COUR SUPÉRIEURE «Procédure allégée»



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Transcription:

Caouette (Société R. Caouette & Fils enr.) c. Promutuel Bagot, société mutuelle d'assurances générales 2006 QCCS 143 CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE ST-HYACINTHE COUR SUPÉRIEURE «Procédure allégée» N o : 750-17-000794-051 DATE : 19 JANVIER 2006 SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L HONORABLE LISE MATTEAU, J.C.S. LUC CAOUETTE et MICHEL CAOUETTE faisant affaires sous la raison sociale LA SOCIÉTÉ R. CAOUETTE & FILS ENR. Demandeurs c. PROMUTUEL BAGOT, SOCIÉTÉ MUTUELLE D'ASSURANCES GÉNÉRALES Défenderesse et ME JEAN MARQUIS Mis en cause JUGEMENT [1] Luc Caouette et Michel Caouette (Caouette & Fils) demandent la révision d'une sentence arbitrale rendue le 31 mai 2005 par Me Jean Marquis (l'arbitre) et accueillant en partie leur réclamation contre leur assureur, Promutuel Bagot, Société Mutuelle d'assurances générales (Promutuel). JM1895

750-17-000794-051 PAGE : 2 LES FAITS [2] Caouette & Fils, qui exploite une ferme porcine, était assurée auprès de Promutuel. [3] Le 19 octobre 2002, un incendie détruisait un des bâtiments d'élevage, causant la perte des bêtes qui s'y trouvaient et l'interruption des opérations jusqu'à la fin février 2003. [4] N'ayant pu s'entendre avec Promutuel sur le montant de l'indemnité à laquelle elle avait droit, Caouette & Fils l'avisait le 23 avril suivant qu'elle entendait se prévaloir de la clause d'arbitrage prévue au contrat d'assurance les liant. [5] Cette clause est libellée comme suit: «( ) 10. CONTESTATION-ARBITRAGE En cas de contestation portant sur la nature, l'étendue ou le montant des dommages ou sur la suffisance du remplacement ou de la réparation, et indépendamment de tout litige mettant en cause la validité du contrat, un arbitrage doit intervenir. Dès lors: - chaque partie nomme un expert; - les deux experts ainsi nommés: - s'adjoignent un arbitre désintéressé; - opèrent en commun pour l'estimation des dommages, établissant séparément ceux-ci et la valeur vénale des biens, ou pour l'appréciation de la suffisance des réparations ou du remplacement; - en référent à l'arbitre en cas de désaccord. Faute par l'une des parties de nommer son expert dans les sept (7) jours francs du moment où l'avis écrit de la partie adverse lui est parvenu ou par les experts de s'entendre sur le choix de l'arbitre dans les quinze (15) jours de leur nomination ou en cas de refus ou indisponibilité d'un expert ou de l'arbitre, la vacance ainsi créée doit être comblée sur requête d'une des parties, par un tribunal ayant juridiction sur l'endroit de l'arbitrage. Quant au reste, la procédure à suivre est celle prévue aux articles 940 à 951 du Code de procédure civile (L.R. 1977, c. C. 25). Chaque partie supporte les frais et honoraires de son expert et la moitié des frais et honoraires de l'arbitrage. ( )» 1 (Le Tribunal souligne) 1 Pièce P-1, page 16 de 44.

750-17-000794-051 PAGE : 3 [6] Promutuel n'ayant pas donné suite à cette demande, Caouette & Fils présentait, au mois de juin suivant, une Requête en arbitrage et en nomination d'un arbitre 2. [7] En août 2004, les parties signaient une Convention précisant les conditions d'un arbitrage prévoyant notamment ce qui suit: «( ) 2.- L'arbitrage se déroulera selon les dispositions des articles 940 à 951.2 inclusivement du Code de procédure civile et 2638 à 2643 du Code civil du Québec sauf entente des parties, le cas échéant; ( )» 3 [8] Le 31 mai 2005, après huit (8) jours d'audition, l'arbitre signait sa sentence où il accorde à Caouette & Fils 8 102,65 $ de plus que ce que lui offrait Promutuel 4. LES PRÉTENTIONS DES PARTIES [9] À l'appui de sa requête, Caouette & Fils soutient que l'arbitre a commis plusieurs erreurs manifestement et substantiellement déraisonnables dans l'appréciation qu'il a faite de la preuve. Essentiellement, les reproches qu'elle lui adresse peuvent se résumer comme suit: il a statué à tort qu'elle avait accepté une diminution de 146 260,09 $ et un ajout de 21 780,56 $ sur le montant des dommages reliés au bâtiment 5 ; il a statué à tort que la facture de 118 773,15 $ émise par Constructions Richard Deslandes Inc. incluait le coût de la construction d'un garage au montant de 215 000 $, un travail par ailleurs tout à fait étranger à l'incendie dont il est ici question 6 ; il a statué à tort que l'indemnité proposée par l'ajusteur dont les services avaient été retenus par Promutuel se situait entre les estimés respectifs des parties 7 ; contrairement à ce qui était précisé au contrat d'assurance, il a omis de retenir la dépense qu'elle a réellement encourue et qui est celle qui représente selon elle le plus fidèlement le coût de reconstruction du bâtiment 8 ; 2 3 4 5 6 7 8 Article 941.2 du Code de procédure civile (C.p.c.). Pièce P-37. Pièce P-38. Requête en révision judiciaire, par. 52. Id., par. 57 et 58. À l'audience, le procureur de Caouette & Fils a reconnu que cette erreur, si erreur il y avait, n'avait pas été déterminante et n'avait pas influé sur la décision de l'arbitre. Id., par. 60. Id., par. 62.

