Avant-propos L électrochimie occupe une position centrale dans la physico-chimie de la matière condensée. C est une science qui exige surtout une réflexion approfondie pour analyser et bien prendre en compte tous les paramètres complexes qui régissent les interactions entre les espèces chargées ainsi que les mécanismes des transferts électroniques. Outre les domaines classiques des générateurs électrochimiques, des dépôts électrolytiques et des méthodes modernes de microanalyse, ses champs d intervention sont extrêmement variés, depuis les propriétés des surfactants et la formation de structures micellaires jusqu au traitement des surfaces de semi-conducteurs pour la réalisation de microcircuits. Elle intervient aussi dans de nombreux processus biochimiques ainsi que dans les méthodes de contrôle et d élimination des traces de contaminants. Cet ouvrage propose l essentiel de ce qu il faut savoir en électrochimie dynamique. Les équilibres en solution ionique font l objet d un autre ouvrage. Nous accordons une attention particulière aux définitions et aux méthodes générales qui permettent de structurer l enseignement et de résoudre des problèmes d examen ou de concours. Nous avons essayé d être aussi précis et concis que possible de façon que les étudiants disposent ainsi d un outil pratique, qui leur servira de support pour l étude du cours magistral et surtout d aide-mémoire pendant leurs études scientifiques, voire dans leur activité professionnelle. Nous espérons avoir atteint notre objectif et nous accueillerons avec intérêt toute remarque qui nous sera adressée par courrier électronique à l adresse suivante : editorial@editions-breal.fr Les auteurs
Systèmes électrochimiques. Définition Le système électrochimique comprend un ensemble de constituants, formant plusieurs phases, caractérisé par des variables d état telles que le volume, la pression, la température, la composition des phases, etc., avec en outre des paramètres électriques tels que le potentiel des phases (ψ ou φ), la charge des espèces ioniques ( q = Ze), ou encore le moment dipolaire des molécules Une réaction électrochimique est une transformation à laquelle participent des électrons de charge e et s écrit : A Z+ + ne i B ( Z n)+ Les espèces chimiques chargées A Z+ et B ( Z n)+ sont dans l électrolyte et les électrons sont dans l électrode. Donc la cinétique réactionnelle correspond aux systèmes hétérogènes. La figure représente le système électrochimique le plus général : aussi bien une pile (générateur) qu une cellule d électrolyse (récepteur), la différence résidant seulement dans le sens du passage du courant. + électrolyte électrodes Exemple : dans une cellule d électrolyse se produit la transformation : énergie électrique + H 2 O H 2 + ---- O 2 2 alors que dans une pile à combustible se produit la transformation : H 2 + ---- O + énergie électrique. 2 2 H 2 O 6 Systèmes électrochimiques
2. Formation des ions Les électrolytes sont formés à partir des corps simples par des transformations chimiques exothermiques : Na ( solide) ---- Cl. 2 2 ( gaz) Na + Cl + ( cristal) ΔH = 43 kj mol En réalité, cette transformation est équivalente à un grand nombre d étapes successives. 2.. Sublimation de Na (endothermique) Na ( solide) Na ( atomes libres) ΔH v = + 09 kj mol. 2.2. Ionisation des atomes Cette énergie, mesurée par la limite de série du spectre atomique ( λ = 0, 242μm), est fortement endothermique : Na Na + e + ΔH i = + 496 kj mol. 2.3. Dissociation de la molécule de Cl 2 (endothermique) Cette énergie est déterminée à partir du spectre de vibration de la molécule : Cl 2 2 Cl ΔH d = + 239, 4 kj mol, soit : + 9, 7 kj at.cl. 2.4. Capture électronique par l atome Cl Seule cette réaction, qui traduit l affinité électronique, est exothermique : Cl e Cl + ΔH a = 366, 6 kj mol. Conséquence importante : la simple réaction de transfert électronique entre éléments électropositifs et électronégatifs est fortement endothermique : Na ---- Cl 2 2 Na + + + Cl ( ions libres) ΔH t = + 360 kj à partir de Na solide. Le caractère fortement exothermique de la réaction chimique globale résulte de la grande énergie électrostatique, due aux forces coulombiennes, au cours de la formation du réseau cristallin (énergie réticulaire) : Na + + Cl ( ions libres) Na + Cl ( solide) ΔH r = 773 kj mol Systèmes électrochimiques 7
