Silence, on meurt! 1 Quatre-vingt-quinze pour cent des personnes infectées par le VIH sont toujours privées de traitement 1. Chaque année, lors de la Journée mondiale du sida, il nous faut regarder les statistiques bien en face. Et encore cette année les chiffres nous glacent d'effroi. Rien ne semble freiner la pire épidémie qu'ait connue l'humanité. Selon l'onusida, il y aurait actuellement 42 millions de personnes infectées par le virus du sida, soit 5 millions de plus que l'année dernière. Cette année, 3,1 millions de personnes seraient mortes de cette maladie, dont 610 000 enfants de moins de 15 ans. Dans les pays pauvres, le sida frappe d'ailleurs de plus en plus les femmes. En Afrique, ce pourcentage s'élève maintenant à 58 %. De plus, 90 % des enfants atteints du VIH sont infectés par voie périnatale. 2. Et au-delà des morts, des orphelins et des malades, c'est l'avenir même des pays pauvres qui est entravé par le sida: car en l'absence de traitement, il est difficile pour des pays comme Haïti, le Burkina-Faso ou le Malawi d'entretenir l'espoir de développement. D'ailleurs, les famines que connaissent certains pays ne sont pas étrangères à l'étendue de cette maladie. Comment nourrir une population lorsque les cultivateurs sont affaiblis ou fauchés par cette épidémie qui déferle sur les campagnes? Une maladie qui divise le monde 3. Ces chiffres démontrent éloquemment que le sida, loin de régresser, constitue une menace toujours plus grande pour la planète entière. Mais ils montrent aussi que riches et pauvres ne sont toujours pas égaux devant la maladie. Des 1 Source: Dr Réjean Thomas, La Presse, 1er décembre 2002. L'auteur est président fondateur de Médecins du monde Canada. Ce texte a été écrit en collaboration avec M. Réjean Bergeron. Page 1 de 12
exemples? En 2001, 25 000 personnes sont mortes du sida dans les pays riches, alors que le continent africain à lui seul comptait 2,2 millions de victimes. Pourtant, cet écart ahurissant s'inverse lorsqu'on compare le nombre de personnes ayant eu accès au traitement pour la même période: 500 000 dans les pays riches, contre seulement 30 000 en Afrique. C'est là une immense injustice qui, si nous n'y mettons pas rapidement un terme, pourrait bien prendre les allures d'un crime contre l'humanité. 4. Une lutte efficace contre le sida doit s'appuyer à la fois sur la prévention et le traitement. Pourtant, à l'heure actuelle, les efforts consacrés à la lutte contre le sida dans les pays pauvres portent surtout sur la prévention. Prévention pour les pays pauvres, trithérapie pour les pays riches. Avec l'apparition de nouveaux traitements, plus complexes, plus efficaces, mais surtout plus chers, c'est comme si le monde s'était scindé en deux. La vie aurait-elle un prix? Et ce prix varierait-il au gré de la géographie? Évidemment, la prévention doit être maintenue et même davantage développée dans les pays où le sida constitue une bombe à retardement, mais pas à l'encontre de l'accès aux traitements. 5. Douterait-on de la capacité de ces populations à administrer et à gérer efficacement ces nouveaux traitements? Pourtant, différents projets menés par des organisations humanitaires comme Médecins du monde auprès de certaines populations pauvres démontrent clairement que des traitements plus complexes, à l'exemple de la trithérapie, peuvent donner de très bons résultats. 6. Mais c'est avant tout le coût des médicaments qui empêche les populations des pays pauvres d'avoir accès à des traitements efficaces. Bien sûr, des progrès ont été réalisés sur ce plan. Grâce aux demandes répétées d'organisations humanitaires comme Médecins du monde, plusieurs compagnies pharmaceutiques (mais pas toutes!) ont accepté d'offrir les médicaments à Page 2 de 12
moindre coût à des populations démunies. Toutefois, malgré ces ententes, le prix de ces médicaments demeure encore beaucoup trop élevé pour ces malades qui, souvent, ne disposent que d'un dollar par jour pour subvenir à leurs besoins. 7. D'où la nécessité et l'obligation morale pour les pays riches de venir en aide à ces populations démunies. Malheureusement, les engagements des pays riches sont trop souvent demeurés des promesses non tenues. Ainsi, en 2001, les Nations unies ont créé un fonds mondial destiné à la lutte contre le sida dans lequel les pays riches devaient contribuer l'équivalent de 0,04 % de leur PIB respectif. Or, en 2002, les trois pays les plus riches les États-Unis, le Japon et l'allemagne n'ont fourni que 7 % ou moins de leur part. En conséquence, le Fonds mondial ne disposera en 2002 que de 700 à 800 millions de dollars. Dans un contexte où, selon les Nations unies, la lutte contre le sida nécessiterait 10 milliards de dollars par année, il est facile de constater que nous sommes encore très loin du compte! Des interventions porteuses d'avenir 8. Le temps presse. Il faut agir. Malgré des ressources financières limitées, certains organismes ont déjà mis sur pied des projets intéressants et efficaces afin de lutter contre le sida dans les pays en développement. Le projet de prévention de transmission mère-enfant du VIH/sida mené par Médecins du monde en Haïti est de ceux-là. Impensable il y a quelques années, ce projet s'attaque à un problème majeur, compte tenu du nombre d'enfants infectés par le VIH. Déjà, les résultats obtenus par ce projet sont appréciables. Mais la lutte ne doit pas s'arrêter là. Il faut aussi freiner l'augmentation du nombre des orphelins du sida. Et pour cela, Médecins du monde compte centrer ses prochaines interventions en Haïti sur l'accès aux antirétroviraux pour les mères séropositives. 9. Répétons-le: le sida ne menace pas que les pays pauvres, mais la planète tout Page 3 de 12
