De la consommation à la citoyenneté



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Transcription:

Le sociographe, 8, 2002 / 23 Carole Marmet De la consommation à la citoyenneté Sur l Action éducative budgétaire (AEB) Notre société prône la consommation comme facteur de croissance et de richesse économique. Certaines personnes sont marginalisées pour n'avoir pas pu ou su maîtriser leur mode de consommation à un moment donné. L'AEB dans les interactions qu'elle induit entre professionnel CESF (Conseiller en économie sociale et familiale) et usager permet à celui-ci de retrouver un sens à son comportement de consommateur ; sens utile sinon indispensable si l'on considère la consommation comme un facteur de citoyenneté. Q ue l'on utilise le terme comme adjectif ou substantif, la notion de citoyen reste floue ; ce qui permet d'ailleurs à chacun d'avoir sa représentation propre de ce dont il s'agit. Ainsi, Dominique Schnapper souligne que l'adjectif citoyen peut désigner un objet «sympathique, amical, social» (2000, p. 9). Mais la définition que propose de la citoyenneté (qualité du citoyen) Dominique Schnapper m'intéresse en ce qu'elle prend en compte ces diverses dimensions du politique au social : «Un individu est un sujet de droit qui dispose de droits civils et politiques ( ) et doit respecter les lois» (ibid., p. 10), en contrepartie, en quelque sorte. L'essentiel est qu'elle précise bien qu'il ne s'agit pas exclusivement de droits individuels mais exercés au sein d'une «communauté» et c'est en ce sens que la citoyenneté est porteuse de lien social : «Le principe de légitimité s'est progressivement traduit dans toutes les formes de la vie sociale» (ibid., p. 11). Ce n'est pas à l'homme en tant qu'entité individuelle que la notion de citoyenneté se réfère mais à la place qu'il occupe dans le groupe qu'il a choisi, citoyen du monde, de son pays, de sa ville, de son quartier.

/ 24 On peut exercer sa citoyenneté, c'est-à-dire participer à la vie politique et sociale, sous diverses formes. Parmi les personnes qui interpellent un travailleur social à un moment donné de leur vie (nommés ici usagers), certaines n'exercent pas ou plus cette citoyenneté ; non de façon délibérée mais parce qu'à cet instant-là, la somme ou la gravité de leurs difficultés ne le leur permet pas. Tel est l'un des problèmes posés aux usagers que je rencontre en qualité de Conseillère en économie sociale et familiale (CESF) dans le cadre de ce que nous appelons l'action éducative budgétaire (AEB). Comment cette intervention peut-elle aider un usager à reprendre intérêt pour des implications ou engagements dans la société, et plus particulièrement dans la société de consommation? Economie familiale et budget : un cadre professionnel D abord il me semble pertinent de préciser le cadre institutionnel de cette intervention AEB. Je préciserai ensuite ce que nous entendons par Action éducative budgétaire. L'association ESF Services est une association loi 1901 créée en 1987, dont l'objectif essentiel est de contribuer à l'amélioration de la vie quotidienne de ses usagers en utilisant les domaines de compétences de l'economie sociale et familiale (dont les plus connus sont le logement et le budget). L'activité de l'association s'organise autour d'actions ponctuelles ou de projets à moyen ou long terme qui nécessitent un partenariat institutionnel, aujourd'hui développé principalement dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. En Languedoc-Roussillon, l'association met en place des projets dans les départements du Gard et de l'hérault, en partenariat avec l'armée de terre et la Gendarmerie. Ceux-ci concernent uniquement le domaine du budget. J'ai retenu la définition proposée par une Caisse d'allocations Familiales (CAF) : l'aeb est une intervention qui vise à aider une famille en difficulté à assumer ses problèmes budgétaires par une aide psychologique, technique pour une meilleure utilisation des ressources humaines et financières, compte tenu de son mode de vie et de ses aspirations. Par définition, cette intervention permettra d'aborder, au travers du budget familial, divers aspects de la vie au quotidien. En bref, nous allons parler d'argent et de consommation. Les AS (assistants de service social) de l'armée de terre ou de la Gendarmerie peuvent avoir à traiter des demandes d'aide financière comme les AS des services sociaux généralistes. Depuis près de trois ans maintenant dans le département de l'hérault, elles peuvent, après avoir évalué une situation, proposer aux usagers de travailler la notion de

