gluten de la farine de blé, puis nous avons ajouté la farine dont nous voulions faire du pain. C est ainsi qu a été confectionné le pain à la châtaigne servi ici. Autre point: le pain se fait couramment avec de l eau, mais pourquoi cette eau n aurait-elle pas de goût? Ici, du lard blondi et des raisins mi séchés ont été introduits dans le pain, mais on a renforcé le goût du pain à l aide du jus de déglaçage du lard. Jus de crustacé émulsionné à l huile d olive santa tea, bouquet d oreille du diable et riquette au céleri rave On obtient une "mayonnaise sans œuf" en généralisant le principe de l aïoli. L eau où l on disperse la matière grasse sous la forme de gouttelettes peut alors être puissamment parfumée, et la sauce évolue vers un système hybride entre le gel et l émulsion. Les émulsions s obtiennent par dispersion d un corps gras liquide dans de l eau, sous la forme de gouttelettes très petites, ou bien par dispersion d eau dans un corps gras, toujours sous la forme de gouttelettes. Par exemple, la mayonnaise est une émulsion d huile dans de l eau, laquelle est apportée par le jaune d œuf et par le vinaigre (pas par la moutarde, bien que cette dernière contienne du vin blanc et du vinaigre, c est-à-dire de l eau : la moutarde ne devrait pas figurer dans la sauce mayonnaise, car une sauce mayonnaise avec moutarde devrait être nommée rémoulade, puisque, selon le cuisinier Philéas Gilbert, «la moutarde constitue la condimentation spéciale de la sauce rémoulade, et qu il importe d observer entre les deux sauces une différence de savorisme». Eau, huile : chacun sait que ces deux ingrédients ne suffisent pas pour faire une sauce émulsionnée. En effet, de l huile pure que l on disperse dans de l eau pure vient bientôt «crémer», en raison de sa densité faible, et elle finit par former une couche au-dessus de l eau. Il manque un ingrédient stabilisateur : dans la sauce mayonnaise, ce sont les protéines apportées par le jaune d œuf. On dit que ces protéines sont «tensioactives». Oui, mais le jaune d œuf a un goût puissant, qui gêne la confection d émulsions ayant des goûts originaux. C est pourquoi j ai proposé que l on utilise de la gélatine : ce sont encore des protéines, et elles ont les propriétés tensioactives voulues. D où l idée : dans n importe quelle eau ayant du goût, on dissout de la gélatine, puis on ajoute une huile (aromatisée, si l on veut) en fouettant. On obtient ainsi une émulsion froide. Soupe à l'oignon, tuile de courge et galette de parmesan A la base de ce plat, une question : quel volume maximal d eau peut-on ajouter à un œuf de façon à obtenir un flan? Le calcul indique : environ un litre. Comment cuire alors ce "flan de l extrême"? La réponse met en œuvre des résultats de physique sur la diffusion des molécules. Ce plat a l intérêt supplémentaire de contenir peu d'œuf, ce qui évite une liaison des arômes aux protéines de l'œuf. A la grande tendreté du flan s ajoute une meilleure perception des arômes. Combien d eau peut-on gélifier chimiquement à partir d un œuf? La question est évidemment provocatrice, en introduisant ce «chimiquement» qui fait craindre l empoisonnement. Pourtant les faits sont là : un blanc d œuf que l on cuit, sur le plat, à la coque, dur peu importe, est un solide obtenu par gélification chimique. Ce type 158 de gélification se distingue de la gélification physique des aspics ou des confitures : ces gélifications physiques, elles, sont réversibles. Si l on fond un gel de gélatine, on obtient un liquide, mais ce liquide forme à nouveau un solide, quand il refroidit. Les gels gélifiés chimiquement sont définitifs. Comment s effectue cette extraordinaire transformation qu est la solidification d un liquide? Dans le cas simple du blanc d œuf, on part d une solution de protéines :le blanc d œuf est composé de 90 pour cent d eau, et de dix pour cent de protéines variées, lesquelles sont comme de minuscules pelotes repliées sur elles-mêmes. Lors d un chauffage, ces molécules sont agitées, et les protéines sont un peu déroulées, ce qui permet leur liaison : les protéines se lient, formant un vaste réseau, où l eau est piégée, tels des poissons dans le filet que forme le réseau de protéines. D où la question : on sait que les protéines du blanc d œuf, soit environ 3 grammes, suffisent à faire coaguler le blanc d œuf (30 grammes), puisque le phénomène s effectue lors de la cuisson d un blanc d œuf. Mais on sait aussi que un pour cent de gélatine seulement suffit à faire gélifier l eau : il y a donc de la marge, dans le cas du blanc d œuf, de sorte que l on peut sans doute ajouter de l eau à celui-ci de sorte qu il prenne encore. Plus précisément, en supposant que la gélatine et les protéines du blanc d œuf se comportent de même, on devrait pouvoir gélifier au moins 300 grammes d eau avec les protéines d un blanc d œuf. Et avec un œuf entier, la quantité d eau que l on peut gélifier chimiquement atteindrait 1800 grammes d eau, soit plus d un litre et demi! Comment savoir si cette estimation est juste? Par l expérience : à un œuf entier, battu, on ajoute d abord un volume d eau et l on cuit : la coagulation se produit. On augmente alors et on ajoute deux volumes d eau à un œuf que l on cuit, puis trois volumes, quatre, cinq et l on observe, ainsi, que l on peut gélifier près d un litre d eau avec un œuf (moins, si l œuf est petit). Ce qui reste, comme idée, c est que l on a de la marge, d une part, pour ajouter un liquide qui a du goût : bouillon, vin D autre part, on observe que le gel chimique formé avec des quantités croissantes d eau est de plus en plus délicat : c est normal, puisque le même filet piège des quantités croissantes de liquide. En prime, le goût du liquide ressort de mieux en mieux : d une part, la proportion de jaune d œuf diminue, mais, d autre part, les protéines qui risqueraient de se lier aux molécules odorantes, peu solubles dans l eau, sont en proportion décroissantes. Quelle eau ajouter à un œuf, finalement? C est la question posée au Cuisinier. Gelée au vin jaune du Domaine Pasteur, salpicon de ris de veau aux fèves Pour obtenir la gelée, on utilise des résultats fondamentaux de physique : Pierre-Gilles de Gennes et quelques uns de ses collègues avaient voulu décrire la prise d un gel par la théorie physique dite de la "percolation". On a repris les idées de ce travail en cuisine, afin d obtenir des gelées mieux prises, à partir d une quantité de gélatine réduite. La perception des arômes en est augmentée parce que ces molécules ne sont pas liées par la gélatine. En outre, la texture de la gelée obtenue est ferme sans être cassante. La question des gels revient ici, mais pour des gels physiques, obtenus par utilisation de gélatine. Il s agit d utiliser un liquide, qui se boit et ne se mange pas, pour en faire un solide, qui ait une tenue permettant sa consommation. Mieux encore, les aspics ont une transparence et une texture merveilleuse : cette dernière est fluide, mais non pas aqueuse. Elle s obtient, nous l avons vu à propos de la soupe à l oignon, par formation d un réseau, en raison de la liaison des molécules de protéines. Pour les gels de gélatine, ces liaisons se font par trois. Où la science peut-elle se rendre utile, lors de la confection des gels? En recommandant une gélification assez lente, d une part, et une proportion de gélatine aussi faible que possible, d autre part. Commençons à 159

81 rebours, en expliquant d abord l importance de la concentration faible en gélatine. Une gelée très fortement «collée», comme disent les cuisiniers, a peu de goût : les molécules odorantes et sapides étant très retenues par le gel accèdent difficilement à nos récepteurs gustatifs. De surcroît, la gélatine peut établir des liaisons avec ces molécules odorantes ou sapides, ce qui amoindrit encore leur effet. La lente prise des gelées permet, coup de chance, de réduire la proportion de gélatine : il a été démontré que les gels de gélatine formés trop rapidement sont cassants et aqueux, parce que les molécules de gélatine ne peuvent se lier de façon optimale. En revanche, des gels de gélatine formés lentement ont une structure plus solide, qui résiste mieux au réchauffage. A concentration en gélatine constante, une prise lente fait une gelée plus ferme de sorte qu une prise lente permet une réduction de la concentration en gélatine. Tout est là, et la question peut alors se poser : quel liquide délicieux faire gélifier? Feuilletage croustillant, tartare de Saint Jacques et gras de seiche au gingembre, mousseux au thé vert Une mousse est, au fond, un système physique composé de bulles d air dispersées dans un liquide ou dans un solide et stabilisées par des molécules dites tensioactives (elles "enrobent" les bulles). Or la plupart des tissus végétaux ou animaux contiennent de telles molécules tensioactives en abondance : ces tissus sont composés de cellules, dont les membranes sont précisément des molécules tensioactives. C est cette idée qui est employée ici pour obtenir une mousse originale. Nous avons joué avec des émulsions, avec des gels Il fallait jouer des mousses. Les physico-chimistes en distinguent deux type : les mousses liquides et les mousses solides. Les premières sont les mousses habituelles, comme celles de nos bains moussants, faites de bulles d air dispersées dans l eau. Les secondes ont une armature solide : on connaît les mousses de polyuréthannes, qui servent d isolant, mais le monde de la cuisine fréquente plus souvent les meringues, par exemple. Comment les obtenir? Il suffit d introduire des bulles d air dans un liquide, pour faire des mousses solides. Quel liquide? De l eau, par exemple, où seront dissoutes des molécules qui donneront du goût. Naturellement, l air ajouté dans l eau n y subsiste pas, et il faut aussi ajouter des agents moussants. On sait que les protéines sont de tels agents : la preuve en est que le blanc d œuf, composé d eau et de protéines, mousse quand on le fouette. La gélatine, aussi, peut mousser, et elle a l avantage de former une mousse gélifiée quand elle refroidit. D où la proposition : on part d un liquide goûteux, c est-àdire odorant et sapide, dans lequel on dissout de la gélatine ; puis on fouette. On obtient une mousse, avec des bulles d air dispersées dans la solution de gélatine. Cette dernière forme les parois des bulles, et elle gélifie en refroidissant. Au fait, comment introduire les bulles? Le fouet suffit bien sûr, mais c est un piètre instrument. Pourquoi ne pas utiliser une pompe à vélo, ou bien une pompe d aquarium qui insufflera de l air? Ou encore une bombe contenant du gaz sous pression, qui viendra faire mousser? C est quand même plus rapide et les laboratoires sont pleins de matériels que la cuisine pourrait utilement reprendre pour ses usages subtils! Bouillon de poule truffé, Gnocchis traditionnels La mise en application de quelques idées simples sur les infusions, décoctions, macérations. Ce plat pose aussi une question : pourquoi les gnocchis qui sont jetés dans l eau bouillante remontent-ils à la surface quand ils sont cuits? 160 Ici, c est la question du gnocchi qui nous préoccupe. Plus précisément, le gnocchi pose deux questions. D une part, il y une question technologique : on dit qu il est cuit quand il flotte, mais est-ce vrai? D autre part, il y a la question scientifique qui me passionne bien davantage : pourquoi flotte-t-il? Car c est un fait que les gnocchis tombent d abord au fond de la casserole où on les poche, avant de revenir flotter à la surface. On trouvera dans mon livre Casseroles et éprouvettes la réponse à la question de pourquoi les gnocchis flottent, mais puisqu il s agit ici d invention culinaire, donc de technologie, je resterai collé à la première question : estil exact que les gnocchis sont cuits quand ils flottent, comme le prétend une longue tradition culinaire? La réponse à une telle question impose des mesures, et, si possible, des mesures astucieuses, donc simples et déterminantes. Je propose de confectionner deux gnocchis de tailles différentes, de les pocher, et de mesurer la température à cœur : nous saurons ainsi si a été atteinte la température de coagulation des œufs qui sont présents dans la pâte à gnocchi (68 degrés), ou la température d empesage de l amidon. L expérience se révèle à la hauteur de nos espérances : dans un gros gnocchis de quelques centimètres de rayon, la température à cœur, quand le gnocchi flotte, n est que de 30 degrés, de sorte que le gnocchi n est pas cuit. Nous avons ainsi réfuté la tradition, et mis le cuisinier sur la piste d un gnocchi bien cuit : tout dépend de sa taille, et il faudra quelques essais pour savoir quand la cuisson est à point. Ah, j oubliais : pocher, certes, mais dans quel liquide qui aura du goût? Suprême de volaille de lait macéré " ananas et romarin" 85 On utilise les explorations chimiques des réactions de Maillard (la réaction chimique qui engendre les molécules colorées et goûteuses de la croûte du pain, du café torréfié, de la croûte du rôti, etc.) pour transformer le goût des viandes : connaissant le détail de la réaction, on joue de cette dernière de nouvelle façon à l aide d ingrédients pourtant tous classiques (sucres, gelée...). De surcroît, la chair de l'ananas frais contient de la broméline, une enzyme qui peut, par ses propriétés protéolytiques, attendrir la viande. Ici on utilise aussi des seringues pour introduire à cœur des viandes des arômes "sur mesure". La viande impose la question de la tendreté. Il faut de la mâche, certes, mais pas trop. D où une première idée qui consiste à injecter dans les viandes, à la seringue, des enzymes attendrissantes. Enzymes? Il s agit de protéines. Par exemple, les «protéases» sont des enzymes qui découpent les autres protéines, notamment le collagène qui fait les viandes dures, en gainant les cellules des viandes nommées fibres musculaires. L idée est connue empiriquement en cuisine : les gelées d ananas frais ne prennent pas parce que le fruit apporte des protéases, qui fragmentent les molécules de collagène (la «gélatine») et les empêche de se lier en un réseau qui tiendrait l eau du gel. D où l idée d injecter du jus d ananas frais dans une viande pour l attendrir. Oui, mais on risque ainsi une viande cartonneuse. Il faut donner de la mâche en surface. Comment? Pourquoi ne pas utiliser le même jus d ananas, qui contient des sucres et des protéines, afin d effectuer un «laquage», lequel fera réagir les molécules, engendrant des produits de réaction sapides et odorants, par les réactions chimiques nommées réactions de Maillard, d après le chimiste Louis-Camille Maillard, né à Pont-à-Mousson et qui publia 85 Remplace le Coffre de canard Pékin macéré "cumin-cannelle", marmelade de papaye et mangue verte ; crumble d amande de la première version du menu, qui utilisait la papaïne contenu dans la papaye et qui possède les mêmes effets protéolitiques que la broméline. 161

82 en 1912 la première description de la réaction utilisée ici? Et puis, tant qu on y est, pourquoi ne pas parfumer le jus d ananas, en y dissolvant des molécules variées, par infusion, macération ou décoction? Là, une explication s impose, afin que la cuisine et la science utilisent les mêmes termes : il y aura macération quand on aura mis l ingrédient dont on veut extraire des molécules dans le liquide froid. Il y aura décoction quand on aura fait bouillir l ensemble. Et l infusion sera intermédiaire, comme quand on prépare du thé. La différence, d un point de vue gustatif? Les opérations à chaud, on le sait notamment pour le thé mais c est vrai pour la plupart des matières végétales, extraient non seulement les molécules odorantes, mais aussi des tanins astringents. C est donc au Cuisinier de choisir l opération qu il préfère! Vieux Comté millésimé 1996 et morbier vieilli en cave, granité et suc de carotte à l'huile d'argan Comment faire un sorbet ou une glace d une texture très fine? Par l utilisation d azote liquide. Cette méthode démontre en outre que, comme la science des aliments le découvre, le goût dépend de la texture. Cette glace est accompagnée d émulsions savoureuses. Au début du XX e siècle, des physiciens parvinrent à liquéfier l azote de l air en le refroidissant jusqu à une température de -196 degrés Celsius. A la Royal Institution, à Londres, ils obtinrent cet azote liquide qui ressemble à de l eau, mais qui ne cesse de bouillir, parce qu à la température à laquelle nous vivons, il doit se trouver sous la forme gazeuse. Très tôt, une femme pensa l utiliser pour en faire des crèmes glacées. L idée fut oubliée, mais elle resurgit en 1976, quand André Daguin proposa, dans son Nouveau Cuisinier Gascon, de faire des sorbets et glaces. Enfin, le chimiste que je suis eut l idée que de telles glaces et sorbets seraient bien supérieures aux préparations classiques. En effet, les chimistes qui préparent de gros cristaux savent que la solution mère doit être refroidie aussi lentement que possible et conservée immobile. Au contraire, pour obtenir de petits cristaux, il faut refroidir rapidement, et bien agiter. L azote liquide s impose. Si l on s y prend bien, en faisant venir l azote sous la préparation à glacer, on peut aussi la faire foisonner, parce que les bulles d azote restent alors piégées dans la masse solidifiée. Le résultat? Une texture de velours, puisque faite de très petits cristaux. Et, en prime, un goût augmenté. J ai observé cet effet il y a plusieurs années alors que j avais confectionné une glace à l azote liquide pour un industriel : quand nous avons comparé la glace à l azote liquide à la même glace, faite à la sorbetière, l effet est apparu flagrant. Il résulte d une meilleure libération des molécules odorantes, en raison de la plus fine microstructure de la glace. Vraiment meilleur? Oui! Pour le journal Gault & Millau, nous avons comparé des sorbets au citron et des glaces à la vanille en aveugle, et n avons eu aucune peine à distinguer la glace et le sorbet faits à l azote liquide. Mieux encore, pour les glaces, la matière grasse peut être réduite : son goût se faisant sentir davantage et sa présence texturante étant inutile, on peut «alléger» les glaces. Soufflé chaud aux fruits de la passion, marmelade de mangue et gelée de pamplemousse Une théorie culinaire hélas encore tenace veut que les soufflés gonflent parce que leurs bulles d air se dilatent à la chaleur. C est faux : s ils gonflent, c est que l eau présente dans les soufflés est évaporée au fond des ramequins ; la vapeur formée pousse vers le haut les couches supérieures. La théorie correcte de la cuisson des soufflés est ici mise en application. 162 Ah, les éphémères soufflés! Que la cuisine ne demande pas à la science de les faire tenir : les soufflés doivent retomber. En revanche, la technologie peut légitimement se préoccuper de les faire mieux gonfler. Et la science apporte les idées que la technologie utilisera. Par exemple, la science explorera le gonflement, et l on comprendra ainsi que la théorie ancienne est fausse : les soufflés gonflent très peu par dilatation à la chaleur des bulles d air apportées par les blancs battus en neige, mais plutôt parce que l eau de la préparation est évaporée, au fond du ramequin. Comme un soufflé de 300 grammes environ perd déjà 10 grammes d eau et qu un gramme d eau liquide se transforme en un litre de vapeur, environ, on voit que le cuisinier a de la marge, pour faire gonfler ses soufflés. Comment retiendra-t-il toute cette vapeur? Il faudra imperméabiliser la surface supérieure. Pour un soufflé salé, on pensera à disperser un fromage qui croûtera, par exemple. Pour un soufflé sucré, on déposera du sucre, qui caramélisera. Et, dans les deux cas, on passera le soufflé sous le grill avant de le cuire, afin de faire cette croûte supérieure qui aura en outre le mérite de faire monter le soufflé très droit, sans boursouflure. Ensuite, il faudra chauffer le soufflé par le fond, afin que la vapeur se forme bien au fond du ramequin : en se formant, les bulles de vapeur viendront pousser les couches du soufflé vers le haut. Blancs battus en neige fermes ou non? Là encore, la réponse est simple, alors que la bataille a fait longtemps rage, je ne sais pourquoi. Si les blancs ne sont pas fermes, les bulles de vapeur les traverseront facilement, et viendront facilement crever en surface. Au contraire, si les blancs en neige sont très fermes, les bulles de vapeur ne les traverseront que difficilement, de sorte qu elles pousseront bien le soufflé vers le haut. Trois recommandations, au total, pour faire mieux gonfler les soufflés mais attention à la texture, qui change selon la fermeté des mousses de blancs en neige! Le Chocolat Chantilly, parfait à la réglisse Le Chocolat Chantilly n est pas une mousse au chocolat, mais une mousse de chocolat. On le confectionne comme la crème Chantilly : on forme d abord une émulsion de chocolat, puis on fait ensuite mousser. Ici, il s agit d obtenir une mousse de chocolat, et non une mousseau chocolat. En 1995, j ai eu l idée de généraliser le principe de la crème Chantilly, que l on confectionne en battant de la crème dans un récipient refroidi. Le fouet introduit progressivement des bulles d air, ce qui forme une mousse. Pourrait-on reproduire ce principe de la crème Chantilly avec une autre matière grasse que celle du lait? Le chocolat contenant du beurre de cacao, pourrait-on réaliser un Chocolat Chantilly, par exemple? Pour y parvenir, examinons ce qu'est la crème. Elle est confectionnée à partir du lait, lequel est de l'eau où sont dissous diverses molécules (comme le sucre nommé lactose, par exemple) et où sont dispersées des gouttelettes de matière grasse. Comme la graisse ne fait pas bon ménage avec l'eau, ces gouttelettes sont recouvertes d'agrégats d'une protéine, la caséine, et de phosphate de calcium. Quand on laisse reposer du lait, les gouttelettes de matière grasse ainsi recouvertes, moins dense que l'eau, montent lentement en surface et forment la crème, qui reste constituée de gouttelettes de matière grasse dispersées dans l'eau. Ce système physique est nommé une émulsion. D abord une émulsion : Autrement dit, pour confectionner un "Chocolat Chantilly", nous devons d'abord réaliser une émulsion de chocolat. Or j'ai précisément inventé, il y a trois ans, une "béarnaise au chocolat" qui est une telle émulsion. L'idée est la suivante : la mayonnaise est une émulsion froide : on disperse des gouttelettes d'huile dans de l'eau apportée par le vinaigre et le jaune d'oeuf, en utilisant les molécules du jaune d'oeuf pour enrober les gouttelettes. De même, une béarnaise est une émulsion chaude :on disperse des gouttelettes de beurre fondu, qui 163

83 fait huile, dans l'eau apportée par du vinaigre, les molécules du jaune d'oeuf servant encore de "tensioactif", qui enrobe la matière grasse. Aussi on fera de la béarnaise au chocolat de la façon suivante : on prendra de l'eau (aromatisée, c'est meilleur : pensez à du jus d'orange, une infusion de menthe, du rhum, bref n'importe quel liquide qui contienne de l'eau) et ajoutez y un jaune d'oeuf,puis du chocolat que vous faites fondre en fouettant, comme pour une béarnaise. Et, puisque le jaune d'oeuf cuit, ce qui fait rater parfois les béarnaises, perfectionnons la recette en remplaçant le jaune d'oeuf par une feuille de gélatine, qui a les mêmes propriétés tensioactives, sans l'inconvénient de coaguler. La recette, à ce stade : dans une casserole, vous mettez un petit verre d'un liquide parfumé (puissamment, c'est meilleur), une feuille de gélatine, et vous chauffez ; quand la gélatine est dissoute, vous ajoutez 200 grammes de chocolat en fouettant. Puis la mousse : Ayant cette béarnaise au chocolat, passons au Chocolat Chantilly. Il faut refroidir la béarnaise en la fouettant, comme on ferait avec de la crème : le fouet introduira des bulles d'air, qui seront stabilisées par les molécules tensioactives (la gélatine fait mousser) et par la cristallisation de la matière grasse autour des bulles d'air. Vous remplissez un cul de poule avec des glaçons, et vous y mettez votre casserole contenant la béarnaise chaude. Puis on fouette pendant que la sauce refroidit. D abord le fouet introduit de grosses bulles d air, puis, progressivement, la sauce épaissit et, quand la température de cristallisation du chocolat est atteinte, le volume de la sauce augmente d un coup (la sauce foisonne ), tandis que sa couleur passe du marron foncée au marron clair. Ce changement de couleur est le signe de la présence de bulles d air introduites par le fouet. L introduction des bulles d air modifie également la texture le liquide forme des houppes derrière les branches du fouet,tout comme dans une crème Chantilly. Naturellement nous ne résisterons pas au plaisir de déguster immédiatement ce Chocolat Chantilly, mais nous pouvons aussi le laisser attendre au réfrigérateur. Alors, la gélatine qui a servi à confection l émulsion fait gélifier la sauce, qui garde longtemps une souplesse plaisante. A.8. La science et le plaisir de manger, par Nicholas Kurti 86 Depuis la mort de son fondateur, le regretté André Simon, l'international Wine and Food Society (Londres) commande régulièrement un discours solennel à sa mémoire. Celui-ci a été prononcé le 20 octobre 1993, à l'occasion du soixantième anniversaire de la Société. Je commencerai par revenir deux siècles en arrière, pour invoquer le comte Rumford, tour à tour soldat au service de Sa Majesté britannique, homme d'etat, passionné de philosophie naturelle, et partisan de réformes sociales. Benjamin Thompson naquit en 1753, dans l'etat du Massachusetts. Pendant la guerre d'indépendance, il resta loyal à la Couronne et espionna pour le compte du gouverneur du Massachusetts, qui, plus tard, prit du galon et commanda les Chasseurs américains du Roi, connus pour leurs atrocités commises dans la région de Long Island. Il passa la plus grande partie de sa vie active en Angleterre, où, entre autres, il fonda la Royal Institution, et à Munich, au service de l'electeur de Bavière, qui lui conféra le titre de comte du Saint Empire germanique. C'est à Munich que le comte mit à mal la théorie du calorique, lors d'expériences sur l'alésage des canons. Il y conçut les fameux jardins à l'anglaise, et mit en place des hospices pour accueillir les mendiants et leur distribuer la soupe à la Rumford, qui garantissait un apport quotidien de mille calories. L'idée que Rumford se faisait des possibilités d'appliquer la science à la cuisine ressort bien de cet extrait tiré de l'ouvrage de quatre cents pages qu'il publia en 1794 à ce sujet, et dont le titre complet est Sur la construction des cheminées et des ustensiles de cuisine, avec des observations sur les divers aspects de l'art culinaire et des propositions pour améliorer cet art des plus utiles : "Les avantages que l'on peut tirer de l'application à l'amélioration de l'art culinaire des découvertes récentes les plus brillantes de la chimie ou d'autres branches de la philosophie naturelle et de la mécanique sont tellement évidents que je ne peux m'empêcher de me complaire à l'idée que nous allons bientôt bénéficier des lumières d'un homme de la profession, dont l'esprit libéral se penchera sur ce sujet et lui consacrera une étude scientifique approfondie. Y a-t-il une autre science dont l'amélioration contribuerait plus puissamment à l'augmentation du confort et des bienfaits de l'humanité?". Il est vrai que ce voeu d'appliquer largement la science à l'art culinaire a été dans une certaine mesure exaucé. L'industrie alimentaire, depuis cinquante ou cent ans, s'est appuyée sur les connaissances de base et les apports techniques de la science. Mais il est rare de voir un scientifique de profession, lorsqu'il est cuisinier amateur, se servir de ses connaissances mathématiques, chimiques et physiques pour expliquer, découvrir et apprendre dans le cadre quotidien de la cuisine familiale, ou pour créer de 86 Publié dans la revue Alliage (n 31, 1997). Traduit de l'anglais par Julie Brumberg-Chaumont

84 nouveaux plats. Je voudrais vous donner ici quelques exemples montrant comment cet exercice peut être mené. Ars culinaria Il n'est pas aisé de trouver un titre bien tourné sans prêter à confusion. Donnant, il y a quelques années, une conférence à New York sur cette thèse de Rumford, j'ai commis l'étourderie d'intituler mon intervention "La physique et les plaisirs de la vie". Un des participants m'interpella et me déclara: "Vous dites beaucoup de choses sur la façon dont la physique peut augmenter les plaisirs que l'on tire de l'art culinaire ou d'autres formes d'art, mais vous n'avez rien dit du sexe!" C'est pour éviter tout malentendu, ou toute déception, que j'ai donc choisi pour cette conférence un titre explicite: "La science et le plaisir de manger". Il faut cependant reconnaître que mon interlocuteur de New York avait visé juste. En effet, on considère généralement que les deux besoins les plus pressants des êtres vivants sont la préservation de l'individu et celle de l'espèce. En d'autres termes, il s'agit de neutraliser la faim et la soif dans le premier cas, et de neutraliser ou de satisfaire le besoin sexuel dans le second. Ces trois activités, le manger, le boire, et la copulation, s'accompagnent probablement dans tout le règne animal de sensations de plaisir plus ou moins intenses. Seul l'homme, semble-til, a le loisir de pouvoir multiplier ces plaisirs à volonté 87. Cette attitude hédoniste ne s'est pas toujours exprimée de la même façon selon l'époque ou le lieu. Il y a toujours eu, et il y aura probablement toujours, des époques et des régions pour considérer la satisfaction de ces besoins comme un exercice purement utilitaire. Le plaisir naturel qui peut accompagner cette satisfaction, sans parler des interventions pour l'exacerber volontairement, est alors en lui-même critiquable, ou constitue un péché. Le rôle de la nourriture et des habitudes sexuelles dans les différentes formes de sociétés à déjà fait couler beaucoup d'encre. Ce n'est peut-être pas un hasard si les civilisations qui se distinguent par leur art culinaire, comme la France et la Chine, sont également riches en ouvrages explicitement érotiques. Il serait peut-être excessif de dire que les livres de cuisines et les manuels de sexe vont de paire; quoi qu'il en soit, comme le titre de cette conférence l'indique, je ne me consacrerai qu'à la gastronomie, à l'ars culinaria, à l'exclusion de son pendant, l'ars amatoria. La gastronomie peut être définie comme l'étude et la somme de nos connaissances sur les plaisirs de la nourriture. On voit immédiatement que la gastronomie, dont le nom dérive du grec gaster (estomac), est bien mal nommée: les plaisirs de la nourriture n'ont rien à voir avec l'estomac. Tous ces plaisirs sensuels se ressentent lorsque la nourriture est portée à la bouche, mâchée et avalée; ils dérivent entièrement des sens olfactif, gustatif et tactile. Ce sont ces sens qui gouvernent l'art gastronomique, et ce dernier pourrait en ce sens être comparé à la musique, la peinture et la sculpture, 87 J'ai découvert récemment que l'on retrouvait cette idée exprimée, à la fin du deuxième acte du Mariage de Figaro de Beaumarchais, par Antonio, le jardinier saoul, avec une tonalité moins hédoniste: "Boire sans soif et faire l'amour en tout temps, Madame, il n'y a que cela qui nous distingue des bêtes." 166 dont l'appréciation repose respectivement sur l'audition, la vue, et le toucher mêlé à la vue. L'influence de la science sur ces trois formes artistiques a été importante. Elle a été reçue de bonne grâce, et même avec gratitude, par les peintres, les sculpteurs, les compositeurs et les interprètes. L'optique, l'acoustique, la sciences des matériaux et l'électronique ont toutes participé aux progrès de la conservation, de la reproduction et de la jouissance des oeuvres musicales et visuelles. Elles en ont également facilité la diffusion. Les craintes de voir la créativité artistique s'essouffler face à l'invasion de la science et de la technologie se sont avérées sans fondement. Il n'en va pas de même pour l'art culinaire. L'introduction de la rationalité scientifique dans la cuisine des foyers ou des restaurants, sans parler des techniques scientifiques, suscite la suspicion, voire l'hostilité (la restauration de masse pose un problème différent). Quelle est la raison de ces préventions contre les bienfaits de la science? Il existe une différence fondamentale entre les sens gustatif et olfactif et les sens visuel et auditif. Les plaisirs que procurent la musique et la peinture résultent de stimulations physiques accueillies par les récepteurs appropriés. Elles sont de nature mécanique et acoustique pour la musique, et électromagnétique (lumière) pour la peinture. La nature et l'intensité de ces stimulus peuvent être caractérisées et chiffrées avec précision, ce qui permet d'enregistrer, de conserver et de transmettre la sensation perçue. Le goût et l'odeur, d'un autre côté, sont le résultat de la stimulation chimique des récepteurs. Alors que de grandes avancées ont été effectuées dans l'attribution de certains goûts ou de certaines odeurs à des molécules spécifiques ou à certains groupements d'atomes dont elles sont composées, nous sommes encore loin de pouvoir produire, par exemple, la sensation de déguster une mousse au chocolat grâce à des stimulus physiques. Il faut reconnaître avec modestie que si les discours, la musique, et même l'image d'un banquet, peuvent être partagés par des centaines de millions de personnes grâce à la télévision, la recréation du goût de la nourriture servie doit reposer entièrement sur le talent du commentateur et l'imagination de l'auditeur. C'est avec raison que l'on considère la chimie comme la discipline scientifique directrice dans le domaine de la cuisine. Les réactions moléculaires sont à l'origine du composé chimique expliquant la saveur, le parfum et la consistance du produit final. Le rôle des processus physiques, qui ne modifient pas le composé chimique, est faible en comparaison, mais pas négligeable. Je me propose de montrer comment le physicien peut aider l'artiste culinaire à améliorer ses méthodes, comment il peut lui faire découvrir des techniques nouvelles ou tombées dans l'oubli, voire l'amener à la création de plats entièrement inédits. Une marinade à la seringue Je voudrais commencer par une préparation utilisée depuis plus d'un siècle, mais qui n'a pas connu une large diffusion. Nous savons que pour faire mariner un rôti, il faut le recouvrir d'une marinade et l'y laisser reposer un ou plusieurs jours, afin qu'il s'en imprègne. C'est, hélas, une méthode un peu longue. L'imprégnation d'une tranche de viande épaisse de vingtcinq millimètres peut prendre environ un jour; 167

85 si la tranche est deux fois plus épaisse, le temps sera multiplié par quatre. La recette traditionnelle de la marinade est également peu économe puisque la viande doit être entièrement recouverte. La solution évidente consiste à utiliser un instrument médical, c'est-à-dire une seringue hypodermique. En injectant la marinade à raison d'une piqûre tous les cinq à dix millimètres, le temps d'imprégnation et la quantité de marinade nécessaires sont largement réduits. Cette technique est particulièrement efficace pour attendrir la viande. Au lieu de répandre les éléments attendrissants à la surface de la viande et la réduire ainsi en bouillie, il suffit d'injecter du jus de papaye, de kiwi ou d'ananas, qui contiennent tous ce que l'on appelle des enzymes protéolytiques (dissolvant les protéines). Le remarquable pouvoir attendrissant du jus d'ananas peut être démontré d'amusante façon. Aux yeux de tous, pressez des tranches d'ananas frais pour en extraire le jus. Recueillez d'autre part du jus d'ananas en boîte. Versez soixante-quinze millilitres de chaque jus dans deux verres à whisky identiques, ajoutez quinze millilitres d'un liquide sirupeux et jaunâtre, et secouez vigoureusement. Après avoir demandé à chacune des personnes présentes de goûter chaque verre, placer les deux verres dans de la glace pilée, afin de servir les cocktails frais, comme il se doit. Au bout de vingt minutes, vous sortez les cocktails et vous demandez au volontaire précédent de les goûter de nouveau. Vous lui tendez d'abord le cocktail à base de jus d'ananas frais, puis celui à base de jus d'ananas en boîte qui, à sa surprise, ne coule pas. La mixture a pris l'aspect d'un solide élastique. L'explication est simple: le liquide sirupeux était une solution à base de concentré de gélatine et d'eau à quarante degrés. Or, la gélatine est une protéine que détruisent les enzymes des broméliacées présents dans le jus d'ananas frais. C'est pourquoi la mixture, à base de ce dernier n'a pas pris. En revanche la deuxième mixture à base de jus d'ananas en boîte, s'est transformée en gelée d'ananas, car la stérilisation avait détruit cet enzyme. Des meringues sous vide Le physicien peut également produire des conditions physiques qui ne se rencontrent que rarement dans les cuisines domestiques. On est souvent amené en cuisine à recourir à un processus de dessèchement, où l'on cherche à faire disparaître l'humidité d'un appareil, comme dans le cas des blancs d'oeufs montés en neige et sucrés pour confectionner des meringues. La vitesse de ce dessèchement dépend de deux facteurs. D'abord, intervient le taux d'évaporation des molécules d'eau à la surface de la meringue, lequel dépend de la température ambiante: plus élevée cette température, plus élevé ce taux. La vitesse de dessèchement dépend également de la vitesse à laquelle se dispersent les molécules de vapeur. S'il y a déjà beaucoup de vapeur d'eau dans l'air, les molécules en évaporation restent à la surface et empêchent d'autres molécules de se dégager. La vitesse de dessèchement dépend donc de la température et de l'humidité de l'air. C'est la raison pour laquelle un drap peut sécher plus vite un jour sec d'hiver qu'un jour humide d'été. On peut faciliter la dispersion des molécules de vapeur d'une autre manière: il suffit de réduire la pression de l'air pour que les molécules d'eau aient moins de difficultés à se frayer un passage à travers l'azote et l'oxygène de l'atmosphère. En d'autres termes, on doit faire sa meringue sous vide. Il faut toutefois surmonter une difficulté. En effet, l'évaporation de 168 l'eau va entraîner un refroidissement de la meringue, qui entraînera à son tour une baisse du taux d'évaporation. Il faut donc chauffer l'air raréfié qui l'entoure afin de maintenir la meringue à température ambiante, ou au-dessus de cette température. La baisse de pression fait que les bulles d'air contenues dans la meringue grossissent. La meringue multiplie par cinq ou par dix sa taille originelle. Parallèlement, le thermomètre indique une baisse de température, qui est compensée grâce aux éléments chauffants. S'il n'y a plus de refroidissement, alors même que le système de chauffage est éteint, c'est que toute l'eau s'est évaporée. On peut alors remplacer le vide de la meringue, devenue cinq ou dix fois plus légère qu'une meringue ordinaire par de l'air atmosphérique. Des soufflés expérimentaux Le vide peut être d'une grande utilité dans l'étude de la fabrication du soufflé, qui consiste globalement à mélanger une sauce béchamel avec un jaune d'oeuf auquel on incorpore des oeufs battus en neige au whisky. Au four, l'appareil monte, en partie grâce aux minuscules bulles d'air contenues dans le blanc d'oeuf. Elles ne suffisent pas cependant à expliquer le gonflement du soufflé, car l'augmentation de la température, qui passe de vingt à soixante-dix degrés, produit à elle seule une augmentation de volume de seulement vingt pour cent, alors que le soufflé double souvent de volume. L'explication repose sur le dégagement de vapeur d'eau qui s'échappe des parois des bulles d'air lorsque la température augmente. Ainsi, à soixante degrés, la vapeur d'eau augmente la pression dans la bulle d'un cinquième. L'expansion de la bulle, qui dépend de l'élasticité de ses parois, peut être sensible. Les différences relevées entre les variantes des recettes des livres de cuisine pour le soufflé sont déconcertantes. Il est clair qu'il n'existe pas de méthode canonique pour préparer et cuire le soufflé, mais la plupart des chefs semblent s'accorder sur le fait que le meilleur résultat est obtenu lorsque le soufflé est enfourné dans les quelques minutes suivant l'incorporation du blanc d'oeuf. Mais à quoi correspondent quelques minutes? Dans quelle mesure un repos d'une demi-heure ou d'une heure gâcherait-il le soufflé? Peuton, comme on l'entend dire chez certains spécialistes, conserver au froid, ou même congeler pour une longue période, l'appareil du soufflé lorsqu'il est encore cru? L'intégrité des bulles d'air au moment de la cuisson est l'un des impératifs de la réussite du soufflé On peut savoir si cette intégrité a été conservée à la fin des opérations présidant à la cuisson, et dans quelle mesure elle l'a été, grâce à un dispositif qui mesure le vide présent sans procéder à une cuisson effective. De plus, il peut être réalisé sur une petite quantité de mixture, par exemple dans un petit ramequin à soufflé mesurant quatre centimètres de diamètre et de profondeur. Le plat de soufflé, empli de soufflé au tiers ou à la moitié, est placé dans l'appareil, dont on réduit d'un cinquième la pression atmosphérique. La mixture double ou triple de volume. On peut utiliser une simple pompe manuelle, comme celles que l'on trouve dans les vacu-vins, ou en inversant l'utilisation d'une pompe à vélo. On répète l'expérience sur d'autres extraits de la même mixture, chacun ayant reposé à des températures et pendant des durées différentes, après l'incorporation des blancs d'oeufs. On a montré que l'on pouvait, sans problème, laisser reposer une demi-heure l'appareil prêt à cuire, et même obtenir un résultat honorable après avoir procédé à une conservation au froid, ou à une congélation. Mon appareil à soufflé permet de réaliser des expansions successives. Il semble que chaque fois que la mixture s'affaisse, on assiste à une certaine dégradation dans la qualité des bulles d'air. 169

86 Thermométrie de l'oeuf à la coque Des glaces au four à micro-ondes En dépit de l'importance généralement reconnue de la mesure de la température en cuisine, l'utilisation d'un thermomètre pour contrôler la température à l'intérieur du plat est encore rare, du moins dans le cadre domestique. Le thermocouple (composé de deux fils de métal produisant un voltage qui dépend de la température à laquelle il sont exposés) est pourtant un instrument idéal pour cette tâche. Il peut être de très petite taille, celle d'une aiguille de raccommodage, et l'indicateur (en général un millivoltmètre) peut être placé loin de la cuisine, puisqu'il a une sortie électrique. Ainsi rien n'empêche la maîtresse de maison (ou le maître) de jeter un coup d'oeil au thermomètre pendant le repas, et de surveiller la bonne marche de la cuisson du soufflé, sans avoir à quitter la table. Enfin, il existe une technique connue depuis à peine cinquante ans et largement utilisée, mais dont personne n'a réalisé à quel point elle pouvait représenter le signe avant-coureur d'une nouvelle façon de cuisiner. La cuisson traditionnelle, qu'il s'agisse de rôtir, griller, cuire au four, ou toaster, repose sur la conduction de la chaleur. La chaleur pénètre la surface et traverse l'aliment à cuire, elle modifie le goût et la consistances de ses différentes couches en fonction de la température que chacune atteint. Ce sont ces processus qui rendent incomparable le goût délicieux d'un steak saignant ou d'une baguette française. Même une tranche de pain de mie insipide peut faire notre bonheur si elle est correctement toastée. Le thermocouple m'a été d'un grand secours en décembre 1988, quand se répandit la nouvelle fracassante que la majorité des oeufs britanniques étaient contaminés par la salmonelle. Les gens semblaient accepter à contrecoeur l'idée qu'il fallait renoncer aux oeufs à la coque. Ce sacrifice ne m'apparut pas inéluctable. Je me servis d'un raisonnement scientifique élémentaire, et d'une expérience qui ne l'était pas moins, pour trouver une solution. Dans un oeuf à la coque, le blanc est cuit mais pas dur, et le jaune a une consistance crémeuse. Après quelques coups de fil à des collègues chimistes et bactériologistes, je me suis facilement assuré de ce que le jaune d'oeuf ne coagulait pas avant d'atteindre la température de soixantetrois degrés, alors que la salmonelle ne survit pas plus de quelques minutes à une température de cinquante-neuf degrés. Comment peut-on réunir ces deux conditions dans une cuisine domestique? Par chance, en février 1988, soit dix mois avant que se déclare la psychose de la salmonellose, le professeur Richard Gardner et le docteur Rose Beddington ont étudié l'évolution de la température à l'intérieur d'un oeuf plongé dans l'eau bouillante, en insérant un thermocouple dans le blanc et un dans le jaune. Ils découvrirent que lorsque l'oeuf est plongé dans de l'eau bouillante, le blanc est cuit en quatre minutes, alors que le jaune chauffe doucement et n'atteint pas soixante degrés avant dix minutes. La cuisson par micro-ondes, est fondée sur des principes tout à fait différents. Elle utilise un rayonnement électromagnétique, comme la grillade. Cependant, tandis que dans la cuisson par grillade, les radiations pénètrent peu dans l'aliment mais sont absorbées et converties à la surface, les micro-ondes pénètrent de plusieurs centimètres dans la plupart des aliments. Elles transfèrent alors une partie de leur énergie aux molécules, et augmentent ainsi leur énergie cinétique, laquelle est convertie en chaleur. C'est ainsi que des morceaux de plusieurs centimètres d'épaisseur sont cuits de manière presque uniforme. Le taux de chauffage dépend aussi bien de la composition chimique de l'aliment que de son état physique. Les ondes électromagnétiques ne peuvent agir que sur ce que l'on appelle des molécules polaires, comme les molécules d'eau. La plupart de nos aliments contiennent beaucoup d'eau et chauffent rapidement dans un four à micro-ondes. Cependant, si vous prenez un morceau de glace sorti d'un congélateur à basse température et le placez directement dans le four, il mettra longtemps à fondre, car les molécules d'eau n'ont pas la place de bouger dans la structure serrée du cristal. C'est l'une des raisons pour lesquelles la décongélation d'un aliment surgelé prend tant de temps au four à micro-ondes. Il faut en effet quelques gouttes de liquide pour que le processus se mette en marche. Voici la méthode pour confectionner des oeufs à la coque sans danger. Un oeuf de taille moyenne (conservé à température ambiante) est placé dans l'eau bouillante pendant trois minutes et demie, puis transféré dans de l'eau maintenue à soixante - soixante et un degrés (on peut utiliser un thermomètre alimentaire pour vérifier la température), dans lequel il reste douze à quatorze minutes. La température du jaune, indiquée par le thermocouple, de trente degrés lorsque l'oeuf a été sorti de l'eau bouillante pour être placé dans l'eau à soixante - soixante et un degrés, continue de monter doucement pour atteindre cinquante-neuf degrés en huit minutes, puis plafonner à soixante - soixante et un degrés. Les tests effectués par le Exeter Public Health Laboratory ont en effet montré que la salmonelle introduite dans l'oeuf au départ avait été tuée par ce traitement. Je connais une expérience qui amuse et étonne même les scientifiques de métier. Elle consiste à prendre un morceau de glace très froid et creusé d'un trou en son milieu, y placer un petit verre d'eau, et le passer au micro-ondes: l'eau va bouillir à l'intérieur de la glace! Une autre expérience permet de montrer qu'il est possible d'inverser le dessert appelé "Alaska Cuit" 89 composé d'une glace enveloppée dans une pâte à meringue et placée ensuite dans un four très chaud pour un court moment. La surface extérieure de la pâte à meringue est cuite et très chaude, mais la glace reste froide. Lors de la dégustation, la sensation de brûlure sur les lèvres est suivie d'une douleur sur les dents lorsque l'on croque dans la glace. Mon Alaska Cuit inversé s'appelle logiquement un Floride Glacé. On prend une meringue de qualité avec un trou au milieu, dans lequel on met en quantités égales de la confiture épaisse et bien sucrée et du spiritueux, par exemple du kirsch Plus connu chez nous sous le nom d'omelette norvégienne. 171

87 L'ensemble est recouvert d'une couche de chocolat glacé, composée de chocolat noir de très bonne qualité ( soixante à soixante-dix pour cent de cacao) et de beurre fondu (un cinquième du poids du chocolat). Un petit trou est pratiqué en haut du dessert. Il faut ensuite le mettre à congeler. On peut alors le conserver plusieurs semaines. Lorsque vous le placez dans un four à micro-ondes, les radiations vont traverser la surface glacée et la meringue sans les chauffer. La garniture, à cause de sa haute teneur en alcool, n'aura pas gelé, mais se sera transformée en un sirop très épais capable d'absorber les micro-ondes. Elle va bouillir en vingt secondes et se mettre à bouillonner à travers le trou. Cette fois, lors de la dégustation, l'ordre des sensations est inversé: c'est la douleur aux dents qui précède la brûlure des lèvres. Voilà ce que l'on peut dire de la science ou, plus précisément, de la chimie et de la physique et du plaisir de manger. En conclusion, je voudrais m'adresser à tous ceux qui pensent encore que la science et la gastronomie suivent des chemins divergents en leur disant que de nombreux scientifiques reprennent comme moi à leur compte l'aphorisme d'anthelme Brillat-Savarin: "La découverte d'un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d'une étoile." Les régimes totalitaires Il y a cependant une autre discipline scientifique qui joue sur nos habitudes alimentaires, je veux parler de la nutrition. Alors que progressent nos connaissances de l'influence du régime alimentaire sur les processus chimiques et biochimiques des corps vivants, nous sommes envahis par des recommandations variées et souvent contradictoires sur ce qu'il faut manger, et en quelles quantités, sur ce qu'il ne faut pas manger, etc. Une grande partie de ces conseils nous interdit de manger ce qui nous fait plaisir: un oeuf par semaine, très peu de beurre, peu de fromage, pas de viande persillée (remplacée par de la viande maigre), pour ne mentionner que quelques exemples. Il faut dire, en toute justice, que les organisations qui publient ces recommandations se fondent sur les habitudes alimentaires moyennes du pays. Cependant, beaucoup estiment que le conseil de réduire de quinze pour cent l'apport quotidien de beurre, par exemple, signifie que chaque individu doit appliquer cette recommandation. Mais je me demande combien de personnes, en comparant leurs habitudes alimentaires aux apports quotidiens recommandés, se souviendront de Monsieur Jourdain, le bourgeois gentilhomme de Molière. Lorsque ce nouveau riche apprend la signification du terme prose, il s'exclame: "Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je dis de la prose, sans que j'en susse rien." Ces personnes pourraient découvrir ainsi qu'elles ont suivi un régime toute leur vie sans le savoir. Je crois que beaucoup d'entre nous sont d'accord avec la célèbre phrase de Harold McGee: "Une nutrition calculée ne garantit pas une vie saine; elle nous en éloigne plutôt en voulant contrôler à l'excès l'expression de nos appétits et de nos plaisirs". Les dangers que représente une trop grande soumission à la manie des régimes sont réels. Un article paru en 1991 dans l'independent trace un intéressant portrait des origines de cette manie: "Le caractère britannique présente une tendance puritaine. Elle conduit à la recherche de raisons factieuses pour empêcher les autres de s'amuser. Le christianisme a souvent été reformulé en ce sens. Mais le déclin des églises officielles a conduit à la recherche d'autres prétextes. Là où l'on s'appuyait sur la santé de l'âme, on s'appuie aujourd'hui sur la santé du corps: Tu ne boiras pas, tu ne fumeras pas, tu ne mangeras pas les nourritures défendues, tu jeûneras souvent, ou, pour utiliser un terme plus moderne: Tu suivras souvent un régime. Les pratiques recommandées autrefois au nom du Christ le sont à présent au nom du Health Education Council"

88 A.9. Molecular gastronomy: a scientific look to cooking (Hervé This) Molecular Gastronomy is defined. Two recent results of Molecular Gastronomy are given: a formalism with which complex disperse systems are described from a global point of view, and a study of the robustness of culinary recipes. Based on Molecular Gastronomy studies, a wealth of new dishes are introduced. Each aspect of our environment is studied by a specific scientific discipline, using the experimental method, introduced Francis Bacon and later by Galileo Galilei 90. Why should gastronomy be an exception? Introduced in 1988 by the late Nicholas Kurti and by myself 91, Molecular Gastronomy is the scientific exploration of culinary and, more generally, gastronomical transformations and phenomena, as described either by culinary books or by cooks. Of course, Molecular Gastronomy is part of food science, but it focuses on (mainly home or restaurant) culinary transformations and eating phenomena (generally gastronomy ) rather than physical and chemical structure of ingredients or transformations done by the food industry. It was recently recognized 92 that any recipe is made of two parts: on one hand, it gives a definition of the dish, and on the other hand, it gives indications of various kinds, such as old wives tales, proverbs, methods, hints We decided to give the name precisions all these indications that do not belong to the definition part of the recipes. Depending on authors and recipes, the definition and the precision parts of recipe vary greatly: in some recipes by the French cook Jules Gouffé (Paris, 1807-id. 1877), the definition part is 100%; but in other books 93, it is as low as 3.5%. This distinction determines the cientific strategy of Molecular Gastronomy: there should be modelling of definitions, and explorations of precisions. In the case of cheese soufflés, for example, why do they swell (modelling of the definition) and is it true that the whipped egg whites mixed with the cheese flavoured viscous preparation should be very firm (exploration of a precision)? Some historical perspective When we decided to create Molecular Gastronomy, with the late Nicholas Kurti (see Annex), we had different ideas of what it could be, but it appeared that it had to include our both lines: Nicholas wanted to introduce some science in the kitchen, and I thought that it was more important to explore the proverbs, sayings, old wives tales, practices, and (not necessarily) to improve the practices. As we agreed that not only cooking, but also eating, and all activities related to food in general should be 90 Largeault, J. (1988). Principes classiques d interprétation de la nature, p. 28, Librairie philosophique Vrin/Institut interdisciplinaire d études épistémologiques, Paris. Galilei, G. (1623). L essayeur. In Galilée ou l avenir de la science (W. Fritsch Ed.), p , Seghers, Paris. 91 This, H. & Kurti, N. (1994). Physics and Chemistry in the kitchen. Sci. Am. 270 (4), This, H. (2003). La gastronomie moléculaire. Sciences des aliments, 23(2), Gilbert, P. (1898). La cuisine de tous les mois, p. 172, Ollendorff, Paris. 174 considered, we had no difficulty to decide that gastronomy was the topic of interest, with not elite point of view : we used the word gastronomy as it was defined by the French gastronome Jean- Anthelme Brillat-Savarin ( ) : everything about food. But it was also clear that the new discipline that we had in mind had to consider only some part of gastronomy. Being respectively a physicist (N. Kurti) and and physical chemist (H. This) I proposed to restrict gastronomy to the reign of physical and chemical transformations, and proposed Molecular Gastronomy. Nicholas insisted to add and physical, which explains why the first international workshop on Molecular Gastronomy was named International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy, in This was also the title of my PhD, in 1995, under the (administrative) direction of Pierre Potier (Member of the French Academy of Sciences), with, in the jury, Pierre Gilles de Gennes (Nobel Prize in Physics), Jean-Marie Lehn (Nobel Prize in chemistry), Nicholas Kurti (FRS), and others, including a cook (Christian Conticini, La Table d Anvers). However, this title was clearly cumbersome, and when Nicholas died, to my deep sorrow, I proposed to Professor Antonino Zichichi to change the name of the workshops to International Workshops on Molecular Gastronomy N.Kurti, leaving the and physical (in France, I had dropped the and physical much before). In my PhD document, Molecular and Physical Gastronomy was given (after long discussions with Nicholas) five aims: (1) investigating the culinary and gastronomical proverbs, sayings, old wives tales ; (2) exploring the recipes; (3) introducing in kitchens new tools, ingredients and methods; (4) inventing new dishes based on 2; (5) using Molecular Gastronomy to help the general public understand how science can contribute to the well being of the society. However it was clear that aims 1 and 2 only were science; the others are technology or communication. This is why if Molecular Gastronomy is to be a specific science it could only include aims 1 and 2. Aims 3 and 4 are technological applications of Molecular Gastronomy. Explorations of precisions, and multi dimensional analysis The number of precisions collected since 1980 amounts to more than (Table 1 shows a small sample of them). All possibilities arise: some precisions seem wrong, and they are wrong (1); some seem wrong and they are true (2); some seem true and they are wrong (3); some seem true and they are true (4). We shall consider now an example of each kind, and also of a fifth class (5). (1) It is not true that mayonnaise sauces made by women having their periods fail 94. Indeed, it is indeed strange that this old wive tales does hold in France and not in other countries. It shows how much cooking is strongly rooted in culture, and also that culinary activities of today are the result of empiricism. This kind of precision seems to hint to the assumption that precisions arise when recipes can easily fail. 94 This, H. (1995). La gastronomie moléculaire et physique. PhD document, University Paris VI. 175

89 (2) In 1994, it was tested if it were true or not that cutting the head of pigs could make the skin more crackling 95. This precision is given by many culinary books, in particular in L Almanach des gourmands, from the French gastronome Alexandre-Balthazar Grimod La Reynière 96 : suckling pigs should have the head cut immediately when the pigs are taken out from the oven, otherwise their skin softens (personal translation). The French cook Marie Antoine Carême ( ) 97 gives a slightly different precision: When you are ready to serve, separate immediately, with the tip of the knife, the skin of the neck, so that the skin stays crisp, which makes most of the interest of roasted suckling pigs. As no fluid seems to circulate between the head and the skin, these precisions seemed wrong, but the experiment done (public experiment, Saint-Rémy-l'Honoré - Yvelines, France, July 7, 1993) with 4 suckling pigs of the same parents, reared together in the same farm, weight kilograms, cooked on a large outside fire from 4.00 PM to 9.00 PM, one head cut for each pair of pigs, blind tasting for 143 people) showed that the skin of pigs with head cut was indeed crispier. The mechanism behind was easily discovered, as it was observed during cooking that a jet of vapour was escaping one pig from a hole inadvertently made during the preparation: this showed that during cooking water from the meat is vaporized from the surface of the meat and also from inside. When no heat is applied, after cooking, the crispy outside layer softens as vapour from the inside goes through; cutting the head prevents vapour perfusion, as it can escape through the opening. (3) It is said that the pan where green beans are cooked should not be covered, as itwould keep volatile acids, that would promote pheophitinization of chlorophyll 98, but public tests done in many culinary colleges showed that there is no colour difference. (4) It is sometimes said that the soufflés should have very made from very firm whipped egg whites, added to a viscous preparation. It was demonstrated that this precision holds, as vapour bubbles formed in the bottom part of soufflés, during cooking, escape less through firm foam 99. (5) Let us now discuss a fifth class of precisions, whose reliability could change with time. For example, cook sometimes say that vinegar is less acidic when boiled 100. However, with Kurti, we showed that various vinegars give various results as they are not simple solutions of acetic acid in water, but also contain various concentrations of many other compounds, such as malic acid, lactic acid, etc. Plant diversity explains sometimes why the status of some precisions changed, but there are also cases when the environmental conditions changed. For example, it has been written that red fruits 95 This, H. (1995). La gastronomie moléculaire. L'Actualité chimique, 6, This, H. (1994). La cuisson: usages, tradition et science. In La cuisson des aliments, 7 e rencontres scientifiques et technologiques des industries alimentaires, Agoral 94, Grimod de la Reynière, A. B. (1803). L Almanach des Gourmands (1st year, reprinted 1976, 1997), p. 139, Librairie générale d éditions, Paris. 97 Carême, M. A. (1847). L Art de la Grande Cuisine française, t. 3, p. 481, Kerangue et Pollies, Paris. 98 Gauthier-Jacques, A., Bortlik, K., Han, H. & al. (2001). Improved Method to track chlorophyll degradation, J. Agric. Food Chem. 49, This, H. (2002). Molecular gastronomy, Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 41 (1), Blanc, R., Kurti, N., This, H. (1994). Blanc Mange. BBC Books, London. 176 should never been put in contact with tin 101. When fruits such as raspberries are put in contact with tin, no modification appear, but when Sn2+ ions are deposited on crushed raspberries, a purple, turning to black, colour appears, because a complexation of anthocyanins with Sn2+ ions shifts the absorption spectrum toward shorter wavelengths 102. Robustness Why do precisions arise? As said above, a look at our collection of precisions seemed to show that recipes that can fail induced precisions. For example, cooks from the past were certainly astonished the first time they were able to produce an emulsion (dispersion of oil droplets into an aqueous solution, using surfactants to increase the metastability of the system), from ground garlic and oil 103, as even today, they frequently say that the oil is absorbed by the egg yolk used. In order to explain the mysterious failure of their incomprehensible emulsions, they probably envisioned all possibilities, and had active debates to know if the temperature could be a cause of failure, some cooks writing that mayonnaise should never been done in cold rooms, and others writing that, on the contrary, hot temperatures is responsible for the failures. Others causes of failure were considered: the rate of addition of oil, the direction of the whisk 104, the influence of the moon 105 or the influence of periods of woman 106. How can we know if it is true that recipe that can fail induce precisions? First robustness of recipes has to be made quantitative. We recently proposed 107 to consider recipes as functions R of many variables: times (t1, t2 ) and temperatures of different steps of the recipes (T1, T2 ), mass of ingredients (m1, m2 ), and more generally details of process (p1, p2 ) For example, for a mayonnaise recipe, the emulsification process can be described by the mass of egg yolk (a parameter that can eventually be developed into water content, protein content, lecithin content ), the mass of vinegar (can also be developed: water content, acetic acid content), the rate of oil addition, the whipping energy, the oil mass A product P obtained through a recipe R done under particular conditions (p1, p2 ) is given by the equation: P = R(pi) i=1 to n,n being an integer. As long as the parameters pi vary within certain limits (pi, min < pi < pi, max) i = 1 to n, the recipe R is successful: a product P is the result of a successful recipe 101 Saint Ange, M. (1925). La bonne cuisine de Madame Saint Ange, p. 954, Larousse, Paris: Remember that, when manipulating red fruits, any tool covered with tin should be excluded (personal translation). 102 Belitz, H. D. & Grosch, W. (1999). Food Chemistry, pp , Springer Verlag, Heidelberg. 103 Marin, M. (1742). La Suite des Dons de Comus, t.2, p. 235, Guillyn, Paris: «In order to make the Provence butter, you cook in water twenty garlic cloves or more, according the quantity of butter that you want to make. When they are cooked, you let them cool, drain, and put them in a mortar with salt, pepper, a handful of cut capers, a dozen anchovies whose bones have been eliminated. After cutting and grinding, you add some good oil, so that it becomes thick (personal translation). 104 De Gencé, C. (1900). Encyclopédie de la vie pratique, p. 476, Librairie nationale des beaux arts, Paris 105 Cauderlier, M. (1883)., L économie culinaire (6e ed), p. 55, Librairie générale de Ad. Hoste, Gand. 106 French oral tradition. 107 This, H. (2004). Modelization of dishes and exploration of culinary precisions : the two issues of Molecular Gastronomy. In Report of the keynote lecture of the 4th Orafti Conference on Inulin and Oligofructose, Special issue of the British Journal of Nutrition (to be published). 177

90 if it is associated to a point inside a defined hypervolume in the multidimensional space of the parameters (pi) i = 1 to n. For each parameter pi of the recipe, the interval pi = pi, max - pi, min can be used as a measure of the robustness of the recipe R : a recipe is robust when the pi are large. However, in order to be able to compare pi related to various conditions (mass, temperature, time ), we need to divide pi by a quantity of the same nature. We proposed to normalise by the uncertainty i(pi) on the considered variable pi. With such definition, the partial robustness I associated to the parameter pi can be defined as i = pi / i(pi). First results soufflé, boiled eggs, gougères, mayonnaise, beef roast. When stock is included, the curve does not correspond to an inverse relation: stock generated many precisions because of its culinary importance, even if there is almost no risk of failure. When stock is excluded, the relationship fitting the data generates a power low with an exponent equal to -1.2, not very different from the assumed value. More work has still to be done to check our assumption, using the aggregation relation of partial robustnesses (1/ = 1/1 + 1/2 + ), and to understand how the multidimensional functions R can be used; in particular, the significance of the derivatives R/ pi has to be clarified. Partial robustnesses have been calculated for some recipes, such as grated carrots, stock, soufflé, boiled eggs, gougères (cheese choux pastry puff), mayonnaise, beef roasted in the oven. For example, mayonnaise can be defined by the mass of yolk m(y), the mass of vinegar m(v), the mass of oil m(o), the mass of salt m(s), the mass of pepper m(p), the mass of oil in each successive addition m(d), the whipping power Pw, the efficiency of dispersion Ed. As the critical parameter is clearly the oil addition in the beginning of the preparation, let us focus on robustness related to oil addition: oil should not be added too fast, otherwise water would be dispersed into oil instead of oil in water. In a mayonnaise made from one egg yolk, the quantity of water from one yolk (10 g) and one teaspoon of vinegar (3 g) is about 13 g; this determines the admissible interval for oil addition, equal to 13. As the uncertainty on oil addition is about 5 (estimation based on repeated experiments where oil was poured in beaker; a mean was calculated), robustness related to oil addition is equal to 13/5= 2.6. In more robust recipes, such as beef meat roasted in the oven, the smallest calculated partial robustness is bigger: for a piece of meat of mass equal to1 kg, cooked at 180 C for a time between 20 and 60 minutes, robustness is equal to (60-20)/5= 8. If the cooking temperature were lower (e.g.70 C), then the cooking time interval would be still bigger, and robustness higher: the time interval could be estimated to be between 60 min and one day, so that the robustness would equal to 1440/5= 276. For some recipes, parameters are not independent, and success is obtained only if more than one condition is simultaneously verified. Particular robustnesses have to be aggregated. In order to do it, let us assume first (it has to be checked) that robustness is inversely related to the number of precisions: = 1/ n. If the total number of precisions is the sum of number of precisions n1, n2, n3 for classes i of precisions, then for each class: i = 1/ ni. Hence = 1/ (n1 + n2 + n3+ ) = 1/(1/ 1 + 1/ 2 + ), or 1/ = 1/ 1 + 1/ 2 + Does the inverse relation hold? In the corpus of precisions that we collected since 1980, there are 105 paragraphs about mayonnaise preparation, compared to 12 paragraphs for roasts. We show how robustness ÿ depends on the number of paragraphs containing precisions for grated carrots, stock, 178 Modelling of the microstructure In order to study culinary and gastronomical transformations, the microstructure and composition of dishes has to be related to the microstructure and composition of ingredients. In particular, microstructure comparisons are difficult, globally, as dishes are generally neither solid (too hard to swallow) nor liquid (a beverage, not food). Each part of a dish is, indeed, what was formerly called colloids 108 and now disperse systems 109. It is clear that dishes, and even part of them, are much more complex that the two phases systems. For example, puff pastry is made from butter and dough; the first one is an emulsion dispersed in a network of fat crystals, and the latter is a solid suspension; the two are superposed a high number of times. CDS (Complex disperse systems ) formalism Let us be systematic and consider possibilities: the involved phases in food are gas, liquids or solids. The liquids, hydrophobic or hydrophilic, are named water or oil, depending on their chemical composition. The solids are many, and they generally do not mix, so that different names should be given: solid 1, solid 2 All these different phases can be dispersed, or mixed, or included into one another, or superposed... Hence the proposal of using letters to envision rapidly all the possible systems. The phases can be written: G (for gas), O (for oil), W (for water), S1 (for solid 1), S2 The main processes can also be described by a few symbols: / (dispersed into), + (mixed with), (included into), (superposed) Some rules apply. For example, in order to get an unambiguous description of systems, a mixture of phases ( P1 + P2 + ) should be written by alphabetic order, as well as by order of growing complexity ; e.g. G should come before O, and S should come before (W/S). When necessary, the proportions of the various phases can be given by a subscript, and the repetition of an operation can be marked as an exponent, with a symbol indicating the kind of process that is being repeated, and a number giving the number of repetitions. For example, egg yolk is made of granules 108 Hunter, R. J. (1986). Foundations of Colloid Science. Oxford University Press, Oxford. Everett, D. H. (1988) Basic Principles in Colloid Science. Royal Society of Chemistry, London. Lyklema, J. (1991). Fundamentals of Interface and Colloid Science. Academic Press, London. Hiemnez, P. C. (1986). Principles of colloid and surface chemistry. Marcel Dekker Inc., New York. 109 De Gennes, P. G. (1997). Soft Interfaces. In The 1994 Dirac Memorial Lecture, Cambridge University Press, Cambridge. 179

