1639 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES



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Transcription:

1639 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES PROTECTION DU CONSOMMATEUR Publiée le 31 mars 2011 par la Commission Européenne, la proposition de directive «sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel» innove sur plusieurs aspects, notamment en matière de protection du consommateur. La présente étude revient sur les aspects les plus saillants de la proposition. 1639 La proposition de directive européenne sur le crédit immobilier L Étude rédigée par Alain Gourio Alain Gourio, docteur en droit 1 - La Commission européenne a publié le 31 mars 2011 une proposition de directive 2011/0062 (COD) «sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel». À la différence de la directive du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs 1, le présent texte a fait l objet d une longue concertation préparatoire. Un groupe d experts réuni par la Commission européenne rédigea en 2004 un rapport intitulé «The integration of the EU Mortgage Credit Markets». Puis, la Commission publia le 19 juillet 2005 un livre vert (COM (2005) 327 final) suivi d une consultation, et un livre blanc (COM [2007] 807 du 18 décembre 2007) dans lequel elle exposa les grandes lignes d une possible réglementation. 2 - Mais la crise financière a modifié la perspective. À l objectif classique d intégration des marchés, notamment par une harmonisation de la protection des consommateurs, est venu s ajouter un dispositif visant à «responsabiliser» les prêteurs et les intermédiaires dans la distribution du crédit. Pourtant, il est reconnu que ce ne sont pas les pratiques bancaires européennes qui sont à l origine de cette crise. Le système américain de l «originate to distribute model», source de tous les excès, n a pas été pratiqué à une échelle significative en Europe. En témoigne le faible niveau des créances douteuses dans la majorité des pays européens 2. Malgré 1 V. A. Gourio, La directive européenne du 23 avril 2088 concernant les contrats de crédit aux consommateurs : JCPE 2008, 2047. - La directive a été transposée en droit français par la loi n 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation. Cf. A. Gourio, La réforme du crédit à la consommation : JCPE 2010, 1675. 2 En France le taux moyen de créances douteuses s élève à 1,29 % des encours au 31 décembre 2010 (Autorité de contrôle prudentiel : synthèse de l enquête du secrétariat général de l Autorité de contrôle prudentiel Page 32 LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N 36-8 SEPTEMBRE 2011

ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES 1639 cela la Commission européenne a infléchi son projet initial pour y introduire des normes de comportement inspirées de la directive 2004/39/EC relative aux marchés d instruments financiers (MIF). 3 - La proposition de directive offre par conséquent un double aspect. Elle s inscrit en premier lieu dans le prolongement de la directive précitée sur le crédit à la consommation en vue de constituer un cadre juridique homogène du crédit aux particuliers en Europe. Elle innove en second lieu pour assurer une distribution «responsable» du crédit immobilier. Un cadre de protection du consommateur en ligne avec celui du crédit à la consommation (1) et donc est complété par un régime nouveau de la distribution du crédit (2), auxquels s ajoutent des dispositions diverses (3). 1. Un cadre de protection du consommateur en ligne avec celui du crédit à la consommation 4 - Le champ d application du nouveau texte est défini de manière complémentaire à la celui de la directive sur le crédit à la consommation (A) et les droits du consommateur sont analogues dans les deux textes (B). A. - Un champ d application complémentaire à celui de la directive sur le crédit à la consommation 5 - La proposition de directive vise les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel conclus avec des consommateurs. Mais ceci ne signifie pas qu elle couvre uniquement les prêts accordés pour financer l acquisition ou la construction d un logement. Pour déterminer son champ d application, la proposition de directive reprend exactement la définition des prêts exclus de la directive sur le crédit à la consommation, à savoir les crédits garantis par une hypothèque et les crédits immobiliers par leur objet. Mais parmi ceux-ci, certains types de crédit sont exclus expressément du projet de directive. 1 Les crédits garantis par une hypothèque 6 - Sont couverts par la directive les contrats de crédit garantis par une hypothèque ou une sûreté comparable communément utilisée dans un État membre sur les biens immobiliers résidentiels (il s agira en France du privilège du prêteur de derniers), ou encore par un droit lié à un bien immobilier à usage résidentiel (art. 2.1.a). C est donc la sûreté réelle prise sur un logement qui constitue le critère d application de la directive, et ce, quel que soit l objet du prêt. En l état actuel du texte, le code de la consommation devra être modifié. Les crédits à la consommation hypothécaires ont en effet été soumis aux règles du crédit à la consommation lors de la transposition de la directive en droit français. En revanche les crédits garantis par un cautionnement accordé par un établissement spécialisé 3 ne sont pas visés par ce critère. C est à l objet immobilier du crédit que l on se réfèrera. 2 Les crédits immobiliers par l objet 7 - Reprenant la formule quelque peu obscure employée dans la directive sur le crédit à la consommation, la proposition de directive vise les contrats de crédit destinés à permettre l acquisition ou le maintien de droits de propriété sur un terrain ou un immeuble à usage résidentiel existant ou à construire (art. 2.1.b). 8 - Le texte doit être lu à la lumière des dispositions de la directive sur le crédit à la consommation qui inclut dans son champ d application les crédits accordés pour financer des travaux d un montant inférieur ou égal à 75 000. Il est précisé que la directive s applique aux contrats de crédit destinés à la rénovation d un bien immobilier à usage résidentiel qui ne relèvent pas de la directive sur le crédit à la consommation. Ceci vise les prêts supérieurs à 75 000 ainsi, semble-t-il, que les travaux de rénovation lourde assimilable à une opération de construction. 