Evolutions et adaptation nécessaire du secteur agricole en Algérie



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Les notes d analyse du CIHEAM N 5 2 s e p t e m b r e 2 0 0 9 Evolutions et adaptation nécessaire du secteur agricole en Algérie M o h a m e d N a ï l i J o u r n a l i s t e, E l W a t a n

Evolutions et adaptation nécessaire du secteur agricole en Algérie M o h a m e d N a ï l i J o u r n a l i s t e, E l W a t a n 1. Une ambition croissante pour l agriculture En Algérie, l avènement des années 2000 a coïncidé avec une amélioration significative du climat sécuritaire, chose qui a laissé place au regain d intérêt pour la relance des secteurs stratégiques qui comptent parmi les facteurs-clé de redressement de l économie nationale. Dès lors, l avenir du secteur agricole est propulsé en tête des priorités de la politique du développement prônée par l Etat. Dans cette perspective, la préoccupation primordiale a été la mise en place de mécanismes devant permettre d aller vers l autosuffisance alimentaire et la réduction de la facture des importations. Il faut ici souligner que l agriculture contribue en moyenne entre 7 et 9% du Produit intérieur brut (PIB) algérien ces dernières années, et occupe environ 15% de la population active du pays actuellement. Ainsi, l Etat lancera le PNDA (plan national de développement agricole) comme premier maillon d une série d actions constituant la politique agricole algérienne de la décennie 2000. Financé par le FNDA (fonds national de développement agricole), d une valeur estimée à 220 milliards de dinars (plus de deux milliards d euros), tirés des recettes algériennes des exportations en hydrocarbures, le PNDA est conçu pour la mission principale de donner un souffle nouveau à l investissement agricole avec des financements accordés aux exploitants sous diverses formes, crédits à échéance ou subventions directes non remboursables. Des exploitations agricoles, jadis en difficulté, parviennent à être relancées, des jeunes sans emploi se lancent dans l agriculture avec des projets d investissement dans différentes filières. Six années après la mise en œuvre du programme, le ministère algérien de l agriculture annoncera en 2006 le chiffre de 350 000 exploitations agricoles qui ont bénéficié de fonds dans le cadre du PNDA et un million de postes de travail créés. Suivront par la suite d autres programmes incarnant ce qui est appelé aujourd hui la politique du renouveau rural, à l instar des PPDRI (programmes de proximité de développement rural intégré). En somme, depuis 2005, le renouveau rural revient tel un leitmotiv dans tous les débats sur la problématique du développement économique en Algérie. Le 17 septembre 2006, le chef de l Etat, Abdelaziz Bouteflika, évoquera dans le détail la politique du renouveau rural et l on en relèvera essentiellement, «le développement rural et la revitalisation des espaces ruraux sont apparus comme des thèmes prioritaires. La politique de Renouveau Rural en a fait des objectifs prioritaires et propose les démarches appropriées visant la prise en charge de la problématique du développement rural qui peut être globalement résumée aux deux aspects essentiels suivants : - Le déséquilibre entre les ressources naturelles limitées et fragiles et une pression sociale forte qui ne fait que s accentuer. - Le développement rural à promouvoir doit répondre à la diversité des territoires ruraux et à leurs potentialités, opportunités et contraintes spécifiques. Ainsi, la politique du renouveau rural met l accent sur la sécurité alimentaire des ménages ruraux, le rétablissement des équilibres écologiques et l amélioration des conditions de vie des populations rurales, considérés comme des axes prioritaires en matière de développement rural» 1. 1 Interview du président Abdelaziz Bouteflika à Algérie Presse Service depuis La Havane (Cuba) le 17 septembre 2006.

