L'intégration des dimensions sociétales dans le pilotage de la performance de l'entreprise : problématiques et conjectures



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L'intégration des dimensions sociétales dans le pilotage de la performance de l'entreprise : problématiques et conjectures Auteurs : Christophe GERMAIN Enseignant-Chercheur Audencia Nantes. Ecole de Management Email : cgermain@audencia.com Stéphane TRÉBUCQ Maître de Conférences Université Montesquieu Bordeaux IV Email : trebucq@u-bordeaux4.fr Résumé : La prise en compte des dimensions sociales et environnementales constitue désormais une préoccupation cruciale au sein des entreprises. Rattachées aux champs actuels de la création de valeur partenariale ou de la gestion des relations avec l'ensemble des parties prenantes, elles suscitent nombre de problématiques théoriques et opérationnelles. Au moment où les grandes entreprises cotées font l'objet d'évaluations externes et de notations sociétales, de nombreuses questions subsistent à propos des finalités qui sont assignées aux firmes, et par voie de conséquence, à propos des outils de pilotage de leur performance. Bien que la responsabilité et la performance sociétale disposent de modèles conceptuels bien établis, il subsiste un vide théorique concernant l'intégration des dimensions sociétales aux outils de mesure de la performance. Il s'en suit une série de problématiques nées de relations de cause à effet, posées a priori, mais restant encore largement hypothétiques. La réflexion engagée s'appuie sur des expériences d'entreprises ou sur des modélisations plus abouties, recourant notamment aux tableaux de bord du type Skandia. 1

La prise en compte des dimensions sociales et environnementales constitue désormais une préoccupation cruciale au sein des entreprises. Rattachées aux champs actuels de la création de valeur partenariale ou de la gestion des relations avec l'ensemble des parties prenantes, elles suscitent nombre de problématiques théoriques et opérationnelles. Au moment où les grandes entreprises cotées font l'objet d'évaluations externes et de notations sociétales, de nombreuses questions subsistent à propos des finalités qui sont assignées aux firmes, et par voie de conséquence, à propos des outils de pilotage de leur performance. La définition de ces derniers ne peut être envisagée sans comprendre quels sont les concepts, les théories et les modèles qui peuvent justifier la prise en compte d'une performance largo sensu, c'est-à-dire réunissant les aspects financiers, sociaux et environnementaux. Toutefois, les connaissances théoriques intégrant les aspects sociétaux demeurent encore largement insuffisantes. Cela ne facilite guère la mise en œuvre et le suivi des moyens nécessaires à l'amélioration de l'efficacité et de l'efficience organisationnelles. Le présent article est centré sur les questions relatives aux obligations de publication et de pilotage interne de la performance, ainsi qu'à la nécessité de mettre en place des systèmes d'information appropriés. Son objet consiste à analyser la cohérence et la mise en pratique effective d'outils tel que le tableau de bord prospectif, par exemple. Dans cette perspective, une première partie est consacrée aux modèles conceptuels permettant d'appréhender la notion de performance sociétale. Examinée dans une seconde partie, leur traduction opérationnelle permet d'en percevoir les limites et les insuffisances. 1. Les modèles conceptuels appelant au suivi d'une performance élargie Appréhendée originellement sur un plan strictement financier, la performance a été progressivement élargie, au cours du vingtième siècle, afin de prendre en considération la "responsabilité sociale" de l'entreprise vis-à-vis de ses différents ayants droit. Zenisek (1979) a ainsi segmenté l'évolution historique des entreprises en quatre phases principales. Alors que la gestion concernait essentiellement les dirigeants et les actionnaires au cours des années 1850-1910, la montée en puissance des syndicats a induit une prise en considération croissante des salariés au cours de la période 1900-1950. En présence d'une offre supérieure à la demande, les techniques de marketing ont dû être développées afin de mieux répondre aux besoins du consommateur tout au long des années 1945-1965. Le jeu des acteurs s'est donc progressivement étendu aux clients, aux fournisseurs, et aux distributeurs. Enfin, à partir du milieu des années 1960, le nombre des doléances sociétales à l'encontre des entreprises a fortement progressé. On a progressivement exigé de la part des firmes une internalisation croissante de certains coûts sociaux et environnementaux. Cependant, comme le rappellent Tuzzolino et Armandi (1981), toute entreprise cherchera avant tout à assurer sa rentabilité économique. Une fois celle-ci assurée, elle pourra alors envisager certaines actions philanthropiques, allant au-delà de ses seules obligations légales. Il reste cependant à déterminer dans quelle mesure de telles actions peuvent être justifiées. Il s'agit également de mieux cerner les contours de concepts tels que la responsabilité sociétale (1.1) ou la performance sociétale (1.2). 1.1. Les fondements théoriques d'une responsabilité sociétale des entreprises De l'avis de Friedman (1970), la responsabilité des entreprises est bien définie et délimitée. Les dirigeants doivent maximiser la valeur de l'entreprise, en d'autres termes la richesse des actionnaires. Une telle approche est compatible avec une vision classique de la firme, les 2