entière. Il incombe donc aux pays riches d'y apporter leur pleine contribution. Il ne s'agit pas uniquement de solidarité, mais aussi de sécurité internationale. Les grands de ce monde n'hésitent pas à dépenser des milliards de dollars pour contrer le terrorisme. Comprendront-ils enfin que pour la survie de l'humanité et la santé économique de la planète la guerre au sida est d'une importance beaucoup plus capitale? FIN Page 4 de 12
Silence, on meurt! P1. Annotez toutes les questions de ce questionnaire en mettant en évidence les verbes à l'impératif et les mots clés. P2. Annotez le texte en résumant en quelques mots (dans la marge) l'idée importante de chaque paragraphe. D1. En vous basant sur le sujet, indiquez deux catégories de destinataires à qui le Dr Réjean Thomas pourrait s adresser. Pour chaque catégorie, justifiez votre réponse dans vos mots. D2. Selon vous, le Dr Thomas a-t-il la crédibilité pour prendre position sur le sujet? Expliquez votre réponse. D3. a) Par quel type d'argument l'auteur présente-t-il son sujet au 1er paragraphe? b) Jugez de la pertinence de ce type d'argument dans ce texte. Page 5 de 12
D4. Quelle est l'intention de l'auteur? D5. Dégagez l'opinion de l'auteur en vous appuyant sur le paragraphe 3. D6. L'auteur a choisi de nous renseigner sur différents aspects à propos du sida. Relevez un exemple du texte pour chacun des aspects ci-dessous. a) Aspect moral : b) Aspect médical : c) Aspect financier : Page 6 de 12
D7. En vous aidant du contexte, expliquez le sens des extraits suivants : a) «... les chiffres nous glacent d'effroi.» (Paragraphe 1.) b) «... le sida constitue une bombe à retardement...» (Paragraphe 4.) c) «... les pays en développement.» (Paragraphe 8.) d) «Les grands de ce monde...» (Paragraphe 9.) D8. Quelle idée implicite l'auteur a-t-il voulu communiquer dans les questions suivantes? «La vie aurait-elle un prix? Et ce prix varierait-il au gré de la géographie?» (Paragraphe 4.) D9. a) Au paragraphe 3, relevez la preuve que l'auteur amène pour montrer l'inégalité entre riches et pauvres face au sida. Page 7 de 12
b) De quel type d'argument s'agit-il? c) S'agit-il d'un argument de l'ordre du rationnel ou du non-rationnel? D10. a) Quel type d'argument l'auteur utilise-t-il dans l'extrait suivant? «C'est là une immense injustice qui, si nous n'y mettons pas rapidement un terme, pourrait bien prendre les allures d'un crime contre l'humanité.» (Paragraphe 3.) b) S'agit-il d'un argument basé sur le rationnel ou le non-rationnel? Justifiez votre réponse. D11. Au paragraphe 5, l'auteur anticipe l'objection et la réfute. Reconstituez le plan de cette partie du texte. Objection : Réfutation : Page 8 de 12
D12. Expliquez comment les termes suivants permettent d'assurer la cohérence et la progression des idées de ce texte. a) «toutefois» (paragraphe 6) : b) «or» (paragraphe 7) : c) «Répétons-le» (paragraphe 9) : D13. Montrez comment l'utilisation de la locution «d'où», au début du paragraphe 7, permet à l'auteur de faire la transition avec le paragraphe précédent. D14. La dernière phrase du paragraphe 8 commence ainsi: «Et pour cela...» Montrez comment cette expression marque la transition avec la phrase précédente. Page 9 de 12
D15. La ponctuation est un élément syntaxique qui peut servir à appuyer l'argumentation de l'auteur. Expliquez comment les parenthèses et le point d'exclamation jouent ce rôle dans l'extrait suivant : «...plusieurs compagnies pharmaceutiques (mais pas toutes!) ont accepté d'offrir les médicaments à moindre coût...» (Paragraphe 6.) Parenthèses : Point d'exclamation : D16. Dites ce que l'utilisation des tirets, dans l'extrait ci-dessous, permet à l'auteur de démontrer. «... les trois pays les plus riches les États-Unis, le Japon et l'allemagne n'ont fourni que 7 % ou moins de leur part.» (Paragraphe 7.) D18. Expliquez comment l'accord du verbe «empêche», dans la première phrase du paragraphe 6, permet de mieux saisir le sens de cette phrase. Page 10 de 12
D19. À plusieurs reprises, l'auteur emploie des phrases à la forme interrogative. Montrez comment ce procédé stylistique peut faire réagir les destinataires. D20. L'appel aux valeurs est un moyen relatif au discours argumentatif utilisé pour convaincre les lecteurs et les lectrices. En vous référant au paragraphe 3, montrez comment l'auteur fait appel à la justice pour faire réagir les destinataires. D21. Relevez le passage de la conclusion qui rappelle la prise de position du Dr Thomas. D22. Sur quel ton l'auteur livre-t-il son message? Jugez de son efficacité. Page 11 de 12
D23. Quelles réflexions vous inspire ce texte du Dr Réjean Thomas? Expliquez votre réponse. FIN Page 12 de 12