De la consommation à la citoyenneté / 25 budget avec un CESF. Des conventions ont été conclues entre les services sociaux de l'armée de terre et de la Gendarmerie qui permettent l'intervention d'un CESF pour une période de 3 ou 6 mois, renouvelable. Ces conventions précisent les modalités exactes d'intervention du conseiller (durée, rythme, tarifs ). L'AS reste référent de chaque usager qui relève directement ou indirectement des deux grandes institutions déjà citées. L'usager a donc un statut lié au travail, un revenu régulier dont le montant peut être variable (en cas de longue maladie par exemple) mais le plus souvent connu par avance. L'orientation vers un conseiller ne se fait pas sur le seul critère des difficultés financières. De l usager au citoyen Au gré des diverses étapes dans la mise en place du contrat introduisant l'intervention du CESF, nous sommes soucieux de laisser à l'usager la tierce part d'engagement et de responsabilité qui lui revient. Dès le départ, l'usager doit trouver, si ce n'est un intérêt, du moins un sens à l'intrusion d'un tiers dans sa vie privée personnelle ou familiale. Il vient demander de l'argent et on l'invite à réfléchir sur les raisons pour lesquelles il vient faire cette demande! Il semble que l'aeb concerne donc principalement des personnes qui acceptent de questionner la nature des difficultés qu'elles rencontrent sur le plan financier essentiellement ; il s'agit de chercher ensemble les solutions les mieux adaptées à leur situation de façon à leur permettre d'atteindre une autonomie durable dans la gestion de leur budget. Ensuite, au-delà du questionnement, il peut s'agir de modifier certaines façons de faire ; il faut donc pour le moins que l'usager accepte l'idée du changement possible de certaines habitudes. Un premier entretien réunit les signataires du contrat : usager, conseiller et assistant social. C'est un moment crucial, celui des premières impressions de part et d'autre. L'AS présente le CESF dont elle a déjà parlé à l'usager. Il est utile d'expliquer qui sont-ils et comment ils travaillent pour permettre à l'usager de situer l'intervention par rapport à une mesure de tutelle notamment. Ensuite, seront exprimés dans l'ordre les difficultés de l'usager, les causes repérées de celles-là et le regard qu'il porte sur ces difficultés (se sent-il victime, impuissant, coupable?). Nous lui demandons de formuler ses attentes particulières. L'AS précisera également ce qu'elle attend de ce travail de façon à ce que l'on puisse définir des objectifs communs à cette intervention. En fonction de ces objectifs, des rôles seront confiés à chacun. Il est cependant clair que les objectifs initiaux sont pour la plupart rediscutés, réévalués, simplement parce que le sens évolue avec le travail effectué.

/ 26 Une fois qu'un accord est trouvé sur les objectifs de travail et leur mise en œuvre, le contrat peut être signé. C'est un document écrit dont chacune des parties détient un exemplaire. Il peut être rompu à tout moment sur demande motivée de l'une des trois parties. Chaque intervention est spécifique et pose la question de l'implication de l'usager notamment dans les situations graves qui nécessitent une intervention immédiate pour éviter des saisies ou ventes de biens par exemple. Lorsqu'il y a surendettement depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, il est parfois nécessaire que le conseiller prenne les choses en main, l'usager étant particulièrement découragé, incapable de réfléchir ou d'agir par lui-même. Parfois, il suffit d'un travail de médiation pour permettre à l'usager de renouer le dialogue avec le débiteur. En dehors des situations graves et urgentes, l'une des phases essentielle et particulièrement intéressante de l'intervention est celle qui peut durer plusieurs semaines pendant laquelle l'usager va interroger son rapport à l'argent et à la société de consommation, tenter de comprendre la situation dans laquelle il se trouve. Cette phase nécessite un accompagnement plus ou moins distant mais vigilant car elle peut remettre en cause des équilibres fragiles. Pendant cette période, il est particulièrement pertinent de travailler en équipe, avec l'as qui connaît souvent l'usager depuis plus longtemps, avec les collègues de travail, ou avec le psychologue superviseur qui aide à réfléchir, analyser les situations lorsque le besoin s en ressent. Lorsqu'un usager parvient à bien analyser la situation, il est mieux à même de situer le niveau de ses responsabilités. C'est un point de départ intéressant pour travailler la notion de dette, d'engagement, de victime ; c'est aussi un moyen pertinent pour évaluer ses besoins en matière de conseils d'ordres divers, d'informations, de techniques budgétaires Prendre conscience de ses responsabilités et réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour les assumer permet aussi à l'usager de «redresser la tête» et de vivre plus aisément certaines situations. La prise de conscience Les difficultés de gestion budgétaire ne sont pas liées à une incompétence particulière. Souvent une conjonction d'évènements (familiaux, professionnels ), concourt à instaurer ou aggraver des difficultés budgétaires, financières. Les usagers apprécient alors l'intervention d'une personne avec qui ils vont pouvoir parler éventuellement d'autres choses. Une AEB ne peut donc être seulement une éducation au budget. L'une des étapes de l'accompagnement consistera bien entendu à la recherche d'outils les mieux adaptés au fonctionnement de l'usager, de sa famille (tableaux, logiciels, comptes à la semaine, au mois, utilisation stricte de

