Cabinet Claude BARANES. Sommaire



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Cabinet Claude BARANES 27 Avenue de la Grande Armée 75116 Paris Port 06 49 73 46 51 Tel: 01 83 97 26 29 Fax: 01 53 64 0972 claudebaranes@avocat-baranes.fr www.avocat-baranes.fr N 56/ Avril 2013 Lettre d information juridique PROPRIETE INTELLECTUELLE DROIT DES AFFAIRES Sommaire PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE Concurrence déloyale : Le choix d une marque concurrente comme mot clé dans le système Adwords de Google, constitue-t-il un acte de concurrence déloyale? Dessins et modèles : Weston perd sa guerre du mocassin Dessins et modèles: Rappel des règles de protection Marque : L usage démultiplié d une marque constitue-t-il une atteinte à cette marque? Marque : La marque La Poste mobile n est pas la contrefaçon de la marque Post Mobile malgré leur ressemblance et l identité des produits. DROIT DES AFFAIRES Banque : Devoir de mise en garde, exemple d un gérant non averti. Caution : La nullité de l acte de caution pour défaut des mentions manuscrites obligatoires n est que relative. Rupture des relations commerciales : La baisse significative des commandes constitue-t-telle une rupture partielle? Lettre d information juridique N 56 1 Avril 2013

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE CONCURRENCE DELOYALE VIA LE SYSTEME DE MOTS CLES ADWORDS DE GOOGLE On connait le système de référencement ADWORDS de GOOGLE. Très souvent le mot sélectionné est une marque protégée, et l internaute en cliquant sur cette marque est dirigé vers une entreprise concurrente du titulaire de ladite marque. La question posée est donc celle de l éventuelle faute commise par celui qui choisit une marque concurrente comme mot clé pour rediriger l internaute vers son propre site. Il est évident que le concurrent profite directement de la marque concurrente pour faire connaître sa propre entreprise. Mais est-ce pour autant condamnable? La Cour de cassation a jugé plusieurs fois, suivant en cela les arrêts de la CJUE, que l on ne peut y voir un acte de concurrence déloyale, voire même parasitaire. Elle vient de confirmer sa position en cassant un arrêt d une Cour d Appel qui avait condamné une société pour concurrence déloyale. En l espèce, la société Cobrason qui vend des produits hifi vidéo en ligne sur le Internet a constaté que la requête Cobrason effectué avec le moteur de recherche Google déclenchait, par la mise en œuvre du service de référencement Google AdWords, l affichage d un lien commercial vers le site exploité par une société concurrente, à savoir, la société Solutions. Pour dire que la société Solutions s était livrée à des actes de concurrence déloyale, la Cour d appel a estimé que celle-ci avait nécessairement généré une confusion entre leurs sites internet respectifs dans la clientèle potentielle et provoqué de ce seul fait un détournement déloyale de clientèle. La Cour de de cassation censure donc cette décision, rappelant que le démarchage de la clientèle d autrui est licite, s il n est pas accompagné d un acte déloyal et qu aucune circonstance caractérisant un risque confusion entre les deux sites des deux entreprises n avait été relevé. En résumé, le choix d une marque, d une dénomination sociale, ou encore d un nom commercial a à titre de mot clé, appartenant à un concurrent pour attirer l internaute sur son propre site n est pas condamnable, à condition toutefois de ne pas entretenir un risque de confusion dans l esprit de cet internaute qui doit donc bien comprendre qu il s agit d entreprises différentes et qu il n existe pas de liens particuliers entre les sociétés. Cour de cassation 29 janvier 2013 n 11-21011 Lettre d information juridique N 56 2 Avril 2013