dirigeants étant alors considérés comme les seuls mandataires des actionnaires. Sur un plan théorique et légal, ces derniers sont bien propriétaires de l'entreprise. Le risque, qu'ils ont initialement accepté d'endosser en tant que créanciers résiduels, justifie et légitime pleinement leur rémunération. Les dirigeants n'ont donc pas d'autre mission que de rémunérer au mieux leurs actionnaires. Cependant, comme le précise Arrow (1973), les bases d'un tel système économique ne suffisent plus à maximiser le bien-être collectif lorsque des monopoles ou des externalités négatives apparaissent. En situation de monopole, l'entreprise est incitée à tirer injustement un surplus de revenu du fait de sa position dominante. Quant aux externalités, il faut entendre par là des situations où les dirigeants-décideurs ne supportent pas l'ensemble des coûts consécutifs à leurs actions. Il peut s'agir, par exemple, d'une pollution de l'eau ou de l'air, dont la réparation est laissée à la charge de la collectivité. Selon certains, de tels problèmes doivent demeurer le domaine de prédilection de l'etat (Jensen 2001). D'autres, au contraire, estiment que l'entreprise ne peut rester à l'écart de ces questions de société, si tant est qu'elle souhaite pérenniser sa légitimité et le pouvoir qui lui a été confié (Davis 1973). D'une manière plus pragmatique, Ackerman (1973) s'en tient à un constat descriptif. Les entreprises cherchent bien à s'organiser afin de répondre à des demandes sociales qui sont appelées à évoluer dans le temps. Plusieurs grilles de lecture peuvent être mobilisées afin de comprendre un tel engagement, que certains n'hésitent pas à considérer comme un gaspillage éhonté de ressources financières. Selon Elkins (1977), on peut naturellement mettre en avant un impératif catégorique kantien, en se référant aux convictions éthiques des dirigeants. Toutefois, aussi séduisante soit-elle, une telle explication tend à occulter trop facilement une série de considérations économiques, d'essence beaucoup plus matérialiste. Il peut s'agir tout d'abord de dépenses conçues selon une logique similaire à une simple police d'assurance. L'entreprise se prémunit ainsi, à moindre coût, contre toute une série d'attaques pouvant être perpétrées par des minorités activistes et contestataires. Elle peut également voir là une opportunité commerciale, selon une pure logique publicitaire de relations publiques. L'amélioration espérée à la fois de l'image de marque et de la réputation est censée stimuler les ventes et permettre un meilleur taux de pénétration des produits sur le marché. De même telle action de formation, apparemment totalement désintéressée et philanthropique, peut avoir pour objectif de modifier, à terme, certains comportements de consommation. Enfin, certaines entreprises peuvent avoir pour vocation première la conception et la commercialisation de biens et de services dont les effets sont bénéfiques pour la société. Il pourra s'agir, par exemple, de systèmes d'utilisation d'énergies renouvelables ou d'activités de retraitement de déchets industriels. Comme on peut le constater, la notion de "responsabilité sociétale" nécessite une définition précise et claire, si l'on souhaite mettre un terme aux multiples équivoques et quiproquos. Carroll (1999), à partir d'une revue de la littérature consacrée au sujet, souligne que la signification du concept a sensiblement évolué dans le temps. En 1953, Bowen définissait la responsabilité sociétale des dirigeants comme une série d'obligations entraînant une série de politiques, de décisions et de lignes de conduite compatibles avec les objectifs et valeurs de la société. De fait, selon un sondage du magazine Fortune conduit en 1946, 93,5% des dirigeants interrogés estimaient que leur responsabilité concernait l'incidence de leurs actions, et ce, bien au delà des simples résultats comptables présents dans les états financiers. Plus tard, en 1971, une définition plus approfondie de la responsabilité sociétale a été proposée par le CED (Committee for Economic Development). Elle fait référence trois cercles concentriques : - le premier comprend les responsabilités de bases pour l'accomplissement des fonctions essentielles de l'entreprise, relatives à la production, à l'emploi et à la croissance économique, 3

- le second, englobant le premier, inclut une notion élargie de la responsabilité, avec une sensibilité aux évolutions de la société et de ses attentes, avec par exemple, la prise en considération des questions de protection de l'environnement, de relations sociales ou encore d'information des consommateurs, - enfin, le troisième tient compte de l'exercice des responsabilités émergentes, servant à améliorer l'environnement, comme des créations ciblées d'emplois au profit de populations particulièrement défavorisées. En 1975, Sethi a étendu la notion de "responsabilité sociétale" à celle de "performance sociétale", en distinguant les obligations sociétales, la responsabilité proprement dite, et la sensibilité aux questions sociétales exprimée par l'entreprise. Les obligations correspondent aux actions entreprises afin de répondre aux pressions du marché et aux contraintes réglementaires. La responsabilité sociétale dépasse ce cadre purement économique et légal, en tentant d'atteindre un comportement conforme aux normes, valeurs et attentes de la société. Quant à la sensibilité, elle relève non plus seulement de la mise en conformité, mais d'une démarche beaucoup plus active de prévention et d'anticipation. Cette distinction a été reprise et développée par Epstein (1987). Celui-ci estime que la responsabilité sociétale se rapporte aux différentes conséquences résultant des décisions organisationnelles, qui concernent les différentes parties prenantes. Ces conséquences appellent de ce fait une appréciation, par définition subjective ou relative, puisqu'elle dépend de certaines normes sociales. Dans ces conditions, on voit mal comment l'entreprise pourrait apprécier, par elle-même, son degré de responsabilité sociétale. La définition proposée par Epstein fait également référence à la théorie des parties prenantes, stipulant que leur satisfaction est une condition sine qua non de la réussite organisationnelle. Une telle approche nécessite, par conséquent, la mise en œuvre de systèmes de mesures originaux et appropriés. 1.2. La formalisation des modèles conceptuels de la performance sociétale L'un des premiers modèles conceptuels de mesure de la performance sociétale a été proposé par Carroll en 1979. L'auteur propose de retenir trois dimensions. - La première correspond aux fins que poursuit l'entreprise par le biais de la responsabilité sociétale. Celle-ci implique non seulement les impératifs de rentabilité économique et de respect des obligations légales, mais au-delà, le recours à un comportement éthique, conforme aux normes et attentes sociales, ainsi qu'une part plus volontaire et discrétionnaire d'inspiration philanthropique. - La seconde correspond à la sensibilité sociétale. Elle est mesurée en fonction de quatre postures possibles résumées par l'échelle R.C.A.P. (Refus, Contestation, Adaptation, et Proaction ou anticipation). En position de refus, l'entreprise s'oppose à toute modification. Lorsqu'elle opte pour la contestation, elle s'en tient généralement uniquement au minimum légal. L'adaptation représente une posture plus progressiste. Enfin, l'anticipation permet à l'entreprise d'obtenir un positionnement original, en tant que leader et avant-gardiste. - La troisième propose, selon une optique plus pragmatique, une liste non exhaustive de domaines dans lesquels la responsabilité peut être exercée. En fonction de la période considérée et du secteur dont relève l'entreprise, il pourra s'agir plus particulièrement de questions environnementales, sociales, actionnariales, ou encore de qualité et de sécurité des produits. 4