Cette stratégie portant le renouveau rural passera donc au stade de concrétisation à travers la sélection de communes rurales éligibles à la localisation des PPDRI. Cette démarche ira crescendo puisque pour la période 2009-2014 l Etat a déjà mobilisé 10 milliards de dinars (près de 95 millions d euros) pour le lancement de 12 000 projets PPDRI au bénéfice des 12 millions d habitants, dont 70% ont moins de 30 ans, qui forment la population rurale de l Algérie, soit plus de 35% de la population globale. C est ainsi que se décline donc la politique du développement agricole et rural que l Etat a mis en œuvre depuis près de 10 ans, avec objectifs-clés, l intensification de la production agricole locale pour renforcer la sécurité alimentaire et le développement des territoires ruraux pour réduire de l ampleur de l exode rural. Les défis à relever à cet égard sont immenses pour un pays qui compte dans le peloton de tête des pays importateurs de produits alimentaires de base comme les céréales et le lait. Les besoins sont donc identifiés et les objectifs tracés, reste à savoir si la démarche suivie en la matière permettrait de répondre aux attentes. En tout cas, il n est pas moins utile de préciser que durant toute cette période, l Etat n a pas lésiné sur les moyens tenant compte des financements mobilisés pour la mise en œuvre de cette politique agricole qui, faut-il le dire, a coïncidé avec une aisance financière jamais égalée, du fait de l affermissement historique et exceptionnel des cours du pétrole sur le marché international, pour un pays dont les exportations en hydrocarbures représentent 98% de ses ressources. Parallèlement au FNDA et les budgets dégagés pour le renouveau rural, des fonds spéciaux ont été mis en place dont l objectif prend la même trajectoire, à l instar du Fonds spécial pour le développement du sud, le Fonds spécial pour le développement des hauts plateaux ou de la steppe. 2. La crise alimentaire mondiale : une mise à l épreuve pour l Algérie Tout comme l a été le début de la décennie 2000, dont on retiendra le déploiement d une nouvelle politique agricole, la période 2007-2008 a été significative pour l agriculture algérienne. Aussitôt les effets dévastateurs de la crise économique mondiale ont commencé à se répercuter sur les pays en voie de développement, l euphorie suscitée par les investissements initiés dans le secteur durant ces sept années de la nouvelle stratégie agricole ne tardera pas à se dissiper pour laisser place à une évidence peu réjouissante. Cette conjoncture qui a été marquée par une flambée spectaculaire des cours des produits agricoles sur le marché international a montré à quel point l agriculture algérienne demeure vulnérable. La facture alimentaire durant l année 2008, elle seule, justifie le constat d échec dressé par les moins optimistes et interpelle sur la sécurité alimentaire du pays qui demeure lamentablement fragile. En 2008 donc, la facture des importations en produits alimentaires a augmenté de plus de la moitié en passant de 4,95 milliards de dollars en 2007 à 7,71 milliards en 2008, soit une hausse de 55,75%. Les deux produits de base, les céréales et les produits laitiers, ont ébranlé la facture alimentaire en atteignant respectivement 3,96 milliards de dollars (1,97 milliards de dollars en 2007) et 1,2 milliard de dollars (moins d un milliard en 2007). Les autres produits alimentaires dont l Algérie est étroitement liée au marché international ont également enregistré des hausses exceptionnelles en valeur comme le sucre qui atteint 438,6 millions de dollars, le café et le thé ayant totalisé 328,2 millions de dollars, les légumes secs 263,9 millions de dollars et les viandes congelées 173,6 millions de dollars. Même si que le ton rassurant du discours officiel est resté inébranlable, mais cette situation a quand bien même tiré les pouvoirs publics de leur attitude illusionniste. L on se rend compte alors que le secteur agricole a encore du chemin à faire pour être en mesure de relever des défis aussi colossaux comme la sécurité alimentaire, la réduction de la forte dépendance des importations et la consolidation de la contribution du secteur agricole au PIB (produit intérieur brut) qui ne dépasse pas la moyenne des 8% actuellement. En tout cas, jusqu à la veille de la crise alimentaire mondiale de 2007-2008, tous les efforts consentis dans l agriculture (plus de 2,2 milliards d euros) n ont permis d atteindre les objectifs escomptés en la matière que partiellement.