91 (S) dispersed into a plasma (W), so that the (S/W) formula applies locally, but echographic pictures of egg yolk show that hens are producing yolk material of different compositions ( light yolk and deep yolk ) during the day and the night, so that the global structure is composed of about eight layers of alternating composition: hence the formula (S/W) 8. More details can be added, such as the distribution of sizes of dispersed structures, which can be written in brackets. In a mayonnaise made using a fork, for example, the diameter of oil droplets dispersed in the water phase (from the yolk and vinegar) is between 0.01 mm and 0.1 mm: the formula of the sauce can be written O[10-5,10-4 ]/W (we propose to use the IUPAC rules, and the International System of Units). (S+(W/S))/W, ((S+W)/O)/S, (O+S+(W/S))/W, ((W/S)+(WS))/W, (O + (W/S)/W)/S, ((O+(W/S))/W)/S, (O /W) + ((G+O)/W), (O+(W/S)+(WS))/W, (S+(W/S)+(WS))/W, (((W/S)+(WS))/W)/S, (O+S+(W/S)+(WS))/W, (O+S+((G+O)/W))/W. It is strange that this list does not include such systems as simple as (G+(W/S))/W, that could be made, for example, by mixing whipped egg whites in a velouté, i.e. a sauce obtained by cooking a roux (butter and flour heated until the mixture turns slightly brown) with an aqueous solution (stock, milk ). New dishes: technological applications Finally, the level of description can be indicated, as shows the case of aioli sauce, made from garlic ground with olive oil: a look at the microscopic structure of the sauce shows that it is made of oil droplets dispersed into water (O/W), but the microscope also reveals that a wealth of structures smaller than oil droplets are also dispersed in water: cell fragments, subcellular structures A possibility is to indicate in brackets the smallest structures considered. In the case of aioli sauce, we could write: O [10-5, 10-4 ]/W [d > ]. How to use it? An example will now show how the physical microstructure of dishes can be described globally using the complex disperse systems formalism (CDS formalism). Puff pastry is obtained by including a layer of butter (B) in an envelope made of dough (D), that is stretched and folded into three (making the system DBD); the process of stretching and folding is repeated six times 110, producing successively the systems (DBD)(DBD)(DBD), or D(BD) 3 (two layers of dough D that come in contact make one), then D(BD) 9, D(BD) 27, D(BD) 81, D (BD) 243, and finally D(BD) 729. As dough is a dispersion of starch granules (S1) in a gluten network (S2), and butter has the formula (W/O)/S 111, the final formula of puff pastry is (neglecting the proportions of the ingredients): (S1/S 2)(((W/O)/S)(S1/S2) 729. Application to sauces In the same way, the CDS formalism was recently applied, as a test, to the hundreds of classical sauces given by the French official text book of cooking 112. These sauces were studied using optical microscopy, and the complete formulas were found. In many cases, the formula could be simplified. This modelling lead to the discovery that all the French classical sauces belong to 23 groups only: W, O, W/S, O/W, S/W, (O+S)/W, (W/S)/W, O+(W/S), (G+O)/W, (G+O+S)/W, (O+(W/S))/W, Let us finish this short presentation of Molecular Gastronomy by looking at some new dishes based on scientific studies. Egg at 65 C: At which temperature do eggs coagulate? As the various proteins of egg white have different chemical composition in amino acids, they have also different denaturation temperatures (see Table 2) 113. An interesting application of this knowledge can be obtained by heating eggs at 65 C for some hours: the white coagulates delicately, as only ovotransferrin network forms, and the yolk stays almost raw (only the minor gamma livetin jellifies); during heating, the eggs are made safe, as Thomas Humphrey, from the Public Health Laboratories (Exeter, UK), showed that eggs where one million Salmonella introduced were made safe after 18 min of heat treatment at 59 C. Minus hundred years eggs: Asian population produce one hundred years old eggs, also called longevity eggs, but storing eggs in a mixture of clay, straw, lime and ashes (that contain potash) 114. What can we get if eggs are put in acids, instead of alkalis? In vinegar, the shell is dissolved by acetic acid is some hours; then water goes into the egg by osmosis, and, after about one month, the egg becomes comparable to an hard boiled egg. Is it cooked? As no heat treatment is applied, we proposed to introduce a new word, coction, based on the same Indo-European root kok as cooking. The proposal was done through to 6357 people ( distribution list of the monthly INRA Seminar of Molecular Gastronomy) and 90 percent of people that answered decided that this new word should now be used for cooking without thermal treatment. A letter giving the results of the vote was sent recently to the President of the Académie française. 110 Darenne, E. & Duval, E. (1974). Traité de pâtisserie moderne, pp , Flammarion, Paris. 111 Lopez, C., Bourgaux, C., Lesieur, P., & al. (2002). Crystalline structures formed in cream and anhydrous milk fat at 4 C. In Lait 82, pp Gringoire, L. & Saulnier, T. (1901). Répertoire général de cuisine. Flammarion, Paris. Académie des gastronomes & Académie culinaire de France (1991). L art des sauces, J. T. Lanore, Paris Li-Chan, E. & Nakai, S. (1989). Biochemical basis for the properties of egg white. In Critical reviews in Poultry Biology, 2 (1), Chon, E. (1994). The heritage of Chinese Cooking, Weldon Russel Pty Ltd, Sidney. 181

92 Emulsion with egg whites: As O/W emulsions are made from water, oil and surfactants, many possibilities arise. In particular, emulsions are made from egg white (because it contains 90% water and 10% proteins) and oil. The flavour is nothing, as egg white and refined oil have almost none, but any flavour can then be given to the sauce. In particular, a very delicate mushroom flavour is obtained if raw of cooked mushroom is ground in the sauce (mayonnaise with mushroom would have primarily the flavour of mayonnaise, not of mushroom). Olis: They are generalizations of aioli sauce. The latter is made by grinding garlic cloves with oil: phospholipids (from biological membranes), proteins and other amphiphilic molecules from garlic are surfactants that can stabilize (for some time only) oil droplets dispersed into the water that also comes from garlic. More generally, olis 115 can be made using the same process with any plant or animal tissue, raw or cooked. The name should be explained: garlic is ail, in French. With carrots, one would get carrotoli, and fisholi from fish. Hence the general name: olis. Kientzheim of butter: In the two above proposals, the surfactant was changed, not the oil. If instead of oil, melted butter is added to an egg yolk, using the same process as mayonnaise preparation, a creamy emulsion is obtained. It was named kientzeim 116 of butter. the same as whipped cream. Moreover, the same equation describing the physical transformation O/W + G (G + O)/W can be used with other products, chocolate being replaced by cheese, butter or foie gras, leading to cheese Chantilly or butter Chantilly, or foie gras Chantilly. Faraday of lobster: This dish named in honour of the major physical chemist Michael Faraday ( ) is the first technological application of the CDS formalism. Let us consider any formula, with letters A, B, C K and symbols chosen as described above. For example: ((G+O+S1)/W)/S2. Such a formula can lead to a new dish. For example, with the formula above, a gas (G), two solids S1 and S2, one oil O and one water phase W are to be made. Let us assume that the dish should have the taste of lobster. A cook could: prepare a lobster flavoured oil, buy heating lobster shells in oil (O), prepare a lobster purée by grinding lobster meat (S1), prepare a lobster soup by cooking shells with onions, carrots, thyme, laurel, tomatoes (W), disperse the purée S1 and the oil O into the soup W with gelatine as a surfactant (S1+O) (O+S1)/W, introduce some air into the emulsion (O+S1)/W + G (G+O+S1)/W, wait until the gelatine makes the gel (G+O+S1)/W ((G+O+S1)/W)/S2. This Faraday of lobster was first served by the French cook Pierre Gagnaire (Restaurant Pierre Gagnaire, Paris) in January Of course, the same formula applies to many other dishes: with a carrot flavour instead of lobster, or any other ingredient. The number of possibilities is innumerable. Molecular Gastronomy activities Emulsions trapped in gels: When an emulsion O/W is made from gelatin dissolved in water and oil, the system jellifies when cooling (O/W (O/E)/S). A physically jellified emulsion is formed. A chemically jellified emulsion can also be made by cooking (in a microwave, until swelling due to water evaporation) an emulsion obtained by whipping oil in egg white 117. Chocolate Chantilly and its cousins: Chantilly cream is traditionally made by whipping cold cream: the emulsion of cream is foamed by the whisk. The idea of Chocolate Chantilly is to keep the process and change the ingredients. If some chocolate is melted in a pan, with water, a chocolate emulsion is obtained (O/W). When the pan is put on ice cubes (to cool it faster) and the emulsion is whipped (+G), after some time (some minutes, depending of the efficiency of the cooling), a chocolate mousse (G+O)/W is obtained. It has been called chocolate Chantilly 118. Of course, the proportions of chocolate and water have to be chosen so that the final fat/water ratio is about the same as the ratio in ordinary cream. What is interesting, in this case, is that this chocolate mousse does not contain eggs, and that the texture can be 115 This, H. (1995). Révélations gastronomiques, Belin, Paris. 116 See Science and cooking (cf annexe A.13 de ce document). 117 This, H. (2003). Jeux de texture, Pour la Science, 2(280), This, H. (1996). Le chocolat Chantilly, Pour la Science, 12(230), 20. This, H. (1998), A chocolate foam, The Chemical Intelligencer, Springer Verlag, Since the first International Workshops on Molecular and Physical Gastronomy, our discipline developed considerably. In France only, the main activities are: Since December 1991: Monthly column Science et gastronomie, in Pour la Science, the French Edition of Scien ific American (texts on Molecular Gastronomy were published on an irregular basis since 1982) 1992: First lecture having the tile Molecular Gastronomy at the Ecole Normale Supérieure, Paris (Department of physics). Since 1994: Courses on Molecular Gastronomy at Tours University (Master of sciences and technology "Le goût et son environnement) 1995: Creation of the Molecular Gastronomy Group in the Laboratory of chemical interactions, headed by Jean Marie Lehn, at the Collège de France : Weekly TV Programme on Molecular Gastronomy Toques à la loupe (La Cinquième). 1999: Definition of the new curriculum Chemistry and physics of food in French Colleges. Since 29 April 2000: Organization of the Journée Française de Gastronomie m léculaire, Orsay University (Paris South) Since November 2000 : Séminaire INRA de Gastronomie moléculaire (monthly seminar), Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi, Paris. 183

93 2001: Creation of the Programme Exploration expérimentales du goût for the French culinary schools. Since January 2001: Introduction of the Ateliers expérimentaux du goût in primary schools. Since June 2001: Creation of the Programme Mets patrimoniaux in schools and colleges 2002: Creation of the Ateliers de gastronomie moléculaire, in French culinary schools. January-June 2002: Weekly TV Programme Pile Science, face cuisine (France 5). January 2002: Organization of the Journées de Réflexion sur les Techniques Culinaires for the French cooking teachers. January 2003: New culinary curriculum based on Molecular Gastronomy in French cooking schools. June 2003: Creation of the Group of French specialists on chemistry of food and taste, French Chemical Society (SFC). Janvier 2004 : Creation of the Institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts de la table, with the University of Reims 2004: Creation of the C urses on Molecular Gastronomy, INA P-G, Paris. Conclusion Technological applications of Molecular Gastronomy are important ( the proof is in the pudding ), but they are not science. Exploring culinary recipes shows that a huge scientific work should be done in order to transform an empirical practice in a rational activity. Contrary to what the French chemist Marcelin Berthelot ( ) wrote in , we should not fear that science makes us eat nutritive pills, as the food we eat is rooted in our culture 120. Knowledge can be used to improve classical processes or to introduce new dishes, but elucidation of mechanisms of phenomena it implies cannot determine what we are going to eat. Table 1 : some precisions from French culinary books About stock : 1853 (Bernardi, Viart, Fouret, Delan, Le cuisinier national de la ville et de la campagne, Gustave Barbu, Paris, p. 1): Avoid cooking stock with bread, because it reduces the quality of stock (Jules Gouffé, Le livre de cuisine, (fac similé, 1988), Henri Veyrier, p. 44): the lid should not cover entirely the pan : the stock would become turbid in a completely closed pan (M. Millet-Robinet, La maison rustique des dames, Paris, p. 351): The meat should be put in an earth or iron pan full of cold water ; fountain or river water should be preferred. Around 1900 (Dames Patronnesses de l Oeuvre du Vêtement de Grammont, 760 recettes de cuisine pratique, Grammont, p. 5): In order to make an excellent stock, one should use preferably a pan more high than large. About jam : Around 1900 (M. Madeleine, La parfaite cuisine bourgeoise, ou La bonne cuisine des villes et des campagnes, Bernardin Bechet et fils, Paris, p. 325) : Gooseberry jam: Mix gooseberries and sugar, in a copper pan without tin ; if the pan were covered with tin, the jelly would become purple. About sugar : 1893 (M. Millet-Robinet, La maison rustique des dames, p. 214): Ground sugar acquires a particular, unpleasant flavour that is given to any syrup made from it, but not to other mixtures. About onions : 1900 (M. De Gencé, Encyclopédie de la vie pratique, Librairie nationale des beaux arts, Paris, p. 621): Onions are very important, but they are difficult to digest. This effect can be avoided in the following way. Before using onions, peel them, put them in a pan with boiling water and about one gram of soda. After one quarter of an hour, water is colored in greeen. About flour : 1801 (A. Parmentier, Le parfait boulanger): It is essentiel to mix flours well before to make the bread fermentation. In the same way, wine drunk immediately after being mixed with another wine is dangerous, and becomes drinkable only after some time. About jellies : 1903 (Jean de Gouy, La cuisine et la pâtisserie bourgeoises, J. Lebegue, Bruxelles-Paris, p. 80): Avoid cooling jellies by using ice before it is at room temperature; the sudden cooling makes it turbid. About vegetables : IV-Vth A.D. (Apicius, De Re Coquinaria, Les belles lettres, Paris, p. 150): Use soda to keep the beautiful green color of green vegetables, in particular cabbage (Roger Vergé, Les légumes de mon moulin, Flammarion, Paris, p.37): Cut the tip of artichoke leaves with a stainless steel knife in order to avoid the appearance of a black color. 119 Berthelot, M. (1987). Discourse made at the Banquet of Chemical Industries, April 5, In Science et morale, Calmann-Lévy, Paris. 120 Fischler, C. (1990). L homnivore, Odile Jacob, Paris

94 About eggs : 1996 (Laura Fonty, 1000 trucs de grand-mère, Marabout, Paris, p. 24): Whipped egg whites make are foamed faster when some salt, vinegar or lemon juice is added. Table 2: proteins denaturation temperature ( C) From egg white From the yolk LDL 70 Ovotransferrine 61 HDL 72 Ovomucoïde 70 Alpha livetine 70 Lysozyme 75 Beta livetine 80 Ovalbumine 84,5 Gamma livetine 62 Globuline 92,5 Phosvitine > 140 Yolk : (because of LDL) Annex: Nicholas Kurti ( ) 121 The ancestors of Molecular Gastronomy We shall begin the story with a rapid survey of the history of food science. This is a classical scientific discipline as some pioneers are Parmentier ( ), who introduced the potato in France and explored the uses of this food ingredient, and the chemist Jacques Thenard ( ), who, in particular, helped (very slightly) the gastronome Jean-Anthelme Brillat-Savarin ( ) to write his universally renowned Physiology of taste ; later Michel Eugène Chevreul ( ) developed the chemistry of fats, not forgetting Justus von Liebig ( ), Emil Fischer, Rumford or many others, including of course, Albert Szent-Gyorgyi ( ). Food science developed rapidly, going into details of food modification under various treatments and closely collaborating with the food industry. But in the process of industrialization, home culinary operations were modified because they had to be adapted to the needs of mass production. The food industry flourished, but the individuals who cook at home did not benefit from the advances of science. Cooking at home or in restaurants remained almost the same activity as in the Middle Ages: the same tools were used, the methods did not evolve and the ingredients changed little. In other words, while it is true that Rumford's wish has been to some extent fulfilled, good basic science and engineering has greatly helped the development of the food industry in the last years; but it still seems to be very rare to see the professional scientist cum amateur cook using his physics, his chemistry, his mathematics to explain, to explore, to improve everyday processes in the domestic kitchen and, in doing so, perhaps even to create new dishes. Any evocation of the role of Nicholas Kurti in Molecular Gastronomy should begin by a quotation from Sir Benjamin Thompson, Count Rumford, born in America, soldier, statesman, natural philosopher, inventor and social reformer. In his 400-page essay On the Construction of Kitchen Fireplaces and Kit hen Ustensils together with Remarks and Observations relating to the various Processes of Cookery and Proposals for improving that most useful Art, published in 1794, Rumford wrote «The advantage that would result from an application of the late brilliant discoveries in philosophical chemistry and other branches of natural philosophy and mechanics to the improvement of the art of cookery are so evident that I cannot help flattering myself that we shall soon see some enlightened and liberal-minded person of the profession to take up the matter in earnest and give it a thoroughly scientific investigation. In what art or science could improvements be made that would more powerfully contribute to increase the comforts and enjoyments of mankind?» Why did Nicholas like so much this quotation? I shall probably never know, but I know that the more we published together, the more he insisted to have Rumford s sentence introduced in the texts dealing with Molecular Gastronomy. Or rather Molecular and Physical Gastronomy, I should say. Let me tell you how all that began, and you will understand the meaning of his claim. 1969, the turning point Then came the year At that time Nicholas was very interested in the history of science (he was largely responsible for the creation of the Contemporary Scientific Archive Centre, which catalogued and preserved the papers of distinguished scientists). Being fond of physics, Nicholas had a particular interest in Rumford, one of the founding fathers of thermodynamics. The Royal Institution in London, founded by Rumford, is well known for its Friday Evening Discourses, i.e. regular lectures on a wide variety of topics was the 170 th anniversary of an event that took place at the first meeting of the Managers of the Institution that was to become the Royal Institution : on 9th March 1799, it was resolved that «the proposals for forming the Institution, as published by Count Rumford, be approved and adopted». As Rumford was to be mentioned in this celebration, Nicholas was approached by the Royal Institution, and he suggested the title The physicist in the kitchen. He was already a good cook, having learnt from his very skilful mother, but the Royal Institution lecture focused his mind and from that time onwards cooking became serious experimental work. The lecture was filmed by the BBC. A frequently quoted sentence of the lecture was: «It is a sad reflection that we know more about the temperature inside the stars than inside a soufflé». And in fact, during the lecture, Nicholas did several experiments, among them the measurement of the temperature inside a soufflé. The 121 A text by H. This published in 1998 by the Hungarian Academy of Sciences, revised by Giana Kurti

95 temperature rose, from 20 C, then diminished a little, and then increased again up to 70 C, at which the soufflé was taken out of the oven because it was «done pretty well to perfection» 122. And he cultivated it, because in 1988 he and his wife Giana published a book entitled But the crackling is superb, with contributions of the fellows of the Royal Society 125 During this lecture, Nicholas also demonstrated the injection of fresh pineapple juice through a hypodermic syringe into meat: the proteolytic enzyme bromelin in the juice split protein molecules, acting as a meat tenderized 123. He also prepared meringue in a bell jar, which was evacuated: the swelling of the foam was very important and the drying of the meringue was much faster than in the classical method. But the result was different: what he obtained was a «hard nothing», as he described it. During the lecture, Nicholas also considered the culinary works of Rumford and, in particular, the method for making coffee, describing Rumford s coffee pot, «which contained a filter and is, in fact, a double boiler, so that however long the making of the coffee takes the resulting beverage remains hot without boiling» (in 1975, his former students and colleagues presented him with a replica of that coffee pot). Then staying with Rumford, he explained the method for cooking shoulder of mutton «à la Rumford», i.e. at low temperature. Nicholas recorded the temperature inside the joint with hypodermic needles and a thermocouple connected to a chart, so that he could judge when the meat was cooked without taking it out of the oven 124. Finally Nicholas considered the use of microwaves in the kitchen, a truly new method of cooking, and he invented a new dish, that he called Inverted Norwegian omelette, or Baked Alaska, where a burning core is surrounded by a cold coating. In all these explorations, Nicholas was well armed to cope with culinary processes: as Brillat-Savarin wrote, a good chef has to respect the eternal laws of nature, and it is often mentioned that they have to be master of fire. Even if Nicholas was a specialist a very low temperatures, he knew perfectly thermodynamics, which is everywhere in the kitchen. And cooking, as experimental physics, of which Nicholas was a master, is primarily experimentation. The lecture was important, because it induced Nicholas to make many physics experiments with food; it was the beginning of the story. Nicholas became famous for his culinary explorations of «gastrophysics», giving lectures, interviews, making TV and radio programs... Sometime people forget that he was also a top low temperature physicist but Nicholas was happy with this public image. 122 Later, we made experiments together in order to explain the decline in temperature after the initial rise, and we showed clearly that it is due to the rise of comparatively cold layers. It is strange that Nicholas never tried to explain this rise. I showed that it is due to vaporization of water at the bottom of the ramequin. 123 Nicholas named «à la Pravaz» his recipe using the syringe, after Pravaz, the inventor of the hypodermic syringe, but the recipe was already published in the 1920 s in France under the name «intrasauces», which should be kept, as Nicholas himself agreed later. 124 The denomination «à la Rumford should not be kept, because the «gigot de onze heures» is a classical recipe ; it works according the well known principles of «braisage», a classical process for which even special tools called braisière were made for a very long time. These braisières were put in hot ashes, so that the temperature was under 100 C, which is a bad temperature for cooking meat : at that temperature, water evaporates, and the tenderness is reduced. 188 Molecular Gastronomy at last Excuse me now to mention my own contribution, but since I met Nicholas in 1986 I had the remarkable luck that the threads of our lives were intertwined. First one remark: Michael Faraday became the great physicist and chemist that we all know in part because he read, as he was young, the book of a clergyman, Isaac Watt, The improvement of the mind, in which advice was given: have correspondence, have collaboration, check the facts, do not extrapolate hastily, do not participate in controversies. Nicholas was fond of Faraday, just as I was, and we tried both to apply this advice. The story goes as follows. Living and working in Paris, I did not know the existence of Nicholas and for many years I was also investigating French proverbs about culinary processes in my private laboratory, while working for the magazine Pour la Science (the French edition of Scientific American). In 1986, a new advertising officer was hired by the company; she worked previously for Europhysics letters, of which Nicholas had been the editor. And as soon as she heard of my experiments, she mentioned Nicholas to me, giving me his telephone number in Oxford. I called him immediately and, one week later, he came to Paris, using the opportunity of a meeting of the Société française de physique (the French physical society). We met in a small restaurant in the Quartier Latin («Chez Maître Paul»). I remember that he choose the place, and that we had a wonderful «Poulet au vin jaune du Jura» (braised chicken with a sauce made from a special wine that is aged for six years into wood barrels ; a veil of micro-organisms that decompose gives the wine its characteristic taste). I do not know the mechanism of our souls, but immediately we were like old friends. And since this lunch we collaborated closely. I discovered that he had made some experiments that I had also made. But he had also made experiments that I did not make, and I had some results that he did not know. This was due probably to the difference of the point of view that we had: he wanted to introduce physics in the kitchen, and, being a chemist rather than a physicist, I wanted primarily to check the culinary proverbs, in order to «clean» the culinary books for the next centuries. He very soon came back to Paris. Almost immediately we felt that we should have a meeting somewhere in the world, where all the people interested in this kind of activity, using science in the kitchen, could exchange ideas. I remember the day, in my office, when Nicholas called the director of the Ettore Majorana Centre, Professor Antonino Zichichi. Nicholas knew Antonino Zichichi from previous physics workshops in the Ettore Majorana Centre, in Sicily. Antonino Zichichi answered very openly and kindly that he would agree to have a special workshop if we could demonstrate that the activity that was our 125 The title was choosen because Nicholas cooked for a French chef heading a restaurant in England his pork roast injected with pineapple juice. Asked to comment, the chef answered : «It is not terrific, but the crackling is superb». 189

96 common passion could interest other top scientists. We had the luck to get immediately the support from Hans Mayer Leibniz, in Germany, of Sir Arnold Burgen in Great-Britain, of Philippe Corsaletti (who was the president of Eurotoques, a European association of chefs), of Pierre Gilles de Gennes (a Nobel laureate, he was the director of the Ecole supérieure de physique et de chimie de Paris, where I had studied there, and Nicholas knew him well because they met when Nicholas was working in Europhysics letters), of Pierre Potier in France, and others. What was the name to be given to this workshop? Nicholas was fond of Rumford, and I was fond of Jean Anthelme Brillat-Savarin, who wrote that «The discovery of a new dish does more for the happiness of mankind than the discovery of a new star» (by the way this quotation was in the introduction of the 1969 lecture in the Royal Institution). Brillat-Savarin mentioned in particular that «Gastronomy is the rational study of all that related to man as he is eating. Its purpose is to keep humankind alive with the best possible food. It relates to natural history, by the classification of alimentary substances, to physics, by the analysis of their composition and their qualities, to chemistry by the analysis and decompositions that it imposes on them, to cooking...». Consequently our common activity, in spite of slight differences that we shall examine later, should then be named Gastronomy. But it was only part of it: I proposed that we use the name Molecular Gastronomy, but Nicholas resisted my chemical inclination and insisted that we also indicate that some processes are not chemical, but physical: we agreed that it would be an «International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy». One remark: it has been sometimes asked why we did not call it «Molecular and physical cooking», which would have avoided this pompous «gastronomy». Nicholas and I knew that it was not appropriate, because we wanted to use science in order to examine culinary processes, certainly, but also some phenomena that arise when we are eating. For example, is there a way to avoid the astringent taste of tea? Which kind of wine is to be drunk as we are eating salad? Which kind of spoon should be used as we are eating oeuf à la coque? In 1992, in Erice (Sicily), we co-directed the first «International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy». As we had wanted, the participants were either chefs or scientists, and experiments alternated with discussions. At the end of this very fruitful meeting, Nicholas agreed to be my second father. And it was the beginning of a still closer collaboration. We had daily telephone calls: I told Nicholas about my experiments, and either he discussed them or he gave me his own results. In this way, we made rapid progresses. I remember in particular a work on vinegar «reduction»: Raymond Blanc, a French chef running the three star restaurant Manoir aux Quat Saisons, near Oxford, told Nicholas that boiling vinegar would reduce its acidity. Nicholas mentioned it to me, and I made the simple experiment of boiling vinegar, and measuring the ph after various boiling time. He confirmed the result, but, in Paris, I got a different result. How was it possible? As we compared our experiments, we found that the only parameter that changed was the nature of the vinegar: Nicholas had used white vinegar, and I had used wine vinegar. Then we tried other kinds of vinegar, and we finally found that there is no general low : some vinegar have a ph that is reduced by boiling, others have a ph that is 190 increased, some have a ph that goes up and then down, and some others have a ph that decreases before increasing... The explanation is simple: vinegar is not a simple mixture of acetic acid and water. It includes a lot of other acids and bases, strong or weak: tartaric acid, formic acid, etc. This experiment shows well how collaboration was fruitful. As we were doing this kind of experiments, we prepared another workshop of the same kind. It was in 1995, and the topic was «Sauces or dishes made from them» ; the third workshop, in 1997 was about «Cooking», and the fourth workshop, alas without Nicholas, was recently in Erice about «Flavours, how to get them, how to distribute them, how to keep them». At the same time, we published a lot, together (I always produced the first draft, and he made a lot of corrections). We were first invited to make a long contribution in Scientific American. Then we wrote the «scientist s notes» for the cookery book of Raymond Blanc. And we were the editors of «The cooking chemist» in The Chemical Intelligencer, invited by Istvan Hargittai. We should not forget also a Newsletter that I ran for some time after the first workshop; this newsletter was stopped because after six issues Nicholas and I were almost the only contributors. At the same time, we had many pleasures: we were given the opportunity to teach Molecular and Physical Gastronomy in the University of Tours (France), we were chosen as «patrons» by the students of the Ecole nationale supérieure de biologie appliquée à la nutrition et à l alimentation (ENSBANA), in Dijon, we were invited to lecture, sometimes together, in France and England, etc. Nicholas gave me a lot of good advice that I was not always able to follow, because I did not always understand him. One that I could follow and that I am sharing with all my students and auditors is the following: «Hervé, he said frequently, make simple experiments». There is no better advice. It is clear that we could show to the public a lot of complicated things: NMR analysis of food during culinary transformations, precise thermal differential analysis, etc. But the public would then only say that we are clever people and would not truly accept our results. Doing simple experiments is a good way to make good demonstrations and to increase the «palatability» of chemistry and physics. I mention this point because Nicholas, consciously or not (I do not know), and I used Molecular Gastronomy as a way to communicate science to the public. If the layman says that he hates chemistry («a polluting, dangerous, sticky activity»), it is easy to make him notice that cooking a steak is doing chemistry: before the cooking, it is red and needs seasoning to make, at best, steak tartar; after it is brown and tasty, because of Maillard reactions, and others. If the steak is to be cooked perfectly, the chefs would benefit to know and use some chemistry. Nicholas did not always agree with me. I remember for example when I was passing a Ph D in physical chemistry (the jury included Jean-Marie Lehn, Pierre Gilles de Gennes, Nicholas, one French chef, Pierre Potier and other scientists). This event seemed to be very important for Nicholas because the title was «Molecular Gastronomy», but I dropped the «physical» in the title, because I had the feeling that «Molecular» was enough to say that chemistry and physics were used in the kitchen 191

97 together. Contrary to Nicholas, I never considered that they could be separated. Was I right? On other occasions, I could not understand some of his remarks. For example, when I was testing old wives tales about food, he frequently mentioned that I wasted my time if I made tests of non written proverbs or of obviously false indications. However, when we published the first article of «The cooking chemist» column, we wrote together «These minute investigations may perhaps be tiresome to some readers; but those who feel the importance of the subject and perceive the infinite advantages to the human species that might be derived from a more intimate knowledge of the science of preparing food, will be disposed to engage with cheerfulness in these truly interesting and entertaining researches.» Finally I never understood why he was so fond of Rumford, at the point that he became a specialist of the life and work of this scientist. Did he consider Rumford as the ancestor of Molecular Gastronomy? In fact Rumford was certainly not, because I recently found a publication by Antoine Laurent de Lavoisier on stock preparation, where the great French chemist was writing: «One cannot avoid being surprised, each time that one ask questions on the most familiar objects, on the most trivial things, to see how our ideas are often vague and uncertain, and how, thus, it is important to fix them by experiments and by facts». Another possibility was that Nicholas admired Rumford for being a scientist, an engineer as well as a gastronome. Nicholas was always interested in energy conservation and the proper use of energy. Rumford designed fireplaces and stoves, and the already mentioned coffee pot. He was interested in nutrition and social problems. He was not exclusively a «laboratory scientist»; nor was Nicholas. I have to repeat that Molecular Gastronomy has many patrons and many precursors. One should not forget Edouard de Pomiane, who designed gastrotechnie, in the 50 s, in France. However, Molecular Gastronomy had only two founders, and Nicholas is to remain in the history as one of them for his work in introducing physics in the kitchen. I wish he could also be celebrated for a major part of his heritage, a part that I invite you to share with all the people you meet: it is written in my heart and it is «Let us have simple experiments». A.10. Molecular Gastronomy (Harold McGee) 126 Let me propose a definition of molecular gastronomy. Nearly two hundred years ago, Brillat- Savarin defined gastronomy as "the systematic understanding of all that relates to human nourishment. Its aim is to oversee the preservation of human life by means of the best possible food." Today, the standard English definition is the art and science of choosing, preparing, and eating good food. In its broadest sense, gastronomy includes a number of disciplines, including practical training in culinary techniques, food connoisseurship and criticism, food history, nutrition, food science, food engineering, sensory analysis. A number of these disciplines already take a scientific approach to human nourishment. However they are not primarily concerned with the creation of quality, with good food or the best possible food. To me, molecular gastronomy should mean the scientific study of the pleasuregiving qualities of foods, the qualities that make them more than mere nutrients. This is an awkward phrase, so here is a more succinct formula: Molecular gastronomy is the scientific study of deliciousness. A university program in Molecular Gastronomy should focus on questions like the following: How can traditional definitions of culinary excellence and distinctiveness be described and understood in chemical and physiological terms? Can chemical and physiological analysis help us refine and improve these definitions? What particular ingredients and methods are required to achieve excellence in a given food, and what are the chemical reasons for this? Having understood the nature of excellence for a given food, are there ways of optimizing its preparation beyond the traditional methods? A program that addresses such questions will be of broad and lasting value both to the gastronomical culture and to the food industries, for which it will provide guidance for the continuing improvement of mass-produced products Je rappelle pour les étourdi(e)s qu Harold McGee est l auteur de la bible de la gastronomie moléculaire «On food and cooking» (cf bibliographie). 193

98 A.11. Molecular Gastronomy (Peter Barham) 127 A.11.1 Molecular gastronomy in the UK Molecular Gastronomy a definition Molecular Gastronomy (MG) is a new science - the application of scientific principles to the understanding and improvement of domestic and gastronomic food preparation. Molecular Gastronomy is distinct from traditional food science in that it is primarily concerned with small, rather than large scale preparation of food. Further, Molecular Gastronomy treats the experience of eating food as a whole:- from the raw ingredients, through the preparation of a dish to its appreciation by the consumer. It is thus a strongly interdisciplinary subject involving the physical sciences, biology and biochemistry, physiology and psychology. We see MG as being a highly interdisciplinary activity, bringing scientists from all areas Physics, Chemistry, Biology, Psychology, Physiology, Engineering, etc. together with people working in all areas of the food industry (from producers through processors to chefs). How does MG work in the UK? What makes MG work is that people who would never be likely to be interested in conventional food science (seeing it perhaps as beneath them, or because they distrust or dislike the mass processing involved) are very happy to become involved. All of us in the sciences and in the restaurant business are very busy people with our own agendas. Scientists have their own research projects and, to survive in the academic world have to obtain and retain research grants, and produce a steady stream of high quality publications in their own discipline. This makes it hard to justify helping others in different disciplines there just has to something in it for you. But in the case of MG it seems any scientist who is asked to join in immediately comes aboard with open arms. The reason is simple. There are immediate, tangible results and benefits. If you can see your work going to produce fantastic food - and are able not only invited to eat it, but are also able to learn how to make it for yourself you are more likely to give freely of your valuable time. In the UK, there is not as yet any formal structure to the MG networks that have sprung up. Basically, we work as a loose network of individual chefs and scientists who talk regularly by phone and and help each other sort out any problems. It is important to most of us that the activity is driven by the food, rather than by the science. This may seem strange at first sight, but it works because it is almost inevitable that when you ask ant question about what makes good food there is an opportunity for one of the scientists involved to do some research that is directly in (or at least close 127 Je rappelle de nouveau pour les étourdi(e)s que peter Barham est l auteur d un excellent livre de gastronomie moléculaire («The science of cooking»; cf bibliographie) et qu il est le partenaire privilégié du chef Heston Blumenthal (cf annexe suivante), dans le même esprit que notre duo national Hervé This / Pierre Gagnaire (cf annexes A.8 et A.10). 194 to) his (or her) own area of interest. By offering mutual support every body gains (and we all get to eat better and better!) For example, a question that has been posed is why does the same dish taste better depending on where it is eaten? This led to a little simple research to check it was true the conclusion was that surroundings do affect the appreciation of food. It was not found that food tasted any better if it was local though. That led to one of our physiologists thinking about the biochemical aspects of pleasure; we put him in touch with a psychologist who also works with MG from time to time and they joined up with a chemist who had a magnetic resonance scanner to look further. A few months later and they had formed a firm alliance and shortly later obtained major funding from the Medical Research Council for a study of Brain chemistry. It is this sort of unexpected spin-off that drives some of the best scientists in the country to want to be associated with MG. In exchange for a good meal, more or less any good scientist can be persuaded to offer a few suggestions about how a novel problem (e.g. how to make a foamed hot jelly with two or three different flavours trapped in the bubbles). Then once hooked they just keep on coming back for more! Where is MG going in the UK? I cannot speak for all of those who are involved in the wide variety of MG activities that are going on, mostly in pair-wise interactions. So I have outlined below my own ambitions for MG in the UK. British food is widely regarded as the worst in Europe, if not the developed world. This is false. We have in Britain some of the finest chefs in the world and a strong tradition of good wholesome food. The new science of Molecular Gastronomy is being driven by British scientists and chefs to improve this situation. Over the next few years we hope that various institutions within the UK will run a range of courses (in the long term these will include a taught Masters programme) and workshops, and publish newsletters and journals. The ethos of open discussion will be very important in facilitating the free exchange of ideas and concepts. In particular, many chefs find it difficult to share their ideas and often jealously protect their own recipes. By holding workshops in an open academic environment and by having a number of Associates who are themselves top chefs who are fully prepared to share their own ideas we hope to create an appropriate atmosphere. We intend to restore the reputation of the UK and make it widely recognised as amongst the leading nations in terms of the food we eat. The main objectives are: To carry out a range of Research and Development projects covering all aspects of Molecular Gastronomy. To organise workshops and courses for professionals to exchange ideas and develop new Molecular Gastronomy concepts. To improve science and home economics teaching in schools by introducing food related examples and experiments. To develop the use of Molecular Gastronomy in top restaurants to create opportunities for chefs to improve and create new dishes, etc. 195

99 To publish regular newsletters, a Journal of Molecular Gastronomy and a series of text books on all aspects of Molecular Gastronomy. To develop cooking techniques and novel dishes which allow "healthy" eating without compromising flavour or texture. To contribute to the making of the UK the foremost food nation at all levels. Educational aspects Several of those who have been involved with the develop0ment of MG see that it has the potential to play an important role in education not only to improve the appreciation of good food, but also (and for some of us more importantly) to use the medium of good food and cooking to engender a greater understanding and appreciation of the sciences. We wish both to improve science and home economics teaching by making it more relevant and to encourage families to eat together and discuss the food so leading to better communication and cohesiveness of family units. As a first step we want to introduce increasing amounts of "cooking" and "food" related examples and experiments into the science part of the national curriculum, the "science experiments" will help students to learn basic cooking techniques and to prepare simple but very impressive dishes. In school, children will learn simple basic and highly effective cooking techniques at school and be encouraged to take them home parents will be most impressed and enjoy eating the food cooked by their children leading to more family meals and more discussion, etc. Parents will be further inspired through seeing the new food styles in restaurants, on TV and in the press and magazines and want to try it all out. The overall aims are to encourage families to eat together and discuss the food so leading to better communication and cohesiveness of family units and to improve restaurant experiences so that people eating out will discuss the food, the ingredients and the preparation while eating - thus generating enthusiasm to experiment at home and again lead to more family meals. Research Projects The opportunities for collaborative interdisciplinary research are limited only by the imagination of those involved. Two examples that we are currently exploring are described briefly below. The effect of polymeric additives on food processing and texture The UK Engineering and Physical Science Research Council (EPSRC) has noted that expertise in polymer science should be applied in the area of soft solids and highlighted the relevance of investigations of food additives as a particular topic of interest. The effect on flow of small amounts of polymeric additives can be dramatic Discussion between a food processing company, a chef and two departments at Bristol University are ongoing and we expect to put a joint proposal to the EPSRC to study how food textures can be affected through the judicious use of very long polymeric additives. 196 The project will cover the basic science to allow the food processing industry to manufacture products with controlled phase morphology to provide desired texture. Flavour, texture and healthy eating Food quality is one of the main themes of the another research council in the UK (BBSRC). The BBSRC is aware of the links that have been established good links with several chefs, food processors and food retailers all of whom are concerned to produce foods that have the flavour and texture of the finest gastronomic dishes, but at the same time are designed to give a balanced and healthy diet. The main problems lie in the areas of texture (mouthfeel) and control of the rates of flavour release in the mouth. All good chefs know intuitively how to use fats and oils to control texture and flavour release, but, as I have already shown in a few preliminary experiments with one restaurant (The Fat Duck) it is possible to use gels made from a combination of different polysaccharides to construct fat free desert dishes which have textures and flavours comparable to traditional ones that are very high in fat content. We intend to apply to the BBSRC for funding to extend this work to a range of both savoury and sweet dishes and to explore techniques to scale up production. A.11.2 Other molecular gastronomy considerations 128 Taste and Flavour Facts Recent scientific research has revealed just how complex our sense of flavour really is. There is no single sense that defines flavour - although we perceive the flavour of food in our mouths, it is our brains that determine flavour. When humans evolved, we had to take whatever food we could - we ate berries and leaves or, when we could kill an animal, raw meat. It was essential to our survival to detect what food was safe, so we honed and evolved our senses to ensure we liked foods that were safe to eat and disliked those that were dangerous. Our tongues have five different types of sensors 129 (taste buds) - sweet, sour, salt, bitter, and umami (this last has only recently been recognised as a separate taste sensation - the taste of mono sodium glutamate, MSG - found in tomatoes, parmesan cheese and soy sauce, etc.). These are crucial. When we put food in our mouths, we need to decide whether to eat it or spit it out - this can be a life or death decision and needs to be made quickly. 128 Cf Commentaire personnel : sans doute beaucoup plus en fait Consulter à ce sujet l annexe A.12, et surtout tenez vous au courant des avancées de la recherche, les choses évoluent encore dans ce domaine. 197

100 We need sugar as a source of energy - so we like sweet tasting foods - if all we taste is sweetness we will eat the food. We need salt to survive - salt has many essential roles - salt affects the electrical conductivity through the body - it governs how our hearts beat, how signals are transmitted along our nerves and in our brains, and controls many other processes. Glutamic acid is one of the essential amino acids that form the building blocks of proteins - so recognising foods that provide it is important. It therefore not surprising that our "Umami" taste receptors are particularly attuned to the sodium salt of glutamic acid (mono-sodium glumate) 130. Sourness often accompanies foods as they are going off due to bacterial action - think of sour milk - so recognising sourness helps us decide not to eat some foods. Most poisonous berries are taste bitter, so we need to recognise and dislike bitter foods. If we eat a bitter food we will not only spit it out, but follow that up by vomiting to get rid of any trace that may accidentally have got into our digestive systems. But taste is just the last line of defence - we use all our other senses first - and these affect how we react to different tastes. First we look at the food - is it the "right" colour? Next we touch it - is it firm or soft? At the same time, we listen to how it sounds when we break it - is it crisp or soggy? Then we sniff it - are there any unpleasant odours? All these impressions tell us what to expect when we put food in our mouths. If we are eating berries, we will be looking for sweetness, combined with "fresh" and "tangy" aromas; if it is meat we will be looking for saltiness without any sour "off" aroma. The type of food and our memories of similar foods tell us the key aromas and tastes to look for in the "flavour". All this complex information is processed by our brains and interpreted as the "flavour" and is tasted in our mouths. Our sense of smell is much more discriminating than our sense of taste. The organ we use to detect aromas is the olfactory bulb, located at the back of our noses near the middle of our heads. Inside the olfactory bulb, we have at least 700 different types of sensor and can use them to distinguish many millions of different molecules. It is not surprising that wine tasters sniff the wines first - their noses are attuned to look for a range of aromas that give clues to the grape variety and region, etc. But how we use all this information is greatly influenced by the other senses. For example, if you taste a wine you will be influenced by its colour. Indeed, a recent experiment, fooled all the experienced wine tasters. In this experiment, the tasters were asked first to taste six white wines and 130 Commentaire personnel : là encore, les choses sont sans doute plus compliquées. D une part parce qu il semblerait que le goût «umami» soit en fait dû à la présence conjuguée d acide glutamique ET d alanine (un autre acide aminé essentiel) ; d autre part parce que d après le raisonnement basé sur l évolution, on devrait aussi être sensible au goût des autres acides aminés (ce qui semblerait d ailleurs bien être le cas. Affaire à suivre ). 198 describe the flavour. They described the flavours using words like "refreshing", "strawberry" and "citrus" to identify different notes in the aroma - these are words frequently used to describe white wines. Then when asked to identify the wines, the tasters were able to correctly identify the grape and the region - some even giving the exact vineyard and vintage. Next a trick was played - the same six wines were served again, but this time with a little inert red food dye added. This time the tasters used completely different language to describe the flavour - "woody", "tannic" and "powerful" - all words associated with red wines. Then when asked to identify the wines, all plumped for red grape varieties and a few ventured opinions on actual wines they believed they had just tasted. However, when the experiment was repeated again - this time with the tasters blindfolded - they once again got the answers correct. But there is much more to flavour perception than just the sum of all the different inputs from the eyes, mouth and nose. Our brains, it seems, respond much more to changes in which molecules are in the nose and mouth than they do to what is actually there, for example - if you chew a piece of gum, the flavour will disappear after a few minutes, as your brain gets "bored" by the aroma in the nose - but there is virtually no reduction in the amount of flavour molecules in the nose. However, if you simply change the input from your tongue, by, for example - taking a sip of sweetened water - the full flavour will be instantly restored. The area of flavour perception is one of the most exciting areas for scientific research - it holds out the promise of helping us find ever better ways to produce truly wonderful food. Molecular Gastronomy To me a kitchen is just like a science laboratory and cooking is just another experimental science. Imagine a chemistry laboratory. You will find chemicals of course, but also containers to mix and react them as well as devices to control the temperature of the reactions and measure out the quantities of the chemicals for each reaction. Then, perhaps less familiar, you will find machines to determine the reaction products - to tell you the results of your experiments. Your kitchen is full of apparatus - devices to heat and cool, tools to mix, cut and grind, and measure out ingredients - and materials that you react together (the food ingredients). Every time you follow a recipe you are conducting an experiment. You measure out the ingredients, mix (or react) them together following the instructions and then test the result - by eating the resulting dish. Then you follow the scientific method by testing the result of your experiment (the flavour and texture of your dish) against your model (the photo in the cookery book). Usually we are disappointed - the 199

101 photos in the cookery books always looks better than our first effort. So we try again, changing what we do. A good cook will use their experience to vary the temperature, or the proportions of the ingredients to get the next attempt to come out better. A scientific cook will read the instructions in the recipe and ask whether they make sense and if not change them. The application of science to domestic and restaurant cooking has developed into the new science of Molecular Gastronomy - the application of scientific principles to the understanding and improvement of gastronomic food preparation. Its form has largely been determined by a series of meetings between chefs, scientists and food writers held at the Ettore Majorana Centre for Scientific Culture in Erice, Sicily over the course of the last 10 years. These meetings (The International Workshops on Molecular and Physical Aspects of Gastronomy) were founded by the late Nicholas Kurti (who was one of the foremost low temperature Physicists of the 20th Century) following an initial suggestion from Elizabeth Thomas who runs her own cooking school in California. Since Nicholas Kurti passed away I have helped Dr Hervé This of the Ecole de Paris to organise the Erice Workshops. The diverse discussions at these workshops have helped to define the new science of Molecular Gastronomy. The main questions that those of us involved in Molecular Gastronomy are trying to address are strongly interdisciplinary, as is only to be expected in a subject which is concerned with the whole process of the preparation of food, from the raw ingredients to the actual dish on the plate. Molecular Gastronomy encompasses such diverse issues as: How and why we evolved our particular taste and flavour sense organs and our general food likes and dislikes? How do production methods affect the eventual flavour and texture of food ingredients? How are these ingredients changed by different cooking methods? Can we devise new cooking methods that produce unusual and improved results of texture and flavour? How do our brains actually interpret the signals from all our senses to tell us the "flavour" of food? How is our enjoyment of food affected by other influences - the environment in which we eat the food, our mood, etc? Although at the moment there is only one research group (that of Hervé This in Paris) that is devoted entirely to Molecular Gastronomy, there are a several groups working on individual aspects of Molecular Gastronomy especially the mechanisms of aroma release and the perception of taste and flavour. Two of most important are those of Prof Andy Taylor at the University of Nottingham and the Monell Chemical Senses Centre in Philadelphia, USA. Both have been involved in the Erice meetings. The main driving force to develop Molecular Gastronomy at the moment are collaborations between scientists and chefs. In France Hervé This works with several Michelin starred chefs including Pierre 200 Gagnaire and Philippe Conticini. Here in the UK my own collaboration with Heston Blumenthal, of the Fat Duck, has been very fruitful and influential. My own interest in Molecular Gastronomy derives from my interest in understanding the physical and chemical process involved in cooking. Together with Heston Blumenthal we are using our increasing understanding to develop new dishes and cooking processes. The cooking of meat and fish at low temperatures is one good example of a new technique that has already found its way into the restaurant. Further developments in the pipeline include a filtration system for stocks and consommés that will reduce preparation time by many hours or even days and produce crystal clear sauces and jellies. The use of ultrasonic mixing has the potential to make novel emulsions - how about a vodka mayonnaise? The possibilities are endless and some will surely soon escape from the restaurant to the domestic kitchen. But there is much more to Molecular Gastronomy than just the physical and chemical changes during food preparation. One area that fascinates me is how all the senses play their own roles in our appreciation of food. Even our sense of touch can affect our perception of flavour. Try this experiment for yourselves. Try tasting some ice cream - it should taste good, like ice cream. Now take the same ice cream and while putting a spoonful in your mouth close your eyes and fondle a piece of velvet cloth. It will taste creamier than before! But even more astonishing if you rub your hand over a piece of fine sandpaper while taking yet another spoonful, the ice cream will seem to become gritty. It seems that what we feel with our hands with our eyes closed can be transferred in our brains to the tongue. Another truly astonishing fact is that the sound of food changes our expectations. One simple example comes from the humble potato crisp. The marketing people have known for a long time that they need to sell crisps in packets that themselves crackle - if they try to market crisps in packs that don't have the right sound then we consumers think the crisps are stale. Today we are just beginning to realise the important roles all our senses play in affecting the way in which our brains interpret flavour. But we have a great deal to learn before we fully understand the complexities of how we taste food and perceive and appreciate flavour and texture. This journey of discovery which is the new science of Molecular Gastronomy will be a stimulating and exciting one. Kitchen Myths There are many old wives tales in the kitchen - many are perpetuated throughout cookery books, but a little thought about the science involved will show they are quite ridiculous. Here are a few of my favourites. 201

102 You should add salt to water when cooking green vegetables. Why add salt? Cookery books give a range of answers including: "to fix the colour"; "to make the water boil faster"; "to make the water hotter"; "to make the water cooler" and "to season the vegetables". The colour of green vegetables can change during cooking - this is due to changes in the pigment molecules in the vegetables - these are largely affected by the acidity (ph) of the water and by the hardness (mainly Calcium content) of the water. Neither of these are much affected by the addition of salt. If your beans lose colour when cooked in unsalted water adding salt won't make any difference - you could try cooking them in bottled water. Many cooks add salt to water that is already simmering. When you do this there is a sudden rush of bubbles - this is not the water boiling more vigorously. The fine salt crystals carry a little air into the hot water and this helps more air and steam to come out of the water and thus makes a lot of bubbles rise suddenly. In fact adding any fine powder will have the same effect. Adding salt to water does indeed change the boiling point. If you add a generous handful of salt to a pan of water the boiling point will increase by around one tenth of a degree. This is less than the increase in boiling point that would occur if you boiled your water at the bottom, rather than the top of a block of flats. The small change in boiling point of the water has no detectable effect on the cooking of the vegetables. When you drain the vegetables nearly all the water runs off - the only salt that remains is that which is left after the tiny amount of remaining water evaporates. This is very small and unless you use vast amounts of salt in our cooking water you are unlikely to be able to detect it. In fact I often carry out a simple test in public lectures on the science of cooking. I prepare green beans in three pans - one with no salt, one with a pinch of salt and one with a generous handful of salt. I then divide these into six samples (two from each pan) and ask the audience to taste all six and state which came from which pan. Very few people manage to tell the first two apart and many fail to identify the beans cooked in very salty water. Putting meat in a hot frying pan seals in the juices This is one amazing piece of kitchen nonsense. It never fails to amaze me when chefs talk about "sealing" meat. You only have to look at the pan to see the juices pouring out of the meat as it is heated above about 60 C. The muscle fibres contract and literally squeeze the water out of the meat. What actually happens when you put a piece of meat in a hot pan is that chemical reactions (known as the Maillard reactions) start. Proteins and sugars react together once the temperature is above about 140 C to produce a wealth of new molecules which provide the typical "meaty" aromas. In short we cook meat at high temperatures to generate flavour - not to seal juices in. 202 When making meringues you must separate the eggs and on no account get any egg yolk in the whites Pick up any cookery book and look at the recipe for meringues and it will tell you to separate the egg whites from the egg yolks. Then you beat them until you can turn the bowl upside down without them falling out. The books always warn you that should you get even the tiniest speck of egg yolk in the white when separating the eggs it will not whip up at all. This is well known - every cook is well aware of this problem. But is it a problem? Take the same cookery book and look up the recipe for a Genoese Sponge. The recipe will tell you to take whole eggs, add sugar then beat (perhaps over hot water) until the mixture gains about 10 time in volume and is so stiff you can turn the bowl upside down without it falling out. So it seems if you are making a meringue any egg yolk prevents egg whites from forming a stiff foam. But if you are making a cake there is no such problem. What nonsense. There is a good historical reason behind the confusion. The reason egg whites make good foams is that beating the egg white causes the proteins to change and behave a bit like the detergents in washing up liquids. Fats tend to collapse egg foams - just as they collapse the foam in your washing up water. There is a lot of fat in egg yolks so this fat can make it more difficult to whisk up a foam. But if you use a power whisk (something that was not available even 50 years ago) then you can make enough of the egg proteins behave like detergents to make a stable foam even with whole eggs. The cooking time for roast meat depends on the weight It seems everyone who has ever picked up a cookery book knows the time to cook a roast joint is something like 15 minutes per pound with 15 minutes over. This is a recipe for disaster. A piece of meat is nicely cooked when the centre (the coldest part) has just reached the desired temperature. For perfect pink lamb that would be 58 C, for rare roast beef around 54 C is better. The exact temperature will of course be a personal matter, but if the meat gets to too high a temperature it will go grey, toughen and dry out or if it is too low a temperature you may think it still raw. The time it takes heat to diffuse into a piece of meat and the temperature in the centre torise to your desired temperature depends on the distance from the outside to the centre. Imagine taking a large rolled joint of beef - it looks like a long cylinder. The distance from the outside to the centre is the radius of the cylinder. The weight depends on the radius squared multiplied by the length. If you cut the joint in half so you have two shorter cylinders the weight of each half is half that of the original joint - the standard recipe formula would then roughly halve the cooking time. But the 203

103 distance from the outside to the centre is unchanged - it is still the radius of the cylinder. So the time it will take heat to diffuse through the meat and raise the temperature in the centre to the optimum will not change either. The reason the recipe book formula works at all is that most people buy joints of similar weight so the distance to the centre is always about the same and so is the weight. However, if you were to try to apply the formula to a very large joint (say a side of beef) the result would be very overdone meat. The scientific way to cook a joint of meat is to use a temperature probe - put the probe in the middle and simply cook until it reaches our chosen temperature - you will obtain consistent and perfect results every time. In fact if you buy just one piece of kitchen equipment this year, make sure it is a temperature probe. You can use it when cooking meat, cakes, eggs, custards, in fact in just about all circumstances knowing the temperature will allow you to achieve consistent results. Sugars Sugars are made of molecules that consist of 6 carbon atoms joined together in a ring with associated hydrogen and oxygen atoms. The common sugar we buy from the supermarket is sucrose and consists of two such sugar rings joined together. Sugar provides energy. Sweet foods have always been important in our diet. In prehistoric times man had to get energy to chase the wildebeest to feed the family, so we developed a real sweet tooth. When refined sugar became available it was a very expensive commodity, but now that sugar is cheap and readily available we often eat too much - which is not good for us. In the kitchen sugar has many uses. Apart from simply making food taste sweet we use sugar in many dishes. Sugar molecules can link proteins together - making it much easier to beat egg whites into a meringue or helping the egg proteins thicken a custard. Oils and fats Kitchen Chemicals A kitchen is just like a science laboratory, don't think the only chemicals in your kitchen are those under the sink. All the ingredients you cook with are themselves made up of chemical compounds - some complex and some quite simple. Salt Salt is the original food additive. Essential for life, salt (Sodium Chloride) controls many body functions. Salt is one of the five taste sensations we can detect with the sensors (or taste buds) on our tongues. In the kitchen we use salt as a preservative, to help strengthen doughs, etc. and to emphasise flavours. Salt preserves food by taking out moisture and thus preventing bacterial growth. The charge on the sodium and chloride ions in salt in doughs and meringues can help bind charged protein molecules and thus make them "stronger". Our tongues are particularly attuned to the taste of salt - presumably since we cannot make salt and need to get all our needs from our diet. Although salt was once one of the most precious of commodities (e.g. Roman soldiers were paid a "salarium" to buy their salt), today salt is common place and added to nearly all processed foods both as a flavour enhancer and as a preservative. Fats and oils give foods a rich, creamy, feel in the mouth so they are used in "comfort" food products such as chocolates and ice creams. In the kitchen we also use fats to fry - the high boiling points allows us to cook foods (e.g. chips and meats) at temperatures above 100 C where chemical reactions occur that develop interesting "browned" flavours. As with sugars our liking for fatty foods probably developed in pre-historic times. Fats are an excellent means of storing food energy - people who could lay down fat deposits when food was plentiful could then store the food energy for later lean times. Thus evolution would have favoured those of our ancestors who could put on weight easier. These days, with food readily available, it is a disadvantage to be able so easily to convert fats in food to fat on the body (something I know only too well!). To a scientist oils and fats are members of the same group of molecules; they consist of three chains of carbon atoms with two hydrogen atoms attached to most carbons. The longer the chains the higher the melting point - so short chains give us the liquid oils and long chains the solid fats. In saturated fats all the carbon atoms are joined by single and form straight chains. In monounsaturated two of the carbons and are joined to each by a double bond. This double bond introduces a kink in the chains and makes it difficult to pack the fat molecules in a crystal - so they have lower melting points than saturated fats. Poly-unsaturated fats have several such kinks in them giving them even lower melting points. It is the high melting point of saturated fats that makes them particularly dangerous to us - if solid fat deposits form in blood vessels they can stop the flow of blood leading to heart disease, etc

104 Proteins Proteins are long molecules made by joining small building blocks (amino acids) together. Most of the biochemistry of our bodies is controlled by proteins - the sequence of amino acids determines the shape of the protein and its shape helps the protein perform its own function. For example, haemoglobin has a special shape that allows it to carry oxygen molecules around in the blood stream. When a muscle needs some oxygen it sends a chemical signal and the haemoglobin changes shape so the oxygen pops out (the change of shape also causes a colour change from red to purple). We need a good deal of protein in our diets - our bodies break down the proteins we eat into their constituent amino acids which we then recycle to make the proteins our own bodies need. Proteins are amongst the most important molecules we use in the kitchen as they change their properties when heated or beaten and react together chemically at high temperatures. Eggs are mostly proteins dissolved in water. If we whisk eggs the proteins change shape (denature) and can form stable foams. If we cook eggs the proteins react to form a solid network - as in a hard-boiled egg. We use these changes when we make cakes and other baked goods - they are held together by the "glue" formed by the reacting proteins. Starches The other main food group is made up from starches. Starches are large molecules made by joining many sugar rings together. Scientists often classify starches and sugars together - starches don't taste sweet since the long molecules are too large to reach the sensitive parts of the taste buds on our tongues. There are two main types of starch molecule; amylose in which the sugar rings are joined to make long strings and amylopectin in which the sugar rings are joined in a branched structure like a Christmas tree. In the kitchen the major sources of starch are from root vegetables such as potatoes and from cereals - usually in the form of flour. We use starches to provide bulk and texture in baked goods - imagine a cake with no flour - it would just be a soufflé with no substance. Starch is formed by many plants in small granules - a typical granule may be a few thousandths of a millimetre across. Of course, the granules are not purely amylopectin and amylose, the plants also incorporate some proteins as they make the granules. Starch granules with a high protein content will absorb a lot of moisture at room temperature, while those with low protein contents absorb but little water. Starch granules can absorb astonishing amounts of water (potato starch granules can easily absorb 100 times their own volume of water) so they make excellent thickeners. Science in the Kitchen One day, a few years ago, I was sitting my office at Bristol University when the phone rang and a very enthusiastic voice asked "why should I add salt to the water when I cook green vegetables?" This happens to be one of my pet topics; the answer of course is that there is no really good reason, except tradition (see the article on kitchen myths to find out why). So of course, I was happy to spend some time answering the caller. It quickly turned out this was no casual enquiry - the caller was none other than Heston Blumenthal - one of the UK's top chefs. As we talked on the phone it soon became apparent that we shared a common philosophy that the application of science to cooking can only improve our techniques and experiences. Thus we started working together. Heston and I meet every few weeks to talk about the science of food and cooking - usually the conversations start with some specific issue. Maybe one of Heston's chefs has noticed something odd in the kitchen, maybe I've read about some new and interesting scientific discovery, maybe there has been some problem in the kitchen and Heston wants to ensure that in future the problem is solved. But always, we end up talking about many other issues sparking off new ideas for cooking processes and dishes, etc. Obviously, much of this comes to nothing, but a few ideas lead to real novel developments. Our collaboration has been very fruitful and influential. Heston is widely recognised as one of the UK's top chefs so his interest in applying science in all his cooking has given Molecular Gastronomy credibility in the catering industry. Perhaps the most important aspects of our collaborations are the development of new cooking methods and the use of scientific equipment in the kitchen which have led to the appearance of completely new dishes on his menu. One of the most dramatic examples relates to the way in which meats are cooked at the Fat Duck. These days most meat and fish are cooked at low temperatures for long times using temperature controlled water baths. This allows the restaurant to serve wonderfully tender and pink meats in a totally consistent fashion. The problem with traditional methods has been that meats were cooked by exposing the outside to a high temperature (in a pan or oven) and then letting the heat diffuse inside until the temperature at the centre is just right. If the temperature is too high the meat proteins contract and expel water making the meat tough and start to go grey, rather than pink. If the temperature is not high enough the meat seems raw

105 The ideal temperature varies between meats, but is usually around 55 to 58 C; above 60 C the meat will soon lose moisture and become dry and tough; below 50 C it will still be very red and seem raw and cold. Normal cooking processes mean that if the centre is at the ideal temperature the outside is much hotter and thus tough. However, at the restaurant now the meat is first vacuum sealed in a plastic bag (to prevent any oxidation of the meat surface and avoid any contact with the hot water). Then the bag is put in a temperature controlled water bath (a standard piece of laboratory equipment) with the water kept at the desired temperature want (say 58 C for lamb). The meat is then left in the bath for a long time (several hours) so that it reaches a uniform temperature throughout; it ends up as a perfectly cooked pink and tender piece of meat. As well as the physical processes of food preparation, Molecular Gastronomy also involves understanding and controlling the processes involved in flavour release and perception. One of the most interesting aspects of recent research is that we are only just beginning to understand some of the complexities of how our brains interpret flavour (see the article on taste and flavour). For example, when an aroma has been present in our noses for a long time ( about five minutes) we tend to ignore it. So if we keep on eating the same food for a long time its flavour will pale and even disappear. Thus we need a variety of different tastes and flavours on a plate if we are to fully enjoy a good meal. Here the Eastern cuisine which offer many small courses and the Spanish tapas can point the way to better appreciation of our food. At the Fat Duck, Heston has taken this on board both by ensuring that every dish has a variety of different and complementary flavours and textures and by offering small appetisers between courses, thus keeping the palette interested without ever switching off from a particular flavour. We don't know where our collaborations will lead us next, but we will continue to enjoy talking about food and experimenting with novel cooking techniques and producing new flavour and texture combinations. Hopefully some will end up on the menu at the Fat Duck soon and some will even reach the supermarkets in a few years time. A.12. Philosophy of cooking (Heston Blumenthal) No food is intrinsically disgusting; if it were, then nobody would eat it. With this in mind, the question begging to be asked is what causes such a wide range of likes and dislikes when it comes to the food that we put in our mouths? This whole subject is incredibly complex, possibly the most complex of all processes performed by the human body and it starts in the womb; It has been shown that flavours can be passed from mother to baby through the amniotic fluid as early as 11 weeks (six months before birth); By the time that we are born into the world, we have already experienced many of the flavours from our mothers diet. The process of taste aroma and flavour perception is being researched around the world. Knowledge gained from this research has far-reaching implications, be it detecting disease by smell or re-kindling the faded palate of an elderly person. Eating is a multi-modal process (involving all the senses). Any comments concerning food being just about taste are misguided. Try drinking a fine wine from a polystyrene cup or eating a beautifully cooked piece of fish off a paper plate with a plastic knife and fork, it is not the same. Both physiological and psychological factors come into play and in many cases, they cannot be separated. Take-for example- a fine wine drunk from a polystyrene cup; the shape of the cup will affect the perceived smell and flavour of the wine (physiological) and the material will affect the feel of the cup in the hand and on the lips (psychological). Taste is one of the six senses (some say we have more), the others being touch, sound, sight, smell and proprioception, (the sense of "ourselves", our bodies own on-board computer). The sense of taste can then be broken down into five basic categories. All of which happen in the mouth and nowhere else. These categories are salt, sweet, sour, bitter and Umami (the most recently identified taste named by Ikeda in Japan in 1908). There is a current theory that fat is actually a taste but this has yet to be proved. We have up to 10,000 taste buds on the tongue and in the mouth. These regenerate so that the receptors that we use today will not be the same as were used a couple of days ago. Although different parts of the tongue can register different tastes, the classic drawing of the tongue showing it divided into different sections for the four different tastes (there were only four known at the time of this 19th century illustration) is totally wrong

106 The aroma (or what we sometimes call flavour) is registered in the olfactory epithelium situated between the eyes at the front of the brain. It contains hundreds of receptors that register aroma molecules contained in everything that we eat and smell. There is a simple but effective and enjoyable way of demonstrating what most of us don't realise; smell and taste are registered in different parts of the head. Have ready some table salt and biscuits, fruit or in fact, anything easy to eat. Squeeze your nostrils tightly enough to prevent breathing thorough them but obviously not too tight to hurt. Take a good bite of biscuit or fruit and start chomping, making sure that the nostrils remain clenched. You will notice that it is impossible to perceive the flavour or aroma of the food being eaten. Now, with nostrils still squeezed and food still in the mouth, lick some salt. Although it was impossible to detect the flavour of the food that was being eaten with clenched nostrils, the taste of the salt is unhindered. Finally, let go of your nostrils and notice the flavour of the food come rushing into your headspace. When we eat, taste buds on our tongue and in our mouths pick up only taste but no flavour. The molecules in food that provide flavour (known as odour or aroma molecules) pass up into the olfactory bulb where the flavour of the food is registered. When the nostrils are squeezed however, the air supply passing through the olfactory bulb is cut off, preventing us from registering flavour. As if this wasn t enough, the brain has to process information given to it by the other senses and sometimes, things can be not quite what they seem. Here are just a few examples of the senses influence on determining what we taste and our emotional response to it. 1/ A few years ago at a Sommelier school in France, trainee wine waiters were put through a routine wine tasting until-unknown to them- a white wine that they had just tasted had been dyed red with a non flavoured food dye and brought back out to taste and evaluate. Something very interesting happened. They all made notes on the assumption that the wine was what it looked like; red. In this case, the eyes totally influenced flavour perception. 2/ True or false; chewing gum loses its flavour after a certain period of time? True, but not as quickly as we might think. Basically, what happens is that when we chew, the sweetening agent in the gum gradually dissolves in the mouth and is then swallowed, reducing its sweetness. We grow up with the association of menthol and mint with sweet taste every day when we brush our teeth. The brain tracks the sweetness and as this reduces so too does the perception of the mint and menthol flavours. In reality however, it has been proven that these aromas are still in our headspace for several hours. spices-coriander seed for example-can give a wonderful burst of flavour, much more exciting than incorporating the same amount of coriander powder. Another example of this is to make a cup of coffee with one ground bean; it will be most insipid. Now take the coffee bean whole and pop it into your mouth. Crunch it several times and then knock back the cup of water. The same amount of coffee and water when served like this will provide a far greater burst of coffee that will last in the mouth. In fact, it is this principle that was the catalyst for the much publicised bacon and egg ice cream. The idea with this dessert was not to create a dessert that was based on breakfast but to play with the whole concept of encapsulation. Eggs thicken ice cream custard because the proteins in the egg coil up and thicken the mix when subjected to heat. Like the coffee bean, the coiled up proteins are now in an encapsulated form and can have a tendency to make the resulting ice cream taste of egg by supplying bursts of egg flavour. In order to avoid this potential egg flavour, I reduced the cooking temperature of the custards accordingly, resulting in incredibly clean ices. I then started to wonder what would happen if I made custard loaded with egg yolk and overcooked it, to the point of scrambling. If then, the mix was pureed and passed through a fine mesh sieve before churning, what would the ice cream taste like? Well, the first mouthful transported me back to my youth and the fond memory of Saturday mornings when my mother used to make fried egg on toast. Although a study in the science of ice cream making and flavour encapsulation, this ice cream had created the emotion of an English breakfast! 3/ only two types of odour are intrinsically repellent and although I don't think that it is appropriate to talk about these in a food guide, many smells that we think would be repulsive can actually be perceived as being pleasurable if their context is changed. For example, the smell of old socks has been shown to be pleasurable when introduced as Parmesan cheese! Context is so important. What about a wonderful bottle of chilled Muscadet, sipped by the banks of the Loire on holiday in sunny France, tucking into a platter of plump fresh oysters? The same wine brought back to England just doesn t taste the same. Context can be created by the most simple of things. The description of a dish on its own can create all sorts of problems and indeed, it was this area that was my first foray in to the world of flavour perception, some seven years ago. The dish was a crab risotto served with crab ice cream. Described as crab ice cream, this dish presented a barrier to the diner. Let s face it; ice cream has to be sweet doesn t it? Well, no, it doesn t and indeed didn t used to be. Savoury ices were popular in Victorian times but have long since fallen out of fashion. The same ice cream however, described as frozen crab bisque, presented no barrier, as the term ice cream had been removed. 4/ Sound can also play an important role in the perception of texture-a valuable part of the whole taste process. The perception of the crispness of a food can be modified by playing with volume and pitch. Basically, we register the rate of change of flavour and it is this that can enable a more exciting eating experience. One way to avoid this satiated effect is to create bursts of flavour. At the restaurant, we do this by using small cubes of jelly that literally burst in the mouth. It is actually quite easy to do this at home. Certain 210 In a test carried out by an experimental psychologist at Oxford University. Crisps from the same packet, eaten with the sound of the testers own crunch being fed back to them in real time changed when the volume or pitch were altered. We have had a sound processor made that can do just this. The results are fascinating and above all, great fun. Whilst it is not possible to create a crunchy banana, a less than crunchy apple can be made 211

