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Transcription:

Jean-Luc BRENNER Administrateur civil Sous-directeur chargé de la gestion comptable et financière des collectivités locales Direction générale des Finances publiques Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l Etat L activité bancaire au cœur des missions de la Direction générale des Finances publiques «La Direction générale des Finances publiques [...], en liaison avec la Direction générale du Trésor, élabore les règles et les procédures relatives à la gestion de la dette publique, à l exécution des opérations de trésorerie de l Etat, ainsi qu à la réalisation d opérations de collecte de l épargne au profit de l Etat et des correspondants du Trésor, et veille à leur mise en œuvre» (8º de l art. 2 du décret nº 2008-310 du 3 avril 2008 créant la Direction générale des Finances publiques). Le présent article vise à rappeler que cette mission a un lien étroit avec celle consistant à élaborer et à veiller à la mise en œuvre des règles et procédures relatives à la vérification de l utilisation des fonds publics (9º du même art.). En effet, le droit en vigueur autorise la DGFiP à effectuer des opérations de banque (art. L. 518-1 du Code monétaire et financier [CMF]). Un chèque peut être tiré sur le Trésor public comme sur n importe quelle banque (art. L. 131-4 du CMF). Lorsqu il gère les moyens de paiement des organismes publics, le Trésor public est également considéré comme un prestataire de services de paiement au sens de la réglementation communautaire transposée en droit interne (art. L. 521-1 du CMF). Surtout, le réseau de la DGFiP gère au quotidien plus de 100 000 comptes bancaires se répartissant en deux catégories : Comptes bancaires Encours des comptes Nombre Répartition (en %) Solde (en Mg) Répartition (en %) Nombre de comptes de dépôts de fonds au Trésor... 35 409 29,6 8 590 21,5 Dont services de l Etat (1)... 4 777 4,0 2 349 5,9 Dont établissements publics nationaux et EPLE... 12 508 10,5 5 278 13,2 Dont organismes publics locaux... 16 860 14,1 378 0,9 Dont autres... 1 264 1,1 585 1,5 Nombre de comptes de dépôts de fonds à la CDC... 84 080 70,4 31 442 78,5 Dont notaires... 31 214 26,1 21 825 54,5 Dont administrateurs et mandataires judiciaires... 20 560 17,2 5 856 14,6 Dont personnes protégées par la loi (tutelles,...)... 16 347 13,7 51 0,1 Dont huissiers de justice... 4 604 3,9 421 1,1 Dont organismes sociaux... 2 217 1,9 322 0,8 Dont consignations... 176 0,1 1 249 3,1 Dont autres... 8 962 7,5 1 718 4,3 Total général... 119 489 100,0 40 032 100,0 Situation fin 2009 - Source : DGFiP. (1) Présidence de la République, présidence du Conseil d Etat, trésorier de l Assemblée nationale, établissements pénitentiaires (un compte pour les dépenses de fonctionnement, un autre pour les fonds des détenus), préfectures et sous-préfectures, greffe des tribunaux, trésorier des corps de troupe, régisseurs des divers ministères... Dans sa planification stratégique, arrêtée en juin 2010 après une large concertation interne, la DGFiP dégage trois orientations à mettre en œuvre d ici 2012 : garantir une gestion de qualité aux déposants obligatoires au Trésor, conforter la mission de gestion des fonds de la clientèle de la Caisse des dépôts et consignations et poursuivre la démarche de sécurisation des activités bancaires (contrôle interne et lutte anti-blanchiment). 802 Dans un souci d efficacité, la fusion de l ex-dgi et de l ex-dgcp s est d ailleurs accompagnée de la création en 2008 d un bureau d administration centrale (CL-1C) concentrant toutes les compétences nécessaires au pilotage des diverses activités bancaires qui étaient auparavant dispersées (art. 14 de l arrêté NOR BCFP0807277A du 3 avril 2008 portant organisation de la DGFiP). N o 11 - Novembre 2010 -

LES COMPTES DE DÉPÔT DE FONDS AU TRÉSOR SONT L INSTRUMENT ASSURANT L UNITÉ FINANCIÈRE DE L ÉTAT Deux catégories de comptes bancaires sont à distinguer. En premier lieu, la DGFiP suit dans ses écritures plus de 35 000 comptes de dépôt de fonds au Trésor (DFT). Les titulaires de ces comptes, dénommés «correspondants du Trésor», sont les organismes publics qui, en application de lois et règlements, sont astreints de déposer leur trésorerie auprès de l Etat (art. 118 du décret nº 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique). Sous réserve des dispositions particulières prévues en loi organique relative aux lois de finances, ces comptes ne peuvent pas présenter de découvert (art. 121 de ce même décret). La DGFiP, colonne vertébrale financière de l Etat 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1990 Dépôts des correspondants du Trésor (en Mdsc) 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 Le concept de Trésor public désigne à la fois l ensemble des moyens financiers dont dispose un Etat et l administration de ce dernier chargée de les gérer sur l ensemble du territoire