DESSINS ET MODELES : WESTON PERD SA GUERRE DU MOCASSIN La Cour d appel confirme l annulation du fameux modèle de mocassin pour défaut de nouveauté et qui a fait l objet d un dépôt en 1991. Naturellement, la société WESTON ne faisait pas remonter ses droits sur le mocassin en 1991, mais en 1946 sur le fondement du droit d auteur. Seulement, par une première décision de la Cour d appel de Paris du 1 er avril 2009, la société WESTON avait été déboutée de son action en contrefaçon tant sur le terrain des droits d auteur que sur celui des dessins et modèles et a donc vu prononcée la nullité de son modèle pour défaut de nouveauté. Sur pourvoi de la société WESTON, la Cour de cassation a entériné la décision sur les droits d auteur rendant ainsi irrévocable l absence de protection au titre du droit d auteur mais a cassé les dispositions de l arrêt sur les dessins et modèles. L affaire est donc revenue devant la Cour d appel de renvoi qui devait ainsi de nouveau statuer sur la validité du dépôt de modèle de 1991. Il faut noter que le dépôt du modèle de mocassin répondait aux exigences de l ancienne loi du 14 juillet 1909 qui, à la différence des nouvelles dispositions n accepte comme antériorités destructrices de nouveauté que celles provenant des tiers et non du déposant, alors que les dispositions actuelles plus sévères considèrent que l exploitation par le déposant antérieurement au dépôt fait tomber la nouveauté du modèle, la loi prévoyant toutefois une exception si l exploitation a eu lieu dans l année qui précède le dépôt. En d autres termes, la loi sur les dessins et modèles, laisse une année au créateur du modèle pour le déposer. Devant la Cour de renvoi, il appartenait dès lors à l opposant en l espèce la société PARABOOT assignée en contrefaçon de prouver l absence de nouveauté du modèle et donc d apporter aux débats des antériorités de toutes pièces. C est ainsi que cette société a pu faite remonter l antériorité du modèle de mocassin de la société WESTON à l année 1936. L on apprend que la forme de ce mocassin a donc été créé en 1936 par un certain George Henry Bass. Et la Cour de constater que la comparaison des deux modèles (mocassin Weston et mocassin de George Henry Bass) donne à voir la même apparence de chaussure alliant le genre mocassin à une allure citadine et racée, une arrête au milieu du bourrelet rustique, une empeigne légèrement arrondie et bombée sur les bords, une languette avec une découpe et de fines piqûres. Les différences ne relevant pas d éléments dominants et ne modifiant pas l impression globale de reprise de toutes pièces d une combinaison antérieure certaine. La Société WESTON, sous réserve bien entendu d un nouveau pourvoi et d une nouvelle cassation, n a donc pas le monopole de la forme de son mocassin qui a pourtant été l un de ses modèles emblématiques et qui pour les connaisseur continuera de le rester. Cour d Appel de Paris 23 janvier 2013 n 10-22963 Lettre d information juridique N 56 3 Avril 2013

DESSINS ET MODELES : RAPPEL DES REGLES DE PROTECTION Pour être protégeable un dessin et ou un modèle doit être nouveau et présenter un caractère propre (pour les dessins et ou modèles nationaux) ou individuel (pour les dessins et ou modèle communautaires). La France en retranscrivant la directive européenne sur les dessins et modèles a choisi le qualitatif de propre et non celui d individuel, mais convenons que ces deux expressions sont synonymes. La Cour d Appel de Paris a eu à statuer à propos de modèles communautaires d abris en toile tendue montée sur des armatures montées sur des armatures métalliques, la toiture prenant la forme de «chapeau chinois». S agissant du critère de la nouveauté, la Cour a reconnu ce caractère nouveau, aucun modèle identique ou présentant des différences insignifiantes n ayant été divulgué avant la date du dépôt. S agissant de l exigence de caractère individuel la Cour rappelle les exigences de la loi, à savoir que l impression visuelle d ensemble dégagée par les modèles doit, sur l utilisateur averti ( l observateur averti pour mes modèles nationaux), différer de celle produite par tout modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. Et la Cour de préciser : L utilisateur averti est celui qui connaît les modèles existant dans son secteur d activité et qui, du fait de l expérience et de l intérêt qu il leur porte, fera preuve d un degré d attention et de vigilance élevé lorsqu il les utilise ou les mets en œuvre ; il devra dans le cadre de l appréciations concrète de l impression globale des modèles tenir compte du degré de liberté du créateur dans l élaboration du modèle contesté. Et plus la liberté du créateur dans l élaboration du modèle contesté est restreinte, plus les différences mineures entre les modèles en cause pourront suffire à produire une impression globale différente sur l utilisateur averti. En l espèce, pour la Cour, l utilisateur averti sera l acheteur ou le vendeur d auvents qui s intéressent aux abris portant sur des structures légères en toile tendues montées sur des armatures métalliques. Il sait que ce type de structure allie des caractéristiques techniques habituelles pour ce genre de construction lesquelles peuvent être imposées par des normes techniques obligatoires ainsi que des éléments résultant uniquement de la liberté de création Ainsi, pour la Cour, compte tenu de la nature du produit, des différentes antériorités de formes d abris représentant des toitures en forme de chapeau chinois et produites au cours du débat, l utilisateur averti ne s attardera que très secondairement sur les différences de piètement du modèle, et prendra davantage en considération l apparence globale des toitures des modèles et considérera qu elles dégagent une impression visuelle d ensemble identique. Les modèles d abris sont ainsi jugés dépourvus de caractères individuels et donc annulés par la Cour d Appel. Lettre d information juridique N 56 4 Avril 2013