750-17-000794-051 PAGE : 4 il a statué à tort que l'achat de porcelets était sans influence sur la date de remise en état du bâtiment ainsi que sur celle de la reprise normale des activités assurées 9 ; en statuant qu'il s'agissait d'un seul et même troupeau, il a confondu l'achat de porcelets de Vita avec l'achat du troupeau de truies de Lucalain, concluant ainsi à l'insuffisance de la couverture d'assurance 10 ; compte tenu du comportement de Promutuel dans toute cette affaire, il a omis d'accorder l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec 11. [10] Pour sa part, Promutuel plaide d'abord que la requête est irrecevable. Elle soutient en effet qu'une sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage consensuel ou privé, comme c'est le cas en l'espèce, ne peut faire l'objet d'une révision judiciaire. [11] Elle soumet par ailleurs que la requête est mal fondée en ce qu'on y reproche à l'arbitre d'avoir mal apprécié la preuve, alors que cette question relève de sa compétence exclusive. [12] Promutuel soutient en outre ce qui suit: Quant aux dommages au bâtiment: l'arbitre a eu raison d'affirmer que l'évaluation des experts respectifs des parties étaient à toutes fins pratiques identiques en termes d'évaluation au pied carré, leurs divergences se situant plutôt sur l'étendue et la nécessité des travaux en relation avec le sinistre assuré; 12 les seules autres divergences qu'entretenaient les parties portaient sur la nature des équipements à remplacer, en tenant compte notamment d'escomptes importants dont Caouette & Fils avait bénéficiés et qu'elle avait omis de mentionner; 13 l'arbitre a eu raison d'adjuger comme il l'a fait relativement aux frais d'administration et de profits que réclamait Caouette & Fils, alors que c'est elle-même qui avait géré les travaux; 14 9 10 11 12 13 14 Id., par. 64. Id., par. 70 et 72. Id., par. 74. Contestation, par. 19, 20, 21, 25 et 27. Id., par. 22 et 27. Id., par. 23, 26 et 27.

750-17-000794-051 PAGE : 5 ANALYSE Quant à la perte de bénéfices et pertes supplémentaires: le contrat d'assurance limite à 10 000 $ l'indemnité payable à titre de dépenses supplémentaires, alors que Caouette & Fils réclamait 92 349 $ à ce titre; 15 l'arbitre a retenu le témoignage et le rapport de l'expert dont Promutuel avait retenu les services et a conclu que la valeur d'une truie, par ailleurs indemnisée par l'assurance, comprenait les produits dont les truies étaient gravides, le tout tel que spécifiquement reconnu par l'ensemble du milieu 16. [13] Il convient dans un premier temps de statuer sur la compétence de cette Cour à disposer de la présente requête. [14] Comme le soulignait en 1995 madame la juge Danielle Blondin dans l'affaire Entreprises Électrica Inc. c. Nova Construction (Marcel Parent) Inc.: 17 «Depuis l'arrêt Roberval Express c. Union des chauffeurs de camions 2, il ressort une nette tendance de la jurisprudence et de la doctrine pour reconnaître que le recours fondé sur l'article 846 C.p.c. n'est recevable qu'à l'encontre d'un tribunal statuaire, c'est-à-dire un organisme qui tient sa juridiction de la loi par opposition à un arbitre conventionnel qui doit sa compétence à la volonté des parties.» 18 [15] C'est d'ailleurs le principe qu'énonçait la Cour d'appel quelques années plus tôt alors qu'elle écrivait: «Considérant que le recours à l'évocation, en vertu de l'article 846 C.P., n'est pas alors ouvert aux parties pour attaquer les décisions de l'arbitre consensuel, mais se limite à la révision de celles des tribunaux à caractère statutaire ( )». 19 [16] Dans leur Précis de procédure civile du Québec 20, les auteurs Denis Ferland et Benoit Emery écrivaient en outre ce qui suit: «( ) 119. Il n'y a pas d'appel ni d'évocation ni de révision judiciaire 225 contre la sentence arbitrale, car l'article 947 C.p.c. prescrit que la demande d'annulation de la sentence arbitrale est le seul recours possible contre celle-ci. Dans 15 16 17 18 19 20 Id., par. 28 et 29. Id., par. 30 à 34. 200-05-001268-940 et 200-05-001285-936 (C.S. Québec), le 1 er mai 1995, AZ-95021513. Id., page 4 de 6. Les Tuyaux Atlas, une division de Atlas Turner Inc. c. Paul Savard et Terrasol Inc. et Produits municipaux B.C.M. Ltée et autre, [1985] R.D.J. 556, p. 557. Denis FERLAND et Benoit EMERY, Précis de procédure civile du Québec, Les Éditions Yvon Blais Inc., 4 e Éd., 2003.