9 - La directive s appliquera par conséquent aux crédits finançant l acquisition d un logement existant ou à construire, aux crédits finançant la construction d un logement (y compris la rénovation lourde) et aux crédits d un montant supérieur à 75 000 finançant des travaux d amélioration ou de rénovation. 3 Les crédits immobiliers exclus de la proposition de directive 10 - Deux types de crédit échappent au nouveau texte. Les contrats de crédit prévoyant que l emprunt sera remboursé à terme par le produit de la vente d un bien immobilier (art. 2.2.a). Selon le considérant n 10, cette disposition vise principalement ce que les anglo-saxons appellent les «equity release products», c est-à-dire des prêts consentis sur la seule base de la garantie prise sur l immeuble pour financer des besoins de consommation. Ceci pourrait concerner en France les prêts viagers hypothécaires qui font l objet d une réglementation spécifique 4. En revanche, toujours d après ce considérant, les «prêts garantis dont l objectif premier est de faciliter l achat d un bien immobilier» seraient couverts par la directive. Ce serait le cas en France des prêts relais, qui sont d ailleurs expressément visés dans la formule de calcul du TAEG 5. sur le financement de l habitat en 2010, juillet 2011). Il est plus élevé dans certains pays comme l Espagne en raison d une situation économique dégradée, notamment d un taux de chômage élevé. 3 Par exemple Crédit Logement. 4 C. consom., art. L 314-1. 5 Annexe 1 de la proposition de directive. LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N 36-8 SEPTEMBRE 2011 Page 33

1639 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES 11 - Les crédits accordés par un employeur à ses salariés à titre accessoire, sans intérêt ou à des TAEG inférieurs à ceux pratiqués sur le marché et qui ne sont pas proposés au public en général. B. - Des droits du consommateur analogues 12 - Cette analogie se vérifie surtout en matière d information du consommateur, la proposition de directive restant en retrait pour ce qui est du droit au remboursement anticipé. 1 L information du consommateur 13 - Si, à la différence du régime du crédit à la consommation, l information contractuelle, c est-à-dire les mentions devant figurer dans le contrat de crédit, n est pas traitée, en revanche la publicité, l information précontractuelle, le devoir d explication et l information sur les taux font l objet d une réglementation quasi identique. La proposition de directive introduit en outre une réglementation du conseil. a) La publicité 14 - La communication publicitaire et commerciale doit être loyale, claire et non trompeuse au sens de la directive 2005/29/ CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. Sont en particulier interdites les formulations susceptibles de faire naître chez le consommateur de fausses attentes concernant la disponibilité ou le coût du crédit. 15 - Comme en matière de crédit à la consommation les mentions concernant les caractéristiques du crédit ne sont obligatoires que lorsque la publicité indique un taux d intérêt ou des chiffres liés au coût du crédit pour le consommateur. C est d ores et déjà le cas en droit français (C. consom., art. L 312-4). La publicité doit alors comporter des «informations de base». Cette expression, déjà employée pour le crédit à la consommation 6, est la traduction approximative de «standard information». Ceci ne signifie pas que les États peuvent imposer des mentions supplémentaires. Le régime de la publicité chiffrée est de pleine harmonisation, sans possibilité pour les États de maintenir ou d adopter des règles différentes. C est ainsi que la mention prévue à l article L 312-5 du code de la consommation (délai de réflexion et subordination de la vente à l obtention du prêt) devrait être supprimée lors de la transposition de la directive. 16 - Une série d informations doit être donnée de façon claire, concise et visible, à l aide d un exemple représentatif : identité du prêteur ou, le cas échéant, de l intermédiaire de crédit, le taux débiteur (taux nominal) en précisant s il est fixe ou variable, montant total du crédit, TAEG, durée, montant des échéances, montant total dû par le consommateur. L obligation de contracter un service lié au crédit, par exemple une assurance, doit être mentionnée avec le TAEG si le coût ne peut en être déterminé préalablement. La proposition de directive ajoute deux mentions spécifiques. L une précise que la publicité porte sur un contrat de crédit et, le cas échéant, que celui-ci est garanti par une hypothèque, une sûreté comparable ou par un droit lié à un bien immobilier à usage résidentiel. L autre consiste en un avertissement concernant le risque de perte du bien immobilier en cas de non respect des obligations découlant du contrat de crédit. Cette mention n est obligatoire que lorsque le crédit est garanti par une hypothèque, une sûreté comparable ou un droit lié à un bien immobilier à usage résidentiel. 17 - La Commission se voit déléguer le pouvoir de préciser la liste des informations de base à inclure dans la communication publicitaire. Elle peut notamment modifier la liste des mentions obligatoires. b) L information précontractuelle 18 - À l instar du «Code de conduite volontaire relatif à l information précontractuelle concernant les prêts au logement» adopté au plan européen en 2001, la directive distingue les informations générales et les informations personnalisées sous forme d une fiche européenne d information standardisée. Une information spécifique est due par les intermédiaires de crédit. 19 - Informations générales. - Les prêteurs ou, le cas échéant, les intermédiaires de crédit doivent tenir à disposition de manière permanente, sur un support durable ou électronique, des informations générales sur la gamme des crédits qu ils proposent aux consommateurs. Ces informations concernent les caractéristiques des crédits proposés (destination, durée, implication des taux fixes et variables pour le consommateur, modalités de remboursement et de remboursement anticipé, exemple représentatif du coût total du crédit et TAEG ), les formes de sûretés exigées, l expertise éventuelle, les informations sur les allègements fiscaux et autres aides publiques (art. 9 1). Pour le TAEG, il doit s agir d un exemple représentatif correspondant par exemple à la durée moyenne et au montant moyen pour le type de crédit considéré (considérant 23). En ce qui concerne les informations à produire, la proposition de directive est l harmonisation minimale, puisqu elle prévoit une liste comprenant «au moins» onze thèmes. La Commission dispose du pouvoir de modifier les informations générales et notamment la liste visée à l article 9 1. 20 - Information personnalisée et standardisée. - Pour permettre au consommateur de comparer les différents crédits disponibles sur le marché, le prêteur ou l intermédiaire de crédit doit 6 cf. notre art. préc., n 25 Page 34 LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N 36-8 SEPTEMBRE 2011

ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES 1639 Le mode de calcul du TAEG est identique à celui retenu pour le crédit à la consommation lui fournir, comme en crédit à la consommation, une information personnalisée sous forme d une fiche standardisée. La proposition de directive reprend en la modifiant et complétant la fiche européenne d information standardisée (FEIS ou European Standardised Information Sheet ESIS) avalisée par la recommandation 2001/193/CE de la Commission européenne relative au code de conduite volontaire cité précédemment. Le modèle de cette fiche figure dans une annexe II et comporte 14 rubriques incluant notamment les principales caractéristiques du prêt, le TAEG, les conditions de remboursement, les systèmes de réclamation, et une série d avertissements. Elle est donc plus sélective qu en matière de crédit à la consommation 7, ce qui devrait favoriser la comparabilité des offres commerciales. Afin de favoriser la comparaison des différentes propositions commerciales, la fiche standardisée est de pleine harmonisation. Elle ne peut donc comporter que les informations prévues par la directive. Toute information complémentaire doit être fournie sur un document distinct. La fiche standardisée tient lieu d information préalable à la conclusion d un contrat à distance et en cas de communication par téléphone, la description des principales caractéristiques du service financier se fait par référence aux informations figurant dans la fiche standardisée (Dir. 2002/65/CE, art. 3). 21 - La fiche doit être fournie «dans les meilleurs délais» une fois que le consommateur a transmis les informations nécessaires concernant ses besoins, sa situation financière et ses préférences. Après avoir envisagé d imposer un délai obligatoire entre la remise de la fiche et la conclusion du contrat, la Commission a abandonné cette idée. En revanche, le texte prévoit que lorsqu une offre engageant le prêteur est remise au consommateur, celle-ci doit être accompagnée de la fiche standardisée. Et il est dans ce cas obligatoire que le consommateur dispose, avant que le contrat soit conclu, d un délai suffisant pour comparer les offres et prendre en connaissance de cause sa décision d accepter une offre. Ce délai n est pas fixé par la proposition de directive. Le délai de réflexion de 10 jours prévu en droit français répond à cette obligation et ne devrait donc pas être modifié. La Commission a le pouvoir de modifier le contenu et le format de la FEIS. 22 - Informations spécifiques aux intermédiaires. - L article 10 de la proposition de directive édicte une liste minimale d informations que les intermédiaires doivent communiquer aux consommateurs préalablement à leur intervention. Elle vise le statut de l intermédiaire (enregistrement et éventuels liens capitalistiques avec un prêteur), les frais que le consommateur doit payer à l intermédiaire pour ses services, les procédures de réclamation. Les intermédiaires de crédit non liés 8 doivent mentionner l existence de commissions payées par le prêteur à l intermédiaire. De plus, le consommateur dispose du droit d être informé par l intermédiaire non lié des différents niveaux de commissions payables à cet intermédiaire par les prêteurs qui fournissent les crédits proposés au consommateur. La Commission pourra prendre des actes délégués pour actualiser et modifier la liste des informations ci-dessus et pour établir si nécessaire une présentation standardisée de ces informations. c) L information sur les taux 23 - Le TAEG. - Les règles en la matière sont intégralement transposées de la directive sur le crédit à la consommation. L assiette est constituée par le coût total du crédit. La proposition de directive renvoie ici purement et simplement à la définition donnée par la directive sur le crédit à la consommation (art. 3 g) du la directive 2008/48/CE 9. Sont donc inclus tous les coûts que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus du prêteur (intérêts, commissions, taxes, rémunération d un intermédiaire supportée par le consommateur ). Il en est de même pour le coût des services accessoires, comme les primes d assurance, dès lors que la conclusion du contrat de services est obligatoire pour l obtention du crédit «ou en application des clauses et conditions commerciales». Sont exclus les frais de notaires ainsi que les frais dont est redevable le consommateur en cas d inexécution du contrat de crédit. Si l ouverture d un compte est obligatoire pour l obtention du prêt, les frais de tenue de ce compte, les frais d utilisation d un moyen de paiement permettant d effectuer à la fois des opérations de paiement et des prélèvements à partir de ce compte, ainsi que les autres frais liés aux opérations de paiement sont inclus dans le coût total du crédit, sauf si ces frais sont indiqués de manière claire et distincte dans le contrat de crédit ou tout autre contrat conclu avec le consommateur (art. 12.2). 24 - Le mode de calcul du TAEG est défini dans l annexe I de la proposition de directive. Il est identique à celui retenu pour le crédit à la consommation, ce qui implique en France le passage de la méthode proportionnelle à la méthode actuarielle. Pour les crédits à taux variable, et ceux comportant des frais entrant dans le TAEG mais qui ne peuvent être quantifiés au moment du calcul, le TAEG est calculé en partant de l hypothèse que le taux débiteur et les autres frais seront établis sur la base du niveau fixé lors de la signature du contrat. Cette solution, déjà prévue pour le crédit à la consommation, est également appliquée en France pour le crédit immobilier. 7 V. notre art. préc., n 32. 8 Sur la définition cf. infra n 47. 9 cf. notre art. préc., n 40 s. LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N 36-8 SEPTEMBRE 2011 Page 35