2 Les ions en solution. Dissociation En solution dans l eau, les électrolytes forts sont totalement dissociés en ions. Cette propriété semble contraire à la grande énergie d interaction ion-ion. En réalité, la dissolution avec dissociation n existe que dans les solvants de forte constante diélectrique D. Pour H 2 O, D = ---- ε = 80 ; l énergie d interaction ion-ion est donc divisée par 80 par rapport au vide. Le champ élec- ε 0 trique (E) autour d un ion Na + de rayon r = 0 0 m est égal à : E = ------------ ---- e ( est la permittivité du vide) 4πε 0 r 2 =,4 0 V m dans le vide ε 0 E = --------- ---- e 4πεr 2 =,8 0 9 V m dans l eau (ε est la permittivité de l eau). 2. Solvatation Born calcule l énergie de solvatation en admettant qu elle est égale à la variation d énergie potentielle de l ion de charge Ze lors de son transfert entre le vide et le solvant de constante diélectrique D. La capacité d une sphère de rayon r est égale à : C = 4 πε 0 r. Dans le vide, l énergie potentielle de la sphère est égale à : E Z 2 e 2 p = ----------------. 8 πε 0 r Dans le solvant de constante diélectrique D, cette énergie est divisée par D : Z 2 e 2 Z 2 e 2 E' = p --------------. 8 πεr = ---------------- 8 πε 0 r ------ D L énergie de solvatation est donc : Z 2 e 2 E ' p E p ---------------- = ----. 8 πε 0 r D D une manière plus générale, l énergie de transfert d un solvant S de constante diélectrique D à un solvant S 2 de constante diélectrique D 2 est : ΔE S S 2 = Z 2 e 2 ---------------- 8 πε 0 r ------ ------ D 2 D. 8 2 Les ions en solution
L interaction ion-solvant libère une grande énergie de solvatation qui compense l interaction ion-ion. L énergie d interaction entre un ion de charge e et un dipôle de moment μ est du même ordre de grandeur que l interaction ion-ion. Expérimentalement, l enthalpie de solvatation ΔH s peut être déduite de l enthalpie de dissolution L, selon le cycle suivant : 2 Ions A B + isolés dans le vide ΔH r ΔH S A B + réseau L A B + solution L = ΔH S ΔH ' r Pour NaCl : ΔH S = 775 kj mol ; ΔH ' r = 782 kj mol ; L = +7kJ mol. On constate que L est très faible, alors que ΔH s et ΔH ' r sont tous deux très importants. La réaction de dissociation d un électrolyte que l on écrit habituellement : AB A + B + devrait s écrire : AB + ( n+ n' )H 2 O A, n H 2 O+ B +, n ' H 2 O. 3. Structure des ions en solution L écriture Na +, H +, Cl sous-entend que ces ions sont solvatés. Le plus souvent, les ions sont insolubles dans les solvants non polaires (hydrocarbures). En solution aqueuse diluée, les ions sont éloignés les uns des autres ; le seul phénomène qui prédomine est l hydratation. Ce dernier phénomène a fait l objet d études considérables, et on peut admettre quelques résultats moyens correspondant à différents électrolytes : Li + Na + K + Cl H + Nombre de molécules 3 7 4 3 H 2 O Le proton hydraté s écrit souvent H 3 O +. Cette structure est encore discutée, car l ion H 3 O + est aussi solvaté. 2 Les ions en solution 9
3 Oxydoréduction. Définitions À l origine, les termes d oxydation et de réduction étaient pris dans un sens étroit (réaction avec l oxygène). En réalité, ils ont une signification plus large rattachée à un transfert de charge électrique. Par exemple, si l on considère l oxydation du cuivre, la réaction fait intervenir un métal électropositif et l oxygène électronégatif : Cu ---- O. 2 2 Cu 2+ O 2 + + Un élément subit une oxydation lorsqu il perd un ou plusieurs électrons : Fe 2+ Fe 3+ + e. Un élément subit une réduction lorsqu il gagne un ou plusieurs électrons, Cu 2+ + 2 e Cu. métal joue à la fois le rôle de système red et de réservoir d élec- Ici, Cu trons... Couple d oxydoréduction ou couple redox Un même élément peut appartenir à différentes espèces chimiques : exemple : Fe, Fe 2+, Fe 3+. Ces espèces participent à des échanges d électrons : 3+ Fe ( oxydant) e 2+ + i Fe (réducteur). Un couple redox en