107 to be crunchier and even perceptively fresher by modifying the sound of the crunch, listened to in real time and popping candy? When listening to the amplified, pitch modified sound of popping candy running riot in the mouth, one cannot help grinning like a Cheshire cat! 5/ Our likes and dislikes are forged by memories. I use this word loosely as we could say that we also have a genetic memory. For example, we are designed to like fat. It is the learned association of fat with poor health and obesity that prevents us, or rather some of us from liking fatty foods. The senses act as warning systems, taste being the last of the sensory barriers and bitterness, the last of the taste barriers. It can prevent us from eating foods that could be harmful and although we might be genetically pre-disposed to liking or needing certain tastes, it appears that we have the ability to be able to modify these wants or needs. For example, we grow to like bitter foods; tea, coffee and beer are generally not acceptable until we reach a certain age. I began thinking about this whole subject a couple of years ago when I noticed that more and more customers were commenting on the fact that the red cabbage with grain mustard ice cream served as an appetiser just got better each time they ate it. Interestingly enough, this was the only dish on the menu whose recipe had not changed over the past year. It seemed that the barrier being presented (unintentionally) with this dish was the vivid purple colour of the cabbage gaspacho; a colour not normally associated with food. To some diners, the difficulty of accepting this colour interfered with the appreciation of the dish. Smell is the most powerful memory trigger of all of the senses but we differ so greatly in what smells hit the right or wrong notes. As well as our own emotions differing greatly from person to person, we all live in our own sensory world. I know that this might seem a little spiritual but we do see, hear and smell things differently. It was-up until quite recently-considered that we had around three hundred receptors that between them were responsible for registering all aroma molecules on earth. It is now thought that we have some four hundred but only use about three hundred of them. We do not all use the same receptors and therefore register flavour molecules differently. Two people tasting the same banana will not necessarily register the same flavour. The same goes for sight and sound. As if this whole process was not complicated enough, the olfactory system is ipsilateral; that is to say the left side sends signals to the left side of the brain and right to the right. So what relevance does this have to the way that we perceive flavour? Well, the answer is quite a bit actually. The left side of the brain controls speech and the right side controls emotion. It was and in some cases still is thought that flavours presented to the left nostril would be easier to identify and describe whilst flavours presented to the right could elicit a more emotional response. Whilst this argument does seem to have some evidence to support it, it is by no means conclusive. What seems to be far more relevant however is the fact that air does not flow through each nostril at the same volume. This asymmetrical difference changes every few hours. Have you ever noticed that when our nose is blocked, it seems to be more blocked in one nostril that the other? A.13. Constructivisme culinaire (collaboration Hervé This / Pierre Gagnaire) Sont présentés ici quelques extraits des travaux de constructivisme culinaire issus de la collaboration entre Hervé This (dans le rôle du physico-chimiste) et Pierre Gagnaire (dans le rôle du cuisinier) 131 La théorie ne valant que si elle est accordée à une pratique (qui, dixit hervé, " démontre que les idées abstraites ne sont pas des élucubrations intellectuelles, mais, au contraire, de véritables supports de la pensée artistique"), cette collaboration prend toute sa force lorsque Pierre réussit à intégrer les idées d Hervé dans des recettes. Ainsi, chaque mois, Hervé présente une nouveauté de gastronomie moléculaire et Pierre en propose une interprétation culinaire. On trouvera ci-après les textes d'hervé regroupés et, dans l'annexe suivante, quelques recettes de Pierre. L œuf à 65 C L'œuf est à l'origine de tout : l'œuf, c'est le poussin en devenir, mais c'est aussi l'ovule humain, qui fera le cuisinier. Bref, il faut commencer par l'œuf. Dans la coquille,un blanc et un jaune, pour dire les choses simplement. Et l'on sait que l'œuf cuit. Cuit? Oui, le liquide qu'est le blanc durcit quand on le chauffe (contrairement à un glaçon, qui, lui, fond), de même que le jaune. A quelle température un blanc d'œuf cuit-il? Une première expérience consiste à chauffer un verre où l'on a mis un blanc d'œuf : on voit que le blanc coagule, à partir du fond. Et si l'on a la curiosité de mettre un thermomètre précis au-dessus de ce front qui monte, on constate que le blanc coagulé, en dessous, est à plus de 62 C, tandis que la partie supérieure est à moins de 62 C. Autrement dit, le blanc d'œuf commence à coaguler à 62 C. Le jaune, lui, c'est à 68 C que la transformation apparaît. D'où la question : qu'obtiendra-t-on si l'on met un œuf dans un four à 65 C, c'est-à-dire à plus de 62 C et à moins de 68 C? Réponse évidente : le blanc devrait être cuit, mais pas le jaune. Un test expérimental s'impose aussitôt : dans un four (ou dans une casserole avec de l'eau, si votre four est trop imparfait), mettez des œufs et attendez une ou deux heures. Enlevez la coquille jusqu'à la moitié de la hauteur : vous obtenez un étrange œuf, avec un jaune cru, bien orangé, au centre d'une masse très délicatement prise. Rien à voir avec ces œufs durs caoutchouteux, dont la texture prévient la perception du goût. The whole process of flavour perception is multi-sensory. We all have our own perception of life. Not only do we see, hear and taste differently but we have our own, individual personal experiences, emotion and memory. As long as this continues, the world of eating will be a very exciting place Les textes originaux et recettes sont accessibles sur le site internet du restaurant Pierre Gagnaire ( rubrique «science et cuisine»). Sont reproduites ici les propositions d Hervé (occasionnellement très légèrement adaptées), ainsi que quelques exemples de recettes proposées en miroir par Pierre; à vous d'aller voir la suite sur le site ou, mieux, sur place, rue Balzac 213

108 Le beurre chantilly L effet pastis Je prends les devants parce que je sais qu il y a un risque de confusion : il n y aura pas de crème, dans ce nouvel ingrédient. Seulement du beurre et de l eau, plus des molécules odorantes. Oui, mais avant d arriver à la recette proprement dite, je dois parler du lait et de la crème. Le lait est blanc parce que c est ce que l on nomme une «émulsion» : il est majoritairement composé d eau, mais, dans cette eau, sont dispersées des gouttelettes de matière grasse. Et le lait est blanc, quand il est éclairé par de la lumière blanche, parce que cette lumière vient se réfléchir sur les gouttelettes (l eau, elle, laisse passer la lumière) : ce que nous voyons, ce sont les innombrables reflets sur les innombrables gouttelettes de matière grasse. En voulez-vous une preuve? Eclairez du lait avec de la lumière rouge et vous le verrez rouge! Donc le lait est fait de gouttelettes de matière grasse dispersées dans de l eau (d autres choses aussi, mais nous pouvons éviter de les évoquer). Quand on laisse le lait reposer, les gouttelettes de graisse viennent flotter en surface, ce qui engendre une émulsion concentrée en matière grasse, la crème, et laisse dans la partie inférieure du récipient une émulsion appauvrie : le lait écrémé. Prenons cette crème, refroidissons-la et fouettons-la : le fouet introduit des bulles d air, qui sont piégées par la matière grasse, laquelle vient former une sorte de coque autour de chaque bulle. On obtient ainsi la crème fouettée, ou crème Chantilly, quand on ajoute du sucre. Nous sommes maintenant prêts pour décrire la nouvelle invention. Réfléchissons à la production de la crème Chantilly : nous avons transformé une émulsion en une émulsion mousseuse Pourrions-nous changer les ingrédients? Pour le chimiste, l eau, c est l eau, et même si du bouillon n a pas le même goût que du jus d orange, les deux liquides sont majoritairement composés d eau. Dans cette eau, le procédé précédemment décrit disperse de la matière grasse : en 1995, j ai proposé d utiliser du chocolat en conservant le même procédé, et j ai ainsi inventé le «chocolat Chantilly». Puis, juste après, j ai proposé d utiliser du fromage pour faire du «fromage Chantilly». Et, l an passé, nous avons réalisé en pratique une invention faite naguère : le «foie gras Chantilly». La nouvelle invention était également prévue depuis quelques années : c est de conserver le procédé mais de remplacer la matière grasse de la crème par du beurre, pour faire, donc, du «beurre Chantilly». Et c est toi, Pierre, qui m a fait le plaisir de réaliser la recette pour la première fois, le 7 janvier L année commence bien. En pratique : comment faire? D abord, on réalise une émulsion, en plaçant, dans une casserole, de l eau (qui peut avoir du goût) et du beurre. On chauffe doucement en agitant, et l on obtient d abord une émulsion de beurre dans de l eau, une sorte de cousin du beurre blanc. Puis on pose la casserole sur de la glace et l on fouette : si les proportions sont appropriées (il faut retrouver celles de la crème), on voit le mélange mousser et prendre finalement une texture analogue à de la crème Chantilly : nous y sommes, c est le «beurre Chantilly» 214 La question du goût est paradoxale, en cuisine à moins qu elle ne soit révélatrice de l acuité remarquable de nos perceptions. Je m explique : un bouillon, c est essentiellement de l eau. Y sont dissoutes diverses molécules solubles dans l eau : molécules sapides (celles qui donnent de la saveur, en agissant sur les récepteurs des papilles), molécules qui donnent de la couleur. Et les molécules odorantes, dans tout cela? Le paradoxe est là : une molécule est odorante si elle s échappe dans l air, pour venir stimuler les récepteurs olfactifs, dans le nez. Il faut donc qu elle soit petite, et insoluble dans l eau! Autrement dit, on ne pourrait pas faire de bouillon qui ait du goût, c est-à-dire à la fois de la saveur et de l odeur. Naturellement, cette présentation théorique est biaisée : les molécules odorantes ont beau être peu solubles dans l eau, elles s y dissolvent un peu, de sorte que notre olfaction les perçoit, même en petites concentrations. Et voilà pourquoi le bouillon a du goût. Reste qu en cuisine, l introduction dans l eau de molécules plutôt insolubles dans l eau est une difficile question : souvent, les cuisiniers s en sortent en préparant des «émulsions», c est-à-dire en dispersant dans l eau, à l aide des molécules «entremetteuses», des gouttes d huile où sont dissoutes les molécules insolubles dans l eau, mais solubles dans l huile ; les molécules entremetteuses ne manquent pas, entre les protéines, les lécithines du jaune d œuf Médiocre solution, toutefois, car les émulsions tournent, ne sont pas stables à moins d être saturées en huile La chimie peut-elle contribuer à l avancement de l art culinaire, en trouvant une meilleure solution? Si la question est posée, c est évidemment que la réponse est donnée. Elle tient tout entière dans le remarquable phénomène que vous observerez si vous ajoutez du pastis à un peu d eau : un trouble apparaît. Le phénomène résulte du fait que l anéthol, qui donne le goût anisé au pastis, est soluble dans l alcool, mais pas dans l eau. Tant que le pastis est dans sa bouteille, l anéthol reste en présence d assez d alcool pour qu il soit soluble, mais quand on verse le pastis dans l eau, l anéthol se trouve plutôt en présence d eau, de sorte qu il se sépare, en microscopiques gouttelettes dispersées dans l eau. Comment mettre cet effet en œuvre? Imaginons que nous ayons des molécules odorantes, très peu solubles dans l eau. Mettons-les dans l alcool. Puis ajoutons cette solution à de l eau : un trouble apparaît, parce que les molécules odorantes forment alors des gouttelettes microscopiques, dispersées dans l eau. Mieux encore, ce trouble est assez stable : plusieurs jours après la manipulation, il subsiste. La farine torréfiée La gastronomie bruit encore de la guerre des sauces à la farine : utilisée depuis longtemps pour la liaison des sauces, la farine avait reçu l'anathème, parce qu'elle donnait, disait-on, un goût de colle blanche. Brunie avec de la graisse? Elle n'échappait pas à la critique, parce que la graisse cuite aurait 215

109 été indigeste, nuisible Alors, finies les grands veloutés, les espagnoles? Certains s'en sont tirés en remplaçant la farine par la maïzena ou la fécule, mais le fait demeure : l'amidon est composé de deux molécules, l'amylose (comme un grand fil) et l'amylopectine (une molécule en forme d'arbre), qui peuvent s'enrouler autour des molécules "hydrophobes" (insolubles dans l'eau), catégorie à laquelle appartiennent les molécules odorantes. Alors, fini le règne de la farine? Pas nécessairement : d'une part, la liaison des molécules odorantes et de l'amylose n'a lieu que pour de petites molécules ; d'autre part, cette liaison peut devenir un atout, car elle retarde la libération des molécules odorantes. Passons, ce n'est pas l'objet exact de notre travail du mois. Ce qui nous intéresse ici, c'est le goût fade de la farine ; un peu " colle blanche ". La raison pour laquelle on fait les roux, pour les sauces, c'est ce goût fade, que l'on combat en modifiant chimiquement l'amidon, et les protéines de la farine. Le brunissement est la garantie d'un goût puissant, d'origine encore mal connue. Oui, mais en pâtisserie, et aussi en cuisine, on utilise souvent la farine, n'est-ce pas? Du coup, le pain est composé d'une croûte goûteuse et d'une mie souvent fade comme la farine des sauces. Pourquoi ne pas utiliser plutôt une farine torréfiée? De même dans les quenelles, les pâtes sablées, brisées, feuilletées Torréfier n'est pas difficile : on étale la farine sur une plaque et l'on passe sous le gril ; quand la couleur voulue est atteinte, on sort la plaque. La farine a pris un goût qui a quelque chose du chocolat, un peu comme les olives noires que l'on fait sécher une nuit à 100 C et que l'on réduit ensuite en poudre. Normal : le chocolat aussi a été torréfié. Et l'on peut jouer avec les goûts : la torréfaction d'une farine, avec l'amidon et les protéines, fera certainement intervenir les réactions dites de " Maillard ", mais la torréfaction de fécule, faite seulement d'amidon, s'apparentera plutôt à ce que les chimistes nomment une pyrolyse comme on en fait une quand on passe des carapaces de crustacés au four, pour faire une bisque. La gelée de thé Une gelée de thé? Impossible de l'obtenir claire par le procédé habituel : dès que la gélatine est mise dans le thé, ce dernier se charge d'un trouble brun clair peu appétissant. Comment faire? La solution peut éventuellement provenir d'une recherche empirique, mais que de temps, d'énergie et de talent perdus ainsi. Il vaut mieux aller à la cause, pour en dériver une ou plusieurs solutions. La cause? Les feuilles de thé placées dans l'eau laissent d'abord échapper des molécules odorantes, puis, très vite, des tanins. Ces derniers ont la propriété de tanner! Rien de nouveau, mais décryptons : tanner, cela signifie que les peaux que l'on tanne sont durcies. Pourquoi? Parce que ces tanins ont la particularité de porter des groupes chimiques qui assurent l'attachement aux protéines, telles celles qui sont dans les peau, ou dans les chairs animales. Or la gélatine est précisément une protéine, et les 216 tanins du thé s'y lient. C'est ce qui se passe dans le thé : la gélatine ajoutée est captés par les tanins, et les agrégats tanins/gélatine formés précipitent, formant le trouble. Des solutions? Il y en a plusieurs: - La première consiste à faire un thé très léger, dont les tanins n'auront pas été extraits des feuilles de thé. Mais la gelée formée risque de manquer d'astringence (cette sensation de bouche sèche ou resserrée provient de ce que les tanins du thé se lient aux protéines de la salive, lesquelles lubrifient la bouche ; sans ces protéines, la bouche paraît sèche). Ce n'est pas une bonne solution : il faut alors mettre beaucoup de feuilles d'un thé pas trop astringent, et ne laisser infuser que peu de temps. - Une autre solution consiste à remplacer l'agent gélifiant classique (la gélatine, qui est une protéine) par un autre agent, qui ne soit pas une protéine. Le choix ne manque pas, entre les alginates, carraghénanes, agar Mais la consistance n'est pas la même! - Une autre solution, plus astucieuse : puisque la gélatine fait précipiter les tanins, ajoutons de la gélatine, puis laissons sédimenter les agrégats tanins/gélatine. Filtrons, centrifugeons, décantons, au besoin. Puis, quand tout le trouble est éliminé, remettons de la gélatine, qui ne sera plus précipitée par les tanins, puisque ceux-ci auront été préalablement captés. La gélification se fait alors sans difficulté. Deux goûts à partir d un seul J ai cru comprendre que la recherche de goûts nouveaux était une quête importante de la cuisine. Je viens de me souvenir que, il y a plusieurs années, j avais trouvé un moyen de multiplier par deux le nombre des goûts connus! Tout est très simple. Il s agit seulement de penser aux molécules qui donnent du goût aux aliments. Ce goût a plusieurs composantes : saveur, odeur, effet trigéminal (le frais, par exemple) Et les molécules qui donnent le goût d un ingrédient, que ce soit une carotte ou du cumin, sont soit solubles dans l eau, soit solubles dans l huile, soit un peu solubles dans chacun. Dans les laboratoires de chimie analytique, il existe des appareils nommés «ampoules à décanter» pour séparer les molécules solubles dans des liquides non miscibles. Par exemple, si l on a deux types de molécules, nommons-les A et B, dans de l eau, et si les molécules B sont plus solubles que les molécules A dans un solvant qui ne se mélange pas à l eau, alors on peut séparer les molécules A et les molécules B : il suffit d ajouter du solvant à la solution aqueuse des molécules A et B, de secouer l ampoule et d attendre que la solution et le solvant se séparent ; les molécules B, plus solubles dans le solvant que les molécules A, iront préférentiellement dans le solvant, tandis que les molécules A resteront dans l eau. Il suffira ensuite d ouvrir le robinet qui figure à la base de 217

110 l ampoule à décanter pour que l eau s écoule, emportant les molécules A, tandis que les molécules B resteront dans l ampoule, avec le solvant. En cuisine? Il suffit d un bocal à confitures : mettons-y de l huile et de l eau, tant pour tant, puis ajoutons un bâton de cannelle, par exemple. Si on secoue le bocal, celles des molécules de la cannelle qui sont plus solubles dans l eau que dans l huile iront dans l eau, tandis que les molécules de la cannelle qui sont plus solubles dans l huile que dans l eau iront dans l huile. Si on décante ensuite l huile dans un autre récipient, elle emportera avec elle les molécules qui y seront dissoutes, et resteront dans l eau d autres molécules. Autrement dit, les deux «solvants» (l huile et l eau) contiendront des molécules différentes : ils auront des goûts différents. Bref, j arrive à l idée de ces meringues parfumées et allégées : tu bats un blanc en neige ; puis, quand il est monté, tu lui ajoutes un liquide parfumé et tu continues de battre. Quand tu juges le volume suffisant, ou la texture suffisamment légère, tu ajoutes du sucre (force la dose, pour que tout tienne bien) en continuant de battre. Enfin, en formant délicatement des tas de cet appareil sur un papier sulfurisé, tu cuis pendant 40 minutes à 120 degrés, puis tu sèches en réduisant la température à 100 C, houras ouverts. Tu verras : quelle légèreté, ces «cristaux de vent»! L acide tartrique Cristaux de vent J ai oublié de décrire un résultat important, parce que j en avais fait une expérience pour des enfants. Or je m aperçois que ce résultat peut être utile en cuisine! L idée de base était de chercher pourquoi les blancs en neige blanchissent, pourquoi ils deviennent fermes et, surtout, combien de blanc en neige on peut faire avec un seul blanc d œuf. Questions simples, dont j ai fait le protocole d un «Atelier expérimental du goût», à la demande de Jack Lang, quand il était ministre. Tout est sur le site du Centre de recherche et de documentation pédagogique ( cliquez sur le chapitre "Art et culture" dans la partie gauche de l'écran, puis sur le lien "dossiers" et enfin sur le lien "fiches" du paragraphe "Atelier du goût") : protocoles, documents pédagogiques pour ceux qui voudront mettre les protocoles en œuvre avec des enfants des écoles, films montrant les expériences. Le premier de protocole, donc, est un concours de blanc en neige : tous les enfants d une classe, par binômes, doivent battre un blanc d œuf, afin d obtenir le plus possible de blanc en neige. Et je sais bien que les résultats de tous les groupes seront du même ordre : un petit quart de litre, guère plus. En conclusion de ce protocole, j invite à réfléchir à l idée suivante : pourquoi n obtient-on pas plus de mousse? Si ça ne mousse pas plus, c est qu il manque quelque chose, mais quoi? Pour répondre, il suffit de savoir que le blanc d œuf est fait surtout de protéines et d eau. Donc le blanc battu en neige est fait d air, de protéines et d eau. Il manque quelque chose pour obtenir plus de mousse : c est donc soit d air, soit de protéines, soit d eau. L air ne manque pas : la preuve en est que, quand on double le volume initial de blanc d œuf (donc de protéines et d eau), on obtient deux fois plus de blanc en neige. Donc on manque soit de protéines, soit d eau, soit des deux à la fois. De quoi manque-t-on? Quand on ne sait pas, rien ne vaut une expérience bien pensée. Comme il est plus facile d ajouter de l eau que des protéines, je te propose d ajouter de l eau à un blanc battu en neige, et de continuer de battre. Le volume de mousse augmente! Et un calcul simple montre que l on peut ainsi obtenir plus d un mètre cube de blanc en neige avec un seul blanc d œuf! Sans aller à cet excès, on voit que l ajout d eau à un blanc battu permet de faire un volume de blanc en neige qui tient un peu moins bien que du blanc classique, sauf si l on ajoute du sucre, auquel cas on obtient un «appareil» à meringue française. 218 Puisque le vin apporte de l'acide tartrique, pourquoi ne pas apprendre à l'utiliser sans les molécules qui l'accompagnent habituellement, quand on fait fermenter le jus de raisin? Cela fait des années que je propose d'utiliser des " produits chimiques " en cuisine! Des années que je fais cette proposition avec un peu d'humour, en signalant que, puisque la cuisine met en œuvre des réactions chimiques, autant franchir le pas, et utiliser directement des composés définis. Dans la revue Scientific American et son édition française, je concluais un article, en 1995, en rêvant au jour éloigné où l'on n'ajouterait pas des compositions aromatiques telles qu'en utilisent les industriels, mais des composés définis, aux odeurs et saveurs spécifiques. Car le monde chimique est infini ; c'est -du point de vue de la cuisine- une terra incognita, une terre inconnue. Evidemment les terra incognita mentionnées sur les cartes d'antan sont pleines de richesses et aussi de danger. Hic sunt leones, indiquaient les cartes : ici sont les lions! De fait, l'exploration gustative du monde chimique doit se faire avec discernement, et c'est pourquoi je concluais mon article en faisant l'hypothèse que le temps où l'on utiliserait des composés chimiques serait lointain. Erreur, nous y sommes! Des cuisiniers ont déjà mis en application nombre de propositions " chimiques " que je faisais : ils remplacent maintenant le jus de citron qui empêchent les artichauts de noircir par la vitamine C (l'acide ascorbique est son vrai nom chimique), moins coûteuse, gustativement neutre et plus efficace ; ils utilisent les alginates, carraghénanes et autres gommes de guar ou de caroube pour gélifier, aux côtés de l'ancestrale gélatine ; certains, même, utilisent des compositions aromatisantes produites par l'industrie des arômes. Est-ce un bien? Est-ce un mal? Observons que la chimie n'est pas en cause, puisque c'est une science, la recherche de connaissances, qui ne doit pas être confondue avec l'application que l'on fait de ces connaissances. Posons alors la question différemment : est-ce bien ou mal, de la part des cuisiniers, de mêler aux ingrédients naturels des produits qui ne le sont pas? Je crois que le monde de la cuisine va être secoué par les mêmes débats que celui de l'énergie : nucléaire ou pas? Ou que le monde de l'agriculture : transgenèse ou non? Ou que le monde de la médecine : clonage ou pas? Ou que le monde de la musique : notes faites par des instruments ou par des synthétiseurs? Je laisse les praticiens décider, parce que la science n'a pas pour mission de distribuer des jugements éthiques ; elle doit se contenter de donner des connaissances 219

111 et les moyens d'en juger. Par exemple, il n'y a pas de risque à utiliser de l'acide ascorbique pour prévenir le noircissement des végétaux, car la vitamine C en excès est éliminée dans les urines. Et les alginates ou carraghénanes ne sont pas plus diabolique que la gélatine, incriminée à tort de propager le prion de la vache folle. Il est temps d'avoir des jugements rationnels sur ce que nous mangeons! Assez de ces questions éthiques ; venons-en à ma proposition du mois. Comme je m'offusque de cuire les vins, ce qui évapore les précieuses molécules odorantes qu'ils renferment, je te propose aujourd'hui de comprendre pourquoi le vin est utilisé en cuisine. Analysons : si le vin est cuit (parfois " à sec ", disent les recettes), que reste-t-il dans les casseroles? Le vin est un mélange d'eau, d'éthanol (couramment nommé "l'alcool"), de sucres, de tannins, de glycérol, de sels minéraux, d'acide tartrique, de molécules odorantes. Quand on le cuit, restent dans la casserole les molécules qui ne s'évaporent pas : essentiellement l'acide tartrique, le glucose, les acides aminés (qui réagissent avec le glucose si la cuisson dure assez longtemps), le glycérol, les tanins. Ca tombe bien! Le glucose, par exemple, donne une saveur un peu douce, qui nappe les sauces d'une sorte de voile gustatif. L'acide tartrique, lui, apporte une acidité bien plus élégante que les acides acétique ou lactique, par exemple. Les tanins donnent du corps. C'est peut-être pour cette raison que le vin est si utilisé dans la cuisine française classique. D'où ma proposition d'utiliser directement de l'acide tartrique dans les sauces. Les tanins, un monde à explorer Le vin est un produit noble quand il a été produit noblement! Alors le cuisinier le boit avec respect. Il respecte non pas le vin, mais le travail du vigneron. Toutefois le cuisinier n oublie jamais qu il est cuisinier, avant d être buveur de vin. Or son métier est, quoi que certains en disent, tout «artificiel» : si le cuisinier se contentait de donner à ses convives des ingrédients naturels, ou s il se limitait à redonner des produits fabriqués par d autres, il ne serait pas cuisinier, mais maraîcher ou épicier. Non, décidément, la cuisine, c est le royaume de l artifice, le mot ayant la même étymologie que «art». Le vin peut-il donc seulement être servi par le sommelier? Le cuisinier voit quelque chose d important échapper à son art et c est pourquoi il utilise le vin en cuisine. Utilisation difficile, questionnable par le chimiste qui met son nez au-dessus des casseroles : si une bonne odeur de vin s en dégage, c est la preuve que le travail de cuisine gâche les molécules odorantes savamment réunies dans les bouteilles! Du coup, le chimiste se demande quelle est cette tradition, qui consiste à chauffer du vin, quels sont ses effets? Au premier ordre, le vin, c est de l eau, avec de l éthanol (l "alcool"), des sucres tels que le glucose, de l acide tartrique, des molécules de la classe des polyphénols, des sels minéraux et des molécules odorantes. Ce mois-ci, je propose de considérer les polyphénols, qui sont des molécules merveilleuses, puisque, selon leur constitution exacte, donnent de la couleur, de la saveur, de l astringence Ces molécules sont réactives, ce qui explique le changement de couleur des vins 220 vieux : les polyphénols réagissent avec d autres composés. Les tanins, notamment, sont des polyphénols, et ils contribuent à donner du corps au vin. Que faut-il savoir d autres? Que la cuisson évapore les molécules odorantes, mais pas les polyphénols (tanins compris), qui, s ils ne réagissent pas chimiquement lors des cuissons, donnent une couleur soutenue aux sauces. Des collègues de l INRA, à Pech-Rouge, ont mis au point un procédé pour récupérer ces tanins, à partir du bois, à partir du raisin, à partir des pépins Autant de produits que le cuisinier peut utiliser. Le note à note Qu est-ce que cette cuisine note à note? Une comparaison avec la musique le fait entendre. Imagine un pianiste qui ne jouerait que des accords : plaquant à la fois la main gauche et la main droite, il jouerait ainsi jusqu à dix notes à la fois, en une sorte de musique très lourde. A l opposé, il y a la musique note par note, où les doigts s enchaînent, égrenant un filet musical léger. J ai l impression que la cuisine, jusqu ici, a été par accord, plus que note par note. Prends un cuisinier classique : dans son pot, il mettra une poule, des légumes, du vin, que sais-je? Chacun des éléments est composé de très nombreuses molécules sapides ou odorantes : par exemple, le vin, c est à la fois de l eau, de l éthanol (l alcool du vin), des tanins, des tartrates, des molécules odorantes variées Tout cela, le cuisinier l ajoute à la fois, d un coup, comme un accord de pianiste. Ne pourrions-nous pas opposer, à cet ajout, celui de tartrates, de tanins, d éthanol, etc. en quantités précises, dosées? C était précisément l objet de certains de nos travaux. Il y quelques mois, nous avons joué avec l acide tartrique, puis avec des composés phénoliques extraits du raisin. Ces composés étaient ajoutés au pot, en quantités dosées. La voilà, la cuisine note par note. Ce qui me fait penser à la conclusion d un article que j avais écrit dans la revue Scientific American, en 1994 : je rêvais au temps où les cuisiniers ajouteraient des composés définis en quantités précises. A l époque, j écrivais cette conclusion sans y croire mais nous y sommes. Nous sommes à ce moment de l histoire de la cuisine où, sans qu il soit interdit de continuer à utiliser du vin, des carottes, des oignons, de la volaille nous nous donnons le droit d utiliser des «notes» pour en jouer de façon plus légère. Au fond, ce type d ajout était déjà présent, pour le sel, le sucre Bien peu de produits, qui se sont imposés progressivement. Alors pourquoi pas d autres? Au nom de la tradition? L argument ne tient pas, car il était un temps où les cuisiniers ne disposaient pas des sucres blancs, purs, d aujourd hui ; il était un temps où le sel était gris. Et puis, ne devons-nous pas cesser de toujours regarder derrière nous, pour essayer d imaginer le futur? La véritable question, c est : que voulons-nous que la cuisine soit dans un an, dans dix ans, dans cent ans? De toute façon, ces modifications sont mineures et anodines, face à la véritable mission de la cuisine, qui consiste à 221

112 donner de l amour. C est là que le futur doit être envisagé, sur des bases techniques débarrassées d une gangue historique qui ne devrait appartenir qu au musée. Des bouillons plus longs en bouche Un bouillon sans gras est toujours court, à moins qu il soit chargé de gélatine, auquel cas celle-ci donne de l «onction», comme disait le cuisinier français Marie Antoine Carême ( ). Ouais Et pour les carottes, par exemple, qui ne libèrent pas de gélatine, au cours de la cuisson? Pas question de faire le bouillon de carottes à partir d un fond de viande, sans quoi le goût de la viande luttera contre celui des carottes. Non, il faut trouver autre chose, pour que le bouillon de carottes fait d eau de source et de carottes puisse avoir quelque longueur en bouche. Ce quelque chose a été trouvé empiriquement : c est le gras! Dans les bouillons, de carotte par exemple, il provient du suage initial des légumes ; ceux-ci libèrent des molécules odorantes, qui sont souvent peu solubles dans l eau, mais qui se dissolvent dans la graisse utilisée pour le suage (souvent du beurre). Puis, quand l eau de source est ajoutée, cette graisse s émulsionne plus ou moins Et, lors de la dégustation, la graisse chargée des molécules odorantes vient tapisser la bouche, et libérer lentement les molécules odorantes. Très bien, mais l ajout d eau à de la graisse n a jamais très bien émulsionné celle-ci. Imagine que tu veuilles disperser de l huile dans un bouillon : si tu verses l huile à la surface et que tu fouettes, tu parviendras difficilement à fragmenter la nappe d huile en petites gouttes. Or je te rappelle que seules les petites gouttes ont une chance de rester dans le liquide sans venir surnager! Les grosses gouttes, elles, crèment rapidement, et forment une nappe d huile inesthétique en surface. Non, il manque un «truc». Ce truc, l empirisme l a également trouvé. Il s agit d utiliser la graisse pour faire d abord une émulsion, où l on parvient sans difficulté à faire de très petites gouttelettes, puis de disperser l émulsion dans le bouillon. Par exemple, imagine que tu aies sué des carottes dans une grande quantité de beurre clarifié. Tu prends un jaune d œuf ou un blanc d œuf, voire une feuille de gélatine et un peu d eau, et tu ajoutes la matière grasse liquide et odorante en fouettant, comme pour monter une mayonnaise. N hésite pas à utiliser le batteur électrique, n hésite pas à battre très longtemps, afin d obtenir des gouttelettes très petites. Quand l émulsion est formée, bien ferme, tu ajoutes le bouillon de carottes bien clair. Les gouttelettes de matière grasse sont dispersées, et leur petite taille prévient leur crémage. 222 Plus généralement, pour donner de la longueur en bouche à n importe quel liquide à base d eau, le procédé s impose. Tu fais une émulsion, et cette émulsion est étendue par le liquide auquel tu veux donner de la longueur. Tiens, par exemple : imagine une émulsion à base de blanc d œuf et d huile de noisettes sur un jus d huîtres. Ou bien le vin blanc où des moules auront cuit, additionné à un kientzheim (que tu sais faire, puisque c était notre thème d il y a quelques mois)? Ou encore un jus de fraises, où tu auras ainsi ajouté de l huile d olive où une herbe aromatique aura infusé L enfleurage des fromages L'enfleurage est un procédé classique, en parfumerie, qui vise à extraire le parfum des fleurs les plus délicates. Pour ces fleurs, la distillation ou l'entraînement à la vapeur d'eau ne sont pas de mise, car les molécules odorantes sont dégradées, ou extraites en compagnie d'autres molécules indésirables, si bien que le parfum récupéré est à mille lieux de celui de la fleur. Les parfumeurs ont tiré parti d'une observation classique en cuisine : quand on laisse du beurre à côté de l'ail, le chocolat à côté du poisson ou l'oeuf à côté de la truffe, des molécules odorantes viennent se dissoudre dans la graisse. Le phénomène est gênant pour le beurre ou le chocolat, mais utile dans le cas de l'oeuf. En fromagerie, cet effet est utilisé depuis longtemps : nombre de fromages sont ficelés dans des feuilles de sauge, dans de la cendre... Cette fois, le contact est direct, mais l'effet est le même : les molécules odorantes, souvent très peu solubles dans l'eau, diffusent dans la graisse du fromage. S'ajoute la diffusion des molécules solubles dans l'eau, souvent sapides, dans l'eau du fromage. Tout passe, dans cet ingénieur système, et le temps se charge d'assurer une migration que le savoir-faire doit régler. En parfumerie, ce procédé a pour nom "enfleurage" : les fleurs les plus délicates sont posées sur des couches de graisse neutre, et changées à mesure que s'épuise leur parfum. Puis les graisses sont fondues, et recueillies, chargées du parfum des fleurs. Evidemment, au fil des siècles, le procédé ancien a été perfectionné : on a placé les cadres et leurs fleurs dans des armoires étanches aux molécules odorantes, afin de mieux récupérer les molécules volatiles qui sont celles du parfum des fleur, on a épuré les graisses, etc. Généralisons: le procédé consiste à dissoudre par diffusion des molécules odorantes et sapides dans un fromage, par exemple? Alors pourquoi se limiter aux classiques feuilles de sauge, de châtaigner, etc.? Pourquoi s'empêcher d'envelopper les fromages dans des lamelles de navet, de carotte, de poireau, de fenouil, de céleri, voire de viande, de poisson, de crustacés? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il sera enfin possible de travailler les fromages non seulement du point de vue de leur texture, mais aussi de leur goût. Naturellement ces procédés qui se fondent sur la diffusion sont lents, mais après tout, sommes-nous si pressés? Et puis, la physico-chimie sait bien que ces 223

113 diffusions sont plus rapides quand la température augmente. Pour accélérer éventuellement le procédé, il suffit de chauffer un peu. Loi de la constitution : un plat aura davantage de longueur s il a une tête, un corps et une queue. Par exemple, un pain perdu (support du beurre, note de queue), avec des abricots caramélisés (notes de corps et de queue) et une feuille de menthe ou du jus de menthe (note de tête). Contrastes simultanés L étude des juxtapositions culinaires est en retard sur celle des juxtapositions de couleurs, en peinture. Ce dernier art doit beaucoup au chimiste français Michel Eugène Chevreul ( ), réputé dans le monde entier pour ses travaux sur la chimie des graisses. Toutefois, Chevreul s est aussi fait connaître des peintres pour sa "loi du contraste simultané des couleurs" : sollicité par les teinturiers de la Manufacture des Gobelins, qui se plaignaient que certaines couleurs donnaient de mauvais résultats, il découvrit d abord que certaines teintures n étaient chimiquement pas stables ; puis il observa que d autres teintures, pourtant chimiquement stables, ne donnaient pas les résultats qu on attendait d elles. C est ainsi qu il découvrit que les couleurs sont contaminées par les couleurs voisines. Plus précisément, il démontra qu une couleur est influencée par la couleur complémentaire de la couleur voisine. Voila pourquoi le blanc qui jouxte du bleu semble jaune (le jaune est le complémentaire du bleu). Voila aussi pourquoi du vert et du rouge semblent parfois «clignoter», ou «vibrer» : le complémentaire du vert est un rouge qui aura peu de chances d être exactement celui d à côté, et on observera un phénomène de battements. Un phénomène analogue peut-il se produire en cuisine? Quel serait l équivalent culinaire de la loi du contraste simultané des couleurs? Je pose différemment la question : quel goûts, rapprochés, se modifient mutuellement? A la clé de cette question, la possibilité d une analyse encore jamais faite, qui ferait pendant à celle de Chevreul. L enjeu est de taille, quand on sait que la découverte de la loi du contraste simultané des couleurs engendra l école néo-impressionniste représentée par des peintres de la stature de Delaunay! Evidemment, quelques lois s imposent, tant elles sont évidentes : Loi de la juxtaposition : un ingrédient paraît fade s il est placé à côté d un autre ingrédient de même goût, plus soutenu. Mais ce dernier sera alors rehaussé. Loi de la longueur : un goût paraîtra plus long en bouche s il est mis dans plusieurs contextes de rétention différents (cette loi fera l objet de développements ultérieurs, quand nous examinerons les moyens techniques utilisables pour donner de la longueur en bouche). Loi du support : tout ingrédient en masse peut servir de support à des composés aromatiques ou sapides pourvu que sa concentration en ces molécules soit inférieure. Par exemple, des framboises dans du fromage blanc. 224 Loi de la dominance : une masse d une saveur majoritaire doit toujours être réveillée par une autre masse. Par exemple, un plat très sucré doit être acidifié. Un plat très acide doit être adouci. Toutefois, on a un aperçu du contraste simultané des goûts quand on prépare trois préparations, fondées sur une même base, à laquelle on ajoute un ingrédient odorant ou sapide, soit en concentration moyenne, soit en forte concentration. Selon l environnement de la préparation moyennement aromatisée, on perçoit celle-ci très aromatisée (quand elle est proche de la préparation de base), soit peu aromatisée quand elle est proche de la préparation fortement aromatisée. Une illusion gustative : le goût change selon son environnement! Gradients Gradient? Un mot de science pour dire ce que la peinture nomme le dégradé. On passe régulièrement du jaune au bleu, quand on change la teinte, du blanc au vert quand on change la saturation d une couleur fixe. Gradient est un terme plus large, qui invite l artiste à plus de possibilités. Bien sûr, il y a le dégradé visuel, en cuisine comme en peinture : d un fromage blanc, on peut aller à la confiture de fraises, en augmentant régulièrement la quantité de confiture rouge mêlée à la crème. Toutefois le cuisinier sait ne pas s arrêter à la couleur, à l aspect visuel, car c est en bouche que tout se tient. Un bon exemple, déjà connu mais insuffisamment théorisé, est celui de la cuisson à l unilatérale : un filet de poisson ainsi cuit est plus ferme dans sa partie inférieure, plus moelleux, voire gras (pour une pièce de saumon, par exemple) dans sa partie supérieure. La variation régulière de cuisson, le «gradient», s accompagne inévitablement,dans ce cas, d un gradient de goût :il y a le goût de cuit de la base, et le goût de frais du sommet. Un autre exemple, également inventé par l empirisme culinaire, est celui du rôti de bœuf saignant : quand on tranche la viande, on voit bien le gradient de cuisson, avec des zones de différents degrés de cuisson : du saignant et rouge au centre, on arrive régulièrement au brun sec, voire croustillant, de la périphérie. Et avec des légumes? Et avec des crèmes? Et avec Mille possibilités s offrent à qui veut jouer de ces gradients de cuisson. Qui ne sont pas le fin mot de l histoire! Pourquoi ne pas jouer d une seule variation, au lieu de toutes à la fois. Faire diffuser des liquides aromatiques et sapides d une zone vers le reste de la pièce. Injectons un jus corsé dans une viande, à partir d un point, et nous aurons un dégradé de jus de viande dans la pièce. Cuisons un filet de poisson au four, en le couvrant d herbes aromatiques, et nous obtiendrons un dégradé du goût des herbes. 225

114 Tous les gradients sont permis : de température (du chaud à la base au froid au sommet, ou bien l inverse), de texture, d arômes, de sapidité Le choix du gradient fait sens, et l œuvre culinaire naît du choix du cuisinier. De surcroît, la cuisine est temporelle plutôt que spatiale : à la juxtaposition spatiale des goûts peut s ajouter la juxtaposition temporelle, c est-à-dire la perception successive des goûts, en raison d une libération différée dans le temps des molécules aromatiques ou sapides. Comment tenir compte de ce phénomène? D autres dimensions existent-elles? et diffusion Les gradients sont des variations régulières, qui généralisent l'idée de dégradé, pour les couleurs. Il y a quelques mois, j'avais proposé de regrouper dans un même plat des gradients de couleur, de goût, d'odeur, de température, de texture. Tout à la fois! Evidemment, ce jeu des gradients est plus simple quand la variation continue se fait dans une direction seulement. D'où l'idée de verres pleins d'une gelée, plus chaude en haut qu'en bas, mais plus ferme en bas qu'en haut, avec une couleur, verte par exemple, dont la saturation augmente du fond du verre vers le sommet. Ce mois-ci, je t'invite à passer "à la dimension supérieure" : au lieu de faire des variations selon une seule direction, les faire dans l'espace tridimensionnel. C'est une idée connue : quand des cerises laissent filer leur couleur, le clafoutis se colore autour d'elles. Là, c'est un défaut, mais ne pourrionsnous en faire une qualité? Imagine par exemple une gelée bien transparente. A l'aide d'une canule bien propre, tu injecterais dans la gelée prise un liquide très coloré. La photographie te montre ce que l'on peut obtenir à l'aide de café en poudre : la couleur diffuse lentement dans la gelée. Lentement combien? Tout dépend de la force de la gelée : la vitesse varie entre quelques millimètres et quelques centimètres par jour. analogue à la répétition spatiale d une couleur : pensons à des bandes de largeurs et d espacement différents. Toutefois, le rythme peut s enrichir du son, le tableau de diverses teintes. Le plat, aussi, peut réunir des goûts variés qui évitent la monotonie du monochrome. A l arrangement spatial s ajoute le contraste, si important en peinture que le chimiste Michel-Eugène Chevreul engendra une école de peinture, néo-impressionniste, quand il découvrit que le voisinage d une couleur modifie la couleur adjacente : par exemple, le bleu foncé semble jaunir le blanc voisin, en raison d un phénomène visuel inconnu à l époque de la découverte de la «loi du contraste simultané des couleurs» (la loi de Chevreul), mais bien exploré depuis. Bref, le contraste a ses lois, et le contraste culinaire, notamment, mérite d être exploré. Pas besoin de jouer avec beaucoup de goûts : deux suffisent pour créer le contraste. De surcroît, le contraste culinaire ne se réduit pas à la juxtaposition de deux goûts, car le goût a des composantes variées. Analysons, par exemple, un simple œuf dur mayonnaise : il y a le contraste de l œuf, un goût rond, et de la mayonnaise, qui peut être acide ; il y a aussi le contraste des textures, l une ferme et l autre plus fluide ; il y a le contraste des couleurs, avec le blanc et le jaune pâle ; il y a mille choses qui s opposent ou, du moins, qui se juxtaposent et font contraste. La juxtaposition trouve sa forme la plus poussée dans les oppositions : sec / humide, dur / mou, cuit / cru, chaud / froid, acide / basique, sucré / salé. Toutefois l opposition n est pas, de loin, le seul mode de juxtaposition ; on peut se contenter de contrastes moins brusques, et aussi jouer à rapprocher des ingrédients appartenant à des registres différents. Un suprême de volaille proche d un foie gras, c est déjà un contraste intéressant, par les textures qu il oppose. Deux, trois ingrédients? Tout est possible. Et c'est ainsi que tu pourrais obtenir des boules de couleur (et de goût : je sais que tu sais que l'art culinaire ne se limite pas bêtement- à l'apparence des mets!) dans des gelées claires. Il y des choses merveilleuses à faire ainsi, avec des dégradés gustatifs dans l'espace. Juxtaposition Nous avons vu, le mois précédemment, comment le cuisinier jouait des concentrations en molécules aromatiques ou sapides. Il donne un sens au met, fait œuvre, en jouant seulement de la concentration des molécules du goût, tout comme le musicien équipé d un seul tambour peut déjà tenir sa partie, variant seulement le rythme avec lequel il frappe la peau tendue. En peinture, le rythme serait 226 Le sens inné Un plat n est «bon» que s il a du sens pour le mangeur. Et c est un des grands mystères de l art que son universalité, qui transcende les appréciations individuelles. Pourquoi le Chinois s émerveille-t-il, s émeut-il, devant les mêmes œuvres que l Alsacien? Ou, plutôt, où les artistes ont-ils été chercher (en eux? dans le monde?) ces éléments qui parlent à tous? En art culinaire, la même question s impose comme pour les autres arts. Le cuisinier doit donner du sens à ses plats. Pour cette quête du sens, il faut commencer par le commencement : l animal qui est en nous. Si nous comprenons ce que cet animal spécifique reconnaît de façon innée ou physiologique, nous aurons quelques chances de voir apparaître de nouvelles pistes. Quel est notre équipement physiologique? Nous sommes (notamment) des amas de cellules qui vivent en communauté. Ces cellules communiquent par des ions, du glucose, divers médiateurs chimiques. Et 227

115 c est ainsi que le sel prend une importance vitale: les cellules comportent des canaux qui transportent ses deux constituants, les ions sodium et chlorure. D où l importance du sel en cuisine. Les cuisiniers la connaissent, mais pourrions-nous en jouer différemment? Plusieurs pistes s ouvrent, mon cher Pierre. 1. Je te propose de faire, par exemple, du «sel glace» : tu broies du sel, au mortier et pilon, afin d obtenir une poudre de sel diaphane, analogue au sucre glace. Une neige délicate à disperser sur les mets, surtout en cette période de Noël. 2. Je te propose aussi de considérer que le sel, soluble dans l eau, ne l est pas dans les corps gras. D où l idée d enrober des cristaux de sels dans de la graisse (beurre de cacao, huile, beurre sec, foie gras, fromage ) afin de disperser des «étoiles de sel», qui croqueront sous la dent, mais, surtout, se révéleront telles des étoiles de saveur salée, à la dégustation (l idée peut se généraliser au sucre, et à tous ces corps solubles dans l eau et insolubles dans les graisses) Observons maintenant notre environnement animal. Nous connaissons l importance du glucose, sucre qui sert de carburant aux cellules de notre organisme et dont nous apprécions dès la naissance la saveur douce. Tu peux en jouer! Une molécule dont l attrait est plus étonnant est la vanilline, molécule essentielle de la vanille. Pourquoi semble-t-elle si généralement appréciée? Peut-être part que nous y sommes largement exposée. Par exemple, cette vanilline se forme à l issue des réactions entre l éthanol (l alcool des eaux-de-vie) et la lignine du bois qui compose les tonneaux. D ailleurs, l un des produits intermédiaires de ces réactions est l aldéhyde cinnamique que l on trouve dans la cannelle. Autrement dit, vanille et cannelle seraient appréciés parce qu ils sont omniprésents. Reconnus de façon non pas innée, mais précocement acquise, ils seraient appréciés en concentration perceptible. Je suppose que tu n auras pas de difficultés à les utiliser à des doses subliminales. Les graisses, enfin, semblent du même type : pourquoi les aimons-nous tant? La science ne proposait naguère qu une hypothèse : ces graisses sont de l énergie que l organisme récupère. L organisme, qui semblait ne pas les percevoir (elles n ont pas d odeur et les papilles langue n ont pas de récepteur pour les détecter), les aurait appréciées par un phénomène de conditionnement. L hypothèse semble tomber, aujourd hui : on sait maintenant que les graisses sont décomposées dans l organisme, et que les fragments formés circulent dans le sang, et agissent telles des hormones. Il y a plus qu un conditionnement. Finalement, une idée apparaît : l artiste culinaire n obtiendrait-il pas un sens «inné», en réunissant dans un même plat des graisses, de la vanille, de la cannelle, du glucose et du sel? Début de texture Des «fibrés» pour plus de mâche! Johann Wolfgang Goethe et son ami Schiller avaient identifié que la poésie épique se caractérisait par les «motifs retardants» : à lire l Odyssée, nous savons qu Ulysse finira par rentrer à Ithaque, mais, avant cette conclusion attendue, il devra passer chez Circé, le cyclope, devant Charybde et Scylla, échapper aux tentations des Lotomanes, aux rets de Nausicaa La cuisine bien comprise me semble analogue à cette poésie épique : nous savons que l assiette finira vide, mais nous devons cheminer avant d arriver à cet état. Et plus nous y parviendrons lentement, mieux ce sera. D où l importance de la mâche, de la texture! Quelles sont les possibilités? Tout est possible, entre le liquide, qui ne se mange pas mais se boit, et le solide, trop dur pour en faire autre chose que de très petites bouchées à condition qu il soit fragmentable facilement. Les graduations, entre ces deux extrêmes, ont été décrites par des formules, il y a quelques mois. Et il est frappant de voir que la mode actuelle, des émulsions, des mousses, des gels, ne nous fait arriver qu à la première étape après le liquide. De fait, ni les gels, ni les mousses, ni les émulsions ne sont très fermes. Comment faire mieux? Regardons le monde naturel, observons les aliments que nous mangeons. Il y a le turbot, par exemple, avec sa texture tout à fait extraordinaire, quand la cuisson est belle. Pourquoi cette mâche merveilleuse? Et les œufs de saumon ou les groseilles, avec leur délicieuse libération de jus, une fois crevée l enveloppe dure. Dans ces divers cas, il y a toujours un liquide, ou un gel, une émulsion, une mousse, dans une enveloppe plus ferme. Pour le poisson, par exemple, l enveloppe est celle des fibres musculaires, limitées par le collagène. Idem pour la viande, les fruits, les légumes, avec des tailles et des formes variées pour les "cellules" (les espaces internes). Pourrions-nous nous inspirer de ces systèmes naturels? Une proposition simple, ce mois-ci, mon cher Pierre: si tu fais cuire des macaronis et que tu les réunis ensuite côte à côte dans un verre, tu obtiens une compartimentation de l espace du verre. Coule dans alors une fine gelée, pleine de goûts mais tremblotante, et laisse prendre au froid. La gelée qui viendra entre les macaronis les soudera, tandis que celle qui vient à l intérieur figera délicatement. Lors du démoulage, tu obtiendras une sorte de «chair artificielle», dont le goût sera donné lors de la mastication, une fois que les dents seront venues à bout de la fermeté (relative) des macaronis. Nous nous élevons dans l échelle des fermetés, mais à quoi bon reproduire ce que la nature fait déjà? Ah, si nous nous contentions de ce que la nature nous donne, il n y aurait pas de cuisine. Ces systèmes compartimentés, nommons-les des «fibrés», sont un début, une élévation en direction de la texture. Et tu pourras leur donner le goût que tu souhaites. De surcroît, c est le principe qui compte. N oublie pas qu une royale, aussi, est ce que les chimistes nomment un «gel» : si tu coules de l œuf battu avec un liquide goûteux et que tu cuis les fibrés ainsi emplis au four (classique, ou bien à micro

116 ondes ), tu obtiendras des «fibrés chimiques», au lieu des fibrés physiques obtenus avec de la gélatine ou de la pectine. A noter aussi que les macaronis peuvent être remplacés par n importe quelle autre matière alimentaire. Et, pour finir, tu pourrais aussi partir d un blanc d œuf où tu aurais dispersé de l huile, comme pour une de ces «mayonnaises au blanc d œuf». Si tu coules cette émulsion dans le faisceau de pâtes, tu obtiendras, en cuisant, une émulsion dispersée dans un gel (ce que j ai naguère nommé une «dispersion») dispersé dans un fibré. Autrement dit, ce sera une «dispersion en fibré». Les possibilités sont immenses. Lesquelles choisiras-tu? Et pour quel goût? Damiers Avec les fibrés, j'ai proposé une façon de reproduire la structure des chairs animales, viandes ou poissons. Le plaisir de la texture découlait de la structuration de l espace. Ne pourrions-nous poursuivre, dans cette voie? Observons d abord que la cuisine ne m a pas attendue, pour s y engouffrer : qu est-ce qu un mille feuille, sinon une alternance de feuillets de pâte et de beurre? Nous pourrions généraliser l idée, en alternant des couches molles et des couches dures, par exemple de foie gras et de blanc de volaille, mais l idée existe déjà : ce sont les «pressés», par exemple. Je sais que tu en confectionnes. Analysons, puisque la généralisation ne nous met que sur des pistes connues. Ce que nous observons, c est une superposition, un empilement, que j ai proposé de décrire par la lettre grecque sigma. Par exemple, une alternance de foie gras, pomme de terre, huit fois de suite, sera représentée par (Fg Pdt) 8, où Fg représente le foie gras, et Pdt la pomme de terre. Ce que l on comprend facilement, à cette analyse, c est que la superposition ne se fait que selon un axe vertical que nous noterons z : l opérateur doit être spécifié et écrit z. Du coup, nous voyons aussi qu il reste deux autres directions perpendiculaires, que nous pouvons exploiter. Il nous faut des «opérateurs» x et y, qui décriront les empilements, ou juxtaposition, selon les autres directions. Voila qui donne des idées. Par exemple, jouons avec des bâtonnets d un ingrédient alimentaire, tel le gras de seiche ; juxtaposons-les bien serrés, collons-les par tout procédé culinairement admissible (à l œuf, qui, en cuisant, les liera, ou à la gelée, ou par leur collant naturel) et découpons le faisceau perpendiculairement à l axe des bâtonnes : nous obtenons un damier monochrome. Avec maintenant deux ingrédients ayant des textures ou des goûts différents, que nous désignerons par A et B (par exemple du gras de seiche et de la pomme de terre), nous pouvons, de même, obtenir d abord un faisceau alterné, et, en le coupant par tranches perpendiculaires à l axe, des damiers bidimensionnels de couleurs, textures et goûts alternés. dans chaque assiette, avec ces textures alternées dans les trois dimensions de l espace. Cette fois, nous y sommes, à la dimension épique des plats, comme les disaient Goethe et Schiller! Couches entrelacées Le jambon ibérique a quelque chose de sauvage et de délicieux. Il a un goût puissant, mais aussi, une grande longueur en bouche. Pourquoi? J'ai évoqué dans mon livre " Casseroles et éprouvettes " les raisons chimiques du goût, dû à la longue préparation de ce jambon, et je propose que nous nous arrêtions aujourd'hui sur son gras qui fait de minces bandes blanches au milieu du rouge du jambon. Comme dans un mille feuilles! Cette alternance assure une belle perception du goût du jambon : il y a le rouge de la chair, qui donne d'abord la tenue, la consistance et le goût, puis le gras du jambon qui, sans être en excès - puisqu'il ne vient qu'interrompre momentanément le rouge - libère ses propres goûts en même temps qu'il donne de la longueur en bouche, comme nous l'avons vu il y quelques mois à propos de bouillon de carottes. Ce système est aussi celui des viandes persillées, d'une certaine façon, et aussi celui du mille feuilles, comme nous l'avons dit. Mille feuilles? On les obtient facilement par les tours, ceux-là même que l'on fait pour confectionner une pâte feuilletée. A partir d'une couche de pâte sur laquelle on dépose une couche de beurre, on replie, et on replie encore, et on replie encore et ainsi de suite. Comptons. Une couche de beurre en fait 2, qui en font 4, qui en font 8, qui en font 32, qui en font 64, qui en font Après 20 opérations toutes simples de repliement en deux, on obtient plus d'un million de couches ( ) et quand on replie en trois et non en deux, l'augmentation est encore plus rapide! Par exemple, on forme 729 couches de pâte feuilletée après seulement six tours. Comment utiliser cette idée? Il suffit de remplacer la pâte feuilletée par de la chair. Par exemple, cuisons une viande ou un poisson, puis étalons la chair sur un film alimentaire. Badigeonnons la surface avec du beurre fondu, puis replions. Décollons le film de la partie supérieure, et replions encore, décollons et replions, et ainsi de suite jusqu'à obtenir un objet à beaucoup de feuilles. Quel goût a-t-il? Conservons le système, mais abandonnons la contrainte du gras. Pourquoi ne pas utiliser la même méthode avec de la viande et des légumes, par exemple? Les couches minces seront obtenues à la machine à jambon, après congélation ou non, comme pour du carpaccio. En salé, en sucré, tout est possible Dans tous les cas, on profite de la puissance de l'opération mathématique nommée exponentielle. Cette même opération qui nous permet de jouer au jeu des vingt questions : tu penses à un objet, un animal ou une chose? une chose, plus grosse qu'une maison ou plus petite? plus grosse qu'une pièce ou plus petite? qui se mange ou que ne se mange pas? qui contient du rouge ou qui n'en contient pas En vingt questions seulement, on fait le tri parmi un million d'objets. Veux-tu un damier tridimensionnel? Cela n est pas difficile : il suffit d alterner les bâtonnets pour former un parallélépipède, de couper des tranches d épaisseur égale au côté des bâtonnets, puis de superposer les tranches en les décalant d une rangée. Imagine donc! Un petit damier tridimensionnel

117 Des constructions de l espace Il y a quelques mois, j'ai fait par de mon invention d'un formalisme qui décrit des agencements de l'espace. C'est important, non pas tant pour la description, mais parce que, comme le disait le grand chimiste Antoine Laurent de Lavoisier : "Pour mieux faire sentir [ ] l'état de la question, et pour présenter aux yeux, sous un même coup d'œil, le résultat de ce qui se passe dans les dissolutions métalliques, j'ai construit des espèces de formules, qu'on pourrait prendre d'abord pour des formules algébriques, mais qui ne dérivent point des mêmes principes ; nous sommes encore bien loin de pouvoir porter dans la chimie la précision mathématique, et je prie en conséquence, de ne considérer les formules que je vais donner que comme de simples annotations, dont l'objet est de soulager les opérations de l'esprit". Nous avons l'exemple des grands anciens, utilisons-le. En l'occurrence, mon " formalisme de description de l'espace " a déjà servi à imaginer des damiers à deux ou à trois dimensions. Mais on peut chercher des textures nouvelles, et c'est ainsi que des dés lancés, avec des codages entre les faces et les symboles de mon formalisme, ont conduit à des résultats variés. Le premier était sans grand intérêt culinaire : le cuisinier que tu es n'avait pas besoin de ce travail pour réaliser un tel plat. En revanche, un autre lancé de dés a conduit à un plat dont je rêve. L'idée est analogue à celle que nous avions explorée avec les fibrés : la fibre résiste sous la dent, mais, quand elle cède, elle libère un flot de liquide ou de gelée goûteux. C'est le principe du poisson, de la viande, du caviar, des œufs de saumon, de truite, et aussi des cromesquis, par exemple, de croquettes, du célèbre " bâton royal " de ce grand cuisinier qu'était Édouard Nignon (on refroidit du foie gras, on le pane, on le frit, afin d'obtenir une enveloppe croquante, qui laisse échapper du foie gras fondu). Ici, les dés ont indiqué simplement de multiplier l'effet. Imagine de prendre de la viande ou de la chair de poisson que tu haches. Tu étales deux couches sur du film transparent, afin de faire une raviole, dont la pâte serait de la chair. Toutefois, au centre, c'est un liquide que tu logeras. Comment? Imagine par exemple un plat au canard : tu prépares une sauce au canard que tu congèles. A la cuiller à bouler, tu prépares de petites boules congelées que tu déposes à intervalle régulier sur une feuille de chair de canard. Tu poses la seconde feuille par-dessus, tu soudes sur les bord et entre les boules, et tu cuis, afin d'obtenir la fonte des boules de sauce en même temps qu'une croustillance de la chair. La formule de ce plat? Par D 2, on désigne une feuille de chair, de dimension 2. Par D 0, on désigne une boule de sauce. Suppose que tu fasses deux rangées de trois boules de sauces entre les deux feuilles, la formule sera donc : D 2 z ((D 3 x 0 ) 2 y ) z D 2. Comment nommer un tel plat? Une " polyraviole "? Ca manque de charme, ça n'est pas très gourmand. Je te propose de le nommer une " construction au canard ", par exemple. 232 Mais je rêve de l'avoir aussi avec une foule d'autres ingrédients, puisque, tu l'as compris, une seule et même formule débouche sur un nombre infini de nouvelles possibilités. Vernis et glacis Un tableau? C est une oeuvre que l on admire avec les yeux (et l âme!). Classiquement, l émotion que donne le peintre naît d une couche de pigments, déposés sur le support blanc qu est la toile. Hélas, ces pigments sont sensibles à l action de la lumière, et beaucoup d entre eux fanent, lorsque passe le temps et le soleil. Il faut les protéger : c est une des fonction des vernis. Ce n est pas la seule : les vernis sont aussi des couches d épaisseur variable, déposées sur les couches pigmentaires, ce qui donne de la profondeur à l œuvre, car la lumière, au lieu de se réfléchir à la surface, en perdant les composantes absorbées par les pigments, subit plusieurs phénomènes. Il y a d abord la réflexion à la surface de la couche de vernis : c est un simple reflet, brillant, de la couleur de la lumière incidente. Au point d incidence, une partie de la lumière traverse la surface du vernis, en étant réfractée, puis elle est réfléchie à la surface de la couche pigmentaire, en perdant les composantes absorbées, et remonte vers la surface du vernis, où elle est réfractée une seconde fois. Au total, cette composante semble venir d une distance différente de celle de la couche pigmentaire. Les peintres ne se sont pas limités à des vernis transparents, pour jouer de la profondeur, qu ils n avaient pas : la grande école flamande a introduit et maîtrisé les glacis, couches de vernis où les pigments colorés étaient dispersés. Cette fois, les particules pigmentaires sont dispersées dans le vernis, et la profondeur à laquelle ils réfléchissent la lumière (toujours en absorbant une partie de celle-ci) varie, ce qui engendre des modifications de la luminosité et de la saturation. Mieux encore, dans la couche de glacis, les particules diffusent la lumière dans toutes les directions, ce qui augmente l effet visuel. Et l on peut superposer : glacis, d abord, vernis ensuite. Les pigments? Les pigments, dont je ne cesse de parler? En peinture, les oxydes de divers métaux sont largement utilisés, tout comme des molécules organiques variées : on connaît le pastel, ou bien la garance, par exemple, mais les fabricants de cosmétiques ne se privent pas d ajouter des effets variés, telle la dispersion de petites plaquettes de mica pour faire le nacré de certains vernis à ongle. Et j ai même vu, il y a quelques années, des industriels proposer des «solutions» (quel jargon!) pour créer des hologrammes (comme ceux des cartes bancaires, par exemple) à la surface de bonbons! En cuisine, enfin Oui, je sais, tout cela semble bien loin de la cuisine, qui est le royaume du goût, des saveurs, odeurs, sensations trigéminales (le frais, le piquant, l astringent ). Pour revenir à ce territoire qui nous passionne, il suffit de transposer : pourquoi ne pas remplacer les pigments par des particules de 233

118 taille variée, ayant du goût? Pourquoi ne pas déposer sur les aliments des couches où seraient dispersées des particules de tailles variées, soit sapides, soit odorantes, soit Un exemple? A l aide de tamis ayant des mailles de différentes tailles, tu pourrais obtenir des cristaux de sucre ou de sel de différents diamètres, que tu utiliserais dans différentes couches. Ou bien, pour faire plus "culinaire", tu pourrais ainsi tamiser des épices, et jouer de textures en même temps que de goûts. Et puis, n oublions pas que le goût est la synthèse de toutes les sensations données par le plat : à côté des sensations sapides, odorantes, trigéminales, il y a des sensation visuelles, thermiques Et je sais aussi que tu t évertues, mon cher Pierre, à mettre en œuvre des constructions, des aspects, qui contribuent à la perfection de l œuvre culinaire. Et, ce mois-ci, je profite de l analyse d un de tes desserts, qui contenait des crèmes prises surmontées d une gelée claire, pour te proposer de généraliser l effet. Notamment en ajoutant des vernis, ce qui reste classique (pensons aux chaufrois, ou bien aux couches de gelées), mais aussi en usant de glacis : il te suffit de disperses de petites particules colorées en suspension dans une couche de gel que tu déposes à la surface des mets. Ces particules peuvent avoir du goût, tout comme les vernis ou glacis que tu utilises! Une mousse qui tient Les cuisiniers du passé n étaient pas moins intelligents que ceux d aujourd hui. Ni plus intelligents, d ailleurs. Pourtant, il y en a eu tant, et qui ont tant travaillé, qu il serait étrange que nous ne trouvions dans leurs écrits des idées utiles. Et puis même si leurs avancées sont classiques, nous pouvons chercher dans leurs écrits des idées à côté desquelles ils sont passés. Exercice d application de ce théorème! Par exemple, quelques auteurs de livres de cuisine ont utilisé de la gélatine pour faire tenir de la crème fouettée. Gomme adragante ou gélatine : tels étaient les deux produits les plus cités. La crème apportait la moussabilité ; la gomme adragante ou la gélatine la tenue, par la formation d un gel, dans le second cas. Analysons : une mousse est une dispersion de bulles d air dans un liquide (pour les mousses liquides) ; si le liquide gélifie, une fois la mousse formée, la mousse liquide devient une mousse solide, parce que les bulles d air sont alors prisonnières du gel, lequel est une dispersion d un liquide dans un solide. Au total, la mousse tient alors durablement. Que faire de cette analyse? Observons que le système composé de la crème et de la gélatine a deux raisons de mousser : d une part, certaines protéines de la crème sont moussantes, mais aussi la gélatine! Pour faire une mousse, en effet, il suffit d eau, d air et d un agent moussant, c est-à-dire de se lier à la fois à l air et à l eau, et, de plus, de former un raison à la surface des bulles. La gélatine a ces propriétés, comme le montre l expérience qui consiste à fouetter de l eau où l on a dissout de la gélatine. La quantité de mousse que l on peut obtenir? Des litres! Evidemment, l eau utilisée peut avoir du goût. Par exemple, on peut faire une mousse de bouillon, mais aussi une mousse de jus d orange, de vin, etc. Et cette mousse, une fois formée, tiendra en raison de la gélification de la gélatine. 234 En pratique? Dans un liquide chaud bien dégraissé, dissoudre quelques pour cent (en masse) de gélatine (feuille ou poudre), puis fouetter longuement en faisant mousser. Laisser au froid, puis utiliser pour composer une œuvre. Irremplaçable gélatine Il y a de cela une bonne vingtaine d'années, j'avais signalé au monde culinaire l'existence du "caviar artificiel", que l'on prépare à l'aide de produits gélifiants extraits des algues : les alginates. Plus précisément, l'expérience est simple : dans n'importe quel jus ou sauce, on dissout quelques pour cent (en poids) d'alginate de sodium, puis on laisse tomber des gouttes de ce liquide alginaté dans un bain d'eau additionnée de calcium : au contact du calcium, l'alginate présent à la périphérie des gouttes gélifie instantanément, formant une sorte de peau gélifiée autour d'un cœur liquide. On rince, et l'on a une bille liquide de ce que l'on veut : jus de melon, sauce vin rouge, purée de framboise Ce que l'on veut ou presque, parce que la réalité ne se laisse pas réduire à un petit paragraphe introductif : les jus contenant eux même du calcium, tel le lait, gélifient entièrement, et ne permettent pas l'obtention du cœur liquide ; les liquides très acides, également, résistent à l'expérience, tout comme les alcools et eaux-de-vie trop forts en alcool. Comment alors s'y prendre? Avant de résoudre la question, examinons cet étrange détour des choses de la vie. Il y a vingt ans, quand je proposais aux cuisiniers d'utiliser des alginates (et aussi de l'azote liquide pour faire des sorbets, et aussi des filtres de laboratoire pour clarifier les bouillons, etc.), je m'attirais des réponses plus qu'hésitantes. A propos des additifs, la réponse la plus courante était un " non " ferme : pourquoi utiliser des " additifs ", quand nos bons vieux produits convenaient? J'arguais évidemment que les cuisiniers du passé n'ont pas hésité à utiliser de la gomme adragante pour stabiliser les crèmes Chantilly, il y a plus d'un siècle, mais cela ne suffisait pas. Jusqu'au jour où la crise de la vache folle est arrivée. Ce jour-là, la " bonne vieille gélatine " a été jetée aux orties. Accusée honteusement de propager une maladie terrible. L'accusation était aussi infondée qu'illogique : les mêmes qui critiquaient la gélatine continuaient de manger de la viande, faite de fibres musculaires en collagène, lequel engendre la gélatine quand on cuit longuement! Pour être cohérent, il aurait fallu soit arrêter la gélatine en même temps que la viande, soit continuer les deux. Oui, mais l'humanité a ses irrationalités : les agents gélifiants que sont les agar, carraghénanes, alginates se sont alors imposés. Oubliées les accusations qu'on leur portait naguère! La révolution culinaire était en marche grâce à une crise. Tant mieux ou tant pis : lors de cette révolution, on a oublié que les produits ne sont pas plus substituables que les mots. Il n'existe pas plus de véritables synonymes, aurait dit l'abbé de Condillac, qu'il n'existe de remplaçant à la gélatine : celle-ci a la vertu de fondre vers 36 C, c'est-à-dire dans la bouche! Passé la crise, je crie aux cuisiniers : vive la gélatine (bien employée)! Et nos perles, dans cette affaire? Puisque la gélatine est préférable à bien d'autres gélifiants, ne pourrait-on en faire aussi des perles? La réponse est affirmative. Congelons le jus dont on veut faire 235

