ARBITRAGE DE GRIEF EN VERTU DU CODE DU TRAVAIL DU QUÉBEC (L.R.Q., c. C-27) CENTRE HOSPITALIER LE GARDEUR
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1 ARBITRAGE DE GRIEF EN VERTU DU CODE DU TRAVAIL DU QUÉBEC (L.R.Q., c. C-27) ENTRE : SYNDICAT DES INFIRMIERS ET INFIRMIÈRES DU CENTRE HOSPITALIER LE GARDEUR ET : ET : CENTRE HOSPITALIER LE GARDEUR JULIENNE GAGNON, LYNE BOUCHARD, JOSEE HENEAULT ET LUCIE TRUDEL (L «EMPLOYEUR») ( LE «SYNDICAT») (LES «PLAIGNANTES») CHOIX DE VACANCES DÉMÉNAGEMENT DE L ÉTABLISSEMENT SENTENCE ARBITRALE Tribunal M e Serge Brault, arbitre unique Comparutions pour l Employeur : M e Louis A. Lafrenière (Monette, Barakett) procureur, assisté de : M. Richard Comeau, directeur des ressources humaines Comparution pour le Syndicat : M e Daniel Fournier (FIIQ), procureur, assisté de : Mme Arlette Simard, agente de griefs; Mmes Lucie Trudel, Josée Hénault, Lyne Bouchard et Julienne Gagnon, plaignantes Date d audience : 13 février 2004 Lieu de l audience: Repentigny, Québec Date de la sentence : 16 mars 2004 Adjudex inc QP S/A
2 Page: 2 I INTRODUCTION [1] Cette sentence décide de cinq griefs, un collectif et quatre individuels, présentés par le Syndicat des infirmiers et infirmières du Centre hospitalier Le Gardeur, le «Syndicat», contre le Centre hospitalier Le Gardeur, ci-après l «Employeur». Les griefs reprochent à l Employeur de ne pas permettre aux infirmières qui en ont fait la demande de prendre leurs vacances pendant le mois d avril [2] Le grief collectif daté du 11 août 2003 se lit ainsi : «Contestation : Le syndicat conteste le fait que l employeur refuse que les infirmières puissent prendre des vacances les semaines du et 25 avril 2004 sous prétexte que nous déménageons. Réclamation : Le syndicat demande à l arbitre de déclarer cette décision illégale, abusive et contraire à la convention collective FIIQ en vigueur. Le syndicat demande à l arbitre d ordonner à l Employeur que les infirmières puissent prendre leur congé annuel comme le prévoit la convention collective en vigueur. De plus le syndicat réclame en son nom et aux noms des infirmières lésées réparation pour préjudices subis et des dommages moraux.» [3] Les quatre autres griefs, déposés au nom de mesdames Lyne Bouchard, Josée Héneault, Julienne Gagnon et Lucie Trudel, les «plaignantes», sont datés respectivement du 20 août 2003, 11 septembre 2003, 23 septembre 2003, 24 septembre Ils sont essentiellement au même effet que le grief collectif. [4] Les dispositions pertinentes de la convention collective sont les suivantes: Article 21 CONGÉ ANNUEL La période de référence donnant droit aux vacances s établit du 1 er mai une année au 30 avril de l année suivante. Le droit au congé annuel est acquis au 1 er mai de chaque année. [ ] Période de congé annuel La période du congé annuel s étend du 1 er mai d une année au 30 avril de l année suivante.
3 [ ] Affichage de liste L Employeur affiche, avant le 1 er mars et le 15 août, une liste des salariées avec leur ancienneté et le quantum de congés annuels auxquels elles ont droit, ainsi qu une feuille d inscription. Une copie de la liste est remise à la représentante locale Inscription Les personnes salariées inscrivent leur préférence avant le 15 mars et le 1 er septembre. [ ] L Employeur détermine la date des congés annuels en tenant compte de la préférence exprimée par les salariées et de leur ancienneté dans l établissement, mais appliquée entre les salariées travaillant dans un même centre d activités Affichage du programme L Employeur affiche le programme des congés annuels au plus tard le 1 er avril et le 1 er octobre. Ce programme demeure affiché durant toute la période du congé annuel. Page: 3 [5] Les parties ont reconnu l arbitre valablement saisi des griefs et n ont soulevé aucun moyen à l encontre de la procédure suivie. Elles ont également convenu que l arbitre demeure saisi de la question de réparation dans l éventualité où il était fait droit à l un ou l autre des griefs. II LA PREUVE [6] L Employeur, un centre hospitalier, sait depuis longtemps qu il doit être entièrement relocalisé dans des nouvelles installations au cours du mois d avril En prévision du déménagement, l Employeur annonçait dès août 2003 qu il serait impossible pour quiconque de prendre des vacances en avril Un avis à cet effet affiché à l intention de tous se lit ainsi : «A tout le personnel syndiqué Objet : Restrictions dans les choix de congés annuels en raison du déménagement d avril 2004 Tel que déjà annoncé lors des rencontres avec l ensemble du personnel en avril dernier, des restrictions relatives aux choix de congés annuels seront appliqués en raison du déménagement dans la nouvelle bâtisse en avril prochain.