Cependant, en dépit de cette avancée significative, Wood estimait, en 1991, qu'il n'existait toujours pas de théorie, à proprement parler, permettant d'appréhender la notion de performance sociétale. Ainsi, la liste des parties prenantes à prendre en considération a été progressivement étoffée. Carroll (1991) propose d'y ajouter, par rapport à son modèle initial, les concurrents, les fournisseurs, les groupes d'activistes, la société en général, et tout autre personne ou groupe concerné par les activités de l'entreprise. De fait, comme le remarque Jensen (2001), la théorie des parties prenantes formalisée par Freeman (1984) ne précise ni la liste exhaustive des partenaires à prendre en considération, ni la façon optimale dont les richesses doivent être redistribuées à ces derniers. Clarkson (1995) a cependant proposé de retenir une démarche s'inspirant du fonctionnement effectif des entreprises. Les études de cas réalisées par ce chercheur aboutissent à la conclusion suivante : les entreprises gèrent bien leurs relations avec leurs principales parties prenantes, et n'intègrent pas dans leur démarche les questions sociales plus globales. De manière opératoire, la qualité de la gestion partenariale peut être appréciée en fonction des indicateurs renseignant sur le niveau de satisfaction des principales parties prenantes (salariés, actionnaires, clients, fournisseurs, environnement, société civile). Mais est-il possible d'assimiler la notion de satisfaction à celle de performance? Mitnick (2000) relève, à cet égard, le danger de prendre en considération la satisfaction des parties prenantes, notamment lorsque celles-ci sont victimes de croyances totalement infondées. Cet auteur relève également le manque de définitions précises concernant la notion de performance. Wood (1991) considère, pour sa part, que la performance sociétale est l'émanation d'une configuration organisationnelle. Celle-ci est représentée par un assemblage d'engagements de principe, de processus internes, et de conséquences observables. Ces trois composantes relient l'entreprise à la société. Mitnick (2000) propose, quant à lui, une typologie des mesures de performance sociétales en fonction des domaines concernés. Il distingue : - les normes, codes de conduites, donnant lieu à une série de déclarations et d'engagements, - les ressources utilisées, comportant, par exemple, des objectifs d'embauche, ou des mesures de la réduction de certaines consommations de matières (eau, produits polluants), - les processus internes, avec non seulement des mesures de répartition et de composition des effectifs employés, de motivation et de climat social, de problèmes éthiques, mais aussi l'appréciation de la contribution de l'entreprise aux débats publics, et ses échanges avec les différentes instances de régulation, - les activités, renvoyant notamment aux certifications et audits sociaux, aux dons de nature philanthropique, aux taux d'émission de déchets et produits toxiques, ainsi qu'à la diffusion d'informations auprès du public, - les conséquences, telles que le degré de formation du personnel, les mesures de pollution, ou le nombre de contentieux et procès, - enfin, les approches synthétiques et combinatoires, telles que les notations sociétales d'agences comme Kinder, Lydenberg, Domini & Co. (voir en annexe) ou encore les scores de réputation de l'enquête réalisée pour le magazine Fortune. D'autres auteurs, tels que Reynaud (2003) avancent la notion de performance globale (voir Schéma 1). Cette dernière est ainsi formée par la réunion de la performance financière, de la performance sociale, et de la performance sociétale. 5

Schéma 1. La performance globale (Reynaud 2003) Il reste cependant à déterminer dans quelle mesure ces différentes performances interagissent. Certaines recherches empiriques menées sur le marché américain à partir des ratings KLD, comme celles de Berman et al. (1999) ou encore Hillman et Keim (2001) attestent de l'existence d'une relation positive entre la performance financière et certaines notations sociétales concernant plus particulièrement les salariés, les clients, ou la société civile. En revanche, la notation environnementale apparaît sans relation réelle avec la performance financière, remettant ainsi en question l'hypothèse fondamentale d'une convergence entre les différents types de performance. Pour McWilliams et Siegel (2001), le jeu de l'offre et de la demande conduit, en situation d'équilibre, à des profits identiques pour les entreprises, quel que soit le niveau de leur performance sociétale. En effet, une firme augmentant la responsabilité sociétale liée à ses produits ou à leur fabrication peut espérer un accroissement de l'attractivité de ses produits, et partant développer son chiffre d'affaires. Pour ce faire, elle devra cependant supporter une augmentation de ses coûts. Il pourra s'agir, par exemple, d'une augmentation des frais de recherche et développement dans la perspective de différencier les produits, d'investissements dans de nouvelles installations plus respectueuses de l'environnement, d'un accroissement des rémunérations des salariés, ou de frais publicitaires complémentaires ciblant une clientèle préoccupée par les questions sociétales. Une firme concurrente moins engagée sur un plan sociétal obtiendra une rentabilité équivalente, avec un chiffre d'affaires certainement inférieur mais en bénéficiant parallèlement de coûts beaucoup plus restreints. De plus, en l'absence de barrière à l'entrée, toute entreprise qui pourrait éventuellement obtenir une performance financière supérieure, du fait de ses actions en matière de responsabilité sociétale, ne tardera pas à être imitée et copiée, et perdra de facto l'avantage concurrentiel acquis. 6

