Les allergènes moléculaires Utilité dans l allergie alimentaire Monique Fontaine
Raisonnement à l échelon moléculaire = nouvelle manière d aborder le diagnostic allergique! = avantages et limites = nécessite rigueur et méthode Conséquences: = meilleure compréhension des allergies croisées et polysensibilisations = régimes d éviction adéquats
UN DIAGNOSTIC RIGOUREUX NECESSITE - - anamnèse détaillée - - bilan cutané ( pneumallergènes, trophallergènes courants selon l âge et l interrogatoire) - - établissement d un profil allergénique du patient - POUR CE FAIRE : - - - connaitre les protéines allergisantes (allergènes croisant et spécifiques) - - demander des IgE spécifiques représentatives de la famille moléculaire concernée - - déduire les sensibilisations croisées, prédire la sévérité, adapter le régime d éviction
1) Les panallergènes en allergie alimentaire Largement répandus dans le monde végétal et animal Responsables de réactions croisées avec impact clinique variable
1.1 LES PR10 Chef de file Bet v 1 50à 90 % des patients allergiques au pollen de bouleau présentent des allergies croisées - noisette - rosacées (pomme pêche cerise) - apiacées ( carotte-céleri) - fabacées ( arachide, soja ) - actinidiacées ( kiwi) Caractéristiques: - homologues de Bet v 1 principalement dans la pulpe du fruit - chaleur et protéases altèrent les protéines - Σ oral principalement - exceptions: noisette, céleri, arachide, soja PR10 plus stables Réactions + sévères
Mal d 1 Mal d 1 Pomme Malus Domestica
Exemple de réactivité croisée
1.2 les LTP (protéine de transfert lipidique) Prup3 - très stables - très répandues ( végétaux) - non glycosylées ( sauf pariétaire) - Sensibilisation > Europe du Sud - Réactions sévères aux pêches et autres fruits ( rosacées) - sans associations à une pollinose Association à l armoise et au platane décrite mais voie de sensibilisation pas complètement élucidée ( Lavaud,Rev Fr Allergol 2009; 49:427-32 )
- Allergie décrite surtout pour pêche, pomme, cerise - mais aussi maïs, orge, arachide, raisin et chou! - Le risque de signe clinique semble lié à la [] en IgE anti LTP - Les LTP sont présentes dans l enveloppe extérieure des fruits éplucher le fruit peut réduire l allergénicité - Résiste bien à la chaleur et aux protéases symptômes sévères avec les fruits crus, cuits ou modifiés - Forte homologie de structure entre les LTP - Prup 3 représentatif d une allergie à la LTP - Possibilité d avoir Pru p 3 (-) et Cor a 8 (+) rare - rpar j2 = LTP spécifique d une sensibilisation à la pariétaire (ne croise pas)
Mal d 3 Pomme Malus Domestica
1.3 Les profilines Bet v 2 ou Phl p 12 Petites protéines dans le cytoplasme des cellules nucléées Considérées comme allergènes mineurs des pollens et aliments végétaux Forte homologie de structure même entre espèces éloignées Source de nombreuses réactions croisées Prévalence de sensibilisation + forte en Europe du Centre et du Sud Augmente chez les patients sensibilisés à plusieurs pollens ( principalement les graminées)
Forte homologie entre toutes les profilines réactions croisées entre pollens mais aussi entre pollen et latex! Les symptômes déclenchés par les agrumes, le melon, la banane, la tomate.. Marqueurs d une sensibilisation à la profiline Syndrome oral le plus souvent sauf : melon, céleri, orange.. Mais + rare!
1.4 Les CCD (cross-reactive carbohydrate determinant) Epitope de nature glucidique Mux f3 Toutes les protéines ne sont pas glycosylées (LTP) Etudiés principalement parmi les plantes et hyménoptères 30% de chance de trouver une broméline (+) chez un pollinique ou allergique au venin d hyménoptère Comme ces épitopes sont très répandus chez un grand nombre de plantes et invertébrés génèrent des réactions croisées à de nombreux végétaux, au latex, aux hyménoptères et autres invertébrés
Pas de relevance clinique significative MAIS certaines études ont pu démontrer que Parmi les rares patients uniquement sensibilisés aux CCD certains avaient un TPO positif! ( céleri et courgette) Vieths S, Allergy 2002 Tester : Mux f 3 ( ou Broméline)
1.5 Alpha-Gal L homme ne possède pas de glycoprotéine portant la séquence terminale «galactose-ᾳ 1,3 galactose» la structure «ᾳ-gal» est immunogène pour l homme Mise en évidence d une sensibilisation à ᾳ-gal dans une étude sur des sera de patients ayant présenté des symptômes d HS au Cetuximab ( Ac monoclonal chimérique souris-homme) ( Chung CH, NEJM 2008) Les IgE se liant au Cetuximab sont spécifiques de l ᾳ-gal, épitope glucidique porté par le Cétuximab
24 cas d allergie semi-retardée après ingestion de viande rouge liée à la présence d IgE anti α-gal Commins SP & al. JACI 2009;123:426-33 Réactions Cétuximab et viandes mammifères prépondérantes dans les mêmes régions USA Fréquence < 1% dans le NE des USA 20% de réactions parfois sévères dans le SE des USA!! Réaction immédiate et sévère survenant quelques minutes après le 1er contact avec Cetuximab
IgE préexistantes se lient également aux protéines de mammifères ( chien, chat, lait de vache, porc ) Symptômes : réaction anaphylactique, urticaire sévère 3 à 5 heures après consommation de viande rouge! Mais tolérance pour volailles et poissons On a pu démontrer que les IgE anti ᾳ-gal provenaient de la sensibilisation humaine après morsure de tiques répartition géographique! ( Van Nunen SA et all Med J Aust 2009) Remise en question de l inocuité des CCD..!