national. De façon historique, la mission de gestion des flux financiers publics a toujours été exercée en liaison étroite avec la mission de collecte des impôts du fait de l importance des ressources fiscales parmi les ressources budgétaires de l Etat (1). Le réseau du Trésor public, héritier du Trésor royal dont certains font remonter l origine à Philippe Auguste même si sa forme ne s est stabilisée qu à compter du Second Empire (2), a ainsi été chargé de tenir la comptabilité des personnes morales de droit public et de manier l ensemble de leurs fonds publics. La gestion efficace de ces fonds disponibles, en se servant des encaissements pour opérer les décaissements, s apparente aux fonctions essentielles d une banque (3). Avant que le Trésor public ne joue pleinement son rôle actuel, le système des fermiers généraux datant de l Ancien Régime reposait d ailleurs essentiellement sur une opération de crédit, ceux-ci avançant à l Etat le produit des impôts avant de se charger de les collecter auprès des contribuables pour se rémunérer. C est donc bien un besoin essentiel de l Etat qui est en jeu ici, le financement au jour le jour de son action. Parmi les principes budgétaires fondamentaux désormais en vigueur figure celui d universalité qui signifie que le montant intégral des ressources d un organisme public couvre l ensemble de ses charges sans qu il y ait contraction entre elles. Il est complété au niveau comptable par le principe d unité de caisse assuré par le Trésor public. Ainsi, l unique caisse du comptable public recueille toutes les recettes et paie toutes les dépenses publiques (art. 44 du décret nº 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique). Nombre d établissements publics nationaux disposent d un compte de dépôt de fonds au Trésor sur lequel sont débitées leurs dépenses et créditées leurs recettes. La plupart des régisseurs de recettes et/ou d avances, tant dans le secteur étatique que dans le secteur public local, est également titulaire d un tel compte (4). Par principe, «les fonds des organismes publics autres que l Etat sont déposés au Trésor, sauf dérogations autorisées par le ministre des Finances» (art. 43 du décret de 1962). Ainsi, la trésorerie de l Etat est alimentée par celle des correspondants du Trésor (art. 25 et 26 de la loi organique nº 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances). L article 26-3 de la loi organique nº 2001-692 du 1 er août 2001, relative aux lois de finances (LOLF), précise toutefois que «sauf disposition expresse d une loi de finances (5), les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l Etat» (6). Mais, contrairement aux autres correspondants du Trésor, leurs disponibilités ne sont pas déposées sur un compte individualisé de dépôt de fonds au Trésor (cf. infra). Alors que la DGFiP poursuit ses expertises sur la faisabilité d une gestion future de leur trésorerie sur des comptes de dépôt de fonds au Trésor, celle-ci demeure suivie sur l unique compte bancaire que chaque comptable public doit ouvrir auprès de la Banque de France (art. 114 du décret nº 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique). Cette réflexion vise notamment à remédier aux difficultés liées au fait que ce dernier compte est le réceptacle des mouvements financiers de tous les organismes dont un même comptable tient la comptabilité, ce qui interdit l automatisation de l imputation des différents débits et crédits bancaires constatés. En définitive, les correspondants du Trésor sont à l origine de plus de la moitié des flux quotidiens constatés sur le compte unique du Trésor, hors opérations de dette et de trésorerie (cf. graphique ci-après). Leurs dépôts s analysent comme le placement de la trésorerie excédentaire d une administration auprès d une autre administration. Cette opération permet de limiter les emprunts de la sphère publique à des entités non publiques et donc le montant de la dette publique calculée selon les critères de Maastricht (plafond d endettement défini au niveau communautaire). Dans (1) Les difficultés financières de l Etat issues de la Révolution, résultant notamment de difficultés à recouvrer l impôt, conduisent l Etat à recourir à des groupements de banquiers privés pour assurer son financement (Négociants réunis en 1799, Dix Négociants en mars 1801, Cinq Banquiers du Trésor public en août 1801, Agence des Receveurs généraux en 1802, Négociants réunis en 1804). Mais ceci n empêche pas une crise sans précédent de la trésorerie publique en 1806. Sous le Consulat, Gaudin, ministre des Finances, oblige alors ces banquiers à souscrire douze obligations au profit du Trésor, payables de mois en mois à partir du mois de juillet, et représentant le montant des rôles de contributions qu ils doivent encaisser dans l année. Le décret du 16 juillet 1806 les contraint ensuite à déposer des garanties financières auprès de l Etat sous forme d avances. Un