De la consommation à la citoyenneté / 27 liquidités bannissant cartes et chéquiers ) mais nous sommes aussi souvent amenés à aborder la répartition des dépenses sur les différents postes budgétaires. Nous allons donc travailler sur les choix très personnels que font consciemment ou inconsciemment les usagers. Consommer, d un acte politique à un acte citoyen Il existe des données chiffrées qui permettent de travailler cette notion de répartition des dépenses de façon un peu générale et objective ; il ne peut s'agir que d'indicateurs, bien entendu. Ils permettent d'étudier la répartition des postes budgétaires, de l'analyser de façon à déterminer s'il y a dysfonctionnement et, le cas échéant, la nature de celui-ci. Comme nombre d'entre nous, les usagers sont confrontés à la difficulté de définir en toute sérénité leurs besoins en faisant abstraction des sollicitations nombreuses, répétées que nous adresse la société de consommation. Consommer intervient dans la satisfaction des besoins les plus primaires (manger, se vêtir) comme des plus complexes (réalisation, estime de soi). Consommer est donc un acte tout à la fois banal en ce qu'il semble élémentaire dans sa réalisation et les conséquences immédiatement visibles qu'il produit, et extrêmement complexe parce que subjectif, révélant notre personnalité à l'environnement extérieur. Cet environnement est notamment construit autour des discours publicitaires, politiques et économiques ambiants. Rationaliser l'acte d'achat c'est tout d'abord travailler à définir ses besoins, se situer dans le concret du quotidien. Les CESF sont préparés tout au long de leur formation à ce travail. Ils étudient les domaines correspondant aux différents postes budgétaires (logement, alimentation, habillement) de façon à pouvoir appréhender plusieurs dimensions d'une problématique. Cette démarche fait partie intégrante d'un accompagnement au budget. Les familles, qui font l objet de ce travail, ont des revenus plutôt réguliers et stables. Elles peuvent donc procéder à des choix malgré le sentiment contraire qu'elles ressentent. Nous allons donc, à partir des postes budgétaires déjà évoqués, travailler ensemble à partir de la notion de besoin, travail auquel elles associent ensuite les autres consommateurs du ménage. De cette démarche adaptée à chaque situation particulière émerge des questionnements, parfois même des propositions de faire différemment. Cela peut être de se réunir pour élaborer un menu hebdomadaire qui tiendra compte des goûts de chacun, de l'équilibre alimentaire et budgétaire. Cette démarche aboutit à une seconde complémentaire : établir une liste des courses pour limiter le plus possible les achats ; car à partir d'une liste, il est possible de déterminer plus vite et mieux la nature et la quantité du superflu de façon à être plus vigilant par la suite. C'est généralement le moment où

/ 28

De la consommation à la citoyenneté / 29 sont abordées les questions, les réflexions liées aux difficultés de faire la part des choses vis-à-vis de toutes les sources d'influences que le consommateur subit au delà de ses propres pulsions, le contexte social, professionnel dans lequel il évolue mais aussi et surtout la publicité télévisée. Si l'on veut s'en tenir à des données qui relèvent de la technique en économie sociale et familiale, on cherchera plutôt à s'informer sur la qualité des produits, leur rapport qualité/prix, leur utilité, leur mode d'utilisation Pour appuyer ce type de raisonnement on peut s'appuyer sur des publications spécifiques telles que : Que choisir?, 60 millions de consommateurs, Le Particulier Les informations précisées par ces magazines concernent autant les biens que les services. Au-delà des conseils qu'elles prodiguent en matière d'achat, elles informent sur les recours possibles lorsque le fabricant ou le vendeur ne respecte pas ses propres engagements. Certaines émissions de radio permettent également de s'informer, notamment sur la qualité des aliments que l'on consomme (1) à travers les processus de production, de distribution, de conservation apprendre l'exigence. On peut choisir de pousser la réflexion plus avant en choisissant des produits pour des raisons d'ordres divers, affectif, politique, idéologique ou parce qu'ils représentent une façon de produire différente, soucieuse de redistribution équitable (2). Consommer citoyen, cela peut être aussi se poser des questions sur les conséquences de nos actes. Quel sens donner au fait d'accumuler des biens qui assurent tous la même fonction? Au-delà des questions qu'elle suscite individuellement, le surendettement nous interroge en tant que membre d'une collectivité. Nos sociétés riches sont de plus en plus confrontés à des problématiques spécifiques liées à une consommation qui se grippe : l'élimination des déchets, les divers types de pollution, le gaspillage Cette intervention que j'ai tenté d'expliciter représente l'aspect éducatif de l'accompagnement au budget tel que je le conçois. Il ne s'agit pas seulement de transmettre un savoir, de penser pour l'usager. Il s'agit bien de mettre en commun, de partager durant un temps précis, un ensemble d'informations, de réflexions, de points de vue de façon à négocier, trouver des compromis, des solutions durables aux problématiques qui ont motivé l intervention. L AEB met régulièrement en question notre rapport social, non seulement en tant que professionnel, mais aussi dans la façon d'exercer sa citoyenneté. (1) Par exemple, l émission de JP. Coffe, «Ca se bouffe pas, ça se mange», tous les samedis de 12h à 13 h, France Inter (2) Cf. Economie et Humanisme, juillet 2001 Bibliographie Schnapper D.,Qu'est-ce que la citoyenneté, Paris : Folio, 2000 Economie et humanisme, 357 : Quel pouvoir pour les consommateurs, juillet 2001 Motsclefs budget / citoyenneté / consommation / endettement / publicité