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OMNES / La retraite / Novembre 1999 Monsieur Henri Sterdyniak économiste à l OFCE Introduction Pour me présenter, je dirai que je suis économiste à l Observatoire Français des Conjonctures Economiques. L OFCE est un institut, rattaché à la FNSP, chargé d effectuer des travaux de conjoncture, d analyse des situations et des politiques économiques. Il a pour tâche d animer le débat public en apportant un point de vue universitaire sur les grandes questions économiques. Il a été fondé en 1980, en même temps qu un institut syndical (l IRES) et un institut proche des entreprises (Rexecode). Je vais aborder la question de l avenir des retraites en France sous deux aspects. Le premier a trait à l avenir du système par répartition et le second étudie la capitalisation comme une solution. Un système satisfaisant mais menacé Le système français de retraite assure actuellement aux personnes âgées un niveau de vie satisfaisant, équivalent à celui des actifs. Le taux de remplacement (c'est-à-dire le rapport entre la pension de retraite et le dernier salaire net) va de 85 %, pour les travailleurs payés au SMIC, à environ 60 % pour la majeure partie des cadres. Le minimum vieillesse représente deux tiers du SMIC et 1,4 fois le RMI, les personnes qui en bénéficient sont donc au-dessus du seuil de pauvreté. En 1998, ce système a redistribué 12,8 % du PIB. Il est entièrement fondé sur le principe de la répartition : les retraites sont financées par un prélèvement sur les revenus d activité de la même période. Le système est fragilisé par trois menaces ; la persistance du chômage de masse qui réduit le nombre de cotisants et augmente le nombre de bénéficiaires ; le vieillissement de la population causé fondamentalement par l allongement de la durée de la vie ; l offensive des partisans des fonds de pensions, qui proposent de réduire la part des retraites par répartition pour faire de la place à la retraite par capitalisation. C est un débat crucial pour trois raisons : en raison du montant des sommes en jeu : les retraites doivent passer de 13 % du PIB actuellement à 18 % en 2040. C est un choix de société, de même que l avenir de l assurance maladie : la retraite restera-t-elle organisée sur le modèle de l assurance sociale ou sera-t-elle organisée par les institutions financières et investie sur les marchés financiers? Enfin, se pose la question de l avenir du paritarisme c est-à-dire de la gestion de la protection sociale par l Etat, les syndicats et le patronat. Une projection sur 40 ans Evaluer l avenir des retraites oblige à effectuer des projections sur une longue période, même s il est impossible de prévoir en toute rigueur quelle sera la situation économique et sociale dans 40 ans : la France sera-t-elle retournée au plein emploi ou connaîtra-t-elle structurellement un taux de chômage élevé? Serons-nous dans une société de loisirs qui conjuguera volontairement faible durée hebdomadaire de travail et retraite précoce ou dans une société productiviste où le souci d obtenir des revenus élevés continuera d être dominant? Dans ce deuxième cas, pourra-t-on revenir sur l exclusion précoce des travailleurs mûrs qui, en raison de la progression à l ancienneté, coûtent plus chers à l entreprise et sont censés être moins dynamiques et moins capables de s adapter au progrès technique? Quel sera l incidence du vieillissement de la population sur la productivité du travail et sur le dynamisme économique? Serons-nous en situation de taux d intérêt et profit élevés (où la capitalisation sera rentable individuellement et socialement) ou en situation de suraccumulation avec de bas taux de rendement du capital (où la capitalisation sera socialement nuisible et peu rentable individuellement)? Les personnes de plus de 60 ans représenteront 32 % de la population en 2040 contre 32 % en 2000, avec un tournant extrêmement brutal dès 2005. En raison de l effet du baby boom, en 2006, deux cent mille personnes de plus qu en 2005 prendront leur retraite : le choc démographique se manifestera d abord dans les entreprises puis au niveau global. A moyen terme, le phénomène le plus important sera l accroissement de l espérance de vie qui pour les hommes devrait atteindre 81 ans en 2040. Par contre, le taux d activité des femmes devrait continuer à augmenter et la diminution de l activité pour les personnes de plus de 50 ans devrait s inverser si la France se rapproche du plein emploi. Au total, la population active potentielle devrait ralentir fortement après 2006, passer à un sommet de 28 millions en 2012 puis baisser jusqu à 26,5 millions en 2040. Dans notre scénario relativement optimiste, nous faisons l hypothèse le retour à un taux de chômage de l ordre de 5 % après 2015. Nous postulons un maintien à 1,8 % par an des gains de productivité du travail. Certains disent que ce chiffre sera beaucoup

