Dossier pédagogique. L éveil du printemps. Frank Wedekind / Armel Roussel. Production Théâtre National Wallonie-Bruxelles

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1 Dossier pédagogique L éveil du printemps Frank Wedekind / Armel Roussel Production Théâtre National Wallonie-Bruxelles

2 INTENTION (extraits) C est la quatrième fois que je vais aborder l Éveil du Printemps mais la première fois que je vais la monter professionnellement. ( ) L Eveil du Printemps est une pièce très théâtrale, très spectaculaire, qui supporte mal le théâtre et le spectacle( ) L Eveil à cette qualité que j affectionne dans la plupart des textes que j ai montés : elle tente de capter la vie concentrée et supporte difficilement qu on s écarte de cette donnée. ( ) Sous-titrée «Tragédie Enfantine», l Eveil suit les errances, les questionnements, les emballements, les désillusions et les angoisses d une douzaine d adolescents dont les histoires s entremêlent, d une vingtaine de figures adultes (parents, professeurs, docteurs, pasteur, recteur...) et d un personnage nommé l Homme Masqué qui est le seul personnage abstrait de la pièce puisqu il représente la Vie, dans ce qu elle a d informe, de pulsionnel, d asexué et d anonyme. Il y est question de sexualité et d éducation, d interdits et de tabous, de scandale et de mort. 2

3 Présentée ainsi, la pièce pourrait sembler très grave, elle n en est pas moins lumineuse. La grande élégance de Wedekind est de ne jamais donner une couleur unique aux sentiments. Il y a une forme d humour, d ironie, de drôlerie cruelle qui parcourt la pièce de bout en bout, y compris dans ses moments les plus dramatiques. Le procédé de distanciation ainsi créé permet à la fois une empathie avec les personnages et les situations mais aussi comme un écran de projection aux questionnements des spectateurs eux-mêmes. Car l Eveil est une pièce de grandes questions sur la Vie, la sexualité, le désir, le bien et le mal, la religion, la morale et la mort. C est aussi une pièce qui aborde sans tabou la violence, le suicide, le viol, l homosexualité, la masturbation, l échec, la peur, la prostitution physique ou morale... et cette grande affaire que d être adulte et responsable. Wedekind est aussi un immense poète, il dote nos personnages d une langue qui oscille entre le prosaïque et le lyrisme, composant ainsi une œuvre (devenue classique) qui demeure d une grande jeunesse, d une grande profondeur, et qui s affranchit ainsi de toute question de modernité. Donc tant dans les questions de fond que dans les questions de forme de la pièce, il n y a rien à «actualiser». Cependant, je fournis une nouvelle adaptation due à la multiplicité des rôles (plus de 40 personnages), une traduction un peu remaniée et peut-être quelques mises en perspectives directes avec notre époque. ( ) Pour réaliser cet Éveil, j ai souhaité réunir une grande équipe. Arthur Kutcher écrit dans ses études sur Wedekind : «une dramaturgie à tendance lyrique, qui ne respecte pas le découpage en scènes habituel, mais juxtapose des tableaux qui se suffisent en eux-mêmes, des concentrés de Vie, qui peuvent contenir plusieurs «scènes». Il n y a pas d action au sens habituel. La cohésion nait d une intensité croissante, d une progression des événements par étapes, de l organisation des tableaux avec leurs effets de parallèles et de contrastes, où même ceux qui n apportent pas le mouvement sont importants.» (In Frank Wedekind - Théâtre Complet - Éditions de la Maison Antoine Vitez). Cette avancée en tableaux à la fois successifs, parallèles et parfois concomitants ne peut avoir lieu qu avec une distribution conséquente. C est pour cela que je réunis 12 acteurs et 2 musiciennes soit 14 interprètes au plateau pour jouer la quarantaine de rôles de la pièce. C est en bande que nous attaquerons l ensemble de la pièce, en la portant ensemble et non uniquement chacun dans sa partition. ( ) La «bande» et le théâtre d acteurs, c est un peu ma marque de fabrique, cela produit une énergie singulière que j affectionne. Armel Roussel, Bruxelles, le 20 novembre

