Mémoires d Adrien 99



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Transcription:

Mémoires d Adrien 99 Le patinage sur la mer gelée Le patinage ne se faisait pas seulement sur les patinoires. Il y avait durant cette période, probablement dû à l herbe marine qui poussait en abondance, la glace sur la mer. Lorsque la mer commençait à geler vers le début de décembre, ça restait jusqu au printemps, à moins d une très grosse tempête de vent d ouest ou de vent de nord. Et dès qu il y avait du temps doux ou de la pluie, il y avait de grandes étendues où on avait de la glace d eau douce pardessus la glace d eau salée, et il y avait des milles où on pouvait patiner. On allait prendre d énormes courses de patins là dessus. D ailleurs, ce n était pas seulement du patinage, sur cette glace là, il y avait des courses de chevaux. Il y a même eu des courses d automobiles plus tard. C est comme cela que se passaient les hivers, dans les jeux extérieurs. Il se faisait un peu de raquette, peut-être plus dans ce temps-là qu il s en est fait dans les années subséquentes. Il n y avait pas de ski. Il y avait de la raquette simplement. Il y avait des raquettes à-peu-près dans toutes les familles, parce qu il se faisait du bois, et du bois c était avec les raquettes qu on allait ouvrir les chemins. Il se faisait beaucoup de chasse au lièvre. Elles étaient nombreuses les familles où les jeunes allaient tendre des collets à lièvres. C était encore de la raquette. Ces raquettes étaient aussi utilisées pour s amuser, pour faire de la marche à l extérieur. On allait glisser dans les coteaux Quand arrivait le printemps et que le soleil commençait à fondre la neige un petit peu et que ça amollissait la surface de la neige et que ça retournait un peu au froid, ça faisait de la croûte. Le printemps, on allait glisser en toboggan. On allait glisser dans les coteaux. On allait glisser à Glenburny. On allait glisser dans la côte à Major. On allait glisser au quatrième rang. Vous avez connu ce que c était que d aller glisser en toboggan. Parfois, comme je vous l ai dit déjà. On allait glisser sur la vieille grange, mais c était occasionnel et quelque chose de tout à fait particulier, car toutes les granges ne se prêtaient pas à glisser comme la vieille grange chez nous. Et ce n était pas le vrai glissage en toboggan. On allait même glisser au clair de lune, c était drôlement intéressant.

Mémoires d Adrien 100 Pendant la période dite du carnaval qui s étendait de Noël jusqu au carême, venait s ajouter une autre activité qui intéressait toujours tout le monde. C était la période où les familles se visitaient. Les cartes Le loisir favori était certainement le jeu de cartes. Rares étaient les familles où on ne jouait pas aux cartes. Toutes sortes de jeux : le quarante-cinq à gager, le «besig», le cinq cents, la politaine, et mettez-en, j oublie les autres. Il y en a des jeux de cartes, tant qu on veut en trouver. Pour quelques-uns d autres, moins nombreux nécessairement, il y avait les dames. On jouait aux dames. Ça se joue à deux seulement. Il y avait le jeu de domino qui se jouait aussi de façon pas mal généralisée. Mais c était encore les cartes qui gardaient de très loin le haut du pavé. Il faut penser qu à l époque, il n y avait pas d électricité. L électricité est arrivée à Maria à la fin des années trente 28 ou au début des années quarante. L électricité Les premiers abonnés à Maria, il y en avait peut-être cinq ou six, pas plus, ils étaient reliés à un petit pouvoir électrique qui était installé à St-Elzéar, en arrière de Bonaventure et New Carlisle, qui avait été d abord construit pour desservir Bonaventure et New Carlisle et qui graduellement avait allongé des tentacules. Il y en a une qui était venue jusqu à Maria. C est ce petit pouvoir électrique qui a été le début de la Coopérative d électricité de Bonaventure qui est arrivée plus tard. Mais l électrification ne s est faite qu avec le développement de la Coopérative d électricité. Et à Maria, l électricité est véritablement entrée disons vers les années quarante, j imagine. Au début des années quarante. Nous autre même à la maison, il me semble que c est en 1942 ou 1943 qu on a fait filer la maison. Mais je suis certain qu à ce moment là, il n y avait pas plus que vingt pour-cent de la population qui était électrifiée. 28 Je me souviens d avoir fait mes devoirs à la lampe à l huile, dans mes premières années d école et j ai commencé la classe à sept ans, c est-à-dire en 1944, en deuxième année. Maman m a fait faire ma première année à la maison. (JMB)