119 une perle, puis, à la cuiller à melon formons une bille de ce jus et trempons-le dans une solution concentrée en gélatine : le froid fait prendre aussitôt la solution en gelée autour de la bille congelée, qui décongèle ensuite dans sa peau gélifiée. Nous sommes ainsi débarrassés de l'alginate, mais aussi du chlorure ou du lactate de calcium que nous devions dissoudre dans le bain de trempage. Mieux encore : des billes de vinaigre ou d'alcool sont possibles, maintenant! Cocktails multicouches Bienvenue : lors des réunions de travail, cette bienvenue se fait par la proposition d un café. Toutefois, on pourrait vouloir changer. Un cocktail, par exemple? Pour les barmen, le goût du breuvage est évidemment essentiel, mais la superposition de couches semble également être un critère de qualité. C est ainsi que, pour une réunion de barmen, j ai été amené à inventer le cocktail suivant, nommé «Welcome coffe». ne pourrions-nous pas, mon cher Pierre, changer le goût et conserver l idée des superpositions? Pour le Welcome coffe, la première couche, en partant du fond, est une couche de café gélifié. Simple à réaliser : on dissout de la gélatine dans du café, et l on coule une couche au fond du verre. Café et chocolat : pourquoi ne pas jouer l alliance. C est ainsi que la couche, liquide, celle-ci, qui sera coulée sur la première sera une couche de chocolat dense et froid. Dessus, on aura versé soigneusement une couche du même chocolat, mais brûlant, celui-ci : en raison de la différence de températures, la couche de chocolat chaud ne se mélangera pas à la couche de chocolat froid et la couche de gelée inférieure sera protégée par le chocolat froid. Pour disposer une couche sur la couche supérieure, de chocolat chaud, le jeu avec les températures ne suffira plus. Il faut utiliser un liquide de densité inférieure à celle de l eau qui compose le chocolat chaud. On utilisera par exemple de l huile de café, que l on aura obtenue en macérant de l huile avec du café en poudre et l on émulsionnera cette huile dans du café additionné de gélatine. L émulsion aura une densité quasi égale à celle de l huile : elle se disposera donc sur le chocolat chaud sans se mélanger à lui. Encore moins dense? De la vodka! Lentement versée sur l émulsion de café, elle y subsistera sans se mélanger. Toujours moins dense, un gaz s impose. Ou plus exactement une mousse : je propose de dissoudre de la gélatine dans du café sucré, puis de fouetter vigoureusement pendant longtemps. Une mousse de café abondante se forme. On la versera délicatement sur la vodka. Par-dessus, je propose enfin un cristal de vent au café, réalisé conformément aux indications données il y a quelques mois. Quelques amandes grillées, avec un peu d un mélange d acide tartrique et de bicarbonate de sodium, pour faire mousser au moment de la consommation. L effet est assuré. Comptons les couches : (1) gelée, (2) chocolat froid, (3) chocolat chaud, (4) émulsion, (5) vodka, (6) mousse gélifiée, (7) mousse solide, (8) amandes grillées, (9) poudre effervescente. Neuf couches pour un cocktail : voilà une belle réalisation de «mixologie moléculaire», n est-ce pas? Elle n est donnée qu à titre d exemple. La saine considération des densités permet de transposer ce cocktail avec des goûts sur mesure. Ici, nous sommes restés dans le registre du café, mais pourquoi pas, en cuisine, faire de même avec des bouillons, des jus de fraise 14 types de sauces Ouf, le travail est achevé! Il s agissait de mettre de l ordre dans les centaines de sauces françaises classiques. Le Guide culinaire d Auguste Escoffier en décrit 351 : comment s y retrouver? La solution adoptée a consisté à rapprocher des sauces que la cuisine considère comme étrangère, mais que la physico-chimie voit cousines, telles la sauce béarnaise et la crème anglaise, qui ne diffèrent que par le goût. En effet, ces deux sauces sont ce que l on nomme des «suspensions» : elles sont épaissies par la dispersion de petits agrégats d œuf coagulé, dans la phase aqueuse (de l eau qui a du goût : réduction d échalote allongée de vin dans le premier cas, lait sucré dans le second). La base du travail, c est le formalisme introduit lors du XVIe Congrès de l European Colloids and Interface Society, à Paris : ce formalisme décrit la totalité des "systèmes dispersés complexes", mets compris. Il s agit d utiliser des symboles pour désigner les phases en présence (E pour eau, H pour huile, S pour solide et G pour gaz), et des connecteurs qui décrivent les opérations : «/» pour la dispersion, «+» pour le mélange, pour l inclusion et pour la superposition. A l aide de ces symboles, il a fallu classer les centaines de sauces classiques, et, surtout, identifier leur formule. Ce n est pas difficile, pour des sauces comme la mayonnaise, qui est une simple émulsion, faite d huile H et d eau (elle provient du jaune d œuf et du vinaigre) : la formule est H/E. Pour d autres sauces, les formules peuvent être plus compliquées. Par exemple, la sauce Albert, qui s obtient à partir d un roux blanc, allongé à l eau, monté au beurre et à la crème, additionné de jus de citron, de raifort cuit dans du consommé blanc, a pour formule ((E / S1) + H1 + H2 + S2) / E, qui se simplifie toutefois en (H + S + (E / S)) / E. Combien de catégories existe-t-il? L analyse du Guide culinaire, du Répertoire de la cuisine, par Th. Gringoire et L. Saulnier, de L art des sauces, par Académie des gastronomes et l Académie culinaire de France, et de l Art de la grande cuisine française au XIX e siècle, par Antonin Carême, a révélé 14 types de sauces seulement. Ces catégories sont : E (H + (E/S)) / E H/E (S + (E/S))/ E E/H (H + ((G+H)/E)) / E S/E (G + H + S) / E (E/S) /E (H + S + (E/S)) / E (G + H) / E (H + S + (G/E)) / E (H + S) / E (H + S + ((G + H) / E)) /E

120 Ce qui est surprenant, dans cette affaire, c est que des sauces évidentes manquent. Par exemple, pourquoi ne trouve-t-on pas de sauces ayant la formule simple (G + (E/S))/E? Ce n est pourtant pas difficile de disperser un blanc d œuf battu en neige dans un velouté, par exemple. Kientzheim de beurre Ce mois-ci, nous réinventons la mayonnaise! Un jeu d enfant, puisque la sauce mayonnaise est faite d huile, que le fouet divise en gouttelettes dans l eau apportée par le jaune d œuf et par le vinaigre. La sauce doit notamment ses qualités au fait que c est ainsi une «émulsion de type huile dans eau». Avec les formules introduites il y a quelques mois, on écrirait cela H/E. «Qualités» : la sauce mayonnaise en a plusieurs. Il faut d abord observer qu une mayonnaise réussie est bonne, alors que la même mayonnaise tournée semble n être que de l huile. Pourquoi cette différence fondamentale, alors que les mêmes ingrédients sont réunis dans les deux cas? Je crois que tout tient dans la surface, dans l attaque : dans une mayonnaise ratée, c est de l huile que nous percevons au premier abord, alors que, dans une mayonnaise réussie, c est l eau de l émulsion que nous sentons ; mieux encore, cette eau a de la vivacité gustative, en raison du vinaigre utilisé, et de la viscosité, en raison de l huile dispersée, qui donne du corps à la sauce ; enfin l huile finit par tapisser la bouche, apportant de la longueur. Enfin la sauce mayonnaise contient du jaune d œuf, dont le goût puissant contribue pour beaucoup à la richesse gustative de la sauce. Bref, la mayonnaise a des qualités, et elle mérite d être généralisée. Elle l a été, d ailleurs : avec la sauce Alicante, la sauce andalouse, la sauce Aurore, la sauce Chantilly, la sauce Gribiche, la sauce italienne froide, la sauce mayonnaise à la Russe, la sauce mousquetaire, la sauce piquante niçoise, la sauce rémoulade, la sauce russe, la sauce suédoise, la sauce tartare, la sauce verte et la sauce Vincent! Dans chacun de ces cas classiques, il s agit d ajouter des ingrédients à une sauce mayonnaise classique, ou bien d ajouter de la sauce mayonnaise à un mélange dont le goût domine. C est très bien, mais on peut faire mieux! Conservons le principe de la sauce, plutôt que la sauce ellemême. Il s agit d un jaune d œuf, additionné d eau (celle du vinaigre) où l on a dispersé une matière grasse liquide. Changeons donc la matière grasse. C était de l huile, imposée ces dernières années sur des bases nutritionnelles contestables? Revenons enfin au beurre! En pratique, il s agit de mettre un jaune d œuf et une cuillerée d une solution aqueuse qui aurait du goût (jus de citron, vinaigre, vin, bouillon, café, thé, que sais-je?) dans un cul de poule. Puis on fondra du beurre et, en plaçant le cul de poule dans un bain marie tiède, on ajoutera le beurre fondu en fouettant, tout comme on pratique pour confectionner une mayonnaise. Le beurre fondu (il «fait huile») sera divisé par le fouet en gouttelettes qui iront se disperser dans l eau, et l on obtiendra encore une émulsions de type huile dans eau, mais à partir du beurre : H/E. Attention : il faudra verser le beurre fondu goutte à goutte, au début de l opération, et ajouter de l eau si la texture 238 devient trop ferme (en pratique, les émulsions tournent quand la proportion de matière grasse atteint environ 95 pour cent de celle de la sauce). Oh! mais d autres variantes sont possibles : puisque la lettre H désigne n importe quelle matière grasse fondue, pourquoi ne pas conserver le principe, mais avec de la crème épaisse, avec du fromage fondu, ou encore avec du foie gras fondu? Le confortable Ce mois-ci, c est une merveilleuse histoire que je vous propose. Et, puisque c est une histoire vraie, je vous propose de vous la raconter telle qu elle s est passée, sans modification. Tout a commencé au restaurant de Pierre Gagnaire, il y a plusieurs mois, quand j ai entendu un chroniqueur gastronomique dire que la cuisine de Pierre était devenue plus «lisible», plus confortable. Des mots? Pas seulement. Lisible signifie que l on y trouve du familier, que les plats ne sont pas des objets extraterrestres, où nous sommes au bord de nos références culturelles. Confortable? Certains plats ne sont pas un choc de goût nouveaux, mais, là encore, des valeurs d enfance, peut-être D où la question : comment, à volonté, faire des plats confortables. Question difficile, car il n est pas question de retomber dans la béarnaise, la béchamel et toutes ces sauces si classiques qu elles ne peuvent tenir qu une partie mesurée dans une cuisine vraiment moderne. Le déclic est venu de la cuisine de Pierre, mais quelques mois plus tard. Plus exactement, un groupe de plat nommé «le cochon», au milieu de son histoire à la carte (j explique : presque chaque semaine, des modifications sont faites, parce que, apparemment, Pierre Gagnaire cherche à s approcher de l idée quasi platonicienne qu il a de ses créations), comportant une raviole au centre de laquelle figurait une tranche de sabodet, dans une sauce extrêmement confortable! Pourquoi l étaitelle? A l analyse, cette sauce contenait du beurre, un jus de viande, aussi. Pour la physico-chimie, le jus de viande et la sauce évoquent aussitôt l opération d émulsification, les gouttelettes de matière grasse fondue venant se disperser dans l eau de la sauce, grâce à des molécules dites «tensioactives». Par exemple, ce sont les protéines du jaune d œuf qui permettent de confectionner les émulsions froides que sont les sauces mayonnaises, et ce sont les lécithines du chocolat qui permettent de mêler le chocolat fondu à de l eau, pour faire une sauce au chocolat chaude qui est une émulsion. Dans la sauce de la raviole? Le fond utilisé s approchait de la demi glace. Or cette dernière est une sauce obtenue par cuisson longue dans l eau, la viande libérant de la gélatine, qui se dissout progressivement. Oui, de la gélatine : c est d ailleurs la raison pour laquelle les bouillons où cuisent les viande gélifient quand ils refroidissent. Cette analyse m a alors remémoré des expériences anciennes, où j avais testé l ajout de gélatine dans les sauces, quand je croyais que ce composé était responsable de la viscosité des sauces, avant de découvrir que c était en fait le beurre émulsionné grâce à la gélatine qui venait de donner de la consistance. 239

121 Ah! Mais alors, pour faire une sauce émulsionnée, il fallait de l eau, de la gélatine, et de la matière grasse. Le voilà, le dénominateur commun! De surcroît, il semblait conduire à des sauces confortables, le beurre émulsionné donnant ce sentiment d enrobage prolongé de la bouche, la gélatine venant asseoir la durée. Hypothèse : pour faire une sauce confortable, il faut de l eau, de la gélatine et du beurre. L hypothèse fut transmise à Pierre qui vérifia qu elle était exacte. Chacun peut facilement faire le test, même avec de l eau pure. Du coup, l hypothèse testée permet de créer de nouvelles sauces confortables peu classiques, car si l eau des sauces classiques est celle du jus de viande, pourquoi ne pas la changer pour un bouillon de légume, de fruits, que sais-je? Les demi-glaces de légume La question des légumes est périodiquement posée. Nicolas de Bonnefons, au XVII e siècle, s'en préoccupait déjà, parce qu'il se passionnait pour les jardins et leurs productions. Ce n'était pas le premier mais, aujourd'hui, nous continuons de manger trop souvent les légumes cuits à l'anglaise : tristes objets, fades, délavés! Il faut réagir. Ma façon de faire consiste à poser des questions : si l'on ne se contente pas du goût propre des légumes (cuisson à la vapeur, à peine mieux que la cuisson à l'anglaise), comment donner du goût aux légumes? Le goût, ce n'est pas de la texture, qui est une autre question. Non, il me faut cette fois raisonner en chimiste que je me glorifie d'être. Donc, à la base, le légume et ses molécules ; et à l'arrivée, de nouvelles molécules, obtenues par des opérations culinaires, lesquelles auront réagi sous l'action de la chaleur. Nous sommes bien d'accord, nous devons donc faire de la chimie sans autres produits chimiques que ceux qui sont dans les aliments. Ce mois-ci, une première proposition : chauffer longtemps. Dans le Menu de l'an 2000, il y a ce jus de carottes centrifugées et chauffé pendant plusieurs heures sur le coin du fourneau. C'est la même idée que celle du bouillon, ou du velouté. Je m'explique. Contrairement à ce que l'on a longtemps cru, la confection d'un bouillon n'est pas une simple extraction du jus de la viande : autrement, on aurait haché la viande et on l'aurait placée dans l'eau, sans se préoccuper de chauffer plusieurs heures. Non, un bouillon s'obtient chauffant de la viande dans de l'eau, certes, mais on ignore que la viande chauffée est comme une éponge que l'on presse : du coup, les jus sortent et l'eau se teinte. Ce n'est pas là le fin mot de l'histoire : si l'on cuit un bouillon pendant plusieurs heures, alors qu'une heure de cuisson environ suffit à faire sortir les jus de la viande, c'est parce qu'il faut du temps pour que toutes les molécules du jus, passées dans l'eau, réagissent chimiquement. Il est d'ailleurs facile d'observer qu'il y a réaction chimique : de rouge et un peu fade qu'est le jus de viande, on passe à un brun sapide et odorant. Quelles réactions sont-elles la cause de cette transformation? La chimie n'en a pas encore de certitudes. Peu importe, cela ne nous empêche pas d'avancer. Passons maintenant au velouté. Le dépouillement, qui consiste à retirer régulièrement la peau qui se forme à la surface d'une casserole où un roux (beurre plus farine, chauffés jusqu'à coloration noisette) a été additionné d'un bouillon, ne 240 sert pas à éliminer des " impuretés ", comme on l'a longtemps cru, ni à retirer la graisse en excès, comme je le croyais naguère. Non, le dépouillement - c'est la découverte de l'été dernier, dans mon laboratoire- sert essentiellement à donner du temps à des réactions chimiques pour former un délicat arôme de champignons. L'expérience est facile à faire : on fait un roux, on y ajoute de l'eau et on cuit doucement pendant une heure environ ; l'eau est presque transformée en soupe aux champignons! Merveilles de la chimie culinaire Pourquoi cette odeur? Là encore, de la recherche scientifique s'impose : quand nous comprendrons mieux la chimie de l'affaire, nous pourrons mieux procéder aux réactions. Venons-en enfin aux légumes : un jus de carottes que l'on chauffe très longtemps se transforme, également, parce que les molécules ont le temps de réagir. Quelles molécules? Toutes celles qui se trouvent dans les carottes. D'où une première possibilité : faire des jus de tas de légumes, et les cuire longuement, à très petit feu, jusqu'à transformation du goût. Une autre possibilité, fondée sur l'analyse du bouillon. Ce dernier s'obtient, nous l'avons vu, par des réactions inconnues mais pas complètement. Parmi ces réactions figurent les réactions de Maillard, découvertes par le chimiste Louis-Camille Maillard, né à Pont-à-Mousson, qui fit une bonne partie de sa carrière à Nancy. Ces réactions se font entre les sucres (il y en a dans les légumes) et les acides aminés (il y en a dans la viande). D'où l'idée du mois : Pierre, essaye un peu de cuire des légumes centrifugés avec du jus de viande ou de la viande hachée, pendant très longtemps, à découvert, comme tu cuis déjà tes carottes, et tu verras apparaître des goûts inconnus. Selon les légumes, les résultats seront bien différents. La cuisine en formules Les physiciens étudient depuis longtemps les «colloïdes», c est-à-dire ces objets étranges que sont les émulsions, les mousses, les gels Ni complètement solides, ni liquides au point que le mot de «colloïde» a été remplacé par «matière molle», ou par «systèmes dispersés». Il suffit de considérer une gelée de gélatine, une confiture (ce sont ce que les physiciens nomment des gels) pour comprendre pourquoi on parle aujourd hui de matière molle, mais pourquoi systèmes dispersés, d autre part? Le microscope l explique. Prenons tout d abord une émulsion : la mayonnaise. L huile est dispersée par le fouet dans l eau apportée par le jaune d œuf et par le vinaigre. Prenons ensuite un gel de gélatine, l eau est dispersée dans un solide, formé par la gélatine. Et la mousse, aussi, est un système dispersé : des bulles d air dispersées dans un liquide. C est le cas des blancs d œufs battus en neige, par exemple. Avec le pain ou la meringue, on a encore une mousse, mais, cette fois, les bulles d air sont dispersées dans un solide (la mie). On dit que ces systèmes sont des mousses solides. Achevons en signalant que tous les livres de physico-chimie des colloïdes commencent par présenter le tableau 132 des «systèmes dispersés simples». Et pour les autres? Cette fois, la description devient compliquée : 132 Se reporter au tableau de la page

122 il y a des émulsions multiples, avec un liquide dispersé dans une autre liquide qui est lui-même dispersé dans un autre liquide. Comptez le nombre de mots nécessaires à cette description : 24! Pourrions-nous arriver à des descriptions plus simples? Nous allons voir que oui, tout d abord ; puis nous verrons comment ce petit travail amusant permet d inventer une infinité de plats nouveaux. Commençons par observer que, parfois, deux «phases» sont dispersées dans une troisième : par exemple, dans une sauce béarnaise, l eau apportée par la réduction de vinaigre et par l œuf abrite des agrégats de protéines (comme des «grumeaux microscopiques»), quand l œuf cuit, et aussi des gouttes de matière grasse. Je vous propose d utiliser le signe «+» pour décrire cette coexistence. Il nous faudra un autre signe pour décrire la dispersion : je propose le signe «\». En notant G le gaz, E l eau et H l huile, on trouve des formules toutes simples. H\E? C est une émulsion de type huile dans eau : prototype la mayonnaise. G\E? Un gaz dispersé dans l eau : par exemple le blanc d œuf battu en neige. E\G? Un gel. Et ainsi de suite. La béarnaise, dont je vous entretenais, est alors décrite par une formule toute simple : (G+H)\E. Evidemment, la méthode peut être généralisée. Choisissons un certain nombre de phases, que nous nommons A B C D E K. Pour trouver toutes les possibilités, nous introduisons entre les paires de lettres les signes \ ou + ; puis nous ajoutons des parenthèses. On obtient un plat dont la cuisine n a souvent aucune idée. Vous trouvez cette cuisine trop théorique? Vous voulez un exemple? Très bien. Choisissons par exemple une formule au hasard : ((G+S1+H) \ E) \ S2. On y trouvera un gaz (G), deux solides (S1 et S2), une huile (H) et une eau (E). Quel goût aura ce plat? Celui que vous voulez. Supposons que vous vouliez faire ce plat au homard. Vous pourriez alors : 1. préparer une huile parfumée au homard H en brunissant la carapace au four, puis en la cuisant dans de l huile 2. préparer une purée de homard S1 en broyant la chair du homard 3. préparer une bisque de homard E en cuisant des carapaces avec oignons, carottes, thym, laurier, ail, tomates 4. disperser la purée S1 et l huile H dans la bisque E, à l aide de gélatine 5. faire mousser l émulsion (on introduit G) 6. attendre que le système gélifie (ce qui fait S2) Il reste à donner un nom au plat pour qu il existe. Comme j ai beaucoup d admiration pour Michael Faraday (l homme de la cage, et de biens d autres choses), je vous propose de nommer ce plat "Homard à la Faraday". A.14. Recettes de Pierre Gagnaire L'oeuf a 65 Recette de ménage 1) Faire revenir à l'huile d'olive dans une petite poêle un oignon ciselé, le sucrer abondamment ; ajouter soja, vinaigre de Xeres. Bien faire réduire. 2) Ajouter à cette préparation encore tiède une concassée de tomates crue de bonne qualité et de jambon blanc taillé en petits dés 3) Laver et sécher une belle salade romaine et garder une large feuille par personne 4) Préparer un beurre noisette à la dernière minute juste avant le dressage Dressage : La feuille de romaine nature,puis le mélange cuisine puis l'œuf. Assaisonner du beurre noisette poivré puis ajouter de la fleur de sel. Recette festive Marché (4 personnes) -1/4 de litre de bouillon de poule -50 grs de foie gras cru -1 petit bouquet de coriandre fraîche -50cl de porto rouge -1 botte de navets fanes (20 pièces environ) -Du beurre doux -Un mélange 30gr de mie de pain fraîche agrémentée de curry fort, curcuma, cannelle en poudre, tandoori et paprika. Méthode : Porter à ébullition le bouillon de poule, ajouter le porto, le foie gras et la coriandre fraîche effilée. Mixer. Émulsionner en incorporant 30 grs de beurre en petits dés. Remettre à la chaleur 3 minutes puis filtrer. Cuire les navets dans une petite casserole épaisse avec eau, sirop d'érable et beurre frais. Les navets doivent rester blonds. Cuire au beurre mousseux le mélange d'épices (attention, il ne doit pas brûler). Répartir ce mélange sur le dôme des quatre œufs. Passer ces œufs au four chaud pendant 1 minute. Dressage : Verser le bouillon,, poser les navets puis les œufs en dernier

123 Sole meunière, beurre de cuisson chantilly Le marché pour 4 personnes. - 2 soles de 500g g de beurre - 10 g d'échalote ciselée - 10 g de ciboulette ciselée - 20 Cl de bouillon de poule - 1 cuillère à café de jus de citron - Sel et poivre Méthode : Cuire les soles à la poêle avec 100 gr de beurre frais en faisant très attention de ne pas brûler le beurre parce qu'on l'utilisera jusqu'au terme de cette recette. Les soles étant cuites, lever les filets et les réserver au chaud. Dans la même poêle de cuisson faire revenir les arêtes concassées et les parures puis ajouter le bouillon de poule que l'on fera réduire d'un quart ; filtrer. Ajouter ensuite la ciboulette et les échalotes, puis le jus de citron. Verser ensuite sur le restant de beurre en pommade ; monter le tout sur glace à consistance d'une crème fouettée. Dressage : Poser le filet de sole au centre d'une assiette bien chaude, accompagné d'une pomme de terre cuite à l'eau écrasée. Le Truc : Le beurre chantilly sera servi dans un petit bol à part, posé à côté de l'assiette et utilisé au cours de la dégustation comme un condiment pour la pomme de terre ou le filet de sole. Commentaire Quand les gens me parlent de cuisine moléculaire, ils imaginent des plats incompréhensibles, conçus à partir de techniques gadget. C est pour eux de la magie plus que de la cuisine! La recette de la sole symbolise bien ma relation aux recherches d Hervé : pas d effet de manche, on se contente de redessiner l axe principal d une recette archi éprouvée de notre répertoire culinaire français. Le beurre meunière par sa texture moelleuse, fait que le rapport du gras à la chair du poisson devient différent. Le mode de cuisson perd de sa banalité. On peut imaginer une multitude d autres histoires : passer les filets de sole dans un mélange de mie de pain, de jaune d œuf dur et d herbes fraîches. On pourrait ajouter au beurre une écorce d orange, un brin de macis, du jus de truffe. Bouillon d'artichaut truffe, pétales de cabillaud (l'effet pastis) Le marché pour 4 personnes. - 3 gros artichauts - 50 à 80 g. de truffe fraîche - 25 cl d huile d olive vierge suave - 5 cl de Calvados - 1 pomme reinette - 2l d eau de source à 250 g. de cabillaud extra frais Méthode : 1) Dans un bocal hermétique mélanger huile, calvados, truffes hachées,pomme coupée en quatre. Garder au frais 24 h en agitant régulièrement le bocal. 2) Effeuiller l artichaut pour ne garder que le cœur avec le foin. Mettre à cuire le tout (cœur & feuilles) dans une casserole haute et épaisse dans laquelle il y aura l eau froide légèrement salée. Porter à ébullition pendant 30 minutes pour le cœur et poursuivre encore un 1/2 h pour les feuilles. Arrêter le feu en fin de cuisson et remettre les cœurs dans le bouillon et laisser refroidir. Enlever alors le foin puis filtrer ce bouillon. Reporter ce bouillon à ébullition, éteindre le feu et verser les éléments du bocal dans ce bouillon chaud. Laisser infuser 10 minutes. 3) Déposer le cabillaud assaisonné de sel fin dans un plat épais beurré. Le cuire 20 minutes à four doux (80 ) le retirer du plat et l effeuiller délicatement dans les 4 assiettes. 4) Pendant ce temps, tailler le cœur d artichaut en petits dés et le déposer dans 4 assiettes creuses. Dressage : Rectifier l assaisonnement du bouillon, le poivrer et le verser brûlant dans chaque assiette devant les convives. Sablé à la farine torréfiée Marché pour 30 sablés gr de beurre - 250gr de farine torréfiée - 125gr grammes de sucre - 3 grammes de sel 245

124 - 3 jaunes d'œufs durs - 25cl d'eau de source Méthode : Torréfier la farine : Mettre 350 grammes de farine sur une plaque, la cuire 20 minutes à 160 C, la brasser de temps en temps. La laisser refroidir sur la plaque. La tamiser. Réaliser la pâte:, Mélanger le beurre, le sucre, le sel, puis la farine, à la fin les jaunes durs préalablement tamisés. Laisser reposer une nuit. Étaler, laisser refroidir. Cuire a 160 C environ 10 minutes. Utilisations : Une idée salée Déposer sur une assiette plate bien froide de fines aiguillettes de canard gras tranchées en carpaccio. Tailler de la betterave rouge cuite en tout petits dés ; les mélanger à des noisettes torréfiées et concassées, de la ciboulette et de la coriandre fraîche, un peu d'huile d'olive, du vinaigre de framboise et du sésame. Répartir ce mélange sur le carpaccio. Puis déposer un sablé à la farine torréfiée. Une idée sucrée Préparer un vrai chocolat chaud ave une ganache fortement battue et détendue au lait cru. Ajouter une quenelle de glace onctueuse à la vanille ; déposer le sablé agrémenté de belles framboises de saison. Langoustines Hervé This ("deux goûts au lieu d'un seul") Méthode : A) la veille, préparation de l huile et de l eau aux agrume:s Prélever à l aide d un couteau économe 20gr de zeste sur chaque agrume ; couper finement. Dans un bocal verser l eau, l huile, ajouter les zestes, mélanger bien et fermer le bocal. Laisser infuser au frais pendant 24 heures. B) le jour même 1) Filtrer le mélange eau - l huile- agrumes. Laisser reposer une heure pour que les deux éléments eau huile se décantent. Au bout d une heure, séparer huile et eau dans deux récipients différents. 2) Décortiquer les queues de langoustines, réserver au frais. Peler l orange à vif, retirer les segments, réserver au frais. Eplucher les carottes fanes, les cuire à l eau bouillante salée, les rouler dans l huile d olive. 3) Confectionner une mayonnaise avec le blanc d oeuf, un peu de sel et l huile parfumée. 4) Chauffer l eau aux agrumes jusqu'à frémissement et pocher les queues de langoustines, puis les retirer après cuisson. Fondre le miel dans le bouillon de cuisson des langoustines. Dressage : Dans 6 assiettes creuses, disposer successivement les carottes, les segments d orange, les oudons puis les langoustines tièdes. Verser ensuite un peu de bouillon tiède et quelques gouttes de jus de citron. Napper délicatement les langoustines de la mayonnaise. Le marché pour 6 personnes pièces de très grosses langoustines - 1 orange sanguine - 1 citron non traité - 1 pamplemousse rosé - 20cl d huile d arachide - 90 g. de oudon ( nouilles japonaises) - 3cl d eau de source - 24 pièces de petites carottes fanes - 1 blanc d œuf - 1 cu. à café de miel - 1 cu. à soupe d huile d olive - sel / poivre 246 Vent de sable aux olives de Lucques ("cristaux de vent") Le marché pour 6 personnes pièces d olives de Lucques - 60 grammes de blancs d oeufs (soit 2 blancs) - 60 grammes de sucre semoule - 1 gousse de vanille - 30 grammes de sucre glace - 20 grammes de jus de conservation des olives ( 3 cuillères. à soupe) - 6 Spaghettis -200 grammes d huile de cuisson soit 1 louche 247

125 - 2 pièces de beaux Kakis -Quelques stigmates de safran. Méthode : 1) Faites chauffer l huile de cuisson dans une grande poêle, puis frire les spaghettis sans les casser, 30 secondes. Réservez sur du papier absorbant, puis coupez-les en deux. Finition : Emulsionner longuement votre bouillon en ajoutant éventuellement une noix de beurre frais et des feuilles de combawa ciselées. Ce bouillon accompagnera un crustacé cuit à la vapeur (langoustine, homard, ). On peut le servir en tasse, en accompagnement d un riz gluant, de spaghetti juste arrosés d huile d olive et de citron. 2) Dénoyautez les olives en les gardant entières. 3) Préparez une meringue en montant en neige, à l aide d un fouet, les blancs d oeufs et en incorporant peu à peu le jus de conservation de ces olives; ajoutez ensuite le sucre semoule. Puis à la spatule le sucre glace, la gousse de vanille coupée en deux, grattée. Vous avez obtenu une meringue que nous avons baptisée avec Hervé Cristaux de Vent. 4) Piquez les olives avec les spaghettis, trempez les dans l appareil meringue, et déposez sur un papier sulfurisé. 5) Séchez au four à 120 C, pendant 1 heure. Disque de caramel au polyphenol Le marché pour 6 personnes g. de fondant - 70 g. de glucose - 10 g. de beurre de cacao - 3 g. de polyphénol 6) Videz les Kakis à l aide d une cuillère et mixez la pulpe avec le safran. Dressage & service Tremper les brochettes dans la pulpe de Kakis juste avant de déguster. Méthode : 1) Cuire le fondant et le glucose jusqu'à une température de 120. Bouillon de citronnelle, feuilles de combawa et poireau ("bouillons plus longs en bouche") Le marché. - 1 litre d eau de source - 5 feuilles de combawa (que l on trouve facilement dans une épicerie «exotique») - 2 bâtons de citronnelle - 1 poireau dont on aura gardé la partie vert tendre -2 feuilles de gélatine 2) Ajouter le polyphénol, bien mélanger. 3) Reprendre la cuisson du sucre et monter jusqu'à une température de ) Stopper la cuisson du sucre en incorporant le beurre de cacao en petites parcelles. 5) Verser le caramel sur une feuille de papier sulfurisé et abaisser à l'épaisseur d'un millimètre environ. 6) Détailler à l'aide d'un emporte-pièce des disques dans la plaque de caramel chaud. 7) Laisser refroidir et ébarber les disques. Méthode : Emincer le poireau, le faire suer au beurre frais et de l huile d olive (5mn), verser l eau, porter à ébullition, ajouter la gélatine ramollie, cuire doucement à couverts pendant 15 mn. Ajouter citronnelle et feuilles de combawa, couvrir et laisser infuser jusqu à refroidissement. Filtrer ce bouillon, le réserver éventuellement au congélateur en petites poches. Attention doit être faite avant que le liquide ne soit trop froid pour une répartition équitable du gras. 248 Velouté d artichaut au macis, bouquet de poivrade crus et carres de gelée au vin jaune (le "note à note") Le marché (4 pers). - 4 gros artichauts maco - 1 brisure de macis (cosse de la muscade) - 1 oignon blanc - eau de source - 4 artichauts poivrades 249

126 - 20cl de crème fluide de belle qualité (Elle & Vire) - 1 carotte taillée en tous petits dés - jus de pamplemousse rosé - balsamique blanc - vinaigre de riz - coriandre fraîche Méthode : 1. Porter à ébullition douce ¼ de la bouteille de vin jaune. Incorporer la gélatine ramollie à l eau froide ; verser cette préparation dans une petite plaque chemisée de papier film. Mettre au frais une nuit. Découper des petits carrés de cette gelée. 2. Préparer les maco, les couper en quartiers. Les faire revenir au beurre avec l oignon émincé déjà roussi. Retirer la casserole du feu pour qu elle refroidisse. Verser alors le vin jaune et cuire doucement à couvert avec la brisure de macis (environ 30min). Mixer, passer au tamis ; on va obtenir une masse un peu épaisse. Assaisonner de sel, incorporer une belle noix de beurre ; garder au chaud. - poivre noir et à queue - barbe de capucin (150 g.) Méthode : 1. Préparer un sirop à base de vin blanc et d épices indiqué ci-dessus. Dans ce sirop on aura versé un caramel. On pourra le confectionner plusieurs jours à l avance. (donc pas de problème de conservation) Eplucher les pommes et les immerger dans ce sirop brûlant. Les couvrir et les laisser reposer une journée ; les retourner de temps à autre. 2. Dans un plat épais, déposer les pommes avec une partie du sirop. Les mettre à cuire doucement et longtemps (3 heures) Les arroser, les retourner en bref les aimer. Elles vont tranquillement confire, devenir coufide. Le sirop va devenir un jus caramélisé. Egoutter les pommes. Ajouter le polyphénol dans ce jus qui va prendre une belle couleur violine ; mais surtout son goût va se modifier, prendre une autre ampleur, une autre dimension. Remettre les pommes dans ce jus. Ajouter les noix taillées en aiguilles. 3. Émincer à la mandoline les 4 poivrades. Assaisonner de sel, de poivre, d huile d olive, de jus de pamplemousse et de vinaigre balsamique. Dressage : Dans 4 assiettes creuses larges, verser la crème d artichaut tiède puis la crème qui sera mousseuse puis les poivrades et les carrés de gelée. Terminer enfin par la petite brunoise de carotte assaisonnée de vinaigre de riz et de coriandre ciselée. Dressage : Répartir dans des assiettes creuses la pulpe de fruits de la passion. Servir les pommes devant les convives. (elles seront coupées en quartier) Déposer la barbe de capucin assaisonnée d un peu de sirop. Ajouter quelques grains de sel et de poivre concassé. Pavé de bar rôti, mie de pain fraîche «cuisinée». (gradient) Pomme coufide, fruits de la passion aux noix ; caramel de cuisson au polyphenol (le "note à note", bis) Le marché. - 8 royale gala - 12 fruits de la passion - 20 noix de l année - beurre - sucre roux - vin blanc de cépage chardonnay - 5g de polyphénol (voir texte le concernant pour toute information) - écorce d agrume - badiane 250 Le marché pour 4 personnes. -4 pavés de bar (150gr net) taillés dans le cœur d une grosse pièce (bar de ligne évidemment) -Beurre frais à disposition -Huile d olive idem -La mie de pain «cuisinée» -30gr de mie de pain -5gr de livèche ciselée -10 gr de persil simple haché (ne pas le rincer) -5gr de coriandre ciselée -30gr de poudre d amande -3 gr poivre moulu au moulin -Sel glacé -15 gr de fleur de sel finement pilé jusqu'à obtention d une poudre 251

127 Méthode : 1) Dans une peule très chaude légèrement graissée d huile d olive, démarrer la cuisson du bar sans l assaisonner. 2) Ne pas hésiter à bien appuyer sur les morceaux pour éviter qu ils se rétractent. Quand la peau commence à colorer, retirer de la poêle. 3) Nettoyer la peule et redémarrer la cuisson des filets avec huile d olive et beurre frais. La cuisson va être douce, pendant 7 à 8 minutes, sans retourner les filets mais en les arrosant avec soin, souvent. Laisser reposer 10 minutes hors de la peule mais vers une source de chaleur. Ajouter le beurre de cuisson à la mie de pain «cuisinée». 4) recouvrir de mie de pain les filets, côté peau ; passer rapidement sous le grill. Dressage : Saupoudrer le fond de l assiette de sel glacé. Déposer au centre la pièce de bar en mettant la partie nature visible. On va ainsi déguster la partie naturelle et peu cuite d abord, la partie croustillante et salée ensuite Commentaire: Le bar est un poisson magnifique mis malheureusement «en cage» dans les aquacultures. Ce beau poisson, à la peau d'un bleu-gris profond, est d une forme parfaite. Son aérodynamisme lui confère une noblesse, une élégance unique. Sa chaire d une blancheur incroyable est souple, onctueuse, fondante. Malheureusement lorsqu il vient d un élevage, comme un animal captif, le poisson devient triste, cartonneux, flasque. Il est important de saisir le pavé à l huile ou au beurre clarifié. Bien menée la cuisson va bien griller la peau ; elle va fondre sans brûler. Le gras situé enter chair et peau va ainsi fondre. On va obtenir une surface croustillante, goûteuse et légèrement amère. Ensuite il faut nettoyer la poêle, mettre du beurre frais, et cuire le tronçon côté peau en arrosant constamment. La chair va ainsi devenir blanc laiteux et restera soyeuse et douce, parce qu elle n aura pas été agressée par du beurre trop chaudes, plein de particules brûlées. La mie de pain accentue le gradient car elle rajoute une texture à la préparation. J aime cette préparation «annexe et modeste» qu est la mie de pain cuisinée. Elle donne au plat une petite singularité, un supplément d âme. Le talent de la gastronomie moléculaire c est de faire comprendre la raison d un accord réussi. Blanc de volaille fermière à la mangue verte (chaud salé dur) Macaroni au lait d'amande amère agrémenté de miel de fenouil (froid sucré mou) 100gr de champignons de Paris Beurre & citron 3 échalotes ciselées 1 œuf 1 cu à soupe de coriandre fraîche ciselée 1/3 de mangue verte Pour les macaroni : g de macaroni - 10 cl de lait d amande amère - 20 cl de crème fraîche - 1 cu à soupe de miel de fenouil - 5 cl de jus de pamplemousse rosé - lait cru - sirop d érable Méthode : 1) Verser le lait tiède sur la mie de pain. Cuire les champignons avec beurre, citron, un peu d eau ; les hacher finement, les ajouter à la mie gonflée avec l échalote, l œuf, la coriandre et la mangue taillée en petits dés. 2) Assaisonner les filets de volaille, répartir la farce puis les souder en spirale ; les ficeler soigneusement. Les mettre à rôtir dans un sautoir épais (démarrer la cuisson à l huile d olive pour colorer la chair puis ajouter une belle proportion de beurre frais) ; garder au chaud. 3) -Cuire les macaronis dans une eau agrémentée de lait. - Pendant qu ils cuisent, mélanger lait d amande, crème, miel et jus de pamplemousse. - Verser dans ce mélange froid les macaronis égouttés mais chauds. - Laisser refroidir l ensemble ; 4) Reprendre le beurre de cuisson des volailles, le séparer en deux. Assaisonner une partie de jus de citron, l autre de sirop d érable. Verser la partie acidulée dans 4 petits verres à cognac, les mettre au congélateur. Une fois que ce beurre est dur, sortir les verres et verser la partie du jus de cuisson au sirop d érable encore tiède dessus. Dressage : Le marché pour 4 personnes. Servir immédiatement les verres pour accompagner la volaille et le gâteau de macaronis. Pour le blanc de volaille : - 2 blancs de volaille tapé finement afin d obtenir deux fines feuilles de chair ;les arroser d huile d olive,de quelques cuillères de Xeres avec de l estragon ciselé et les mettre au frais 2 heures. - La farce : 20 g de mie de pain 5cl de lait 252 Noisette de chevreuil «glucose-vanille-cannelle» à la fleur de sel & copeaux de foie gras (le "sens inné") Le marché pour 6 personnes. 253

128 - un morceau de chevreuil d environ 600g. taillé dans la gigue (beaucoup moins cher et tout aussi bon que la selle) g. de glucose que l on fait chauffer à 70 pour faire infuser 10 g. de cannelle en poudre et une gousse de vanille fendue sur la longueur. Filtrer, ajouter le sel et mettre au froid g. de foie gras de canard cru que l on met au congélateur - 10 g. de poivre noir en grains que l on écrase soi-même au pilon g. de fleur de sel - un bon vinaigre balsamique de 8 ans d age - beurre frais 2. Verser cette masse dans des bols en porcelaine, que l on répartit équitablement ; juste avant que le liquide ne prenne, ajouter de fines lanières d angélique qui auront marinées dans de l alcool d angélique. Gelée d Izarra jaune : 200g d eau 150g d Izarra jaune ½ citron râpé 5g de gélatine Méthode : 1) Rôtir la pièce de chevreuil sans l assaisonner. La viande sera saisie à l huile d olive puis terminée au beurre frais. Elle doit rester rosée. 1. Préparer la gelée d Izarra jaune, jusqu à obtention d une masse une peu plus dense que le lait pris à l Izarra vert ; la verser délicatement sur ce dernier. Transparence eau de rose et campari : 2) Récupérer le beurre frais dans lequel on fera infuser le poivre noir (4 minutes), le filtrer. Au moment de servir on ajoutera une cuillère à café de vinaigre balsamique ; Dressage : Dans 6 assiettes creuses ou dans un plat, déposer le glucose. Mettre dessus les copeaux de foie gras crus, puis la viande chaude mais pas brûlante. On coupe la viande en fines lamelles et enfin on verse le beurre poivré et le vinaigre. Il faut servir tout de suite et préciser aux convives de manger simultanément cette préparation. Il ne faut pas manger séparément les différents ingrédients, car c est la collusion des éléments qui fait le talent du plat. On accompagne ce chevreuil de tartines grillées croustillantes nappées d une compote de pomme fruit nature. 100g d eau de rose 100g d eau 25g de sirop de rose 3g de gélatine 30g de campari 1. Procédé de la même façon que précédemment afin d obtenir une masse très peu gélifié ; à froid, ajouter le campari. 2. Verser délicatement cette troisième gelée qui va apporter la transparence. L abricot Lait pris à l Izarra vert, une gelée d Izarra jaune, une transparente eau de rose-campari (vernis et glacis) Le marché pour 4 personnes. 25g de crème ½ l de lait 7g de gélatine 15g de sucre 20g d Izarra Préparation : 300g d abricots bien mûrs que l on fait compoter avec 150 g. de sucre. Filtrer le jus obtenu sans presser. Il sera frais, goûteux, un peu acidulé et légèrement sirupeux. Dressage Lorsque les différentes gelées sont bien prises, glacer la surface du nappage d abricots frais. Glaçons de poivron rouge et concombre (perles de gélatine) Marché pour 4 personnes 1. Faire bouillir le lait, la crème avec le sucre, incorporer la gélatine ramollie et l Izarra vert. Il faudra avoir une masse très peu prise pièces de poivron rouge, environ 900 gr. 600 gr. de concombre 20 feuilles de gélatine sel et poivre 255

129 Méthode : pour les glaçons de poivron rouge Couler cette crème liquide mais froide dans chacun des verres sur la gelée de fraise. Réserver au frais pour solidifier cette crème de foie gras. Monder les poivrons dans un four chaud. Mixer les poivrons, assaisonner la pulpe. Egoutter sous presse la pulpe de poivron à travers une étamine pendant la nuit. Couler le jus de poivron dans des moules à glaçons et mettre au congélateur. Méthode : pour la gelée de concombre Mixer les concombres avec un peu de sel. Passer au chinois étamine. Ramollir la gélatine à l'eau froide. Chauffer une petite partie du jus de concombre et dissoudre la gélatine. Ajouter le reste du jus de concombre froid, passer au chinois. Méthode : pour le trempage Mettre au point la gelée de concombre (consistance huileuse). Tremper un par un les glaçons de poivron. Renouveler l'opération pour former une pellicule de gelée suffisante autour du glaçon. Durant toutes les opérations, le glaçon doit rester dur. Stocker les " glaçons/gelée " au réfrigérateur et laisser fondre lentement le jus de poivron congelé. Le but est d'avoir un jus liquide à l'intérieur d'une pellicule de gelée. Cocktail multicouches Recette n 3 Crème anglaise pistachée Blanchir au fouet les 2 jaunes et le sucre. Porter le lait à ébullition. Verser peu à peu le lait bouillant sur les jaunes. Cuire la crème anglaise à la spatule sur un feu doux. Débarrasser. Dissoudre la pâte de pistache dans la crème anglaise chaude. Refroidir et répartir en quantité égale sur chaque verre. Recette n 4 Huile d olive aux agrumes Prélever 10 g. d écorce d orange et 10 g. d écorce de citron. Chauffer l huile d olive et les 20 g. d écorces à une température d environ 80. Retirer du feu et laisser infuser jusqu à complet refroidissement. Filtrer l huile d agrumes. Ramollir 2 feuilles de gélatine à l eau froide. Presser l orange et le citron, filtrer. Chauffer le jus de fruit et dissoudre la gélatine. Faire prendre la gelée de fruit sur glace. A l aide d un mixer monter la gelée de fruit en versant l huile d olive peu à peu. Couler encore liquide cette émulsion (environ 2 cuillers à soupe par verre). Réserver au froid, laisser prendre. Sur chaque verre, mettre une cuiller à café de kirsch. Recette n 1 Jus de fraise gélifié Mixer la totalité des fraises équeutées et passer au chinois. Prélever 240 g. de jus de fraise et réserver le reste. Ramollir 2 feuilles de gélatine à l eau froide. Chauffer les 240 g. de jus de fraise et dissoudre les 2 feuilles de gélatine. Refroidir et couler en quantité égale dans 6 verres hauts à bords droits. Réserver au froid jusqu à la prise complète de la gelée. Recette n 2 Crème de foie gras Passer le foie gras cru au tamis. Porter à ébullition le bouillon de poule et le porto mélangé. Verser peu à peu le liquide bouillant sur le foie gras en remuant au fouet. On obtient une crème lisse. Assaisonner avec sel et poivre. 256 Recette n 5 Mousse de fraise Ramollir 2 feuilles de gélatine à l eau froide. Porter à ébullition l eau et le sucre, dissoudre la gélatine dans le sirop. Fouetter vigoureusement le longtemps sur glace. Déposer délicatement la mousse obtenue sur le kirsch de chaque verre. Finition : Sur chaque verre déposer un cristal de vent à la fraise, par-dessus les pistaches puis une petite pincée de mélange d acide tartrique et de bicarbonate de sodium. 257

130 Soupe de Potimarron Avocat (14 types de sauce: le velouté mousseux) Boeuf à la ficelle (le confortable salé) Le marché pour 6 personnes. Le marché pour 6 personnes g. de potimarron -2 avocats -2 citrons verts -60 g. de pignons -1 nashi -2 endives -3 blancs d œuf -lait cru -beurre frais -100 g. de parmesan râpé Méthode : 1) retirer la peau du potiron, le couper en morceaux en peu gros. Cuire les morceaux en démarrant la cuisson à l eau froide salée additionnée de lait (20%) pendant 3, minutes. Egouter soigneusement. 2) mixer cette chair puis la passer au tamis. Incorporer à chaud lait et beurre en petits dés. On obtient un velouté plutôt serré et très lisse. Garder au chaud - 1 cœur de filet de bœuf d environ 800gr soigneusement ficelé. - 3 l d eau de source - 2 oignons blancs gr de champignons de Paris bouton. - 1/2 têtes d ail - 1/2 anis étoilé - 2 branches de céleris avec les feuilles - 1 petit bouquet de persil enfermé dans du vert de poireau - 10 gr de poivre de Sarawak) - 100gr de beurre frais - 50 gr de foie gras cuit et passé au tamis - 8 feuilles de gélatine - 1 cu à café de vinaigre balsamique de 8 ans d age - 5 gr de fleur de sel imbibée d huile d olive. Méthode : 1) Dans une casserole haute et épaisse, déposer les oignons finement émincés, les champignons, le céleri, l ail et le persil. Poser le bœuf non salé, le mouiller d eau à hauteur ; assaisonner de 20 gr de gros sel. 2) Porter à chaleur douce (70 ), écumer avec attention toutes les impuretés qui remontent à la surface. Compter 25 minutes de cuisson. 3) mixer finement la chair d avocat, l assaisonner de sel et de jus de citron vert ; incorporer les pignons torréfiés. 3) enfermer cette viande dans un papier aluminium avec beurre et foie gras. Garder au chaud et filtrer le bouillon de cuisson pour récupérer les légumes. 4) tailler en fines tranches le nashi (avec la peau), l arroser de l autre citron vert. 5) monter les blancs en neige bien fermes (attention à la propreté du bol) ; terminer avec une pointe de sel. Les incorporer délicatement (à l aide d une spatule souple) dans le velouté de potimarron auquel vous aurez rajoute le parmesan. Ce velouté sera donc aéré, onctueux et goûteux. Dressage : Dans une grande assiette creuse, verser le potimarron chaud mais pas brûlant. Mettre l'endive finement ciselée et très légèrement salée. Puis dessus faire une belle quenelle d avocat. Répartir en surface les lamelles de nashi. 4) Faire réduire fortement le bouillon filtré; le filtrer à nouveau et incorporer la gélatine ramollie puis le gras de cuisson (beurre + foie gras+ jus de viande reposée). Donner un coup de mixer pour rendre ce liquide homogène. Faire infuser le poivre 4 minutes dans ce bouillon brûlant, filtrer encore ; rectifier le goût (on peut ajouter une pincée de wasabi, de moutarde, de noilly) ; garder au chaud. Dressage : Déposer oignons, champignons dans un grand plat en porcelaine ; verser le bouillon confortable, trancher la viande que l on met sur les légumes. L arroser de beurre fondu légèrement vinaigré. Répartir la fleur de sel à l huile

131 Commentaire: Version élégante du pot au feu. La cuisson du boeuf doit être précise en chaleur & en temps. L apport de gélatine compense la maigreur du filet. (Dans le pot au feu traditionnel, les parties basses du boeuf sont plus gélatineuses). Cette gélatine rend le bouillon moelleux, confortable bien que moins gras ; c est un leurre confortable. L apport des piments est plus anecdotique. Saint Jacques " Faraday " à l'orange amère et au thé fumé. Fine tranche de haddock et poire verte (la cuisine en formules) Tarte rhubarbe, tomate & framboise (le confortable sucré) Le marché pour 6 personnes gr de rhubarbe gr de framboise - 2 grosses tomates bien mures - 50 gr de sucre - 1 jus de citron - 4 feuilles de gélatine - 1 dl d huile d olive de la Vallée des Baux - 150gr de mâche coquille parfaitement triée et soigneusement lavée - Pâte sablée : 125gr de beurre & 125 gr de sucre glace tamisé + 25, gr de farine+ 2 œufs entiers - 40 gr de chocolat blanc fondu Méthode : 1) Nettoyer la rhubarbe, la détailler ainsi que les tomates. Passer le tout avec les framboises à la centrifugeuse. Ajouter sucre et jus de citron 2) Passer au chinois. Porter à ébullition, incorporer la gélatine ramollie à l eau froide. Hors du feu incorporer l huile d olive ; mettre au frais. 3) On aura préparé 6 tartelettes bien fines et bien cuites ; les jablonner de chocolat blanc. Le marché pour 4 personnes: - 8 grosses noix de saint jacques (140g) - 300g de haddock - 2 cu à soupe de thé fumé de grande qualité (12g) - 2 feuilles de gélatine - 1 poire verte - 1 orange amère - 4 tranches de pain d'épices moelleux - 1/4 de boule de céleri-rave - 1 endive - 12cl d'huile d'olive - sel et poivre Méthode : Dessaler le haddock entier à l'eau froide pendant 5 heures Peler l'orange amère à vif pour récupérer toute l'écorce. Tailler environ 80g de celle-ci en petits cubes et faire infuser à chaud et à couvert dans 8cl d'huile d'olive, Passer cette huile d'orange au chinois, réserver. Préparer une infusion de thé fumé avec 20cl d'eau et 10g de thé fumé (conserver une grosse pincée pour plus tard). Laisser infuser cette préparation jusqu'à complet refroidissement. Passer au chinois en pressant fortement pour extraire le maximum de liquide. Chauffer cette infusion pour incorporer les 5g de gélatine ; réserver. 4) Verser le confortable de fruits & légumes 5) Ajouter la salade de mâche coquille puis assaisonner de sucre glace. Commentaire: À l énoncé du plat, rien ne laisse supposer du confortable. Il est surtout question d acidité. Nous sommes en présence de trois acidités très différentes et de trois fruits différents! L acidité de la rhubarbe est la plus "raide". Elle va jusqu'à l astringence presque désagréable, mais quelle mâche! La tomate livre une acidité plus banale car plus courte en bouche. La texture du fruit est plus limpide, plus fluide. La framboise est le lien gustatif par son acidité suave et tendre. L apport de gélatine & d huile d olive va enrichir la saveur et par cet apport rend le plat confortable, agréable. Le craquant de la pâte fine, ce beurre en peu brioché complétera le sentiment de plénitude. C est le jablonnage du fond de tarte au chocolat blanc qui permet de garder longtemps le craquant de la pâte indispensable à la saveur du plat. La doucette ou mache taquinera le plat par sa verdeur amicale. 260 Tailler les Saint Jacques au couteau,, les saler, ajouter les 2g de thé que l'on a gardés, laisser mariner ce mélange pendant 30 minutes. Mêler les Saint Jacques, l'infusion de thé fumé et huile d'orange amère ; émulsionner à l'aide d'un mixer, rectifier l'assaisonnement, réserver au frais : le " faraday " est réalisé. Tailler l'endive et le céleri-rave en fins bâtonnets, mêler les deux et assaisonner avec l'huile d'olive qu'il reste. Tailler dans la poire verte 4 belles tranches fines. Égoutter et sécher le haddock, le tailler en fines tranches. Plaquer ces tranches dans un plat creux ou elles ne se chevaucheront pas et les arroser de 5cl d'eau et de 2cl. Passer le plat 30 secondes dans un four chaud (therm.6). 261

132 Dressage : Poser le " faraday " de Saint jacques sur les assiettes, repartir dessus les tranches de haddock chaudes et terminer par la tranche de poire verte. En garniture : les tranches de pain d'épices, les bâtonnets de céleri et d'endive, quelques grains de fleur de sel et un tour de moulin à poivre pour finir. Commentaire : Il faut savoir capturer les produits présents peu de temps sur nos étals. L orange amère est un fruit formidable pour aromatiser, vivifier et embaumer une préparation. Cette huile d orange peut nous permettre d assaisonner une salade de mâche à la pomme verte par exemple. Le cahier des charges d Hervé m a donné ici l occasion de construire une véritable histoire de goût. Le fumé, l amer, le gras vanillé et sucré de la st jacques, le fumé du haddock (ce même haddock qui légèrement raidi prend une nacre extraordinaire de brillance) L accompagnement endive-céléri apporte verdeur et mache et " asseoit " le plat. L insolite est prolongé par l apport du pain d épices au goût chaud & gras. Son côté collant va jouer un rôle important dans la mise en scène des textures. A.15. les frères Adria Albert et Ferran Adria (restaurant El Bulli, au nord de Barcelone) sont peut-être les chefs qui ont poussé le plus à l extrême le concept de cuisine «moléculaire», et sont en tous cas responsables pour une bonne part de la médiatisation à l échelle internationale de cette cuisine surprenante, parfois déroutante 133. Leurs créations se divisent en 4 catégories 134 : A La sphérification À l instar des autres gélatines faites à base d algues, comme celles de l Agar, les alginates sont résistants à la chaleur. Contrairement à l Agar, ils ne se décomposent pas sous l effet de la chaleur intense une fois que le gel est formé (gel «thermo-irréversible»). Un alginate mal raffiné sera synonyme de goût légèrement désagréable susceptible de gâcher l élaboration. C est dans ce sens que nous avons travaillé, en vue de proposer l Algin, qui permet d optimaliser les résultats. Les sphères obtenues, légèrement flexibles, peuvent être manipulées. On peut y introduire des éléments solides qui resteront en suspension dans le liquide et permettront d obtenir deux ou plusieurs saveurs au sein d une même élaboration. Lorsque l on retire la sphère du bain de Calcic, ce produit continue d agir et finit par compacter la boule de préparation même en cas de rinçage abondant. D où le caractère immédiat du service. Bien qu il soit possible de détenir l effet du Calcic, les produits utilisés pour ce faire agissent sur le goût et ne sont donc guère recommandables. Un milieu au ph acide provoque la destruction totale ou partielle des chaînes de l Algin, ce qui risque de susciter des problèmes avec les ingrédients qui présentent un taux d acidité élevé. Pour que l Algin soit efficace, il est important de travailler dans un milieu dont le ph est supérieur à 4. Il faudra donc incorporer du Citras en cas de nécessité de correction de l acidité. Les liquides qui, comme les produits laitiers, contiennent du calcium par nature, représentent un problème pour l Algin car, dans un milieu calcique, les liquides finissent par gélifier. Il faudra donc veiller à traiter chaque ingrédient individuellement. Une recette standard ne pourra pas s appliquer à tous les liquides. Les produits Algin est un produit naturel aux extraits d algues brunes (des espèces Laminaria, Fucus, Macrocystis, entre autres), qui poussent dans les eaux froides d Irlande, d Écosse, d Amérique du Nord et du Sud, d Australie, de Nouvelle Zélande, d Afrique du Sud, etc. La texture et la capacité de réaction au Calcic Là encore, ne polémiquons pas : cette cuisine «destructurée» (et «restructurée»?) ne plaît pas à tout le monde, mais au moins peut-on lui reconnaître son inventivité. 134 Protocoles et commande de produits ad hoc sur Attention, ce site a le mérite d'être trilingue, même si les traductions sont parfois un peu maladroites (traductions que je me suis donc parfois permis de corriger). 263

133 de chaque alginate varient en fonction de la partie de l algue qui a été raffinée. C est pourquoi nous avons choisi l Algin, idéal pour une sphérification totalement garantie. (Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Gélifie en présence de Calcic. Dissolution à froid en agitant fortement. Il ne faut pas chauffer pour produire la sphérification.) Calcic est un sel de calcium traditionnellement utilisé dans le secteur alimentaire pour l élaboration de fromages, par exemple. La présence de Calcic est obligatoire pour produire la réaction avec l Algin, responsable de la sphérification. Sa grande facilité de dissolution dans l eau, son important apport de calcium et la grande capacité à favoriser la sphérification qui en découle en font un réactif idéal. (Caractéristiques: Présentation sous forme de granulés. Très soluble dans l eau. Grande capacité d absorption de l humidité.) Citras est un produit élaboré à base de citrate de sodium, principalement obtenu des agrumes. Il est généralement utilisé dans le secteur alimentaire pour éviter le noircissement des fruits et légumes coupés. Ayant la propriété de réduire le taux d acidité des aliments, il permet d obtenir des préparations sphériques faites d ingrédients très acides. Sa dissolution est facile et il agit de manière instantanée. (Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Très soluble dans l eau.) Utilisation d un seul liquide Cette élaboration est particulièrement indiquée pour les liquides dont la densité aqueuse pose moins d entraves à la sphérification. Toujours peser l Algin de manière stricte, à l aide d une balance de précision. Ajouter l Algin dans une proportion équivalente à 1/3 de la quantité du liquide que nous allons utiliser, puis mixer jusqu à dissolution totale. Ajouter les 2/3 restants de l ingrédient principal, puis laisser reposer pendant une heure afin d éliminer une partie de l air qui s est incorporé avec le mixeur. Entre-temps, diluer le Calcic dans de l eau, à froid, dans un bol. Préparer un autre bol avec de l eau, uniquement. Faire un petit essai pour voir comment réagit le mélange d Algin dans le bain de Calcic, avant de procéder à l élaboration. Après avoir versé la quantité de l ingrédient mélangé à l Algin souhaitée (pour l obtention de caviar, raviolis, gnocchis, etc.), la retirer une fois la texture désirée atteinte, puis rincer dans le bol d eau en vue d éliminer l excès de Calcic. CAVIAR SPHERIQUE AU MELON CANTALOUPE 2 g d Algin/ 500 g d eau / 2,5 g de Calcic Ajouter l Algin dans une proportion équivalente à 1/3 de la quantité de jus de melon, puis mixer. Ajouter les 2/3 restants, passer et réserver. Dissoudre le Calcic dans l eau. Remplir 4 seringues avec le mélange de melon et d Algin. Dresser goutte à goutte sur la base de Calcic. Retirer au bout d une minute, passer, puis laver le caviar obtenu à l eau froide. Utilisation d un liquide mélangé à de l eau et du Citras Cette élaboration est particulièrement indiquée pour les liquides épais auxquels il faut ajouter de l eau afin d en rectifier la densité. Dans le cas d ingrédients à taux d acidité excessif, on emploiera du Citras. Toujours peser le Citras et l Algin de manière stricte, à l aide d une balance de précision. Il faudra toujours veiller à ce que le Citras soit ajouté en premier lieu à l eau avant de mixer jusqu à dissolution totale. On incorporera ensuite l Algin, qui sera également mixé. On terminera par l ingrédient principal, avant de laisser reposer le tout une heure afin d éliminer une partie de l air incorporé lors du mixage. Entre-temps, diluer le Calcic dans de l eau, à froid, dans un bol. Préparer un autre bol avec de l eau, uniquement. Faire un petit essai pour voir comment réagit le mélange d Algin dans le bain de Calcic, avant de procéder à l élaboration. Après avoir versé la quantité de l ingrédient mélangé à l Algin souhaitée (pour l obtention de caviar, raviolis...), la retirer une fois la texture désirée atteinte, puis rincer dans le bol d eau en vue d éliminer l excès de Calcic. RAVIOLIS SPHERIQUES A LA MANGUE g d eau / 1,3 g de Citras / 1,8 g d Algin 250 g de purée de mangue / 5 g de Calcic Mixer le Citras avec 250 g d eau, ajouter l Algin, puis mixer de nouveau. Faire frémir, laisser refroidir, puis mélanger avec la purée de mangue. Mélanger g d eau au Calcic, puis y verser le contenu d une cuillère de dosage remplie du mélange de mangue et d Algin, laisser reposer 2 minutes, puis rincer à l eau froide. Recommencer l opération avec le reste des raviolis. Utilisation avec une base d Algin 250 g de jus de melon Cantaloupe 264 Cette élaboration est particulièrement indiquée pour les liquides qui réagissent mal à l Algin, comme les alcools. Toujours peser l Algin de manière stricte, à l aide d une balance de précision (le cas échéant, ajouter du Citras au préalable). Ajouter l Algin à l eau que nous allons utiliser, puis mixer jusqu à dissolution totale. Laisser reposer une nuit au réfrigérateur pour que l Algin gonfle et perde 265

134 une partie de l air qui s est incorporé avec le mixeur. Mélanger la partie de base d Algin au liquide que nous allons utiliser, puis remuer afin d intégrer les deux liquides en veillant à limiter l entrée d air autant que possible. Entre-temps, diluer le Calcic dans de l eau, à froid, dans un bol. Préparer un autre bol avec de l eau, uniquement. Faire un petit essai pour voir comment réagit le mélange d Algin dans le bain de Calcic, avant de procéder à l élaboration. Après avoir versé la quantité de l ingrédient mélangé à l Algin souhaitée (pour l obtention de caviar, raviolis, gnocchis, etc.), la retirer une fois la texture désirée atteinte, puis rincer dans le bol d eau en vue d éliminer l excès de Calcic. présent échantillon est la gellan rigide. Gellan permet d obtenir un gel ferme d une découpe nette pouvant supporter des températures allant jusqu à 70 C (gélatine chaude). (Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Chauffer à 85 C, puis laisser refroidir afin d obtenir l effet gélifiant. Perte de pouvoir gélifiant dans des solutions très salines.) MACARONIS AU CONSOMME RAVIOLIS SPHERIQUES AU THE 975 g d eau / 16 g de thé Earl Grey / 25 g de sucre 50 g de jus de citron / 1,5 g d Algin / 3,25 g de Calcic Mélanger 400 g d eau, le thé et 20 g de sucre à froid, puis laisser macérer au réfrigérateur pendant 24 heures. Passer. Mélanger le jus de citron avec 5 g de sucre, congeler dans un bac à glaçons. Mixer l Algin avec 75 g d eau. Diluer le Calcic dans 500 g d eau. Mélanger l infusion de thé avec la base d Algin, puis laisser reposer. Refroidir au congélateur sans arriver au point de congélation. Placer un glaçon au citron dans une cuillère de dosage de 3 cm, que l on terminera de remplir avec la base de thé. Introduire 30 secondes dans le bain de Calcic. Nettoyer le ravioli à l eau froide. 250 g de bouillon de viande et volaille 6,5 g de Gellan / 1 barrette en pvc de 0,3 cm de diamètre Mélanger le Gellan au bouillon, puis malaxer. Porter à ébullition et couler dans un récipient. Laisser coaguler, puis détailler des rectangles de 0,15 cm d épaisseur à la mandoline. Enrouler chaque rectangle à l aide de la barrette afin d obtenir des macaronis. TAGLIATELLES AU SAFRAN A.15.2 gélification Les gélatines figurent parmi les élaborations les plus caractéristiques de la cuisine classique et ont connu l une des plus grandes évolutions de la cuisine moderne. Les traditionnelles feuilles de gélatine de ces dernières années ont fait place, à partir de 1997, à l Agar, un dérivé d algues dont l usage est à l heure actuelle très répandu. Les carragheenates Kappa et Iota, également obtenus à partir d algues, ont des propriétés d élasticité et d affermissement particulières qui leur confèrent une identité propre. Pour compléter la famille, nous vous présentons Gellan, qui permet d obtenir un gel ferme et rigide. Produits et recettes Gellan: gélifiant découvert assez récemment (1977) obtenu à partir de la fermentation produite par la bactérie Sphingomonas elodea. Le type de gellan obtenu varie en fonction du processus appliqué. Le 250 g de consommé sans sel 10 pistils de safran / 4,8 g de Gellan Mélanger les trois ingrédients, puis porter à ébullition. Laisser coaguler dans un récipient plat. Détailler en bandelettes de 0,5 mm de large afin d obtenir les tagliatelles. Kappa est extrait d un type d algues rouges (des espèces Chondrus et Eucheuma, principalement). Il s agit d un carragheenate, substantif dérivé de la localité irlandaise de Carragheen, où ces algues sont utilisées depuis plus de 600 ans. Au milieu du XXe siècle, cette «mousse irlandaise» a commencé à être commercialisée sur le plan industriel en tant que gélifiant. Kappa fournit un gel d une texture ferme et fragile

135 (Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Mélanger à froid, puis faire frémir. Sa gélification rapide permet de napper le produit. Une fois gélifié, il peut supporter des températures allant jusqu à 60 C. Perte partielle du pouvoir gélifiant en milieux acides.) GELATINE AU LAIT AMBRE DE CEPES 200 g de lait / 0,6 g d Iota Mélanger le lait avec l Iota, puis mixer jusqu à dissolution. Chauffer à 80 C dans un poêlon, puis laisser gélifier au réfrigérateur. 5 cèpes frais 200 g de bouillon aux cèpes / 3 g de Kappa Détailler les cèpes en lamelles de 0,3 cm d épaisseur. Mélanger le bouillon avec le Kappa et porter à ébullition jusqu à dissolution complète. Introduire une lamelle de cèpe dans le mélange, puis déposer sur un récipient plat. Recommencer l opération avec le reste des lamelles. GELATINE A L ANANAS CONCOMBRES EN FLEUR GELATINISES 250 g de jus d ananas / 0,3 g d Iota Mélanger le jus d ananas avec l Iota, puis placer dans un poêlon. Faire frémir et laisser gélifier au réfrigérateur. 20 concombres en fleur 100 g d eau de cornichons au vinaigre / 0,75 g de Kappa Nettoyer les concombres en fleur, puis réserver au réfrigérateur. Ajouter 100 g d eau de cornichons et le Kappa dans un poêlon. Porter à ébullition. Baigner les concombres deux fois dans le mélange tiède avant de les conserver au réfrigérateur. Iota: à l instar d autres carragheenates, il s agit d un gélifiant extrait d algues rouges (des espèces Chondrus et Eucheuma, principalement) que l on trouve sur les côtes de l Atlantique Nord et dans les mers des Philippines et d Indonésie. Iota a des propriétés très spécifiques qui permettent d obtenir un gel d une consistance moelleuse et élastique ou des gélatines chaudes. (Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Dissoudre à froid, puis porter à environ 80 C afin de produire la gélification. Gel mou qui ne se forme que lorsque l on cesse d agiter le mélange. En cas de rupture, le gel peut être recomposé après une période de repos.) Agar: extrait d algues rouges (des espèces Gelidium et Gracilaria), l Agar est un gélifiant utilisé au Japon depuis le XVe siècle. Il fut introduit en Europe en 1859 en tant qu aliment propre à la cuisine chinoise et a commencé à être appliqué dans l industrie alimentaire au début du XXe siècle. Cette source de fibres permet la formation de gel dans des proportions très réduites, très utile dans le cadre de l élaboration. (Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Mélanger à froid, puis faire frémir. Après sa gélification rapide, il peut supporter des températures allant jusqu à 80 C (gélatine chaude) Laisser reposer en vue de garantir une gélification optimale. Perte de pouvoir gélifiant en milieux acides.) GELATINE CHAUDE DE LANGOUSTINES 250 g de bouillon de langoustines / 0,6 g d Agar, et sel