4 FRANK WEDEKIND Frank Wedekind nait en 1864 à Hanovre. Son père, médecin, et sa mère cantatrice, s étaient rencontrés aux Etats-Unis où ils avaient fui l Allemagne pour des raisons politiques. En 1872, la famille Wedekind s établit au château de Lenzbourg en Suisse. IL commence par étudier la littérautre à l Université de Lausanne, mais son père exige qu il fasse le droit à l Université de Munich. Il entrera en conflit avec son père et quitte l université pour un poste de rédacteur publicitaire chez Maggi. Attiré par le monde des saltimbanques, il va fréquenter les milieux du cirque et du cabaret où il fait ses débuts comme poète et chanteur, il travaille notamment pour le Cirque Herzog. Il s intéresse aux figures excentriques et marginales qui s opposent à l hypocrisie qui caractérise la société bourgeoise. Il en garde une veine satirique qui transparaît dans ses pièces et chansons. Il y brocarde les aspects rigides de la société wilhelmienne avec ironie et esprit de rébellion. En 1888, rentrant dans le rang, il se réinscrit en droit mais cette fois à l université de Zurich : son père meurt en octobre de cette annéelà, lui laissant un patrimoine important, assurant son indépendance financière. Frank Wedekind va désormais se consacrer à l écriture. Vers 1890 il commence à écrire l Eveil du Printemps. C est sa première pièce et elle fit immédiatement scandale. Suivent la Boite de Pandore et l Esprit de la terre qui seront regroupés sous le titre Lulu (dont Alban Berg fit d ailleurs un opéra). Wedekind voyage aussi Beaucoup, découvre Paris (et la Nuit parisienne), Londres et toutes les grandes métropoles européennes. A partir de 1896, il vit une histoire d amour avec Frida Uhl, la femme d August Strindberg, dont il aura un fils, Friedrich ( ). Le couple s installe à Munich où Wedekind devient rédacteur d un journal satirique Simplicissmus. En 1899 il est incarcéré pour avoir publié des poèmes satiriques visant le Kaiser. Il rédigera sa pièce Minne Haha en prison. En 1906 il épouse la comédienne Tilly Newes dont il aura deux filles. C est l année où Wedekind voit la première version enfin autorisée de l Eveil du Printemps, dans une mise en scène de Max Reinhardt. Il meurt d une hernie mal opérée en 1918, il y a tout juste 100 ans. 4

5 Benjamin Franklin Wedekind,

6 La Pièce «Je serais étonné si je vois le jour où on prendra enfin cette œuvre comme je l ai écrite voici vingt ans, pour une peinture ensoleillée de la vie, dans laquelle j ai cherché à fournir à chaque scène séparée autant d humour insouciant qu on pouvait en faire d une façon ou d un autre.», Frank Wedekind La pièce nous raconte le parcours d un groupe d adolescents, dont trois personnages principaux, Wendla, Melchior et Moritz, qui arrivent tous trois à l âge où les pulsions prennent le pas sur les restes d enfance et où cette force irrésistible les envahit et les submerge, les amenant à transgresser les tabous sociaux et éducatifs. Se frayant un chemin vers le monde des adultes, ils se heurtent aux conventions et aux règles d une société incapable d apaiser les angoisses de la jeunesse. Le sexe, la violence et la mort entrent dans leur vie et les chamboulent. L éveil de la sexualité est vécu comme un bouleversement radical de l être qui les jette dans un état d agitation intense, comme hors d euxmêmes, sans que jamais ils ne puissent trouver de soutien auprès des adultes, horrifiés par cette transformation. Ecrite entre 1890 et 1891, elle fut immédiatement interdite par la censure. Abordant des thèmes totalement tabous pour son époque, comme la masturbation, le viol, l avortement, elle était considérée comme scandaleuse, voire pornographique. Elle critiquait aussi un certain état de la société prussienne, rigide et engoncée dans un système éducatif répressif, à travers les personnages des adultes qui ressemblent à des marionnettes caricaturales. Wedekind dut attendre 17 ans pour la voir montée par Max Reinhardt, le grand metteur en scène expressionniste. Elle garde un propos universel et nous parle toujours aujourd hui. Son réalisme psychologique et la qualité de ses intuitions étaient admirés par Freud lui-même. La pièce est écrite en tableaux, qui suivent une évolution mais ne présente pas réellement de progression linéaire. Sa dramaturgie annonce déjà les grandes pièces expressionnistes : pas de découpage en scène mais une succession de moments presque autonomes, des concentrés de vie qui sont parfois composés de plusieurs scènes ou seulement de quelques phrases. (la scène du rapport sexuel entre Melchior et Wendla par exemple ne tient qu en quelques lignes) La pièce de Wedekind est incertaine dans sa forme (cette fameuse Kindertragödie qui même en Allemagne ne renvoie à aucun genre repéré), elle est parfois hésitante dans son évolution dramatique et dans son écriture même. Autant de signes clairs pour la situer dans le «geste» adolescent d un auteur qui hésite, doute et crie la difficulté de vivre d une génération opprimée par la lourdeur de l appareil politique prussien. 6