1639 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES La Commission européenne pourra modifier par acte délégué la formule et les hypothèses de calcul du TAEG. Cependant, le considérant 23 se réfère à cet égard à des normes techniques de réglementation. 25 - Information sur le taux débiteur. - Les règles sont ici encore la reprise exacte des dispositions relatives au crédit à la consommation. En cas de taux variable, le prêteur doit informer le consommateur de toute modification du taux avant que la modification n entre en vigueur. Il doit indiquer le montant des échéances après l entrée en vigueur du nouveau taux et préciser le cas échéant si le nombre ou la périodicité des versements change. Il peut être convenu dans le contrat que cette information sera communiquée périodiquement, dès lors que la modification du taux résulte de l évolution d un taux de référence, que celui-ci est publié et mis à la disposition des consommateurs dans les locaux du prêteur. d) Le devoir d explication 26 - Le devoir de fournir au consommateur des «explications adéquates» (art. 11) est repris de la directive sur le crédit à la consommation. Le but est de permettre au consommateur de déterminer si les crédits proposés sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière. Le texte précise que les explications portent aussi sur les éventuels services auxiliaires. Ceci concernera notamment l assurance. Les explications adéquates doi vent être adaptées au niveau de connaissance et d expérience du consommateur en matière de crédit. Elles comprennent des informations personnalisées sur les caractéristiques des prêts proposés, une explicitation des informations et termes figurant dans les informations précontractuelles ainsi que des conséquences pour le consommateur de la conclusion du contrat de crédit, y compris en cas de défaut de paiement de sa part. Le texte précise que les explications sont données sur les caractéristiques des prêts proposés «sans qu aucune recommandation ne soit toutefois formulée». Ceci est cohérent avec la règle selon laquelle le prêteur n est pas tenu d une obligation de conseil 10. e) Le conseil 27 - C est un apport de la proposition de directive de bien préciser que «le conseil constitue un service distinct de l octroi du prêt». Il ne s agit donc pas d une obligation légale, mais d un service, à l instar du service de conseil en investissement dans la directive MIF 11, fourni à l initiative des parties et pouvant faire l objet d une rémunération spécifique. Le conseil est défini comme une recommandation personnalisée des crédits les plus appropriés aux besoins et à la situation personnelle et financière du consommateur (art. 17.2 a et considérant 31). Le prêteur ou l intermédiaire de crédit devra indiquer au consommateur dans le cadre d une transaction donnée si des conseils seront ou non fournis. Cette indication peut prendre la forme d une information précontractuelle supplémentaire. 28 - Lorsque des conseils sont fournis aux consommateurs un certain nombre d exigences doivent être respectées. Il s agit tout d abord du respect des règles de conduite et des exigences minimales en matière de compétence 12. Ensuite, les prêteurs et les intermédiaires qui fournissent un conseil doivent prendre en considération un nombre suffisamment important de contrats de crédit disponibles sur le marché, afin de pouvoir recommander les contrats de crédit les plus appropriés aux besoins et à la situation personnelle et financière du consommateur (art. 17.2.a)). Cette règle est parfaitement adaptée à la situation des courtiers. On peut en revanche se demander comment elle pourra être appliquée lorsque c est un prêteur qui fournit le conseil. Celui-ci ne peut en effet prendre en considération que ses propres produits. Enfin, le prêteur ou l intermédiaire doit recueillir des informations suffisantes sur la situation personnelle et financière du consommateur et sur ses préférences et ses objectifs pour pouvoir lui recommander les crédits appropriés. Cette évaluation est fondée sur des informations à jour et sur des hypothèses raisonnables quant à l évolution de la situation du consommateur sur la durée du contrat de crédit proposé (art. 17.2.b)). 2 Le droit à remboursement anticipé 29 - La proposition de directive réglemente de manière parcimonieuse le remboursement anticipé. Ceci s explique par l opposition de certains États (l Allemagne essentiellement) qui considèrent que l introduction d un droit général au remboursement anticipé remettrait en cause leur système de refinancement hypothécaire. Aussi le texte prévoit-il seulement que le consommateur doit disposer d un droit légal ou contractuel d effectuer un remboursement anticipé. La notion de droit contractuel signifie que ce droit doit faire l objet d un accord des parties. Par conséquent le consommateur peut accepter dans ce cas de ne pas bénéficier du droit à remboursement anticipé. 30 - Le régime du remboursement anticipé est laissé aux États membres : conditions d exercice et indemnisation du prêteur. Sur le premier point, le texte prévoit que lorsque le remboursement anticipé intervient dans une période pendant laquelle le taux d intérêt est fixe, l exercice du droit au remboursement anticipé peut être subordonné à l existence d un intérêt particulier chez le consommateur (le considérant 32 cite le cas du divorce et du chômage). De telles conditions ne doivent cependant pas rendre excessivement difficile ou onéreux pour le consommateur l exercice du droit. 10 cf. infra n 27 s. 11 Directive 2004/39/EC relative aux marchés d instruments financiers. 12 Cf. infra n 32 s. Page 36 LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N 36-8 SEPTEMBRE 2011

ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES 1639 2. Un régime nouveau de la distribution du crédit Le régime du remboursement anticipé est laissé aux États membres : conditions d exercice et indemnisation du prêteur 31 - L objectif d assurer une distribution «responsable» du crédit se décline par l introduction de règles de conduite et de compétence (A), un encadrement de la décision du prêteur (B) et une réglementation des opérateurs autres que les établissements de crédit (C). A. - Règles de conduite et de compétence 32 - On assiste dans ce domaine à un processus de «mifidisation» du droit du crédit. Il se traduit par l introduction de règles de conduite pour l octroi des prêts et l imposition d exigences minimales de compétence. 1 Les règles de conduite pour l octroi des prêts S agissant des intermédiaires, la compétence du personnel doit concerner l activité d intermédiation. La définition des critères de compétence est laissée aux États membres, sur la base de qualifications ou d une expérience reconnues. Ceux-ci doivent publier les critères retenus, comprenant notamment la liste des qualifications reconnues. Les prêteurs et les intermédiaires de crédit doivent être soumis à un contrôle visant à vérifier que les exigences en matière de compétence sont respectées de manière continue. La Commission européenne se voit déléguer le pouvoir de préciser les exigences relatives au niveau suffisant de connaissance et de compétence. B. - L encadrement de la décision du prêteur 33 - Les prêteurs et les intermédiaires de crédit doivent agir «d une manière honnête, équitable et professionnelle qui serve aux mieux les intérêts des consommateurs» (art. 5.1). Ce principe doit s appliquer aussi bien à l octroi du crédit qu à la fourniture des services auxiliaires (on peut penser à l assurance) et aux services d intermédiation ou de conseil. La manière dont les prêteurs rémunèrent leur personnel et les intermédiaires de crédit ne doit pas porter atteinte à l obligation d agir dans l intérêt du consommateur. La même règle s applique aux intermédiaires vis-à-vis de leur personnel. 2 Les exigences minimales de compétence 34 - Ces exigences concernent le personnel des prêteurs qui propose ou octroie des crédits et le personnel des intermédiaires de crédit impliqué dans cette activité d intermédiation (art. 6.1a). Elles visent aussi «les personnes physiques qui font partie du personnel de direction des prêteurs et des intermédiaires de crédit et qui sont responsables de, ou jouent un rôle dans, l intermédiation, le conseil ou l approbation des contrats de crédit» (art. 6.1b). 35 - Ces personnes doivent posséder un niveau de connaissance et de compétence suffisant pour exercer leur activité. Ceci s applique à la proposition ou l octroi de crédits et plus généralement au domaine des contrats de crédit pour le personnel de direction. L exigence de compétence concerne aussi les services auxiliaires tels l assurance et l investissement. Le personnel doit à cet égard justifier d un niveau de connaissance et de compétence suffisant pour satisfaire aux exigences de l article 19 de la directive MIF précitée et de l article 4 de la directive sur l intermédiation en assurance 13. 36 - Si la proposition de directive reprend l obligation, figurant déjà dans le texte relatif au crédit à la consommation, d évaluer la solvabilité du consommateur, elle va beaucoup plus loin en imposant dans certaines circonstances une obligation de refuser le crédit et, de manière générale, celle de proposer au consommateur des produits qui ne sont pas inappropriés. 1 L évaluation de la solvabilité du consommateur a) L obligation d évaluer la solvabilité du consommateur 37 - Comme on l a dit, cette obligation figure déjà dans le régime du crédit à la consommation. Il est réaffirmé ici que le prêteur «procède à une évaluation rigoureuse de la solvabilité du consommateur» (art. 14.1). La proposition de directive apporte des précisions sur les critères à prendre en compte. Il s agit notamment des revenus, de l épargne, des dettes et autres engagements financiers du consommateur. Le considérant 24 mentionne que les États membres pourront produire des lignes directrices sur la méthode et les critères à appliquer pour évaluer la solvabilité d un consommateur. Ils pourront par exemple fixer des ratios maximum du type montant à financer/valeur du bien (LTV) ou montant à financer/revenus (LTI). Il est en outre prévu que les prêteurs mettent en place des procédures appropriées pour évaluer la solvabilité des consommateurs. Le texte dispose que ces procédures sont réexaminées à intervalles réguliers et «qu elles donnent lieu à des enregistrements qui sont tenus à jour». En cas d augmentation «significative» du montant du crédit, le prêteur doit procéder à une nouvelle évaluation de la solvabilité de 13 D. n 2002/92/CE, 9 déc. 2002 : JOCE n L 9, 15 déc. 2003, p. 3. LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N 36-8 SEPTEMBRE 2011 Page 37

1639 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES l emprunteur sur la base d informations actualisées sur sa situation financière (art. 14.3). La Commission peut prendre des actes délégués pour préciser et modifier les critères à prendre en considération pour l évaluation de la solvabilité. b) L information du prêteur 38 - L information par le consommateur. - Une obligation d information pèse sur le consommateur sollicitant un crédit. Il doit fournir au prêteur des informations complètes et correctes sur sa situation financière et personnelle. Ces informations doivent être confirmées, si nécessaire par des pièces justificatives provenant de sources indépendantes vérifiables. Il incombe au prêteur de préciser clairement quelles informations le consommateur doit fournir, y compris, le cas échéant, quelles pièces justificatives et à quel moment elles doivent être fournies. Lorsque le consommateur ne fournit pas les éléments nécessaires à l évaluation de sa solvabilité, le prêteur l avertit qu il ne peut pas évaluer sa solvabilité et que, par conséquent, le prêt ne peut lui être accordé. Le texte précise que cet avertissement peut être transmis sous une forme standardisée. Les sanctions applicables en cas d informations sciemment incomplètes ou inexactes afin d obtenir une évaluation positive de la solvabilité sont laissées au pouvoir des États membres (art. 24). 