Page 1 sur 5 rubriques l'actu analyses recherche par thème ailleurs des idées en débat médias Paris municipales 2008 société sur le terrain communautés & cultures portraits liens partenaires qui sommes-nous? newsletter contact SOCIETE - Mutilations sexuelles féminines, une réalité sans frontières Entretien avec Justine Rocherieux, formatrice au GAMS (groupe pour l abolition des mutilations sexuelles) Aujourd hui, dans le monde, plus de 130 millions de femmes sont mutilées sexuellement et ce sont, chaque année, 3 millions de jeunes filles ou d adolescentes supplémentaires. La forme la plus courante de mutilation génitale est l excision du clitoris et des petites lèvres, pratiquée dans 80 % des cas ; la forme la plus extrême reste l infibulation, pratiquée dans environ 20 % des cas. Ces mutilations, qui ne relèvent pas du religieux contrairement à l idée reçue, sont pratiquées dans 28 pays du continent africain, dans certains pays d Asie et du Moyen-Orient (Yémen, Indonésie et Malaisie) et dans les principaux pays d immigration. En France, selon une récente étude de l INED*, près de 53 000 femmes - immigrées ou nées sur le territoire français de parents immigrés de pays à risques - seraient victimes de mutilations sexuelles. L étude étant basée sur des femmes majeures et en situations régulières, elle ne révèle probablement pas l ampleur de la situation. PBM - Qu appelle-t-on mutilations sexuelles? Quelles sont les conséquences des ces pratiques pour les femmes qui les subissent? Justine Rocherieux - On appelle mutilations sexuelles l ensemble des pratiques qui portent atteinte de manière radicale à une femme. Cela va de la suppression du capuchon clitoridien, en passant par l ablation du clitoris, des petites lèvres, voire même dans le cas de l infibulation, l ablation suivie d une suture des grandes lèvres. Les conséquences néfastes pour la santé des femmes victimes de ces mutilations sont nombreuses : risque de mort par hémorragie ou par choc cardiaque provoqué par la douleur ; risque d infections dans les jours qui suivent ; conséquences sur la sexualité et sur ce qui a trait à l accouchement (déchirures, fistules). N oublions pas non plus ce qu on a très longtemps négligé, le choc traumatique. Concrètement, sur la toile Le site du GAMS Cabinet Slimane - Avocats Cabinet d'avocats : droit des étrangers, droit au séjour, divorce www.cabinet-slimane.fr Venez vivre au Canada 30 ans d'expérience en immigration. Visa garanti ou argent remis. www.michelbeaubien.com
Page 2 sur 5 c est une jeune fille ou une fillette que l on attrape à plusieurs adultes, que l on va maintenir au sol et que l on va couper à vif, sans anesthésie. Le traumatisme est évident et extrêmement violent. PBM - A quand remonte l origine de ces pratiques, à tort associées à la religion et notamment à l Islam, et quels sont les arguments avancés pour leur perpétuation? Justine Rocherieux - Les historiens font remonter l apparition de ces pratiques à l antiquité égyptienne, avant l apparition des religions monothéistes, et donc de l Islam. D ailleurs, dans beaucoup de régions africaines, même si ces mutilations sont pratiquées par une majorité de musulmans, les minorités religieuses les réalisent également. On peut citer par exemple les dogons au mali qui sont généralement animistes ou catholiques, les éthiopiens, très souvent catholiques ; les juifs falashas toujours en Ethiopie ou les coptes, chrétiens orthodoxes en Egypte. Il a également été dit que ces pratiques relevaient d un rite d initiation permettant aux petites filles de passer au stade adulte. Or, si il y a 40 ans, ces mutilations se pratiquaient au moment de la puberté, aujourd hui et depuis une trentaine d année, la plupart des femmes mutilées le sont dans leur petite enfance, voire tout bébé. Le rite d initiation ou de passage dans un tel contexte ne peut donc être invoqué et si ces pratiques perdurent, c est avant tout parce qu elles appartiennent à une tradition séculaire, et qu elles sont devenues des pratiques intégratrices dans les communautés, nécessaires pour que la femme soit considérée comme fréquentable. Le fait est que le clitoris est le seul organe humain dont la vocation est l excitation, le plaisir et le désir de la femme. Or, dans la plupart des sociétés - et pas seulement dans celles qui excisent - le désir et le plaisir féminin ont toujours été