7 Armel Roussel s empare de cette pièce inclassable, pas tout à fait une tragédie, mais tragique quand-même, ni farce, ni conte moral, ni drame romantique, pour en faire une grande parabole sur le désir, et la force de vie. Des existences sont massacrées mais ce jeu de massacre est aussi plein de joie d humour et de foi en l existence. «C est ce que j affectionne souvent : c est une tragédie avec beaucoup de comédie, ou c est une comédie parcourue de tragique. Je choisis de l aborder comme une comédie parcourue de tragique» nous dit Armel Roussel (programme de salle du Centre Dramatique National de Rouen). «MORITZ : Vraiment c est un jeu étrange qu «ils» nous jouent. Je ne me souviens pas avoir jamais eu envie de ce genre d excitations. Pourquoi ne me suis-je pas laissé dormir tranquille jusqu à ce que tout se soit enfin calmé? Mes chers parents auraient pu avoir une centaine d enfants meilleurs. Mais c est moi qui suis venu, Je ne sais pas comment, et je suis responsable de n être pas resté où j étais. N as-tu pas réfléchi toi aussi, Melchior, sur la façon dont nous avons été embarqués dans cette galère?» L Eveil du printemps, Acte I scène 2 Adaptation Armel Roussel L Eveil du Printemps création à Berlin par Max Reinhardt

8 La nudité nécessaire L Eveil du Printemps est une pièce qui, rappelons-le, fit scandale et fut interdite, en son temps. Les thèmes du désir, de la passion charnelle et de la pulsion voire de la violence sexuelle dominent la pièce. Armel Roussel dans sa mise en scène a choisi d exprimer cette urgence du désir jusqu à faire se dénuder complètement les acteurs dans certaines scènes. Au théâtre, la nudité nous confronte à des corps réels et tout proches ce qui peut provoquer une gêne chez le spectateur. Si certaines scènes sont explicites et racontent clairement le sexe, la violence, le désir, l étalage de corps nus n est jamais gratuit ni choquant ici. On pourrait plutôt dit que ces personnages se dénudent car ils sont à la recherche de quelque chose, peut-être cherchent-ils à comprendre leur corps devenu un mystère, ce qu il y a sous leurs vêtements mais aussi sous les conventions sociales. Etre nus à s arracher la peau, se dénuder pour chercher en dessous du dessous. Nus dans l urgence, dans la violence du désir qui submerge et qui emporte. Comme la nudité de la naissance, du passage à l âge adulte. La nudité ici comme une nécessité. 8