39 - Le recours aux bases de données. - Le prêteur informe par avance le consommateur, conformément à l article 10 de la directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles, du fait qu une base de données va être consultée. Le texte reprend le principe, déjà exprimé pour le crédit à la consommation, de l accès non discriminatoire aux bases de données pour évaluer la solvabilité des consommateurs et, ce qui est nouveau, pour contrôler le respect par ceux-ci «de leurs obligations de crédit sur toute la durée du contrat de crédit» (art. 16.1). Autrement dit les États membres doivent veiller à ce que les prêteurs établis dans d autres États de l UE disposent d un accès aux bases de données situées sur leur territoire dans des conditions non discriminatoires par rapport aux prêteurs nationaux. En revanche, la possibilité pour les intermédiaires de crédit d avoir accès à ces bases est déterminée par chaque État membre (considérant 28). Toutes les bases de données sont concernées, notamment, précise le texte, «des bases de données gérées par les sociétés d information financière sur la clientèle et les registres publics du crédit» (art. 16.1). La communication des informations contenues dans ces bases de données se fait sous réserve qu elle ne soit pas interdite par une autre législation européenne (par ex. blanchiment) ou qu elle ne soit pas contraire aux objectifs d ordre public ou de sécurité publique (par ex. en matière pénale). La Commission européenne pourra prendre des actes délégués pour définir des critères uniformes pour l enregistrement et le traitement des données. 2 Le refus du crédit a) L obligation de refuser le crédit 40 - La proposition de directive crée une obligation nouvelle pour le prêteur de refuser le crédit lorsqu il résulte de l évaluation de la solvabilité du consommateur que «ses perspectives de remboursement du prêt sur la durée du contrat de crédit sont négatives» (art. 14.1). Cette obligation ne crée pas a contrario un droit au crédit. Le considérant 25 précise in fine «qu une évaluation de solvabilité débouchant sur un résultat positif ne devrait pas obliger le prêteur à accorder le prêt». Même si le texte ne le précise pas, il paraît évident que l évaluation des perspectives de remboursement sur la durée du crédit ne peut se faire que sur la base des éléments dont dispose le prêteur au jour de la décision de refus. 41 - La proposition de directive ne définit pas ce qu est une évaluation négative des perspectives de remboursement. Il est à craindre que cette règle ne génère un abondant contentieux, à moins que les États ne fixent des ratios d endettement 14, ce qui n est pas souhaitable eu égard à la rigidité que de tels ratios engendreraient. De manière générale, cette nouvelle obligation recèle un risque d exclusion de l accès au crédit des consommateurs dont la situation serait considérée comme fragile : primo accédants, jeunes professionnels, etc. b) L obligation de motiver le refus de crédit 42 - L article 14.2 b) prévoit que «si la demande de prêt est rejetée, le prêteur informe immédiatement et gratuitement le consommateur des raisons de ce rejet». Cette disposition risque d être également source de contentieux et peut-être de fraude, le consommateur pouvant adapter une nouvelle demande de crédit en fonction des motifs de refus qui lui auront été donnés. Elle est aussi susceptible de donner lieu à contrôle judiciaire des motifs pouvant au final déboucher sur le droit au crédit évoqué ci-dessus. Si la demande de crédit est rejetée en raison des données contenues dans une base de données ou faute de données dans cette base, le prêteur communique immédiatement et gratuitement au consommateur le nom de la base et celui du responsable du traitement. Il l informe de ses droits d accès et de rectification des données le concernant dans cette base. La forme de cette communication n est pas fixée. Elle peut donc être orale (sous réserve des problèmes de preuve). Elle peut cependant être interdite par un texte européen ou national. 14 cf. considérant 24 préc. n 37. 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ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES 1639 c) Décision de refus fondée sur un système automatisé La proposition de directive ne définit pas ce qu est une évaluation négative des perspectives de remboursement 43 - Lorsque la demande de crédit est rejetée sur la base d une décision «automatique» (ou plutôt automatisée) ou d une décision fondée sur des méthodes telles que le «credit scoring» automatisé, le prêteur en informe immédiatement et gratuitement le consommateur. Il lui explique le principe de fonctionnement de la décision automatisée. Le consommateur a alors la possibilité de demander que la décision soit réexaminée selon une procédure non automatisée. Ce régime est difficile à comprendre. Il ne se justifierait que si la décision de refus de crédit était intégralement automatisée. Or, les dispositions en matière de protection des données personnelles interdisent de prendre une décision produisant des effets juridiques à l égard d une personne sur le seul fondement d un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité 15. Par conséquent la note de score par exemple n est qu un élément de la décision finale qui est toujours prise par une personne physique. C. - La réglementation des opérateurs autres que les établissements de crédit 45 - Il s agit de réglementer l ensemble des acteurs de la chaîne du crédit, à savoir les intermédiaires et les prêteurs autres que les établissements de crédit. 1 Mise en place d un statut des intermédiaires 46 - La proposition de directive met en place un régime d agrément, d enregistrement et de surveillance des intermédiaires de crédit, assorti d un système de passeport. Il s agit d une nouveauté par rapport à la directive sur le crédit aux consommateurs. Toutefois, ce régime est proche de celui existant en France, mis à part le passeport européen. Il vise uniquement les intermédiaires intervenant pour les crédits couverts par la présente directive et ne s étend donc pas à l intermédiation en matière de crédit à la consommation. 3 Proposition au consommateur de produits qui ne sont pas inappropriés 44 - Cette nouvelle obligation constitue un exemple supplémentaire de la «mifidisation» du droit du crédit par le texte commenté. Elle est critiquable en ce sens qu elle peut se confondre avec l obligation de conseil que la Commission européenne a écartée 16 et qu elle sera certainement source de litiges. Elle suppose que les prêteurs et les intermédiaires de crédit, au-delà de l évaluation de la solvabilité du consommateur 17 et de l obligation d explication 18, recueillent, comme en matière de conseil, les informations nécessaires sur la situation personnelle et financière ainsi que les préférences et objectifs du consommateur. Ils doivent sur cette base prendre en considération un nombre suffisant de crédits de leur gamme «afin de sélectionner des produits qui ne sont pas inappropriés pour le consommateur». Enfin, il est précisé, comme en matière de conseil, que ces considérations sont fondées sur des informations à jour et sur des hypothèses raisonnables quant à l évolution de la situation du consommateur sur la durée du crédit proposé. Initialement la Commission européenne avait prévu l obligation à la charge du prêteur de proposer des produits appropriés. La reformulation du texte conduirait, selon elle, à un renversement de la charge de la preuve. Il appartiendrait au consommateur de prouver que le crédit qui lui a été proposé était inapproprié. La Commission européenne dispose d un pouvoir délégué pour assurer que le consommateur ne se voit pas proposer des crédits inappropriés. 