TRIBUNAL DU TRAVAIL DE BRUXELLES DEUXIEME CHAMBRE DE 26 OCTOBRE 2010



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Transcription:

TRIBUNAL DU TRAVAIL DE BRUXELLES DEUXIEME CHAMBRE DE 26 OCTOBRE 2010 Licenciement. Motif Grave. Dépôt d'une plainte pour harcèlement. Plainte non fondée, voire abusive. Licenciement. Travailleur protégé. Indemnités de protection dues en exécution de la réglementation antidiscriminatoire et contre le harcèlement. Possibilité de cumul. Siég. : Mme Foret (juge), MM. Heylbroeck et Hissel (juges soc.). Min. publ.: Mme Stangherlin (subst.). Plaid. : MM ( ) Le fait qu'un travailleur dépose plainte du chef de harcèlement moral et sexuel ou du chef de discrimination et qu'au terme d'un rapport de la conseillère en prévention, la ou les plaintes s'avèrent infondées ne constitue pas une faute grave. Les indemnités de protection dues en application de la réglementation contre le harcèlement et antidiscrimination peuvent être cumulées. I. Objet de l'action et procédure. La demande de M. a pour objet la condamnation de son ancien employeur la s.a. de droit public ( ), ci-après appelé ( ) s.a., au paiement des sommes suivantes : - indemnité compensatoire de préavis 15.201,78 EUR à majorer des intérêts au taux légal à dater du 31 mars 2006 jusqu'à la date du parfait paiement; - une indemnité de protection harcèlement fondée sur l article 32tredecies de la loi du 4 août 1996: 15.201,78 EUR à majorer des intérêts au taux légal depuis le 31 mars 2006 jusqu'à la date du parfait paiement; - une indemnité de discrimination fondée sur l'article 21 de la loi du 25 février 2003 : 15.201,78 EUR à majorer des intérêts au taux légal depuis le 31 mars 2006 jusqu'à la date du parfait paiement. La cause a ensuite été prise en délibéré II Les faits. M. a commencé à travailler pour B.s.a. en date du 6 octobre 2003 dans le cadre d'un contrat de travail d'employé à durée déterminée signé entre parties le 3 octobre 2003.

Un deuxième contrat de travail à durée déterminée a été signé entre parties le 31 décembre 2003 et couvrait la période du 6 janvier 2004 au 5 juillet 2004. Enfin, les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 juin 2004. Il résulte des conclusions, des dossiers et de l'instruction d'audience que M. est homosexuel, il n'a jamais caché son orientation sexuelle et a assumé celle-ci apparemment sans difficulté au sein du milieu du travail. D'après le rapport de la conseillère en prévention, il travaillait dans une téléboutique où dix- neuf personnes étaient actives. Courant 2005 M. a fait l'objet d'une évaluation dont le résultat s'est avéré défavorable. Début janvier 2006, M. va prendre contact avec le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme afin de se plaindre des plaisanteries dont il faisait l'objet en raison de son homosexualité. Des contacts auront lieu entre le Centre pour l'égalité des chances et B. s.a. Le 5 janvier 2006, M. optera pour l'ouverture d'une procédure formelle en harcèlement et discrimination. Le 12 janvier 2006, M. signera une plainte motivée, ce qui constituera le début de la procédure formelle. B. s.a. à partir de cette date sera mis au courant de l'existence de la plainte. À la demande de M., celui-ci sera changé de lieu de travail à partir du 16 janvier 2006. Il sera en effet affecté à la téléboutique T2 de Saint-Gilles. Le 29 mars 2006, la conseillère en prévention clôturera son rapport d'enquête et le communiquera à B. s.a. Le 31 mars 2006, B. s.a. notifie la rupture du contrat de travail du chef de motif grave selon le courrier suivant Par courrier recommandé du 4 avril 2006, B. s.a. précisera les faits constitutifs du motif grave. Cette lettre est ainsi rédigée : en date du 6 octobre 2003, vous avez conclu un contrat de travail avec B..» En date du 12 janvier 2006, vous avez introduit une plainte pour harcèlement moral et sexuel au travail.» En conséquence, vous avez suscité ainsi un climat d'insécurité, d'incompréhension, de colère, d'angoisse et avez déstabilisé une équipe de vente soudée où il régnait une bonne ambiance de travail, ce qui constitue un acte de violence psycho-sociale sur le lieu du travail envers les collègues qui ont tout fait pour vous aider et vous soutenir tant sur le plan privé que professionnel. 2