compte courant est ouvert au nom de chacun auprès de l Etat. Pour leur permettre de trouver toutes les ressources dont le Trésor a besoin, ils obtiennent de Mollien, ministre des Finances, l autorisation d accepter l argent des dépôts des particuliers. En fournissant ces fonds sous forme d avances au Trésor, les receveurs se voient servir un intérêt supérieur à celui qu eux-mêmes servent à leurs déposants. Lorsque l Etat réinternalise ensuite la collecte de l impôt, il récupère à son profit les dépôts des tiers. (2) François Bloch-Lainé, «Introduction à une étude du Trésor public en France», in Revue économique, nº 2, 1951, p. 129-146. (3) «On désigne sous le nom de Trésor public cette personnalité juridique et morale qui, ayant son existence propre, ses droits et ses obligations, dotée d une organisation distincte des autres services de l Etat, lui sert de banquier [...]. Le Trésor est donc en France un banquier» (Dictionnaire des Finances de Léon Say, 1889). Voir aussi l historique de la DGTPE sur http://www.minefi.gouv.fr/directions_ services/caef/histodir/dgtpe/dgtpe.htm (4) Sauf dérogation accordée aux régisseurs locaux au titre du IV de l article L. 1618-2 du Code général des collectivités territoriales. (5) Instruction DGCP nº 04-058-M0 du 8 novembre 2004 relative aux conditions de dérogation de dépôt auprès de l Etat des fonds des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. (6) Cette même règle et ses limites sont reprises à l article L. 1618-2 du Code général des collectivités territoriales (collectivités territoriales et établissements publics locaux), à l article L. 5212-21 du même code (intercommunalités), à l article L. 6145-8-1 du Code de la santé publique (établissements publics de santé), à l article L. 315-19 du Code de l action sociale et de la famille (établissements publics sociaux et médicosociaux), à l article L. 421-20 du Code de la construction et de l habitation (offices publics de l habitat) et à l article L. 2221-5-1 du Code général des collectivités territoriales (régies locales SPIC). Voir aussi Ollivier Gloux, «Les relations de trésorerie Etat - Collectivités locales», Revue Gestion et Finances publiques, nº 11, novembre 2009, p. 864 à 867. -N o 11 - Novembre 2010 803

le cadre des objectifs de performance assignés depuis 2006 à la gestion de la trésorerie, l Etat cherche donc à financer ses besoins de trésorerie par l accroissement des dépôts des correspondants plutôt que par l émission de bons du Trésor souscrits notamment par des correspondants (réexamen de dérogations à l obligation de dépôt de fonds accordées par le passé à certains correspondants et réorientation des placements des établissements publics nationaux). Etat Répartition des flux bancaires (hors opération de dette et de réserve) Année 2009 45,1 % 0,1 % La Poste Source : Agence France Trésor. 28,5 % 23,3 % 3 % Collectivités et établissements publics locaux Caisse des dépôts et consignations Autres établissements publics nationaux Si au XX e siècle «le Trésor de banquier de l Etat a ainsi été amené, par étapes, à se faire Etat-banquier» avant qu un mouvement de privatisation des établissements de crédit et de libéralisation des marchés n amène l Etat à se désengager (7), la crise financière de 2008 et 2009 a justifié la réintervention de l Etat pour garantir la pérennité même des établissements bancaires privés. A cette occasion, les atouts du Trésor public, banquier des organismes publics, ont été appréhendés sous un nouveau jour, cette crise ayant démontré toute la valeur de la sécurisation des fonds publics, y compris ceux des correspondants du Trésor, que seul l adossement à l Etat autorise in fine. Dans ce contexte, la loi de finances rectificative pour 2010 nº 2010-237 du 9 mars 2010 décide d affecter sur des comptes de dépôt de fonds près de 35 milliards d euros pour financer des investissements visant à augmenter le potentiel de croissance de la France. L article 8 de cette loi prévoit que les fonds correspondants seront affectés à des organismes gestionnaires clairement identifiés pour financer ces dépenses d investissement d avenir. Ceux-ci ont ouverts des comptes de dépôt de fonds pour y loger ces versements de l Etat en distinguant les dotations consommables (60 % du volume total) des dotations qui ne le sont pas (40 %), c est-à-dire conservées par l opérateur choisi par l Etat, seuls les intérêts produits par ces comptes pouvant être employés. Ce faisant, les comptes de dépôt de fonds au Trésor offrent à l Etat un moyen moderne à la fois d intervention et de contrôle de l emploi des fonds publics. Vis-à-vis de l ensemble de sa clientèle bancaire, la DGFiP poursuit une stratégie de modernisation des prestations bancaires et de diversification des moyens de paiement offerts aux déposants afin de leur assurer une qualité de service conforme aux standards de la place financière. Par exemple, à la faveur de l