plus fort, sous l effet du développement des nouvelles technologies, de l informatique, de l'internet. En sens inverse, d'autres évoquent les dépenses liées à la pollution et l épuisement des ressources naturelles. Avec ces hypothèses, le ratio de dépendance, c est-à-dire le nombre de retraités par actif employé, devrait passer de 51,6 % en 1997 à 82,6 % en 2040. La situation se dégraderait à partir de 2006 (date de début du passage en retraite des générations du baby boom). La dégradation s accélérerait à partir de 2017, qui marquerait le début de la baisse de la population active. La hausse du ratio de dépendance devrait se ralentir vers 2035, date à laquelle les générations creuses des années soixante-dix prendront leur retraite. L économie française devrait donc passer par quatre phases : -jusqu en 2005, une phase de stabilité du ratio de dépendance où la question des retraites ne se posera pas avec force, -de 2006 à 2016, une phase de hausse du ratio de dépendance, mais où le taux de chômage diminuerait, -de 2017 à 2036, une phase de dégradation accélérée du ratio de dépendance, en situation de plein emploi, -après 2036, une phase de maturité où le ratio de dépendance serait stable à un niveau élevé. Il n aurait pas vraiment de bosse du poids des retraites liée aux baby boom en raison du contre-choc emploi supposé. La dégradation du ratio de dépendance est moindre si on considère que les actifs occupés font vivre non seulement les retraités, mais aussi les jeunes, les chômeurs et les autres inactifs. En pondérant les jeunes par 0,5, le ratio entre les non-actifs et les actifs occupés se réduit jusqu en 2018. Il ne se détériore qu ensuite et dépasse son niveau actuel (126 %) qu en 2028 pour atteindre 135 % en 2040. La hausse du nombre de retraités est compensée par la baisse du taux de chômage, la hausse des taux d activité, la baisse du nombre de jeunes. En quarante cinq ans, la dépendance au sens large n augmente que de 8 %, alors que le nombre de retraités par actif occupé augmente de 70 %. Grosso modo, la France a le choix entre trois stratégies : -La stabilité du taux des cotisations retraite préconisée par le Medef ferait baisser de 40 % le niveau de vie relatif des retraités ; -Le maintien à son niveau actuel du ratio entre retraites et salaires ferait passer le taux de cotisations retraite de 20,1 % en 1998 à 28,3 % en 2040, le taux global de cotisations passerait de 45,6 % à 51,7 %, soit une moindre progression de 0,3 point par an du salaire net (1,5 % au lieu de 1,8 %) ; -Le report de l âge de départ à la retraite à 65 ans limiterait le ratio retraités/actifs à 60 % en 2040. Dans ces conditions, il ne serait pas nécessaire d augmenter globalement les taux de cotisations. Mais ce report suppose trois conditions : le retour au plein emploi, la fin de l exclusion précoce des travailleurs vieillissants, un choix social entre loisir et niveau de vie. En situation de plein emploi, le coût de la retraite à 60 ans plutôt qu à 65 ans est d un pouvoir d achat plus bas de 14 % durant toute sa carrière. C est aux actifs de choisir Sauvegarder le système par répartition Le système français est centré sur un régime d assurance sociale contributif qui inclut le régime général et les régimes complémentaires. La retraite est un salaire différé socialisé, faisant partie du contrat salarial, géré et négocié par les partenaires sociaux. La retraite par répartition exprime directement le fait que la masse salariale disponible à un instant donné doit être partagée équitablement entre les travailleurs et les retraités. Le système social de retraite ne pourra survivre que s'il est compétitif par rapport aux retraites par capitalisation. Il faudrait que les cotisations n apparaissent pas comme un prélèvement obligatoire mais comme une cotisation ouvrant des droits garantis. Leur hausse future correspond à l allongement de la durée de vie, donc de la retraite ; elle serait pratiquement identique dans tout régime de capitalisation offrant les mêmes prestations. Les jeunes ne seront pas spoliés ; ils paieront plus de cotisations mais ils vivront plus longtemps, donc toucheront plus longtemps une retraite. Le système français est essentiellement contributif ; la part redistributive est faible ; les pensions d assistance et les avantages non contributifs sont pris en charge par le budget ; aussi, n y a-t-il guère de charges excessives portant sur les hauts salaires. La rentabilité d'un système par capitalisation est le taux d'intérêt réel (s'il s'agit d'un placement obligataire) ou la rentabilité des placements en Bourse. Cette rentabilité est parfois très forte (de 1995 à 2000, les cours en Bourse ont augmenté de 15 % l an en moyenne), parfois négative (inflation, krach boursier). La rentabilité moyenne réelle d un placement d une durée de 10 ans a été en France de 1950 à 1993 de 6,2 % pour un placement en actions et de 1,8 % pour un placement en obligations. Si on considère que par prudence, les fonds ne pourront guère détenir plus de 50 % de leur portefeuille en actions et que le coût de gestion sera de l ordre de 1 %, le rentabilité des fonds de pensions devrait être de l ordre de 4 %. La rentabilité de la retraite par répartition est égale au taux de croissance du PIB s'il s'agit d'un système à taux de cotisations fixe ; au taux de croissance du PIB augmenté de la croissance du ratio durée moyenne de la retraite/durée de carrière moyenne s'il s'agit d'un régime à taux de remplacement fixe, soit de 2,5 à 3 % pour les 40 années à venir. Les salariés peuvent épargner et détenir par ailleurs des actifs financiers mais la retraite par répartition est le seul mécanisme qui permet d'acquérir un actif indexé sur le