Partant, les entreprises se distinguant par leur performance sociétale peuvent difficilement espérer en retirer une meilleure performance financière à long terme. Brignall (2002) redoute en fait que les stratégies partenariales ne soient que le résultat d'un phénomène d'isomorphisme social (Di Maggio et Powell 1983). Le risque est alors grand que les dirigeants utilisent en parallèle deux systèmes d'information, le premier restant essentiellement focalisé sur les questions financières à destination des dirigeants et des actionnaires, et le second utilisé principalement à des fins publicitaires auprès des autres parties prenantes (Weaver et al. 1999). Il importe par conséquent de s'interroger à présent sur les pratiques de management des dirigeants, et sur la mise en œuvre effective des outils de pilotage des performances. 2. Les outils actuels du pilotage de la performance et leurs limites L'intégration d'informations, autres que financières, dans la mesure de la performance n'est apparue que récemment comme une nécessité. Certes, l'insuffisance des outils financiers traditionnels mis en œuvre dans le contrôle de gestion a-t-elle été évoquée dès 1987 par Johnson et Kaplan dans leur ouvrage intitulé «Relevance Lost : The Rise and Fall of Management Accounting». Mais ce sont les premières publications sur le balanced scorecard (Kaplan et Norton, 1992, 1993, 1998) qui ont véritablement entraîné l'aggiornamento des systèmes de mesure de la performance, notamment aux Etats-Unis où prédominait jusqu'alors le concept de 'responsibility accounting'. Si l'on admet aujourd hui que la performance revêt de nombreuses facettes devant être prises en considération dans les outils de pilotage, il n en demeure pas moins qu'au sein même des systèmes en charge de sa mesure la dimension sociétale est encore loin d'occuper toute la place qui lui revient. D'aucuns pourront néanmoins considérer que le navigateur de Skandia (Edvinsson et Malone, 1997), le 'balanced scorecard' (Kaplan et Norton, 2001, 2003), les approches 'sustainability balanced scorecard' (Hockerts 2001, Bieker 2002) ou 'total balanced scorecard' (Supizet, 2002) constituent des avancées en la matière (2.1). Mais tous ces outils souffrent de limites (2.2) inhérentes à la prise en compte partielle des logiques présidant au pilotage de la performance (Bessire 2000, Lorino 2001) ainsi que d un caractère par trop standard et normatif mal adapté au phénomène de contingence des outils de contrôle de gestion. 2.1. Les expérimentations du navigateur Skandia, et les évolutions du balanced scorecard en faveur du développement durable Actuellement, le 'balanced scorecard' et le navigateur de Skandia, dans leurs versions les plus récentes, constituent incontestablement les formes les plus abouties en termes d outils de pilotage intégrant la problématique de la mesure de la performance sociétale. 2.1.1. Les caractéristiques et évolutions du 'balanced scorecard' Le 'balanced scorecard' se présente comme une combinaison de mesures financières et opérationnelles classées selon quatre axes d analyse (voir schéma 2) recouvrant respectivement les résultats financiers, la satisfaction des clients, les processus internes, et l apprentissage organisationnel. Selon Kaplan et Norton, une telle articulation permet à toute entreprise de lier ses actions avec sa stratégie et d'apprécier l'évolution des variables de performance en adoptant une vision «globale et équilibrée» de ses activités. Les idées de globalité et d équilibre contenues dans le 'balanced scorecard' résultent de l hypothèse selon 7

laquelle il existerait un modèle universel de performance reposant sur une série d'enchaînements. Initialement, on estime que c est l apprentissage qui permet l amélioration des processus internes. Celle-ci génère à son tour la satisfaction des clients qui permettra à plus ou moins longue échéance d'atteindre les objectifs économiques et donc de satisfaire l'attente des actionnaires (voir schéma 3). Schéma 2. Le 'balanced scorecard' AXE FINANCIER AXE CLIENT AXE PROCESSUS INTERNES AXE INNOVATION & APPRENTISSAGE Schéma 3. La hiérarchisation des axes du 'balanced scorecard' AXE FINANCIER AXE CLIENT AXE PROCESSUS INTERNES AXE INNOVATION & APPRENTISSAGE 8

A peine ébauchée dans la version initiale du 'balanced scorecard', la question de la performance sociétale est aujourd hui mise en exergue par ses concepteurs, à l'instar d autres auteurs cherchant à développer et à diffuser le concept de 'sustainability balanced scorecard'. C'est ainsi que Kaplan et Norton considèrent que la capacité de l entreprise à devenir citoyenne fait partie intégrante de la mesure de la performance relevant de l axe processus internes (voir schéma 4). Ils suggèrent également d étendre l axe clients à tous les partenaires de l entreprise. Schéma 4. La carte stratégique du 'balanced scorecard' (Kaplan et Norton, 2001) Axe financier Stratégie de croissance du chiffre d'affaires Améliorer la valeur pour l'actionnaire Stratégie de productivité Créer la franchise Nouvelles sources de revenu Accroître la valeur pour le client Améliorer la structure de coût Optimiser l'utilisation des actifs Rentabilité client Coût par unité Utilisation des actifs Axe client Supériorité du produit Intimité client Excellence opérationnelle Proposition de valeur pour le client Attributs du produit/service Relations Image Prix Qualité Délai Fonctionnalité Service Relation Marque Satisfaction client Axe interne "Créer la franchise" (Processus d'innovation) "Accroître la valeur pour le client" (Processus de gestion client) "Parvenir à l'excellence opérationnelle" (Processus opérationnels) "Se comporter en entreprise citoyenne" (Processus réglementaire et écologique) Axe d'apprentissage et de développement Un personnel motivé et préparé Compétences stratégiques Technologies stratégiques Ambiance favorable à l'action 9

En adoptant un raisonnement proche de celui de Kaplan et Norton, Hockerts (2001) propose un exemple de 'sustainability balanced scorecard' composé, pour partie, d indicateurs mesurant la performance environnementale et sociale des entreprises. De son côté, Bieker (2002) suggère d ajouter une cinquième dimension au 'balanced scorecard', à savoir la dimension sociétale. Il n'apporte pas toutefois de précisions quant à l architecture d ensemble du système de mesure de la performance (schéma 5). Schéma 5. L architecture du 'sustainability balanced scorecard' Société Clients Apprentissage Finance Processus Supizet (2002), quant à lui, part du principe que l entreprise se doit de satisfaire sept clients : les actionnaires, les clients, les usagers, l entreprise elle-même en tant que personne morale, les partenaires, le personnel et la collectivité. Ce préalable étant posé, il propose un 'total balanced scorecard' dont le modèle repose sur une série de six relations causales entre les parties prenantes : 1- La satisfaction des actionnaires est optimisée par la maximisation des revenus, ellemême subordonnée à la satisfaction des clients ; 2- La satisfaction des clients est optimisée si la satisfaction des utilisateurs des produits et des services est optimisée ; 3- La satisfaction des actionnaires est optimisée par l optimisation de la performance de l organisation. La satisfaction des clients et des utilisateurs est optimisée par l optimisation des produits et du management de la relation client ; 4- La performance de l organisation est optimisée par l optimisation de la satisfaction des partenaires ; 5- La performance de l organisation et la satisfaction des partenaires sont optimisées par l optimisation de la satisfaction du personnel ; 6- La performance globale est optimisée si l ensemble des conditions d environnement internes et externes résulte d'une relation civilisée, responsable et citoyenne vis-à-vis de la collectivité. 10