Pour remédier à ce statu quo, une batterie de nouvelles mesures est mise en place depuis 2007 et, cette fois-ci, la stratégie pour laquelle il a été opté sort de son cadre globalisant pour cibler des filières avec des actions qui consistent à appuyer et protéger la production locale contre les retombées d une conjoncture mondiale délicate. La production laitière, les céréales, la pomme de terre ou l élevage ovin ayant été les plus affectés par la crise constituent désormais une préoccupation majeure pour les pouvoirs publics. Des mesures ont été prises en conséquence dans l urgence dans le but d endiguer les effets d une crise alimentaire qui se mondialise davantage et un budget de 30 milliards de dinars algériens (plus de 280 millions d euros) a été annoncé comme fonds mobilisés pour la couverture de ce plan de sauvetage. 3. Deux filières stratégiques sous surveillance : le lait et les céréales Pour le lait, produit subventionné par l Etat, la priorité consiste à mettre en place de nouveaux mécanismes permettant de maintenir le prix à la consommation à son niveau de 25 dinars/litre (0,24 euro). La demande nationale en lait est estimée à 3,5 milliards de litres par an (plus de 100/litres/habitant/an). 60% des besoins sont couverts par les importations ce qui a fait que les pouvoirs publics ont mis en place un nouveau plan d urgence avec de nouvelles subventions aux transformateurs (les laiteries) dont plusieurs ont frôlé l étouffement lorsque les prix de la poudre importée ont atteint des pics inhabituels. La production locale brute est estimée à près de 2 milliards de litres/an, mais 1/5 seulement de cette production (400 millions de litres environ) est collecté et intégré dans le processus de transformation, le reste étant soit écoulé dans les circuits informels ou utilisé par les producteurs (les familles des éleveurs) pour des besoins personnels. L on se rend compte donc que le défi primordial qui se pose à l Algérie sur ce plan n est pas dans le développement extensif de la production mais, plutôt, dans la modernisation de la filière en amont et en aval pour mobiliser tout d abord les 2 milliards de litres produits localement. Le rendement du bovin laitier, lui aussi, est problématique. Actuellement le cheptel bovin laitier est évalué à 900 000 vaches, ce qui fait ressortir un rendement par vache ne dépassant pas les 6 litres/jour, une moyenne, évidemment, en deçà de la norme. Concernant le cas des céréales, il faut rappeler d abord que l Algérie occupe depuis quelques années la place du troisième importateur de céréales sur l échiquier du commerce mondial. Les approvisionnements annuels de l Algérie représentent une moyenne de 6% des importations globales de céréales dans le monde. Lequel schéma qui n a nullement besoin de décrire l impact de la flambée des cours des céréales en 2007-2008. La facture des importations de l Algérie est passée carrément du simple au double en 2008 et cette situation a fini par faire réagir le gouvernement qui lancera une série de mesures à commencer par l augmentation des prix proposés aux céréaliculteurs pour revendre leurs récoltes aux CCLS (coopératives des céréales et légumes secs, publiques) qui jouent le rôle de régulateur du marché. Le prix du blé dur, à titre d exemple, passera de 1900 dinars/quintal (18 euros) à 4 500 dinars (42,5 euros). D autres mesures sont venues en suite pour redynamiser la filière comme le crédit de campagne proposé aux producteurs pour les inciter à intensifier la production locale. Le prêt est remboursable sans intérêts au bout de la saison agricole. Pour la saison 2008/2009, la récolte a été estimée à 6 millions de tonnes et jugée historiquement exceptionnelle mais cela n empêchera pas les importations céréalières d atteindre les 5 millions tonnes à la fin de l année en cours selon les prévisions du CIC (conseil international des céréales). D autres actions similaires ont touché les autres produits de première nécessité comme la pomme de terre dont les besoins avoisinent deux millions de tonnes/an- avec la mise en place du système de régulation des produits agricoles de large consommation (Syrpalac) afin de sauver les producteurs du crash de 2008 lorsque les prix se sont effondrés en réaction à une récolte abondante. A travers le Syrpalac, l Etat prend en charge les frais de stockage de la pomme de terre dans les chambres froides et le déstockage se fera graduellement en fonction des besoins du marché à un prix fixe de 25 DA/kg (0,25 euro). En parallèle, le chef de l Etat annoncera en février 2009 l effacement de 41 milliards dinars (près de 400 millions d euros) de dettes contractées par 150 000 agriculteurs dans le cadre du PNDA. Mais cette dernière décision a suscité plus de polémique que d effets positifs sur la dynamique du secteur agricole. Alors qu à ce jour, la décision n a pas connu un début de concrétisation, les spécialistes en la matière on été nombreux à qualifier cette décision de contre-productive pour le secteur. 4. Quelles perspectives semblent se dessiner?