harmonisation européenne en cours des instruments de paiement (virements, prélèvements, cartes bancaires) [8], elle joue actuellement un rôle d entraînement de l ensemble du secteur public appelé par les pouvoirs publics à donner l exemple au secteur privé. Dans ce dernier domaine, la DGFiP simplifie la vie des usagers et des organismes publics (9) en leur permettant d accéder à de nouveaux moyens monétiques s appuyant sur les technologies les plus récentes (10). Un autre exemple tient aux réflexions engagées 804 concernant l adaptation de son système d information de gestion des comptes bancaires (application CEP) afin de tirer notamment parti du développement de la banque en ligne (télétransmission par les clients de fichiers de virements à opérer pour éviter leur ressaisie par la DGFiP, par exemple). Enfin, les compétences bancaires du réseau de la DGFiP lui permettent plus facilement d assumer son rôle de conseil et d expertise, de façon gratuite et objective car désintéressée, au profit des organismes publics non seulement en matière de placements ou d endettement (11), mais aussi en matière de monétique faisant évoluer leur relation à l usager (mise en place du prélèvement, du paiement par carte bancaire...) [12]. 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Source : DGFiP. Evolution du nombre de moyens de paiement automatisés traités pour le secteur public local (en millions d opérations) 2,3 14,2 13 14,9 17,1 2007 2,46 18,3 2,67 22,2 2008 2009 Titre interbancaire de paiement Carte bancaire Prélèvement La DGFiP, interlocutrice des «banquiers» de l Etat L obligation de dépôt des fonds des organismes publics auprès du Trésor permet à la DGFiP de centraliser la trésorerie des divers organismes de la sphère publique, dotés d un compte bancaire ou pas, afin de la mettre à disposition de l Etat. Grâce à cette activité, celui-ci limite ses frais de recours au marché pour couvrir ses propres besoins de financement. Si les soldes de tous les comptes de dépôt de fonds au Trésor sont directement imputés en comptabilité de l Etat (13) et ainsi soumis aux contrôles de la Cour des comptes en vue de sa certification, les opérations financières des collectivités territoriales et de leurs établissements (7) François Bloch-Lainé, Le Trésor public et la politique financière. Cours professé à l IEP de Paris en 1952-1953. Paris, Les Cours de droit, p. 9. (8) Instruction nº 10-013 M0-E-K du 19 mai 2010 relative à la préparation des administrations publiques à l espace unique de paiement en euros (SEPA). Voir aussi www.sepafrance.fr (9) En matière de qualité des prestations offertes, les enquêtes diligentées par un institut indépendant (LH2) auprès d un échantillon représentatif de déposants obligatoires ont montré que, d une manière générale et constante, ils apprécient les services bancaires rendus par le réseau Trésor public (enquêtes menées en 2005, 2007 et 2008 auprès d un échantillon représentatif de 900 clients pour chacune d entre elles). (10) Dans le prolongement de la possibilité offerte depuis plusieurs années de télérégler ses impôts via internet (http://www.telepaiement.cp.finances.gouv.fr/redirectpart.htm), la DGFiP propose désormais aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics d offrir à leurs usagers la faculté de payer par carte bancaire via internet. A l occasion de la remise des prix des Victoires de la modernisation de l Etat, le 7 juillet 2010, ce dispositif TIPI (Titres payables par Internet) a été lauréat d un prix spécial. (11) Circulaire DGFiP-DGCL-DGT NOR IOCB1015077C du 25 juin 2010 relative aux produits offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. (12) 78 % des contribuables ont acquitté en 2009 leur impôt sur le revenu par prélèvement mensuel ou à échéance. (13) Du point de vue comptable, sont inclus dans les composantes de la trésorerie de l Etat, les dépôts des correspondants du Trésor qui constituent des fonds ayant un impact sur les disponibilités de l Etat mais qui appartiennent à des tiers et qui sont restituables à ces derniers à tout moment et qui pour cette raison constituent un passif (Instruction codificatrice DGCP nº 05-052-P-R du 14 décembre 2005 sur la comptabilité de la trésorerie de l Etat, NOR : BUD R 05 00052 J). N o 11 - Novembre 2010 -