750-17-000794-051 PAGE : 6 Cloutier c. Marquis 226, la Cour supérieure a statué que même si le recours en évocation était admissible, elle verrait en l'article 947 C.p.c. une espèce de fin de non-recevoir s'apparentant à une clause privative. La juge Thibault, alors qu'une sentence arbitrale fut attaquée par requête en révision judiciaire de l'article 846 C.p.c. 227, a précisé que le fait que l'arbitrage consensuel fasse l'objet d'une attention du législateur au Code de procédure civile ne transforme pas ce tribunal privé en tribunal statutaire puisque l'arbitre ne tire pas ses pouvoirs de la loi, mais de la volonté des parties. 120. La jurisprudence qui traite de l'irrecevabilité de la requête en révision à l'encontre d'une sentence arbitrale affirme de façon répétée que l'arbitre n'est pas un tribunal au sens des articles 33 et 846 C.p.c. Il n'est pas, non plus, une autorité étatique étrangère au sens de l'article 3161 C.c.Q. qui rend des jugements. ( )» 21 (Les caractères gras sont dans le texte) (Le Tribunal souligne) [17] À l'audience, le procureur de Caouette & Fils a reconnu que le présent recours ne constituait pas une demande d'annulation de la sentence de l'arbitre Marquis (article 947 C.p.c.). À tout événement, le Tribunal est d'avis que même si tel avait été le cas, ce recours aurait été voué à l'échec puisque le dossier tel que constitué ne fait voir aucun des motifs d'annulation prévus à l'article 946.4 C.p.c. et ne fait état d'aucun manquement de l'arbitre à une règle de justice fondamentale. [18] Vu ce qui précède, le Tribunal conclut que la requête en irrecevabilité de Promutuel est bien fondée et, partant, que celle de Caouette & Fils doit être rejetée. [19] Le Tribunal tient toutefois à souligner que même si la Requête en révision judiciaire avait été recevable, il ne l'aurait pas accueillie. [20] Caouette & Fils reproche en effet à l'arbitre d'avoir mal évalué et mal apprécié la preuve et, dans l'analyse qu'il en a faite, d'avoir commis des erreurs à ce point manifestes que le Tribunal serait justifié d'intervenir. [21] Or, Promutuel nie que tel a été le cas et, dans le cadre de la contestation écrite qu'elle a produite, elle y allègue des faits qui amènent le Tribunal à douter sérieusement des allégations de Caouette & Fils. [22] Comme il n'y a eu ni enregistrement ni transcription des débats, le Tribunal voit mal sur quoi il pourrait se baser pour porter un jugement de valeur sur l'analyse qu'a faite l'arbitre de la preuve administrée devant lui et des conclusions qu'il en a tirées. 21 Id., p. 837

750-17-000794-051 PAGE : 7 POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL: ACCUEILLE la Requête en irrecevabilité présentée par la défenderesse; REJETTE la Requête en révision judiciaire présentée par les demandeurs; LE TOUT, avec dépens. Me Normand Auger BELZILE, AUGER, GARNIER Procureur des demandeurs Me Frédéric Sylvestre SYLVESTRE & ASSOCIÉS Procureur de la défenderesse Date d audience: 28 novembre 2005 LISE MATTEAU, J.C.S.