» Vous n'avez, en outre, pas caché que vous étiez professionnellement démotivé et avez déclaré à certains collègues et votre supérieur que votre emploi ne correspondait plus à vos attentes et que vous recherchiez un autre emploi, sans succès. Des faits, il apparaît que votre plainte est infondée car s'appuie sur une situation basée sur différents faits que vous avez créés vous même pour pouvoir les employer et introduire une plainte. Et par ce biais vous avez cherché à vous protéger contre une peur de licenciement qui était causée par les problèmes de fonctionnements auxquels vous étiez confrontés ( )». M. lancera dès lors citation en date du 8 mars 2007. III. Discussion. 1. La rupture du chef de motif grave. 1.3. Avis de l'auditorat. L'auditorat partage le sentiment de la conseillère en prévention selon lequel la plainte en harcèlement moral et sexuel et la plainte en discrimination auraient été déposées abusivement. Toutefois l'auditorat estime que même si la plainte s'avère non fondée et aurait été déposée de manière abusive elle n'est en rien constitutive de motif grave. 1.4.2. -- En l'espèce. Sous peine de vicier les législations protectrices des droits des travailleurs de tout leur sens, on ne peut évidemment pas sanctionner un travailleur d'y avoir recours. Le fait qu'un travailleur dépose plainte du chef de harcèlement moral et sexuel ou du chef de discrimination et qu'au terme d'un rapport de la conseillère en prévention, la ou les plaintes s'avèrent infondées ne constitue pas un comportement fautif dans le chef du travailleur. En l'espèce, le tribunal n'a pas à se prononcer sur le bien-fondé ou non des plaintes déposées par M, le tribunal doit uniquement examiner la question de savoir si le fait d'avoir déposé plainte du chef de harcèlement moral, sexuel ou de discrimination constitue un acte pouvant être qualifié de faute grave au sens de l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978. Le seul document qui est soumis au tribunal pour examiner l'aspect fautif ou non du dépôt de plainte pour harcèlement ou discrimination est le rapport de la conseillère en prévention. Il échet tout d'abord de souligner que le rapport de la conseillère en prévention n'est revêtu d'aucun caractère probatoire spécifique. 3

Même en se basant sur ce rapport le tribunal constate que les allégations de M. n'étaient pas totalement dénuées de vraisemblance. En effet ce rapport qui n'est nullement favorable à M. retient quand même comme établi que : Il ressort dès lors des constatations effectuées par la conseillère en prévention, que M. a bien fait l'objet de la part de ses collègues de plaisanteries ou de remarques en relation immédiate avec son appartenance sexuelle. Le fait que M. se serait trompé quant à l'importance du caractère harcelant ou discriminatoire des plaisanteries dont il était l'objet, ne permet pas de considérer comme fautif, l'introduction des plaintes litigieuses. L'opinion de la conseillère en prévention qui estime que M. a fait un usage abusif du dépôt de plainte en harcèlement et en discrimination ne lie pas le tribunal. Le tribunal estime que même si la plainte en harcèlement et en discrimination s'avère non fondée et même clans l'hypothèse -- non démontrée où M. aurait fait un usage abusif de l'emploi de ses procédures, l'introduction des plaintes ne constitue pas un fait constitutif de motif grave. Pour le surplus, le tribunal constate également que le courrier de B. s.a. du 4 avril 2006 définissant les faits retenus comme motif grave est imprécis. La rupture du contrat de travail est dès lors irrégulière dans le chef de B. s.a. 3. Les législations de protection contre le harcèlement et la discrimination - Examen des indemnités dues. 3.2. Violation des deux législations. 3.2.1. Thèse de M M. estime que B. s.a. a violé l'article 32 tredecies de la loi du 4 août 1996 et que B. s.a. ne démontre pas que le licenciement aurait été opéré pour un motif étranger à la plainte en harcèlement. Il réclame dès lors l'indemnité de six mois prévue à la norme légale précitée. M. estime que sa plainte était également fondée sur la violation de l'article 21 de la loi du 25 février 2003, tendant à lutter contre la discrimination et estime également que B. s.a. ne démontre pas que le licenciement aurait été effectué pour un motif étranger au dépôt de la plainte en discrimination, il réclame également l'indemnité légale visée à l'article 12, 4, de la loi précitée soit d'une indemnité de protection de six mois. 3.2.2. Thèse de B. s.a. 4