publics sont par contre imputées sur les comptes bancaires ouverts au nom de leur comptable public auprès de la Banque de France (cf. supra). La Banque de France fait partie intégrante du système européen des banques centrales et participe à l accomplissement des missions et au respect des objectifs qui sont assignés à celui-ci par les textes communautaires (art. L. 141-1 du CMF) [14]. Elle détient et gère les réserves de change de l Etat en or et en devises (art. L. 141-2 du même code). Il est interdit à la Banque de France d autoriser des découverts ou d accorder tout autre type de crédit au Trésor public ou à tout autre organisme ou entreprise publics. L acquisition directe par la Banque de France de titres de leur dette est également interdite (art. L. 141-3). Si le nouveau statut de la Banque de France, garantissant son indépendance dans un souci de stabilité monétaire et de maîtrise de l inflation, lui interdit désormais de fournir à l Etat des prêts et avances comme le font les autres banques à leurs clients, elle lui rend d autres services rémunérés d intérêt général (art. L. 141-7). Le Trésor public est ainsi habilité à détenir un compte auprès d elle (art. L. 141-8). L Etat confie ainsi à la Banque de France la tenue du compte courant unique du Trésor public et l exécution des opérations qui s y rattachent (émission et réception des moyens de paiement dans le système interbancaire, notamment pour le compte des comptables publics). On notera d ailleurs que la création d un compte unique du Trésor à la Banque de France (1803) a précédé la formalisation du principe comptable d unité de caisse (ordonnance du 31 mai 1833). La Banque de France offre ainsi une gamme de services permettant le suivi en temps réel et une gestion active de la trésorerie de l Etat. Elle consolide quotidiennement dans cet unique compte national l ensemble des comptes ouverts auprès d elle par les comptables publics à travers tout le territoire national (15). A partir de ces fonds ainsi centralisés, l Agence France Trésor (AFT) exécute diverses opérations financières (16) afin que le solde du compte unique du Trésor en fin de journée soit nécessairement positif (en moyenne, il s établit désormais à moins de 100 Mc, soit moins de 0,5 % du total des flux quotidiens, contre 500 Mc en 2001 [17]). Sur un an, le total des mouvements sur ce compte s élève à près de 6 000 Mdsc, soit vingt-deux fois le budget général de l Etat. l encaissement des chèques reçus en paiement des créances publiques : produits fiscaux, locaux... (168 millions d opérations en 2009 contre 184 en 2003) ; l encaissement des prélèvements en paiement de créances publiques (307 millions d opérations en 2009 contre 232 millions en 2003) ; l émission de virements qui est le mode de paiement le plus courant des dépenses publiques (249 millions d opérations en 2009 contre 216 millions en 2003). Ces diverses prestations découlent d une convention conclue en 2002 puis renouvelée en 2010 avec l Etat représenté par la DGFiP et la Direction générale du Trésor (AFT). Une autre convention renouvelée aussi en 2010 lie la DGFiP à la Banque postale qui lui offre également des prestations d approvisionnement et de dégagement de la caisse des comptables publics. Enfin des liens tout aussi étroits unissent la DGFiP aux instituts d émissions propres à l outre-mer (IEDOM, IEOM). LES ACTIVITÉS DE PRÉPOSÉ DE LA CDC SÉCURISENT LES FONDS D INTÉRÊT GÉNÉRAL En second lieu, le réseau de la DGFiP tient également plus de 84 000 comptes en qualité de préposé, c est-à-dire de représentant local, de la Caisse des dépôts et consignations (art. L. 518-14 du CMF). La CDC, qui figure elle-même parmi les correspondants du Trésor les plus importants, est un établissement public spécial de l Etat «chargé d administrer les dépôts et les consignations, d assurer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui a été confiée et d exercer les autres attributions de même nature qui lui sont légalement déléguées. Elle est chargée de la protection de l épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d organismes de retraite. Elle contribue également au développement économique local et national, particulièrement dans les domaines de l emploi, de la politique de la ville, de la lutte contre l exclusion bancaire et financière, de la création d entreprise et du développement durable» (art. L. 518-2 du même code) [18]. Le champ d application de l activité de préposé et les engagements respectifs de la CDC et de la DGFiP sont précisés par une convention qui organise le partenariat pour une durée de cinq Recettes, dépenses et opérations de refinancement sur le compte du Trésor de 2008 à 2009 65 000 55 000 45 000 35 000 25 000 15 000 5 000-5 000-15 000-25 000 jan 08 mars 08 mai 08 juil 08 sept 08 nov 08 jan 09 mars 09 mai 09 juil 09 sept 09 nov 09 Source : Agence France Trésor. Recettes nettes des dépenses Solde dette (émissions - amortissements et intérêts) Solde spontané du compte A ce titre, la Banque de France assure le traitement des moyens de paiement émis ou reçus par les comptables publics pour le compte d organismes publics : les prélèvements de billets destinés à l alimentation des caisses publiques ou les versements de leurs excédents d encaisse ; (14) «Cet objectif s accompagne de l exigence absolue que recouvre l interdiction faite à l Etat de recourir aux avances de la Banque de France, conformément aux dispositions introduites en 1992 à l article 101 du Traité instituant la Communauté européenne, au motif qu elles constitueraient