136 Mélanger le bouillon de langoustines salé avec l Agar. Porter à ébullition à feu moyen sans cesser de mélanger. Laisser coaguler au réfrigérateur au moins 2 h, puis chauffer à la salamandre lors du service. A.15.3 émulsification TERRINE AU BASILIC Le premier-né de cette famille a été Lecite, qui permet d obtenir des préparation aérées. Puis Sucro et Glice sont venu le rejoindre. La caractéristique la plus remarquable de ces deux derniers produits est leur faculté à marier deux substances non miscibles, comme les milieux gras et les milieux aqueux. Ils permettent donc de réaliser des émulsions qui, sans eux, seraient très difficiles à obtenir. 250 g d eau au basilic / 0,9 g d Agar, et sel Mélanger 1/4 de la quantité d eau avec de l Agar en poudre. Porter à ébullition à feu modéré sans cesser de remuer. Retirer du feu, puis ajouter le reste d eau au basilic salée. Écumer. Laisser coaguler dans un récipient carré à hauteur d 1 cm. Laisser au réfrigérateur pendant au mois 3 heures. Metil: gélifiant extrait de la cellulose des végétaux. Contrairement aux autres gélifiants, Metil (fait à base de méthylcelluloses) gélifie au contact de la chaleur. À froid, il joue le rôle d épaississant. La viscosité des méthylcelluloses peut être très diverse et cela joue sur le résultat final de la gélification. Metil a été choisi en raison de son important pouvoir gélifiant et de sa grande fiabilité. (Caractéristiques : Présentation en poudre. Mélanger à froid en agitant énergiquement et laisser refroidir au réfrigérateur jusqu à 4 C pour que le produit s hydrate bien. Ensuite, porter à une température de 40 à 60 C. En refroidissant, le produit perd son aspect gélatineux et devient liquide.) Produits et recettes Lecite: émulsifiant naturel à base de lécithine, idéal pour l élaboration des airs. Découverte à la fin du XIXe siècle, celle-ci est présente dans les jaunes d oeuf ou obtenue à partir du raffinage de l huile de soja. Elle est très efficace dans le cadre de la prévention de l artériosclérose et contient des vitamines, des sels minéraux et des agents antioxydants. Lecite est élaboré à base de soja non-transgénique. (Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Soluble à froid. Très soluble en milieu aqueux, mais perte de ses propriétés en milieux gras. Ce produit surprenant permet par ailleurs de lier des sauces impossibles.) AIR GLACE AU PARMESAN BOULETTES DE FEVES TENDRES Pour le mélange de Metil 100 g d eau, 3 g de Metil Mélanger les deux ingrédients à température ambiante puis les mixer dans un blender jusqu à obtention d un mélange sans grumeaux. Filtrer et laisser reposer 24 h au réfrigérateur. Pour les boulettes de fèves tendres 65 g de fèves tendres écossées et épluchées 20 g de mélange de Metil Mélanger les fèvres tendres épluchées avec le mélange de Metil. Faire 8 boulettes de 8,5 g chacune. Réserver au réfrigérateur. Plonger les boulettes dans de l eau salée portée à 90 C et faire cuire 1 min g de parmesan râpé 450 g d eau / 3 g de Lecite Mélanger le parmesan avec l eau, puis chauffer progressivement jusqu à l obtention d une température de 80 C. Laisser infuser 30 minutes avant de passer. Incorporer 1,3 g de Lecite par portion de 250 g de sérum de parmesan obtenu. Activer le mixeur à la surface du liquide, laisser stabiliser une minute, puis recueillir l air qui s est formé sur la partie supérieure. Congeler l air dans le récipient de votre choix. 271

137 AIR A LA LIME 225 g de jus de lime 275 g d eau / 1,5 g de Lecite Mélanger les trois ingrédients, puis activer le mixeur à la surface du liquide. Laisser stabiliser une minute, puis recueillir l air qui s est formé sur la partie supérieure. Glice: mono et diglycéride dérivé des graisses et obtenu à partir de la glycérine et des acides gras. Glice a été choisi en raison de sa grande stabilité comme émulsifiant entre un milieu aqueux et un milieu gras. Oléophile, il doit d abord être dilué dans un élément gras puis être ensuite ajouté à l élément aqueux. (Caractéristiques : Présentation en flocons. Insoluble en milieu aqueux. À dissoudre dans de l huile chauffée à 60 C. L intégration du mélange huile - Glice dans le milieu aqueux doit s effectuer lentement pour obtenir une émulsion satisfaisante.) ÉMULSION D OLIVE NOIRE Sucro: émulsifiant dérivé de la saccharose et obtenu à partir de l estérification de la saccharose par les acides gras (sucroester). Ce produit est très utilisé au Japon. En raison de sa haute stabilité comme émulsifiant, il est employé pour préparer des émulsions de type huile dans l eau. Hydrophile, il doit d abord être dissous dans un milieu aqueux. Il possède aussi des propriétés ventilantes. (Caractéristiques : Présentation en poudre. Insoluble en milieu gras. À diluer en milieu aqueux sans chauffer nécessairement. Ceci dit, la dissolution est plus rapide à chaud. Après dissolution, ajouter lentement au milieu gras.) SPIRALE D HUILE D OLIVE Pour le caramel à l huile d olive vierge 100 g d Isomalt 25 g de glucose 1,5 g de Sucro 45 g d huile d olive vierge extra 1,5 g de Glice Mélanger l Isomalt, le glucose et le Sucro et faire cuire le tout à 160 C (les 5 C manquants seront atteints grâce à la chaleur elle-même). Pendant que le caramel cuit, dissoudre Glice dans l huile d olive vierge à 50 C. Lorsque le caramel est à 160 C, y verser l huile d olive en fin filet et l incorporer à l aide d une spatule. Lorsque le caramel a absorbé toute l huile d olive, étaler le mélange sur du papier sulfurisé. Ce caramel permet de réaliser toutes sortes de formes, comme, par exemple, la spirale d huile d olive. 50 g d eau d olive noire 1 feuille de gélatine de 2 g (réhydratée dans de l eau froide) 0,5 g de Sucro 50 g de graisse d olive noire 0,5 g de Glice Dissoudre la gélatine avec un tiers de l eau d olive portée à température moyenne puis ajouter le reste de l eau. Ajouter le Sucro et passer au mixer. En même temps, faire dissoudre le Glice dans la graisse d olive noire, chauffée à environ 50 C. Incorporer peu à peu la graisse à l eau d olive noire tout en mariant les deux à l aide du mixer. Garder au réfrigérateur pendant 2 h. Lorsque le mélange a pris, en détailler 10 parts de 0,2 g chacune. Cette émulsion sert de garniture au disque de mangue. A.15.4 epecification La cuisine a depuis toujours employé des produits pour épaissir sauces, crèmes, jus, soupes, etc. Les amidons, les fécules, la farine sont des épaississants traditionnels. Ils présentent néanmoins un inconvénient : leur adjonction doit se faire en grandes quantités, ce qui influe sur le goût final. Avec la famille des Espesantes, nous présentons un nouveau produit capable d épaissir les élaborations culinaires avec une quantité minimum et n altérant absolument pas les caractéristiques gustatives de départ

138 Produits et recettes A.16. Un aperçu des discussions qui ont lieu sur MolecularGastronomy.com Xantana s obtient à partir de la fermentation de l amidon de maïs avec une bactérie (Xanthomonas campestris) présente dans le chou. Le résultat est une gomme au pouvoir très épaississant et qui présente, en outre, de bonnes propriétés suspensives. Elle peut donc maintenir des éléments en suspension dans un liquide sans qu ils retombent. Elle peut aussi retenir du gaz. (Caractéristiques : Présentation sous forme de poudre raffinée. Soluble à froid et à chaud. Capable d épaissir des milieux alcooliques. Très résistante aux processus de congélation / décongélation. Même chauffée, ne perd pas ses propriétés épaississantes. Agiter lentement et la laisser s hydrater seule.) A la suite du dernier Atelier International de Gastronomie Moléculaire à Erice (5-11 mai 2004) s'est crée une liste de discussion sur internet ( à laquelle tous les acteurs de la Gastronomie Moléculaire sont libres de participer (après inscription préalable) J'ai reproduit ci-dessous pour exemple le type de discussion qui ont lieu (ici, il s'agit d'une question initiale sur la cuisson des légumes verts. Vaste sujet ) Green vegetables and lettuce (Vincenzo Fogliano) SANGRIA BLANCHE EN SUSPENSION 500 g de mélange de sangria blanche 1,4 g de Xantana Mettre ensemble dans une jatte la sangria et le Xantana. Bien les mélanger à l aide d un mixer. Filtrer et emballer sous vide afin de supprimer les bulles retenues à l intérieur du mélange. La consistance obtenue permet de maintenir en suspension différents éléments: aromates, fruits, caviar sphérique... VELOUTÉ DE JAMBON IBÉRIQUE 50 g de bouillon de jambon ibérique. 30 g de graisse de jambon ibérique 0,2 g de Xantana Mélanger les trois ingrédients et les faire émulsionner à l aide d un mixer jusqu à obtention d une émulsion onctueuse et sans grumeaux. Conserver au réfrigérateur. Cette crème accompagnera l huître et sa perle. I have two questions raised from my students. I teach Food Biochemistry at the University. Someone could help me? Why after boiling green vegetables you have to wash them under cold water to avoiding browning? I guess is a matter of chlorophyll oxidation but I do not understand the role of cold water... When you marinade a fresh lettuce with lemon a rapid softening occur while if you use a vinegar marinade the salad remains crispy for some hours? Maybe citric acid of lemon is able to extract water from lettuce? I'm not convinced... (Chris Young) My thoughts are as follows: Generally speaking I don't thinking shocking blanched vegetables with cold water helps to keep them green per se. What it does do is stop the cooking which, from a biochemistry standpoint, slows down any reactions that are involved in the degradation of chlorophyll that occur at the elevated temperature of boiling water. The biggest factor in keeping boiled vegetables green is the calcium content of your cooking water. We go so far as to cook our vegetables in deionized water. This helps us keep them very green as there is no calcium in the water to displace the magnesium ion normally present in chlorophyll--which is responsible for the particular shade of green we see in fresh vegetables. Unfortunately, this is only part of the problem and the longer you cook a vegetable or store it the more its color will degrade. Thus, stopping the cooking process quickly is important to keeping the color as green as possible. As for your lettuce problem. I'm not sure I agree with the observation. Generally, I find that oil is much more damaging to leafy vegetables than acidic marinades. I know that Harold McGee talks about this extensively in his book "The Curious Cook" (V Fogliano) Thank you very much Chris. The explanation for the green color sounds convincing to me. For lettuce dressing I guess that citric acid in lemon juice chelate calcium. It is known that calcium pectate gel strengthens the pectin complex, increasing firmness and crispness of lettuce

139 (Farouk) Vegetables contain orange carotene, but it is masked by the green chlorophyll ( for green vegetables). It is essential to boil/blanch this vegetables in alkali water, (McGee, 1984, 177) to stabilize the acidity in the water and vegetables, as well as hydrogen ions found on a metal pans or pots. That is why blanching vegetables gives better result in salted water than acidic water (lemon juice/vinegar). Salt is a source of sodium. In science, salt is sodium chloride (alkali). In certain methods, sodium bicarbonate can be added instead of salt. What happened during blanching this vegetable is that the sodium ions combine with the negative residue of an acid. If the surplus acid is not neutralized it will destroy some of the chlorophyll, by making same exchange with the magnesium atoms as it would with the sodium atoms of sodium chloride or sodium bicarbonate. Magnesium atoms comprise part of chlorophyll molecules that hold them together. If the chlorophyll molecules are destroyed, the spinach will loses its green colour, showing a coppery brown of a little chlorophyll mixed with the orange carotene. "chlorophyll, the green pigment we see all around us, is the compound that makes this conversion possible, according to the equation 6CO2 + 6H2O + light C6H12O6 + 6O2" (McGee, 1984, 135) Refreshing in ice water after blanching: this is to stop it from cooking further and to sealed back the chlorophyll molecules to prevent it from turning coppery brown and loose its green colour. Despite it s going to be sautéed again. Overcooking it, will result of loosing its green colour, leaf will break and turn mushy as the spinach is such a delicate vegetable and lost of its natural vitamin A content. Thank you, hope this would help. walls, the result would be that the vegetables cook faster and spend less time in the water, and hence less time being exposed to a slightly acidic solution. Also, if there are any chemists out there, perhaps someone could suggest a nice way to buffer the solution to slow down how fast the ph of the blanching water can drop? (3) Replacement of the magnesium ion in chlorophyll by iron, tin, or calcium ions. Water that is hard, or has a high iron or tin content will cause the magnesium ion in chlorophyll to be displaced. This will alter the color of the vegetables to a different shade of brown/green. The solution to this is to use distilled water or water with a very, very low mineral content. Also, saturated steam would probably be useful here too, as it is won't expose the vegetables to high mineral concentrations. I hope I've explained matters more than confuse them. Etc etc etc. Voir la suite sur le site! (C Young) Following up the last posting on chlorophyll that references Harold McGee's book from I would say that salt has very little, if anything, to do with stabilizing the green color of chlorophyll. What salt might contribute to the process is to speed up how fast the vegetables become soft by helping to dissolve the pectin in the plant cell walls--however, I'm not convinced this is an appreciable effect (an interesting experiment to try sometime). Basically, as a chef there are three process that can degrade the color of green vegetables: (1) Chlorophyll transformed into Chlorophyllides and Pheophorbides by the action of the enzyme chlorophyllase. The heat of blanching will destroy this enzyme, so this isn't usually a problem. However, in some fermented green vegetables, or frozen vegetables that haven't been blanched, you can end up with olive brown/green colored vegetables. (2) Chlorophyll transformed into pheophytins by a slightly acidic solution. This is harder to prevent because as the vegetables cook they will cause the ph of the water to drop. The best solution is to cook the vegetables in a large amount of water relative to the amount of vegetables you're blanching. Even better, use saturated steam. You could also add some sodium bicarbonate (baking soda) or other base to neutralize the acidity, but this should be done cautiously because you can turn the vegetables to mush easily if the solution becomes too basic. Interestingly, this is where salt might actually be useful in keeping vegetables green. The ionic nature of salt might aid in dissolving the pectin in the cell

140 A.17. liste des cours disponibles sur le forum egullet Ces cours sont mis en ligne gratuitement par les membres de la communauté egullet 135. Libre à chacun de participer à son tour dans son domaine de compétence (à condition, bien sûr, de maîtriser un minimum l'anglais). Stocks and Sauces Part 1 - Fat Guy and Carolyn Tillie Cooking with Kids - Afoodnut Simmering the Basic Stocks - Fat Guy and Carolyn Tillie Autumn and Festive Preserves - Jackal10 Straining, Defatting and Reducing - Fat Guy and Carolyn Tillie A Sampling of South Indian Breads - Monica Bhide Stock Based Sauces - Fat Guy and Carolyn Tillie A Sampling of North Indian Breads - Monica Bhide Understanding Stovetop Cookware - SLKinsey The Potato Primer - Jackal10 Basic Knife Skills - Zilla369 Pasta from Around the Mediterranean - Adam Balic Knife Maintenance and Sharpening - Chad Cooking Through the Jewish Year - Sheilah Kaufman Menu Planning - Jaz All About Eggs--Introductory Material - Fat Guy Extracts from Between the Bites - James Villas Hard-Cooked Eggs - Fat Guy Vegetarian Cooking for Everyone - Malawry Poaching Eggs - Fat Guy Pit Roasting a Pig - Michael Laverty Omelettes and More - Fat Guy On Consommé - Jackal10 Souffles - Carolyn Tillie How to be a better food writer - David Leite All About Eggs - Cooking With the Pros - Ellen R. Shapiro Classic Cocktails - Jaz Beginner's Guide to Regional Indian Cookery - Monica Bhide and Evolving Cocktails Part 1 - Beans Chef Sudhir Seth Evolving Cocktails Part 2 - Beans The Kitchen Scale Manifesto - Dr Darren Vengroff Cooking for One - Bond Girl Leaf Salads - Andy Lynes and chef Bruce Poole Cream Sauces - Jackal10 Mexican Table Salsas - Nicholas A Zukin with Sharon A Peters Hot and Spicy - =Mark Stuffed Pastas - Moby Pomerance Risotto - Rice in the Spotlight - Craig Camp Stuffed Pastas - Tortelli, Ravioli & Cappelletti - Moby Pomerance Sourdough Bread - Jackal10 Stuffed Pastas - Pansotti, Tortelloni and Raviolo - Moby Pomerance Japanese Cuisine - Torakris Science Of The Kitchen:Introduction - Jack Lang Brining - Dave the Cook Science Of The Kitchen: Taste & Texture, Part One: Taste - Janet A Drive-in Cooking --Quintessential American Fare - Holly Moore Zimmerman Introduction to Lebanese Cuisine - Foodman Soups: Part One, Thick Soups - Jack Lang & Andy Lynes Smoking Meat at Home - Col Klink egci Cookery Clinic Q&A (Special Event) - Chef Shaun Hill Amateur Cooking Competitions - Andy Lynes Cooking With Disabilities: Part One - Judith Benson Thai Cooking - Mamster and Pim Cooking With Disabilities: Part Two - Susan Fahning & Jenna Non Stock-based Sauces - Jackal10 Umansky Chinese Cooking : Southern home-style dishes - Trillium Cooking With Disabilities: Part Three - Judith Benson, Susan Preservation Basics - Jackal10 Fahning & Jenna Umansky Festival of Lights - Diwali - Monica Bhide Soy - Kristin Yamaguch Report on Dan Lepard's Baking Day - Andy Lynes and Jackal10 On trouvera ci-après, pour exemple, deux de ces cours totalement dans l esprit de la gastronomie moléculaire: le cours de Jack Lang sur les viandes et le cours (en 2 parties) de Janet Zimmerman sur le goût et les textures. Bonne lecture! SCIENCE OF THE KITCHEN (Jack Lang) INTRODUCTION The Science of The Kitchen module of the egci will be formed of a number of courses to be published over the coming semesters and will give a brief overview of some of the science behind food preparation. Areas to be covered include: the effects of heat on muscle, protein, carbohydrates and fat; sources and transmission of heat; browning; fermentation and preservation. Understanding the processes behind the transformations that food undergoes as it cooks may give insights in how to cook, and in the hands of inspired chefs lead to new dishes, or better ways of cooking old ones. Some have dignified this with the title Molecular Gastronomy. This is very much a high-level view, and much of the detail is glossed over or left to the references. No specific technical knowledge or mathematics is assumed. Although the science is, by its nature universally true, the material here is aimed at the home cook and restaurant chef as well as the cookery (culinary) student rather than at industrial scale processes. WHY COOK? Why cook at all? Why not just eat food raw, as some advocate? One reason is that it tastes good. Few can resist the smell of fresh toast or frying bacon in the morning. It tastes and smells good because that is our body's way of saying it is good to eat, suitable for our digestive systems and (probably) won t poison us. In ancient times, getting this right was important for survival. Our digestive systems have evolved to only deal with certain foods. We don t chew the cud like cows and other ruminants and can t usefully digest cellulose, so eating grass is not particularly nutritious. Ancient humans appear to mostly have eaten fruit and seeds with the occasional bounty of whatever else they could find or catch such as eggs, but basically we are originally carrion eaters. This leads to the second reason to cook; it makes food more digestible, allows us to eat a wider range of food, and releases nutrition locked up in the raw material that we otherwise could not digest. Our success as a species owes a lot to being able to utilize a wide range of foods because we discovered cooking. The third reason is food safety. Cooking processes kill or denature bugs, some poisons and other nasties that come with the raw food. Although less important today (most of the food we buy in supermarkets in the civilized world is safe to eat raw), bugs are everywhere in our environment. There are still reports of salmonella endemic in chickens, and occasional reports of trichinosis, tapeworms and other parasites in pig meat. Reflecting the increased safety of our food supplies, today's cooking is much lighter than that of our forebears. A rare steak is, as we shall see, essentially uncooked in the centre, and certainly not cooked enough to kill spore-forming bacteria such as those that cause botulism or certain parasites. 135 Liste en ligne à l'adresse

141 WHAT HAPPENS WHEN WE COOK MEAT We start by looking at cooking meat. You may choose not to eat meat, but it has always been an important component of the human diet and certain nutrients are only naturally available from it. Meat (and the edible portion of fish) is mostly muscle. A joint of meat is a section of a large muscle or muscles, together with associated fat, bones, and other structures such as nerves and veins. Here are the results: C F FEEL JUICE WHEN CUT? COLOR COMMENTS Soft No Dark red/blue Still raw Soft but firmer No Dark red/blue Blue Yielding Some Red Rare An Experiment You can do this at home as well, although it's a terrible thing to do to a decent bit of steak. You can always add the leftovers to the stock pot. You do have a stock pot, don t you? Take a nice piece of steak. This is filet, but any will do Yielding Yes Light red Medium-rare Firmer Yes Some red juice Medium Firm No Mostly Grey Well done Firm Dry Grey Unappetising Divide it in half. We will use one half in a moment. Divide the other half into eight or nine cubes, about 1cm/ ½ inch per side. What is going on here? How is a juicy steak transformed into a rubbery tough grey lump? The Structure of Meat We are going to cook each of these cubes at a different temperature, in 5C/10F steps from 45C/110F to 75C/170F. The easiest way to do this is in pan of water, since we can control the temperature more easily and get more even heating. Use a remote reading digital thermometer. A digital thermometer is the one gadget above all that will do the most to transform your cooking. Muscle is a wonderful piece of natural engineering. It is both strong and flexible at the same time. It consists of bundles of active fibers held together and anchored with a natural glue, mostly collagen, and lubricated with pads of fat that also act as natural dampers. Heat the water to the desired temperature. Put in the meat. Leave it until the temperature of the meat has stabilized at the desired temperature. Here is a cube of meat in a pan of water

142 The fibrous nature gives meat it texture. Meat is usually carved across the fibers, chopping them into short lengths, since this makes the meat easier to chew and digest. (Fish muscle has much shorter lengths of fiber, divided by flexible sheets, and so is more delicate and cooks at a lower temperature (45C/130F)). The Effect of Heat Heat basically screws up the elegant structure, bursts the cell walls, and disrupts the delicate chemistry. The mobile and flexible strands of protein shrink and tangle, squeezing out the lubricating (and tasty) fluid. As the temperature increases these tangles get tighter and firmer. Your steak gets smaller and tougher. The lubricating and flavorful juices separate from the tough dry meat. These juices in the old days were called the "osmazone" which the famous eighteenth century gourmet, Brillat Savarin described as "The soul of the meat." Bonds Compound Color Name Fe++ Ferrous (covalent) :H2O Purple Reduced myoglobin :O2 Red Oxymyoglobin :NO Cured pink Nitro-myoglobin :CO Red Carboxymyoglobin Fe+++ Ferric (ionic) -CN Red Cyanmetmyoglobin -OH Brown Metmyoglobin -SH Green Sulfmyoglobin -H2O2 Green Choleglobin Myoglobin The color changes because the red pigment, mostly myoglobin, is turned to its grey form. Myoglobin is the muscle's equivalent of hemoglobin, the oxygen carrying molecule in the blood. Myoglobin carries the oxygen to power the muscle s complex chemical engine. Muscles that work more often, like leg muscles in chicken, tend to have more myoglobin, and so are darker. Fish have two sorts of muscle: the large white (or pink if the fish easts shellfish) muscle, which is the massive engine that used only occasionally to attack or get out of trouble, and the small dark muscles used most of the time to swim slowly around. Like hemoglobin in blood myoglobin can exist in several forms with different colors. The central atom that binds to the oxygen is iron so the color of the molecule follows the color of iron compounds. The oxygenated form, oxymyoglobin, is bright red. The de-oxygenated form is dark purple/blue. The oxidized form, metmyglobin is brown, like rust. The changes between these forms are reversible. Some chemicals bind more tightly to the iron and so cannot be reversed. The most common is nitric oxide, to give the pink form nitro-myoglobin, which is the color of cured meats such as ham or bacon. The saltpetre used in curing (and in making gunpowder) is potassium nitrate, KN03. Other chemicals, such as sulfur, can bind irreversibly to myoglobin to create other colors, such as green, but these are not usual in cooking, except as indications of contamination or bacterial action. A more complete list is given in the table. Because we associate freshness with bright red meat, the meat packaging trade uses all sorts of tricks, such as feeding the animals with vitamin E, and using oxygen permeable films to keep the meat looking red. Properly hung meat should be the dark purple/brown of reduced myoglobin, since the biological processes in maturing will have used up the oxygen. Heat breaks up (denatures) the complex myoglobin molecule to create the greyish denatured hemochrome. This occurs at a slightly higher temperature than that at which the proteins denature, roughly 65C/150F, so a grey steak is an overdone steak. Meat conducts heat very poorly. We can use the myoglobin color change as a rough thermometer to watch what happens as we cook a steak on a hot pan

143 overcooked by law. If you need to hold meat for extended time (more than two hours) between cooking and serving you are advised to hold it at at least 60C/140F. The oven needs to be at about 65C/150F, slightly above the desired temperature. This is because of the second law of thermodynamics: heat flows from a hotter body to a cooler body. As Flanders and Swan remind us, this means we are all going to cool down, and so there will be no more heat and perfect peace You will see as it cooks that it shrinks the piece of meat gets smaller and tougher. Even after 20 minutes, the heat has only penetrated an inch or so. The heat also melts the fat interspersed with the muscle which runs into the pan, along with the meat juices and is lost. The second law says that the flow of heat into the meat will be proportional to the temperature difference between the outside and the inside of the meat. For meat, the thermal conductivity, k, is about k = w, where w is the water content, and the units are watts per square meter per degree. Mathematically: ka T Q x Where Q is the rate of heat transfer in watts (Joules per sec.), k is the thermal conductivity as above, A the surface area in square meters, x the depth in meters and T the temperature difference casuding the heat flow. Steak after 25 minutes burnt on one side, but still raw on the other. Conductivity of Meat Solid meat is not a very good conductor of heat. The actual conductivity is quite complicated. For example, it is different along the grain or across it. It also changes with temperature; frozen meat conducts less well than unfrozen meat. Meat conducts better as the fat melts, and as the proteins denature, and as the water moves more freely. The length of time a piece of meat takes to cook (or freeze) is governed by the maximum depth, rather than the weight. A rough rule of thumb is about 20 minutes for each inch of depth. Thin pieces cook faster than thick joints; meat for quick stir frying needs to be cut wafer thin. If the object is to raise the internal temperature of the meat to 60C/140F, then why put it in a 200C/400F oven, overcook the outside, undercook the inside and hope they even out during the resting period? They won t. The heat changes are irreversible. All that happens is the inside cooks a bit more from the retained heat and some of the juices squeezed out from the middle migrate a bit to the outside. A much better idea is to put the meat in a much lower oven, say 65C/150F, for a long enough time for the entire joint to come up to temperature about 5 hours. This also has the beneficial effect of letting the collagen denature to gelatin, as we shall see later. The meat will be uniformly tender, juicy and delicious. People will marvel. There is no danger of overcooking, so timing is not critical. This is well above the temperature where harmful bacteria can thrive, despite what the "Food Police" say, who just look at absolute temperature. Recent work has shown the length of time at any particular temperature is important, and lower temperatures for longer times are also safe. Unfortunately this has not yet been incorporated into the regulations, so meat at public functions is often still served 284 o o o However, the heat flowing in will increase the temperature of the inside. One Joule raises 1cc of water by 1 degree centigrade. Since the inside is hotter, the temperature difference is less and so less heat will flow in. Mathematically this means that the temperature will rise in an inverse exponential, asymptotically to the temperature of the oven. The graph shows an example For a typical small joint, say 2 inches thick we can model the temperature rise at the center for various temperature ovens: You can see from the graph the inside is cooked rare (60C/140F) After about 45 minutes in a hot 200C/ 400F oven, leave it another 15 minutes and it will be 75C/170C, gray, dry and tough. Worse, when the inside is cooked, the outside half inch will be at 100C/210F or very overdone. After about 110 minutes at 100C/210F, the outside will be at 83C/180F. At this temperature the center will be overdone after another hour, so timing is less critical. After 5 hours at 65C/150F, the outside will be at 64C/ 148F, a little more cooked, but not significantly so. Leaving it there another hour or even several will have little effect the curve is almost flat at that point. 285

144 Authorities differ on the thermal conductivity of bone. McGee states that bone conducts more than the meat, Wolke says it less then the meat. The measurements I have been able to find also vary widely, with values for k from half to double those of the meat. In the context of roasting or freezing a joint, I'd say that bone, with its cellular structure, would conduct less well than meat. If it conducts poorly, it may also explain why the meat next to the bone is meant to be better. If the joint is roasted conventionally the poor conduction of say the bones of a rib joint will tend to protect the meat next to it from the heat, overcooking and drying. To Cook A Joint To cook a joint, first brown the outside either in a hot pan, with a blowtorch or for 10 minutes in a scorching hot oven. Maillard reactions are the chemical processes involved in browning and developing the typical flavours of roast meat and will be covered in detail in a later course. This browning is entirely for taste. It has been shown, contrary to popular belief, that it does nothing to seal in the juices. If you don't overcook it, you won't get any significant juices they will still be in the meat adding their flavor and juiciness, not squeezed out when the proteins abused from overcooking curl and contract. You can alternatively brown the meat after it has been cooked, and for some varieties such as pork or the skin of birds, this crisps the outside. However, for beef or lamb, I prefer to do it beforehand. It avoids any danger of overcooking and I can do it at leisure rather than at panic time. Brown on all sides. This is for flavor it does NOT seal the meat. Note thermometer probe sticking out of the side. The browned onions are for the benefit of the gravy. After 6 hours in a 65C/150F oven. Final temperature is 55C/130 F rare. Leg of lamb cooked at 65C/150F for 7 hours Gigot a sept heure. Internal temperature 60C/ F. Since the meat has lost very little juice, there are almost no pan deposits, or pink juice when you cut the meat. Perfect Roast Beef for Sunday lunch. Good all the way to the edge. Succulent, and moist. Beef done the same way. (Prime Scottish Rib, boned) If some of your family demands it well done, either cook off their pieces separately in a hot pan, or cook a separate piece for them to a higher temperature, say 70C/160F. It will be tougher and drier, but to each their own

145 Wet Heat Stewing, boiling, or braising uses wet heat, and another mechanism comes into play. The glue that holds the muscle together dissolves slowly. This glue is made up of different proteins, primarily collagen. Collagen consists of three strands of molecules wound around each other. The older the animal, the greater the amount of collagen. Likewise, the more active the muscle, the greater the amount of collagen. With long, slow cooking, those strands will unwind and turn to soft, succulent gelatin, providing the juiciness to tough cuts of stewing beef like oxtail and shin. This however is a comparatively slow process. If you cook it long enough for all of the collagen to turn to gelatin, and hot enough for the contraction of the meat to squeeze out the liquid, you have just the cooked meat fibers. If they have been overcooked, you are left with irretrievably dry and stringy meat. Even if it is swimming in liquid, you can t get that juiciness back into the fibers that the curled up proteins have squeezed out. Making Stock For stock making, we want to extract the maximum goodness from the meat. We want the contracting proteins to squeeze out the interstitial liquid into the stock and the collagen to turn to gelatin and dissolve. The gelatin dissolved in the liquid gives the stock body and mouth feel, so stocks need to be cooked hot boiled. However, vigorous boiling will emulsify the fat into the stock, which creates a cloudy stock. Besides, fast boiling is only a few degrees above a gentle simmer. Thus the traditional advice to make good stock is to do so at a gentle simmer for a long time. An alternative approach is to use a pressure cooker. A pressure cooker allows the temperature of the stock to be raised before it boils, and the pressure reduces the turbulence. It also seals in all the flavor. So for the ultimate stock, cook in a pressure cooker, at maximum pressure for an hour or so, adjusting the heat input so that steam barely escapes from the valve. Use tough, cheap cuts of meat but leave the bones out. Be sure to let the pressure come down on its own after removing from the heat (as opposed to any of the quicker methods such as holding the closed pot under cold tap water, or releasing the pressure valve) otherwise the contents will boil aggressively when the lid is opened, making the stock cloudy. Collagen is also the main component of tendons and is also the glue that holds bones together, so, given long enough wet heat, they start to dissolve as well. Cook a stock for too long, and the calcium from the bones also begins to dissolve, giving a "bone taint." Thus for cooking meat (and other muscle): A cube boiled for 30 minutes at 75C. The collagen is beginning to dissolve. Collagen starts to turn into gelatin and dissolve at around 60C/140F. This process (and also the fat melting) takes energy. Experienced BBQ cooks know that during the long slow smoking of brisket there is a "temperature stall" at around 72C/165F, where the internal temperature, instead of continuing to climb, stays steady for a long time before increasing again. That is the period the collagen is converting to gelatin. Once the temperature starts to climb again the conversion is complete, and the meat is tender. Any more cooking tends to dry the meat without improving tenderness. Heston Blumenthal says that softening the collagen also improves even normally tender cuts of meat, such as the roast beef above. He suggests holding the temperature of the beef for up to 10 hours at 55C/130F (longer will start to generate off flavors) to make beef that is "unbelievably tender." Wet cooking is appropriate for the tougher (but flavorful) pieces of meat that have a lot of connective tissue. The long, slow moist cooking melts the toughness into smooth unctuousness. The tougher pieces of meat can stand the long cooking and will become tender as the collagen dissolves. Even so, although they are fairly tolerant, overheat them and they too will fall apart into dry, tough shreds. These joints have much more flavour than the softer joints. 1. Light dry cook to 55C-65C (130F-150F) (45C/110F for fish) to just set the proteins 2. Long slow cook to dissolve the collagen 3. Long hot wet cook to make stock An example recipe indicating long, slow wet cooking is Steak and Kidney Pudding. Pudding, not pie. Pie is just a stew with a pastry lid. In Steak and Kidney Pudding, the meat is sealed in a suet crust and boiled for six or more hours to melting, tasty, meaty loveliness. To quote Dr Marigold (one of Charles Dickens more obscure characters), describing his pudding; "A beefsteak-pudding, with two kidneys, a dozen oysters and a couple of mushrooms thrown in. It s a pudding to put a man in a good humour with everything, except the two bottom buttons of his waistcoat." DR MARIGOLD'S PUDDING Serves 12. Good, cheap eating. For the pastry: 1lb/500g flour 8oz/250g shredded beef suet 1 tsp black treacle/molasses (gives the pastry a golden color and taste) Salt Cold water to mix

146 Line a large (2pt) pudding basin ( or heat-resistant bowl). Reserve 1/3rd of the pastry for a lid. Cover with the reserved pastry 2.5lbs/1Kg stewing beef cubed. Skirt steak is good. 1lb/500g chopped beef or veal kidney Tie a piece of greasproof paper over, leaving a fold for expansion. Hint: easiest if you secure it with a large elastic band before tying with string. Don't forget to leave a loop of string over the top, tied on both sides as a handle to help get it out of the hot pan after cooking. Put in a pan of water. Add a cut lemon to the water to protect the pan. Simmer (or rather not quite simmer) for 6 to 12 hours. A dozen oysters, or a can or two of smoked oysters A couple of large Mushrooms cut up, or even better, dried morels 2 onions, chopped and softened 2 Tbs flour Salt and pepper; 1 Tbs Worcesteshire sauce Once simmering, it may be easier to put the whole pan in a low oven (90C/200F) for most of the cooking. Check the water level occasionally and if needed top it up to stop it boiling dry. Turn out into a deep dish, as there will be lots of gravy. Unfortunately I did not manage to snap this step before the hungry guests got at it. Serve with brussel sprouts, and mashed potatoes. Easy on the seasonings. Since everything is sealed in, the flavors intensify. You can, I suppose, omit the kidneys and the oysters, but it will not be as rich. You can use anchovies instead of oysters, but watch the salt level. Mix well and pack into the lined basin/bowl. Fill with a little stock or water, but there won t be much room for liquid. The meat is deeply flavored and spoon-tender. The kidneys and oysters have combined to form the most wonderful sauce

147 COOKING WITHOUT HEAT There are other methods to make meat tender enough to eat besides cooking it. The most obvious way is mechanical: mince it up into small pieces, or slice it very very thin across the grain so that the muscle fibers are chopped up and can be easily chewed. Thinly sliced raw meat examples are carpaccio and delicacies like Parma ham. The extreme example is Steak Tartar, said to be named after the practice of the fierce Mongolian and Tartar warriors who softened their steaks before eating them raw by putting them under their saddles before riding off on raiding or war parties. These days you don't need a horse to prepare steak tartare. The steak is chopped fine (but not into a puree). Its interesting to note that tartar sauce was originally a sauce for steak tartare. After about three hours. The half on the left was not soaked: A less extreme example is hamburger (and sausages) where the fine mincing makes otherwise tough cuts tender enough to eat with only short cooking times. Of course, flame browning the outside but otherwise not cooking your hamburger over 55C/140F, but holding it at this temperature for several hours, will immensely improve it. The Effect of Acid Protein is also degraded by acid. Ceviche (fished cooked in lemon or lime juice) is an example. Meat proteins can also be digested by various enzymes: papain, from unripe papayas, bromelin from pineapples, ficin from figs. The effect has been known for thousands of years. Primitive tribes wrapped their meat in papaya leaves. These enzymes are destroyed by heating above 70C/180F so have to be from fresh fruit and are not present in pastaurised or tinnned juice. You can buy them as "tenderizing salt" where the extracted enzyme is mixed with salt. In use they must be injected or otherwise put into the meat. Just soaking tends to only tenderize the surface. It s easy to try: soak a steak in some fresh pineapple juice. Pierce the steak with a fork in lots of places to let the juice get inside. Here is the steak and the pineapple The enzyme in the fresh pineapple puree has eaten the steak. The steak fell apart as I tried to lift it, like tearing damp blotting paper. Personally I don't like the effect; I think it turns the meat pasty and mushy, with odd hard bits of tendons that have not been softened. Apparently pineapple softens lentils as well. Pineapple jelly is difficult to make with fresh pineapple and gelatin as the bromelin denatures the gelatin. If you want to make pineapple jelly you must use agar, or cook the pineapple to destroy the enzyme. Hanging Enzymatic tenderizing also occurs when meat is hung. The enzymes (and the lactic acid) naturally present in the meat slowly break down the long muscle fibers, making the meat more tender. The process is called proteolysis, which means breaking down (fragmentation) of the protein strands. The enzymes which carry out the process are thus called proteoses, meaning that they fragment the protein strands. Many complex processes including initial relaxation of rigor mortis happen while the meat is aged, but the primary two are the enzymatic breakdown and dehydration. Freshly killed beef is not very nice, and doesn t even taste much of beef, but rather metallic. Aging increases the beefy and "gamey" flavors as a byproduct of the natural breakdown of the meat, friendly microbial and bacterial action and Maillard reaction processes on the surface of the meat. The dehydration (beef is 70% water, and loses some 20% during aging) concentrates the flavor. I pureed about an inch of pineapple, and soaked half the steak in the puree 292 Traditionally beef was dry-aged. The entire carcass was hung in a refrigerated room just above freezing at a temperature of between 32-34F/0C-2C, 80-85% relative humidity, and with an air velocity or m/s (about 3 miles an hour) for between 21 and 28 days. The low temperature discourages growth of spoilage organisms and the high relative humidity stops the meat from drying out too much. There is typically a 15-20% weight loss. The air movement stops water condensing on the meat. A dark crust forms on the outside of the meat which must be cut off and discarded. The 293

148 wastage, the loss in weight and the time involved means that dry aged beef is a more expensive product. You can reproduce these conditions at home by keeping a large piece of meat in the refrigerator, uncovered, on a wire rack with a drip tray underneath it with water in it. However, a professional meat storage room is a better place to do this and your friendly local butcher may be persuaded (at your risk, and if you pay in advance) to hang your beef for you for that extra week or two. When aging beef there is always the danger of spoilage, which increases the longer the beef is aged. Discard it if there is any hint of an unwholesome smell, or sliminess. The change in the meat is most noticeable in the first 14 days, and then the effect decreases, with little change after 21 days and none in tenderness after 28. Some advocate hanging for much longer, such as 90 days. Others feel that in this length of time the meat generates "off" flavors, and there is a significant risk of spoilage. In order to overcome the problem of spoilage and length of time taken, the meat industry has developed various other aging techniques. These include accelerated aging where the beef holding temperature is higher, but bathed in ultraviolet light to retard the microbial growth. Anther technique, now used almost universally, is wet aging; the beef is cut into joints, sealed wet in aseptic cryovac bags and held at 32-34F/0-2C. Although the enzymatic processes are the same, there is no dehydration and consequent weight loss, nor Maillard conversion of the surface, so that the taste is different. However, there is much less risk of spoilage with wet aging so less waste and easier handling. Brining & Marinades Brining is soaking the meat in brine, typically 1 cup each of salt and sugar to a gallon or water before cooking. It can immensely improve bland meats like turkey or pork. It works because the fluid inside a meat cell is saltier than the outside, so by osmosis additional water is sucked in, along with some of the sugar and any flavoring you have added. Of course, if you overcook the meat and squeeze all the water out, your good work will be undone. SUMMARY TABLE OF TEMPERATURES FOR MEAT C F RESULT Still raw Blue Rare Medium-rare Medium Well done Unappetising Penetration of the meat happens quite slowly, typically 1cm/hour. An advantage is that when submersed in the brine or marinade, which is usually quite acidic, nasty bugs are kept away from the surface, and the meat can be stored for a long time in a conventional fridge. The illustration shows the diffusion of a marinade into a meatball, imaged using MRI scanning, courtesy of the Herschel Smith Laboratory for Medicinal Chemistry University of Cambridge

149 SCIENCE OF THE KITCHEN: TASTE AND TEXTURE (Janet A Zimmerman) PART ONE: TASTE SOME DEFINITIONS AND TECHNICAL TERMS In line with most of the writing on the topic, I'll use "taste" to refer specifically to what we perceive through the taste buds and "flavor" to mean the perception that results from the combination of our senses of taste and smell. Technically, the sense of taste is called the gustatory sense; the sense of smell is called the olfactory sense. Both the sense of taste and the sense of smell are often called the chemical senses, since they transmit information generated by chemicals to nerve cells, resulting in neural impulses. Chemosensory irritation is the term used to refer to the burn of mustard or the capsaicin in chiles, the tingle of carbonated beverages or the cool afterglow of menthol. These and other sensations (other than tastes and smells) are also called cutaneous sensations as they are perceived on the surface of the mouth ("cutaneous" = "of the skin"). TASTE, SMELL AND FLAVOR Being the annoying, teacher's-pet, know-it-all child that I was, I loved amassing facts so I could spout off and prove how smart I was. I especially loved facts about biology and physiology; my older sister and her best friend actually gagged me and tied me to a tree in the backyard when I wouldn't shut up about the humidity of the air in our lungs. Looking back on it, I can't say that I blame them. But my point in bringing this up is this: for a long time, I thought I knew a lot about a lot of things, the sense of taste included. I knew, for instance, that the bumps on the tongue were taste buds and were the site of our sense of taste, that there were four basic tastes and that we tasted the four tastes on different parts of the tongue. I also knew that an onion would taste like an apple if you plugged your nose, which was a riddle from sixth grade science class that, for some reason, I still remember to this day. Unfortunately, it turns out that just about everything I thought I knew about taste was wrong, or at least incomplete. Now, taste researchers are learning an amazing amount about how our sense of taste works, and one by one, I'm correcting my earlier mistakes. Those bumps you see on your tongue, called papillae, are not taste buds. But they contain taste buds (or at least some of them do), which in turn contain the taste cells, which is where the real action happens. Like any other sensory function, taste is, at the neural level, all about electrical charges. 296 The molecules in your food that are responsible for the basic tastes change the electrical charge in the taste cells, which causes them to fire and convey information about taste to your brain. Scientists agree that the number of different tastes we can perceive is very limited, but they don't all agree on exactly how many basic tastes there are. Sweet, sour, salty and bitter are universally accepted as true tastes; some researchers posit a fifth taste called "umami," a Japanese term that's usually translated as "savory." Some would also argue that "metallic" and "alkaline" (or soapy) count as basic tastes; however, since ideally those two tastes do not occur in our foods, I'm going to ignore them here. The chemicals in salts and acids that account for their characteristic tastes act directly on the ion channels in the taste cells. Those in sweet and bitter substances are less direct; they bind to surface receptors that are coupled to certain proteins (called "G-proteins" for reasons we need not get into), which begins a series of reactions that ends in the change in electrical charge. Glutamate, the molecule which is now thought to stimulate the umami taste, also binds to receptors, but much less is known about what happens between the binding of the glutamate molecules and the change in polarization. Because there are a number of reactions involved in our perception of sweet and bitter tastes, it's not surprising that scientists tend to concentrate on these tastes. The more steps involved, after all, the more opportunity for experimenting with the process. For example, by altering one of the G-proteins in mice, researchers actually changed their taste preferences. The altered mice no longer sought out sugar water and avoided bitter compounds, as normal mice would, but instead drank bitter solutions as readily as they did plain water. But it's not just rodents' taste buds that are the subject of study. It's long been recognized that a chemical in artichokes, cynarin, makes other foods taste temporarily sweeter to most people. More recently, researchers have been working with chemicals that can block our ability to taste sweet or bitter flavors (it's thought that adding these "bitter blockers" to medicines might make them easier to take). Some preliminary research with humans seems to indicate that capsaicin, the chemical that puts the "heat" in chile peppers, temporarily lessens our sensitivity to bitter and sweet flavors but leaves our perception of acids and salts unaffected. To react with the taste cells, any taste molecule, or "tastant," must be dissolved, which is the reason saliva was invented. That's why, when you swallow a pill however bitter you won't taste it if you get it down before it starts to dissolve. It's also why so many nasty tasting pills are encased in a coating that's hard to dissolve. Some tastants dissolve best in water; others are fat-soluble. Still others dissolve in alcohol, which incidentally also dissolves the water- and fat-soluble molecules as well. This is part of the reason why a little alcohol in a dish can make such a big difference to its taste. What is still commonly taught about localization of taste sensitivity on the tongue is based on the misinterpretation of some early data from taste research. Now it's known that although particular taste cells do seem to respond best to one type of stimuli (salt, sour, sweet or bitter), they are capable of responding to all of them in some degree, and all four (or five) tastes can be sensed on any area of the tongue that contains taste buds. So, that map of the tongue we all learned about 297

150 the one where we taste only sweet things on the tip, bitter at the back, sour on the sides and salt along the edges is wrong. (But many people still believe it; be gentle when you break the news.) The temperature of the food we're eating has a noticeable effect on how intensely we can taste it. Bitter substances taste less bitter hot than at room temperature, which explains why cooled coffee seems more bitter than the hot brew. Sweetness, on the other hand, is much less perceptible at very low temperatures than at room temperature. If you've ever made ice cream or sorbet, you may have noticed that the frozen product seemed less sweet than the mixture did before freezing. Similarly, if you've ever drunk a lukewarm soda pop, you likely noticed how sweet it seems. Those drink manufacturers expect their products to be quaffed over ice or straight from the fridge, and they keep that in mind when formulating their recipes. Cocktails, too, are meant to be drunk ice cold; a lukewarm cocktail is a miserable thing indeed. Sweetness may be the flavor most noticeably subdued by cold, but all flavors, even bitterness, decrease in intensity at very cold temperatures. Despite its popularity, ice-cold beer doesn't have very much flavor, which is why beer aficionados prefer their brew warmer than it's often served. Likewise, chilling a white wine can be easily overdone most white wines are best cool but not icy. And that's why even foods that are supposed to be "cold," like salads, benefit from sitting at room temperature for a while; they have much more flavor than they do straight from the refrigerator. Let's go back to neural pathways for one last point. Other neurons in the "taste pathway" respond to and convey information on the intensity of any given taste, the temperature of the food, "mouthfeel" and sometimes pain at the same time the taste cells convey their information about salty, sour, sweet and bitter. These other stimuli are also responsible for the fact that tastes seem to originate from the entire surface of the mouth, and not from just the papillae that contain the taste buds. Thus, while in theory we can talk about "pure" taste sensations, in practice it's much more difficult to isolate them. This is especially true for taste and our sense of smell. THE OLFACTORY SENSE Anyone who's ever had a bad head cold knows how much our olfactory sense contributes to what we think of as taste, as does anyone who's ever tried to enjoy dinner while seated near someone with overpowering perfume or cologne. When all you can smell is gardenia blossoms or Old Spice, it's hard to taste your potatoes or cauliflower. While we can discern only a small handful of different tastes, our sense of smell is much more sensitive. The average person can identify thousands of different odors and discern about ten intensities of each of those. Roughly a thousand different types of olfactory receptors are located on a small patch in the upper part of the nasal cavity. We sense smells when odor molecules reach the receptors and dissolve; because the receptors are located above the path that air follows when we breathe normally, we can smell odors better if we sniff, drawing the air up to the receptors. The odor molecules can reach the receptors either through the nose or up through the pharynx, the passage connecting the mouth with the nose, which is why one of the best ways to detect the aromas of our food is to exhale with the mouth closed as we're eating it forces the air up through the pharynx. 298 The connection between the mouth and the nasal passage accounts for the fact that taste and smell combine so thoroughly to produce the phenomenon we think of as flavor. The passage of odor molecules through the pharynx also accounts for the fact that although holding or plugging your nose will greatly diminish the flavor of your food, it will not completely eradicate it (an onion will not taste like an apple). It takes pretty severe nasal congestion to do that. All substances, including foods, release more odor molecules when warm or hot than when cold, so their smells are much stronger. That's the reason garbage is so much more revolting on a hot day and the reason warm or hot foods tend to smell so much stronger than cold foods. NATURAL AND ARTIFICIAL FLAVORS Maybe you've heard wine geeks talk about flavors of berries, oak, apples, melon, toast, pepper and even grass in various wines. Wait a minute, you say, wine is nothing but grapes and yeast, so how can it have all those other flavors? That's where the molecules come in. As wine ferments and ages, it goes through a lot of chemical changes, which result in all sorts of tastants and, especially, odor molecules being produced. Some of these molecules are very close to the odor molecules in other fruits or even vegetables, spices and grass, so they trigger the same receptor cells that the actual fruits, vegetables and spices do. We thus perceive the wine as smelling and tasting like all those other substances. Some researchers spend their time delving into the molecular structure of the foods we eat in order to isolate the molecules responsible for various flavors (they have, in fact, isolated more than 4000 such flavor compounds). They can then concentrate them and add them to other foods as "natural flavors." But they can also go one step further and analyze the concentrate with a chromatograph to see how the molecules are actually put together. With such an analysis, researchers can then sometimes reproduce the compounds artificially and use them to create such monstrosities as buttered-popcorn-flavored jelly beans. The problem with either natural or artificial flavors, the reason they never quite taste like the original, is that foods have numerous molecular compounds responsible for their characteristic flavors (fruits, for instance, can have hundreds of such compounds). Researchers necessarily focus on a few that seem to provide the most recognizable flavor and aroma, but they can't reproduce them all, so the resulting flavoring is fairly one-dimensional. Technology is improving in this area, though, so who knows? Maybe someday watermelon candy will actually taste like watermelon. THRESHOLDS AND DESENSITIZATION All of our senses react best to changes in stimuli. Studies with infants show that they quickly become bored watching the same scene; their interest increases whenever a new element comes into view and then fades if the object stays in view for long. Similarly, we can usually "tune out" a constant, unchanging noise without much effort, but our ears will still perk up at the sound of anything new and different. It's the same with taste and smell. We get used to odors and flavors pretty quickly if they don't change much, and it takes stronger and stronger concentrations of the taste or odor molecules to elicit the 299

151 same reactions. That's why some people wear so much perfume or cologne, especially if they've been wearing the same scent for a long time they've adapted to the smell, so they keep dousing themselves with ever-increasing amounts to be able to detect it. Likewise, someone who uses a lot of salt regularly will require more and more of it in order to notice it; that person's salt threshold has increased. It doesn't even take long-term exposure to a certain taste to become desensitized; depending on the taste, we can start to adapt quite quickly. As we'll see in the next section, it can happen with chemosensory irritants as well, such as the capsaicin in chile peppers. TASTERS, NONTASTERS AND SUPERTASTERS So far, I've been working on the basis that everyone's sense of taste and smell is exactly the same -- that we all taste the same things with the same intensity. But this is not true. Certain medical conditions can affect our gustatory and olfactory senses, and some physiological factors also affect our sense of taste. If you're old enough, you might remember a day in science class when the teacher passed out little slips of paper and told you all to put them on your tongues. She then sat back and watched, probably with some amusement, while some of the class sucked on them for minutes with nothing but a puzzled expression and others immediately spat them out, violently and with looks of betrayal. Those little slips of paper were coated with PROP (6-n-propylthiouracil), or PTC (phenylthiocarbamide), chemicals that taste extremely bitter to some people but are tasteless to others. It turns out there's a genetic component to how strongly we taste things. In technical terms, the ability to taste these chemicals is determined by whether one has a particular dominant gene: those with two recessive "taste" genes are known as "nontasters," those with one recessive and one dominant are "tasters" and those with two dominant genes are called "supertasters." Overall, about a quarter of the population are nontasters, one quarter supertasters, and the remaining half are tasters. Supertasters have a significantly higher number of taste buds than tasters, and both groups outnumber nontasters for taste buds. The averages for the three groups are 96 taste buds per square centimeter for nontasters, 184 for tasters, and a whopping 425 for supertasters. Not surprisingly, then, supertasters tend to taste everything more strongly, not just those two chemicals from science class. Sweets are sweeter, bitter things more bitter, and salty things saltier. I've heard more than one supertaster report that pickled foods taste like ammonia. Supertasters are less likely to enjoy the taste of alcohol as well. When I first started reading about this phenomenon, I thought, "I want to be a supertaster -- it sounds so refined, so superior." Alas, I concluded, I'm not. Then, as I continued to read up on the subject, I realized that it might not be so great to be a supertaster. Not only do many foods taste unpleasantly strong to them, but also (since our taste buds also convey information on temperature, pain and mouthfeel) the bite of chiles, mustard and ginger is unbearable and very hot or cold foods can be practically unpalatable. Foods with a high fat content seem unpleasantly greasy. Thus, supertasters tend to be very picky eaters. Nontasters will eat damn near anything, neither greatly liking nor disliking what they eat. Tasters, the least homogeneous group, vary a great deal in their likes and dislikes, but overall they tend to genuinely enjoy the widest variety of foods. 300 So, we've looked at the way we perceive the basic tastes on the cellular level. Now, on to a more general look. THE BIG FOUR (OR IS IT FIVE?) Sweet We're born with an affinity for sweet tastes, one of the few instincts we have and apparently the only taste preference we have from birth. From an evolutionary standpoint, it makes perfect sense: sweet foods are energy-rich foods. Even though most of us in the developed world don't lack for calories, we still like sweet foods, at least to some degree. Many of us, however, lose some of our love of purely sweet foods as we grow older; we prefer our sweets tempered with a touch of acid or even bitterness. As an element of flavor, sugar and other sweeteners often have the effect of softening or rounding out sharper flavors, which is why a sweet ingredient pairs so well with acidic or bitter ones. But eating sweets can temporarily skew your taste buds so that mildly acidic foods will taste very sour. That's why only the sweetest of wines can match well with desserts. And heavily sweet foods also have a tendency to deaden the palate somewhat, which is one reason that very sweet drinks and foods are usually served after meals. Sugar also has an interesting effect on some other flavors, allowing us to perceive tastes we wouldn't otherwise. Researchers in England had their subjects chew mint-flavored gum, which was sweet, until the flavor had gone. The molecules responsible for the smell and thus the flavor of the mint were still present, but the volunteers could no longer perceive them. However, when they added a pinch more sugar to the gum, they once again smelled and tasted the mint. Salty As a rule, our love of sugar only barely edges out our fondness for salt. Most of us start to develop a liking for salty things between four and six months of age. Salt being an essential mineral for life, it's no wonder we seek it out. Add to that the fact that it's an excellent preservative for food, and it makes even more sense, from an evolutionary standpoint, that salty foods appeal to most of us. If sugar rounds and softens flavors, salt heightens and perks them up, often without really making its presence explicitly known. If you've ever eaten pasta cooked in unsalted water or bread made without salt, you know what I mean here. They're incredibly bland, compared with the versions cooked with salt. But the pasta and bread cooked with salt don't taste salty, so much as they just taste like something. Any time I make a dish that seems one-dimensional, flat or boring, my first remedy is almost invariably to add a pinch more salt. It's not always the answer, but in most cases, it's a good guess. Sour It takes most children much longer to develop a fondness for sour foods than either sweet or salty foods. Some of us never really take to purely sour foods, although most of us grow to enjoy mildly acidic ingredients, since acids are as much of a flavor booster as salt can be. 301

152 But the tang of citrus or vinegar perks up flavors in a different way from salt. I describe the difference by saying that salt heightens flavor, while acid sharpens it. Acidic ingredients make us salivate, which, as we've seen, means that more tastants reach our taste buds. So while sour ingredients make their own presence known, they also make other flavors come forward. Sometimes when you're tasting a dish and it's a bit "flat," it's difficult to tell if it needs more salt or more acid. If you think you've added enough salt to a dish but it's still not quite right, try a squeeze of lemon or a splash of vinegar to see if that's what's missing. While sugar and salt are nutrients we need for survival, acid does not appear to be. So why, then, can we distinguish sour as one of the basic tastes? The reason isn't entirely clear, but it may have been beneficial for our ancestors to be able to gauge the ph level of the water they drank. Or perhaps the ability to reject unripe fruits, which tend to be sour, made for fewer stomach aches and less gastrointestinal distress. Just as important as their taste is the role that acids play in mouthfeel, and we'll investigate that aspect of them in the next section. Bitter The last of the "big four" tastes is bitter. Although we can detect bitter tastes early in our development, we don't tend to enjoy them; instead we do our best to avoid them. A liking for bitter tastes develops very late in life compared with the other three; indeed, some people never develop a taste for bitter foods at all (very generally speaking, Americans tend to shun bitter foods more than other cultures). That's probably the reason that the bitter foods we do eat are often looked upon as sophisticated and "grown-up." Coffee, dark chocolate, quinine (tonic) water, beer, bitter alcoholic aperitifs, bitter salad greens like arugula we speak of them as "acquired tastes." And it's no surprise that bitter foods are scorned by so many. In the wild, bitter things are usually trouble -- they make us sick or kill us. In terms of evolution, we probably developed the ability to detect bitterness so we could spit out the offending plants before we swallowed them. So why on earth do some people develop a liking for something so initially repelling? Part of the reason is that bitter foods, like spicy foods, make our taste buds stand up and take notice, so to speak. They provide novelty, which we've already seen is something we need if we want to avoid becoming desensitized. Think of bitterness (in small doses) as nature's palate cleanser. Umami Earlier, we took a quick look at what researchers have found about glutamate and how it results in the flavor known as "umami" (often described as "savory" or "broth-like"). We saw that they aren't agreed on whether it counts as a basic taste. On the one hand, the Japanese have long regarded umami as a quality separate from the "big four" of sweet, salty, sour and bitter. And it's true that current research suggests that glutamate triggers taste cells in a completely different way from the tastants that trigger the other four tastes. Two researchers from the University of Miami have isolated a receptor that binds glutamate and proposed that it underlies the umami taste. Empirically speaking, it's possible to measure the glutamate levels in foods and thus determine their umami level. Generally, protein-rich foods like cheese, meat, seafood and mushrooms contain significant amounts of glutamate. Aging, curing and fermenting enhance umami, as does ripeness (a ripe nectarine, for example, has more glutamate than an unripe one). Monosodium glutamate (MSG), which occurs naturally in many foods and is used as an additive in others, is the form of glutamate we're probably most familiar with. But that's not the whole story. Part of the problem stems from the wide variety of foods that are high in glutamate. Although many of them can be accurately described as "savory," some of them, like grapefruit or green tea, don't seem to fall into that category as neatly. It's thus not always easy to recognize the umami "taste" in the same way we can recognize the other four tastes. To complicate matters further, Japanese chefs (and now some Western chefs as well) seem to use the term umami metaphorically rather than literally. That is, chefs will speak of the umami of any food, meaning the best or perfect specimen of that particular food. They don't seem to be talking about glutamate levels; they almost seem to be speaking of what, given my philosophy background, I would call Platonic forms. Whichever sense of the term umami people mean, though, it's clear that whatever it is, taste or sensation or Platonic form, it's not easy to talk about, at least not for non-japanese. Even the experts have a hard time defining it. One sensory psychologist at Monell Chemical Senses Center in Philadelphia (the place for taste research) described it as "that meaty, mouth-filling, savory sensation" -- not what I'd call the most precise definition. But even though the psychologist's response was not ideal, it says one thing loud and clear to me. She doesn't call umami a savory taste, she calls it a "sensation" -- more specifically, a "mouth-filling" sensation. I assume that most taste researchers are pretty precise when talking about this sort of thing, so when she said it was a sensation she no doubt meant it. From my experience as well as my research, I think umami is not so much a taste as it is a cutaneous sensation. Or, more precisely, it seems to me that we experience glutamate simultaneously in two ways: as a unique combination of taste and sensation. And further, I think it's the sensation part, the textural element, that we experience most strongly, and thus I'll talk about umami again in the section on texture and mouthfeel. There is one undeniable effect of umami on our sense of taste, however, so let me mention it before we go. Foods high in umami (glutamates) intensify many other flavors. They do this in ways we don't quite understand. One theory is that the presence of glutamates makes certain taste molecules adhere to our taste cells longer than they would otherwise, so their taste is more intense. Whatever the exact mechanism, though, the food industry has counted on the flavor boosting qualities of MSG and other glutamates for years. And so have countless cooks who use fermented foods, mushroom essence or aged cheeses to enhance their menus. Food scientists and chefs might not know precisely how it works, but they know it does

153 THE FOUR TASTES IN COMBINATION For the most part, the basic tastes don't occur in foods solo. We've seen that our sense of taste reacts best to changes in stimuli, so perhaps it's no surprise that we like foods that excite more than one type of taste reaction. Because sweetness, salt, acid and bitterness are the foundation of our entire experience of flavor, the balance among the basic tastes can make or break a dish, even if we don't consciously realize it. Experiencing and studying the ways these tastes combine and balance each other, then, is one of most basic and crucial steps in analyzing dishes and learning to cook. Sweet and Sour Lemonade, sweet and sour pork, the perfectly ripe orange: all of these share, to varying degrees, a balance of sweetness and acidity. Probably the first example of the sweet and sour combination that most of us taste and enjoy is the flavor of fresh fruit. We often talk as if ripe peaches, strawberries and pears are sweet, period, but actually their sweetness is balanced with a slightly tart element. Oranges and tangerines might display their acid more obviously, but virtually all ripe fruit has a sour edge that holds that sweetness in check. It's a two-way street with sweet and sour ingredients. On the one hand, sweetness is full and round, but by itself, it can be cloying and overwhelming. Sour ingredients by themselves are sharp and "cutting." Add a bit of something sour to your sweet base, and you get the best of both worlds -- round, full flavor with a sharp edge that cuts through the cloying sweetness. Add more acid so that sour is your primary taste, and you still have the softening effect of the sweet ingredient to hold the tang in check. It's a match made in heaven. Bittersweet No, wait, the match made in heaven is the bittersweet one. Sweetness does have an affinity for both the sour and the bitter; it's a toss-up which is the more sublime combination. We've seen that purely bitter foods are rarely eaten alone; most often the bitter is balanced by sweetness. Bitter aperitifs all contain a hefty dose of sugar or other sweetener, as does tonic water. The bitter edge to coffee is something many people prefer to soften with sugar. But looked at from the other direction, the sweet is also balanced by the bitter. Like acid, a touch of bitterness can cut the cloying quality of purely sweet foods. That cola you're drinking? You might not notice it, but it's got a fairly strong bitter kick to it. Even the sweetest milk chocolate contains a bitter undertone, and few sweets are more popular than chocolate. Sweet and Salty Maybe this coupling is not as obvious as sweet and sour or bittersweet, but sweetness and salt do a lot for each other as well. A pinch of salt can add amazing depth to caramel or custard, even though you don't really taste anything salty. Likewise, a tiny bit of sugar in a savory dish can bring together the flavors in a way that salt alone cannot. But the match-up between salt and sugar goes further than merely supporting the other's feature role. While French and Italian cuisines rarely use a noticeable sweet element in savory dishes, this combination is very common in Asian cuisines. British and American cooks make use of it as well, in 304 such dishes as lamb with mint jelly or roasts served with Cumberland sauce. And think about the snacks we eat salty popcorn and a soda. Honey roasted nuts. Salted nuts in caramel. We enjoy a lot of sweet and salty combinations. Unlike bittersweet or sweet and sour combinations, though, sweet and salty elements seem to balance each other in a different sense. While bitter and sweet (or sour and sweet) combine so thoroughly as to almost be a single new taste, sweet and salty combinations don't really lose their duality. It's as if our taste buds keep themselves entertained by switching back and forth between the two tastes without ever really reconciling them. Salty and Sour Since salt and acid are both sharp, it's perhaps surprising that combining them would work. But, on reflection, of course it does. Almost everything pickled is packed in a combination of salt and vinegar, and even when salt is the sole ingredient added (as is the case with cabbage to make sauerkraut), acid is a byproduct of the fermentation process. But this combination is not universally liked. I mentioned earlier that supertasters often report that pickled foods taste like ammonia, and I know plenty of people who don't seem to like anything pickled. Me? I could eat a whole jar of pickles or olives standing in front of the refrigerator. (They have to be really good pickles, though.) Many cookbooks will tell you that acid will help an oversalted soup or stew. Research, however, shows that the story is not that simple. The tests aren't very conclusive, but in small amounts, acid seems to enhance salty flavors; in larger amounts, some, not all, acids do seem to diminish the salty flavor. I find that the amount of acid necessary to counteract too much salt in, say, chicken broth, will make the broth overtly sour, which may not be an improvement. Salty and Bitter Now, this may not seem like a combination we'd ever strive for, but salt actually helps to cancel the bitterness of foods. A couple of years ago I heard Harold McGee, a food scientist and author, report on an experiment he participated in wherein the subjects added salt to tonic water. They used a salt other than sodium chloride, one that didn't taste "salty," so they didn't have that taste to contend with. McGee said that given enough salt, the tonic water eventually tasted just sweet, not bitter at all. If you add table salt to tonic water, you can start to taste this effect, but it will begin to taste salty before it stops tasting bitter, which can be confusing. If you're interested in another way to test this phenomenon, though, try adding a little extra salt to a salad dressing for bitter greens and see if it doesn't help to temper the bitterness. Sour and Bitter Nope, not by themselves. I can't think of a single food or dish that combines only these two elements, or at least not one I'd want to eat. But with a sweet element, it can work. Think of cranberry juice -- not only are cranberries sour, they also have a bitter edge. Add sugar and the juice is surprisingly refreshing. Likewise with grapefruit juice; it may be mostly sweet and sour, but a little bitterness is there too. 305

