André Gide Les Faux-Monnayeurs
Programme I. Les Faux-Monnayeurs, roman du mal? (autour de la figure du démon/diable dans l'œuvre) II. La question du suicide dans le roman III. Les figures féminines dans l'histoire
I. Les Faux-Monnayeurs, roman du mal? (autour de la figure du démon/diable Roman du diable? dans l'oeuvre) Le traité de la non-existence du diable. Plus on le nie, plus on lui donne de réalité. Le diable s affirme dans notre négation. Ecrit hier soir quelques pages de dialogue à ce sujet qui pourrait bien devenir le sujet central de tout le livre, c est-à-dire le point invisible autour de quoi tout graviterait JFM, p. 34 (I) Présence accrue dans les premières versions (cf JFM) Récurrent chez Gide Gide «pervertisseur de la jeunesse»? Réalité multiple
1. Les victimes Bernard Bernard Profitendieu était resté à la maison pour potasser son bachot; il n'avait plus devant lui que trois semaines. La famille respectait sa solitude; le démon pas. FM, p. 13 (I, 1) Il eut une soûleur, quand l'employé lui demanda dix centimes de garde. Il n'avait plus un sou. Que faire? La valise était là, sur le buttoir. Le moindre manque d'assurance allait donner l'éveil; et aussi le manque d'argent. Mais le démon ne permettra pas qu'il se perde; il glisse sous les doigts anxieux de Bernard, qui vont fouillant de poche en poche, dans un simulacre de recherche désespérée, une petite pièce de dix sous oubliée depuis on ne sait quand, là, dans le gousset de son gilet. FM, p. 86 (I, 10)
Vincent Car, la semaine dernière, il possédait encore les cinq mille francs que sa mère avait patiemment et péniblement mis de côté pour faciliter le début de sa carrière; ces cinq mille francs eussent suffi sans doute pour les couches de sa maîtresse, sa pension dans une clinique, les premiers soins donnés à l'enfant. De quel démon alors avait-il écouté le conseil? La somme, déjà remise en pensée à cette femme, cette somme qu'il lui vouait, lui consacrait, et dont il se fût trouvé bien coupable de rien distraire, quel démon lui souffla, certain soir, qu'elle serait probablement insuffisante? Non, ce n'était pas Robert de Passavant. FM, p. 44-45 (I, 4) La culture positive de Vincent le retenait de croire au surnaturel; ce qui donnait au démon de grands avantages. Le démon n'attaquait pas Vincent de front; il s'en prenait à lui d'une manière retorse et furtive. Une de ses habiletés consiste à nous bailler pour triomphantes nos défaites. [ ] À partir de quoi, le démon a partie gagnée. À partir de quoi, l'être qui se croit le plus libre, n'est plus qu'un instrument à son service. Le démon n'aura donc de cesse, que Vincent n'ait livré son frère à ce suppôt damné qu'est Passavant. FM, p. 142-143 (I, 16)
CCL : démon tantôt positif tantôt négatif : joue comme un révélateur de soi, de son inconscient 2. Les principaux démons Robert de Passavant (Vincent, Olivier) Lady Griffith Vincent (mais chaque personnage peut apparaître comme un démon, ponctuellement)
Questions 1. La présence du démon est-elle récurrente dans l'œuvre de Gide? 2. Y a-t-il une relation entre la présence récurrente du démon et les croyances de Gide? 3. La présence de l'ange et du démon dans l'intrigue fait-elle des FM un roman du mal? 4. Y a-t-il un lien entre démon et suicide? 5. Que symbolise la victoire de Bernard? Pourquoi renonce-t-il à Sarah? Quel est le rôle du camarade orphelin? 6. Comment peut-on comprendre la fin du personnage de Vincent, notamment avec la présence du serviteur?