Mémoires d Adrien 101 La radio avait commencé à pénétrer à peu près dans le même temps, peut-être un petit peu plus tôt. Mais il y avait une radio ici, une radio là. C était des radios qui opéraient à piles. Nous, nous n'avons pas eu de radio à cette période là. Le premier radio est arrivé après qu on ait eu l électricité. La télévision est venue plusieurs années plus tard. La première télévision qu on a eu chez nous, si je me rappelle bien, c était en 1954 et il n y en avait pas énormément de télévision encore dans la paroisse. Les veillées Ce qui fait que pas d électricité, pas de radio, pas de télévision. Et à peu près pas de téléphone. Quand il n y avait pas d électricité, et pas de radio, il n y avait pas plus que vingt pour-cent de la population qui avait le téléphone. Ce qui fait que durant les soirées, il n y avait pas grande chose à faire. Lire à la petite lampe, ça devenait fatigant. Les femmes crochetaient et brochaient peut-être un peu, mais elles venaient tannées de faire cela elles aussi. Et c était le jeu de cartes qui était le grand passe-temps. Nécessairement, pour jouer aux cartes, il faut être plusieurs. Ça favorisait les rencontres sociales. On se réunissait une fois dans une maison, une fois dans l autre. On voyageait d une place à l autre pour jouer aux cartes, s amuser, passer les veillées. Au travers de cela, ça chantait, ça s amusait, ça jouait du violon. Il y avait beaucoup de violoneux dans le temps. Pas à toutes les maisons, mais il y en avait dans tous les coins. Il y avait des harmoniums à différents endroits. Les pianos étaient rares, mais des harmoniums, il y en avait quelques-uns. On s amusait comme cela. Cette situation favorisait les visites, les veillées entre concitoyens, les réunions familiales. Dans la généralité des cas, la coupe du bois de chauffage et le charroyage se terminaient avant Noël. Les bûches étaient montées. Le bois attendait pour être scié plus tard au cours de l hiver, ce qui fait que les gens qui n allaient pas travailler à l extérieur, qui n allaient pas dans les chantiers ou à l arpentage, pour eux, l hiver était une saison tranquille, une saison où ça ne forçait pas. L entretien de la grange, le train ordinaire, les réparations mineures de harnais et de choses comme cela, de petits instruments, occupait un petit peu, mais pour les hommes c était