154 Taste Triads The sour-bitter-sweet combination is also common in cocktails. And, if you add a bit of salt, you have the basis for one of the classic cocktails: the margarita. A well made margarita is a good mix (some might say the perfect combination) of all four elements: you have sweetness from the triple sec, sourness from the lime juice, which also has a definite bitter side, and the salt on the rim. I'm getting ahead of myself here. However, it does lead me to the next level -- that is, combining more than two of the basic tastes. As I've just mentioned, we do it occasionally, although we might not realize it. A chocolate lover who eats orange filled truffles is combining sweet, sour and bitter flavors. Sweet pickles are not only sweet and sour; they're also salty. Likewise for some vinaigrettes. Generally speaking, when three of the basic tastes are present, one appears as a mere background note, not as prominent as the other two. Threesomes, you see, are tricky. No, I didn't mean it that way, but now that you mention it, it's not a bad analogy. Even leaving aside the menage à trois types of relationships, friendships among three friends typically require a lot more balancing and effort than do friendships between two people. It's the same with basic taste elements. Adding a third one to a twosome inserts a whole new dynamic; it can be a brilliant success, or a dismal failure. OTHER FLAVOR CATEGORIES Now I'm going to venture out past the four basic tastes. We're on much shakier scientific ground here, because researchers don't write about flavor categories the way they do they do about the sense of taste. Chefs and cookbook authors are not much help either. Generally when they mention categories of flavor, they don't offer much in the way of explanation; rather, they assume we know what they're talking about. And even those authors who do explicitly mention flavor categories are not in agreement on what they are. One book lists 14 elements of taste ranging from "bulby" to "spiced aromatic" to "oceanic." Another lists such flavors as "pungent" and "puckery" and other less helpful categories as "intense." I'm not disparaging these authors' efforts, honestly. It's tough going when you try to categorize flavors. Although I've tried to stick with the sorts of terms that show up regularly in cookbooks, reference books and restaurant reviews, my list is somewhat subjective as well. Why group flavors into categories at all? Well, it's because we're all human here (I assume) and that's what humans do -- we categorize things. It's the way we learn about the world. So you probably categorize foods without even really thinking about it. Listing some basic categories and analyzing how our foods fit into them is simply a way to harness that usually unconscious process and improve upon it, enhance it, sharpen it. Fermented: Wine and beer obviously fall in here, but also sour cream, yogurt, cheese, buttermilk. Some breads, especially sourdough. Soy sauce and fish sauce are both fermented, but the salty taste partially masks the fermented flavor. Herbal: We'll look at herbs and spices in detail in the second part of the course, but for now just think of the clean, "green" scent and flavor of dill, parsley, basil and the like. Meaty: This term is so often used to describe a texture that it's difficult to isolate it as a flavor alone, but that's what I'm aiming for here. So mushrooms, although they can have a "meaty" texture, do not always or even often have a meaty taste. Nutty: Nuts, obviously, but also some grains and cheeses and even avocados have a hint of nuttiness about them. Poultry: No, everything does not taste like chicken, but most of the birds we eat fall into this category. Apparently, so does a mushroom called chicken of the woods. Seafood: The natural name for this category would be "fishy," but that term has such negative connotations that I hesitate to use it. It's used to describe old fish. But fresh seafood and fish do have a common element in their flavor, and that's what I mean by "seafood." (Freshwater fish, although generally milder, also fit in here.) Spicy: This one's tricky. We often use the term to mean "hot" in the sense of chile peppers or horseradish, but as we'll see in the next section, "hot" is not a flavor, it's a chemosensory irritation. So think about "spicy" as what's left over after you remove any of those sensations: usually somewhat bitter, often musty, and always fragrant. Starchy: This is one of those terms that have elements of both taste and texture. Since there's a whole group of foods we commonly refer to as "starches," it's not hard to identify this taste. It's what's common to potatoes and some other root vegetables, rice and corn, to name a few. We'll talk again about starch when we get to textures. Vegetal: Here I'm thinking mostly of green vegetables, and not of the culinary vegetables that are botanically fruit, such as tomatoes, peppers, and squash. Likewise, I wouldn't include roots and tubers like potatoes and carrots here. Toasted/Roasted: Think about the difference between a slice of bread and a slice of toast, or the difference between raw almonds and roasted ones. Basically we're talking about the flavor effects of browning here. Smoked: Cheese or meats, fish or fowl, these foods get their flavor from the smoke they're cured in. They generally also have a salty side, as the curing process usually involves brine or salt. What follows here is not exhaustive; it's not definitive, but it's a starting point. Keep in mind that not every food falls into one of these categories, and many foods fall into more than one: Earthy: Think mushrooms. Also carrots and other root vegetables, which often also have a sweet dimension as well. 306 FLAVOR AND BEYOND So, now that we have a starting list of flavor categories, what do we do with it? Along with the information on basic tastes, use it to begin analyzing the foods that you cook and eat. As you taste a dish, ask yourself which basic tastes it has, and which flavor categories it belongs to. 307

155 "Why?" you may ask, "what's in it for me?" First, if you like to cook, analyzing foods in terms of tastes and flavors (and, as we'll see, textures) can provide you with a lot of knowledge about substituting ingredients and improvising in the kitchen. For instance, suppose I have a recipe that calls for beets and I don't like them. To come up with a workable substitute, it helps a lot to know that beets are sweet, starchy and slightly earthy. What other foods have those attributes? Maybe sweet potatoes. Maybe rutabagas. The point is, I've got a place to start. Second, the better you get at analyzing at tastes and flavors, the better you'll be at figuring out what's in dishes that you like (or those you don't like, for that matter). Maybe this has happened to you: you're at a restaurant eating dinner. That sauce on your prawns is delicious and you'd really like to know what's in it. Let's face it, you're probably not going to get a recipe from the chef, but if you know your flavors, you can do some experimenting and probably be able to come up with at least a close approximation. What's even more amazing is that with enough practice, you may even be able to tell not only what's in a dish, but what's missing from it. Suppose you're trying your hand at cooking something new, and it's blander than you expected, or it just needs something. If you've had practice tasting critically and thoughtfully, your chances of figuring out just what that "something" is are much better than if you haven't. You'll be able to think back to similar dishes that did taste good and isolate what those dishes had that your current dish lacks -- garlic, or lemon juice, or salt, or a pinch of sugar. Spices, perhaps. And believe me, if you can rescue bad tasting food, or make average food good, you've got an enviable skill. So now that you ve made it through the theory, it's time to practice a little. Take some time to try at least some of the experiments that follow. Start to analyze what you eat and drink. After that, we ll turn to texture, mouthfeel and chemosensory irritations, but we re hardly leaving taste and flavor behind. They ll be coming along for the ride. EXPERIMENTS None of these experiments are very difficult or time consuming; most require only a couple of common ingredients to perform. As you read through them, they may, in fact, strike you as terribly simple and obvious. Indeed, they are simple. But to get the most out of them, they do require two things: thought and concentration. If you're going to perform them, take the time to really think about your sensations as you do. You may want to take notes, if that helps you to concentrate. Temperature and Flavor Buy two cans or bottles of any one type of juice drink or soft drink, preferably not something with a lot of carbonation. Leave one at room temperature while you chill the other as cold as you can get it (if it's just starting to get a little slushy around the edges, that's perfect). Taste them both and compare. Does the warmer drink taste sweeter? Can you taste other flavors (good or bad) that seem to be missing in the ice-cold drink? 308 Salt This requires a kitchen scale. Gather as many different kinds of salt as you can: iodized table salt, noniodized salt, kosher salt and, if you can find it, at least one of the specialty sea salts: Fleur de Sel, or the gray salt from Brittany or something similar (most of them are French). By weight, measure out equivalent amounts of each. It's crucial to measure by weight and not by volume, because the different grain size and shape in the various salts result in vastly different amounts of salt per unit of volume. You won't need much, so use the smallest measurement you can. Mix each kind of salt with enough hot water to make a 2 or 3% solution. Let the solutions cool and taste them. It helps to have some unsalted crackers and some water with a little lemon squeezed in it to "cleanse" your palate between tastes. Can you tell the difference? If so, what is the difference? Now taste the various salts sprinkled on top of tomato slices. What differences do you experience this time? Umami First, run out and buy some monosodium glutamate. The most widely available form of MSG that I know of is Ac'cent; you should be able to find it at any grocery store. (I know, you're thinking, "MSG? Is she serious?" Yes, I do know about everything written concerning MSG. I've read the scary stories. The deal is, it's really difficult for the average consumer to isolate glutamate any other way, and I honestly think a little monosodium glutamate in the diet is not harmful. However, if you're concerned or you think otherwise, by all means skip this experiment.) Next, dissolve a small amount into a cupful of hot water (hotter than tepid, but cool enough to sip without scalding your tongue). Say, half a teaspoon of Ac'cent to a cup. Sip it and think about it. What's it taste like? What's it feel like on your tongue? Sweet and sour: First, make a simple syrup with sugar and water. In a small saucepan, add one cup water and two cups sugar. Heat to dissolve and bring to a boil. Simmer for a couple of minutes and let cool. Meanwhile, squeeze a couple of lemons. Mix two tablespoons of syrup with one cup water. Taste the mixture. Now, add one tablespoon lemon juice and taste again. What does the addition of the lemon juice do to the sugar water? Next, start at the other end. Mix two tablespoons of lemon juice with one cup water, taste, and then add one tablespoon of syrup. (You'll have the opposite proportions, obviously.) What do you think of that mixture? Try different proportions and think about the balance of sweet and sour. What proportions do you like best? Bittersweet Get as many chocolates of different sweetness levels as you can find. Many chocolates are now labeled by levels of cocoa mass and cocoa butter. For instance, a chocolate labeled "70 percent" contains that amount of cocoa, with the remaining 30% being sugar and other ingredients (milk chocolate will have the lowest percentage of cocoa and will also contain milk solids). Include 309

156 unsweetened chocolate (sometimes called "baking" chocolate) as well. Starting with the least sweet, taste them and compare. If you start with unsweetened, it will probably be almost unbearably bitter. As you taste, think about the level of sweetness you prefer. Now, for part two, get some caramels or caramel sauce. Taste the chocolates again, this time with a small bite of caramel accompanying each taste. How does the additional sweetness alter the chocolate? Do you find your previous favorite too sweet with the addition of the caramel? Salty and Sour Scoop out the flesh from a ripe avocado and mash it up. Taste a small bite as a basis for comparison. Divide the remaining avocado into three portions. To the first, add a pinch of salt. To the second, add a squeeze of lemon juice. Taste the first sample. Now add a squeeze of lemon to the salted avocado. How does it change the flavor? Is the salt more or less pronounced, or is it unaltered? Taste the second sample (the one with only lemon juice). Add a pinch of salt and taste again. How does the salt affect the acid? Does it make the lemon flavor more pronounced? Now add enough salt to the third portion to make it taste noticeable salty to you (this could vary quite a bit depending on your tolerance for salt). Add a squeeze of lemon and see if that diminishes the salty flavor. Sweet and Salty Make a small batch of popcorn. Divide it into three portions. Sprinkle one with salt, one with sugar, and one with a combination of salt and sugar. Taste the three samples and concentrate on the way the salt and sugar affect each other. Another way to experiment with salt and sugar is add a pinch of sugar to a savory sauce, such as tomato sauce, and see how it changes the flavor. Or add a pinch of salt to a sweet sauce such as caramel or a custard and see if it intensifies the flavor. PART TWO: TEXTURE INTRODUCTION A friend of mine spent quite a bit of time in Cambodia over the space of several years. On her last trip back, her hosts held a banquet in her honor, which featured, among other things, fried crickets. Being a gracious guest, she summoned up her resolve and tasted one. When she was back in the states relating this tale, I asked her what they tasted like. Her response: "The legs were sharp and stickery, the outside was really hard and crunchy, and the insides were squishy." The reason I'm starting out with this story is not to disgust anyone, nor to make a point about cultural food choices. It's this: if you read her description carefully, you should notice something. (Pause.) Did 310 you get it? That's right -- her description says absolutely nothing about the taste of that cricket. It's all about texture. Sharp, stickery legs, hard carapace, squishy insides. Texture terms, every one. She's not alone in confusing taste and texture. For instance, if you read the copy on boxes of crackers or chips, chances are pretty good you'll see something about the "crispy" or "crunchy" taste. (Note to ad people: "crunchy" is not a taste.) Another example, this one from a cookbook. In The Elements of Taste, authors Gray Kunz and Peter Kaminsky describe one of their fourteen basic "tastes" as "Picante." "Peppery heat does have nerve endings on the tongue just like sweet, sour, salty and bitter, but they're not taste buds per se," they write. Continuing, they state, "Even if science doesn't recognize picante as a taste, try and tell that to a chef in Lima, Peru or Lafayette, Louisiana." With all due respect to these talented chefs, I still have to say, "Sorry guys, you can call 'picante' a taste until the world ends, but it's no more a taste than 'crunchy.'" Why do so many people mistake textures for tastes? In Part One of this class, I described how the same neural pathways that convey the basic tastes convey additional sensory information about the feel and temperature of what we're eating. Thus, we tend to experience all those sensations - the actual tastes and flavors and the way our food feels in the mouth - as part of one indivisible whole. It takes a moment or two of introspection to separate the various components of the sensory experience, and many people never take the time and effort to do so. Texture for them remains so invisible that they confuse it with taste. Yet texture is absolutely crucial in any gustatory experience, and concentrating consciously on texture as a separate element from taste is the second, very necessary step in analyzing the foods we cook and eat. We've seen (in Part One) that our sense of taste is limited to only a handful of true tastes. Of course, when you add in our olfactory sense, we can detect hundreds of flavors, but most of us actually experience a pretty limited range of flavors in our lives. In many cases, what provides the most variety in our food is texture. Other food cultures, including many Asian cuisines, treat texture more directly. They revel in some foods simply because of their texture. And often, the textures they love are textures that the typical Western palate finds unpleasant. I remember assisting a Chinese cooking instructor who was describing a certain mushroom he was adding to a dish. He translated the name as "slimy mushroom" and rather apologetically explained that the Chinese word for "slimy" just didn't have the negative connotations that we associate with the term. But while Americans might not consciously think about the texture of our foods, we care deeply about it. Take a look at any restaurant review, and count the number of words used to describe texture, compared with descriptions of taste. Crispy, crunchy, brittle, chewy, sticky, hard, soft, squishy, creamy, silky, slimy, oily, moist, succulent, dry and juicy are just some of the words you'll likely find that are all about texture, not taste. Don't believe me? Here's a sample, from the San Francisco Chronicle's online publication, sfgate.com: "The ravioli in cream sauce had an unpleasant grainy filling, the gnocchi were leaden and doughy, and fusilli in pink sauce was, well, fusilli in pink sauce. A braised veal shank was overshadowed by its accompaniment, toothsome strands of homemade tagliolini. The porcini cream sauce was good, but the mushrooms were sandy. There's nothing worse than grit in a sauce that's supposed to be buttery 311

157 and smooth (italics all mine)." Not only do all the italicized terms describe texture, but also if you read carefully, you'll notice that no terms in the paragraph say anything directly about taste or flavor. Look more closely, and you'll discover another thing about texture. In many cases, what we like and dislike about the texture of our food is a direct result of what we expect from a particular food. "Chewy," for example, is a textural feature that we like when we're talking about caramel or beef jerky, but not when we're talking about steak or biscuits. Or, as another example, think about the texture of custard compared with that of scrambled eggs. Many people enjoy both, but few would want the former with the texture of the latter. From a very informal survey (okay, sitting around talking over drinks with a bunch of food-oriented friends), I think, too, that the textures we like - even more so than the tastes we like - are dependent on the foods we grew up with (which, of course, color our expectations of food for most of our lives). Okra is a perfect example. Of all the times I've heard people talk about okra, two things stand out. First, no one ever talks about the taste. Second, almost without exception, Southerners like it, Northerners say it's gross and slimy. Something tells me that it's no slimier in the North than in the South, so it seems likely that the difference lies in what the two groups grew up eating. CATEGORIES OF TEXTURE "Texture," of course, is a very broad term, referring to different types of sensations. So what is texture, exactly? In the broadest sense, texture refers to the way food feels in the mouth, rather than how it tastes or smells. There are texture terms that describe the way foods feel against the teeth or how they coat the mouth, terms that refer to sensations of pain caused by some of the foods we eat, terms that describe the moisture content. Let's take a quick look. Toothy Terms Mention texture to the "person-on-the-street," and chances are very good he or she will think of the way food feels and breaks against the teeth. "Crunchy," "crispy," and "chewy," which might well be the three most commonly used texture terms, obviously refer to such sensations, as does the Italian term "al dente" (literally, "to the tooth"). (Interestingly, the term "toothsome" is not primarily about texture; its first dictionary meaning is "agreeable" or "palatable." However, restaurant reviewers seem to have kidnapped the term to stand in for "al dente," so I feel compelled to mention it here.) Obviously, since humans are born toothless, we don't start out liking chewy or crunchy food. We start out eating pureed food and gradually work our way up to foods that require more and more chewing. Because of this, soft foods can play an interesting psychological role for some of us -- many of our socalled "comfort foods" are soft, such as custard, hot cereal, Jello, or mashed potatoes. On the other hand, other people seem to develop an aversion to soft foods, which only illustrates how complex the human animal can be. As adults, most of us like the feel of crunching down on food, of biting into something that snaps against our teeth. Yes, we may like a perfectly silky pureed soup, but too much smooth, soft food soon begins to feel like a diet for an invalid or a toddler. Oftentimes, we'll incorporate a crunchy or crispy element into our softer foods for contrast: think of the topping on a gratin, toasted nuts sprinkled over 312 ice cream, or the crust on a crème brulee. From an evolutionary point of view, a propensity for crunchy food is certainly valuable: it helps to protect our dental health. And what about "chewiness" as a texture? Good or bad? In this case, it's especially true that it depends on our expectations. We certainly like some chewy foods: caramel, for instance. Beef jerky and other dried salted meats may have been a nutritional necessity to our ancestors, but many modern folks now eat it voluntarily. Nothing else can explain the popularity of gum. Still, there's generally a limit to the amount of chewing we want to do, and our tolerance varies with the type of food we're eating. More than crunchiness, our liking for chewy foods varies from culture to culture as well as from individual to individual. Americans have the reputation for liking softer food than many European cultures: think of the typical American sandwich of soft bread, lunch meats and soft cheese, compared with a French baguette topped with some chewy ham and Gruyere. Of course, American preferences are changing, as witnessed by the burgeoning popularity of "artisan" breads -- denser and much chewier (as well as more flavorful) than the breads we ate in the 50's and 60's. Moisture Level Perhaps fewer texture terms we use refer to the moisture content of our food, but those we do use show up frequently. Descriptions of fruit and meat, for instance, almost always include some mention of the moisture level -- juicy oranges, succulent chicken, dry steak. Baked goods are also evaluated, at least partly, in terms of their moisture content, although the more straightforward term "moist" is the one most often applied to cakes and pastries. When we eat foods that are not intrinsically moist, we often add moisture: plain potatoes, bread, or pasta are not foods most people choose over the sauced, buttered and otherwise lubricated versions. Children dip their cookies into milk; adults dip their biscotti into wine or coffee. Since, as we saw in Part One, taste molecules have to be dissolved for our sense of taste to be effective, it's no wonder we prefer moisture in our foods. But we don't want all our foods laden with moisture. Again, we have to get back to expectations here. If something is supposed to be crisp or crunchy and it isn't, we don't say it's "moist," we say it's "soggy." Now, it may seem as if I'm splitting grammatical hairs, but my point is that to most of us, some foods are supposed to contain moisture, and some aren't, and never the twain shall meet. Density Much human ingenuity has gone into leavening. Cooks have used numerous methods including chemical reactions (baking powder or yeast) and physical structure (whipping cream or eggs) to lighten the texture of foods from breads to mousse to cakes to souffles. Of course, we can only manipulate the density of certain foods -- those that require mixing. Baked goods, desserts and sauces are the serious contenders for playing with texture. Meat and vegetables, for example, keep pretty much the same density level regardless of what we do to them. It may seem that as far as density goes, the lighter, the better, but this is not always so. Sometimes we want our desserts dense -- think of fudgy style brownies or flourless chocolate cake. Sometimes we like a dense, chewy bread rather than a light and fluffy Parker House roll. Sometimes we want clotted cream instead of whipped cream, or a quiche instead of a souffle. 313

158 CHEMOSENSORY IRRITATION It might sound odd to talk about the burn of chiles as a texture. Certainly, this and other chemosensory irritations are categorically different from the kinds of textures we've been talking about so far. Yet all the burns and tingles we experience from mint, ginger, mustard and the like are non-gustatory, physical sensations directly caused by the foods we eat, and in that sense they fall into the broad category of texture. I began this class with a passage from Kunz and Kaminsky's book, in which I chided them for calling "picante" as a taste, but it's really not a surprising mistake. It seems bizarre to separate, for example, the taste of horseradish from the sinus-clearing, eye-burning sensations we experience when we eat it. Mint wouldn't be mint without the tingle; chiles aren't chiles without the burn. The fact is that we eat these foods much more for the irritation factor than for the taste or smell. Not that they don't have recognizable tastes and odors, but those are secondary to the feelings the foods cause. The big question about chemosensory irritations is this: Why do we seek them out? Why voluntarily eat things that irritate our mouths, eyes, throats, and, in some cases, our entire gastrointestinal tracts? There are various possibilities. Physically, it seems that capsaicin may increase the secretion of saliva and gastric juices, which would aid in digestion. Ginger, which has its own, albeit milder, heat, also aids in digestion and helps to prevent nausea. Chiles (as well as other spices and herbs) inhibit the growth of pathogens in food, which is a boon from an evolutionary standpoint. Other reasons are more psychological. Paul Rozin, a psychologist who has written about food-related behavior, posits that we do it in the same spirit that we ride roller coasters. That is, regulated doses of fear or pain excite our brains and bodies, and we like that. These mild irritations also provide a break for the palate; by momentarily capturing our attention, they give us a chance to pause (figuratively at least, and sometimes literally) before continuing on with our eating. And, as we saw in Part One with bitter foods, although we start out avoiding foods that are unpleasant (whether because of a bitter taste or irritating sensations), coming to like them is a measure of growing up for many people. One Thai cooking instructor I know told the story of visiting her niece and being greeted with the young girl's excited announcement that she now liked chiles. She was proud of the fact that she was becoming more adult in her tastes. Here's a look at some of the most common irritants we learn to enjoy. Capsaicin Various peppers have been embraced by virtually every cuisine in the world, from the fiery chiles used in Thai or Indian cuisine, to the myriad fresh, dried and smoked peppers used in Mexican and South American cuisines, to the paprika that defines so many Hungarian dishes. Capcaisin is the alkaloid compound responsible for their burn, whether mild or searing. Capsaicin is probably the most studied of the substances in food that cause chemosensory irritations. Researchers have isolated five "capsaicinoid" compounds, three of which cause "rapid bite sensations" in the back of the palate and the throat, and two of which cause a longer, lower-intensity burn on the tongue and mid-palate. Variations in the proportions and amounts of these compounds account for the different sensations we get from different chiles. 314 If you eat peppers much, you'll pretty begin to develop a tolerance for them. As we saw in Part One with strong flavors and odors, our threshold for various foods are not static; this is particularly true for capsaicin. Like any other type of pain we experience regularly, we grow accustomed to the burn of chiles, and it takes more and hotter varieties of them to excite the same sensations. That's a big reason that two people can have such a different perception of how hot a particular chile-infused dish is -- what's mild for a chile-head can be brutal for a novice. (Lest you heat freaks start to get cocky about your tolerance, though, just remember that if you stop eating them for a while, your tolerance will decrease and you'll be back where you started.) Mustard, horseradish and wasabi Mustard gets its heat from the reaction of the enzyme myrosin with glucosides in mustard seeds, which produces a very volatile oil, called (not surprisingly) mustard oil. Actually, there are several so-called mustard oils, but we can ignore that for now. The reaction only occurs when the mustard seeds are crushed and mixed with liquid, which is why you can take a big whiff of whole mustard seeds and feel nothing. Once they're crushed and moistened, though, only a tiny bit will cause watering eyes and irritate the nasal passages, as anyone who's inadvertently taken a big bite of Chinese mustard can attest. Mustard has been used in medicine as well as cooking for a couple thousand years, both in tinctures and applied externally to reduce inflammation. (Mustard oils, like capsaicin and other "counterirritants," work in this way by drawing blood to the surface of the skin and away from the deeper, inflamed areas.) Horseradish and wasabi are similar to mustard in both cause and effects. When grated, they form mustard oils as well. Much of the power of the mustard oils dissipates with heating, which is why dishes cooked with horseradish can be relatively mild, with only a hint of raw horseradish's bite. Although mustard, horseradish and wasabi can be staggeringly powerful, their "heat" is entirely different from that of chiles. Fist of all, we feel their effect primarily in the nasal passages rather than in the mouth. Second, although they can clear out your nasal passages faster than any decongestant, their effects are comparatively brief. As soon as your eyes stop watering from too much horseradish, you're ready for more. Other irritants The active oil in peppermint (and, to a lesser degree, in spearmint), menthol, is uniquely refreshing. At low concentrations, it temporarily raises the surface temperature of our skin, making our mouths feel cool and cool liquids feel downright cold. (If you're going to have your temperature taken, don't suck on peppermint candies -- your temperature will be artificially raised, as I discovered one time when I was giving blood.) In higher concentrations, it can be used as an anesthetic, or as a counterirritant like mustard oil. The active ingredient in clove oil, eugenol, has fast acting and powerful anesthetic qualities. In addition to their culinary uses, cloves have been used for thousands of years to freshen the breath and numb the mouth. Clove oil is still widely used for toothache. Carbonation The tingly feeling we get when drinking carbonated drinks is also caused by a chemical reaction. One of our many enzymes, carbonic anhydrase, which creates acid from carbon dioxide and water, 315

159 has been shown to play a big role in our sensing this "tingle." (Some medications given to glaucoma patients inhibit this enzyme; they can significantly alter the patients' experience of carbonation.) But unlike the other irritants I've been discussing, carbonation also has a physical side - all those bubbles physically alter the feel of the carbonated drinks. They keep the liquid from lying on the tongue for long; they pop and make the liquid "fizzy." Flat soft drinks taste sweeter and feel thicker without the "scrubbing bubble" effect of carbonation. Cheap sparkling wine (not that any of you would drink it) might be bearable when freshly opened, but all those off-flavors become painfully obvious after the carbonation dissipates, when all the wine can do is lie on your tongue and linger. Carbonation has an additional benefit: it can serve to cut through the heavy texture of rich and fatty foods. Since we're just about to turn to the subject of "mouthfeel," we'll be seeing carbonation again soon. MOUTHFEEL Chances are, if you're familiar with the term "mouthfeel," you associate it with descriptions of wine. Wine geeks always seem to go on about mouthfeel, which can seem extremely silly to wine novices. What is mouthfeel, you might ask, and why should you care about it? Good questions. One way to think about mouthfeel is this: take away all the other textural elements I've discussed, and what's left is mouthfeel. Okay, that's not terribly helpful, is it? Mouthfeel, then, involves the way foods coat or don't coat the mouth, whether they seem to linger or disappear immediately, whether they increase your saliva flow (lemon juice) or dry it up (tannins), whether they're smooth and silky or rough and "sharp" against the tongue. With liquids (beverages and sauces, primarily), mouthfeel includes the "body" or viscosity (how thick or thin the liquid is). Now let's see why we should care about mouthfeel. In the case of wine, beer, and other beverages, it's easy to see why mouthfeel plays such a big role in our descriptions. Without anything to crunch into or chew on, mouthfeel is very apparent. With food, some elements of it are more obvious than others. For instance, we tend to immediately tune into how smooth certain foods are or are not -- we notice right away if our hollandaise is lumpy or our ice cream is grainy. Overall, though, compared with all the chewing and crunching we do, with the various irritations we sense, and the density and moisture level of our foods, mouthfeel is pretty subtle. It can get lost among the other textural elements. But it's there in the background, and it very likely makes a difference in the way you perceive your food, even if you don't realize it. Most of this "subtext" mouthfeel involves how lasting, how rich, and how cloying our food is, which depends in large part on the fat level of the foods we're eating. Fats and oils, of course, influence the moisture content of our foods, but they also do a couple other things. They can lend viscosity to sauces and help make them smooth and "creamy." They cause food to linger on the tongue and in the mouth, providing a longer "finish" than foods without as much fat. They soften the feel of highly acidic or astringent foods, making them less "rough." 316 Maybe you've seen the ice cream commercial where the little kids are trying to read the ingredients listed on the labels. They stumble over all the multi-syllabic chemicals, and then turn to the advertised brand, which contains only "natural" ingredients. If, like I did, you run a Google search for "food," texture," and "mouthfeel," most of the results will be either wine descriptions or scientific treatises on the various chemicals used to create and maintain a smooth and rich mouthfeel. I'm not about to get into the argument about whether such additives are good or bad. The only point I want to make here is that many, probably most, of them are not added for flavor. They're there for texture. Like it or not, it's difficult to produce an ice cream that stays smooth, rich feeling and creamy for days, much less for weeks. And if it's difficult with a full-fat ice cream, it's virtually impossible with a nonfat version. That's the problem with low-fat versions of foods that are ordinarily fatty -- they may not taste that different from the regular versions, but they just don't feel the same. Since the low-fat craze hit, food manufacturers have spent millions of dollars on ways to make non- and low-fat foods feel like their full-fat cousins. Because, despite all our concern with "healthy" foods, the fact remains that we like the feel of fats and oils in our foods. If we don't get that feeling from at least some of our food, we notice the lack, and our gustatory experience is less satisfactory because of it. Fat, acid, and astringency But too much of a good thing, in this case, is not so great. Too much rich food can coat the mouth and tongue too thoroughly, feeling unpleasantly heavy and cloying. Most cooks understand this at some level, even if they can't articulate it or don't even consciously think about it. We use a variety of techniques to cut through the heavy mouthfeel of foods high in fats and oils. Whipping cream, for instance, introduces thousands of tiny air bubbles into the cream, which physically lift it from the tongue, giving it a lighter, less cloying feel than plain cream. Mostly, though, we rely on two very different categories of ingredients to counter the heaviness. First, a touch of astringency serves to cut through high-fat dishes. Certain foods and their components are naturally astringent, meaning that they dry out the mouth. This seems like something unpleasant, and too much of it often is. But a little astringency can work to (figuratively) scrape out the mouth, refreshing the palate by giving it a stopping point, so to speak. Sometimes the astringent ingredient is in the dish itself - a bed of arugula, for instance, working as a foil to a richly sauced beef. More often, it's in the beverages we choose to drink with rich foods - think about the hops of beer and tannins of red wine cutting through the fat in such dishes as fish and chips or roast lamb. Or a cup of tea with rich pastries. The other major technique for balancing the rich mouthfeel of high-fat foods is to add some acid. We saw in Part One that acid balances sweetness; just as it cuts through the cloying taste intensely sweet foods, it also acts to cut through the cloying feel of fatty and oily foods. Think of salad dressings without vinegar, a beurre blanc without the wine reduction, or Hollandaise without the lemon juice. They'd be too much on the palate without the touch of acid. Introducing a tart sorbet between rich courses in a many-coursed meal was a common technique that's making a comeback. And, of course, we can also get our acid in our beverages, just like we do our astringency. Most white wines get their palate cleansing qualities from their acid, not from tannins. 317

160 It generally takes very little of an astringent or acidic ingredient to counteract the fat in many dishes. Too much acid or astringency is just as unpleasant as too much fat. It's all about balance. Let's look at a simple salad of greens dressed with a vinaigrette. In most American restaurants and many homes, plain lettuces have given way in salads to mixtures of greens, many of which are mildly astringent and bitter. At the same time, Americans seem to have tended toward more and more acidic vinaigrettes, compared with their European counterparts. It's easy, given these two trends, to go overboard and end up with a salad that's unbalanced. In most cases, all it takes to bring it back into balance is a bit more oil in the dressing, or a bit of cheese. The additional richness makes the acid dressing and astringent greens behave themselves. Umami and mouthfeel We saw in Part One that the umami, or savory, taste is, most certainly, a real taste. But as I mentioned then, umami has a textural element that's even more important (I think) than its taste. Foods that are high in glutamates have a richness and a depth that's lacking in foods without them. Remember the researcher who described umami as that "mouth-filling" sensation? That pretty much sums it up. Ingredients that are naturally high in glutamates contribute a quality of richness to the dishes where they appear. For instance, it's very surprising to many people, on eating their first Thai salad, to find that the dressing generally contains no oil -- the fish sauce provides the unctuous feeling they associate with oil. If you leave out the fish sauce, the salad will not only taste less complex, but it will also feel less satisfying. Food manufacturers that add MSG (monosodium glutamate) to their products do it as much for mouthfeel as they do for flavor. If you tried the exercise at the end of Part One involving MSG, you probably noticed that the water with MSG not only tasted vaguely brothy, but it also felt fuller on the tongue than plain water. I unabashedly admit to adding a pinch of MSG to many dishes, especially soups with meat and poultry. I don't do it for the flavor, I do it for the mouthfeel. You don't have to follow my lead, though. There are plenty of ingredients, like fish sauce, with natural glutamates. Experiment with mushrooms, aged cheeses, cured meats, Worcestershire sauce, or grapefruit to alter the mouthfeel of the dishes you cook or eat. TEXTURE AND TASTE So, now that we've separated texture from taste and we understand it a little better, let's turn around and put them back together (come on, you knew I would do this, didn't you?) They don't, after all, exist independent from each other; they're part of a package. Texture can affect flavor in a couple of important ways, so let's start with that. First, the texture of the food we eat helps to determine how much of the surface area can interact with our taste cells. Think about the difference in flavor intensity between carrot chunks, grated carrot and carrot juice. Put a big chunk of carrot in your mouth, and you don't taste much until you crunch down on it and break it into smaller pieces. Taste a spoonful of grated carrot, and the flavor is much more apparent. Sip on a glass of carrot juice, and you get a blast of carrot flavor immediately. 318 The length of time food spends in the mouth also obviously will affect how strong its flavor seems. We've seen that viscous liquids and rich foods coat the mouth; their tastants thus spend more time with the taste cells than thinner liquids and leaner foods, so they often seem more flavorful. Dense foods, likewise, come into contact with more taste cells than do aerated, lighter foods. Chewy foods take longer to break down enough to swallow than do softer foods, so we get more flavor from them. Does this mean that we want to limit ourselves to those textures that promote the greatest flavor? No, not at all. If you've learned only thing from this class, I hope it's that variety makes the our culinary world go round -- contrasting and balancing textures is just as important to our gustatory pleasure as combining and balancing tastes and flavors. We're human; it's in our nature to embrace variety. THE NEXT STEP Building on all the practice you've had analyzing the flavor of your foods, now you can begin to combine that with an awareness of their textures. Concentrate on all the crispy, crunchy, soft, silky creamy, puckery, chewy, moist, hot, succulent, and tingly aspects of your foods, and I promise you'll get more out of your cooking and dining. EXPERIMENTS Noticing Texture Pick out two or three restaurant reviews from your local paper. Go through them and underline all the words that describe or refer to flavor (salty, smoky, sour, flavorful, etc.). Then, go through them a second time, and circle all the words that describe texture. Some words may fall into both categories ("buttery," for example, often refers to the flavor of butter, but sometimes describes a texture. Likewise for "meaty"). Compare the number of underlined to circled words. Texture and Flavor This takes a few carrots. Puree one carrot into juice (or buy some carrot juice). Shred one, mince one, dice one, and cut one into large chunks. Taste the various forms of carrot. How does the texture affect the flavor? Fat and Mouthfeel Run out and buy small cartons of milk with differing fat contents -- non-fat, 1%, 2%, regular, and ideally, extra rich (4%). Also get a carton each of half and half, light cream, Umami and Mouthfeeland heavy cream (if you're not in the U.S., you may have different options, but the point is to buy as wide a variety as you can.) Starting with the non-fat (or lowest fat) variety, take a sip of the milk, concentrating on how it coats your mouth -- how thick it feels, how long it lingers. Proceed through the rest of the samples, moving from least fat to most fat (you may want to pause every two or three for a drink of water or a bit of a mild cracker). How does the fat content influence the mouthfeel? Which one feels the most pleasant? The least pleasant? 319

161 Umami and Mouthfeel Repeat the umami experiment from Part One: dissolve a half-teaspoon or so of Ac'cent in a cupful of warm water. Taste the mixture. This time, compare it with a sip of plain water the same temperature and concentrate on the differences in the way it feels in the mouth. Does the MSG made the water feel richer? Does it feel as if it's coating your mouth? Balancing Fat and Acid You'll need oil and vinegar or lemon juice for this, plus a few leaves of lettuce. First, pour a little oil into a bowl, and a little vinegar or lemon juice into another. Mix vinaigrettes in the following proportions: one oil to two vinegar, one oil to one vinegar and two vinegar to one oil. Beginning with the plain oil and ending with the plain vinegar, dip a small piece on lettuce into each and taste it. Note how the mouthfeel changes as the acid increases. Which mixture works the best for you? If you like, repeat the experiment using an astringent green such as arugula. Does your preference change? A.18. les séminaires de Gastronomie Moléculaire "du jeudi" Tous les 3 e jeudi du mois (depuis le 9 novembre 2000) ont lieu à l Ecole Supérieure de Cuisine Française 136 des séminaires de Gastronomie Moléculaire animés par Hervé This. L objectif de ces séminaires est de réunir divers acteurs de la filière alimentaire (industriels, cuisiniers, scientifiques, enseignants) afin d étudier les procédés culinaires, d en comprendre les mécanismes et de les débarrasser de leurs scories (actes inutiles répétés «par tradition»). Chaque séminaire comprend - la présentation et discussion des résultats obtenus sur les thèmes passés - la mise en comment des réflexions et pratiques sur le thème du jour, avec répartition des expériences à entreprendre - la communication de points divers (manifestations, congrès, cours, associations, etc). Ces séminaires se focalisent sur les techniques culinaires, mais on peut toujours évoquer les conséquences nutritionnelles, diététiques, hygiéniques ou sanitaires des procédés employés. Chaque thème proposé est systématiquement abordé en suivant l ordre 1) discussion de la problématique 2) dictons et procédés rapportés 3) expériences réalisées et à réaliser. Pour cette dernière partie, on essaye de définir clairement les objectifs et on veille soigneusement à l élaboration du protocole (précision, reproductibilité). Les comptes-rendus sont disponibles sur de nombreux sites internet 137. L ensemble des thèmes abordés depuis le premier séminaire est listé ci-après. J'ai de plus ajouté, pour exemple, le compterendu du 50 e séminaire Centre Grégoire Ferrandi, 28 rue de l abbé Grégoire, Paris ( 137 Consulter par exemple le site de la Société Française de Chimie ( 321

162 Liste (non exhaustive) des thèmes abordés depuis 5 ans aux séminaires de Gastronomie moléculaire de l ESCF Compte rendu du Séminaire INRA de gastronomie moléculaire N 50, Octobre 2005 Thème : On dit que la carotte ou le sucre absorbent l acidité dans une sauce tomate. On dit qu une pomme de terre trempée dans une sauce trop salée en enlève le sel. 1. Blancs en neige 2. sel sur la viande 3. Cuisson du chou fleur 4. les soufflés 5. cuisson des asperges 6 les macarons 7. cuisson des artichauts 8. les ustensiles en cuisine 9. omelette de la mère Poularde 10. cuisson des champignons sauvages 11. le flambage des vins de cuisson 12. la crème anglaise 13. l onctuosité des béchamels 14. les dénominations 15. la cuisson en croûte de sel 16. battage de la viande 17. tranchage des veloutés crémés 18. salage et saumurage viandes et poissons 19. les bisques 20. cuisson à la vapeur 21. les caramels 22. sabayon 23. béarnaise 24. sauces liées à la farine 25. mayonnaise 26. à propos de «cuire» 27. fruits rouges 28. fruits confits/ confire 29 cuisson des pâtes 30 pâte feuilletée 31 cuisson de la viande 32 conduction métallique des casseroles 33 trempage/cuisson dans du lait 34 cuisson du bouillon 35 les meringues 36 les fruits confits 37 cuisiner avec des additifs, des colorants le brunissement des oignons 39 le beurre noisette 40. pommes de terre soufflées 41. vannage des sauces 42. acidité des coulis de tomate 43. marinades 44. génoises 45. crêpes 46. I. Examen du thème du mois : Reçu de Daniel Bocquet : La carotte est moins acide qu'une sauce acide. Le ph de la tomate est toujours inférieur à 4,5 et celui des carottes est entre 6 et 6,5. Donc l ajoute de carotte à une sauce tomate remonte le ph de l ensemble. De surcroît, les saveurs sucrées masquent la perception acide, mais ceci est du domaine du sensoriel. A noter qu il existe des substances édulcorants plus masquants encore que le sucre : la «miraculine, par exemple, est extraite d un végétal africain qui masque très bien les saveurs acides ; toutefois, cette substance n est pas stable chimiquement, de sorte qu elle n est pas utilisée par l industrie alimentaire. Dans le cas du sel, c est une osmose qui expliquerait la réduction de la saveur salée. Christophe Lavelle a cherché des citations relatives au thème du mois sur Internet (Google) : avec les mots clés «tomate», «acidité», on trouve de très nombreux sites qui proposent de réduire l acidité des sauces tomates par l ajout de bicarbonate, de sucre, de carottes, de carottes coupées en deux ou râpées. Certains sites signalent également la «précision culinaire» relative à la pomme de terre et au sel. Les cuisiniers présents au Séminaire signalent pratiquer les deux précisions, à une forte majorité. Isaac Gani utilise également les carottes et le sucre pour corriger la saveur des concentrés de tomates (effet également signalé par Martine Albertin). Un participant signale que la carotte ajoute un goût de carotte. Il lui est répondu que les sauces tomates contiennent déjà de la carotte. H. This rappelle que l acidité perçue est bien différente de l acidité mesurée par le ph : le même vinaigre sera acide ou sucré, selon qu on y a ou non ajouté du sucre, pourtant son ph n est pas modifié par le sucre. Camille Duby discute l analyse de D. Bocquet : la question est de savoir si la carotte ou le sucre diminuent l acidité perçue ou le ph. Odile Renaudin mentionne que, si les hydrocolloïdes réduisent le goût, on pourrait faire l expérience de les ajouter à une sauce tomate acide pour voir si l acidité est réduite. Elle a testé quatre coulis de tomate (150 g de coulis de tomate, divisés en lot : lot témoin ; lot de 45 g de coulis avec 5 g de sucre ; lot de 49.5 g de coulis avec 0.5 g d agar agar ; lot de 49 g de coulis avec 0.5 g d alginate de sodium et 0.5 g de sucre. Le résultat est le suivant : l ajout d hydrocolloïde masque l acidité et modifie la texture. Avec l agar, l acidité est très diminuée, mais la texture est un peu sableuse. Avec l alginate, résultat très satisfaisant : l alginate masque l acidité, et donne de l onctuosité. Christophe Lavelle prévoit de refaire l expérience, et les participants discutent de la sauce tomate à réaliser. On propose 10 pour cent de sucre, mais la quantité est discutée, en raison des différences de qualité des tomates. On évoque l ajout de 30 g de carottes pour 100 g de coulis, et de 10 g de sucre pour 1 kg de coulis. Les cuisiniers de Dalloyau sucrent à moins de 5 pour cent, mais ils contrôlent surtout en goûtant, et adaptent la dose nécessaire à la qualité des tomates. Ils signalent que le sucre adoucit l acidité, mais relève aussi le goût. Le chef de la Délégation du Québec utilise 10 pour cent de sucre au maximum. Juan Valverde a testé l utilisation du bicarbonate de sodium : la texture est modifiée. A ce propos, Marcel Fraudet indique qu il en ajoute parfois au vin. Pour les tests de la précision culinaire évoquée, Camille Duby signale qu il faudra prendre garde aux accoutumances. Il faudra faire des essais préalables, et déterminer le protocole en fonction des résultats de ces essais. Il est prévu que les tests soient faits à l ESCF. Pour la question de la pomme de terre, un chef de Dalloyau signale qu il a ajouté 200 g de pomme de terre à un sauté de bœuf trop salé (avec 200 g de viande). La cuisson des pommes de terre a éliminé du sel de la sauce

163 On évoque l effet potentiel d une tranche de pain : le pain étant salé, en fin de cuisson, il devrait avoir enlevé du sel en excès. On évoque l hypothèse de l amidon, qui capterait le sel. Robert Méric signale qu il st sans doute utile de couper les pommes de terre en rondelles, afin d augmenter la surface de contact. Il propose une expérience qui consisterait à peser des matières sèches. Martine Albertin signale que l ajout de pomme de terre modifie gustativement le goût de la sauce. Denis Voll évoque l hypothèse selon laquelle l amidon, en s empesant, capterait du sel. Les participants discutent pour savoir si l absorption est sélective, en faveur du sel. Est alors faite l expérience (par Yolanda Rigaut) de peler et couper des pommes de terre, qui sont ensuite lavées, et cuites dans deux casseroles emplies de la même quantité d eau ; l une est bien salée (quantité pas mesurée, dosage en goûtant) et l autre contient environ quatre fois plus de sels, et est trop salée. La cuisson est démarrée à l eau froide (souvent, le démarrage se fait à chaud). On décide d attendre la cuisson des pommes de terre (4 rondelles, soit une pomme de terre), soit 20 min. Lors de l expérience, la question du protocole est discutée : sans couvercle, la concentration en sel risque de changer en raison de l évaporation différente de l eau. On décide, pour cette expérience tout à fait préliminaire, de porter les deux casseroles à ébullition, afin d évaporer de façon la plus proche possible. La sauce peu salée montre peu de différence, avec ou sans pomme de terre. La sauce trop salée également. L effet prétendu n est donc pas visible, dans les conditions de cette expérience préliminaire. Lors de la discussion entre les participants, s impose la question essentielle : le sel de l eau de cuisson, lors de la cuisson des pommes de terre à l anglaise, entre-t-il dans les pommes de terre? Autrement dit, est-il utile de saler l eau de cuisson des pommes de terre cuites à l anglaise? Il est surprenant qu aucun participant, cuisinier ou scientifique, n ait de réponse à cette question! Marc Bernard propose de faire l expérience qui consistera à cuire des pommes de terre dans de l eau salée ou non, et à séparer (et goûter) l intérieur et la périphérie, après lavage rapide. La question évoquée est poursuivie par une autre question : dans l eau qui empèse un grain d amidon, le sel entre-t-il? Grain d amidon gonflé : absorbe le sel? Méthode : Résultats qualitatifs : On pose la casserole contenant le vin sur la plaque, on ajoute la gélatine, on chauffe pour la dissoudre, puis on ajoute le beurre et, selon les cas : - on fouette (Exp. 1) - on vanne (Exp. 2) 1. Pas de différence manifeste de couleur 2. Différence d apparence de surface (un peu de gras qui flotte dans Exp. 2) 3. Au microscope, on voit des gouttes beaucoup plus grosses 4. Très peu de bulles d air, proportion analogue dans les deux cas. Résultats quantitatifs : La taille des gouttes de matière grasse est mesurée : Exp. 1 : distribution entre 0,2 et 2.1 Exp. 2 : distribution entre 0.2 et 9.5 Attention : il faudra prendre une photo et faire une distribution. Estimation des incertitudes : Précision de la mesure au microscope (environ 1/100 de la taille des gouttes) Observations pendant l expérience : Calculs (interprétations, modélisations, etc.) Discussion (explication des résultats, étude du pourquoi) : Evaluation : Etonnamment, le vannage suffit à émulsionner le beurre A faire A faire après les calculs Expérience à reproduire II. Résultats d expériences relatives aux thèmes des Séminaires précédents. II. 1. A propos du vannage : H. This a comparé le vannage et le fouettage au microscope optique. Voici le compte rendu (à noter que ce type de compte rendu est systématique au sein du Groupe INRA de gastronomie moléculaire ; les cases vides appellent des remplissages) : Compte rendu d expérience : Vannage des sauces Conclusions : Propositions pour améliorer la technique et les résultats : Après la reproduction et les calculs Photographie du champ au microscope, analyse d image pour déterminer des distributions de diamètres de gouttes de matière grasse Objectif : Observations préliminaires, raisons de l expérimentation : Nom de l expérimentateur : Chercher une différence éventuelle entre une sauce au vin (montée au beurre) vannée ou fouettée. Pierre Gagnaire avait signalé que le vannage de ces sauces les rend «plus brillantes» que quand elles sont fouettées. On supposait que la différence (éventuelle) résultait de l introduction de bulles d air par le fouet, ce que l expérience effectuée au Séminaire de Septembre 2005 semblait montrer Hervé This Signature (pour attester des questions de priorité scientifique et brevets) : Marcel Fraudet signale que le vannage s applique surtout à la crème anglaise, que l on refroidit en vannant. Au mixer, elle est plus liquide (un chef s en aperçoit immédiatement). Le vannage s impose pour le goût, et non la brillance : la crème anglaise est «meilleure» quand elle est vannée que quand elle est mixée. Date : 26/09/2005 Juan Valverde signale une recette basque de brandade de morue. On cuit le poisson avec la peau dans une poêle, avec de l huile d olive ; le vannage assure l émulsification (la peau libèrerait des tensioactifs : le collagène?). Réactifs (bp, sécurité, pureté, provenance, etc.): Matériels : Du beurre (Président) : M1 = g ; M2= 61,873 Du vin (Bordeaux, Vin Le Galion) : on prend 100 ml dans les deux cas (mesurés bécher) De la gélatine alimentaire : m1= 6,283g ; m2=6,0082 Balance de laboratoire Horeau g Casserole (toujours la même) Plaque chauffante (réglée au maximum, et préchauffée (>15 min) 324 II. 2. A propos de pommes de terre soufflées : Des participants de ce séminaire N 50 qui n ont pas assisté à la démonstration de Georges Roux posent des questions déjà évoquées. Certains doutent du résultat ; on les renvoie au Compte rendu du séminaire où G. Roux est venu faire sa démonstration. 325

164 III. Points divers : III. 1. Odile Renaudin rapporte l annonce de la journée «A la découverte des additifs», au Palais de la découverte : Pendant la Semaine de la science, H. This a organisé, au Palais de la Découverte, une réunion nationale des animateurs d Ateliers de gastronomie moléculaire. Cette manifestation a été l occasion de mentionner le projet européen Inicon, de transfert technologique, et d annoncer (par des expériences, notamment) la journée «A la découverte des additifs culinaires». Une des expériences a consisté à fouetter des blancs d œufs en neige pendant 1 min ; la mousse formée a été divisée en trois parties égales. Dans une partie (10g), on a ajouté 10 g de sucre ; dans une autre partie, on a mis 1 g de xanthane ; dans une troisième partie, on a mis 1 g d alginate. On a montré une différence de fermeté, mieux avec les additifs qu avec du sucre. Le lendemain, seule la mousse contenant du sucre avait drainé. La tenue était très bonne avec la gomme xanthane, un peu inférieure pour l alginate. A la dégustation, les résultats étaient bons dans les trois cas. Odile Renaudin rapporte la genèse de la manifestation envisagée : l idée de cette manifestation est née lors du Séminaire extraordinaire 2005 : «Peut-on cuisinier avec des additifs? Peut-on cuisiner avec des colorants? Peut-on cuisiner avec des compositions odorantes?». Il est apparu qu il serait intéressant d inviter des cuisiniers en formation à utiliser les nouveaux ingrédients. Une commande groupée d échantillons a alors permis à des participants du Séminaire de faire des essais. La Journée se fera de la façon suivante : les personnes souhaitant y participer devront le signaler à Odile Renaudin (par redaction@sciencesetgastronomie.com), qui leur fera envoyer par la poste des échantillons (et des fiches produits, incluant des protocoles d utilisation) en quantité suffisante pour faire des essais. Les essais les plus originaux (par catégories : élèves de Première et Terminale de Lycées professionnels, élèves ingénieurs, professionnels ) seront sélectionnés entre le 15 février et le 15 mars, pour une restitution publique le 31 mars. Sont déjà inscrits : les étudiants de Licence Biochimie alimentaire et gastronomie moléculaire de l Université Paris VI, le Lycée hôtelier Jean Monnet de Limoges. III. 2. Une pétition pour réintroduire les enseignements de cuisine à l école : Christophe Lavelle signale que H. This est à l origine d une pétition visant à réintroduire des enseignements culinaires dans le cursus scolaire (premier degré). Cette pétition se trouve à l adresse : III. 3. Cinquante Séminaires : L Ecole supérieure de cuisine française invite les participants présents à boire une coupe de champagne, afin de fêter l anniversaire du Séminaire INRA de gastronomie moléculaire : c est le N 50! IV. Thème du prochain séminaire : Juan Valverde propose d étudier l idée selon laquelle les abricots deviennent plus acides quand on les cuit. La proposition est repoussée jusqu à la saison des abricots. On retient plutôt la question suivante : La marinade attendrit-elle les viande? A.19. les chroniques d Hervé This Hervé est l auteur de nombreuses rubriques mensuelles, notamment dans Pour la Science et dans la Cuisine Collective. Les premières présentent (sur une page) l analyse scientifique d une observation culinaire ; les deuxièmes sont en général présentées en rapport avec les séminaires de gastronomie moléculaire de l ESCF (cf annexe précédente), ou plus généralement sur des questions "brûlantes" des métiers de la restauration. Ce sont deux exemples de ces chroniques que je transcris ci-dessous (parues respectivement en février 2002 et janvier 2006 dans la Cuisine Collective), occasion pour le lecteur de découvrir d'une part une remise en cause d'un principe fermement ancré dans l'enseignement traditionnel et, d'autre part, une question essentielle en cuisine : comment donner de l amour? LES THEORIES DE CUISSON REMISES EN QUESTION (La Cuisine Collective, février 2002) La plupart des cuisiniers ont l'habitude de saisir la viande jusqu'à obtenir une sorte de croûte en surface. Cela permettrait d'obtenir un rôti bien juteux et goûteux à l'intérieur. Un autre truc consiste à démarrer la viande bouillie à l'eau froide de façon à en faire sortir les sucs et parfumer ainsi le jus de cuisson. Ces idées, qui remontent très loin dans l'histoire, sont tellement ancrées dans la culture professionnelle qu'elles sont enseignées dans les écoles et les lycées hôteliers. Or ces théories sont fausses. Hervé This est en partie responsable de cette remise en question. Il a mené des expériences suite à la lecture d'un livre référence dans la profession. Il revient aujourd'hui sur ces sujets convaincu que l'enseignement doit se reformer culturellement en se basant non pas sur des intuitions mais sur les acquis scientifiques les plus modernes. Le branle-bas de cuisson. Vous vous souvenez que je vous ai promis de faire ici le compte rendu des Séminaires de gastronomie moléculaire. Plusieurs mois de suite, j'ai dû déroger, mais, le mois dernier, j'y suis parvenu, et je vous ai raconté comment les professionnels de divers horizons qui se retrouvent à l'ecole Supérieure de Cuisine Française, chaque troisième jeudi du mois, ont exploré les odeurs de cuisson du chou-fleur. Ce mois-ci, ma promesse voudrait me pousser à vous raconter un autre séminaire, mais les événements en ont décidé ainsi : la rédaction de La Cuisine Collective a entendu parler d'un bouleversement de l'enseignement culinaire dont j'étais en partie responsable, et elle m'a demandé de ne pas laisser les lecteurs de la revue à l'écart de cet événement. Donc, je repousse le compte rendu de séminaires et je raconte ce que je dois. Tout a commencé avec mes expériences sur la cuisson des rôtis. J'avais lu dans un livre intitulé La cuisine à l'usage des familles, par la Société des cuisiniers de Paris (le livre de la profession), Eyrolles, Paris (sans date), p. 414 : " Les viandes noires demandent à être saisies, c'est-à-dire soumises à l'action d'une chaleur assez vive pour se trouver rapidement enveloppées d'une couche rissolée et résistante qui forme barrière et s'oppose à la sortie du jus. Ce résultat obtenu, l'intensité calorifique doit être

165 diminuée pour faire place à une chaleur moins forte, mais soutenue, à une chaleur pénétrante, qui, progressivement, s'insinue dans les couches intérieures de la viande. Si la chaleur de début était maintenue, l'enveloppe rissolée se transformerait en une croûte brûlée, qui ferait obstacle à cette pénétration. L'extérieur de la pièce serait carbonisé, et l'intérieur resterait à peu près cru. Dans un rôti bien conduit, il se produit le même phénomène que dans une viande grillée : la chaleur périphérique gagne en profondeur par étapes successives, refoulant le jus vers l'intérieur, jusqu'à ce que celui-ci, frappé de tous côtés, s'échauffe et devienne à son tour un agent de cuisson. Il n'en est pas de même en ce qui concerne les rôtis de viandes blanches, dont les sucs existent à peine ou se présentent sous forme de jus gélatineux ". Description périmée? En tout cas, c'est à peu de choses près ce que l'on trouve dans les livres actuels, d'enseignement ou à l'attention du grand public. Par exemple, un grand cuisinier actuel (que j'admire sincèrement, mais pas pour cette phrase) écrit dans un de ses livres : " Pour tenter d'échapper à la chaleur de cet instrument de torture [il s'agit du four], le sang reflue vers le cœur du morceau. " Et puis, ne parle-t-on pas de cautérisation des viandes saisies? De croûte qui retiendrait le jus? Par exemple, le grand Auguste Escoffier écrit dans La cuisine (page 395, pour ceux qui voudront vérifier) que le rissolage " a pour but de former autour de la pièce une sorte de cuirasse qui empêche les sucs intérieurs de s'échapper trop tôt, ce qui transformerait le braisé en bouilli ". Et puis encore, ne fait-on pas reposer le rôti après le rôtissage afin que les jus qui ont afflué à cœur puissent se redistribuer dans l'ensemble de la viande? D'autre part, à propos du bouillon, on écrit que la viande doit être cuite dans l'eau froide, sans quoi, l'albumine coagulant en surface, les jus ne pourraient passer dans le bouillon, qui aurait peu de goût. Là encore, je préfère ne pas citer le cuisinier français contemporain (trois étoiles) qui a récemment écrit : " Mettez toujours votre viande dans l'eau froide, car l'eau bouillante empêche les sucs contenus dans la viande de se marier à l'eau. [ ] Au contact de l'eau bouillante, l'albumine coagule et emprisonne les sucs. " Ces idées que propagent les praticiens figurent dans les manuels qui sont utilisés par tous les jeunes cuisiniers en formation. Et c'est ainsi que l'on parle de cuisson par concentration, cuisson par expansion ou par extraction (selon les auteurs), et de cuisson mixte. Oui, mais Les insuffisances de l'intuition Mais pour un physico-chimiste, ces descriptions ne sont pas satisfaisantes. Dans le cas du rôti de bœuf, le jus ne peut pas s'accumuler à cœur, car la viande est pleine d'eau, laquelle est incompressible. Dans le second cas, celui du bouillon, même si une croûte se formait en surface, elle ne parviendrait probablement pas à retenir les jus pendant les trois à six heures que dure la cuisson et cette prétendue croûte n'est pas imperméable, puisque même celle qui se forme autour d'un steak saisi ne prévient pas la sortie des jus : la preuve, le steak nage bientôt dans une flaque de jus, quand il repose 328 après la cuisson. Et puis, toutes les explications qui sont ainsi données sont des intuitions qui n'ont pas été mesurées. D'où la nécessité d'une recherche : c'est celle que s'impose la Gastronomie moléculaire. Mettons donc les choses à plat, et regardons ce qui est dit dans les établissements d'enseignement culinaire à propos de cuisson, c'est-à-dire - insistons - du cœur du métier de cuisinier. On enseigne (pour encore peu de temps, j'espère) qu'il existe trois types de cuisson : la cuisson par concentration, la cuisson par expansion (certains disent extraction), et les cuissons mixtes. Des expériences simples montrent que cette théorie est fausse. Et c'est parce que je le répète dans les lieux les plus variés que le milieu de la cuisine s'agite. Quoi, on enseignerait des choses fausses depuis des décennies? On me demande des comptes, je les donne, et la communauté des cuisiniers et des enseignants prépare un changement merveilleux : se rapprocher des faits, des expériences, et laisser tomber les théories périmées. Pas de concentration de jus dans le rôti de bœuf Evidemment, je dois à mes interlocuteurs des éclaircissements : on n'attaque pas une théorie séculaire sans un minimum de justification. Et comme la meilleure justification est l'expérience reproductible par tous, ce sont des expériences que je vous propose maintenant de faire. Si vous doutez de ce que j'avance, n'hésitez pas : faites ces manipulations simples. Commençons par la cuisson dite par concentration. La pièce de bœuf rôtie au four en est le prototype, et, dans les manuels d'enseignement de la technique culinaire, on représente un cercle (le périmètre du rôti), avec quatre flèches dirigées vers le centre du cercle. Dans certains cas, des phrases qui accompagnent le schéma disent que les saveurs se concentrent dans la viande. Commençons par une précision : la saveur n'est pas le goût, mais seulement la perception que donnent les papilles gustatives (on devrait dire " sapictives "), ces zones rondes de la langue qui nous disent qu'un aliment est salé, par exemple. Regardons-y maintenant de plus près. Tout d'abord, il n'y a pas de concentration des jus. La preuve? J'en ai plusieurs à vous donner. Premièrement, regardez la sauteuse où se trouve le rôti : un produit brun y attache. C'est du jus qui est sorti de la viande en cours de cuisson, dont l'eau s'est évaporée, et dont les molécules ont été chimiquement modifiées par la chaleur intense du four. Une autre preuve? Je vous ai dit que la viande était un corps plein d'eau (de jus, si vous préférez). Comme un ballon d'enfant plein d'eau, ou une éponge pleine d'eau. Que se passe-t-il quand on presse une éponge? L'eau en sort. Et quand on cherche à comprimer un ballon? Des protubérances se forment entre les doigts. Car, je le répète, l'eau est incompressible (ce qui permet, tous les garagistes le savent, de faire fonctionner les vérins hydrauliques). Donc le jus ne peut pas se concentrer. Une autre expérience simple montre que les jus sortent de la viande en cours de cuisson : pesez la viande avant et après la cuisson. La perte de masse résulte de la perte de jus. De plus, une expérience toute simple montre que la viande perd du volume (son jus) en cours de cuisson : utilisez un récipient (par exemple un verre doseur) où vous placez la viande, et mesurez la quantité d'eau à ajouter pour recouvrir la viande et 329

166 atteindre une graduation du récipient ; puis sortez la viande, cuisez-la et, une fois la cuisson effectuée, remettez la viande dans l'eau : vous verrez qu'il faut alors ajouter de l'eau pour atteindre la graduation choisie. C'est la preuve que la viande a moins de volume après qu'avant la cuisson. Et, enfin, pour les très courageux bien outillés, il restera l'expérience compliquée qui consiste à doser la teneur en eau d'un cœur de rôti de bœuf avant et après cuisson. L'expérience montre que, pour le cœur, rien ne change. Donc il n'y a pas d'expansion de la viande qui est bouillie. D'ailleurs, il est exact que le bouillon est enrichi du jus sorti de la viande, mais ce jus a changé, lors de la cuisson : ce qui caractérise cette cuisson, c'est le fait que le jus dilué a réagi chimiquement et a pris un goût intéressant. La preuve? Comparez l'eau obtenue par dissolution puis filtration à partir de viande hachée, et le bouillon obtenu par cuisson de la même viande hachée : rien à voir! Ce n'est donc pas l'extraction qui est importante, mais la réaction chimique qui fait le bon goût du bouillon. Pas de concentration de goût ni de chaleur Bon, me dit-on, d'accord, il n'y a pas concentration de jus, mais de saveur. Voire La chaleur intense du four provoque un brunissement de l'extérieur du rôti, lors de la cuisson dite faussement par concentration. Pourtant ces molécules qui résultent de réactions chimiques variées n'entrent pas dans la viande. La preuve? Une fois la viande rôtie, éliminez la couche superficielle brunie, et goûtez la partie interne : elle n'a pas ce goût de viande rôtie (pour la même raison, le sel n'entre pas dans un steak que l'on grille). Ah, voilà qui est désolant. Qu'est-ce qui pourrait donc se concentrer? Ceux qui s'accrochent à la vieille théorie, qui ont abandonné (à regret) l'idée d'une concentration de jus ou de saveur, trouveront bien quelque chose d'autre : les flèches, c'est la chaleur, disent-ils. Hélas, ils ne s'en tireront pas ainsi. Une substance est concentrée quand il y en a beaucoup dans un petit espace. Et la chaleur dans la viande? Cette fois, il suffit d'un thermomètre qui mesure la température de la viande à cœur : elle atteint péniblement 60 C, alors que la température du four est supérieure à 150 C. Donc, pas de concentration de chaleur dans le rôti de bœuf. Finalement, pas de concentration de goût, pas de concentration de jus, pas de concentration de chaleur. Il n'y a concentration de rien, dans la cuisson par concentration. Il est temps d'abandonner ce terme qui fausse les idées des cuisiniers, et les empêche de bien penser la cuisine qu'ils font, afin qu'ils la fassent encore mieux. Et, surtout, il est très urgent de cesser d'enseigner des choses fausses aux jeunes : si nous voulons faire demain un monde meilleur, c'est en aidant les jeunes à aimer leur métier, un métier facile à comprendre, un métier raisonnable, un métier sain, parce que sainement enseigné, non? Pas d'expansion de la viande Venons-en maintenant au deuxième type de cuisson : la cuisson dite par expansion, ou par extraction. Je commence par observer qu'expansion et extraction n'ont pas le même sens : expansion signifie que quelque chose occupe plus de volume, et extraction signifie que l'on extrait quelque chose. Le prototype de ces cuissons est celui de la viande bouillie. Les manuels dessinent un morceau de viande sous la forme d'un cercle, mais avec, cette fois, quatre flèches dirigées vers l'extérieur. Et, là encore, les expériences montrent que les deux termes sont fautifs. Autrement dit, la théorie est fausse. Reprenez par exemple l'expérience de mesure du volume donnée précédemment pour de la viande bouillie, et vous constaterez que la viande bouillie occupe moins de volume après qu'avant cuisson. 330 Et puis, enfin, chacun peut tester la théorie de l'albumine qui coagulerait en surface : il suffit de prendre deux casseroles identiques, d'y mettre la même quantité d'eau dans chaque. On porte à ébullition la première casserole, et on laisse froide la seconde. Puis on plonge la même quantité de la même viande dans chacune des casseroles, et on pèse la viande toutes les minutes, pendant la première heure, puis toutes les dix minutes ensuite, pendant la durée réglementaire de la cuisson du bouillon. Selon la théorie de l'albumine qui coagule en surface, la viande qui est mise dans l'eau bouillante devrait peser plus lourd que l'autre mais l'expérience prouve que c'est l'inverse. La théorie de l'albumine qui coagule à l'eau bouillante est fausse Il est étonnant que cette théorie de l'albumine ait survécu si longtemps, car tous les cuisiniers qui ont cuit des viandes ont vu cellesci se rétracter à la cuisson. Et c'est ce qui explique le résultat expérimenytal : dès que la viande est mise dans l'eau bouillante, elle se contracte, et ses jus sont expulsés (pensez à ce que je disais de l'éponge, précédemment) ; pour la viande dans l'eau froide, il faut attendre que l'eau s'échauffe pour que la viande se contracte et expulse ses jus. Après environ 100 minutes, les deux courbes se rejoignent : les deux morceaux pèsent la même masse, et il n'y a plus de différence. Au gramme près! Et pendant les 20 heures qu'a duré l'expérience! Donc cette théorie est fausse. La cuisine peut devenir encore plus belle Résumons-nous : pas de concentration dans les cuissons dites par concentration, et pas d'expansion ni d'extraction dans la cuisson par expansion ou par extraction. Quelle est alors la différence - elle existe vraiment - entre le bœuf rôti et le bœuf bouilli? Il suffit de regarder sans faire d'interprétation exagérée pour trouver la solution : dans le premier cas, la viande brunit en surface ; dans le second cas, elle ne brunit pas. Serait-il plus difficile de parler de " cuisson avec brunissement " et de " cuisson sans brunissement ". Ce n'est pas prétentieux, et c'est juste! Bien sûr, on serait tenté de dire " avec caramélisation " et " sans caramélisation ", mais attention : contrairement à ce qui a été dit, le brunissement des viandes ne résulte pas d'une caramélisation, réaction chimique qui concerne les sucres. Ici, c'est une réaction chimique entre les acides aminés et les sucres, une réaction très différente, comme le montre l'expérience toute simple qui consiste à chauffer un sirop où l'on a mis un cube de viande : la viande brunit avant le sirop, ce qui prouve que les deux réactions sont différentes. 331