1.6 Les protéines de stockage (hétérogènes) 2 familles cupines globulines 7 S Arah1 globulines 11 S Arah3 prolamines Albumine 2 S Arah2 Concentration max : graines et noyaux des fruits et légumes Structure stable à la chaleur et protéases Albumine 2S est la + stable la + importante cliniquement Sensibilisation vis-à-vis des protéines de stockage de arachide, soja, fruits à coque et graines = marqueur de risque de sévérité des réactions allergiques
Réactivité croisée complexe cas des sensibilisations à des fruits à coques et/ou à des graines, sans lien de parenté Gly m 5 soja Gly m 6 soja Glycine max Glycine max
1.7 Les tropomyosines rpen a1 et rder p10 Présentes dans les fibres musculaires du cytosquelette des invertébrés ( crustacés, mollusques, insectes, acariens, nématodes ) Présentes chez les vertébrés aussi ( cerveau, fibroblastes ) Marqueurs de réactivité croisée entre invertébrés Homologie de séquence très élevée : au sein d un même groupe taxonomique les pourcentages d identité sont très élevés (crustacés) même s il existe des exceptions Certains travaux estiment possible une induction de l allergie à la crevette par sensibilisation initiale à la Tropomyosine d acarien ou de blatte (Fernandes J et all Clin Exp Allergy 2003), d autres travaux estiment que le lien n est pas prouvé.
Dans le cas de l allergie croisée escargot acarien, l association clinique est admise mais le rôle de la tropomyosine est contesté Protéines stables à la chaleur et aux protéases Induisent des réactions allergiques sévères
1.8 Parvalbumines Gad c1 Allergène prépondérant du poisson Protéines présentes dans les muscles des vertébrés Les ᾳ parvalbumines: poissons cartilagineux (raie, requin, roussette) réaction croisée possible avec grenouille? Les β parvalbumines: homologie variable ( 60 à 90%)
Contenus en parvalbumine non homogènes Ni entre espèces Ni à l intérieur d un même poisson Les muscles rouges sont plus pauvres en parvalbumine Les muscles de la chair blanche sont plus riches Protéines stables à la chaleur et à la digestion Engendrent des réactions systémiques!
2.9 les Albumines protéines principales du sérum Responsables d associations allergiques Σ porc- chat Σ œuf- oiseau Peuvent expliquer réactions croisées entre Viande lait phanères Viande de volaille plumes œuf La réactivité croisée est dépendante du degré d homologie entre les protéines du degré de modification des protéines par la chaleur
A CONNAITRE AUSSI! 2 ) Les allergènes spécifiques Spécifiques d une source allergénique Confirment une vraie sensibilisation Apportent des renseignements particuliers sur le type d allergie, la sévérité potentielle et l évolution de l allergie Exemples: -ovomucoïde (Gal d 1) pour l œuf : risque de persistance de l allergie -5-omega-gliadine (rtri a 19) pour le blé dans l anaphylaxie induite par l exercice -Caséine pour le lait de vache : allergène thermorésistant -2S Albumine de l arachide ( Arah2) marqueur de spécificité de l allergie à l arachide
EN RESUME Tous ces éléments ont leur utilité dans le diagnostic d une allergie alimentaire: - permettent de comprendre les allergies croisées - d appréhender correctement le profil des patients polysensibilisés et aussi polyallergiques - de prédire le risque de sévérité des réactions allergiques - de prédire l évolution de l allergie alimentaire - d éviter des régimes d éviction inutiles.
Quelles sont les limites du raisonnement moléculaire en allergologie? Limitation du nombre de références d IgE spécifiques disponibles Absence de tests cutanés avec des allergènes individualisés Limitation du nombre de dosage remboursés par l INAMI Coût de la puce ISAC
5) Conclusion Un TAC (+) ou la présence d IgE pour une source allergénique, peut refléter de multiples combinaisons de sensibilisations vis-à-vis des allergènes de cette source selon le profil de sensibilisation, le type, les risques, et l évolutivité de l allergie alimentaire peuvent être très différents L allergologie moléculaire est un outil précieux dans la compréhension de l allergie alimentaire L allergologue doit en connaître les bases et en suivre la constante évolution pour en retirer le maximum d informations utiles à son patient Ces connaissances doivent être intégrées au reste du bilan clinique et cutané classiques. V. Mercier. Rev Fr Allergol 52(2012)S19-S26