2.1.2. Le navigateur de Skandia AFS Puisant ses fondements conceptuels dans la notion de capital intellectuel (voir schéma 6), le navigateur, théorisé par Edvinsson et Malone (1997) et mis en œuvre chez Skandia AFS (Edvinsson et Malone, 1999), tient compte de l un des aspects de la performance sociétale, plus précisément de celui ayant trait aux salariés et aux clients. Schéma 6. L arbre de valeur de Roos et Edvinsson (1997) La réelle nouveauté contenue dans le navigateur réside dans l attention particulière portée aux ressources humaines. Celles-ci sont positionnées au cœur du dispositif de création de valeur (voir schéma 7) et bénéficient d'un nombre d indicateurs identique aux autres dimensions de la performance. Une partie de la performance sociale, liée aux salariés de l entreprise, est bien prise en compte dans le navigateur. L axe humain correspond aux compétences des salariés, et à l engagement pris par l entreprise d'en pérenniser le niveau. Schéma 7. Le navigateur de SKANDIA AFS 11

Tous les systèmes décrits ci-dessus indiquent que l aspect sociétal de la performance est bel et bien présent dans les problématiques théoriques de pilotage. Mieux, sa prise en compte constitue pour certains systèmes, tel que le 'balanced scorecard' par exemple, une source d évolution majeure. Et pourtant, force est de constater que ces tentatives, pour louables qu'elles fussent, restent encore insuffisantes. 2.2. Les limites des outils de pilotage actuels en matière de mesure de la performance sociétale Les démarches entreprises pour mesurer la performance sociétale présentent au moins deux insuffisances majeures. La première tient aux logiques de pilotage sur lesquelles elles se fondent. La seconde tient au modèle de performance dont elles se réclament. 2.2.1. Le flou entourant les logiques de pilotage Les outils qui tentent d intégrer une dimension sociétale dans la mesure de la performance souffrent d une ambiguïté sui generis. Il est en effet très difficile d identifier avec précision les logiques de pilotage qui les structurent. En effet, pour assumer son rôle, un système de mesure de la performance doit s inscrire dans le prolongement de la mission que s est fixée l entreprise, des objectifs stratégiques qui en découlent et des moyens mis en œuvre pour les atteindre. Il en va de la pertinence et de la cohérence stratégiques de la mesure de la performance (Lorino 2001) sans laquelle les entreprises risquent de mesurer des performances différentes des objectifs qu elles poursuivent (Epstein et Manzoni 1998). «Vouloir évaluer la performance d un système d exploitation quand l outil de mesure a été créé dans le vide, c est-à-dire en l absence de données sur la planification stratégique, ferait prendre le risque de déconnecter la mesure et la stratégie. Autrement dit de passer à côté du but recherché» (Atkinson et al. 1997). Or, il est très difficile d identifier la finalité à laquelle se rattachent les outils décrits plus haut. Il existe un flou quant à la raison d être de l entreprise et à la nature de ses objectifs stratégiques. On n'en vient à se demander si la performance sociétale constitue véritablement un but en soi, ou s il s'agit, tout au plus, d un moyen permettant d atteindre d autres objectifs (financiers par exemple). Ce défaut de conceptualisation affecte effectivement le 'balanced scorecard' «originel» (Otley 1998, Bessire 2000) dont on ne sait s il relève d une approche de type «stakeholders» ou «shareholders». Le navigateur de Skandia n est guère plus explicite à cet égard. Quant aux approches de type 'sustainability scorecard', elles ne sont pas exemptes de contradictions. Dans certains cas la performance sociétale est clairement subordonnée à la performance financière (Hockerts, 2001), dans d autres (Bieker, 2002) on considère que chaque type de performance influence les autres et inversement (voir la structure en étoile du 'sustainability scorecard') : «The linkages between the elements reflect this idea and also emphasise the fact that every single component influences the other ones (Bieker, 2002). Il faut préciser, qu'en définitive, un constat similaire peut être formulé à propos des déclarations des entreprises quant à leur volonté de s engager dans des démarches sociétales (cf. annexe). 2.2.2. Un modèle de performance discutable Tous les outils de pilotage présentés dans cet article postulent qu il existe une chaîne de causalité précise structurant les processus de création de valeur, et par conséquent la performance. De fait, ce présupposé s'avère contestable. Plusieurs auteurs ont souligné la 12