4 Ainsi, aucun membre du personnel syndiqué ne sera autorisé à prendre des congés annuels lors des semaines suivantes : - semaine débutant le dimanche 4 avril 2004, - semaine débutant le dimanche 11 avril 2004, - semaine débutant le dimanche 18 avril 2004, - semaine débutant le dimanche 25 avril 2004, Nous sommes convaincus que vous comprenez les raisons qui justifient cette position de l employeur et vous remercions de votre collaboration.» Page: 4 [7] Bien qu au fait de cette annonce, les quatre plaignantes ont en conformité de la convention collective présenté des demandes de vacances pour l une ou l autre des périodes où l Employeur avait prévenu qu il n en accorderait pas. [8] C'est sur la foi de cette décision de l été 2003 que l Employeur a refusé les demandes de vacances des plaignantes pour la période d avril [9] Les plaignantes Bouchard, Gagnon et Trudel, toutes trois infirmières, sont venues expliquer les raisons pour lesquelles elles avaient demandé de prendre leurs vacances en avril et les inconvénients que leur causait le refus de l Employeur. [10] De plus, selon la plaignante Bouchard qui travaille à l urgence, il y a environ 150 infirmières aptes à y travailler alors que le service ne compte que 75 postes. Selon elle, il est facilement possible pour l Employeur de l y remplacer sans difficulté. [11] Madame Arlette Simard, infirmière à la salle de réveil, est agente syndicale libérée à temps plein. Elle explique en substance que même si bien plus d employés qu avant prennent leurs vacances en dehors de la période d été, il n y en a toujours pas beaucoup qui les prennent en avril. [12] S appuyant sur des données d avril 2003, elle explique que la semaine où il y en avait eu le plus avait été celle du 6 avril, où 22 infirmières avaient pris des vacances. En somme, selon l infirmière, en avril, il y a beaucoup plus d infirmières disponibles que de postes à combler, de sorte qu on peut affirmer que le remplacement des quatre plaignantes ne poserait vraisemblablement aucun problème.
5 Page: 5 [13] Interrogée sur la «politique» affichée en août 2003, et évoquée plus haut, madame Simard reconnaît que le déménagement avait été discuté au Comité communément appelé «Focus Group», un comité de partenariat qui réunit tous les représentants syndicaux une fois par mois. Selon le témoin, certes l Employeur avait laissé entendre lors des réunions de ce comité qu il anticipait avoir besoin de plus de personnel pour le déménagement mais, affirme-telle, il n avait jamais été question de restreindre les périodes de vacances. [14] Se référant ensuite à un document patronal intitulé «Séquences de déménagement et de transferts d activités cliniques révisés», madame Simard ajoute que, selon ce dernier, le déménagement n est de toute façon censé avoir lieu qu à compter du 13 avril de sorte que les deux premières semaines du mois auraient pu être ouvertes pour les vacances. [15] Madame Ghislaine Hotte, directrice clinique, travaille chez l Employeur depuis janvier Elle y est entre autre chargée du déménagement pour sa direction. Elle affirme que la décision de ne pas accorder de vacances en avril 2004 en raison du déménagement de l hôpital remonte à des discussions du Comité de direction de l hôpital dont elle fait partie. La décision de déménager précisément en avril s est prise en considération du fait que c est la période de l année où les vacances sont à leur minimum. Ainsi, on pénaliserait le moins de gens possible. [16] Madame Hotte explique que le déménagement requiert beaucoup de travail et énormément de ressources, non seulement pendant le déménagement, lui-même étalé sur quelques jours, mais aussi avant et après. [17] Selon madame Hotte, l établissement a calculé qu il allait avoir besoin de tout son personnel pour faire ce déménagement correctement, notamment en raison du fait que pendant cette période l établissement se retrouverait sur deux sites à la fois, sans compter que du personnel infirmier allait être requis pour escorter tous les patients qui seront en transit d un site à l autre. [18] Monsieur Richard Comeau, directeur des ressources humaines, a participé à la décision d interdire la prise de vacances au mois d avril Selon lui, ce sujet avait bel et bien été abordé en mars 2003 au Comité de partenariat.