Cette décision a le mérite de rappeler les règles de protection des dessins et modèles, différentes de celles du droit d auteur. Elle rappelle l intervention d un nouveau personnage, l utilisateur ou l observateur averti qui n est pas le consommateur qui intervient en matière de marque, ni l expert qui intervient en matière de brevet, mais qui se situe entre les deux. Cour d Appel de Paris 11 janvier 2013 n 12-01304 MARQUE : L USAGE DEMULTIPLIE D UNE MARQUE CONSTITUE-T-IL UNE ATTEINTE A CETTE MARQUE? La société Robert BOSCH connue pour son activité dans le domaine des appareils ménagers, et pièces détachées pour l automobile est titulaire de plusieurs marques verbales et figuratives composées du mot Bosch. Elle se plaint qu un revendeur spécialisé dans la vente en ligne de pièces automobiles, la société Oscaro Com, procède à la diffusion plusieurs fois par jour, sur différentes radios nationales et locales d un spot reprenant selon trois variantes l accroche publicitaire «En ce moment sur oscaro.com tout bosch est en promo» et faisait figurer les marque Bosch sur son site à de nombreuses reprises et de manière abusives, selon elle, comme marque d appel. Elle a donc introduit une instance judiciaire devant le Tribunal de Grande instance de Paris. Pour la société BOSCH la reproduction démultipliée des marques BOSCH par ce revendeur, alors qu elle ne serait qu un équipementier parmi les 79 autres concurrents référencés sur le site, aurait dépassé l usage nécessaire par le revendeur pour désigner et assurer la promotion de ses produits. Et d ajouter que la référence orale systématique dans le cadre de publicités radiophoniques à la marque verbale BOSCH laisse croire au consommateur de l existence d un lien particulier entre les sociétés. De son côté, le revendeur oppose à la société BOSCH la règle de l épuisement des droits et que cette dernière ne disposerait d aucun motif légitime à faire échec à cette règle. Le Tribunal rappelle qu aux termes de l article L 713-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d interdire l usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans le Communauté économique européenne sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement, mais que toutefois, faculté reste ouverte au titulaire de s opposer à tout nouvel acte de commercialisation s il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l altération, ultérieurement intervenue, de l état des produits. Dans la mesure où le revendeur propose des produits authentiques sous la marque BOSCH qu elle a acquis licitement, la question est donc de savoir, si l usage massif de la marque BOSCH peut constituer ou non ce motif légitime, puisque le texte emploie l adverbe «notamment, autorisant ainsi le titulaire à faire précisément cesser cet usage. Pour le Tribunal si l usage répété de la marque BOSCH sur les pages du site internet est avéré, la société BOSCH ne démontre pas qu il puisse entraîner un risque de confusion entre elle et le Lettre d information juridique N 56 5 Avril 2013