fragilité d un tel postulat. Otley (1998) relève par exemple que la logique du 'balanced scorecard' selon laquelle des employés bien formés conduisent à des processus plus performants, donc à des clients plus satisfaits, et pour finir à des actionnaires plus heureux, est très discutable. Lorino (2001), pour sa part, juge ce type de raisonnement standard quelque peu stéréotypé, arguant du fait que le modèle causes-effets présidant à l élaboration d un système de pilotage est spécifique à la stratégie et à l environnement de chaque entreprise, et que de surcroît sa construction résulte d une analyse du système d activités de l entreprise. C est également le point de vue défendu par Atkinson et al. (1997). Ainsi, considérer qu une organisation se comportant en entreprise citoyenne influencera favorablement sa valeur actionnariale, tel que le supposent Kaplan et Norton (voir schéma 4) constitue, pour le moins, une assertion restant à démontrer. Les mêmes réserves concernent les démarches du 'sustainability balanced scorecard'. Quant aux relations entre les parties prenantes évoquées par Supizet (2002) dans le cadre du 'total balanced scorecard', elles demeurent sujettes à caution si l'on se réfère notamment aux travaux de Trébucq et d Arcimoles (2003). Ils montrent, en effet, que les entreprises les plus attentives à leurs clients et à leurs fournisseurs encourent des pertes financières plus importantes, notamment en période de récession. Conclusion Sur un plan théorique, l intégration des dimensions sociétales de la performance à la mesure de la performance globale doit être mieux définie et mieux précisée. Les propositions d'outils de pilotage diffusées dans la littérature demeurent, en effet, partielles et discutables. Cela tient au fait qu elles dérogent à certains principes fondamentaux du pilotage, en omettant de préciser les finalités poursuivies. Sur le plan opérationnel, la question est de savoir dans quelle mesure et sous quelle forme les entreprises engagées dans une démarche sociétale mesurent leur performance. On peut en outre s'interroger sur la spécificité des systèmes d'information de telles entreprises comparativement à celles qui restent indifférentes à cette problématique. Si rien ne les différencie, alors cela pourrait signifier que la performance sociétale est seulement l'objet d'évaluations et de notations externes, et ne constitue nullement une composante à part entière dans la stratégie des entreprises. Corrélativement, cela rendrait fortement improbable l'hypothèse d'un nouveau modèle de régulation venant palier les prétendues défaillances d'une approche strictement actionnariale. Si en revanche, il existe des entreprises qui développent bien des outils de pilotage, appropriés aux logiques sociétales, alors il serait intéressant d identifier leurs caractéristiques et d'analyser leurs savoir-faire en termes de mesure de la performance. Au-delà de cette phase préalable, on pourrait appréhender d'une manière plus concrète et plus tangible des notions encore trop abstraites telles que la responsabilité ou la performance sociétales. 13

Annexe - Etudes de cas menées sur le marché français, pour l'année 2003, concernant l'organisation du reporting de la performance globale Etude de cas comparée n 1 secteur alimentaire Pernod-Ricard : une entreprise engagée en termes de responsabilité sociétale Rémy-Cointreau : une entreprise appartenant au même secteur des vins et spiritueux, sans manifester un engagement sociétal marqué Un rapport global présente successivement les aspects de ressources humaines, de développement durable, de finance et de gouvernement d'entreprise. "Ressources Humaines" (p. 40) : La culture et les valeurs du groupe (convivialité, intégrité, engagement) mises en avant, engagement des salariés dans un programme de sécurité routière afin de limiter les accidents liés à un excès de consommation d'alcool, programmes de fidélisation et formation des salariés. Aucun rapport n'est dédié aux questions du développement durable. La notion de performance est évoquée au pluriel ("Performances") sur le site internet et dans la plaquette financière de la société, tout en maintenant une vision strictement financière. Les sociétés de notation citées sur le site internet sont financières : Moody's et Standard & Poor's. "Développement durable" (p. 45) : "Le développement durable pour Pernod Ricard inclut une responsabilité environnementale, un engagement de qualité et une éthique quant à la dimension sociale de nos produits". Les thèmes traités sont les suivants : préservation des ressources en eau, respect de la biodiversité, réduction des déchets, réduction des déchets dans l'atmosphère, recyclage des contenants, démarches de certification (ISO 9000 et 14001), interaction avec les communautés locales, action de préventions contre l'alcoolisme, mise en place de responsables de gestion du risque dans les filiales. "Rapport financier" (p. 53): La gestion des risques traitée est strictement financière (risques de change, de taux, de liquidité) ou juridique. Le rapport précise le plan de réduction des effectifs en cours, et les mesures de sauvegarde de l'emploi (reclassements, mesures d'accompagnement). Les taux d'absentéisme, et les chiffres d'accidents du travail, les consommations d'énergie, et les quantités de déchets et effluents ne sont fournis que pour une seule année. "Pour l année 2002, les dépenses pour réduire les risques et prévenir l environnement ont atteint un montant de 3,3 millions d euros." "Malgré l absence de litige en cours, des provisions d un montant de 4,5 millions d euros ont été prévues pour la mise en conformité des sites industriels." "Gouvernement d'entreprise" (p. 97) : La composition du conseil d'administration, et l'indépendance des administrateurs est indiquée. Le rôle et le fonctionnement du conseil est détaillé, avec la présence d'un comité stratégique, d'audit, et des rémunérations, Les montants des rémunérations des mandataires sociaux, et des commissaires aux comptes sont précisés. La notion de développement durable est traitée succinctement, comme suit, dans le rapport financier 2001-2002 (p. 7) : "Basé sur des fondements éthiques de respect de l intérêt général et de la place de l homme au cœur de l entreprise, le développement durable est aussi créateur de valeur : réduction des coûts, accroissement de la valeur ajoutée du produit, qualité irréprochable. Son domaine d action couvre les préoccupations relatives à l environnement, l hygiène et la sécurité. Nos principaux sites de production sont certifiés ISO 9000 et ISO 14000 pour l un d entre eux, nos laboratoires sont certifiés ISO 17025. Par ces actions, le groupe concourt ainsi activement à donner pleinement confiance aux partenaires et aux clients en termes de garantie de qualité." 14