un financement du déficit public par émission monétaire. Il en résulte que l ensemble des flux quotidiens doit présenter, chaque soir, un solde positif à la clôture des opérations. Par sa décision du 29 décembre 2003, le Conseil constitutionnel a fait de cette obligation une exigence de valeur constitutionnelle» (C. comptes, La gestion de la trésorerie : une fonction vitale pour l Etat, rapport public annuel de 2009). (15) Fin 2008, 6 874 comptes différents alimentaient ainsi le compte du Trésor (certains comptables sont astreints à détenir plusieurs comptes différents pour distinguer des codes flux). Ces divers mouvements sont centralisés en temps réel par la Banque de France au titre de sa fonction de teneur du compte bancaire de l Etat. Les mouvements financiers qui affectent ce compte sont ceux liés à l exécution du budget de l Etat, aux opérations des correspondants du Trésor et de l Agence France Trésor qui intervient pour empêcher tout découvert de ce compte. Le volume global moyen des 100 000 opérations s imputant sur le compte chaque jour a été de 35,32 milliards d euros en 2009 (http://www.aft.gouv.fr/aft_fr_23/ tresorerie_etat_18/missions_119/index.html). (16) Cf. Frederick Jeske, «La gestion de la dette et de la trésorerie de l Etat», La Revue du Trésor, janvier 2007. (17) Parmi les moyens de diminuer encore cet écart figure l affinement des prévisions de trésorerie de chaque correspondant du Trésor (système d annonce au Trésor de leurs opérations financières les plus importantes à venir, système mis en place en 1999). Un effort en ce sens est notamment fait par les établissements publics nationaux depuis 2007. Parallèlement, l AFT et la DGFiP ont développé un outil dédié (SAT fiscal) permettant d exploiter en trésorerie les annonces à court terme des recouvrements de recettes fiscales ou les restitutions via un dispositif d annonce des mouvements par nature d impôt et par moyen de paiement. Les nouvelles fonctionnalités de CHORUS devraient aussi accroître la prévisibilité des dépenses de l Etat (paiement à juste date...). De son côté, la Banque de France s est équipée d un nouveau logiciel de tenue de compte (EVCLI) lui permettant de centraliser les flux d annonces à l AFT en fiabilisant l information transmise. Cet outil vise à compléter le dispositif antérieur d annonces en permettant à l AFT de bloquer l exécution de mouvements non annoncés. (18) La CDC peut être définie comme un gestionnaire de mandats publics. Sa spécificité est qu elle gère des fonds privés alors qu elle a le statut d établissement public. Pour en savoir plus : Jeanne Schpilberg-Katz, La Caisse des dépôts, collection Que Sais-Je, 2008. -N o 11 - Novembre 2010 805

ans. Cette convention ayant été renouvelée pour la dernière fois le 15 juin 2006 par les directeurs généraux de la CDC et de l ex- DGCP, les deux partenaires élaborent actuellement ensemble une nouvelle convention qui devrait être conclue mi-2011. Dans le cadre élargi des missions de la DGFiP, le pilotage de la mission de préposé a été aussi adapté aux nouvelles structures de la DGFiP, notamment pour permettre des synergies entre les missions économiques des directions locales des finances publiques avec leur mission de préposé (relais de l action économique de la CDC en qualité d investisseur, du Fonds stratégique d investissement et d Oséo). La gestion des consignations auprès de la CDC Pour expliquer l ancienneté des liens l unissant au réseau du Trésor public, il n est pas inutile de rappeler que la CDC a été créée, sous la Restauration, par la loi du 28 avril 1816, dans le but de rétablir la confiance dans les finances publiques, la Révolution et les guerres napoléoniennes ayant ruiné plusieurs générations d épargnants. Son statut d autonomie (19) lui permet de protéger l épargne privée qu elle est appelée à gérer sans risque de récupération par l Etat. Dans ce cadre, depuis 1816, elle gère des consignations qui visent à protéger simplement et efficacement les droits des personnes physiques et morales, publiques ou privées. Elles donnent lieu à réception et à conservation de dépôts en numéraire ou en titres, selon les modalités fixées par une disposition législative ou réglementaire, une décision administrative ou bien encore une décision de justice (20). Par exemple, la consignation des fonds permet aux parties concernées de se prémunir contre l issue incertaine d un litige ou la réalisation d un risque. Pour améliorer la performance de cette gestion des consignations réalisée par les services de la DGFiP au nom et pour le compte de la CDC, des pôles interrégionaux spécialisés ont été expérimentés dès 2009 et seront généralisés fin 2010. Cette réorganisation, couplée avec le déploiement d une nouvelle application informatique (CORESI), permettra d améliorer encore la qualité de service rendu aux usagers concernés, parmi lesquels on trouve aussi des organismes publics dont la