9 WENDLA : Alors c est ici que tu te caches? Tout le monde te cherche. Le chariot à foin est reparti. Tu dois donner un coup de main. Il y a de l orage dans l air. MELCHIOR : Va-t-en! Laisse moi tranquille! WENDLA : Mais qu est-ce que tu as? Pourquoi tu caches ta figure? MELCHIOR : Va-t-en, je te dis! Ou je te fais rouler par terre. WENDLA : Ah bah maintenant c est sûr que je vais rester. (Elle se met à genoux près de lui.) Pourquoi tu ne viens pas dans le pré avec nous, Melchior? Ici, c est sombre, on étouffe. On s en fiche d être complètement trempés... MELCHIOR : Le foin sent si bon. Et dehors le ciel est noir comme un linceul. Je ne vois plus que le coquelicot qui brûle sur ta poitrine... et j entends battre ton cœur. WENDLA : Ne m embrasse pas, Melchior! Ne m embrasse pas! MELCHIOR : Ton cœur, je l entends battre... WENDLA : On s aime... si on s embrasse... Non! Non!.... MELCHIOR : Oh, tu peux me croire, il n y a pas d amour! Tout n est qu égoïsme pur, tout n est que pur égoïsme! Je t aime aussi peu que tu m aimes... WENDLA : Non!... Non, Melchior! MELCHIOR : Wendla! WENDLA : Oh! Melchior!... non... non... L Eveil du printemps, Acte II scène 4, Adaptation Armel Roussel 9

10 scénographie Un élément important pour la scénographie est le côté «champêtre», non urbain de la pièce. C est le contraire d une pièce sur la ville, ses dangers et ses tentations. Les lieux évoqués sont les bois, les champs, les vignes, la place d un village «Je souhaite partir du plateau nu, peut-être en terre battue, comme une place de village à la campagne. Car il y a quelque chose de la campagne dans L Eveil, ou de villageois. Ce n est pas une pièce de la ville. J ai en tête là où j ai vécu mon adolescence, et le souvenir de mes 15 ans lors des bals du 14 juillet ou du 15 août, sur la place de l Ile aux Moines, dans le golfe du Morbihan, en Bretagne. J ai le souvenir d un endroit où l intime et l extime se confondent, où tout le monde se connaît si bien que tout se sait mais que rien n est dit. J ai le souvenir de désirer en cachette, de regarder les gens beaux, de les envier, de souffrir. J ai le souvenir de bals ringards où les adultes se reluquent et les ados se cherchent sur un air d Eddy Mitchell entre une crêpe et de l alcool bu en cachette. J ai aussi le souvenir de me faire à casser la gueule et aussi d un baiser échangé entre la plage et le cimetière. Cet espace théâtral sera aussi celui de mes souvenirs. Avec de la pluie partout par instant, quelques lampions, un petit groupe qui fait des covers sur une estrade instable, et sans doute toutes les scènes d intérieur de maison sur la place du marché, au vu et au su de tous. Un espace unique donc lyrique et organique, mutant comme les adolescents et comme le temps. La lumière y aura un rôle prépondérant (Amélie Géhin) se jouant du doux soleil du printemps et des nuits qui se réchauffent, comme de la grisaille des restes de l hiver quand le printemps hésite encore. Une scénographie légère qui puisse jouer avec l architecture naturelle du théâtre, faire un spectacle adaptable à plusieurs types d espace, parce que je rêve de quelque chose de mobile, transformable, léger, organique, vivant et libre, surtout libre, vraiment libre et pas bloqué par sa propre forme.» Armel Roussel note d intention 20/11/

11 On n est pas dans un monde réaliste mais dans un espace indéterminé, à la fois tous les lieux et un seul. Le sol est couvert de terre et évoque une arène, mais aussi la place centrale d un village, ou la terre humide de la forêt où Wendla et Melchior seront vaincus par leurs pulsions ou encore la terre du cimetière, lieu de l ultime confrontation entre Moritz et Melchior. 11

12 la musique Lorsque les spectateurs entrent dans la salle, deux filles sur une estrade un peu bancale reprennent des covers des années 90, marrantes mais un brin nostalgiques. La tonalité du spectacle est donnée d emblée, amenée par la musique. C est le groupe bruxellois Juicy (Julie Rens et Sacha Vovk) qui signe la partition musicale de l Eveil du printemps. D abord des covers qui pourraient faire penser à une ambiance de fête de village mais détournées, actualisées par le groupe qui a vraiment la cote dans le milieu Hip hop et RNB bruxellois. Ensuite, elles ont choisi de composer une vraie partition pour le spectacle qui donne le rythme, tantôt frénétique et enlevé, tantôt plus lent et nostalgique. Sur scène elles participent pleinement à ce qui s y déroule. «Vous venez de composer la musique de L éveil du printemps, le nouveau spectacle du metteur en scène Armel Roussel. Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour? Nous sommes tombées là-dedans par le plus grand des hasards. Le metteur en scène de la pièce nous a vues jouer dans un petit bar de Matongé. Après le concert, il nous a proposé de travailler sur la musique de sa prochaine pièce de théâtre. Nous avons simplement accepté le défi.» Juicy #BalanceTonCorps, in : Bruzz Uit, 21/3/2018, Nicolas Alsteen 12