47 - Définition. - L intermédiaire de crédit est défini comme étant toute personne physique ou morale, qui agissant dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles, contre une rémunération qui peut être pécuniaire ou revêtir toute autre forme d avantage économique ayant fait l objet d un accord, propose aux consommateurs des contrats relevant de la présente proposition de directive, ou les assistent en réalisant des travaux préparatoires, ou conclut des contrats de crédit pour le compte des prêteurs. Cette définition, conforme à celle déjà retenue en matière de crédit à la consommation, exclut les simples prescripteurs (encore dénommés indicateurs). La proposition de directive introduit une nouvelle distinction concernant l «intermédiaire de crédit lié» dont la particularité est qu il agit «pour le compte et sous l entière responsabilité d un seul prêteur ou d un seul groupe». Ce type d intermédiaire n est pas tenu de mentionner l existence de commissions à lui payées par le prêteur. 19 48 - Agrément et surveillance. - La proposition de directive prévoit l agrément et la surveillance de l activité courante de tout intermédiaire de crédit par l autorité compétente de l État d origine (l Autorité de contrôle prudentiel pour les intermédiaires établis en France). Les conditions d agrément sont définies par l État membre concerné, parmi lesquelles devront figurer les exigences professionnelles relatives à la compétence, l honorabilité et la couverture 15 Art. 15 de la directive 95/46/CE et art. 10 de la loi du 6 janvier 1978. 16 cf. supra n 27. 17 cf. supra n 37. 18 cf. supra n 26. 19 cf. supra n 22. 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1639 ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES par une assurance de la responsabilité civile professionnelle. Les États membres doivent assurer la publicité de ces critères. Il est précisé au considérant 34 que les États membres pourront étendre les exigences d agrément et d enregistrement au personnel des intermédiaires de crédit. Toutefois, dans ce cas, la procédure de passeport européen sera diligentée par l intermédiaire de crédit pour l ensemble de ses salariés. L agrément devra être retiré dès lors que l intermédiaire ne respecte plus les conditions d octroi ou s il s avère qu il a obtenu l agrément sur la base de fausses déclarations ou autre moyen irrégulier. 49 - Exigences professionnelles. - Outre les exigences professionnelles évoquées ci-dessus 20, les intermédiaires de crédit doivent répondre à des exigences d honorabilité et disposer d une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant leur activité pour tous les territoires sur lesquels ils proposent leurs services ou toute autre garantie équivalente. Les intermédiaires en sont dispensés lorsque cette assurance ou garantie est fournie par le prêteur ou autre entreprise pour le compte de laquelle ils agissent ou si l entreprise assume l entière responsabilité des actes de l intermédiaire (cas des agents liés). Le montant minimal de l assurance ou garantie pourra être fixé par la Commission européenne sous forme de norme technique de réglementation. 50 - Passeport européen. - La proposition de directive permet à un intermédiaire de crédit agréé dans un État membre d exercer ses activités dans tout autre État membre de l UE sans qu aucun autre agrément ne soit nécessaire dans l État membre d accueil. Comme c est déjà le cas pour les établissements de crédit ou les intermédiaires en assurance, l intermédiaire de crédit devra seulement informer l autorité compétente de l État dans lequel il est établi (État d origine) de son intention d exercer, dans un autre État membre, son activité en libre établissement (par l ouverture d une succursale) ou en libre prestation de services. Dans le délai d un mois après avoir reçu cette information, l autorité compétente du pays d origine notifie à l autorité compétente du ou des États membres d accueil concernés l intention de l intermédiaire de crédit et informe concomitamment ce dernier de cette notification. Celui-ci peut alors commencer son activité dans le pays d accueil dans le délai d un mois à compter de la date à laquelle il a reçu cette information. L exercice de la surveillance de l activité de l intermédiaire de crédit par l autorité compétente de l État d origine repose sur un dispositif de coopération entre les autorités compétentes des États membres. En cas de différent entre autorités nationales, il pourra être fait appel à l Autorité bancaire européenne (ABE) pour résoudre le litige. Si la surveillance courante de l activité de l intermédiaire appartient à l autorité de l État d origine, l État d accueil peut prendre, sous certaines conditions, les mesures appropriées qui s imposent lorsque l intermédiaire contrevient aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive. En outre l autorité de l État d accueil peut également saisir l ABE pour résoudre un différent. 51 - Tenue d un registre des intermédiaires de crédit. - Les États membres devront créer et tenir à jour un registre des intermédiaires de crédit agréés sur leur territoire. Les informations contenues dans le registre ainsi que les éléments d identification des autorités compétentes devront être actualisés en permanence et rendus accessibles au public sous forme électronique de façon aisée et rapide au travers d un guichet unique. En France, le registre tenu par l ORIAS devra faire l objet de légères adaptations. Figurera dans le registre le nom de l intermédiaire. Lorsqu il s agit d une personne morale, il conviendra d indiquer le nom des personnes, au sein du personnel de direction, qui sont responsables des activités d intermédiation. Les États membres peuvent exiger d inscrire également toutes les personnes physiques qui exercent une fonction au contact de la clientèle. Devra être également indiqué le ou les États membres dans lesquels l intermédiaire prévoit d exercer des activités d intermédiaire de crédit soit sous forme de libre établissement soit sous forme de libre prestation de service. Les intermédiaires se voyant retirer leur agrément doivent être rayés du registre dans les meilleurs délais. 