Mémoires d Adrien 102 vraiment une période où les efforts étaient beaucoup moins grands. Ça donnait plus de temps de libre et étant moins fatigués, on avait plus d attention aux cartes quand on jouait. On ne s endormait pas à table, quoique de façon assez générale, ces veillées familiales ne se terminaient habituellement pas trop tard en soirée. Quand il était rendu dix heures et demie ou onze heures au maximum, c était l heure où chacun regagnait ses pénates pour la nuit. Ce qui clôturait généralement toutes ces veillées, c était le lunch. Ça faisait partie du protocole et ceux qui recevaient auraient été énormément peinés s il avait fallu que tout le monde reparte sans qu il y ait eu un lunch de servi. Quand la maîtresse de maison commençait à brasser dans l armoire, et que ça commençait à se grouiller un peu, on savait que ça tirait sur la fin. La dernière partie de carte se terminait, on laissait la table libre et la maîtresse de maison préparait la table, véritablement la table mise : la nappe, les assiettes, les couteaux, les fourchettes et c était un véritable repas, un repas léger, mais parfois assez lourd, qui se servait avant que tout le monde reparte. Ça c était régulier ; ça se faisait partout. Un endroit où la femme n aurait pas été disponible pour être capable de servir un lunch, et bien, c était des grandes excuses avant qu on parte. Le lunch, ça faisait partie de la veillée. C était presque le quatrième repas. Les gens digéraient bien, car c était rare qu on entende quelqu un se plaindre qu il avait passé une mauvaise nuit après avoir lunché. Et luncher, c était manger du pâté à la viande, du porc frais, des sandwiches au poulet, et avec cela du thé, du gâteau, un dessert. C était un repas à-peu-près complet. Une petite anecdote en passant qui va vous faire rire. On était allé, maman et moi, je ne sais pas si Jean-Marc, Louis ou Madeleine nous accompagnaient, de toute façon nous étions allés faire un tour chez mon oncle Alphonse, maman et moi, ça j en suis certain, un soir en voiture. Vers dix heures le soir, on était encore là et ma tante Emma s est levée et a commencé à mettre la table dans la cuisine. Marie-Paule lui a dit : «Ma tante Emma, ne faites rien pour nous, on est seulement nous deux, ne dérangez rien». Ma tante Emma répondit : «Ce n est pas pour vous que je fais cela, je mets la table pour le déjeuner demain matin». On avait trouvé cela pas pire. On avait aimé cela, cette petite remarque qui s était dite

Mémoires d Adrien 103 si simplement, si bonnement que personne n'en avait fait de cas. On n'avait pas lunché chez ma tante Emma ce soir-là. On avait tout de même attendu qu elle finisse de mettre sa table pour lui dire bonsoir avant de partir. Concernant les jeux de cartes, il y avait aussi une certaine tendance pour jouer à l argent. Ce n était pas des casinos, mais il y avait plusieurs petits groupes qui s organisaient occasionnellement pour jouer ce qu on appelait un «petit bluff». C était du genre pocker ou black jack ou quelque chose du genre qu on jouait à la cent. Il n y avait pas grandes piastres au jeu. Ça jouait de une cent à dix, par exemple, ou cinq, dix, vingt-cinq. Ça c était les grosses parties. On jouait à quatre, cinq ou six. Ça se faisait assez souvent; c était des groupes distincts, mais il y en avait pas mal. Ça se jouait un peu partout. Ils étaient rares les jeunes, les gens de vingt à quarante ans qui n avaient pas déjà joué leur petite partie de bluff ici ou là. Les «joueries» de coqs Cela a amené d autre chose. C était dans la coutume, à Maria et à plusieurs autres endroits que je connais, l automne, avant les abattages, vers la fin de novembre, ceux qui avaient des poulaillers et qui élevaient de la volaille et qui avaient de la volaille à vendre, on organisait ce qu on appelait une «jouerie» de coqs. C était beaucoup suivi. Si le propriétaire du poulailler avait une quinzaine, une vingtaine de jeunes coqs prêts à l abattage, au lieu de les vendre sur le marché, il organisait une «jouerie» de carte. Il invitait son monde, ceux qui voulaient y aller. Ça se ramassait, une vingtaine, une trentaine de personnes qui jouaient pour gagner un coq. Il jouait une partie de carte, ça pouvait être le «quarantecinq» ou d autres jeux et souvent sous la forme du bluff, du pocker. Si ça se jouait sous la forme pocker, ils s organisaient à la table. Ce n était jamais plus que six par table, chacun faisait une mise, disons de vingt-cinq cents, pour faire un pot en partant. On jouait et celui qui gagnait, au lieu de ramasser l argent, qui allait au propriétaire, ce dernier lui donnait un coq. Un type pouvait gagner un ou deux coqs par soir. Ça dépendait de sa chance. Il pouvait en gagner plusieurs aussi. Si ça se jouait sous