considérés comme dangereux. Une femme qui désire et qui a du plaisir est une femme qui, peut-être, ne sera pas vierge jusqu au mariage, qui, peut être, ne sera pas fidèle, qui ne se conduira pas comme une femme «correcte» et donc sera susceptible de déshonorer sa famille. La femme doit être dans l accession du désir de son mari et non dans la demande. Chirurgie réparatrice Une technique de réparation du clitoris après excision a été mise au point par le Dr Pierre Foldès, chirurgien urologue français. En 2004, une étape marquante a été franchie avec l élaboration d un protocole de chirurgie réparatrice remboursé par l assurance maladie. Cette avancée a ouvert la voie à la réversibilité des lésions qu entraîne PBM - Les excisions sont pratiquées par des femmes, les exciseuses. Qui sont-elles? Peuton pour autant dire que l excision est une «affaire de femmes»? Justine Rocherieux - Pour ce qui est de l Afrique de l ouest, les exciseuses sont des femmes appartenant à la caste des forgerons, caste dans laquelle les hommes sont amenés à manier le feu et le fer, et donc à forger les outils qui servent à la circoncision des garçons et à l excision des filles. Ces femmes, appelées «forgeronnes», «
Page 3 sur 5 l excision et a permis d envisager les potières» ou encore «matrones», sont les conséquences des mutilations sexuelles seules habilitées socialement à pratiquer féminines comme un problème de santé l excision. Ce n est pas pour autant une affaire de publique. Actuellement, une dizaine femmes, c est une affaire sociale et humaine d hôpitaux et de cliniques proposent avant tout. L excision est certes perpétuée par les l opération, principalement en région Ilede-France. Un suivi psychologique est elles-mêmes ont été victimes mais c est ce qu on femmes qui reproduisent sur leurs filles ce dont proposé aux femmes qui subissent cette appelle l asservissement volontaire ou le intervention. conditionnement social. En revanche, le jour où les pères refuseront que leurs filles soient excisées, où les jeunes hommes ne voudront pas d une femme excisée comme épouse, on n excisera plus les filles. PBM - En France, combien de femmes sont mutilées ou menacées de l être? Justine Rocherieux - Concernant la France, l INED retient une estimation moyenne de 53 000 femmes victimes de mutilations sexuelles, avec une hypothèse basse portant le nombre à 42 000 et haute à 61 000. Issues de l immigration, en provenance des anciennes colonies françaises de l Afrique subsaharienne (Mali, Mauritanie, Sénégal, Côte d Ivoire), ces femmes sont essentiellement victimes des mutilations pratiquées dans leur pays d origine : l excision et la petite infibulation, autrement nommée infibulation peule (excision du clitoris et des petites lèvres). La grande infibulation est pratiquée en Afrique de l Est (Somalie, Ethiopie) et nous n avons en France que très peu d immigrés en provenance de cette région, contrairement à l Angleterre ou à la Hollande. Les lois contre la mutilation La France est le premier pays européen à avoir intenté des procès dés 1979 et l un des pays européens les plus avancés, aux côtés de l Angleterre, dans la lutte contre les mutilations génitales féminines sur le plan législatif. En France, les " affaires d excision " ont été jugées en correctionnelle jusqu en 1983 où la cour de cassation a établi que l ablation du clitoris était bien une mutilation au sens du code pénal français. Depuis lors, les procès relèvent de la cour d assises. - La loi condamne et sanctionne toutes les pratiques de mutilation PBM - A quel âge ces femmes sont-elles excisées? Est-ce pratiqué sur le territoire français? Justine Rocherieux - L âge a varié et on pense aujourd hui qu il n y a plus d excisions pratiquées sur le territoire français. On distingue les primo arrivants et la génération née en France après 1975 sur le territoire français. Pour cette seconde génération, la plupart des femmes ont été excisées par des exciseuses, soit au pays d origine durant leurs vacances, soit effectivement sur le territoire français alors qu elles n étaient que des bébés. A cette époque, des exciseuses "travaillaient" sur le territoire français et partaient du principe que non seulement la douleur était moindre chez les nourrissons, mais aussi que l excision pratiquée se remarquait moins. Depuis