revendeur, pas plus d ailleurs qu elle n établit que ce même usage puisse laisser croire au consommateur à l existence d un partenariat entre les deux sociétés. L usage répété peut-il être alors jugé comme un usage illicite des marques par la pratique dite de marque d appel? Là encore, le Tribunal rejette l argument de la société BOSCH car elle ne démontre pas que le revendeur n a pas été en mesure de satisfaire les demandes de la clientèle, ni même que certains produits BOSCH proposés à la vente ne seraient pas disponibles, pas plus que n est établi un usage de la marque BOSCH pour désigner des produits concurrents. Sous réserve bien entendu d une décision contraire en appel, le revendeur se voit donc libre de poursuivre ses annonces considérées abusives pour l un, mais simplement répétées pour l autre, des produits marqués BOSCH. Rappelons que les produits sont authentiques, licitement acquis et que s applique dès lors la règle précitée de l épuisement des droits. Seul l abus constitué par la pratique dite de la marque d appel qui consiste à mettre en avant une marque connue, mais sans en avoir les produits, pour attirer le consommateur vers des produits d autres marques est jugé illicite. Voir notamment Lettre Décembre 2008 et Mars 2009 Tribunal de Grande Instance 7 décembre 2012 n 11-03457 MARQUE : LA MARQUE «LA POSTE MOBILE» N EST PAS LA CONTREFAÇON DE LA MARQUE «POST MOBILE». Le titulaire de la marque «Post Mobile» a poursuivi en contrefaçon la société La Poste qui a déposé la marque «La poste Mobile». Cette affaire avait été portée devant le juge pénal et c est donc la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui eut à statuer. Le titulaire de la marque première invoquait la ressemblance phonétique entre les deux marques désignant des services similaires, entraînant ainsi un risque de confusion. Cependant, la Cour d appel rejeta cette action estimant que la ressemblance phonétique entre les marques n était pas suffisante à créer le risque de confusion. La Cour d Appel a en effet retenu que la marque déposée par La Poste est précédé de l article d attaque «La» qui marque une différence phonétique notable avec «Post Mobile». Par ailleurs, visuellement la marque «La Poste Mobile» est utilisée avec son logo accolé, constitué d un oiseau bleu au milieu d un médaillon jaune lequel constitue un élément essentiel de la marque. Lettre d information juridique N 56 6 Avril 2013

Dès lors pour la Cour d appel le visuel d ensemble de la marque «La poste mobile» ne présente pas de similitudes ou ressemblances avec le visuel déposé par le titulaire de la marque première «Post mobile» qui ne comprend pas «de logo et qui présente une typographie différente. Enfin, la notoriété exceptionnelle et la très grande antériorité «des termes «La Poste» est telle que leur utilisation dans la marque «La Poste Mobile» accompagnée du logo de l oiseau bleu ne saurait engendrer une confusion dans l esprit du public avec la marque «Post mobile». La Cour de cassation rejette le pourvoi et donc approuve la décision de la Cour d Appel. Pour la Cour régulatrice, les motifs énoncés par la Cour d appel sont suffisants pour exclure le risque de confusion, et peu importait que les produits ou services désignés par ces marques portaient sur des produits ou services similaires. Ainsi, une ressemblance phonétique manifeste pour des produits ou services similaires n engendre pas nécessairement un risque de confusion dès lors que l on est en présence d autres éléments tels que les éléments figuratifs, ou logos, suffisamment connus par le consommateur d attention moyenne. Cour de cassation 4 décembre 2012 n 1187304 DROIT DES AFFAIRES BANQUE : DEVOIR DE MISE EN GARDE, EXEMPLE D UN GERANT NON AVERTI. Rappelons que lors d un prêt, la banque doit mettre en garde l emprunteur ou la caution profane sur les risques d endettement né de l octroi du prêt. On entend par profane, l emprunteur ou la caution non avertie. La question posée concerne donc la qualification d avertie de l emprunteur ou de la caution. Autrement dit, qu entend-t-on par être averti? En l espèce, un gérant se porte caution pour garantir un prêt au profit de sa société. Or, même gérant, il apparaît être un exemple de caution non avertie. En effet, au moment de la signature de l acte de caution il était âgé de 23 ans et avait démissionné trois jours plus tard. Il n était ainsi resté gérant que 9 mois. La banque ayant manqué à son devoir de mise en garde, au regard de cette caution non avertie, est donc condamnée à des dommages et intérêts, souvent équivalant au montant garantie par la caution. Lettre d information juridique N 56 7 Avril 2013