B. s.a. n'émet aucune critique quant au caractère chiffré des indemnités demandées, mais ne démontre pas que le licenciement aurait eu une cause externe au dépôt de la plainte. B. s.a. estime simplement que les deux indemnités ne peuvent pas être cumulées. 3.2.4. Position du tribunal. La protection du travailleur qui a déposé plainte du chef de harcèlement moral ou sexuel est organisée par l'article 32tredecies de la loi du 4 août 1996 qui dans sa version à l'époque des faits s'établissait comme suit : La protection du travailleur qui a déposé plainte du chef de discrimination est organisée par l'article 21 du la loi du 25 février 2003 qui est ainsi libellée : Dans le cadre des deux législations l'employeur ne peut pas licencier le travailleur durant une période de douze mois après le dépôt de la plainte, sauf à prouver que le licenciement est étranger au dépôt de la plainte. En l'espèce, le licenciement est bien intervenu dans la période de protection de douze mois, puisque le dépôt de plainte date du 12 janvier 2006 et le licenciement du 31 mars 2006. B. s.a. ne prouve pas que le licenciement est intervenu pour des motifs étrangers au dépôt de plainte, au contraire, la lettre de rupture est fondée sur le dépôt de plainte du chef de harcèlement et de discrimination. 3.3. Cumul ou non des deux indemnités. 3.3.1. Thèse de M. M. estime que rien dans la loi n'interdit le cumul des deux indemnités, il estime dès lors qu'à partir du moment où les deux législations ont été violées, il y a lieu de cumuler les deux indemnités. 3.3.2. Thèse de B. B. s.a. estime que dès lors que se sont les mémes faits qui sont à la base de l'unique plainte fondée sur les deux législations distinctes, seule une indemnité de protection est due. 3.3.3. Avis de l'auditorat. L'auditorat estime qu'en principe tous les cumuls des indemnités dues sur la base des législations protectrices sont permis pour autant que les indemnités ne réparent pas deux fois le même dommage. L'auditorat estime qu'en l'espèce, la plainte vise les mêmes faits qui sont tantôt qualifiés de harcèlement, tantôt qualifiés de discrimination. 5

Le dommage serait identique et dès lors une seule indemnité de protection serait due. 3.3.4. Position du tribunal. Ni la loi relative au harcèlement, ni la loi du 25 février 2003 relative à la discrimination (et d'application à l'époque des faits aujourd'hui abrogée et remplacée par la loi du 10 mai 2007) n'interdit remplacée cumul entre l'indemnité de protection qu'elle prévoit et d'autres indemnités de protection. Il n'existait pas dans la loi du 25 février 2003 contre le harcèlement de disposition équivalente à l'article 6 de loi du 10 mai 2007 qui prévoit que ces dispositions ne sont pas applicables en cas de harcèlement au travail. La jurisprudence connaît d'autres hypothèses de cumul d'indemnité de protection. Ainsi le tribunal du travail de Charleroi, a accordé à une ouvrière licenciée pendant une période d'incapacité qui avait déposé une plainte du chef de harcèlement sexuel avant son incapacité, non seulement l'indemnité de rupture, mais de manière cumulative l'indemnité forfaitaire en matière de harcèlement sexuel et l'indemnité forfaitaire visée par l'article 63 de la loi du 3 juillet 1978 (T.T. Charleroi, 24 janvier 2000, Chr. D.S., 2001, 479). Jean Jacqmain, commentant ce jugement précise : lorsque la même situation justifie la mise en oeuvre de plusieurs législations protectrices, le cumul est possible, si aucune disposition ne l'interdit et si l'octroi des diverses indemnités n'a pas la même cause juridique, (notamment Jean Jacqmain, sous T.T. Charleroi, 24 janvier 2000, op. cit., p. 483). En l'espèce, les législations applicables à l'époque ne prévoyaient aucune interdiction de cumul de l'indemnité de protection qu'elle organisait. En l'espèce, les plaisanteries douteuses dont M. a été victime, pouvaient être ressenties comme un harcèlement moral, et dans la mesure où elles se fondaient toutes sur sa qualité d'homosexuel pouvaient être considérées comme discriminatoires, (en effet, s'il n'avait pas été homosexuel, les diverses plaisanteries reprises au rapport de la conseillère en prévention n'auraient pas eu lieu d'être). Les mêmes faits constituaient des violations de deux législations protectrices différentes et l'octroi des indemnités a donc des causes juridiques différentes. Le tribunal a constaté en l'espèce que chacune des deux législations avait été violée. Le tribunal estime dès lors qu'en droit rien ne s'oppose au cumul des indemnités sur base des législations applicables à l'époque. Le décompte mathématique des indemnités tel que présenté par M. n'est pas critiqué par B. s.a. 6

Par ces motifs : Le tribunal, Statuant contradictoirement, Déclare les demandes de M. recevables et partiellement fondées. Dit pour droit que le motif grave invoqué par B. s.a. n'est pas fondé. Condamne B. s.a. au paiement d'une indemnité compensatoire de rupture équivalente à trois mois, Condamne la B. s.a. à l'indemnité de protection en matière de harcèlement sur la base de l'article 32tredecies de la loi du 4 août 1996, soit 15,201,78 EUR brut à majorer des intérêts au taux légal depuis le date du 31 mars 2006 jusqu à la date du parfait paiement. 7