Page 4 sur 5 (art.227.7,222.8,222.9 et 222.10 du Code pénal), y compris celles commises à l étranger comme témoignent près de quarante procès d assises depuis 1983 où des pères, mères, des exciseuses ont été condamnés à la prison. Les peines prévues pour l auteur d une mutilation et définies par le code pénal peuvent aller de 10 ans d emprisonnement et 1 50 000 euros d amende à 20 ans de réclusion criminelle. - Des poursuites sont également quelques années, plusieurs procès ont abouti à des condamnations. Par ailleurs, la surveillance des centres de protection maternelle et infantile a été renforcée (examen régulier de la vulve entre 0 et 6 ans). Cela a effrayé les exciseuses mais aussi les parents qui préfèrent maintenant faire exciser leurs filles «au pays». L âge moyen de l excision est donc à nouveau remonté, passant de quelques mois pour les bébés à 6-9 ans, voire à 14-15 ans : âge où les filles sont renvoyées au pays, excisées et mariées de force. possibles pour non-assistance à PBM - En France, les peines encourues par les personne en danger (Art. 223.6). parents et les exciseuses peuvent aller jusqu à - Depuis la loi du 4 avril 2006, la 20 ans de réclusion criminelle, sans compter protection de l Enfance s applique quel les dommages et intérêts. En outre, dans le que soit le pays où la mutilation a été cadre de la protection de l enfance, les pratiquée et sans condition de professionnels sont soumis à un devoir de nationalité française : l auteur pourra signalement. Qu en est-il dans la réalité? être poursuivi en France si la victime est Justine Rocherieux - Le cadre juridique est très de nationalité française ou si elle réside clairement défini et très bien fait. Mais soyons habituellement en France. honnête : sur la quarantaine de procès qu il y a eu - Le professionnel confronté à l excision en assises depuis les années 80, la majorité des est tenu de le signaler à la justice et le condamnations n ont pas été assorties de peines secret professionnel est alors levé lourdes. Le seul procès important est celui de (article 226.13 et 226.14 du code pénal). l exciseuse Hawa Greou à la fin des années 90 qui sévissait en région parisienne et qui a été condamnée à 8 ans de prison ferme. Le procès a été assez retentissant et a eu un impact important, effrayant beaucoup d exciseuses. Depuis lors, on pense qu il n y a plus aujourd hui d excisions pratiquées sur le territoire français. Concernant les professionnels du secteur éducatif, médical ou socio-éducatif, tous ne signalent pas les cas de mutilations. Le signalement est encore perçu comme une forme de délation. PBM - Quelles sont les actions mises en place par le GAMS? Justine Rocherieux - Le GAMS a été créé en 1982. A l époque, la France n était pas encore clairement positionnée par rapport à l excision. Les quelques procès à l époque avaient d ailleurs lieu devant des tribunaux correctionnels et non devant des cours d assises. Le GAMS est donc né de l idée de faire de la prévention auprès des familles africaines résidant en France sur les aspects néfastes de l excision. Au fil des années, nous avons également intégré la problématique des mariages forcés, devenue très présente aujourd hui dans nos activités. Nous avons désormais trois
Page 5 sur 5 missions bien définies sur le territoire français. Une mission de formation, initiale ou continue, auprès des professionnels du secteur social, médico social, éducatif ou judiciaire. Une mission de prévention et de sensibilisation que l on effectue dans les collèges, les lycées, les PMI, les centres sociaux, les foyers, et dans tous les lieux où l on peut rencontrer les populations concernées. Et enfin une mission d accueil, d accompagnement et de soutien aux victimes. Concrètement, en 2007, nous avons reçu au siège plus de 1 500 personnes et nous avons suivi 500 dossiers dans le cadre d un réel accompagnement de ces personnes sur le long terme. Anne Dalbon 06/03/2008 GAMS - 66 rue des Grands-Champs - XXe 01 43 48 10 87 Fax : 01 43 48 00 73 Métro Avron - Permanences les mardi et jeudi de 9h à12h et de 14h à 17h30 - http://pagesperso-orange.fr/..associationgams Charly - Fotolia.com Les textes publiés sur le site Parisiens du bout du monde sont protégés par la législation française du copyright. Toute publication même partielle des textes et des visuels doit être soumise à autorisation ou à négociation de droit d'auteur. Contacter la rédaction du site.