Il est vrai que généralement, le dirigeant de l entreprise est considéré comme une personne avertie, car expérimenté dans la vie des affaires. Mais ce n est pas toujours le cas. Il faut donc vérifier la qualité d avertie ou non au cas par cas. Cour de cassation 5 février 2012 n 11-26262 CAUTION : MENTION MANUSCRITE IL NE S AGIT QUE D UNE NULLITE RELATIVE, LA NULLITE PEUT ETRE COUVERTE. La question portant sur la nature relative ou absolue de la nullité en cas de non-respect du formalisme vient d être tranchée par la Cour de cassation. On rappellera que le non-respect du formalisme imposé par l article L 341-2 du Code de la consommation entraîne la nullité du cautionnement. Cependant cette nullité n est que relative. On rappellera donc qu aux termes de l article L 341-2 du Code de la consommation, toute personne physique qui s engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : «En me portant caution de X. dans la limite de la somme de. couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de., je m engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X. n y satisfait pas lui-même». En l espèce, alors que l acte de caution ne contenait pas les mentions manuscrites obligatoires et était donc potentiellement entaché de nullité, la caution avait tout de même réglé les sommes dues, sans mise en demeure préalable et en dépit des conseils contraires de son avocat et de son comptable et donc en toute connaissance de cause. Sa demande de remboursement a été rejetée par la Cour d appel infirmant d ailleurs le jugement de première instance. La Cour de cassation approuve l arrêt de la Cour d appel qui a pu déduire que la caution avait entendu réparer le vice affectant son engagement, de sorte que cette confirmation au sens de l article 1138 du Code civil, l empêchait d en invoquer la nullité. Cet arrêt rappelle ainsi, que les dispositions de l article L 341-2 du code de la consommation ont pour finalité la seule protection des intérêts de la caution, et donc que celle-ci peut y renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, en connaissance du vice l affectant. C est évidemment l exécution en toute connaissance de ce vice qui neutralise l irrégularité, et non pas une l exécution de l acte en tant que tel. Cour de cassation 5 Février 2013 n 12-11720 Lettre d information juridique N 56 8 Avril 2013

RUPTURE BRUTALE DES RELATIONS COMMERCIALES RESULTANT D UNE BAISSE SIGNIFICATIVE DES COMMANDES. L article L 442-6.1.5 du Code de commerce sanctionne la rupture brutale, et donc sans préavis suffisant, des relations commerciales. Cette rupture peut être totale ou simplement partielle, et il en sera ainsi d une baisse significative des commandes. Mais cette rupture partielle sans préavis ne sera évidemment condamnable que si elle est imputable à celui qui rompt. En l espèce, une société CMI est en relation commerciale avec la société CATERPILLAR depuis plus de vingt ans. En 2007 et 2008, les commandes passées par la société CATERPILLAR accusent une chute brutale. La société CMI s estime ainsi victime d une rupture brutale partielle de ses relations. Elle est déboutée par la Cour d appel qui constate que la baisse des commandes s expliquait par la diminution des propres commandes de la société CATERPILLAR, qui justifiait d une diminution de son activité de 70%, consécutive à la crise économique et financière de 2008 qui a eu de fortes répercussions sur les secteurs de la construction et des travaux publics entraînant l effondrement des commandes d engins de construction. Ainsi, si la baisse des commandes auprès de son partenaire est la conséquence de la chute de ses propres commandes, la rupture partielle elle n est donc pas délibérée et n est donc pas imputable à l auteur de cette rupture. La Cour de cassation approuve, et c est heureux. On ne peut être contraint de poursuivre une relation de manière linéaire ou identique, si l on est soi-même victime d une baisse de ses propres commandes.c est une question de bon sens. Cour de cassation12 février 2013 n 12-11709 Lettre d information juridique n 56 Avril 2013 Cabinet Claude BARANES 27 Avenue de la Grande Armée 75116 Paris Port 06 49 73 46 51 Fixe 01 83 97 26 29 Fax 01 53 64 09 72 claudebaranes@avocat-baranes.fr www.avocat-baranes.fr Lettre d information juridique N 56 9 Avril 2013