Etude de cas comparée n 2 secteur des matériaux de construction Lafarge : une approche détaillée Ciments français : une approche déclarative Mention du "développement durable" en première page Aucune publication de rapport sociétal. Les seules du site internet de la société et publication d'un rapport notations (avis des analystes) indiquées sur le site développement durable. internet sont financières. Mention des notations sociétales de l'agence SAM/ DJSI pour l'année 2002, et respect des Rapport financier : recommandations du GRI (Global Reporting Initiative). "Ressources Humaines" (p. 7) : Rapport développement durable : "Un programme d adaptation des systèmes d information ressources humaines sur SAP a été développé au sein d Italcementi Group et "Vision et stratégie" (p. 6) : devrait être opérationnel dès le début de l année 2003. Ce nouveau "Sans changement dans les pratiques actuelles, les émissions de CO 2 système permettra d optimiser le reporting et les analyses de l industrie du ciment - qui constituent un de ses principaux comparatives au niveau du Groupe ainsi que la gestion de carrière impacts environnementaux - devraient être multipliées par quatre en des personnes clés." 2050. Les matériaux de construction étant essentiels à l évolution de la société, il nous faut concilier notre désir de contribuer au développement humain grâce à nos produits, avec notre responsabilité face au changement climatique." "Collaboration avec les parties prenantes" (p. 7) : "Nous avons trois responsabilités vis-à-vis de nos parties prenantes : Fournir l information qu elles attendent dans les limites de la faisabilité technique et de la confidentialité commerciale. Écouter, comprendre et répondre à leurs demandes pour assurer l acceptation de nos opérations et notre succès à court et à long termes. Encourager un échange réciproque afin de bénéficier de leur soutien et de les inciter à adopter les principes du développement durable." "Economie" (p. 20) : Consultation des parties prenantes au sujet de la transparence et l'intégrité, du respect de l'intérêt des actionnaires, de la stratégie de long terme, de l'investissement éthique, des structures de gouvernance, du respect des spécificités locales, des contributions au développement local, et du respect des règles de concurrence. Résultat comptable précisant les sommes redistribuées aux parties prenantes (collaborateurs, fournisseurs, société civile, Etat, banques, actionnaires). "Société" (p. 26) : Mise en place d'outils internes pour le groupe au sein de la direction Ressources Humaines. Etudes qualitatives menées auprès du personnel d'encadrement, enquête annuelle de satisfaction du personnel depuis 1991, formation, suivi de la diversité (handicapés, femmes), actionnariat salarié, prévention de la corruption, et aides humanitaires. "Environnement" (p. 36) : Mise en place d'outils internes pour le groupe au sein de la direction Environnement. Suivi des consommations d'énergie et d'émission de dioxyde de carbone, protection de l'eau, réduction des déchets, recyclage. Données chiffrées, sur deux années. "Gestion des risques" (p. 10) : Le Groupe intègre dans sa stratégie de développement une approche prudente des risques et vise à respecter au mieux l environnement, les intérêts de ses clients et partenaires, de ses salariés ainsi que le patrimoine de ses actionnaires. "Développement durable et risques industriels" (p. 11) : "S il considère que la production de ciment est une activité nécessaire qui répond à des besoins fondamentaux de la société, Italcementi Group a pris par ailleurs l initiative, avec neuf autres acteurs mondiaux et régionaux de l industrie, de s imposer un ambitieux programme d actions pour garantir un développement durable de cette activité. Le développement durable a été défini comme celui qui permet de répondre aux besoins d aujourd hui sans compromettre la possibilité pour les générations futures de faire face aux leurs. Il propose une approche équilibrée, conciliant la dimension sociale, la prospérité économique et la protection de l environnement. En recherchant une approche optimale à tout instant entre ces trois aspects, et en considérant que les partenaires ( stakeholders ) de l entreprise doivent également en bénéficier, la valeur à long terme de l entreprise, sa pérennité et son avantage concurrentiel sont augmentés de façon significative, alors même que le risque propre à toute activité d entreprendre se trouve réduit." Développement durable et stratégie : "Le plan de prévision stratégique intègre des éléments pertinents de développement durable. Il englobe maintenant les dimensions environnementales et sociales considérées comme des critères importants à long terme conditionnant les succès futurs du Groupe. Cette nouvelle orientation sera déclinée à divers niveaux : plan, programmation, budgétisation, mise en oeuvre, reporting, contrôle." "Prévention des risques environnementaux" (p. 13) : Les thèmes traités sont la certification ISO 14001, l'information des riverains et des collectivités locales, l' utilisation de combustibles de substitution, la réduction des émissions de poussières, dioxydes de carbone et de soufre, et oxydes d'azote. Aucune donnée chiffrée rendue publique. "Gouvernement d'entreprise" (p. 101) : Composition du conseil d'administration, rémunérations, et mention d'un code éthique. Le Conseil d Administration a adopté un code d éthique applicable à l ensemble du personnel du Groupe définissant les principes d éthique et de comportement dans leurs actions et rapports avec les tiers. Ce code définit notamment un certain nombre de règles en matière de loyauté, impartialité, protection du secret des affaires, de l individu, de l environnement et du patrimoine de la société, ainsi que des processus de contrôle et de fiabilité des informations. Ce code précise également les règles de conduite envers les clients, les fournisseurs, les institutions publiques, les organisations politiques et les organes de presse. 15