13 Ce qui caractérise le groupe, c est qu elles revisistent le hip hop et le RNB des années 90 avec humour et second degré et un joli brin de féminisme, elles détournent notamment les codes machistes du genre dans leur premier clip «Count our fingers twice». 13

14 ADOLESCENCE ET LITTÉRATURE L adolescence se définit aujourd hui comme une période de transition entre l enfance et l âge adulte, une période de remaniement tant sur le plan physique, psychologique que sociologique. Le thème de l adolescence a été particulièrement exploité par la littérature, surtout aux XIXe et XXe siècles. De nombreux romans mettent en scène des personnages qui vivent ce passage difficile de l enfance à l âge adulte, souvent comme une initiation, un passage. Citons pour exemple Le Grand Meaulnes d Alain-Fournier (1913), les Enfants terribles de Cocteau (1965), ou l Attrape-Cœur de Sallinger. Beaucoup de ces romans s appuient sur une tradition littéraire antérieure, celle du Bildungsroman, littéralement roman d apprentissage, qui confronte un ou des héros avec le monde pour le transformer. C est le cas de personnages comme Julien Sorel, le héros du Rouge et le Noir (Stendhal, 1830) ou encore Frédéric Moreau, dans l Education sentimentale (Flaubert, 1869). Les romans d adolescence du XXème utilisent souvent ce patron du roman de formation tout en l infléchissant. Le plus souvent, ils insistent sur la marginalité du héros adolescent et son pouvoir de contestation, permettant ainsi de soutenir une critique de la société. Ce qui est aussi le cas de Frank Wedekind avec l Eveil du Printemps. Si c est une période de transition, surtout sur le plan sexuel, l adolescence est en effet aussi un moment de remise en question des différentes sources d autorité jusqu alors acceptées. 14

15 Les adolescents des romans entrent tout d abord en opposition avec leur famille, première source d autorité. JEANNOT : Un boudoir. Des paupières mi-closes. Des lèvres mi-ouvertes. Je ne crois pas au côté sérieux. Les adultes n ont l air solennels que pour cacher leur bêtise. Mais derrière notre dos, ils se traitent de débiles tout comme nous. J en suis sûr. Moi, j imagine l avenir comme un gâteau avec de la crème dessus. Quelqu un arrive et le fait tomber. Il se met alors à pleurer et veut jeter le tout. Puis un autre vient et remet le gâteau tout n importe comment dans l assiette. Mais pourquoi, pourquoi pas juste délicatement récupérer la crème? Qu est-ce que t en dis? Deuxième source d autorité, deuxième zone de contestation : l école. Pour les adolescents des romans, l école apparaît comme un moyen d uniformisation des individus. Pour les adolescents de Wedekind, c est aussi un moyen que la société impose pour les opprimer, et les couler dans un moule. MORITZ : Aller à l école! Et pourquoi allons-nous à l école? Nous allons à l école pour qu on puisse nous y faire passer des examens! Et pourquoi nous fait-on passer des examens? Pour nous faire rater/recaler. Il y en a sept qui doivent rater/ être recalé puisque la salle de classe supérieure n a que soixante places. Si Papa n était pas là, je ferai direct mes bagages et en route pour L Amérique. Je ne me sens vraiment pas bien depuis Noël...c est vraiment l enfer... Il tombe Dieu sait quelle noirceur, à ne pas voir sa main devant les yeux. Où es-tu exactement? La société Plus largement, c est la société toute entière que les adolescents des romans cherchent à bousculer. L adolescent révolté apparaît comme le porte-parole des romanciers qui pointent du doigt les failles de leur société. En cela également Wedekind fait figure de précurseur, puisque sa pièce est aussi un jeu de massacre de l Allemagne de son temps : Cet intérêt porté à l adolescence depuis la fin du XIXe siècle est également lié à l essor de la psychologie, qui se penche sur cet âge de la vie comme période spécifique. On peut d ailleurs trouver un commentaire de Freud sur l Eveil du Printemps dans Minutes de la société psychanalytique de Vienne cité dans A propos de L Eveil du Printemps, pp Après guerre, (la première puis la deuxième Guerre Mondiale) avec la crise des valeurs, familiales, sociétales et culturelles qui en découlent, les romans mettant en scène des adolescents vont se multiplier (les textes de Cocteau Les Enfants terribles ou de Radiguet, Le Diable Au Corps 1923 Sallinger l Attrape-Cœurs, 1951,en sont de bons exemples. Ils témoignent de cette «génération perdue» d écrivains face à un monde dont les valeurs ont été profondément chamboulées et dans lequel les adolescents se trouvent perdus. 15