167 Il ne faudrait pas dire non plus " cuisson avec oxydation " et " cuisson sans oxydation ", car, là encore, on irait si loin qu'on franchirait la frontière de l'exactitude. Non, restons simplement à ce brunissement que l'on observe ou que l'on n'observe pas. Chacun a des yeux pour regarder, et les jeunes y trouveront mieux leur compte. Technique et art Cette fois, j'ai fait mon devoir : j'ai donné aux lecteurs de La Cuisine Collective l'essentiel des informations qui sont actuellement débattues, dans les lycées hôteliers, dans les groupes de discussion culinaire d'internet. J'ajoute que je n'ai rien à gagner, personnellement, d'une critique des théories culinaires fausses. Ni argent, ni réputation. Seulement le plaisir de permettre à des jeunes d'apprendre un métier enthousiasmant. Oui, je le clame, il est urgent que l'enseignement culinaire se réforme. Il est temps que l'on réforme un vocabulaire qui date, sinon du Moyen-Age, du moins de la Renaissance, et il est temps que l'enseignement culinaire se fonde non pas sur la répétition des théories anciennes, mais sur les acquis de la science moderne. Je ne réclame pas, évidemment, que l'on aille résoudre des équations pour cuire un poulet, et je ne suis pas insensé au point de penser que la technique culinaire soit l'essentiel de la cuisine : la physique et la chimie n'ont rien à dire du choix que font de très grands cuisiniers d'associer de la mangue à du pamplemousse, et du veau avec du saumon et de l'estragon, par exemple. Autrement dit, je sais que la cuisine, l'art culinaire, c'est surtout cette forme de sensibilité sublime qui conduit à des choix esthétiques, et aussi cet amour du prochain qui doit emplir le cœur de celui qui cuisine. Oui, je le sais, mais la sensibilité ne perd rien à comprendre, et à juger sainement. Un soufflé qui allierait artistiquement du pamplemousse et de la mangue ne serait pas un soufflé s'il ne gonflait pas ; il resterait une crêpe minable! Il faut que la technique soit bien établie pour que l'art s'exprime, il faut que les doigts sachent tenir le pinceau pour que le peintre dessine les arbres, il faut que le musicien sache poser ses doigts sur les touches pour qu'il exprime du sentiment quand il exécute une œuvre. Une dernière remarque : la science risque-t-elle de faire perdre la poésie de l'acte culinaire? Ce n'est pas parce que l'on sait pourquoi la lune brille que l'on est moins amoureux quand on va se promener au clair de lune. Et c'est ainsi que la cuisine est vraiment belle! 332 LA CATHÉDRALE NE S ÉRIGE QUE SI LES PIERRES DE LA BASE TIENNENT BON (La Cuisine Collective, janvier 2006) La question du vannage des sauces, évoquée lors du dernier numéro de La Cuisine Collective, est essentielle. Elle fait partie de ces questions apparemment futiles, mais qui font la grandeur de la grande cuisine. C'est le soin, l'attention portée aux détails qui fait les grandes entreprises. Plus exactement, je crois avoir perçu que tous les personnages de quelque envergure ont une caractéristique: ils ont un plan d'ensemble, et un sens infini du détail. La technique et l'amour Chez mon ami Pierre Gagnaire, par exemple, tout compte. Tout! Jusque, d'ailleurs, au vannage de la sauce au vin montée au beurre. Cela ne méritait-il donc pas un séminaire entier? Ce séminaire, qui s'est tenu au mois de septembre, a été suivi par un séminaire consacré à ce que l'on nomme imprécisément des dictons, tours de main, trucs, astuces et que je propose de nommer plutôt des " précisions culinaires ": en effet, ces précisions s'ajoutent aux " définitions " qui sont données par les recettes. Par exemple, on prépare une sauce tomate en cuisant des tomates avec une garniture aromatique: c'est la définition. Certains livres, certains cuisiniers précisent qu'il faut ajouter une carotte si la sauce est trop acide: c'est bien une précision, quelque chose qui n'est pas essentiel à la réalisation de la recette, mais qui permet de mieux l'exécuter. Bref, le séminaire d'octobre avait pour thème: la carotte enlève-t-elle l'acidité des sauces tomate trop acides? Une pomme de terre corrige t- elle une sauce trop salée? Avant de passer à l'examen de cette question, je veux signaler que, malgré mes prises de position sur le nouveau référentiel de CAP cuisine, je suis sans doute plus préoccupé du bon développement de la cuisine française que ceux qui aboient dans les journaux, radios et télévisions. Et c'est pourquoi je salue ce nouveau référentiel. Mieux encore: je crois que le référentiel devrait changer tous les ans parce que la cuisine ne cesse d'évoluer. D'autre part, je tiens à signaler que, dans un texte confié à l'académie nationale de cuisine, il y a deux ans, j'ai demandé aux membres de l'académie de me dire ce que nous pouvions changer, dans la cuisine française, et ce que nous devions conserver absolument: aucune réponse! C'est atterrant: à croire que les cuisiniers ne savent que rouspéter? A moins qu'ils ne se désintéressent de leur métier? Ou qu'ils considèrent la cuisine française comme aboutie? Ou qu'ils ne me jugent pas digne de leurs réponses? Peu importe, dans le fond. Les chiens aboient et la caravane passe. Puisque, notamment, j'ai bien compris que la cuisine, c'est cette technique merveilleuse qui vise à donner du bonheur, de l'amour, aux hôtes, je me suis lancé sans attendre des réactions qui ne viendront peut-être pas dans l'étude de ce don d'amour. Et c'est ainsi que je suis heureux d'annoncer aux lecteurs de La Cuisine collective que le Séminaire extraordinaire 2006 (un séminaire qui dure une journée entière, au lieu des deux heures habituelles) aura pour thème: l'amour! Oui, l'amour: comment le donner quand on cuisine? Comment cuisiner de sorte que les hôtes sentent qu'on les aime? Comment organiser la dégustation des mets de façon que les hôtes se sentent aimés? Difficiles questions, que nous ne serons pas de trop, à cent ou plus, à analyser. Ce séminaire 333

168 aura lieu le troisième jeudi d'avril (à noter que le séminaire de février se tiendra exceptionnellement le 2, et non le troisième jeudi de février). Je compte vivement sur des réactions des cuisiniers, afin que nous puissions, par nos travaux, préparer le prochain référentiel, qui devrait intégrer une partie explicite sur l'amour. L La carotte dans les sauces et coulis de tomate Revenons au présent: ces petits détails qui font tout, notamment dans les sauces tomate. La question a été décidée, comme toujours, par les participants du séminaire, mais elle était " piégée ", car on sait depuis longtemps que l'acidité perçue n'a rien à voir avec l'acidité mesurée. L'acidité est en effet quelque chose que les chimistes ont l'habitude de mesurer par le ph,un nombre compris entre 0 et 14. De l'acide chlorhydrique (ne le buvez pas!) dans de l'eau fait, quand il est concentré, une solution très agressive, très acide. L'acide acétique du vinaigre est, lui, moins acide, ce qui signifie qu'il attaque moins facilement des molécules. Rien à voir avec la sensation d'acidité en bouche. La preuve? Un verre de vinaigre est imbuvable, tant il est acide (en bouche). Son ph est fréquemment de 3, environ. Si l'on ajoute du sucre, le ph ne change pas, car le sucre n'interagit pas avec l'acide,qui continue d'attaquer les autres molécules. Pourtant, en bouche, le vinaigre sucré est très admissible. C'est aussi ce qui différencie les vins blancs, ou les fruits. Par exemple, le citron, l'orange, le pamplemousse, la tomate En effet, la framboise semble douce, mais son ph est en réalité très bas ; c'est son sucre qui la rend gustativement admissible. A noter que le sel, également, modifie la perception de l'acidité. Au total, la bouche est à la fois un mauvais et un excellent juge de l'acidité. Mauvais juge, parce qu'elle ne nous dit rien de la véritable acidité d'un mets. Excellent, parce que c'est toujours elle, en cuisine, qui a raison. C'est elle que le cuisinier doit satisfaire, par la mesure du ph. Dans le cas de la sauce tomate, du coulis, il y a nécessairement cet effet, parce que la tomate est plus ou moins acide (en réalité), et plus ou moins sucrée. Il est donc évident, a priori, que le sucre libéré par la carotte modifie l'acidité de la sauce tomate. La réponse est donnée avant d'être posée Mais la question débouche sur une foule d'autres questions. Il y a d'abord cette phrase trop rapidement écrite : " le sucre libéré par la carotte modifie ". Du sucre libéré par la carotte? Plus exactement les sucres, car une carotte qui cuit libère du saccharose, ou sucre de table, mais aussi du glucose, du fructose. Et, évidemment, ce sucre agit comme agirait du sucre ajouté à la sauce. La remarque débouche sur diverses propositions : aurait-on des résultats différents si, dans un coulis de tomates trop acide,on ajoutait du glucose, ou bien du fructose, ou bien du saccharose? Notons aussi que la carotte donne un goût de carotte que les divers sucres ne donnent pas. D'autre part, puisque l'acidité en bouche reste fondée sur de l'acidité réelle, pourrait-on utiliser du bicarbonate de sodium, afin de neutraliser l'acidité apportée par la tomate? Il est clair que l'ajout d'un tel composé provoquera la formation d'une mousse (pour vous amuser, une fois, ajoutez du vinaigre à du bicarbonate, et vous verrez la formation d'une mousse, en raison du dégagement de dioxyde de carbone), mais il est également clair que l'ajout de bicarbonate fera remonter le ph vers la valeur fatidique de 7, qui est celle de la neutralité de l'eau. Pis encore, si l'on ajoute trop de bicarbonate, le ph pourra dépasser 7 et monter vers 14, dans la région " basique ", 334 opposée à l'acide. Là, le goût me déplaît : on dirait du savon mais peu importent mes goûts; seuls comptent ceux du cuisinier, qui, par conséquent, sera obligé de faire ses propres essais! Le sel et la pomme de terre La question des sauces trop salées diffère un peu de celle du sucre dans les sauces, mais, j'ignore pourquoi, les participants du séminaire ont décidé que les deux questions seraient traitées ensemble. D'ailleurs, je profite de cette remarque pour indiquer que les participants des séminaires ont voté pour un changement de structure de ces derniers: au lieu de commencer par l'évocation de points divers, avec ensuite un compte rendu des expériences réalisées à propos des thèmes évoqués précédemment, et enfin la discussion du thème du mois, nous commençons maintenant par une expérience afin de bien comprendre la question du mois, nous rapportons ensuite les résultats obtenus depuis le dernier séminaire, et, enfin, quand il reste du temps,nous évoquons des points variés. La seconde question, pour y revenir, se pose très précisément de la façon suivante : est-il exact que le sel d'une sauce trop salée peut être retiré de cette sauce par trempage d'une pomme de terre? Cette précision culinaire est souvent propagée, mais est-elle avérée? C'est un des objectifs de ces séminaires que de tester rigoureusement les précisions culinaires. Evidemment,nombre de cuisiniers sont gênés que nous n'acceptions pas leurs déclarations comme parole d'evangile, et que, au contraire, nous soumettions leurs savoirs à des tests rigoureux. Lors du séminaire, des cuisiniers professionnels ont ainsi fait état d'expériences culinaires où ils avaient retiré du sel d'une sauce en y cuisant une pomme de terre, mais nous avions besoin de précisions: quelle quantité exacte de pomme de terre enlève quelle quantité exacte de sel de quelle sauce? Pour les premiers tests, que je vous invite à répéter, nous avons utilisé une sauce qui n'était que de l'eau pure, avec une quantité de sel ajoutée délibérément, soit juste, soit en excès, et nous y avons ajouté des pommes de terre en quantité précisément déterminée, qui ont été cuites de façon bien définie, également. Dans ces expériences, tout se pèse à mieux que le gramme près, tout temps se détermine à la seconde, tout se compare par un témoin. Il ne s'agit pas de faire la cuisine, mais de savoir. Et le premier test n'a pas été probant, tout comme l'expérience du mois précédent à propos de vannage des sauces. Pis encore, nous sommes sortis de ce séminaire pleins d'idées d'expériences à faire, mais aussi plus riches de questions qu'en y entrant. Par exemple, aucun cuisinier n'a pu nous jurer que l'ajout de sel dans l'eau de cuisson des pommes de terre conduisait toujours à ce que les pommes de terre soient salées! Au XXIe siècle! On envoie des sondes sur Mars, mais, au fond, on n'est pas bien sûr que le sel serve à quelque chose dans l'eau de cuisson des pommes de terre. Finalement, la réponse? Je reviens sur le début du paragraphe précédent : nous sommes sortis du séminaire, plus riches de questions. Oui, plus riches de questions, parce que ce sont les questions qui nous feront avancer, qui nous conduiront à faire les expériences qui, finalement, si elles sont bien faites, sans œillères, répondront aux questions posées. Je me méfie de tous ceux qui ont des certitudes: en matière technique, en matière artistique, en matière scientifique comme en matière pédagogique, j'y reviens pour conclure: qui peut savoir, à lui tout seul, ce qui est bien pour la formation des jeunes cuisiniers? La discussion s'impose, et c'est cette discussion qui fera que la cuisine sera belle! 335

169 A.20. additifs alimentaires 138 sélectivement au développement des bactéries et des moisissures tout en laissant indemnes les levures responsables de la fermentation du vin. Les additifs alimentaires sont définis par un décret du 18 septembre 1989 : «On entend par additif alimentaire toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi et habituellement non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l'alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, et dont l'adjonction intentionnelle aux denrées alimentaires, dans un but technologique au stade de leur fabrication, transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage, a pour effet, ou peut raisonnablement être estimée avoir pour effet, qu'elle devient elle-même ou que ses dérivés deviennent, directement ou indirectement, un composant des denrées alimentaires.» Les additifs alimentaires ont connu un développement important, notamment avec les nouvelles gammes de produits allégés. Mais certains d'entre eux sont connus et utilisés depuis longtemps, comme le sel, le vinaigre ou le salpêtre (nitrate de potassium). Les additifs sont des substances naturelles ou synthétiques ajoutées aux aliments ou aux boissons pour faciliter leur fabrication et leur conservation, mais aussi pour améliorer leur flaveur (goût, odeur), leur couleur ou leurs qualités nutritives. Origine Les additifs sont soit dérivés de la houille ou du pétrole, soit extraits de tissus animaux (carmin de cochenille), d'algues (alginates et carragheenates, etc.) ou de végétaux (chlorophylles, farines de graines de caroube, de tamarin, etc.). La plupart des épaississants sont extraits des végétaux. D'autres encore sont synthétisés par des micro-organismes, comme ceux qui transforment les sucres du chou en acide lactique, lors de la préparation de la choucroute. Nomenclature Le nombre d'additifs actuellement autorisés est très variable d'un pays à l'autre. Il en existe près de aux États-Unis, 827 en Europe et 354 en France. Un certain nombre d'entre eux sont considérés comme allergènes. Une réglementation européenne sur l'étiquetage des produits destinés à l'alimentation a été instaurée en Chaque additif est désigné par un code à une lettre indiquant sa provenance (E pour la Communauté européenne) suivi de 3 chiffres indiquant sa nature (E 100 pour les colorants, E 200 pour les conservateurs, E 300 pour les antioxydants, E 400 pour les émulsifiants et les épaississants, etc.). Ainsi, E 260 correspond à l'acide acétique, ou vinaigre, agent de conservation des oignons et des cornichons, E 220 correspond à l'anhydride sulfureux, qui s'oppose Diversité Il existe une grande variété d'additifs alimentaires, classés, selon leur mode d'action, en 25 familles, par les directives de la Communauté européenne. Parmi celles-ci, on distingue : - les colorants qui peuvent être naturels (comme le carmin de cochenille extrait d'un insecte) ou de synthèse. Ils modifient la couleur, mais aussi parfois la saveur, l'odeur et la texture de l'aliment ; - les conservateurs qui inhibent le développement des micro-organismes pathogènes et/ou réduisent la quantité d'eau disponible pour leur développement ; - les antioxydants ou antioxygènes qui empêchent la formation de radicaux libres d'oxygène et ralentissent les réactions d'oxydation à l'origine du rancissement ou du brunissement des fruits et légumes. Certaines de ces molécules existent à l'état naturel, comme la vitamine C (acide ascorbique) contenue dans les fruits ou la vitamine E présente dans les huiles ; - les émulsifiants, les gélifiants et les stabilisants : les deux premiers augmentent la viscosité de la préparation ; les stabilisants comme les polyphosphates sont utilisés en charcuterie. D'autres additifs, utilisés à des fins diététiques, renforcent les qualités organoleptiques des aliments : - les arômes artificiels utilisés en raison du coût élevé des arômes naturels. Ce sont des molécules produites par synthèse, soit identiques à celles des arômes naturels, soit nouvelles comme l'éthyl-vanilline (arôme vanille) ; - les édulcorants, substances à fort pouvoir sucrant. On en distingue deux grandes catégories : - les édulcorants massiques ou polyols qui sont obtenus par hydrogénation à partir de sucres simples (sorbitol, xylitol, lactitol, isomalt, etc.) ou à partir de différents produits de l'hydrolyse de l'amidon (maltitol, lycasins). Ces substances sont largement utilisées dans la fabrication de produits sucrés comme les bonbons, les chewing-gums, les crèmes glacées et les chocolats ; - les édulcorants intenses naturels ou de synthèse ; - les exhausteurs de goût sont des substances qui ne modifient pas le goût des aliments, mais accroissent l'intensité de la perception olfacto-gustative. Le plus utilisé est le monoglutamate de sodium (MSG) ; - les renforçateurs de goût sucré comme le sorbitol et le glycérol ; - les acidulants comme les acides citrique et gluconique. 138 Les informations regroupées ici sont issues du site du CNDP ( On pourra aussi consulter le site perso extrêmement complet ou, comme d habitude, l entrée correspondante dans Wikipedia

170 Effets sur la santé Les additifs alimentaires ne sont généralement pas nocifs pour la santé dans les conditions d'utilisation spécifiques autorisées. Cependant, un certain nombre de colorants et de conservateurs sont suspects ou dangereux et il convient de les éviter. Certains additifs sont allergènes ou/et cancérigènes. Parmi les conservateurs et les émulsifiants, certains agissent sur l'appareil digestif en provoquant des irritations du tube digestif ou des ralentissements de la digestion ; d'autres ont une action sur la fixation de la vitamine B1 ou sur le taux sanguin de cholestérol. Réglementation Une liste des additifs autorisés a été établie après de nombreux tests sur l'animal. Pour un certain nombre d'additifs alimentaires, les recherches ont permis de définir une dose journalière admissible (DJA) ; elle est exprimée en mg/kg de masse corporelle. Une DJA de 1 signifie qu'un individu de 60 kg peut absorber 60 mg par jour d'un additif sans risque pour sa santé. En France, 28 additifs alimentaires sont interdits (PDF, 11 Ko) (9 colorants, 15 conservateurs et 4 émulsifiants). Dans la Communauté européenne, 8 colorants ont été supprimés de la liste des additifs autorisés à partir du 1er janvier Sont listés ci-après les principaux additifs et leur usage potentiel dans l'industrie agro-alimentaire

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173 A.21. complément de blibliographie A Quelques bookmarks de plus A La Cuisine! Molecular Gastronomy Resources Additifs (CNDP) Additifs alimentaires Alginates Alimentació i Ciència Alliage, numéro 31, 1997 Association LC Maillard Ateliers du gout (fiches H This) Blog H This Canalc2 (vidéo Hervé This) chembytes e-zine Cooking with chemistry Chimie - Additifs alimentaires Chimie des Aliments Chocolate Cours glucide Cuisine Collective (articles H This) Dairy Science and Technology Home Page Discovery Channel eg Forums - Course Catalog egullet Society for Culinary Arts & Letters fiches d'information INRA Flavour Technology Reseach Group Food his passion, his science (article sur H This) Food Science Department at Penn State Food Science Experiments food under the microscope Futura Science (dossier H This) Gagnaire & This GROWTH AND STRUCTURE OF MEAT ANIMALS Guardian Unlimited Search peter barham Hervé This IEHA IHEGGAT INA P-G INICON Institut de dégustation ISAA Journée Gastronomie moléculaire (Cergy-Pontoise, 2005) La Gastronomie moléculaire par B Simon La réaction de MAILLARD laboandco Lait Le sucre Les alchimistes aux fourneaux - ARTE Licence pro génie culinaire Maîtrise de Sciences et Techniques «Le Goût et son Environnement» Micro-Onde Modifications biochimiques des constituants alimentaires (payant...) Molecular gastronomy - Wikipedia Molecular gastronomy and kitchen chemistry (Martin Lersh) moleculargastronomy.org Oeuf en cuisine (TPE) Olfaction - A Review PACOJET Peter Barham Petit traité culinaire et savant (france Culture, H This) Physique et Chimie (cuisine) Productions Animales, INRA Research Chefs Association Réactions de Maillard Science et cuisine science et gastronomie (Odile) Science of Cooking (Exploratorium) ScienceDirect - Food Chemistry SFC (compte-rendus sém GM) Structure of ice cream TEXTURAS Albert y Ferran Adrià The Fat Duck Trends in Food Science & Technology University of Guelph - Food Science A Liste 139 des quelques 25 fac-simile d ouvrages historiques à télécharger gratuitement (en format pdf) sur le site de la Bibliothèque Nationale ( 1) Auteur(s) : Apicius (0025 av. J.-C.-0037?). Auteur du texte Titre conventionnel : [Art culinaire (latin). 1490] Titre(s) : Apicius in re quoquinaria [Document électronique] / praefatio Antonii Mottae Type de ressource électronique : Données textuelles Publication : 1995 Description matérielle : [86] p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de l'éd. de, Cambridge (Mass.) : Omnisys, [ca 1990] (Italian books before 1601 ; 171.7). 1 microfilmreprod. de l'éd. de, Mediolani : per Guilermum Rothomagensem, 1490 Autre(s) auteur(s) : Motta, Antonio ( ; latiniste). Préfacier Autre(s) forme(s) du titre : - : In re quoquinaria Sujet(s) : Cuisine -- Rome 2) Auteur(s) : Parmentier, Antoine Augustin ( ). Auteur du texte Titre(s) : Avis aux bonnes ménagères des villes et des campagnes, sur la meilleure manière de faire leur pain [Texte imprimé] / par M. Parmentier Publication : A Paris : de l'impr. royale, 1777 Description matérielle : 108 p. ; in-8 Sujet(s) : Cuisine (pain) -- Ouvrages avant ) Auteur(s) : Aymès, J. Titre(s) : Bazar provençal... tenu par J. Aymès... réunion des denrées du Midi et recettes de tous les plats les plus renommés de la cuisine provençale [Texte imprimé] Publication : Paris : impr. de Poussielgue, 1835 Description matérielle : 59 p. ; in-8 Sujet(s) : Cuisine provençale 4) Auteur(s) : Vicaire, Georges ( ) Titre(s) : Bibliographie gastronomique [Texte imprimé] : la cuisine, la table, l'office, les aliments, les vins, les cuisiniers et les cuisinières, les gourmands et les gastronomes, l'économie domestique... depuis le XVe siècle jusqu'à nos jours... / par Georges Vicaire ; préf. de Paul Ginisty Publication : Paris : P. Rouquette et fils, 1890 Description matérielle : XVIII-972 col. : fac-sim. ; 26 cm Note(s) : (J. Vicaire, n 25.) Autre(s) auteur(s) : Ginisty, Paul ( ). Préfacier Sujet(s) : Livres de cuisine -- Bibliographie Gastronomie -- Bibliographie 5) Auteur(s) : Auricoste de Lazarque, Ernest ( ) Titre(s) : Cuisine messine [Texte imprimé] / par E. Auricoste de Lazarque Publication : Metz : A. Béha, 1890 Description matérielle : XIII-255 p. ; in-18 Sujet(s) : Cuisine lorraine 6) Titre(s) : Dictionnaire général de la cuisine française ancienne et moderne ainsi que de l'office et de la pharmacie domestique [Texte imprimé] : ouvrage où l'on trouvera toutes les prescriptions nécessaires à la confection des aliments nutritifs ou d'agrément, à l'usage des plus grandes et des plus petites fortunes... Edition : 2e éd. Publication : Paris : Plon frères, 1853 Description matérielle : 635 p. ; in-8 Note(s) : 2e éd. de la Néo-physiologie du goût, qui est au faux-titre. Anonyme Autre(s) auteur(s) : Courchamps, Maurice de ( ). Dédicataire Autre(s) forme(s) du titre : - Autre forme du titre (figurant sur le document) : Néo-physiologie du goût, par ordre alphabétique Sujet(s) : Cuisine française -- Dictionnaires Trois éléments de cette liste sont encadrés (un dictionnaire, le «Gouffé» et le «Brillat-Savarin»): ceux sont à mon avis ceux à télécharger en priorité! 345

174 7) Auteur(s) : Beauvilliers, Antoine. Auteur du texte Titre(s) : L'art du cuisinier [Texte imprimé] / par A. Beauvilliers,... Publication : Paris : Pilet, 1814 Description matérielle : 2 vol. : pl. ; in-8 Sujet(s) : Cuisine française -- 19e siècle 8) Auteur(s) : Butler, Marcel Titre(s) : La bonne cuisine pour tous, ou L'art de bien vivre à bon marché [Texte imprimé] / par Marcel Butler Publication : Paris : l'omnibus illustré, 1885 Description matérielle : 288 p. ; in-16 Note(s) : 2e mille Titre alternatif : L'art de bien vivre à bon marché Sujet(s) : Cuisine 9) Auteur(s) : Cointeraux, François ( ) Titre(s) : La cuisine renversée, ou Le nouveau ménage [Texte imprimé], par la famille du professeur d'architecture rurale, par la famille Cointeraux Publication : Lyon : impr. de Ballanche et Banet, an IV Description matérielle : 72 p. ; in-12 Titre alternatif : Le nouveau ménage Sujet(s) : Cuisine -- Ouvrages avant ) Auteur(s) : Delahaye, F. Titre(s) : La cuisine des petits ménages [Texte imprimé] / par F. Delahaye Publication : Paris : Hachette, 1882 Description matérielle : 180 p. : 11 fig. ; in-16 Sujet(s) : Cuisine 11) Titre(s) : La cuisine française [Texte imprimé] : l'art du bien manger / recueilli et annoté par Edmond Richardin ; préface d'andré Theuriet,... ; estampes... expliquées par Gustave Geffroy... suivi... des Aphorismes / de Brillat-Savarin. et contenant Les croquis gastronomiques / de Fulbert-Dumonteil,... Edition : Ed. rev. et augm. Publication : Paris : Nilsson, 1906 Description matérielle : XVI-960 p. : ill. ; in-16 Autre(s) auteur(s) : Richardin, Edmond ( ). Éditeur scientifique Theuriet, André ( ). Préfacier Geffroy, Gustave ( ). Collaborateur Autre(s) forme(s) du titre : - : L'art du bien manger - Titre de couverture : 1600 recettes simples et faciles Sujet(s) : Cuisine -- France -- 19e siècle Écrivains -- Et la cuisine -- France -- 19e siècle 12) Titre(s) : La cuisine moderne illustrée [Texte imprimé] : comprenant la cuisine en général, la patisserie, la confiserie et les conserves, alimentation de régimes classées méthodiquement : le plus pratique des livres de cuisine renfermant, outre la classification des vins, les soins nécessaires à l'entretien d'une bonne cave : indispensable à la maîtresse de maison et à la cuisinière bourgeoise / par une réunion de professionnels Edition : Nouv. éd. ill. Publication : Paris : A. Quillet, [1927] Imprimeur / Fabricant : Compiègne (Oise) : impr. de Compiègne Description matérielle : 602 p. : fig., pl. en coul. ; 24 cm Sujet(s) : Cuisine Auteur(s) : Bonnechère, Catherine de ( ) 13) Titre(s) : La cuisine du siècle [Texte imprimé] : dictionnaire pratique des recettes culinaires et des recettes de ménage : deux cents menus à l'usage de tous / Catherine de Bonnechère Publication : Paris : P. Brodard, 1900 Description matérielle : 318 p. : ill. ; 19 cm Collection : Utile à tous Sujet(s) : Cuisine française ) Titre(s) : La cuisinière des cuisinières [Texte imprimé] : de la ville et de la campagne : manuel complet de cuisine à l'usage de tous ceux qui se mêlent de la dépense des maisons 346 Edition : Nouv. éd. rev. par Mozard,... Publication : Limoges : E. Ardant et C. Thibaut, [1867] Description matérielle : 192 p.-[1] f. de front. ; in-12 Autre(s) auteur(s) : Mozard. Éditeur scientifique Sujet(s) : Cuisine -- 19e siècle 15) Auteur(s) : Petit, Alphonse Titre(s) : La gastronomie en Russie [Texte imprimé] / par A. Petit,... Publication : Paris : l'auteur : E. Mellier, 1860 Description matérielle : 208 p. ; in-12 Sujet(s) : Cuisine russe 16) Auteur(s) : Gilliers, Joseph. Auteur du texte Titre(s) : Le Cannameliste français, ou Nouvelle instruction pour ceux qui désirent d'apprendre l'office [Texte imprimé], rédigé en forme de dictionnaire, contenant les noms, les descriptions, les usages, les choix et les principes de tout ce qui se pratique dans l'office... par le sieur Gilliers,... Publication : Nancy : J.-B.-H. Leclerc, 1768 Description matérielle : [VIII]-238 p.-[13] p. de pl. gr. ; in-4 Titre alternatif : Nouvelle instruction pour ceux qui désirent d'apprendre l'office Sujet(s) : Cuisine -- Dictionnaires Cuisine -- Ouvrages avant ) Auteur(s) : Massialot, François (1660?-1733). Auteur du texte Titre(s) : Le cuisinier roïal et bourgeois [Texte imprimé] : qui apprend a ordonner toute sorte de repas en gras & en maigre,... : ouvrage tres-utile dans les familles,... à tous maîstres d'hôtels, & ecuïers de cuisine / [par F. Massiallot] Edition : Nouv. éd. rev., corr. & beaucoup augm., avec des fig. Publication : A Paris : Chez Claude Prudhomme, 1705 Description matérielle : [13]-502-[48] p. : pièces limin., fig. ; in-8 Sujet(s) : Cuisine -- Ouvrages avant 1800 Menus -- Ouvrages avant ) Auteur(s) : Viard, André ( ; cuisinier) Titre(s) : Le cuisinier impérial, ou L'art de faire la cuisine et la pâtisserie pour toutes les fortunes, avec différentes recettes d'office et de fruits confits et la manière de servir une table depuis vingt jusqu'à soixante couverts [Texte imprimé] / par A. Viard,... Publication : Paris : Barba, 1806 Description matérielle : XII-459 p. ; in-8 Titre alternatif : L'art de faire la cuisine et la pâtisserie pour toutes les fortunes, avec différentes recettes d'office et de fruits confits et la manière de servir une table depuis vingt jusqu'à soixante couverts Sujet(s) : Cuisine française Gastronomie France 20) Titre(s) : [Le cuisinier Taillevent] [Texte imprimé] Publication : [Lyon] : [Martin Havard], [ca ] Description matérielle : [49] p. ; in-4 Note(s) : Car. goth. Sujet(s) : Gastronomie -- Ouvrages avant 1800 Cuisine française -- Ouvrages avant ) Auteur(s) : Gouffé, Jules ( ). Auteur du texte Titre(s) : Le livre de cuisine [Texte imprimé] : comprenant la cuisine de ménage et la grande cuisine / par Jules Gouffé ; pl... dessinées... par E. Ronjat Publication : Paris : L. Hachette, 1867 Description matérielle : XI-826 p. : pl. en coul. et fig. ; in-8 Note(s) : Exemplaire numérisé en n&b Autre(s) auteur(s) : Ronjat, E.. Dessinateur Sujet(s) : Cuisine française -- 19e siècle 22) Auteur(s) : Bonnefons, Nicolas de. Auteur du texte Titre(s) : Les délices de la campagne [Texte imprimé] : suitte du "Jardinier françois", où est enseigné à préparer pour l'usage de la vie, tout ce qui croît sur terre et dans les eaux / [par Nicolas de Bonnefons] Edition : 2e éd. Publication : A Amsterdam : chez Raphaël Smith,

175 Description matérielle : 384 p. ; in-12 Sujet(s) : Aliments -- Analyse sensorielle -- 17e siècle -- Ouvrages avant 1800 Cuisine -- 17e siècle -- Ouvrages avant 1800 Extrait des premières pages de «La physiologie du goût» (version 1848) 23) Titre(s) : Manuel pratique de cuisine provençale [Texte imprimé] : recueil des meilleures recettes culinaires des principaux chefs de cuisine de Provence / [préf. signée : F. Foucou] Publication : Marseille : Samat, [19..] Description matérielle : 198 p. : couv. ill. ; 21 cm Autre(s) auteur(s) : Foucou, F. Préfacier Sujet(s) : Cuisine provençale ) Auteur(s) : Lérue, Jules-Adrien de ( ?) Titre(s) : La gastronomie [Texte imprimé] / J.-A. de Lérue Publication : Rouen : impr. de E. Cagniard, 1886 Description matérielle : 1 vol. (8 p.) ; in-8 Sujet(s) : Gastronomie 25) Auteur(s) : Brillat-Savarin, Jean Anthelme ( ). Auteur du texte Titre(s) : Physiologie du goût [Texte imprimé] / par Brillat Savarin ; illustrée par Bertall ; précédée d'une notice biographique par Alp. Karr ; dessins à part du texte, gravés sur acier par Ch. Geoffroy, gravures sur bois, intercalées dans le texte par Midderigh Publication : Paris : G. de Gonet, 1848 Description matérielle : XXIII-416 p.-[1] f. de front. : portr., fig. et pl. ; in-8 Autre(s) auteur(s) : Bertall ( ). Illustrateur Karr, Alphonse ( ). Préfacier Geoffroy, Ch. (graveur). Graveur Midderigh. Graveur Sujet(s) : Gastronomie -- 19e siècle Savoir-vivre -- Table -- 19e siècle

176 A Liens autour d Hervé This Comme je le disais dans mon avant-propos, Hervé est omniprésent dans ce cours, soit directement par la retranscription de ses réflexions et propos (annexes A.1, A.2, A.3, A.5 ; A.9, A.13 et A.14), soit indirectement par le fait que sa fréquentation est responsable d une bonne part de mon intérêt pour la Gastronomie moléculaire! Je me permet donc de glisser ci-dessous ses coordonnées (professionnelles, bien entendu) 140 ainsi que quelques liens qu il propose 141. Hervé THIS Groupe INRA de Gastronomie Moléculaire, Laboratoire de chimie des interactions moléculaires (prof. Jean-Marie Lehn) Collège de France. Groupe INRA de Gastronomie moléculaire, Ingénierie Analytique pour la Qualité des Aliments, IAQA, UMR 214 Laboratoire de Chimie Analytique Institut National Agronomique Paris Grignon (INA P-G) Conseiller Scientifique de la revue Pour la Science Adresse postale : Collège de France 11, place Marcelin Berthelot Paris tel : + 33 (0) ou + 33 (0) fax : +33(0) hthis@paris.inra.fr ou herve.this@college-de-france.fr ou herve.this@inapg.fr Site : Blog : Chaque mois, une idée de science et une recette qui l'utilise, par Pierre Gagnaire, à l'adresse : et aussi : Pétition pour la réintroduction de la cuisine à l'ecole : collective.fr/petition/lettrepetition.asp Connaissez-vous l'institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts de la table (IHEGGAT)? Pour en savoir plus : Et le programme européen Inicon? Pour en savoir plus sur la gastronomie moléculaire, voir aussi : Des articles : Les Ateliers expérimentaux du goût, dans l'education nationale : Une conférence à l'université de tous les savoirs : Les comptes rendus des Séminaires de Gastronomie moléculaire : S il vous en vient l envie, n hésitez pas à le contacter (par mail, c est sans doute le plus souple). Il répond toujours (mais pas forcément tout de suite ; une centaine de mails quotidien, ce n est pas toujours facile à gérer). 141 On y trouve notamment deux liens vers des vidéo de conférences ; ce peut être un bon point de départ pour qui n a jamais entendu parler ni Hervé ni de Gastronomie moléculaire. 350 A.22. Biographies A Cuisiniers et gastronomes Jean Anthelme Brillat-Savarin Gastronome français, né le 1 er avril 1755 à Belley 142 et décédé le 1 er février 1826 à Paris. Brillat- Savarin est probablement le plus illustre gastronome et épicurien (au sens proprement philosophique du terme) français. Formation Il naît, à une époque où le Rhône sépare alors la France de la Savoie, dans une famille bourgeoise, qui, de père en fils, servait la France dans la magistrature. Il étudie le droit, la chimie et la médecine à Dijon et s'installe ensuite dans sa ville natale pour pratiquer le droit. Rôle politique en France Maire de Belley, il est envoyé comme député aux États généraux, participe à la Constituante puis à l'assemblée nationale en 1789, au début de la Révolution française, il se fait connaitre en grande partie grâce à un discours public sur la défense de la peine de mort. À la dissolution de l'assemblée Nationale, il revient à Belley pour reprendre sa fonction de maire. Mais Girondin, il doit fuir devant les Montagnards dominant. Exil Il passe en Suisse, demeure à l hôtel du Lion d Argent de Lausanne dans sa Physiologie, où il y a de tout, de la philosophie, des recettes et des souvenirs, on trouve le tableau d un plaisant repas en ce lieu. De là, il part pour les Pays-Bas, puis les États-Unis nouvellement créés, pendant trois ans ; il y gagne sa vie en donnant des leçons de français, et en jouant du violon ; il est à une époque premier violon au Park Theater de New York. Il séjourne également à Philadelphie et à Hartford. Magistrature en France En 1797, il est de retour en France aux Armées du Rhin, secrétaire d Augereau. Et, brusquement, il est nommé conseiller à la Cour de cassation. C est au sein de cette assemblée docte et paisible qu ignorant désormais les tempêtes politiques, indifférent aux rumeurs de Paris et aux bruits de la bataille qui secouent toute l Europe, rêvant, méditant, écrivant, Brillat-Savarin va devenir le législateur et le poète de la gourmandise. Il adopte son second nom de famille après la mort d'une tante nommée Savarin qui lui lègue toute sa fortune à la condition qu'il adopte son nom. Il reste célibataire, sans être étranger à 142 Belley doit une renommée à son fils illustre, et les touristes s y rendent volontiers, durant l été, depuis Aix et Chambéry. Brillat-Savarin y possède sa statue, sa rue ; on montre la gentilhommière de sa famille. 351

177 l'amour, qu'il considère comme le sixième sens : «le génésique, ou amour physique, [est le sens] qui entraîne les sexes l'un vers l'autre, et dont le but est la reproduction de l'espèce.» Peu après la publication de la Physiologie du goût, le célèbre gastronome, ayant pris froid dans les caveaux de Saint-Denis, à la cérémonie expiatoire en l honneur de Louis XVI à laquelle il assistait en qualité de conseiller à la Cour de cassation, fut emporté dans une pneumonie. Il repose au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Œuvre Citations Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es. Attendre trop longtemps un convive retardataire est un manque d'égards pour tous ceux qui sont présents. Celui qui reçoit ses amis et ne donne aucun soin personnel au repas qui leur préparé, n'est pas digne d'avoir des amis. Il publie plusieurs travaux de droit et d'économie politique. Mais sa publication la plus célèbre est la Physiologie du goût, éditée sans nom d'auteur en décembre 1825, deux mois avant sa mort. Le titre complet est Physiologie du Goût, ou Méditations de Gastronomie Transcendante; ouvrage théorique, historique et à l'ordre du jour, dédié aux Gastronomes parisiens, par un Professeur, membre de plusieurs sociétés littéraires et savantes. Le succès dépassa toute attente. À peine le livre avait-il paru qu on le plaçait à côté des Maximes de La Rochefoucauld et des Caractères de La Bruyère: «Livre divin, écrivait Hoffmann, qui a porté à l art de manger le flambeau du génie.» Et Balzac lui-même de ratifier ce jugement. Quand au public, il ne s y est pas trompé; il a gardé toute sa faveur à cet écrivain dont l expression a tant de saveur et de spontanéité. Les aphorismes, comme les maximes, comme les proverbes, s appliquent à des réalités qui sont aussi vieilles que l humanité ; ils n inventent rien, mais condensent en une formule définitive une sagesse millénaire, c est pourquoi Brillat-Savarin a pris sa place parmi les grands classiques. Ses écrits, bien que souvent verbeux et excessifs, mêlant avec impertinence humour, insolence et dérision, sont restés extrêmement importants et n'ont cessés d'être ré-analysés à travers les ans depuis sa mort. Dans une série de méditations qui doivent quelque chose aux essais de Montaigne, Brillat- Savarin discourt des plaisirs de la table, qu'il traite comme une science. Ses modèles français sont les stylistes de l'ancien régime : Voltaire, Rousseau, Fénelon, Buffon, Cochin et d'aguesseau sont des auteurs préférés. En plus du latin, il connaît cinq langues vivantes, qu'il est enclin à employer quand l'occasion le permet. En tant que moderniste, il n'hésite jamais à emprunter un mot, comme le sip anglais («boire à petite gorgée»), lorsque le français ne lui suffit pas. Le critique littéraire Roland Barthes lui rend encore hommage : «le livre de Brillat-Savarin est de bout en bout le livre du «proprement humain», car c'est le désir (en ce qu'il se parle) qui distingue l'homme.» La véritable philosophie d'épicure se retrouve derrière toutes les pages ; le plus simple des mets satisfait Brillat-Savarin, tant qu'il est confectionné avec art : «Ceux qui s'indigèrent ou qui s'enivrent ne savent ni boire ni manger.» Le fromage Brillat-savarin fut nommé en son honneur. Heureux chocolat, qui après avoir couru le monde, à travers le sourire des femmes, trouve la mort dans un baiser savoureux et fondant de leur bouche. De toutes les qualités du cuisinier, la plus indispensable est l'exactitude. La découverte d'un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d'une étoile. La maîtresse de maison doit toujours s'assurer que le café est excellent ; et le maître, que les liqueurs sont de premier choix. La table est le seul endroit où l'on ne s'ennuie jamais pendant la première heure. Les animaux se repaissent ; l'homme mange ; l'homme d'esprit seul sait manger. Prétendre qu'il ne faut pas changer de vins est une hérésie ; la langue se sature ; et après le troisième verre, le meilleur vin n'éveille plus qu'une sensation obtuse. Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil. Mettez un homme fatigué devant un repas copieux, il va manger avec effort et se sentira peutêtre mieux. Donnez-lui un verre de vin ou d'alcool, il va immédiatement revenir à son meilleur état : vous le voyez revivre sous vos yeux

178 A Scientifiques A.23. Glossaire anglais/français - français/anglais 143 LC Maillard Biochimiste français Sa vie : Naissance à Pont à Mousson (Meurthe-et-Moselle) Licencié ès sciences physiques Licencié ès sciences naturelles Prix Ritter, pour la démonstration des ions libres sur les êtres vivants Doctorat ès Sciences Légion d'honneur, pour avoir participé à la guerre 14/ Mort à Alger, d'une intoxication dûe à une expérience Ses travaux - L'indoxyle urinaire et les colorants qui en dérivent (1903) - Le métabolisme des substances azotées (1913) - Le soufre colloïdal et le métabolisme du soufre - La synthèse des peptides - La genèse des matières protéiques et des matières humiques (dont la réaction de Maillard) - Le dosage du titane dans les milieux biologiques On peut relater 150 publications de LC Maillard Extraits en partie de Pour de simples lexiques français, consulter 355

179 albacore liche - a fish alevin nonat : alevin, fry, young fish alevin poutine : alevin, fry, young fish almond amande anchovy anchois - a fish anchovy purée anchoyade : Provençal purée made with garlic and olive oil angelic angélique angler-fish baudroie : (monkfish, frog-fish, seadevil) also called lotte de mer angler-fish lotte de mer : (monkfish, frog-fish, sea-devil) baudroie anise, aniseed anis étoilé : (anis étoilé; badiane) the anise plant; its dried star-shaped fruit. baking powder levure chimique : One "sachet" (11g packet) is about 2 teaspoons. baking soda bicarbonate de sodium : Available from pharmacies. banana banane barley orge basil basilic basket panier : usually a wicker basket. bayleaf laurier : (also laurel leaf) bean haricot beef boeuf beef stew daube beer bière blanchaille blanchaille : very tiny fish from the Mediterranean; used in Pissala. boiled bouilli boiled corn polenta jaune boiling ébullition bone marrow moelle bottle bouteille bowl bocal : deep bowl with narrow top braised braisé bran bread pain de son : similar to whole wheat bread (pan complet) bread pain : [Pain à l'ancienne] bread crumbs chapelure cantaloup melon : (cantaloup de Cavaillon) [Cavaillon] capers câpres capon chapon : a young castrated and fattened rooster caraway carvi cardoon cardon : an edible thistle, related to the artichoke, with edible root and leafstalks; leafstalks used as a garnish for some meat dishes carrot carotte cashew cajou : (noix d'acajou) cauliflower chou-fleur celery céleri celery fougère musquée : celery anise, aniseed badiane : (anis étoilé; badiane) apple pomme : - pomme de risoul et pointue de Trescléoux = a regional apple beet, beetroot betterave beet, white blette : [Tourte de Haute-Provence] bell pepper poivron : bell pepper (green, red, or yellow) [poivron farci] bread stick baguette : a long narrow cylindrical loaf of white bread weighing 250 g. "Baguette" is the name for anything long and skinny, including drum sticks, strips of wood, etc. broccoli brocoli celery salt sel de céleri cheese, blue moulded bleu de Queyras : a regional blue-moulded cheese cheese, goat fromage de chèvre apricot abricot aroma, flavor arôme : (arôme = aroma; goût = taste; parfum = flavor of ice cream; artichoke artichaut asparagus asperge : - botte d'asperges = bundle of asparagus - pointe d'asperges = asparagus tips aspic jelly aspic avocado avocat : (avocado pear) bake in the oven cuire au four baker boulanger baker's yeast levure de boulanger bakery boulangerie bell pepper, green poivron vert : bell pepper (green, red, or yellow) bell pepper, red poivron rouge : bell pepper (green, red, or yellow) beverage, drink boisson bitter acerbe : (bitter; tart) to the taste bitterness amertume blackberry mûre : blackberry, brambleberry, mulberry - mûrier noir = fresh blackberry blackberry bush ronce : wild, with thorns. The briar patch. blackcurrant cassis : The red groseille is a red currant. The black groseille is called "cassis". blackcurrant liqueur cassis, creme de blanch blanchir : boil the water, dip the food quickly, for a few minutes only to brown à revenir : (to soften - cake) to brown, singe à roussir brussels sprout chou de Bruxelles buckwheat sarrasin buckwheat blé noir buckwheat bread pain de sarrasin burned, singed brûlé butcher shop boucherie butter beurre : cabbage chou : - chou-blanc: white cabbage; chou-rouge: red cabbage; chou pointu de Châteaurenard: a regional cabbage cake gâteau cheese, grated fromage rapé cherry cerise chervil cerfeuil chestnut marron : from the Châtaignier; the nuts from the marronnier are inedible chick pea pois chiche chicken poulet chickpea pancake panisse : Provencal thick pancake made with chickpea flour. chicory endive : also known as white leaf. chicory lettuce chicorée frisée : - (chicorée frisée; endive frisée) chicory lettuce endive frisée : - (chicorée frisée chicorée frisée) chili pepper poivron pimenté 357

180 chilled rafraîchi : or cooled coriander coriandre to dice à dés : finger bowl rince-doigts : [Camargue] chives ciboulette to chop à détailler chunks en dés cilantro : coriandrum sativum - coriander, Chinese parsley; herb with aromatic leaves and seeds resembling parsley. cinnabar cinabre : a bright-red pigment for coloring citronella citronnelle : applies to various plants with a lemon scent: verbena, lemon balm, melissa, etc. cork bouchon : a bottle stopper, made from the bark of the cork oak (chêne liege) cork liege : the material; the bark of the cork oak (chêne liege) corked bouchonné : wine that's gone off, with the taste of its cork corn maïs : (American corn = English maize; English corn = American grain) corn-bread pain de mais cotton candy barbe-à-papa : (grandpa's beard) English, also: candy floss - couper en gros dés = to dice; cut into chunks dill aneth : similar to fenouil doe biche : (female deer) dogfish emissole : Mediterranean, smooth dogfish, shark fish. doughnut beignet : (beignet, doughnut, fritter) drain égoutter : drain off (water); strain (cheese) drumstick pilon : drumstick, leg of poultry fish poisson flavor saveur : (arôme = aroma; goût = taste; parfum = flavor of ice cream; flour farine : - farine de sarrasin = buckwheat flour food alimentation : (food, groceries, nourishment, nutrition) food nourriture four spices quatre-épices : a blend of ground cinnamon, cloves, nutmeg, pepper. citrus fruit agrumes clove girofle clove, pod gousse : clove (of garlic); pod (of bean or pea) cocktail snack amuse-gueule : (amuse-gueule; amuse-bouche) coconut noix de coco coconut milk lait de noix de coco cod, salt morue - a fish : - fresh codfish = cabillaud codfish, fresh cabillaud : - salt cod = morue colander passoire : une passoire conique (conical colander) is used to "filtrer au chinois" cold cuts charcuterie conger eel congre conger eel fiélas (congre) country bread pain de campagne : usually a large, round loaf, dusted with flour. cranberry airelle rouge : Airelle is a general name applied to the "Vaccinium" berry shrubs. Airelle is used for the British bilberry (whortleberry) or the American blueberry (huckleberry) as well as the cranberry ("airelle rouge"). crayfish, crawfish écrevisse cream crème cream, full-fat crème fraîche : used for making butter, sauces, etc. to crumble à émietter to crush à écraser : écrasé: crushed or flattened crushed broyé : (crushed, ground, pounded) cuckoo wrasse labre - a fish cucumber concombre cumin cumin currant, red groseille : The red groseille is a red currant. The black groseille is called "cassis". eel anguille egg oeuf egg white blanc d'oeuf egg yolk jaune d'oeuf egg, boiled oeuf à la coque : steak or hamburger topped with a fried egg egg, fried oeuf dur le plat egg, hard-boiled oeuf dur egg, poached oeuf à la moelle : with a whitewine and bone barrow sauce egg, poached oeuf poché eggplant aubergine : [aubergine farcie] eggs, scrambled oeufs brouillés endive scarole ewe brebis : female sheep french toast pain perdu to froth à écumer : (to foam) fry alevin : bait (tiny fish) game gibier : pheasant, boar, etc. garlic ail : - gousse d'ail = clove of garlic garlic powder ail semoule : - gousse d'ail = clove of garlic garlic salt ail semoule : - gousse d'ail = clove of garlic geranium géranium odorant giblets abattis : poultry giblets gilthead daurade royale - a fish gingerbread pain d'épice cooked rare bleu : (blue), but not a rare as saignant. cooked very rare saignant to cut up à tronçonner : (into sections or lengths) cuttle-fish seiche : fennel fenouil fig figue : - figue de Tarascon goose oie grape raisin grapefruit pamplemousse cooked well done bien cuit to cool à réfroidir : or chill. 358 dandelion pissenlit : used in some old-time Provencal cooking [Tourte de Haute Provence] filet mignon filet mignon : the small choice end of tenderloin of beef (or of veal or pork) filled fourré : filled, stuffed, creamed 359 grated râpé : or shredded. green beans haricot vert

181 green pasta pâte verte to knead à pétrir, malaxer : (dough) marbled marbré : (also persillée for blue cheese) noodle nouille ground beef steak haché grouper mérou - a fish Guinea-hen pintade gurnard griofle : (gurnard, gurnet = griofle, grondin) gurnet grondin : (gurnard, gurnet = griofle, grondin) haddock stockfish - a fish ham jambon to hang à faisander : (game, for aging) herbal tea infusion Herbes de Provence Herbes de Provence hog-fish rascasse : used for bouillabaisse honey miel hot épicé : infusion tisane : an infusion of herbal tea jam confiture jar bocal : glass (or earthenware) jar for canning preserves. jujube jujube : (from thejujube tree) - jujube de Provence juniper genièvre (genévrier) : juniper; gin; geneva kidney rognon knuckle of ham jambonneau : ladle louche lamb agneau lamb leg gigot : Leg of lamb or leg of mutton, usually roasted lamb, dried moutounesso laurel leaf laurier : (also bayleaf) lavender lavande to leaven à levain : (the "raising" compound in bread) see leveure (yeast) leek poireau leftovers rogatons : slang for the leftovers of a meal. lemon citron lemon balm mélisse : melissa; lemon balm lettuce laitue lettuce salade licorice réglisse light cream crème fleurette : a low-fat cream used in cooking, in place of crème fraîche; also "crème liquide" liver foie lobster langouste : spiny lobster or rock lobster; also called crawfish. macaroni macaroni mace fleur de muscade : (spice; also called macis - fleur de muscade = mace spice - noix de muscade = nutmeg marjoram, sweet marjolaine : sweet marjoram; see also oregano (wild marjoram) meal repas meat viand meat chunks viande en dés : - figue de Tarascon medlar fruit nèfle du Japon to melt à fondre melted fondu mild doux milk lait to mince à émincer : sliced thinly (meat or onions); shredded (vegetables). minced beef steak haché mint menthe morel morille : a tasty mushroom; dark brown conical cap, pitted with cavitites. mortar mortier : heavy bowl for grinding with a pestle; pilon = pestle moulded moulé mullet muge - a fish mushroom champignon mussel moule mussels moules : - moules marinières = mussles cooked in white wine with onion or shallots mustard moutarde mutton mouton : nutmeg muscade : Nutmeg is "noix de muscade", often just called "muscade". nutmeg noix de muscade : oats avoine : (flocon d'avoine = rolled oats; gruau d'avoine = porridge, oatmeal. octopus poulpe oil huile old, aged vieux olive olive olive oil huile d'olive omelette omelette onion oignon : [oignon farci] orange orange : orange de Nice; blonde de Nice orange-flower water eau de fleur d'oranger : Distilled from orange blossoms, especially the Bigaradier orange of Provence, and used in cuisine in Provence and North Africa. It's also used in some health/beauty products. The only on-line source (think) we've found is: Cassell-Wood/Londons; $14; oregano origan : wild marjoram; sometimes called marjolaine (sweet marjoram) oven four : pandora, red pageot : larger than sea bream (dorade) and less delicate flavor; also called "rosseau" pandora, red rosseau : larger than sea bream (dorade) and less delicate flavor; also called "pageot" paprica paprika parmesan parmesan kidney beans haricot rouge to knead à malaxer, pétrir : (dough); to work (butter) 360 maize maïs : (American corn = English maize; English corn = American grain) mango chutney chutney mangue nasturtium capucine nettle ortie : used in some old-time Provencal cooking [Tourte de Haute Provence] 361 parsley persil parsnip panais

182 paste paté pot faitout, fait-tout : stew-pan, cooking pot ribsteak entrecôte (steak) savory sarriette peach pêche : - (faittout, marmite) rice riz : [Camargue] to scald à échauder - pêche sanguine de Manosque = a local variety potato pomme de terre : rind ecorce : fruit rind; fruit peel; rice husk scalded ring cake brassadeau peanut cacahouète : - pêche sanguine de Manosque = a local variety pear poire : - poire crémesine et martin-sec = a regional pear peas petit pois - pomme de risoul et pointue de Trescléoux = midseason potatoes - pomme de terre de Pertuis = mid-season potatoes potato pancake paillasspm : thin pancake made with shredded potatoes. powder en poudre rind, skin counne : example: "couenne de porc" is porc rind ripe mûr roast rôti roast rôti : meat roast; "rôti de porc": pork roast; "rôti de dinde": turkey roast. scale écaille : fish scale scallion ciboule : (scallion; welsh onion) sea bass loup - a fish sea-bream dorade - a fish sea-urchin oursin violet to peel à éplucher to press à fouler : (force with a pistul) to roast à rôtir to seed à épépiner : (remove the seeds) to peel à peler peel zeste : peel (of lemon, orange) prune pruneau pumpkin citrouille rocambole rocambole : aka Spanish garlic; a large wine coloured bulb that is used similarly to shallots; grown in the South of France seed grain : seed (grape, mustard); bean (coffee) seed graine : (of a plant) pepper poivre peppermill moulin à poivre persimmon kaki muscat de Provence : [see flora] pumpkin potiron : quarter quart : rock salt gros sel : also suggested: coarse salt, sea salt, kosher salt. Gros sel is used for cooking; sel fin is used as table salt. roll petit pan to seer à saisir : Begin the cooking by seering the outer surface hot and fast: put a small amount of oil in a pan, bring it up to a high temperature, put in the food, spread out, to quickly brown the surface, turn to brown the other side(s). pestle pilon : short thick club for pounding substances in a mortar pickled saumuré pie tarte pie, covered tourte pimento piment : pimeinto, red pepper, hot pepper, capsicum - un quart de vin = a carafe with 25 cl of wine quiche quiche quince coing de Provence : for jams radish radis raisin raisin sec : (dried grape) to roll flat à étendre au rouleau : (dough) rolled roulé rosemary romarin rye bread pain de seigle rye bread pain de seigle : shad alose : a silvery fish, smaller than a herring shallot echalote : scallion; welsh onion shark requin - a fish to shell à écailler : (crabs), scale sherbert sorbet shrimp crevette : scallion; welsh onion pine nut pignon : [from the pin parason] ravioli ravioli : stuffed pasta saffron safran sieve tamis pineapple ananas pistachio pistache raw vegitables panier de crudités : served whole or chopped, in a basket; eaten by hand, with or without "dipping". sage sauge salt sel to simmer; cook slowly à mitonner : simmer, stew slowly, with low heat, in water or bouillon (also mijoter) plate assiette plum prune pomegranate grenade : - grenade de Provence pomme apple recipe recette red mullet rouget : small red fish used in Provencal cooking; also applies to goatfish or surmullet. red mullet rouget de roche - a fish red scorpion fish rascasse rouge : chapon de mer fish (for bouillabaisse) salt pork petit salé : salt pork, or salt chine of pork salt, pepper sel, poivre salted salé sandwich bread pain de mie : white, sliced bread sardine sardine - prepared very carefully (Mitonnée aux Cinq Légumes) - cook long and slowly (ragoût) sirloin steak faux-filet (steak) skate raie : or ray snipe becassine poppy, wild red coquelicot : the wild red, or corn poppy, petals are used in salads, and in Provencal jelly 362 red-eye rotengle : also called gardon rouge, or rud; (freshwater) sauerkraut choucroute 363 to soften à ramollir

183 sorrel oseille soup soupe sour aigre sour cream crème aigre spaghetti spaghetti spicy relevé : or seasoned. spinach épinard spoonful cuillerée to spread à étaler : (spread out evenly) spring onion ciboule : (scallion; welsh onion) sprinkled arrosé : moistened; basted squash courge squid calmar squid encornet starfruit carambola : The carambola, or starfruit, is a large elongated yellow green fruit that is star shaped when cut across the bias; when they start to go a deep golden yellow they taste absolutely fantastic. [thanks, Chric Hockley] starling sansonnet : étourneau sansonnet = Sturnus vulgaris, common starling, a bird, and sometimes delicacy in Provencal and Corsican dishes. sulphur soufre sweet-and-sour aigre-doux : (bitter-sweet) sweetbreads ris : of calf, lamb or kid goat. to tail à équeuter : (a fruit) tail queue tangerine mandarine : manderin orange or tangerine. tarragon estragon : tarragon taste goût : (arôme = aroma; goût = taste; parfum = flavor of ice cream; to taste à goûter tea thé tenderloin steak filet (steak) thick cream crème èpaisse to thin à délayer : (a sauce) thyme thym : - wild thyme is serpolet tomato tomate : [Tomate farci] truffle truffe : [Truffles - Searching for the Black Diamond] - truffe noire d'hiver = winter black truffle umber fish ombre commun : or freshwater grayling veal veau : calf's meat vegetable légume vermicelli vermicelles vervain verveine vinegar vinaigre virgin vierge : - huile d'olive vierge = pure cold-pressed olive oil walnut, nut noix warmed réchauffé : or re-heated. water eau watermelon pastèque welsh onion ciboule : (scallion; welsh onion) wheat blé : - germe de blé = wheatgerm wheatgerm germe de blé whipped cream crème chantilly - fromage blanc = white cheese; vin blanc = white wine white beans haricot blanc white beet bette whiting merlan - a fish whole wheat bread pain complet : similar to bran brad (pain de son) wild thyme serpolet wine vin woodcock bécasse worn usé : red wine that has faded in quality because of age. yeast levure : - levure chemique = baking powder - levure de boulanger = baker's yeast yogurt yaourt : zucchini courgette : [Courgette farcie] zucchini flower fleur de Courgette : steak steak tuna thon - a fish white blanc : steam vapeur tunny thon rouge - a fish stew ragoût turbot turbot - a fish to stir slowly à remuer : also to toss (a salad); mix turkey dinde : straw paille - dinde: hen turkey hen; dindon: tom turkey; dindonneau: young turkey strawberry fraise : turkey filet filet de dinde : - fraise de Carpentras; frais du Plan de Carros - truffe noire d'hiver = winter black truffle stuffed Guinea-hen pintade farcie to turn sour à aigrir : (wine or milk) stuffed vegetables farci : (légumes farcis) turnip navet : sugar sucre

184 baudroie angler-fish : (monkfish, frog-fish, sea- boisson beverage, drink abaisse : a thin layer of pastry, undercrust abats : organ meats (other than poultry giblets) abattis giblets : poultry giblets abricot apricot acerbe bitter : (bitter; tart) to the taste agneau lamb agrumes citrus fruit aïgo bouido : Provençal garlic soup served over pieces of bread aïgo-sau d'iou : Provençal fish soup made with "water and salt" aigre sour aigre-doux sweet-and-sour : (bitter-sweet) à aigrir to turn sour : (wine or milk) ail garlic : - gousse d'ail = clove of garlic ail semoule garlic powder : - gousse d'ail = clove of garlic ail semoule garlic salt : - gousse d'ail = clove of garlic aillé : flavoured with garlic aïoli : a Provencal garlic mayonaise sauce, served as part of the aïoli complet [photo] airelle rouge cranberry : Airelle is a general name applied to the "Vaccinium" berry shrubs. Airelle is used for the British bilberry (whortleberry) or the American blueberry (huckleberry) as well as the cranberry ("airelle rouge"). alevin fry : bait (tiny fish) alimentation food : (food, groceries, nourishment, nutrition) alose shad : a silvery fish, smaller than a herring amande almond amer : bitter (also acerbe amertume bitterness amuse-gueule cocktail snack : (amuse-gueule; amuse-bouche) ananas pineapple anchois anchovy - a fish anchoyade anchovy purée : Provençal purée made with garlic and olive oil aneth dill : similar to fenouil angélique angelic anguille eel anis étoilé anise, aniseed : (anis étoilé; badiane) the anise plant; its dried star-shaped fruit. apple pomme apron : a fish from the Rhône river, related to perch aromate : aromatic plant; herb; spice arôme aroma, flavor : (arôme = aroma; goût = taste; parfum = flavor of ice cream; arrosé sprinkled : moistened; basted artichaut artichoke asperge asparagus : - botte d'asperges = bundle of asparagus - pointe d'asperges = asparagus tips aspic aspic jelly assiette plate aubergine eggplant : [aubergine farcie] avocat avocado : (avocado pear) avoine oats : (flocon d'avoine = rolled oats; gruau d'avoine = porridge, oatmeal. badiane anise, aniseed : (anis étoilé; badiane) à badigeonner : paint on a coat [of egg white, for example] baguette bread stick : a long narrow cylindrical loaf of white bread weighing 250 g. "Baguette" is the name for anything long and skinny, including drum sticks, strips of wood, etc. banane banana banon : Provencal goat cheese wrapped in chestnut leaves, from Banon [Banon village] barbe-à-papa cotton candy : (grandpa's beard) English, also: candy floss barbouillade : stuffed eggplant or eggplant stew (Provençal) basilic basil devil) also called lotte de mer bavette (steak) : minute steak; the top or skirt of beef baveux : moist, runny bécasse woodcock becassine snipe beignet doughnut : (beignet, doughnut, fritter) berlingot de Carpentras : candy bette white beet betterave beet, beetroot betterave rouge de Gardanne : a regional red beet beurre butter bicarbonate de sodium baking soda : Available from pharmacies. biche doe : (female deer) bien cuit cooked well done bière beer bigarreau Pélissier : a regional cherry biscotin d'aix : cookie blanc white : - fromage blanc = white cheese; vin blanc = white wine blanc d'oeuf egg white blanchaille blanchaille : very tiny fish from the Mediterranean; used in Pissala. blanchir blanch : boil the water, dip the food quickly, for a few minutes only blé wheat : - germe de blé = wheatgerm blé noir buckwheat blette beet, white : [Tourte de Haute-Provence] bleu cooked rare : (blue), but not a rare as saignant. bleu de Queyras cheese, blue moulded : a regional blue-moulded cheese blonde de Nice : a regional orange of Nice blondir : cook [onions] only until transparent, not quite browning bocal bowl : deep bowl with narrow top bocal jar : glass (or earthenware) jar for canning preserves. boeuf beef boucherie butcher shop bouchon cork : a bottle stopper, made from the bark of the cork oak (chêne liege) bouchonné corked : wine that's gone off, with the taste of its cork bouillabaisse : a fish soup bouilli boiled boulanger baker boulangerie bakery bourride : Provençal fish soup, prepared with tomatoes, garlic, onions, herbs and olive oil, and served with aïoli sauce. bouteille bottle braisé braised brassadeau scalded ring cake brebis ewe : female sheep brocoli broccoli brouillade : a Provençal type of scrambled eggs brousse du Rove : fresh goat-milk cheese, from a goat raised for meat rather than dairy products brousse du Var : fresh sheep-milk cheese from the Var department broyé crushed : (crushed, ground, pounded) brûlé burned, singed : cabillaud codfish, fresh : - salt cod = morue cacahouète peanut : - pêche sanguine de Manosque = a local variety cachaille : cheese-product mixture cade : Nice-Toulon pancake cajou cashew : (noix d'acajou) calisson d'aix : almond-paste candy calmar squid câpres capers capucine nasturtium carambola starfruit : The carambola, or starfruit, is a large elongated yellow green fruit that is star shaped when cut across the bias; when they start to go a deep golden yellow they taste absolutely fantastic. [thanks, Chric Hockley]

185 cardon cardoon : an edible thistle, related to the cinabre cinnabar : a bright-red pigment for cuire au four bake in the oven endive chicory : also known as white leaf. artichoke, with edible root and leafstalks; leafstalks coloring cumin cumin : endive frisée chicory lettuce : used as a garnish for some meat dishes citre : a regional vine plant (Citrullus lanatus) - (chicorée frisée chicorée frisée) carotte carrot related to the watermelon, used for making jam daube beef stew à enfourner : to put into the oven carvi caraway citron lemon daurade royale gilthead - a fish entrecôte (steak) ribsteak cassis blackcurrant : The red groseille is a red citron de Menton : a regional lemon à délayer to thin : (a sauce) entremets : sweet desserts and sweet side dishes. currant. The black groseille is called "cassis". citronnelle citronella : applies to various plants à dés to dice : The word origin is from "in-between dishes" served cassis, creme de blackcurrant liqueur with a lemon scent: verbena, lemon balm, melissa, - couper en gros dés = to dice; cut into chunks between courses at Middle-Ages banquets while the cébette : like a leek; in Provence it's shredded for etc. à détailler to chop minstrels entertained. salads or eaten raw citrouille pumpkin dinde turkey : à épépiner to seed : (remove the seeds) céleri celery coco rose : small bean, white with pink veins - dinde: hen turkey hen; dindon: tom turkey; épicé hot cerfeuil chervil coing de Provence quince : for jams dindonneau: young turkey épinard spinach cerise cherry compote : compote (eg. applesauce) dorade sea-bream - a fish à éplucher to peel champignon mushroom concombre cucumber doux mild : à équeuter to tail : (a fruit) champoléon : moulded raw cheese confit : preserved, jelly: confit de canard is filleted estragon tarragon : tarragon chapelure bread crumbs duck cooked and preserved in its own fat; confit de eau water à étaler to spread : (spread out evenly) chapon : crust rubbed with garlic [fruit] is candied, jellied or crystallized fruit. eau de fleur d'oranger orange-flower water : à étendre au rouleau to roll flat : (dough) chapon capon : a young castrated and fattened confiture jam Distilled from orange blossoms, especially the rooster confiture d'agrumes : citrus-fruit jam Bigaradier orange of Provence, and used in cuisine à faisander to hang : (game, for aging) chapon de mer : rascasse rouge fish (for confiture de genièvre : juniper-berry jam in Provence and North Africa. It's also used in some faitout, fait-tout pot : stew-pan, cooking pot bouillabaisse) congre conger eel health/beauty products. The only on-line source - (faittout, marmite) charcuterie cold cuts coquelicot poppy, wild red : the wild red, or corn (think) we've found is: Cassell-Wood/Londons; farci stuffed vegetables : (légumes farcis) Chateaubriand : a thick fillet of grilled tenderloin poppy, petals are used in salads, and in Provencal $14; farine flour : steak, especially from the fat cattle in Brittany jelly ébullition boiling - farine de sarrasin = buckwheat flour around the town of Chateaubriant. coriandre coriander écaille scale : fish scale faux-filet (steak) sirloin steak chevreau de lait : milk goat (kid) counne rind, skin : example: "couenne de porc" is à écailler to shell : (crabs), scale favouille [favouïo] : small green crab chichi-frégi : a beignet porc rind echalote shallot : scallion; welsh onion fenouil fennel chicorée frisée chicory lettuce : courge squash à échauder to scald fève - (chicorée frisée; endive frisée) courgette zucchini : [Courgette farcie] ecorce rind : fruit rind; fruit peel; rice husk févette chique : candy craqueliln de Carpentras : one of the "berlingot" à écraser to crush : écrasé: crushed or flattened fiélas (congre) conger eel chou cabbage : candies of Carpentras écrevisse crayfish, crawfish figue fig : - chou-blanc: white cabbage; chou-rouge: red crème cream à écumer to froth : (to foam) - figue de Tarascon cabbage; chou pointu de Châteaurenard: a regional crème aigre sour cream à éffiler : cut into thin strips; strip the stringy part filet (steak) tenderloin steak cabbage crème chantilly whipped cream from string beans; flake almonds. filet de dinde turkey filet : chou de Bruxelles brussels sprout crème èpaisse thick cream égoutter drain : drain off (water); strain (cheese) - truffe noire d'hiver = winter black truffle chou-fleur cauliflower crème fleurette light cream : a low-fat cream à émietter to crumble filet mignon filet mignon : the small choice end choucroute sauerkraut used in cooking, in place of crème fraîche; also à émincer to mince : sliced thinly (meat or of tenderloin of beef (or of veal or pork) chutney mangue mango chutney "crème liquide" onions); shredded (vegetables). fleur de Courgette zucchini flower ciboule scallion : (scallion; welsh onion) crème fraîche cream, full-fat : used for making emissole dogfish : Mediterranean, smooth fleur de muscade mace : (spice; also called macis ciboule spring onion : (scallion; welsh onion) butter, sauces, etc. dogfish, shark fish. - fleur de muscade = mace spice ciboule welsh onion : (scallion; welsh onion) crevette shrimp : scallion; welsh onion en dés chunks - noix de muscade = nutmeg ciboulette chives croquant : brioche cake en poudre powder foie liver cigale de mer : shellfish cuillerée spoonful encornet squid à fondre to melt