2 Encadrement prudentiel des prêteurs autres que les établissements de crédit 52 - Les États membres doivent veiller à ce que les prêteurs autres que les établissements de crédit soient également soumis à l agrément, l enregistrement et à la surveillance par une autorité compétente. Ceci est déjà le cas en France. En revanche, pour ces prêteurs, aucune condition détaillée n est fixée et aucun passeport européen n est prévu. De telles règles ont été jugées inutiles pour l heure compte tenu du faible nombre de ces prêteurs, de leur part de marché limitée et du petit nombre d États membres dans lesquels ils opèrent (considérant 36). 3. Dispositions diverses 53 - Aux règles désormais classiques relatives au mécanisme de résolution extrajudiciaire des litiges (A), à l harmonisation (C) et à la mise en œuvre de la directive (D), s ajoutent le nouveau régime des actes d application (B). 20 cf. supra n 33 s. Page 40 LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N 36-8 SEPTEMBRE 2011

ÉTUDES ET COMMENTAIRES AFFAIRES 1639 A. - Mécanisme de résolution extrajudiciaire des litiges 54 - Selon la formulation de la directive sur les crédits aux consommateurs, il est prévu que les États membres mettent en place des procédures «adéquates et efficaces» de résolution extrajudiciaire des litiges en vue de régler les litiges entre prêteurs et consommateurs mais également, et c est une innovation, entre intermédiaires de crédit et consommateurs. Entre prêteurs et consommateurs, le système de médiation bancaire existe d ores et déjà en France. En outre, les États doivent veiller à ce que ces organes coopèrent activement pour résoudre les litiges transfrontières. L action, éventuellement renforcée, du réseau FIN-NET devrait répondre à cette préoccupation. B. - Les actes d application de la directive 55 - Certains aspects pratiques relèvent d actes délégués ou de normes techniques de réglementation. 1 Actes délégués 56 - Pas moins de sept dispositions citées plus haut renvoient à l adoption par la Commission européenne d actes délégués. Ceux-ci constituent une nouvelle catégorie d acte introduite par le Traité de Lisbonne et prévue à l article 290 du Traité sur le fonctionnement de l Union européenne. Il s agit d actes non législatifs de portée générale (sorte de décrets d application ou normes de niveau 2 dans le processus Lamfalussy) qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l acte législatif de base, c est-à-dire de la directive dans le cas présent. À la lecture de la proposition de directive, il est permis de s interroger sur le caractère réellement «non essentiel» des thèmes pour lesquels des actes délégués sont prévus, par exemple, s agissant des critères de l étude de solvabilité. 2 Normes techniques de réglementation 57 - Une norme technique de réglementation pourra être prise pour préciser le montant monétaire minimal de l assurance de la responsabilité civile professionnelle des intermédiaires de crédit. Ces normes techniques de réglementation sont des actes délégués dont la particularité est qu ils portent sur des éléments techniques justifiant une expertise particulière. Aussi les projets de normes techniques sont-ils élaborés par l Autorité bancaire européenne puis adoptés par la Commission européenne sous forme de règlement. Une clause de réexamen est prévue visant à évaluer cinq ans après son entrée en vigueur la pertinence des dispositions de la directive C. - Harmonisation et caractère impératif 58 - Contrairement à la directive sur le crédit aux consommateurs, la nature de l harmonisation de la directive n est pas précisée. Aucune clause ne pose de façon générale le principe de la pleine harmonisation interdisant aux États de maintenir ou d introduire dans leur droit national d autres dispositions que celles établies par la directive. Cependant, en l absence de précision, la règle de la pleine harmonisation doit s appliquer. C est ce que laisse entendre a contrario le considérant (7) selon lequel «dans les domaines non couverts par la directive, les États membres devraient être libres de maintenir en vigueur ou d adopter des dispositions de droit national». Cette analyse est confortée, également a contrario, par le fait que certains articles de la directive se déclarent d harmonisation minimale (voir les art. 9.1 et 10.1). 59 - Afin d assurer la pleine protection des consommateurs, le caractère impératif de la directive est affirmé. Cette règle signifie que le consommateur ne peut renoncer aux droits qui lui sont conférés par le droit national transposant la directive. De plus, les règles protectrices du consommateur prévues par la directive s appliquent même si la loi choisie par les parties pour régir le contrat est celle d un pays tiers (hors UE). Enfin, les États doivent veiller à ce que les parties à un contrat ne puissent pas contourner l application des dispositions nationales transposant la directive en libellant le contrat de crédit de manière à ce qu il soit exclut du champ d application de la directive (fraude à la loi). D. - Mise en œuvre de la directive 60 - La directive entrera en vigueur le vingtième jour après sa publication au Journal officiel de l Union européenne et elle devra être transposée au plus tard deux ans après son entrée en vigueur. Une clause de réexamen est prévue visant à évaluer cinq ans après son entrée en vigueur l efficacité et la pertinence des dispositions de la directive. Le réexamen portera notamment sur la satisfaction des consommateurs à l égard de la FEIS, les informations précontractuelles obligatoires, le développement de l activité transfrontière des intermédiaires de crédit et des prêteurs, l évolution du marché des prêteurs autres que les établissements de crédit (notamment l évaluation de la nécessité de mesures supplémentaires telles que l instauration d un passeport européen), la nécessité d instaurer des règles pour le stade post-contractuel des contrats de crédit, la nécessité d étendre le champ d application de la directive aux contrats conclus avec les petites sociétés. LA SEMAINE JURIDIQUE - ENTREPRISE ET AFFAIRES - N 36-8 SEPTEMBRE 2011 Page 41