solution correspond à un transfert électronique entre deux espèces : Ox + ne o Red (Red réducteur conjugué de Ox). Noter que les électrons n existent pas à l état libre en solution. Ils sont fournis par une électrode ou cédés par une espèce chimique..2. Réaction d oxydoréduction ou réaction redox En solution, c est une réaction chimique dans laquelle les réactifs sont transformés en produits par transfert d électrons entre les espèces mises en jeu. Une réaction redox fait intervenir au moins deux couples redox : n 2 Ox + n Red 2 o n 2 Red + n Ox 2 Les demi-équations redox représentent des réactions virtuelles mettant en jeu les électrons. 0 3 Oxydoréduction
( n 2 ) Ox + n e o Red ( n ) Red 2 o Ox 2 + n 2 e 3 réaction redox : n 2 Ox + n Red 2 o n 2 Red + n Ox 2 Exemple : ( 2 ) 5 e + Mn O 4 + 8 H + o Mn 2+ + 4 H 2 O ( 5 ) H 2 C 2 O 4 o 2 CO 2 + 2 H + + 2 e 6 H + + 2MnO 4 + Cette réaction est obtenue à partir de deux demi-réactions, en tenant compte de : la conservation de la matière, l équilibre des charges électriques dans chaque réaction, l égalité des nombres d électrons dans les deux demi-réactions..3. Nombre d oxydation (n.o.) 5 H 2 C 2 O 4 o 2 Mn 2+ + 8 H 2 O + 0 CO 2 Il caractérise l état d oxydation d un atome dans une structure moléculaire ou ionique. Par convention : n.o. pour l élément O dans ses composés est II sauf dans les peroxydes ( I) ; n.o. pour l élément H dans ses composés est + I sauf dans les hydrures métalliques ( I). Cl 2 : n.o. ( Cl) = 0 ; HCl : n.o. ( Cl) = I ; MnO 4 : n.o. (Mn) = x et x + 4( 2) = x = + VII ; n.o. ( Mn 2+ ) = + II. Donc : 6 H + + 2 MnO 4 + 5 H 2 C 2 O 4 2 Mn 2+ + 8 H 2 O + 0 CO 2 + VII + III + II + IV Diminution de n.o. (Mn) : réduction Augmentation de n.o. (C) : oxydation 3 Oxydoréduction
3 2. Loi de Faraday 2.. Énoncé Le transport du courant électrique est assuré par les électrons dans les métaux et par les ions dans les électrolytes. Le passage du courant à l interface électrode-électrolyte nécessite un transfert électronique qui constitue une réaction électrochimique. Soit la réaction : M Z+ + Ze M Le faraday correspond à la charge de A électrons : = A e = 96 484 C ( A : nombre d Avogadro). La loi de Faraday exprime que 96 484 C sont nécessaires pour décharger équivalent-gramme. Lorsque le courant traverse une cellule électrolytique, il se produit à l anode (borne +) une réaction d oxydation (libération d électrons) et à la cathode (borne ) une réaction de réduction (capture d électrons). Mais il est inexact de penser que seuls les ions négatifs perdent leur charge à l anode et les ions positifs à la cathode. Les transferts électroniques peuvent se produire aussi bien sur des anions, des cations ou des molécules neutres ; les espèces qui se transforment sont celles dont le potentiel redox est le plus favorable. Cations Molécules neutres Anions Réduction cathodique H + + e ---- 2 H 2 Zn 2+ + 2e Zn Fe 3+ + e Fe 2+ H 2 O + e OH + ---- 2 H 2 RCHO + 2e + 2H + [ Ag( CN) 2 ] + e RCH 2 OH Ag + 2( CN) [ Fe( CN) 6 ] 3 + e [ Fe( CN) 6 ] 4 Oxydation anodique Sn 2+ Sn 4+ + 2e Fe 2+ Fe 3+ + e H 2 O ---- O 2 2 + 2H + + 2e RCHO + H 2 O RCOOH + 2H + + 2e 2OH ---- 2 O 2 + H 2 O + 2e Cl ---- 2 Cl 2 + e 2 3 Oxydoréduction
2.2. Vérification La loi de Faraday devrait être parfaitement vérifiée mais dans la pratique on observe fréquemment des écarts qui résultent de réactions parasites. ) Réaction parallèle : dans la production électrolytique du Zn, la réaction principale est : Zn 2+ + 2e Zn ; mais en parallèle il y a dégagement 3 d hydrogène, H + + e ---- 2 H 2, qui est perdu. 2) Boucles redox : les produits formés à l anode peuvent, par diffusion et convection, subir la réduction à la cathode. À la limite, on peut imaginer une électrolyse à rendement faradique nul si l on favorise la diffusion des produits anodiques vers la cathode et vice-versa. Ces boucles redox sont très importantes car elles permettent entre autre de réaliser des batteries étanches grâce à une boucle d oxydoréduction de l oxygène. Dans l industrie, le rendement d une électrolyse (rendement faradique) est de l ordre de 90 à 95 %. 3 Oxydoréduction 3