figure protéiforme et syncrétique (héritage littéraire, philosophique (Socrate), biblique). 3. Le démon de l écrivain/de l écriture? «c est avec les beaux sentiments que l on fait la mauvaise littérature, [ ] il n est point de véritable œuvre d art où n entre la collaboration du démon» Dostoïevski, 1923
II. La question du suicide dans le roman Un traumatisme de jeunesse (Émile Ambresin, 1891) «Il faut que j ajoute ceci : il me semble bien me souvenir qu il me demanda brusquement ce que je pensais du suicide, et qu alors, le regardant dans les yeux, je répondis que, dans certains cas, le suicide me paraissait louable [ ]. J y repensai particulièrement lorsque, à quelques années de là (je l avais, entre-temps, perdu de vue), je reçus le faire-part de la mort d Armand. [ ] C est indirectement que j appris qu Armand s était jeté dans la Seine 3. Si le grain ne meurt, 1921 Un fait divers déclencheur : le suicide d un lycéen à Clermont- Ferrand, en 1909 «de nature à hanter la mémoire» «c est de cette hantise qu est né mon roman» «Lettre sur les faits divers», NRF, 1 er nov. 1926
Récurrent dans l œuvre de Gide : mauvaise conscience fascination pour les «abîmes de la conscience» 1. Le suicide de Boris Le choix du lieu
La pension Keller (1886-1888) (6 e arrondissement)
Les causes Multiples Dans la pension Vedel Demande d Edouard à Mme Sophroniska Promesse d Edouard faite à La Pérouse Encouragements de Bernard à Edouard Billet de consigne permet lecture du Journal d Ed. Nuit de Bernard chez Olivier Fuite de Bernard du logis familial «Fouille» hasardeuse (démoniaque?) Impossibilité de connaître véritablement les raisons d un acte, et donc de juger («Ne jugez pas») 2. Les tentatives ou tentations Olivier La Pérouse Armand
Questions 1. Le suicide est-il une obsession gidienne? 2. Pourquoi la question du suicide est-elle omniprésente dans le roman? 3. Pourquoi les personnages des FM ont-ils une vision totalement différente dans leur façon d'aborder le suicide? 4. La doctoresse (Sophroniska) est-elle en partie responsable de la mort de Boris? 5. Comment s'explique le fait que La Pérouse ne passe pas à l'acte, alors qu'il n'attend plus rien de la vie?
Gide et le suicide?
L Ecole Alsacienne (1877-1887) 109 Rue Notre Dame des Champs (6 e arrondissement)
III. Les figures féminines dans l histoire Rapport complexe de Gide avec les femmes Sa mère, Juliette Gide Son épouse, Madeleine Gide «Les plus belles figures de femmes que j ai connues sont résignées». Journal, 1907 Représentations dichotomiques Figures myth(olog)iques ou biographiques ex : Mélanie Vedel, «Elvire vieillie» Ambivalence : vierges ou figures diaboliques
Des types Les «résignées» Marguerite Profitendieu, Laura Vedel, Pauline Molinier Les mal mariées Marguerite Profitendieu, Laura Vedel, Pauline Molinier Laissons madame Profitendieu dans sa chambre, assise sur une petite chaise droite peu confortable. Elle ne pleure pas; elle ne pense à rien. Elle voudrait, elle aussi, s'enfuir; mais elle ne le fera pas. p. 31-32 (I-II) [Profitendieu à Édouard] c'est que sa mère m'a quitté oui, définitivement, cet été; et que, si lui, voulait revenir, je p. 328 (III-XII) Les mères en mal d autorité Marguerite Profitendieu, Pauline Molinier, Mélanie Vedel
Les figures diaboliques Lady Griffith (Lilian Griffith) «On croit toujours que les femmes ne savent pas réfléchir, mais tu verras que cela dépend desquelles» FM, p. 66 (I, 7) Mme de La Pérouse Mme Sophroniska Autres Rachel la sacrifiée Sarah l émancipée
Questions 1. Pourquoi les figures féminines sont-elles le plus souvent présentées dans des situations dégradantes ou qui ne sont pas à leur avantage? Est -ce une volonté de l'auteur? 2. Pourquoi les figures féminines ont-elles si peu d'impact dans l'œuvre? 3. Les femmes tendent à disparaître à la fin. Peut-on l'expliquer? 4. La plupart des mères sont peu mises en valeur, Pauline Molinier comprise. La vie de Gide peut-elle l'expliquer? 5. Quel est le rôle de Cécile? 6. Lady Griffith n'est-elle pas un personnage surprenant?