Telles sont donc les étapes marquantes de l évolution du secteur de l agriculture en Algérie durant cette dernière décennie. Plusieurs initiatives ont eu lieu et d énormes fonds ont été consentis comme il vient d être souligné, mais lorsqu il s agit d évaluer les résultats de la politique menée durant cette période, les appréciations divergent ouvertement. Tandis que l état actuel du secteur reflète aisément une vulnérabilité criarde dont la persistance ne fera que contrarier les objectifs tracés en perspective lorsque, notamment, la zone du libre échange algéro-européenne sera effective, et ce, dans moins de 10 ans (en 2017 précisément) et le processus d adhésion de l Algérie à l OMC aura sans doute abouti. Cette vulnérabilité s exprime à travers ces différentes filières qui ont du mal à connaître leur essor : L industrie laitière est toujours alimentée par la matière première importée, les productions céréalières et maraîchères demeurent intimement influencées par les aléas climatiques, le marché des viandes et productions animales connaît des fluctuations insaisissables tandis que les produits du terroir susceptibles d imposer le label Algérie sur le marché international, comme les dattes Deglet Nour de Biskra, l agneau des régions steppiques, l huile d olive et les figues de Kabylie, n arrivent pas à dépasser leur caractère purement traditionnel. Ce constat invite à conclure, en premier lieu, que la relance réelle du secteur ne viendra pas avec les seules interventions de l Etat pendant les moments de crise. Les actions qui viennent d être citées ne peuvent être que des éléments d une politique agricole qui attend toujours sa mise en œuvre. Les scientifiques qui se sont penchés sur la problématique du secteur agricole estiment aussi que plusieurs aspects du secteur ne sont pas explorés à ce jour d où l impossibilité de mettre en place une politique agricole fiable. Le chercheur au CREAD (centre de recherche en économie appliquée pour le développement), Slimane Bedrani, dans ce sillage déclare: «Le ministère de l Agriculture dit que l augmentation de la production est réelle. C est vrai. Le problème est de savoir si elle est aussi importante qu il le dit. Ce ministère n a jamais mis en place un système fiable de collecte de statistiques agricoles. Il ne procède pas comme cela se fait dans les pays développés et d autres pays voisins à des enquêtes régulières par échantillonnage et scientifiquement fiables (dont personne ne pourrait raisonnablement contester les méthodes) pour estimer les productions agricoles et les autres grandeurs de notre agriculture telles que les superficies, les rendements, les équipements, les différents types de cheptel, l emploi, les salaires agricoles» 2. Loin d être exhaustives, quelques recommandations sont élémentaires pour que le secteur puisse amorcer son processus de relance. Il s agit entre autres d impliquer davantage les compétences scientifiques et en faire l encadrement de base du secteur, adapter les textes législatifs et les stratégies tracées à la réalité du terrain, instaurer la rigueur et le suivi permanent dans la gestion des fonds engagés sous forme de crédits ou subventions tout en prônant la logique de l obligation de résultat, mettre en place un système de régulation en amont et en aval qui fonctionnera en complémentarité avec les autres secteurs d activité particulièrement celui du commerce. En définitive le très sensible dossier du foncier requiert une gestion prudente. Une SAU (surface agricole utile) de 8 millions d hectares semble insignifiante pour un pays de près de 240 millions hectares de surface globale. Cela fait moins de 0,2 ha par habitant, et, de surcroît, avec les effets du changement climatique et de l urbanisation, cette SAU se rétrécit continuellement. 2 Slimane Bedrani, directeur de recherche au Cread (Centre algérien de recherche en économie appliquée pour le développement) in El Watan N 5335 du 25 mai 2008.

Le CIHEAM a été créé, à l initiative conjointe de l OCDE et du Conseil de l Europe, le 21 mai 1962. C est une organisation intergouvernementale qui réunit aujourd hui treize Etats membres du bassin méditerranéen (Albanie, Algérie, Egypte, Espagne, France, Grèce, Italie, Liban, Malte, Maroc, Portugal, Tunisie et Turquie). Le CIHEAM se structure autour d un secrétariat général situé à Paris et de quatre Instituts agronomiques méditerranéens (Bari, Chania, Montpellier et Saragosse). Avec au cœur de son activité trois missions fondamentales (formation, recherche, coopération), le CIHEAM s est progressivement imposé comme une référence dans ses domaines d activité : l agriculture, l alimentation et le développement durable des territoires ruraux en Méditerranée. A propos de l Observatoire du CIHEAM L Observatoire méditerranéen du CIHEAM est un instrument d analyse et de débat sur l agriculture, le monde rural et l alimentation en Méditerranée. Les propos tenus dans les notes d alerte et les notes d analyse qui y sont publiées engagent la responsabilité de leurs auteurs, et en aucun cas celle du CIHEAM. www.ciheam.org