Etude de cas comparée n 3 secteur des cosmétiques L'Oréal : création d'outils ciblés concernant la gestion environnementale Mention des problématiques environnementales sur la première page du site internet de L'Oréal. Le "développement durable" est traité dans une souspartie du rapport annuel. Un rapport environnemental est disponible sur demande, mais non accessible sur le site internet. "Développement durable : notre engagement responsable" (source : rapport annuel) "Limiter l'impact sur l'environnement" (p. 22) : Réduction des déchets, traitement des effluents, mention d'un tableau de bord suivi par la direction environnementale avec 65 paramètres pour chacun des sites. Indicateurs majeurs : consommation d'eau (litres/produit fini), consommation d'énergie (KWh/1000 produits finis), indice de valorisation (1992-2002). "Motivation et sentiment d'appartenance" (p. 22) : Motivation du personnel, et conditions de travail. Renforcement de l'adhésion. Rémunération : système d'intéressement. Intégration de travailleurs handicapés, parrainages de jeunes sans qualification, aide à la formation de personnel sans emploi, aides aux personnes fragilisées. Indicateur majeur : nombre d'accidents avec arrêt pour 1 million d'heures travaillées. "Apprentissage et insertion" "Répondre aux attentes des communautés" (p. 23) : Volonté de s'affirmer en tant qu'entreprise citoyenne, partenariat avec l'unesco, participation au programme Femmes et Science, soutien à des initiatives locales, dans les domaines humanitaire, social, culturel et éducatif. Aucune donnée chiffrée sur les dépenses de mécénat. Information présente dans le rapport environnemental : Présentation de la maquette du tableau de bord permettant au groupe de suivre les progrès réalisés en matière de protection de l'environnement. Suivi mensuel des résultats en termes de : - rejets atmosphériques, - effluents (quantité, qualité) - consommations d'eau et d'énergie - déchets (quantité, nature) - valorisation des déchets. Missions d'audit interne sur les sites industriels. Aucune donnée chiffrée dans le rapport environnemental. Clarins : des approches disparates insistant sur la conception des produits, la création d'emploi, et le mécénat En présentation du groupe sur internet : "La mission sociale de Clarins : Parce que Clarins doit sa réussite à toutes les femmes, Jacques Courtin, son fondateur, a décidé d aider celles qui souffrent. Ainsi est née, en 1989, l Association de Recherche sur la Polyarthrite ARP. (http://www.arpfr.org)." Le "développement durable" est traité dans une souspartie du rapport annuel. Information présente dans le rapport annuel : "Clarins préserve l'environnement" (p. 12) : Fûts et conteneurs recyclables. "Conception des produits tenant compte de la prolongation de la durée de vie des emballages par des recharges (parfums et maquillage), de la suppression des CFC (hydrocarbure fluoré utilisé sous forme gazeuse comme propulseur), de l'utilisation de l air comprimé comme propulseur, et de l'élimination du PVC. En conformité avec les dispositions du décret du 20 juillet 1998 sur la conception et la fabrication des emballages, le Groupe a adopté une approche d amélioration continue sur leur développement (minimiser les substances dangereuses dont les métaux lourds présents dans les encres, favoriser le caractère valorisable de l emballage par recyclage matière ou valorisation énergétique)." "Plus de 90 % des Déchets Industriels Banals (DIB) du site de Pontoise sont valorisés, soit par recyclage (60 %),soit par valorisation énergétique (40 %)." "Une forte diversité culturelle Evolution de l'effectif" (p. 9) : Evolution constante des effectifs employés sur la période 1992-2002, avec une croissance annuelle de 11,3% par an. Progression des frais de personnel. "Clarins, entreprise engagée " (p. 10) : Contributions à diverses associations de protection de l'environnement (Alp action), de lutte contre certaines maladies (Polyarthrite Rhumatoïde ) et à des prix et récompenses (prix de la femme la plus dynamisante de l'année). Aucune précision en termes d'outils de pilotage de la performance sociétale. 16

Etude de cas comparée n 4 secteur bancaire BNP Paribas Société générale Thème du développement durable apparaissant en première page du site internet. Le "développement durable" fait l'objet d'un rapport à part entière. Mention des notations sociétales des agences SAM (2002) et Arèse (2001). Rapport développement durable : "Le gouvernement d'entreprise" (p. 18) (indépendance des administrateurs, comités, rémunération des dirigeants, création de valeur pour l'actionnaire, comité de liaison des actionnaires) "Le développement des ressources humaines" (p. 54) : formation, suivi de l'attractivité, rémunération et épargne salariale, dialogue social, fondation aidant les salariés à s'engager dans certains projets bénéficiant à la société civile (santé, solidarité, exclusion). "L'environnement" (p. 59) : attention portée aux rejets, bilan carbone avec l'ademe (Agence de l'environnement et de la Maîtrise de l'energie), volonté de maîtrise du cycle de vie des produits, intégration du respect de l'environnement dans le contrôle du risque de crédit, financement de centrales de cogénération, participation au développement de bourses de l'énergie. "Les relations avec les clients et les fournisseurs" (p. 61) : application de règles de déontologie, mise en place d'un département de qualité et relations consommateurs, mise en place d'outils de gestion des réclamations des clients, baromètre de satisfaction de la clientèle, enquêtes qualité, visites mystères, mise en place de tableaux de bord de pilotage de la qualité, promotion de l'investissement socialement responsable, fonction Global Procurement Group s'assurant du respect des notions de développement durable chez les fournisseurs, contrôle de conformité des achats. "Les relations avec la société civile : le mécénat" (p. 65) : partenariat avec l'adie afin d'attribuer des crédits solidaires, actions de mécénat auprès des musées, de jeunes musiciens, initiatives locales. Thème du développement durable apparaissant en première page du site internet. Le "développement durable" est traité dans une sous-partie du rapport annuel. Mention des notations sociétales des agences SAM (2000-2002) et Arèse (1999-2000). Rapport annuel : "L'engagement de la société générale" (p. 62) : - lutte contre le blanchiment des capitaux, - signature du Pacte Mondial (Global Compact) de l'onu, - participation au forum de l'ocde, et au Conseil National du Développement Durable, - respect des codes de gouvernance (Viénot, Bouton) - activités de mécénat et sponsoring dans les domaines suivants : rugby, musique, golf, bridge, handisport. Définition du développement durable retenue par la Société Générale (p. 63) : La Société Générale a repris la définition officielle en l'adaptant à son activité : «Développement satisfaisant les besoins actuels sans compromettre ceux des générations futures grâce à une approche responsable intégrant les intérêts de toutes les parties prenantes : clients et fournisseurs, personnel, actionnaires, société civile et environnement.» Cette définition contient à elle seule les principes fondamentaux d'un engagement dans le développement durable : une responsabilité élargie : économique, sociale, environnementale, une vision à 360 : toutes les parties prenantes de la société, une inscription stratégique dans la durée : concilier court terme et long terme. "Gouvernement d'entreprise" (p. 11) (indépendance des administrateurs, comités, rémunération des dirigeants) "Développement durable" (p. 61) : - "Ressources et relations humaines" (recrutement, dialogue social, rémunérations compétitives, enquête de climat social, formation) - "Risques" (comité de risques, audits, modèle VaR, usage d'indicateurs EVA et de rentabilité ajustée du risque) - "Qualité" (baromètre de satisfaction, démarche de qualité globale, certifications AFAQ, critères de développement durable pour les achats) - "Société civile" (lutte contre le blanchiment) - "Environnement" (réduction des consommations, recyclage des déchets, mise en place "d'écocomportements"). - "Mécénat et sponsoring" (aide à des associations, concours, dépenses d'1,6 million d'euros en 2002) - "Relations avec les actionnaires" (information, comité consultatif) 17

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