186 fondu melted gros sel rock salt : also suggested: coarse salt, sea levure chimique baking powder : One "sachet" - cook long and slowly (ragoût) fougasse : a type of bread salt, kosher salt. Gros sel is used for cooking; sel fin (11g packet) is about 2 teaspoons. moelle bone marrow fougassette : an enriched bread is used as table salt. levure de boulanger baker's yeast morille morel : a tasty mushroom; dark brown fougère musquée celery : celery groseille currant, red : The red groseille is a red liche albacore - a fish conical cap, pitted with cavitites. à fouler to press : (force with a pistul) currant. The black groseille is called "cassis". liege cork : the material; the bark of the cork oak mortier mortar : heavy bowl for grinding with a four oven (chêne liege) pestle; pilon = pestle fourré filled : filled, stuffed, creamed haricot bean lotte de mer angler-fish : (monkfish, frog-fish, morue cod, salt - a fish : fraise strawberry : haricot blanc white beans sea-devil) baudroie - fresh codfish = cabillaud - fraise de Carpentras; frais du Plan de Carros haricot coco rose d'eyragues : small local bean, louche ladle moule mussel fromage blanc : a soft white cheese like a thick called "coco rose" ( small white bean with pink loup sea bass - a fish : moulé moulded yogurt veins) moules mussels : fromage de chèvre cheese, goat haricot rouge kidney beans macaroni macaroni - moules marinières = mussles cooked in white fromage rapé cheese, grated haricot vert green beans maïs corn : (American corn = English maize; wine with onion or shallots fruit Confit d'apt : candied fruit Herbes de Provence Herbes de Provence English corn = American grain) moulin à poivre peppermill huile oil maïs maize : (American corn = English maize; moutarde mustard galinette : a fish huile d'olive olive oil : English corn = American grain) mouton mutton gâteau cake à malaxer, pétrir to knead : (dough); to work moutounesso lamb, dried genièvre (genévrier) juniper : juniper; gin; infusion herbal tea : (butter) muge mullet - a fish geneva mandarine tangerine : manderin orange or mûr ripe géranium odorant geranium jambon ham tangerine. mûre blackberry : blackberry, brambleberry, germe de blé wheatgerm jambonneau knuckle of ham mange-tout : "eat-everything", tiny little fish mulberry gibier game : pheasant, boar, etc. jaune d'oeuf egg yolk marbré marbled : (also persillée for blue cheese) - mûrier noir = fresh blackberry gigot lamb leg : Leg of lamb or leg of mutton, jujube jujube : (from thejujube tree) marjolaine marjoram, sweet : sweet marjoram; muscade nutmeg : Nutmeg is "noix de muscade", usually roasted - jujube de Provence see also oregano (wild marjoram) often just called "muscade". girelle : a fish marmite : cooking pot girofle clove kaki muscat de Provence persimmon : [see flora] marron chestnut : from the Châtaignier; the nuts navet turnip gnocchi : A small Niçoise dumpling made from labre cuckoo wrasse - a fish from the marronnier are inedible navette : a boat-shaped cookie (Marseille; potato paste. [photo] lait milk mélisse lemon balm : melissa; lemon balm Provençal) gousse clove, pod : clove (of garlic); pod (of lait de noix de coco coconut milk melon cantaloup : (cantaloup de Cavaillon) nèfle du Japon medlar fruit bean or pea) laitue lettuce [Cavaillon] noix walnut, nut goût taste : (arôme = aroma; goût = taste; parfum langouste lobster : spiny lobster or rock lobster; menthe mint noix de coco coconut = flavor of ice cream; also called crawfish. merlan whiting - a fish noix de coquilles Saint-Jacques : the white flesh of à goûter to taste langoustine : Dublin Bay prawn; Norwegian mérou grouper - a fish the scallop grain seed : seed (grape, mustard); bean (coffee) lobster. mesclun Niçois : mixture of different lettuces noix de muscade nutmeg graine seed : (of a plant) laurier bayleaf : (also laurel leaf) miel honey nonat alevin : alevin, fry, young fish grenade pomegranate : laurier laurel leaf : (also bayleaf) à mijoter : simmer, stew slowly, with low heat; nougat blanc : white nougat candy - grenade de Provence lavande lavender prepare with great care or love (also mitonner) nougat noir : dark nougat candy griofle gurnard : (gurnard, gurnet = griofle, légume vegetable Mitonnée aux Cinq Légumes nouille noodle grondin) à levain to leaven : (the "raising" compound in à mitonner to simmer; cook slowly : simmer, nourriture food : grondin gurnet : (gurnard, gurnet = griofle, bread) see leveure (yeast) stew slowly, with low heat, in water or bouillon grondin) levure yeast : (also mijoter) oeuf egg - levure chemique = baking powder - prepared very carefully (Mitonnée aux Cinq oeuf à cheval : steak or hamburger topped with a - levure de boulanger = baker's yeast Légumes) fried egg

187 oeuf à la coque egg, boiled : steak or hamburger pain de mie sandwich bread : white, sliced bread pétrissage : kneading potimarron : pumpkin variant, with slight chestnut topped with a fried egg pain de sarrasin buckwheat bread pieds et paquets : sheep tripes flavor oeuf à la moelle egg, poached : with a white- pain de seigle rye bread pignon pine nut : [from the pin parason] potiron pumpkin wine and bone barrow sauce pain de seigle rye bread à piler : to grind, crush (in a mortar) poulet chicken oeuf à la neige : a dessert of beaten egg whites pain de son bran bread : similar to whole wheat pilon drumstick : drumstick, leg of poultry poulpe octopus poached in milk and served i a caramelized valilla bread (pan complet) pilon pestle : short thick club for pounding poutargue de Martigues : fish egg custard pain perdu french toast substances in a mortar poutine alevin : alevin, fry, young fish oeuf dur egg, hard-boiled pamplemousse grapefruit piment pimento : pimeinto, red pepper, hot praline : an almond-sugar mixture used as a filling oeuf dur le plat egg, fried pan bagnat : A large round sandwich from Nice, pepper, capsicum in some pastries and candies; this is not the same as oeuf poché egg, poached with lettuce, anchovies, tuna fish, black olives, etc. pintade Guinea-hen the American or Belgium chocolate praline. oeufs brouillés eggs, scrambled Popular in the summer from beach-side stalls and pintade farcie stuffed Guinea-hen [Brioches aux Pralines] oie goose terrace cafés. pissala : a sauce prune plum oignon onion : [oignon farci] panais parsnip pissaladière : onion quiche pruneau prune : olive olive panier basket : usually a wicker basket. pissenlit dandelion : used in some old-time ombre commun umber fish : or freshwater panier de crudités raw vegitables : served whole Provencal cooking [Tourte de Haute Provence] quadrillage : a criss-cross topping on a tart (with grayling or chopped, in a basket; eaten by hand, with or pistache pistachio strips of pastry) or pizza (with anchovies) omelette omelette without "dipping". pistou : a Provencal garlic-basil sauce (see quart quarter : orange orange : orange de Nice; blonde de Nice panisse : fried beigne of chick-pea flour Basil); sometimes used to mean basil (basilic) - un quart de vin = a carafe with 25 cl of wine oreillette : a sweet fritter (beignet) panisse chickpea pancake : Provencal thick poire pear : quartier : a segment or quarter of orange, lemon, orge barley pancake made with chickpea flour. - poire crémesine et martin-sec = a regional pear melon, etc. origan oregano : wild marjoram; sometimes paprika paprica poireau leek quatre-épices four spices : a blend of ground called marjolaine (sweet marjoram) parmesan parmesan pois chiche chick pea cinnamon, cloves, nutmeg, pepper. ortie nettle : used in some old-time Provencal passoire colander : une passoire conique (conical pois mange-tout : "eat-everything" peas (small queue tail cooking [Tourte de Haute Provence] colander) is used to "filtrer au chinois" young pea pods; you eat the peas and the pod) quiche quiche : os, à la : on the bone pastèque watermelon poisson fish oseille sorrel paté paste poivre pepper radis radish oursin violet sea-urchin : pâte verte green pasta poivron bell pepper : bell pepper (green, red, or rafraîchi chilled : or cooled patience : cookie yellow) [poivron farci] ragoût stew pageot pandora, red : larger than sea bream pavé (steak) : a thick piece of prime grilled steak poivron pimenté chili pepper raie skate : or ray (dorade) and less delicate flavor; also called pêche peach : poivron rouge bell pepper, red : bell pepper raisin grape "rosseau" - pêche sanguine de Manosque = a local variety (green, red, or yellow) raisin sec raisin : (dried grape) paillasspm potato pancake : thin pancake made à peler to peel poivron vert bell pepper, green : bell pepper à ramollir to soften with shredded potatoes. persil parsley (green, red, or yellow) râpé grated : or shredded. paille straw persillée : marbled or blue-veined (for blue polenta jaune boiled corn rasade : full to the brim. pain bread : [Pain à l'ancienne] moulded cheese) pomme apple : rascasse hog-fish : used for bouillabaisse pain bouilli : a regional rye bread petit épeautre : a regional wheat - pomme de risoul et pointue de Trescléoux = a rascasse rouge red scorpion fish : chapon de mer pain complet whole wheat bread : similar to bran petit pan roll regional apple fish (for bouillabaisse) brad (pain de son) petit pois peas pomme de terre potato : ratatouille : a Provencal vegetable stew pain d'aix : a regional raised bread petit poisson de roche : small rock fish - pomme de risoul et pointue de Trescléoux = mid- ravioli ravioli : stuffed pasta pain d'épice gingerbread petit salé salt pork : salt pork, or salt chine of season potatoes recette recipe pain de campagne country bread : usually a large, pork - pomme de terre de Pertuis = mid-season potatoes réchauffé warmed : or re-heated. round loaf, dusted with flour. petite friture : tiny fish pompe à l'huile : an enriched bread à réfroidir to cool : or chill. pain de mais corn-bread à pétrir, malaxer to knead : (dough) pompe de Noël : an enriched bread réglisse licorice

188 relevé spicy : or seasoned. à roussir to brown, singe : soufre sulphur tomme : moulded raw cheese à remuer to stir slowly : also to toss (a salad); soupe soup tomme d'arles : moulded raw cheese mix safran saffron spaghetti spaghetti tourte pie, covered repas meal saignant cooked very rare spigol : a spice similar to safran tourton : vegetable pie, without pastry requin shark - a fish saint-pierre : a flat fish steak steak à tronçonner to cut up : (into sections or lengths) à revenir to brown : (to soften - cake) à saisir to seer : Begin the cooking by seering the steak - bavette : minute steak; the top or skirt of truffe truffle : [Truffles - Searching for the Black rince-doigts finger bowl : [Camargue] outer surface hot and fast: put a small amount of oil beef Diamond] ris sweetbreads : of calf, lamb or kid goat. in a pan, bring it up to a high temperature, put in the steak - entrecôte : beef ribsteak; cut from the front - truffe noire d'hiver = winter black truffle riz rice : [Camargue] food, spread out, to quickly brown the surface, turn ribs and wing-end ribs turbot turbot - a fish : riz de Camargue : rice from the Camargue to brown the other side(s). steak - faux-filet : sirloin steak [Camargue] salade lettuce steak - filet : tenderloin steak unilatéral : one-sided (saumon à l'unilatéral = rocambole rocambole : aka Spanish garlic; a salade de mesclun : a salad of lettuce, dandelion, steak - filet mignon : the small choice end of salmon grilled only on one side) large wine coloured bulb that is used similarly to chicory, watercress, herbs and rocket tenderloin of beef (or of veal or pork) usé worn : red wine that has faded in quality shallots; grown in the South of France salade mixte : lettuce and tomato salad steak - pavé : A thick piece of prime grilled steak because of age. rogatons leftovers : slang for the leftovers of a salade niçoise : a salad of lettuce, tomatoes, olives, steak haché ground beef meal. anchovies, tuna fish, bell peppers, hard-boiled eggs, steak haché minced beef vapeur steam rognon kidney etc. steak tartare : finely ground, raw lean beef mixed veau veal : calf's meat rognon blanc : white meat from the testicle. salé salted with raw egg yolk and garnished with chopped vermicelles vermicelli romaine : lettuce with long, crispy leaves. sansonnet starling : étourneau sansonnet = onion, capers and parsley. verveine vervain romarin rosemary Sturnus vulgaris, common starling, a bird, and stockfish haddock - a fish viand meat ronce blackberry bush : wild, with thorns. The sometimes delicacy in Provencal and Corsican suce-miel d'allauch : honey paste viande en dés meat chunks : briar patch. dishes. sucre sugar : - figue de Tarascon rondelle : thin, round slice (such as thin slices of sard : a fish vierge virgin : cucumber). sardine sardine tamis sieve - huile d'olive vierge = pure cold-pressed olive oil rosseau pandora, red : larger than sea bream sarrasin buckwheat tarte pie vieux old, aged (dorade) and less delicate flavor; also called sarriette savory taureau de Camargue : beef from the Camargue vin wine "pageot" saucisse aux herbes ou au chou : meat- [Camargue] vinaigre vinegar rotengle red-eye : also called gardon rouge, or vegetable/herb fresh sausage telline : shellfish violet : shellfish rud; (freshwater) saucisson d'arles : dry sausage terrine : varnished earthenware jar violette de Tourette : candied flower rôti roast sauge sage thé tea rôti roast : meat roast; "rôti de porc": pork roast; saumuré pickled thon tuna - a fish yaourt yogurt : "rôti de dinde": turkey roast. saveur flavor : (arôme = aroma; goût = taste; thon rouge tunny - a fish à rôtir to roast parfum = flavor of ice cream; thym thyme : - wild thyme is serpolet zeste peel : peel (of lemon, orange) rouget red mullet : small red fish used in scarole endive tisane infusion : an infusion of herbal tea Provencal cooking; also applies to goatfish or seiche cuttle-fish tomate tomato : [Tomate farci] surmullet. sel salt rouget de roche red mullet - a fish sel de céleri celery salt rougette : lettuce with small reddish leaves, sel, poivre salt, pepper popular in Provence. semence : seed (that you sow) rouille : Provencal spicy red sauce (literally serpolet wild thyme "rust"); like a garlic "aîoli" sauce with chilli pepper. socca : Nice-Toulon chick-pea-flour pancake roulade : stuffed meat or fish, rolled and sliced. [Socca de Nice] roulé rolled sorbet sherbert

189 Index BONUS Pour finir, j'ai regroupé en bonus quelques publications comprenant: 3 dossiers thématiques (le sens du goût, la digestion, la nutrition) un article d'hubert Richard et al sur les "Flaveurs et procédés de cuisson" un article de Gil Morrot et Frédéric Brochet sur "Cognition et vin" (paru dans la Revue des œnologues, 2004) un article d'harold McGee "Taking stock of new flavours" (paru dans Nature, 1999) un article d'hervé This "Molecular Gastronomy" (paru dans Nature Materials, 2005)

190 Le sens du goût. Que serait le goût sans la vue, la mémoire, la senteur, le plaisir? Lorsqu on parle du goût, on ne pense pas toujours à l ensemble des sensations qui permettent d identifier ce que l on mange. L aspect, l odeur, la saveur, l arôme, la texture, le croquant sont autant de paramètres qui participent à l appréciation d un aliment. Tous nos sens conditionnent les goûts que nous percevons et envoient au cerveau une multitude de messages destinés à nous faire reconnaître ce qui est bon. Une infinité de saveurs. Grâce à la salive, les aliments libèrent des molécules sapides qui se fixent sur les récepteurs chimiques de la langue. Ces bourgeons du goût sont constitués d un nombre très variable de cellules. Chacun d eux peut capter plusieurs dizaines de molécules sapides distinctes et il n est pas spécialisé dans la perception d une seule saveur. Dans le même temps, il réagit différemment à l arrivée d un aliment en fonction du nombre de cellules excitées. Les goûts sucrés et amers, pourtant antinomiques, peuvent être perçus par les mêmes récepteurs et procurent pourtant une sensation bien différente. Les neurobiologistes ont ainsi découvert que nos papilles ne se limitent pas à transmettre quatre saveurs sucrée, salée, acide et amère. Nous percevons en réalité un continuum gustatif qui résulte de nombreuses saveurs mais nous disposons de peu de mots pour exprimer leur diversité. Le langage ne permet pas de décrire toutes les sensations gustatives d autant que d une personne à l autre, la sensibilité du goût varie considérablement. «Les sens» du goût Dans le langage courant le sens du goût est seulement attribué à la langue. La saveur d un aliment est une sensation qui naît sur la langue au niveau des papilles. Mais nous sommes aussi sensibles aux odeurs et à d autres sensations gustatives. Quand un aliment est mâché dans la cavité buccale, des molécules odorantes se dégagent et circulent dans l arrière gorge. Elles arrivent dans la cavité nasale et stimulent les récepteurs olfactifs. Cette voie rétro-nasale permet la perception de l arôme de l aliment qui est responsable de 90% de la sensation du goût! L odorat, joue donc un rôle prépondérant dans la sensation gustative : un gros rhume fait perdre presque tout son goût à la nourriture et des expériences de dégustation ont démontré que le «goût» de nombreux vins est essentiellement olfactif. La langue dispose aussi de récepteurs sensibles à la température, à la pression, aux propriétés tactiles des aliments. Les dents transmettent aussi des informations mécano-réceptrices lors de la mastication et engendrent des informations nerveuses qui amplifient le message gustatif : lorsqu une dent est dévitalisée, la perception des saveurs diminue. Goûter un aliment c est le reconnaître par tous les sens. 1/ La vue est le premier sens qui nous renseigne sur ce que nous mangeons : l aspect est très important, il agit sur l acceptation ou le refus de l aliment. 2/ L olfaction directe qui précède la mise en bouche renseigne sur l odeur ou le fumet des aliments. L odorat est aussi un sens très déterminant dans nos choix alimentaires et dans la sensation du goût. 3/ Dans la cavité buccale, les saveurs apportées par les molécules sapides sont captées par les bourgeons du goût. Des récepteurs non gustatifs intègrent aussi des informations sur la texture et la température des aliments. Il existe une saveur très connue des asiatiques : l umami. Ce goût particulier, mi-sucré, mi-salé provient d un acide aminé (glutamate) que l on trouve dans la sauce soja, les viandes, les poissons et certains légumes. Un morceau de viande n est ni sucré, ni acide, ni amer, ni salé (si on n en ajoute pas). Ce ne sont donc pas ces saveurs qui procurent le plaisir qu on en tire. De même, il est difficile de ranger parmi les quatre saveurs de base le goût réglisse qui est vraiment unique et spécifique. 4/ Le goût est essentiellement perçu par l olfaction rétro nasale. Les arômes libérés dans la bouche par la mastication remontent vers la cavité nasale et stimulent les cellules nerveuses de l odorat. L odorat par la voie directe et la voie rétro-nasale est responsable de 90% de notre sensation gustative. Dossier Enseignant «A Table» Cap sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap sciences 2004.

191 La chaîne sensorielle et l analyse du message gustatif. Le goût est donc un sens très complexe qui fait intervenir l aspect de l aliment perçu par les yeux, l odeur reçue directement par le nez, la saveur captée par la langue, l arôme libéré par la mastication, les sensations tactiles et thermiques de la bouche. Les papilles de la langue ne sont que les points de départ de la chaîne gustative mais ce n est pas à leur niveau que se forme le goût. Le signal de chaque cellule est acheminé par les nerfs gustatifs vers le cerveau. Le goût se forme dans différentes zones cérébrales qui décodent et analysent les informations sensorielles transmises par les capteurs de la langue. Dans le cortex, la façon dont sont interprétés les messages sensoriels n est pas encore bien comprise. Puisqu il n y a pas de capteurs spécifiques à une saveur donnée, il n existe pas une cartographie de la langue pour les saveurs. Il faut raisonner en terme de population de récepteurs activés pour expliquer leur distinction : selon la substance sapide, différents groupes de récepteurs sont activés. Une molécule X va agir sur un nombre x de récepteurs et une molécule Y sur un nombre y. Il y aura un certain nombre de récepteurs communs mais jamais superposition exacte. Cette différence du nombre de capteurs activés par une molécule permet de reconnaître un grand nombre de saveurs avec seulement bourgeons du goût. Dans le nerf gustatif, la configuration des fibres nerveuses parcourues par des influx est caractéristique d une saveur particulière. Il y a ainsi dans le cerveau la formation d images mentales distinctes issues de différentes sources sensorielles. Les messages hédoniques de la mémoire confèrent à la perception gustative une coloration supplémentaire. L ensemble des informations et finalement acheminé et traité au niveau les lobes frontaux du cortex où émergent la conscience de l aliment reconnu et la sensation de plaisir procuré par la nourriture. Chaque individu dispose d une sensibilité gustative qui lui est propre et on s interroge sur la perception subjective des saveurs et d odeurs. Si les gènes interviennent dans notre sensibilité, il semble de plus en plus probable que le goût est en grande partie construit socialement par l environnement et le mode de vie : plus on est soumis tôt et régulièrement à une saveur, plus il est facile de la détecter. La langue. Plusieurs nerfs crâniens acheminent l information des capteurs sensoriels jusqu au cerveau. Comme pour les nerfs olfactifs, les ramifications du nerf gustatif suivent des parcours différents. Le message sensoriel se dédouble au niveau du tronc cérébral pour emprunter deux voies qui conduisent simultanément: vers le système limbique, sous le cortex cérébral, où les informations prennent une connotation émotionnelle. En suivant ce chemin, les messages passent dans l hypothalamus, la zone cérébrale de plaisir inconscient puis dans l hippocampe où l information est mémorisée et comparée avec les souvenirs. vers le thalamus le message gustatif se conjugue avec les sensations de l odorat et du toucher de la langue. C est le centre conscient de l analyse logique de l olfaction et du goût qui traite l intensité et la nature du message. Dossier Enseignant «A Table» Cap sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap sciences 2004.

192 La langue est le muscle le plus sophistiqué du corps humain. Sa surface est couverte de papilles qui lui donnent un aspect rugueux. Les bourgeons gustatifs en forme de citrons sont pourvus d un pore à leur extrémité. Ils renferment des cellules chimio-réceptrices qui peuvent libérer des messagers chimiques neurotransmetteurs. Ceux-ci vont exciter les neurones qui se trouvent à la base du bourgeon. Dix mille bourgeons du goût peuvent distinguer une centaine de saveurs différentes : - les papilles fongiformes en forme de champignon se situent surtout sur la pointe et les bords de la langue. Chacune d elles renferme entre un et cinq bourgeons. - Les papilles filiformes ont la forme d un cône et tapissent la langue formant une surface spongieuse imbibée de salive. Elles informent sur la température et la consistance des aliments. - Les papilles caliciformes placées à l arrière de la langue sont peu nombreuses mais renferment plusieurs centaines de bourgeons du goût. Elles constituent la dernière barrière avant l œsophage et permettent de détecter toute saveur suspecte d un aliment et notamment l amertume qui est souvent un signe de toxicité. Le piment fort à l inverse du menthol provoque une sensation de brûlure. Il contient un alcaloïde, la capsaïne qui stimule les capteurs sensibles à la douleur sur la langue. La sensation de chaleur ne disparaît pas en buvant de l eau car la capsaïne n est pas soluble. Tous les enfants quel que soit leur pays ont une préférence pour les produits sucrés. Ils ont un goût plus sensible que celui des adultes et apprécient rarement les goûts très prononcés des épices, de l ail, des oignons Ils font la grimace en mangeant des aliments ayant des saveurs acides ou amères. Ce sont des réflexes ataviques qui ont évité à l espèce humaine de consommer des poisons quand elle se nourrissait directement des produits de la nature. Les sensations trijéminales. Le cinquième nerf crânien, le nerf trijumeau est formé de trois ramifications principales : Le nerf lingual innerve la cavité buccale et une partie de la langue ; Le nerf ethmoïde innerve la cavité nasale. Le nerf ciliaire innerve les yeux. Pour les 2/3 de la langue le nerf lingual transmet les sensations de température, de texture des aliments et de douleur. Ces informations somesthésiques ne concernent pas les saveurs mais participent à l élaboration du goût. Les messages transmis par la branche ethmoïde apportent des informations indépendantes des sensations olfactives. Le menthol par exemple stimule ce nerf pour donner une sensation de frais et agit simultanément sur les récepteurs de la langue activés par le froid : un effet rafraîchissant est aussi transmis par le nerf lingual. Ce sont les cellules thermo-réceptrices de la bouche qui sont sensibles au menthol et non les bourgeons gustatifs c est pourquoi, même chaud, un thé à la menthe rafraîchit. Dossier Enseignant «A Table» Cap sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap sciences 2004.

193 La digestion. La digestion, c est la transformation des aliments en nutriments assimilables par l organisme. Dans le tube digestif, les aliments subissent une série de dégradations mécaniques et chimiques qui découpent les éléments nutritifs. Les nutriments résultant de la digestion sont suffisamment petits pour traverser la paroi poreuse de l intestin. Ils passent dans le sang et dans la lymphe : c'est l'absorption. Le sang apporte les nutriments à tous les organes du corps. Ils pénètrent dans les cellules où ils sont utilisés comme éléments de construction ou comme source d énergie. Les aliments non digérés, sont rejetés sous forme d excrément au niveau de l anus. En fonction de la nature des aliments consommés, le processus de digestion dure entre 24 et 72 heures. Le trajet des aliments dans l appareil digestif. Le cheminement des aliments dans notre organisme permet de passer en revue les différents organes de l appareil digestif et les glandes annexes qui s y rattachent. En suivant le parcours qui commence par la bouche et se termine par l anus, notre nourriture est soumise à deux processus : Les aliments commencent à subir une transformation mécanique au niveau de la bouche et de l estomac. Ils sont réduits en bouillie par mastication, broyage et malaxage. Le seconde transformation est surtout chimique et se déroule au niveau de l estomac puis des intestins. Les sucs digestifs constitués d acide et d enzymes jouent le rôle de ciseaux moléculaires pour produire des nutriments. La bouche. Dans la bouche les aliments sont mastiqués, coupés en petits morceaux et écrasés par les dents. Ils sont en même temps imprégnés de salive et humidifiés. Cet amalgame de bouchées liées par la salive s appelle le bol alimentaire. Il est poussé par les mouvements de la langue vers le fond de la bouche pour être avalé. L œsophage. C est un tube creux qui relie la bouche à l estomac. Dans la partie supérieure, le pharynx oriente et contrôle le passage des aliments. Ceux-ci descendent pendant une quinzaine de secondes dans l œsophage par péristaltisme : les contractions progressives de la paroi de l œsophage font avancer les aliments et contribuent à leur brassage mécanique. A la base, un clapet s ouvre sur l estomac. L estomac. L estomac est une poche entourée de muscles épais et puissants. Dans ce réservoir, le bol alimentaire est brassé pendant 3 ou 4 heures. Les ondes de contractions produisent un malaxage qui réduit les aliments en bouillie. En même temps, les cellules qui tapissent la paroi interne de l estomac, sécrètent les sucs gastriques (acide chlorhydrique et enzymes). Ces sécrétions pouvant atteindre 2 litres par 24 heures provoquent une dégradation chimique du bol alimentaire dans un milieu très acide. L intestin grêle. Cet intestin est un tube replié dans l abdomen qui mesure sept mètres de long chez un adulte. Ses parois ont une structure assez proche de celle de l estomac et la bouillie alimentaire (le chyme) est poussée en avant par péristaltisme. On distingue plusieurs segments dans ce long tube: le duodénum ( 50 cm ), le jéjunum ( 5 m) et l iléon ( 1m) C est dans l intestin grêle que se déroule la partie la plus importante de la digestion. A la sortie de l estomac, les cellules de l intestin sécrètent le suc intestinal et le duodénum reçoit les sucs digestifs provenant du pancréas et de la vésicule biliaire. Les réactions chimiques de ces enzymes avec le chyme produisent les nutriments. Ces éléments passent dans le sang : c est le phénomène d absorption. La fine paroi intestinale interne est entièrement recouverte de micro villosités richement vascularisées. Elle offre ainsi une grande surface d absorption pour les nutriments. Le gros intestin. Le gros intestin mesure 1,5 mètre de long. Il fait suite à l intestin grêle. Ce qui n a pas été absorbé parvient dans le colon qui renferme des milliards de bactéries Cette flore intestinale permet la fermentation des aliments non digérables. Cette réaction produit des gaz et la réabsorption de l eau permet la formation des matières fécales qui sont rejetées au niveau de l anus. Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

194 LES ORGANES DE L APPAREIL DIGESTIF BOUCHE GLANDES SALIVAIRES PHARYNX OESOPHAGE FOIE ESTOMAC VESICULE BILIAIRE DUODENUM PANCREAS INTESTIN GRELE GROS INSTESTIN RECTUM ANUS Les transformations chimiques des aliments. Les transformations chimiques des aliments nécessitent trois réactions: les protides ou protéines (polypeptides) sont fragmentés en acides aminés. les lipides ou graisses (glycérol + acide gras) sont émulsionnés et convertis en acides gras. les glucides ou sucres (polysaccharides) sont transformés en sucres simples assimilables comme le glucose ( monosaccharides). Les sucs digestifs et leurs enzymes. Une enzyme est une protéine capable de déclencher une réaction chimique sans modifier les produits finaux. Ce sont des catalyseurs biologiques fabriqués par les êtres vivants. Les enzymes agissent à très faible dose mais on les retrouve intactes à la fin de la réaction. Elles sont actives dans des conditions plus ou moins strictes de température et d acidité. La pepsine par exemple présente un maximum d efficacité à 40ºC dans une solution aqueuse de PH égal à 2. Une enzyme est spécifique d une réaction chimique déterminée et elle n'agit que sur un type de substrat. Le rôle des enzymes digestives est de découper les aliments en substances de plus en plus petites : elles favorisent une hydrolyse c est-à-dire, une décomposition sous l action de l eau. Les enzymes digestives sont donc des hydrolases. Macromolécule alimentaire + eau molécules assimilables = nutriments enzyme La salive Dans la bouche, la salive provenant des glandes est mélangée aux aliments. Nous produisons environ un litre et demi de salive par jour. C est un liquide visqueux facilitant la déglutition et composé à 99% d eau. Chez l'homme, la salive contient une enzyme appelée amylase. Elle a une action chimique sur l amidon (polysaccharide) qu elle scinde en deux sucres plus simples. (Disaccharides : dextrine et maltose.) Hydrolyse enzymatique de l'amidon. n ( C 6 H 10 O 5 ) + n H 2 O n ( C 12 H 22 O 11 ) Les sucs gastriques Le brassage énergique des aliments dans l estomac conduit à la formation d une bouillie alimentaire, le chyme, contenant des éléments solides de 1 millimètre environ. La présence de nourriture dans l estomac déclenche la sécrétion du suc gastrique et du mucus qui se mélangent au bol alimentaire. Le suc gastrique est un liquide incolore fortement acide (PH = 1) contenant de l eau, de l'acide chlorhydrique et des enzymes qui décomposent les aliments : la lipase gastrique Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

195 agit sur les graisses (agrégation des gouttes), la pepsine découpe les grosses protéines comme l albumine, la présure fait coaguler les protéines du lait. La pepsine et la présure deviennent actives en milieu acide. Le mucus se dépose sur les parois de l estomac pour le protéger des acides et des enzymes. Il y a aussi une absorption d eau, de sels minéraux et les éléments prédigérés passent graduellement dans l intestin grêle par le pylore à la base de l estomac. Les sucs intestinaux. Dans le duodénum, la partie supérieure de l intestin grêle, les éléments prédigérés déversés par l estomac, subissent l action de trois sucs digestifs puissants : le suc pancréatique, le suc intestinal et la bile. C est dans cette partie du tube digestif que se déroule l étape la plus importante de la digestion chimique et l hydrolyse complète de la plupart des aliments. Le transit dure environ 5 heures durant lequel il y a absorption des nutriments et réabsorption d eau. Le suc intestinal renferme de l'entérokinase qui active des enzymes : des saccharases, des maltases, des lactases et des peptidases. La première enzyme duodénale, la sécrétine neutralise l acidité gastrique qui permet l action digestive du suc pancréatique. La deuxième enzyme sécrétée est la CCK qui provoque les contractions de la vésicule biliaire, la bile arrive dans le duodénum par le canal cholédoque. Le suc pancréatique arrive à l intestin grêle par différents canaux. La sécrétion est stimulée par la consommation de protéines et de graisses. Le pancréas est une glande annexe de l appareil digestif qui produit environ 2 litres de suc par jour. Ce liquide incolore au PH neutre est le plus important pour la digestion. Il contient plusieurs enzymes : deux protéinases (la trypsine et la chymotrypsine) découpent les protéines, une lipase décompose les graisses, l amylase achève l hydrolyse de l amidon en maltose qui sera ensuite transformé en sucres simples assimilables (glucose et fructose). La bile est synthétisée par le foie et stockée dans la vésicule biliaire. La présence de graisse dans l estomac et dans le duodénum provoque la sécrétion de bile dans l intestin grêle. Les sels biliaires (glycocholate et taurocholate de sodium) jouent un rôle important dans la digestion et l'absorption des graisses. En se combinant avec les lipides, la bile forme des micelles solubles dans le sang. Sans la bile les lipides ne sont pas digérés. La flore bactérienne. Le gros intestin ne produit pas d enzymes mais renferme une flore bactérienne très importante et variée qui participe à la digestion. Ces bactéries transforment l urée en ammoniac et participent à la fermentation des glucides non absorbés au niveau de l intestin grêle. Dans cette partie terminale du tube digestif, il y a une absorption de l eau qui provoque une concentration des matières fécales. Après cette déshydratation des selles, il ne reste que les substances non digérées et la cellulose au niveau du colon. Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences La digestion des glucides. La digestion des glucides commence dans la bouche et se poursuit dans l intestin. L amidon, le composant principal des féculents, est une molécule de réserve énergétique. Ce glucide complexe est une macro molécule formée de molécules plus petites (plusieurs centaines de molécules de glucose). L amidon insoluble dans l eau est découpé par l amylase salivaire puis par l amylase pancréatique pour produire des disaccharides (maltose.) Ces sucres sont encore dégradés dans l intestin pour former du glucose soluble. ( mono-saccharide) Il est absorbé par les cellules intestinales et passe directement dans la circulation sanguine. D autres sucres comme le lactose et le saccharose, présents dans notre alimentation, sont dégradés au cours de la digestion. Les fibres alimentaires sont aussi constituées de sucres complexes. Le principal constituant est la cellulose mais l homme ne possède pas l enzyme, la cellulase, pour la dégrader. Les fibres fermentent au niveau du gros intestin en produisant des gaz, des acides gras volatils nécessaires au bon état de l intestin et elles facilitent le transit des selles. La digestion des protéines. La dégradation chimique des protéines qui sont constituées par de très longues chaînes d acides aminés, débute dans l estomac. Grâce à l acidité, les tissus conjonctifs autour de la viande sont dissous et la pepsine, une enzyme protéase, débite les grosses molécules protéiques en peptides. En sortant de l estomac, ces peptides sont hydrolysés dans le duodénum par les enzymes du suc pancréatique : les peptidases découpent les peptides en acides aminés ou peptides plus petits. La caséine par exemple est une protéine du lait. Elle est hydrolysée par la trypsine, la pepsine et la chymotrypsine en polypeptides qui sont à leur tour hydrolysés en acides aminés par les peptidases. La digestion des lipides. Les lipides de l alimentation humaine sont en grande partie constitués de triglycérides, de phospholipides et de stérols. Les lipides ont la propriété d être hydrophobes, ils sont très peu solubles dans l'eau. Leur absorption au niveau de la barrière intestinale est résolue de manière particulière : ils doivent être émulsionnés comme les gouttes d huile dans une vinaigrette pour être assimilées par l organisme. Dans le duodénum, la digestion permet de former des micelles, c est-à-dire des gouttelettes minuscules de 0.5 micron en suspension dans le milieu aqueux du tube digestif. Cette émulsion est amorcée par brassage mécanique et les sels biliaires assurent la formation complète des micelles de triglycérides. Les lipases et les phospholipases produites par le pancréas hydrolysent ensuite les lipides avec un maximum d efficacité. La réaction catalysée par la lipase se fait par étapes : Triglycéride + eau diglycérides + acide gras Diglycéride + eau monoglycérides + 2 acides gras Monoglycéride + eau monoglycérides + 3 acides gras Les monoglycérides, sous l'action de la lipase, se décomposent en glycérol et en acide gras. La digestion des lipides aboutit dans l'intestin à un mélange de monoglycérides, de di et de triglycérides non encore complètement hydrolysés, de glycérol, d'acides gras, de phospholipides et de cholestérol. Lorsqu elles sont suffisamment petites, les micelles sont absorbées par les parois de l intestin. Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

196 L absorption des nutriments. L intestin grêle est l organe principal de l absorption des nutriments. Ce processus est facilité par la longueur de l intestin grêle et par les villosités qui développent une surface d échange très importante estimée à plus de 250 m 2. Un réseau très dense de vaisseaux sanguins et lymphatiques est présent dans les micro villosités. Les cellules de la paroi intestinale permettent le passage des produits de la digestion vers le milieu interne de l organisme. L absorption peut se faire de manière spécifique vers le système sanguin ou vers le système lymphatique. Le sang draine tous les nutriments solubles dans l eau comme les minéraux, les vitamines, les sucres simples, les acides aminés, le glycérol, les acides gras à chaîne courte. Les vaisseaux lymphatiques transportent les molécules solubles dans les graisses. cellules épithéliales MICROVILLOSITES artériole chylifère veinule lymphatique Ce transport actif de molécules hydrosolubles à travers la membrane cellulaire est possible grâce à des protéines transmembranaires spécialisées. Les ions, les oses, les acides aminés, les nucléotides utilisent chacun des protéines de transport membranaires particulières. Ces molécules transporteuses utilisent de l énergie par dégradation de molécules d ATP. Le transport actif permet ainsi au glucose de passer à travers la paroi du tube digestif même si sa concentration dans l'intestin est très faible. Les molécules de sucre doivent entrer dans les cellules de la membrane et les traverser pour en sortir. Le glucose utilise son transporteur moléculaire spécifique qui lui permet de traverser la membrane en même temps que deux ions sodium. Ils entraînent le glucose contre son gradient de concentration tant que la concentration en sodium dans la cellule demeure inférieure à celle dans l'intestin. Le glucose qui a pénétré dans la cellule avec le sodium en ressort de l'autre côté par transport passif. Le transport passif se fait par la différence de concentration entre l intérieur et l extérieur de la cellule. Les glucides pénètrent dans les vaisseaux qui les conduisent vers le foie. Pour les lipides, les micelles ont une enveloppe formée par les sels biliaires et elles contiennent au centre les composés lipidiques insolubles. Ainsi structurées dans le duodénum, les micelles sont absorbées dans le jéjunum par endocytose, un mécanisme de transport complexe de grosses molécules vers l'intérieur de la cellule. Les micelles une fois endocytées sont désorganisées. Les acides gras à courte chaîne, relativement hydrosolubles, sont déversés dans le sang où ils sont associés à l'albumine pour être véhiculés jusqu'aux cellules. Les produits moins hydrosolubles comme les acides gras à longues chaînes rentrent dans les cellules épithéliales (milieu interne), perdent les sels biliaires et vont être réorganisés en vésicules lipoprotéiques qui sont des modules de transport des lipides hydrophobes. Ils sortent ensuite de la cellule pour rejoindre les capillaires lymphatiques où ils forment avec l eau un liquide laiteux. Ces lipides rejoignent le système sanguin au niveau de la veine cave supérieure. Les sels minéraux et les vitamines indispensables ne subissent aucune transformation. En solution dans l eau, ils sont absorbés intacts et passent dans le sang. Une grande quantité d eau est nécessaire pour la digestion : 7 litres d eau doivent circuler chaque jour dans le tube digestif. Comme nous buvons en moyenne un litre et demi d eau par jour et que les selles en contiennent peu (0,1 litre) une grande partie est réabsorbée et réutilisée dans les processus digestifs. Le passage de l eau et de certains ions minéraux se fait de manière passive mais le transport se fait de manière active pour le glucose, les acides aminés, les ions sodium. L absorption est plus ou moins sélective en fonction des besoins de l organisme. Les membranes cellulaires de nature lipidiques sont hydrophobes et imperméables à la plupart des molécules polaires (chargées électriquement.) Grâce à cette propriété, elles empêchent la plupart des composants hydrosolubles de s échapper de la cellule. Pour ingérer des substances nutritives essentielles et excréter les déchets métaboliques, les cellules ont dû développer des systèmes particuliers pour transporter des molécules hydrosolubles à travers leurs membranes. Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

197 Le corps humain est une unité fonctionnelle très structurée, constituée de nombreux systèmes travaillant en constante interaction. A la manière des poupées russes, chaque niveau se combine dans un ensemble englobant les niveaux précédents. Les éléments de construction d un organisme sont, en allant du plus complexe vers le plus simple : L organisme, les systèmes ou appareils, les organes, les tissus, les cellules. La cellule est l unité élémentaire de vie. Moyen d observation œil loupe Quelques repères sur l échelle du vivant. microscope microscope Structure organique système organe tissus cellule Différents niveaux d organisation structurale. Ordre de grandeur Entre 1 et 10-1 mètre L appareil digestif est l ensemble des organes qui assurent une fonction de digestion. Il comprend le tube digestif et les organes indispensables à la digestion : glandes salivaires, pancréas, vésicule billiaire et foie. Entre 10-1 et 10-2 mètre Un organe est une structure anatomique constituée de différents tissus, qui exerce une fonction organique ou physiologique déterminée. Par exemple, l'estomac est un organe et sa fonction est la digestion. Entre 10-3 et 10-4 mètre Un tissu est formé par des cellules différenciées et constitue une association locale et fonctionnelle. La peau est un organe composé de plusieurs tissus : épiderme, derme, endoderme Entre 10-5 et 10-6 mètre La cellule est la plus petite unité capable de manifester les propriétés du vivant : elle se nourrit en utilisant les éléments du milieu extracellulaire, elle croît, se multiplie et meurt. Toutes les cellules contiennent le matériel génétique (ADN). Aliments et nutriments. La nutrition. La nutrition est une science qui étudie les multiples relations de l être humain avec la nourriture. Elle concerne de nombreuses disciplines scientifiques et s intéresse notamment aux processus biologiques entourant l utilisation des nutriments, à la santé alimentaire, aux besoins nutritifs des populations, à l étude des comportements et aux productions agroalimentaires. Les aliments (viandes, céréales, légumes, fruits...) sont des substances complexes qui renferment des éléments de base qu'on appelle les nutriments. La digestion est une transformation mécanique et chimique des aliments qui aboutit à la production de ces nutriments assimilables et nécessaires à l organisme. Au niveau de l intestin grêle, ceux-ci passent dans le sang et apportent à toutes cellules de l'organisme l'énergie nécessaire pour leur fonctionnement et les éléments indispensables à leur métabolisme, leur réparation et leur multiplication. Les nutriments sont répartis en 5 catégories : les glucides les lipides les protides les vitamines les sels minéraux Dans chacune de ces 5 catégories, il existe des substances différentes. Certains composés sont indispensables à la croissance et à la santé. En dehors de l eau et de l oxygène, nos aliments doivent obligatoirement fournir huit acides aminés que l on trouve dans les protéines, deux acides gras, dix vitamines hydrosolubles, quatre vitamines liposolubles et dix sels minéraux. Notre organisme ne pouvant pas les produire, nous devons les trouver dans notre alimentation. La valeur énergétique des nutriments. Certains nutriments constituent une source d'énergie importante pour le corps. L organisme utilise cette énergie pour maintenir la température du corps et assurer des processus vitaux. Les aliments transformés en nutriments constituent donc une source d énergie chimique qui est convertie par l organisme en énergie mécanique et thermique. La valeur énergétique des nutriments est mesurée en Calories puis convertie en Joules. Pour mesurer la valeur énergétique du glucose, on le place dans un calorimètre puis on le fait brûler pour mesurer la chaleur libérée au cours la réaction suivante : C6H12O6 + 6O2 ---> 6CO2 + 6H2O + chaleur. Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

198 Cette réaction d'oxydation libère totalement l'énergie contenue par le glucose car les produits de la réaction (H2O et CO2) ont une énergie nulle. Dans cette équation, une mole de glucose (180 g/mol ) libère 2860 Kj donc 1 gramme de glucose donne 2860/180 = ~ 17 kj. En faisant de même avec les protides et les lipides on aboutit au tableau suivant: 1 g de glucides 1 g de protides 1 g de lipides 17 kj 4 kcal. 17 kj 4 kcal. 38 kj 9 kcal. La séparation classique entre sucres rapides et sucres lents n est pas exacte : certains aliments contenant de grosses molécules se digèrent très rapidement (le pain par exemple). Aujourd hui les nutritionnistes classent les glucides selon l index glycémique c est-à-dire la rapidité avec laquelle ils font monter la glycémie. Les protides. Par définition, une calorie est la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1 Celsius la température de 1 gramme d eau de 14,5 C à 15,5 C. L unité internationale d énergie mécanique est le Joule ( 1 cal = 4,18 J ). Le rôle des nutriments. Les glucides. Les glucides sont présents en grande quantité dans notre alimentation et fournissent environ 60% de l énergie dont nous avons besoin. L amidon et les sucres sont d origine végétale. Leur dégradation aboutit à la formation de glucose qui représente l étape finale de la digestion des glucides, C est le principal combustible de notre organisme. Le glucose absorbé par l intestin grêle passe dans le sang. Sa concentration, la glycémie, y est régulée en permanence. Une fois entré dans la cellule, le glucose peut être : - Utilisé directement par la cellule pour fournir de l énergie. La respiration cellulaire permet de «brûler» ce sucre pour fournir l énergie nécessaire à la contraction musculaire. - Stocké dans les cellules du foie et des muscles sous forme de glycogène afin de servir de réserve d énergie. L insuline transforme le glucose en glycogène, le glucagon fait la transformation inverse. - En cas d excès, l organisme peut aussi transformer le glucose en acides gras (triglycérides.) Ceux-ci sont stockés dans les tissus adipeux, prêts à être consommés si l apport alimentaire devient trop faible. Les aliments riches en glucides Les aliments contenant des glucides complexes sont énergiquement riches et ils fournissent aussi des protides, des lipides, des vitamines et des sels minéraux. Exemples : le pain, les céréales, les féculents ( pommes de terre, riz, pâtes, semoule), les racines tubéreuses ( carottes, betteraves), les légumes secs ( pois, haricots, lentilles). Les aliments à base de sucre raffiné sont moins intéressants du point de vue diététique. Ils sont riches en calories mais pauvres pour les autres éléments nutritifs. Exemples : la confiture, le chocolat, les pâtisseries, les boissons sucrées. Les protides ou protéines constituent plus de la moitié en poids sec du corps humain. Ce sont de très grosses molécules formées par une succession d acides aminés. Il existe des milliers de protéines différentes mais seulement vingt acides aminés dans tout le monde vivant. On distingue : - les protéines de structure, qui constituent nos tissus (par exemple les fibres d actine et de myosine des muscles). Elles ont un rôle passif comme matériaux de construction des cellules. - les enzymes sont des protéines qui fabriquent, transforment ou reconnaissent d'autres molécules. Ce sont des agents de communication entre les cellules. Elles ont un rôle actif comme catalyseurs de réactions chimiques dans l organisme (par exemple, les enzymes participent à la fabrication des anticorps qui nous protègent contre les microbes ou les virus.) Les protides se trouvent en grande quantité dans les aliments d origine végétale ou animale. Ils sont dégradés par des enzymes digestives, les protéases, pour fournir les acides aminés indispensables. Parmi les vingt acides aminés, huit ne peuvent pas être synthétisés par l organisme et doivent être apportés par l alimentation. Un régime alimentaire doit donc comporter ces 8 acides aminés essentiels dans des proportions spécifiques pour la croissance et la santé. Si l un d en eux vient à manquer, les autres acides aminés ne sont pas utilisés par le métabolisme et sont transformés en composés énergétiques. Dans le cas d un régime trop riche en protéine le surplus est dégradé et stocké en réserve énergétique. Les aliments riches en protides A l exception de l huile et du sucre, presque tous les aliments contiennent des protéines en quantité et en qualité variable. Les aliments d origine animale sont riches en protéines et contiennent tous les acides aminés essentiels. (Viandes, poissons, œufs, fromages, ). L association de protéines animale et végétale est recommandée. La consommation doit se situer autour de 0,8 g par kilo de masse corporelle soit pour un adule de 70 kg un apport de 56 grammes de protéines par jour. Les qualités nutritionnelles de ces aliments sont importantes car ils apportent aussi des vitamines et des éléments minéraux ( fer, calcium, phosphore, zinc, cuivre...) Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

199 Dans les régimes végétariens, il est conseillé de manger des œufs cuits pour limiter les carences en protéines. (L ovalbumine crue n est pas assimilable par l organisme.) Chez les femmes et les enfants, le manque de viande et de poissons peut entraîner des carences en fer à l origine d anémies et de fatigues importantes. Il faut alors opter pour des légumes riches en fer, tels que les légumes secs. Avec le végétalisme, qui exclut tout produit d origine animale, un régime alimentaire correct est très compliqué. Il faut trouver un équilibre entre les légumes et les céréales. Il peut être difficile de poursuivre longtemps de tels régimes car il y a risque de carences multiples (vitamines, minéraux et protéines.) Les lipides Les lipides fournissent une quantité d énergie deux fois supérieure à celle des glucides et des protides. Ils sont facilement stockés par l organisme et constituent des réserves. Une personne de 65 kg dispose de 8 à 10 kg de lipides, soit à calories disponibles. Les lipides sont apportés par l alimentation, mais l organisme peut en fabriquer à partir des glucides surabondants. Dans les pays industrialisés où la nourriture est généralement abondante, l excès de graisses est devenu un véritable problème sanitaire. Le besoin journalier de lipides est variable selon les individus mais ne doit pas dépasser 30 à 35 % des calories quotidiennes. Les lipides sont des graisses qui se trouvent dans l alimentation sous deux formes : les triglycérides qui ont essentiellement un rôle énergétique et les phospholipides formées à partir de diglycérides qui ont un rôle physiologique au niveau des membranes cellulaires. Les glycérides et les phospholipides contiennent des acides gras. Il existe une autre famille de lipides, les stérols dans laquelle on trouve le célèbre cholestérol. Ce sont aussi les composants essentiels de certaines hormones (les stéroïdes) et de la membrane cellulaire des eucaryotes. La digestion dégrade les lipides, la bile et les lipases séparent les acides gras des triglycérides et des phospholipides. Ceux-ci sont indispensables à la constitution des cellules, au métabolisme du cholestérol. En fonction de leur structure chimique, on distingue les acides gras saturés qui sont principalement d origine animale et les acides gras insaturés (monoinsaturés et poly-insaturés). Parmi les insaturés, on trouve deux acides gras indispensables pour l homme : l acide linoléique et l acide alpha-linoléique. Ils sont dits essentiels car l organisme ne peut les synthétiser et ils doivent être apportés par alimentation (dans la viande et le lait des ruminants). Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences Les bons et les mauvais Acides Gras. En dehors de leur qualité énergétique, les acides gras ont un rôle structurel essentiel car ils sont incorporés dans les phospholipides des membranes cellulaires. Ils permettent d assurer la fluidité membranaire et de maintenir l équilibre entre les échanges externes et internes de la cellule. Les propriétés des acides gras sont directement liées à leur forme : - Les acides gras saturés ont une forme linéaire. Ils sont généralement solides à température normale. Les principales sources sont les aliments d'origine animale : viande, volaille, produits laitiers. Ces molécules forment des structures compactes qui ont tendance à rigidifier les membranes cellulaires et à limiter les échanges. Les graisses saturées circulant dans le sang augmentent aussi le taux de cholestérol. - Les acides gras insaturés ont une forme en V ou en U qui favorisent la fluidité membranaire car l empilement des phospholipides est moins compact. Les acides gras polyinsaturés sont généralement liquides à la température de la pièce et se retrouvent principalement dans les huiles végétales (maïs, soja, tournesol, noix, lin). Ils permettent de réguler le taux de cholestérol dans le sang et sont indispensables à la croissance de l enfant, à la régénération des tissus de la peau. Le cholestérol. Le cholestérol ne fournit aucune énergie mais c est un composé lipidique indispensable à la vie. On le trouve au niveau du cerveau, de la moelle épinière ainsi que dans certaines hormones. Il joue un rôle essentiel dans le fonctionnement du système nerveux, entre dans la formation des membranes cellulaires et intervient dans la fabrication de sucs digestifs. La majeure partie du cholestérol de notre organisme est fabriquée par le foie. Le cholestérol présent dans les aliments tels que les oeufs, les abats, le beurre, le lait entier est donc un élément dont le corps peut se passer car il en fabrique luimême. Si l'apport alimentaire en cholestérol est élevé, une partie n'est pas digérée et est rejetée directement. On ne peut pas parler de bon ni de mauvais cholestérol alimentaire, cette distinction ne s'applique qu'au cholestérol produit par le corps humain, le cholestérol endogène. Le cholestérol circule dans le sang mais c est une substance lipidique, qui ne peut se déplacer sans aide dans un milieu aqueux. Il est transporté par des protéines spécialisées dans le transport du gras : les lipoprotéines. La nature de celles-ci détermine ce qu on appelle un «bon» et un «mauvais» cholestérol : Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

200 - Les lipoprotéines à basse densité ou LDL constituent le "mauvais" cholestérol. Elles vont chercher le cholestérol au foie, la manufacture principale, pour le transporter vers les cellules. Lorsque la quantité de cholestérol transportée par les LDL est excessive, les surplus collent à la paroi des artères. Ces dépôts donc peuvent provoquer des troubles cardio-vasculaires. - Les lipoprotéines à haute densité ou HDL représentent le "bon" cholestérol. Car elles ramassent l'excès de cholestérol présent dans le sang et les cellules, et peuvent même s'attaquer au cholestérol collé aux artères. Elles le ramènent au foie qui se charge alors de l'éliminer par la bile. Plus le taux sanguin de HDL-cholestérol est élevé, plus le risque d artériosclérose est faible. Le HDL uni aux acides gras essentiels des huiles vierges est assimilable par l'organisme. Le traitement chimique des huiles par l'adjonction de produits anti-oxydants forme des acides gras saturés, c'est-à-dire à structure chimique "fermée". Ces molécules se combinent mal avec le cholestérol présent dans les artères sous forme de dépôts lipidiques appelés athéromes. A l'inverse, on parle d'acides gras insaturés lorsque, en raison de leur structure chimique ouverte, ils sont avides, par affinité, de s'unir à d'autres substances, principalement le cholestérol, de manière à former un nouveau composé toujours assimilable. Les personnes ayant un taux de cholestérol élevé peuvent grandement limiter les risques d incidents cardiovasculaires en veillant dans leur alimentation à : 1. Choisir des produits laitiers moins gras, des viandes plus maigres et des aliments préparés avec peu ou pas de matières grasses. 2. Choisir des margarines molles plutôt que des margarines dures. 3. Manger moins d'aliments contenant des graisses et huiles partiellement hydrogénées. 4. Substituer les gras saturés pour des gras mono et poly insaturés en variant l origine des graisses et des huiles, et en faisant preuve de modération. 5. Consommer des aliments d'origine végétale plutôt qu'animale (aucun cholestérol dans les produits d'origine végétale tels que fruits, légumes, céréales, noix et graines). 6. Maintenir un poids désirable en faisant de l exercice physique. 7. Manger des aliments riches en glucides complexes ou fibres alimentaires, particulièrement en fibres solubles. La consommation d'aliments riches en fibres alimentaires est recommandée pour abaisser la cholestérolémie. Les aliments riches en lipides Les acides gras saturés se trouvent dans les graisses animales ou dans les graisses végétales après saturation par hydrogénation. (beurre, margarine, graisse d oie, saindoux) Les lipides d origine végétale sont plus riches en acides gras insaturés. On les trouve dans les huiles (huiles d olive, de soja, d arachide, ), mais aussi dans les poissons gras (maquereau, hareng, saumon, sardine, thon, truite) ainsi que dans les fruits secs (noix, noisettes, cacahouètes etc..) Les fruits et les légumes ( sauf l avocat et les fruits secs) ne contiennent pas de lipides. Les sels minéraux. Les sels minéraux ne constituent pas une source énergétique, mais ils sont indispensables à la vie. Ils entrent dans la composition des tissus, participent à la conduction de l influx nerveux, au fonctionnement musculaire, aux réactions enzymatiques. Ils sont présents en quantités importantes dans le corps humain dont ils représentent 4% du poids. Ces éléments sont éliminés régulièrement au niveau des reins et notre alimentation doit en apporter chaque jour des quantités suffisantes. On distingue deux catégories de sels minéraux : - les éléments principaux dont l organisme a grandement besoin : le calcium, le sodium, le potassium, le magnésium, le fer et le phosphore. - les oligo-éléments (oligo = peu, en grec) qui sont nécessaires en petites quantité : le cuivre, le zinc, le manganèse, l iode, le chlore, le fluor, le cobalt et le sélénium. Les oligo-éléments. Ces substances minérales se trouvent dans l organisme en très petites quantités. Une carence d un de ces éléments minéraux montre cependant qu ils sont essentiels pour la santé mais on ne connaît pas encore précisément leur fonction dans l organisme. L iode est nécessaire à la synthèse des hormones de croissance par la thyroïde. Des millions de personnes dans le monde souffrent encore d une carence en iode qui provoque des goitres et des retards mentaux chez les nourrissons. Le cuivre et le zinc sont importants pour la formation des enzymes et le fluor présent dans les dents protège contre les caries. L eau C est la seule boisson indispensable à la vie. L apport en eau des aliments doit être complété en buvant régulièrement au cours de la journée. Il est conseillé de boire en moyenne 1,5 litres d eau par jour pour un adulte sédentaire. Certaines eaux minérales sont riches en calcium et en magnésium et il est conseillé de varier les sources. Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

201 Les principaux éléments minéraux. Les vitamines. SELS MINERAUX Calcium Sodium Potassium Magnésium Fer Phosphore FONCTION POUR L ORGANISME 90% du calcium est stocké dans les os dont il assure leur solidité. C est un régulateur de l excitabilité nerveuse et un constituant cellulaire. Elément minéral le plus important dans tous les liquides extracellulaires et notamment le sang. Il régule l'équilibre osmotique de la cellule. Une alimentation trop riche en sel favorise une élévation de la pression artérielle. A l inverse du sodium, c'est le principal élément minéral intracellulaire. Il est nécessaire à l'activité musculaire et au muscle cardiaque. Une carence en potassium entraîne parfois des crampes. Il est indispensable au métabolisme cellulaire, et au potentiel électrique des cellules musculaires et nerveuses. Un manque de magnésium peut entraîner des faiblesses musculaires, des crampes, de crises de tétanie ou des troubles digestifs. Un des constituants fondamentaux des globules rouges (hémoglobine.) Il est aussi important pour la respiration cellulaire. Le fer est indispensable pour traiter et prévenir les anémies, mais un excès de cet élément peut être dangereux pour le cœur. Le thé et le café diminuent son absorption intestinale. Avec le calcium, il est indispensable à la constitution du tissu osseux. Il intervient aussi dans le métabolisme énergétique pour la transformation des nutriments. Une carence en phosphore est exceptionnelle. SOURCES Lait et produits laitiers, jaune d'œuf, légumes secs. Sel de cuisine, œufs, viandes, conserves, eaux minérales, lait, charcuterie, poisson. Fruits, légumes secs, banane, poissons, viandes, chocolat. Chocolat, légumes secs, fruits de mer. fruits. Abats, foie, viandes, jaune d'œuf, fruits, chocolat, légumes secs, vin. Pratiquement présent dans tous les aliments, notamment le lait, les produits laitiers, le jaune d'œuf, le pain et les légumes secs. Les vitamines sont des substances organiques nécessaires à l'organisme et présentes en très petite quantité. Elles sont toutes indispensables à l'entretien des tissus. Certaines d entre elles se comportent comme des hormones ou se conjuguent avec les sécrétions des glandes endocrines. Les plus nombreuses jouent le rôle d enzymes activant les transformations biochimiques de l'organisme. Elles ont une action très importante au niveau de la vie cellulaire. Elles interviennent dans le métabolisme des nutriments, la libération et l'utilisation de l'énergie fournie aux cellules par les protéines. Les glucides et les lipides seraient bloquées si ces substances venaient à manquer : il s'agit bien de facteurs vitaux. Les différentes vitamines. On range les vitamines en 2 groupes : - les vitamines liposolubles ou solubles dans les corps gras : A, D, E, K. - les vitamines hydrosolubles ou solubles dans l'eau : C et celles du groupe B VITAMINES LIPOSOLUBLES A D E K FONCTION POUR L ORGANISME SOURCES Elle est indispensable à la vision et à la Présente uniquement dans croissance de certains organes et tissus. les aliments d'origine (Os, peau.) La vitamine intervient dans la animale, surtout le foie synthèse de certaines hormones et dans mais aussi le beurre le les mécanismes immunitaires. Sa carence thon, jaune d œuf Le entraîne des problèmes de vision et des carotène est transformé en lésions oculaires pouvant aller jusqu'à la vitamine A dans cécité. l organisme. Elle agit comme une hormone, régule l'absorption du calcium et du phosphore. Elle joue un rôle essentiel dans la minéralisation des os. Pour être utilisable par l'organisme la vitamine D a besoin de l'action des rayons ultraviolets du soleil. Elle est en effet modifiée au niveau de la peau par les UV. Chez l'enfant, la carence en vitamine D entraîne le rachitisme. Elle a un effet protecteur pour des cellules de l'organisme. (rôle d antioxydant.) Elle intervient dans la synthèse des globules rouges. Les carences en vitamine E sont très rares. Les œufs, le beurre et le foie, le poissons gras et surtout les huiles extraites du foie de certains poissons (morue). Huiles de graines oléagineuses, germes de blé, margarine. Nécessaire à la coagulation du sang. Produite dans l'organisme par les bactéries intestinales et apportée par Choux, épinards, tomates. l'alimentation. Les besoins en vitamine K sont largement couverts par l'alimentation. Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

202 VITAMINES HYDRO SOLUBLES FONCTION POUR L ORGANISME SOURCES C B Elle est nécessaire à la synthèse des vaisseaux sanguins et des muscles, favorise l'absorption du fer présent dans les aliments, intervient dans plusieurs mécanismes hormonaux. joue un rôle dans l'élimination des substances toxiques et a des propriétés anti-oxydantes. Une déficience en vitamine C peut diminuer la résistance aux infections. La carence grave se traduit par une maladie appelée le scorbut : fatigabilité extrême, douleurs, altération des gencives. La vitamine B1 intervient dans la dégradation des sucres et dans l'utilisation des réserves énergétiques de l'organisme. La carence grave en vitamine B1 provoque le béribéri que l'on trouve dans des pays en développement. La vitamine B2 est nécessaire à la fabrication de nombreuses enzymes. Les dérivés de cette vitamine interviennent dans la dégradation des acides gras, des acides aminés et des protéines. Il n'existe pas de maladie due à la carence en vitamine B2. La vitamine PP ou B3 intervient dans la dégradation du glucose. Sa carence entraîne une maladie appelée la pellagre avec des problèmes cutanés, digestifs et nerveux. La vitamine B6 joue un rôle important dans la synthèse des lipides et des protéines comme l'hémoglobine. Sa carence provoque des signes cutanés, des dépressions, des anémies et des problèmes immunitaires. Cassis, poivrons crus, agrumes, fruits. Céréales, légumes secs, viande de porc et œufs sont riches en vitamine B1. Viandes, poissons, abats légumes secs, certains fruits, café torréfié sont riches en vitamine PP. L'acide folique B9 intervient dans le métabolisme des acides aminés. La carence chez l'homme entraîne une anémie et peut parfois conduire à l'anorexie ou à la dépression. La vitamine B12 intervient dans de nombreuses réactions chimiques de l'organisme. Sa carence entraîne principalement une anémie Viandes, poissons et crustacés. Dans les pays riches, l alimentation permet généralement de couvrir tous les besoins en vitamines. A part la vitamine D, elles ne sont pas synthétisées par notre corps et doivent être présentes dans nos aliments. Des apports insuffisants en vitamines provoquent des perturbations biologiques plus ou moins graves. Il ne suffit pas de savoir que tel aliment contient des vitamines, encore faut-il qu'elles ne soient pas entièrement détruites par la cuisson ou l'oxydation. Les transformations font perdre des vitamines aux fruits et aux légumes. Pour limiter cette perte et conserver des vitamines présentes dans les aliments, on a intérêt à éviter une cuisson prolongée et à utiliser la plus petite quantité d eau possible. Dossier Enseignant «A Table» Cap Sciences 2004.

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213 Taking stock of new flavours Harold McGee What s in a taste? Chemists can isolate the components of flavours, and biologists have begun to explain how our bodies enjoy them, but cookery will remain more art than science for a while yet. T hirty years ago, in a celebrated Friday Evening Discourse at the Royal Institution entitled The Physicist in the Kitchen, Nicholas Kurti deplored the scientific neglect of cooking, an insufficiently dignified activity that nevertheless nourishes and gives daily pleasure to much of humankind. I think it is a sad reflection on our civilization that while we can and do measure the temperature in the atmosphere of Venus, we do not know what goes on inside our soufflés. 1 In May, at the fourth meeting* of a gastrophysical workshop founded by Kurti and named in his memory, scientists and chefs gathered to explore what goes on inside food and its consumers to generate the all-important sensation of flavour. The workshop (directed by H. This, Pour la Science, Paris) follows an unusual format of Kurti s devising: open discussion among basic scientists, food scientists from industry and universities, and professional cooks, seasoned with brief lectures and informal experiments. The agenda is to analyse and help advance the fine art of cooking as it is practised in domestic and restaurant kitchens. Flavour is the quality that most often distinguishes excellent from ordinary foods. The summit of the chef s art is to conceive and realize a multicourse meal that progresses through a series of flavours without repetition (S. Hill, The Merchant House, Ludlow, Shropshire). However, the flavour of even the simplest dish presents a tremendous challenge to scientific analysis. A given food contains hundreds or thousands of chemicals that stimulate either the tongue s taste receptors or the nose s olfactory receptors, some in parts per billion. Diners have different receptor ensembles and different neural circuitries for reporting and integrating their outputs. Much of the workshop was devoted to sampling these chemical and biological complexities. An essential culinary preparation is the meat stock, a water extract of meat, bones, vegetables and herbs that is often concentrated by boiling off much of its water and presumably many of the volatile compounds that contribute to aroma. Why is the reduction often more flavourful, not less? Boiling *International Workshop on Molecular Gastronomy N. Kurti, Erice, Sicily, 6 10 May Figure 1 The Cook, an engraving by Hubert François Gravelot. The verse below reads New cooking every year, because every year tastes change; and every day there are new ragouts; so be a chemist, Justine. Courtesy of the Museum of Fine Arts, Boston, Sargent Collection. news and views drives off some flavours but generates others. A portion of veal stock was boiled down to one-third of its original volume, both the stock and its rediluted reduction were analysed by gas chromatography, and then a similar stock and rediluted reduction were served to participants (A. Blake, Firmenich, Geneva). Both stock and reduction were fullflavoured, but the prominent vegetal aromas in the stock were replaced in the reduction by a less easily dissected intensity. The complex gas-chromatograph trace of the reduction showed a loss of several plant-derived volatiles (cinnamaldehyde, eugenol, -terpinene, humulene) but augmented di- and trisulphides, probably from the shallots, which reinforce the important sulphurous components of meat flavour. Different flavour balances result when stock is concentrated by freezing or by successive additions of fresh extractables, as in the marmite perpetuelle, or immortal stew. Volatiles lost during the boiling of stocks and jams could be retrieved with a simple (but probably illegal) distillation apparatus. Pure samples of individual volatiles were presented for sniffing, many of them suggestive of whole foods. Benzaldehyde conjured cherry; eugenol, clove; -terpinene, carrot; z-nonenal, cucumber; and 3-N-butylidene phthalide, both celery and walnut (F. Benzi, Firmenich, Geneva). Chemists suggested that chefs could use such concentrates and extracts the way a painter mixes colours on a palette, quickly fine-tuning a dish with no need for the original flavouring materials or their lengthy preparation. For example, a drop of hexanal, the fugitive green note in many vegetables and fruits, restores the impression of freshness in a cooked dish. Chefs replied that such a prospect is intriguing, but extracts are not yet a match for good fresh ingredients, and it is easier to modulate flavour with handfuls than serial dilutions. Freshness can be restored to asparagus soup by adding a purée of the raw tips just before serving (F. Blank, Deux Cheminées, Philadelphia). Participants readily distinguished two experimental ratatouilles pitting fresh thyme and bay laurel against their extracts, probably by differences in both flavour qualities and concentrations (A. M. De Gennes, Le Boudin Sauvage, Orsay). Flavour perception is a dynamic process, especially in the eating of raw foods whose composition undergoes rapid change. Mass spectrometry capable of time-resolved analysis of nostril air flow (50 samples per breath) reveals that the flavour of raw tomato evolves during the course of chewing as various enzyme systems are activated by tissue disruption (R. Linforth, Univ. Nottingham). Endogenous aromatics (isobutylthiazole) reach the nose first, followed after about 30 seconds by hexanal and other oxidation products of unsaturated fatty acids, and then by the corresponding alcohols. Savouring food thus both prolongs the sensation of flavour and enriches it. Interactive effects complicate the sensation of taste and odour mixtures. The bitterness of quinine in bittersweet tonic water was abolished by a small dose of sodium; in an aroma mixture dominated by cinnamaldehyde (cinnamon), the initially imperceptible vanillin (vanilla) emerged once the cinnamaldehyde receptors had adapted to their high dose (G. Beauchamp, Monell Center, Philadelphia). Taste sensations can also influence aroma perception. In a model system of chewing gum, sugar and mint volatiles, mass spectrometry shows that the actual nostril concentration of volatiles remains high during chewing, whereas the impression of mintiness declines along with the washing-out of sugar (either slowly or NATURE VOL JULY Macmillan Magazines Ltd 17

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