comptabilité est tenue par un comptable public. La gestion des comptes auprès de la CDC Depuis sa création également, la CDC est l opérateur de confiance retenu par l Etat pour tenir les comptes bancaires sur lesquels sont placés les fonds privés protégés par la loi. Elle est ainsi le banquier de référence non seulement des professions juridiques concourant au service public de la Justice (notaires, administrateurs et mandataires judiciaires, huissiers de justice... [21]), mais aussi de la Sécurité sociale et d autres organismes d intérêt général. Les garanties de rigueur et de sécurité dans cette gestion sont apportées tant par la CDC que par la DGFiP de façon à protéger ces fonds en lien avec la sphère publique prise au sens large. La centralisation des fonds correspondants à la CDC garantit ainsi que ces délégataires de puissance publique ne tirent pas avantage à titre personnel des fonds qui leur sont provisoirement confiés par les particuliers (prix de vente d un immeuble versé au notaire, paiement d une créance impayée faite à un huissier...) et les met à l abri de tout conflit d intérêt. 806 Chacun des deux partenaires en présence tire avantage des points forts de l autre. En matière de contrôle interne et de lutte anti-blanchiment, les synergies sont ainsi mobilisées entre l activité de gestion des dépôts de fonds au Trésor et celle de préposé de la CDC. La gestion des placements de ces deux catégories de clientèle bancaire fait aussi l objet d une mutualisation de certaines charges. Par exemple, en 2009, un marché public pour la gestion et la conservation des titres de placement de la clientèle a été passé en commun par la DGFiP et la CDC pour diminuer leurs coûts correspondants (économies d échelle). Pour approfondir cette piste d efficience, des réflexions sont engagées sur une éventuelle mutualisation des systèmes d information. Enfin, le fait que le même service au sein des directions départementales ou régionales des finances publiques soit en général responsable de la gestion des deux catégories de comptes CDC et DFT facilite la convergence et l essaimage des meilleures pratiques. Dans le domaine de l approche client, le réseau de la DGFiP a ainsi retiré beaucoup d enseignements utiles du professionnalisme des équipes nationales et régionales de la CDC. Le renouvellement des protocoles de services bancaires avec les professions juridiques (le 30 septembre 2009 avec les huissiers, le 1 er décembre 2009 avec les notaires et à l automne 2010 pour les administrateurs et mandataires judiciaires) illustre cet acquis à cultiver. Les autres missions de la DGFiP tirent aussi avantage de ce partenariat étroit et multidimensionnel avec ces délégataires de puissance publique (Télé@ctes avec les notaires...). Actuellement, la DGFiP et la CDC mènent ensemble des réflexions stratégiques en vue de définir prochainement les axes d enrichissement de leur partenariat jusqu à l horizon 2015 (impact des nouvelles technologies sur les opérations bancaires, nouvelles attentes de la clientèle, évolution des modes de contact avec celle-ci...). Alors que la DGFiP se positionne de plus en plus comme un prestataire de services adaptés aux besoins spécifiques du secteur public, ses activités de nature bancaire contribuent significativement à la sécurisation d ensemble des fonds publics, ce qui demeure un objectif majeur assigné par les pouvoirs publics (22) et une préoccupation essentielle de cette direction. La dernière crise financière a remis en lumière tout l intérêt du système actuel de gestion et de centralisation des fonds publics dont elle est la cheville ouvrière (23). Ce faisant, les directions départementales et régionales des finances publiques n interviennent pas sur un terrain concurrentiel car seuls des opérateurs agissant dans l intérêt général bénéfi- (19) «Elle est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l autorité législative» (art. L. 518-2 du Code monétaire et financier). Son contrôle est assuré par une commission de surveillance qui comprend des représentants du Parlement, du Conseil d Etat, de la Cour des comptes, de la Banque de France ainsi que des personnalités qualifiées. Le directeur général de la CDC prête serment «de défendre l autonomie de l établissement et de garantir l inviolabilité des fonds qui lui sont remis en garde». Selon la loi d avril 1816, il est personnellement et financièrement responsable de la gestion des fonds confiés à l institution. (20) Pour en savoir plus, consulter le site Internet suivant : http://consignations. caissedesdepots.fr/spip.php?rubrique53 (21) Certaines de ces professions ont l obligation de déposer leurs fonds auprès de la CDC : les notaires en vertu du décret nº 2000-1156 du 30 novembre 2000 (art. 1 er ); les administrateurs et mandataires judiciaires en vertu de la loi nº 2003-7 du 3 janvier 2003 (art. 34, 36 et 47) ; les greffiers des tribunaux de commerce en