16 BIBLIOGRAPHIE ET FILMOGRAPHIE SÉLECTIVES Il existe assez peu d ouvrages sur Wedekind en français, proportionnellement au succès de l auteur et au nombre de fois où ses pièces sont jouées sur nos scènes «Frank Wedekind, Théâtre, cirque, cabaret» Théâtre/Public, n 159, mai-juin 2001 J-L Besson, «Wedekind ou l Eclectisme au théâtre», in : La mise en crise de la forme dramatique, , Etudes théâtrales 15-16, 1999 Frank Wedekind, Théâtre complet, vol.1, Editions théâtrales, maison Antoine Vitez, Paris 1995 Dossier pédagogique du Théâtre de la Colline, scène nationale, mise en scène de Guillaume Vincent, mars-avril 2010 Frank Wedekind, L Eveil du printemps, traduction française de François Regnault, eds Gallimard, le manteau d Arlequin, 1983 Sur l adolescence Films Orange Mécanique, Stanley Kubrick (1971) Virgin suicides, Sophia Coppola (1999) Les Beaux Gosses, Riad Sattouf et Vincent Lacoste (2009) Naissance des pieuvres, Céline Sciamma (2007) La Fureur de vivre, Nicholas Ray (1955) La Boum, Claude Pinoteau (1980) Elephant, Gus van Zant (2003) 16

17 Séries Deux excellentes séries britanniques sur le sujet!!!! Skins, série anglaise de Jamie Brittain et Bryan Elsley, 6 saison entre 2007et 2013 The End of the f***ing world de Charlie Covell en huit épisodes de 25 minutes et diffusée à partir du 24 octobre 2017 The End of this F***ing World, série de Charlie Covell Quelques romans incontournables sur l adolescence Alain Fournier, le grand Meaulnes,1913 J.D. Sallinger, L Attrape-Cœurs,1951 Sylvia Plath, La Cloche de Détresse, 1963 John Steinbeck, A l Est d Eden, 1952 Raymond Radiguet, Le Diable Au Corps, 1923 Rax Rinnekangar, La lune s enfuit, 2011 Carson McCullers, Frankie Addams, 1946 Réjean Ducharme, L Avalée des Avalés, 1966 Jean Cocteau, Les Enfants terribles, 1929 John Irving, A moi seul bien des personnages, 2013 Patrick Besson, Arrête avec tes mensonges, 2017 Bret Easton Ellis, Moins que zéro,

18 distribution Metteur en scène & scénographe Armel Roussel D après la pièce L Éveil du printemps. Une tragédie enfantine/frank Wedekind Assistant à la mise en scène Julien Jaillot Création costume Coline Wauters Créateur son Pierre Alexandre Lampert Créateur lumière Amélie Géhin Direction technique, régie générale Rémy Brans Administratrice de production Gabrielle Dailly Chargé de diffusion Tristan Barani Avec Nadège Cathelineau, Romain Cinter, Thomas Dubot, Julien Frege, Amandine Laval, Nicolas Luçon, Florence Minder, Julie Rens, Sophie Sénécaut, Lode Thiery, Sacha Vovk, Judith Williquet, Uiko Watanabe Production [e]utopia, Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles Coproduction CDN de Normandie-Rouen Photos du spectacle Hubert Amiel Dossier réalisé par Cécile Michel Avril