Mémoires d Adrien 104 une autre forme, avec les jeux de cartes habituels, le «cinq-cent», le «quarante-cinq à gager», qui se jouait à six, on jouait une partie. Le propriétaire avait mis un prix sur ses coqs : disons 1,50 $, et bien comme ça se jouait à six, ça faisait 25 cents chacun. Tu payais 25 cents pour jouer ta partie et la partie se gagnait. Là ça se jouait à partenaires. Si c était le «quarante-cinq» à six qui se mettaient à table, c était deux triplets. Tu jouais trois contre trois. Une fois la partie gagnée, les trois gagnants tiraient au sort pour savoir lequel allait avoir le coq. Ça se jouait aussi à d autres jeux : il y avait la politaine, le «cinq cents». Si ça se jouait individuellement, celui qui gagnait la partie gagnait le coq. Si ça se jouait par partenaires, le coq était tiré au sort parmi les partenaires gagnants. Ça commençait vers le début de novembre et ça se faisait sur invitation. Mais les gens qui n étaient pas invités et qui se présentaient étaient bienvenus aussi. On pouvait se rencontrer parfois une quarantaine de joueurs de cartes dans la même maison. Ça c était une partie de plaisir. Ça coûtait l argent que ça coûtait pour acheter la volaille. Mais il y avait du fun à y avoir. Ça finissait généralement par une partie de chant, de violon, de danse de gigue, la soirée se prolongeait un peu plus que dix heures et demie à ce moment-là. De fois, on rentrait à deux heures du matin. Cela s est fait durant des années. Je ne me souviens pas quand ça s est terminé, ces «joueries» de coqs. Comme à peu près la totalité de la population vivait sur une ferme et qu il y avait un poulailler à côté de la grange, ça veut dire que des «joueries» de coqs, il pouvait y en avoir dans tous les coins de la paroisse, à partir de Caps aller jusqu à St-Jules, dans le deuxième rang, dans le troisième rang ; il y en avait partout. Durant tout le mois de novembre, qui était le mois le plus approprié pour ces «joueries» de coqs, ça brassait dans tous les coins. Même dans le temps du premier curé Plourde qui a été à Maria de 1925 à 1933, il faisait toutes sortes de choses pour ramasser les fonds pour prévoir la construction d une église. L église s est construite en 1937, je crois. Pour ramasser ces fonds, monsieur Plourde avait organisé des «joueries de cartes». Il ne jouait pas des coqs, mais ça se ramassait par groupe de familles à l étendue de la paroisse, une fois dans un endroit, une

Mémoires d Adrien 105 fois dans l autre. Il choisissait une maison qui acceptait de faire la partie. Les gens se cotisaient entre eux pour organiser le réveillon, et là les gens donnaient. C était des genres de petits bazars privés. Les gens donnaient diverses choses. Les marchands, ceux qui voulaient donner, des prix, ce n était pas des coqs, mais on jouait pour gagner des prix. Ceux qui se rendaient à ces parties de cartes spéciales, payaient tant de la partie pour jouer. Ordinairement c était 25 cents la partie. C est rare que ça dépassait 25 cents la partie. On jouait une, deux, cinq parties. Les gens s amusaient entre eux. Ces assemblées de coins, ça rassemblait généralement une quarantaine de personnes, parfois une cinquantaine. Ça regroupait un groupe de maisons de l environ, mais c était ouvert à tout le monde. La porte n était pas fermée. Y allait qui voulait. Quand les gens avaient joué suffisamment, pendant quelques heures à jouer aux cartes en jasant et en s amusant, ça s arrêtait et s il restait des choses de ce qui avait été donné, c était vendu à l enchère. Quand la partie commerciale était terminée, il y avait toujours de la musique, du chant, et de la danse. La danse c était surtout la gigue. Pour du cotillon et ces choses-là, c était trop restreint. Il y avait trop de monde, on n'aurait pas pu en danse même si on avait voulu. Les gens aimaient beaucoup ces réunions et il y en a eu durant plusieurs années, pendant que monsieur Plourde a été curé à Maria. Je crois vous avoir donné un assez bon aperçu de la façon qu on s amusait ou qu on utilisait les loisirs durant le premier tiers du présent siècle. Une chose certaine, c était une autre époque. La vie était frugale, mais on avait le temps de la vivre.