vertu du décret nº 2009-768 du 23 juin 2009 (art. 1 er ). Les huissiers de justice, à la différence des autres professions juridiques, n ont pas l obligation juridique de déposer leurs fonds de tiers auprès de la CDC. Toutefois, ils ont l obligation de séparer les fonds des clients par rapport aux fonds de leurs offices. La CDC leur offre une prestation de services bancaires adaptée et sécurisée qui lui permet d avoir fin 2009 les deux tiers de la profession comme clients. (22) «La stratégie du programme [nº 117 "Charge de la dette et trésorerie de l Etat" au sein du budget de l Etat] est de gérer la dette négociable de l Etat et sa trésorerie au mieux des intérêts des contribuables et dans les meilleures conditions de sécurité. Il vise à assurer le financement de l Etat en toutes circonstances, c està-dire aussi bien au quotidien qu à moyen et long terme, au meilleur coût et dans des conditions de sécurité maximale» (projet annuel de performance 2010). (23) «Loin de représenter une activité secondaire, la trésorerie est une fonction vitale pour les entreprises, les institutions financières mais aussi les administrations publiques. La crise qui a secoué les marchés financiers à partir de la mi-septembre 2008 est venue rappeler cette réalité [...]. L Etat tire pleinement profit de cet encours [des correspondants du Trésor] qui a varié ces dernières années dans une fourchette de 50 à 70 Mdsc. D une part, il lui est loisible de placer contre rémunération cette trésorerie et d en retirer un produit financier pour son propre compte. D autre part, ces dépôts compensent la situation structurellement débitrice de la trésorerie de l Etat et l aident à maintenir un solde positif sans avoir recours à l endettement. En l absence d un tel système, l AFT aurait été obligée d émettre, fin 2007, 68 Mdsc de dette supplémentaire qui aurait accru le ratio de la dette au sens de Maastricht par rapport au PIB d environ quatre points de PIB.» (C. comptes, La gestion de la trésorerie : une fonction vitale pour l Etat, rapport public annuel de 2009). N o 11 - Novembre 2010 -

cient de leurs prestations bancaires (24). En outre, elles s assurent ainsi du respect de la réglementation limitant les services bancaires accessibles aux organismes publics (interdiction des découverts, suivi comptable des lignes de trésorerie, limitation de leurs éventuels placements à des produits suffisamment sûrs et autorisés par la loi...). Alors que certains évoquent le risque de crise des dettes souveraines à l avenir (25), l Etat en retire aussi une garantie non négligeable pour le financement de ses propres besoins financiers à un coût le plus limité possible (absence d intermédiation financière onéreuse). Les tâches matérielles opérées par la DGFiP permettent de bénéficier d économies d échelle (avec ses centres d encaissement des chèques et des titres interbancaires de paiement, par exemple) et de mutualiser les meilleures pratiques au profit de tous les organismes publics (plateformes électroniques de télépaiement...). Sa création même facilite de nouveaux progrès dans la planification de l exécution des recettes publiques qui influe sur le niveau de trésorerie de l Etat. En conséquence, de nouvelles synergies peuvent être dégagées entre ses différentes missions sachant que le réseau de la DGFiP, vecteur de circulation des flux financiers des organismes publics, est un levier essentiel entre les mains de l Etat pour lui permettre de perfectionner sa fonction financière et donc de limiter ses coûts de financement à court terme dans un contexte de contraintes budgétaires croissantes. Ce dispositif d ensemble sert bien l intérêt général, et pas seulement l intérêt de l Etat et celui des titulaires des comptes bancaires qu elle gère. (24) L ex-direction générale de la Comptabilité publique a arrêté son activité bancaire au profit des particuliers dite «fonds particuliers» fin 2001 (ses origines datant de 1814) et son activité de distribution de contrats d assurance de la CNP fin 2003. A la fin 2000, elle gérait 575 000 comptes à vue (2,6 Mdsc d encours) et 375 000 comptes de placement (5,6 Mdsc d encours). Pour en savoir plus : Jean Bassères et Fabienne Dufay, «L arrêt de l activité d épargne du Trésor public au profit des particuliers», Revue française de finances publiques, nº 89, février 2005, p. 173 et s. (25) Il vise l endettement public dont le coût financier varie en fonction de l appréciation par les prêteurs (via les agences de notation) du risque de non-remboursement, lui-même essentiellement lié à la capacité fiscale des Etats emprunteurs. Les difficultés connues par la Grèce en 2010 illustrent ce risque. La Russie en 1998, l Equateur, le Pakistan en 1999, l Ukraine en 2000, l Argentine en 2001 et le Nigeria en 2002 se sont déclarés dans l incapacité d honorer leurs engagements financiers vis-à-vis de leurs créanciers extérieurs. -N o 11 - Novembre 2010 807