6 Page: 6 III PLAIDOIRIES Syndicat [19] Le procureur soutient que l Employeur ne peut jamais imposer une interdiction générale de prendre des vacances à une époque donnée et qu il doit analyser chaque demande avant d y répondre. En annonçant d avance qu il ne consentirait à aucune vacance en avril 2004, le procureur soutient que l Employeur a violé les clauses 2.03, 4.01, ainsi que de la convention collective. [20] Tout en reconnaissant que l Employeur n est jamais obligé d accepter toutes les demandes de vacances qu on lui fait, le procureur ajoute qu une analyse ponctuelle doit être faite de chacune, par service et par salarié. Ici, selon le procureur, l Employeur n a même pas essayé de démontrer qu il aurait agi de la sorte, ayant d avance dit non à toutes les demandes. [21] Cela dit, le procureur ajoute que, selon le document «Séquences de déménagement et de transferts d activités cliniques révisés» présenté en septembre 2003, le processus de déménagement ne devait débuter que le 13 avril En revanche, la politique interdisant la prise de vacances affichée en août 2003 couvre tout le mois d avril Or, souligne M e Fournier, les plaignantes demandaient de s absenter les semaines du 4 et du 11 avril. [22] Le procureur a invoqué les autorités suivantes : Syndicat des salariés et salariées du 75 St- Georges et CHSLD Cœur-du-Québec, 2002A-175; Hôpital Sainte-Croix et Syndicat professionnel des infirmières et infirmiers de Trois-Rivières, SA, 7 mai 1984, arbitre Jean-Pierre Lussier; Hôpital de Montréal pour enfants et Infirmières et infirmiers Unis inc., SA, 28 décembre 1987, arbitre François G. Fortier. Employeur [23] Selon le procureur, il s agit d abord de se demander si l Employeur avait ou non le droit d annoncer dès août 2003 qu il ne consentirait pas à la prise de vacances en avril Il faut
7 Page: 7 ensuite, ajoute le procureur, se demander si l Employeur pouvait effectivement refuser aux plaignantes de prendre des vacances en avril. [24] Le procureur réfute l argument de son vis-à-vis selon lequel l Employeur n aurait fait aucune analyse avant de refuser les demandes de vacances en litige. Au contraire, dit-il, cette analyse a précisément été faite, entre janvier et septembre 2003, et elle concluait à la nécessité de la présence de tous les effectifs en avril [25] Le procureur rappelle les circonstances : ce n est pas seulement un service qui déménage mais l hôpital au complet. Pour le procureur, la preuve non contredite révèle qu au mois d avril 2004, l Employeur aura besoin de tout son personnel et même davantage. L établissement ne pourrait, dit-il, quand même décemment pas se permettre de transférer temporairement des patients dans un autre centre hospitalier en invoquant qu une partie de son propre personnel serait en vacances pendant le déménagement! [26] Le procureur a invoqué les autorités suivantes : Réseau Santé Richelieu-Yamaska et Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec (APTMQ), 2001A-74; Clair Foyer Inc. et Syndicat des employés de Clair Foyer, 94A-144; Syndicat de la fonction publique, section local 2680 et Centre d accueil Alfred Desroches, 92A-265. IV ANALYSE ET DÉCISION [27] Le Tribunal doit d abord se demander si la directive contestée est valide. Dans l affirmative, cela emportera le sort des quatre griefs individuels puisque ces derniers contestent l application de cette directive. Dans la négative, il y aura lieu de voir si chacun des griefs individuellement est bien fondé. [28] En l espèce, selon cette directive, l Employeur a déterminé et annoncé dès août 2003 qu il ne consentirait pas de vacances à son personnel en avril 2004 en raison du déménagement de l établissement.
8 Page: 8 [29] Le Syndicat soutient qu en agissant de la sorte, l Employeur violerait ses obligations en ce que pareil refus anticipé aurait pour effet que chaque demande, ou préférence exprimée, n est pas examinée à la pièce, séparément, et en tenant compte notamment de l ancienneté de la personne qui la fait. [30] La jurisprudence pratiquement unanime reconnaît qu un employeur peut tenir compte des besoins du service lorsqu il détermine les dates des vacances de son personnel. C'est une simple question de bon sens. D ailleurs, le Syndicat ne remet pas cela en question. Cela dit, chaque cas est un cas d espèce. [31] Avec égards, en effet, dès lors que l Employeur est en droit de tenir compte des besoins du service pour décider d octroyer ou non des vacances, il en découle que si une circonstance particulière et exceptionnelle exige une planification à très long terme, un employeur peut être à même d anticiper et de connaître longtemps à l avance quels seront ses besoins dans cette circonstance particulière. Ici, l Employeur a jugé que non seulement le déménagement exigerait tout l effectif mais qu en plus, l établissement aurait besoin de renforts. De l avoir dit d avance ne peut être vu que comme un signe de transparence et un appel à la collaboration. De plus, pour paraphraser l arbitre Noël Mallette cité dans la sentence Réseau Santé Richelieu-Yamaska [précitée] [page 21], «l Employeur n interdit pas la «manifestation de cette préférence», mais il écarte ces préférences à un moment précis, dans un contexte donné.» [32] Pour toutes ces raisons, les griefs sont rejetés. MONTRÉAL, le 16 mars Me Serge Brault, arbitre unique Adjudex inc QP S/A
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