niveau des salaires. Ceci fait que le placement en retraite par répartition est attractif même s il est légèrement moins rentable que le placement en retraite par capitalisation. Par contre, si le risque socio-politique de voir remettre en cause grandit, si le niveau des retraites n est plus garanti, le système perd ses avantages comparatifs. La stratégie du patronat est donc claire : mettre le doute sur la solidité du système. La retraite, étant un salaire différé, dépendant des salaires reçus, doit être financée sur les salaires et non sur une autre assiette. Un système qui verse des prestations plus élevées aux retraités ayant eu les plus hauts salaires ne peut être financé par l impôt. De même l assiette valeur ajoutée ne peut servir que pour des prestations universelles ou de solidarité (famille, maladie). Aussi, une bonne stratégie pour réduire les prélèvements sur le travail serait-elle de modifier l assiette des cotisations employeurs maladie et famille en l étendant à l ensemble de la valeur ajoutée pour réserver l assiette salaire aux cotisations retraites et chômage. Par ailleurs, il serait souhaitable que dorénavant les hausses de cotisations nécessaires ne soient financées que par les salariés eux-mêmes. Dans ces conditions, elles ne nuiraient ni à la compétitivité, ni à la demande (la baisse de la consommation des actifs serait compensée par la hausse de celle des retraités). La retraite par répartition repose sur un contrat social implicite : chaque génération a le droit que ses enfants lui assurent une retraite correspondante à celle qu'elle a assurée elle-même à ses parents. Actuellement le revenu des plus de 60 ans représente 22,5 % du revenu des ménages (12,8 % du PIB), soit leur part dans la population. En 2040, il serait normal qu'il représente grosso modo leur part dans la population, soit 32 % du revenu des ménages (18 % du PIB). Quelle que soit la forme qu il prenne, l'acceptabilité de ce prélèvement par les actifs de l'époque posera problème. Une génération peut être tentée de dénoncer le pacte implicite, d autant plus qu elle peut craindre que la génération suivante ne le respecte pas. C est à l Etat de garantir ce contrat implicite. Depuis 1983, les gouvernements successifs ont indexé les pensions sur les prix. Par ailleurs, les retraités imposables ont payé des cotisations maladie, puis la CSG. De 1983 à 1997, la retraite du régime général a ainsi perdu 9 ou 4,5 % de pouvoir d achat (selon que le retraité est imposable ou non), la retraite ARRCO a perdu 3,3 %, la retraite AGIRC 7,9 % alors que le salaire moyen augmentait de 7,9 %. Le système favorable aux retraités avant 1983 leur est devenu défavorable. Si chaque retraité a perdu en pouvoir d achat durant les années récentes, le pouvoir d achat de la retraite moyenne a lui augmenté. De 1987 à 1997, en pouvoir d achat, le salaire net moyen a progressé de 0,5 %. La retraite moyenne a progressé de 0,9 % en net. Chaque retraité peut se plaindre de sa perte de pouvoir d achat relatif alors même que, globalement, la retraite moyenne a augmenté plus vite que le salaire moyen. Ceci tient au fait que les nouveaux retraités ont en moyenne acquis plus de droits que les anciens, en particulier les femmes. Les réformes mises en œuvre en 1993 (réforme Balladur) et 1996 (accords des régimes complémentaires) devraient au total réduire les taux de remplacement brut de 67,1 à 53,3 % pour un ouvrier-type de 43,9 à 34,8 % pour un cadre-type, soit 20 % dans les deux cas. Mal conçue, la réforme du régime général va peser sur les salariés qui auront eu du mal à s insérer jeunes sur le marché du travail. Basée sur la désindexation des retraites par rapport aux salaires, elle aboutit à une situation paradoxale : si la situation économique s'améliore, la charge pesant sur les actifs sera allégée et la position relative des retraités sera fortement abaissée. Si la situation macroéconomique est mauvaise, la position relative des retraités sera maintenue et la charge pesant sur les actifs continuera à s'alourdir. Lors des négociations de 1996, le patronat a refusé d augmenter les taux de cotisations au-delà des niveaux des taux de 6 et 16 %, pour ne pas augmenter le coût du travail, mais aussi laisser un champ aux fonds de pensions. Devant cette intransigeance, et en situation de déficit important, certains syndicats de salariés (en particulier la CFDT) ont accepté une baisse importante du niveau relatif des retraites complémentaires, sans garantie sur l équilibre final du système. Au total, les mesures adaptées devraient entraîner une baisse du rendement (francs de pension par francs de cotisations) de 25,3 % pour l AGIRC et de 22,7 % pour l ARRCO. Pour que le système actuel de retraite perdure, il faut qu il apparaisse aussi rentable et plus sûr que le système des fonds de pensions, donc qu il garantisse aux travailleurs un certain niveau de retraite lié à l évolution des salaires. Il est catastrophique que les syndicats, ne voulant pas accepter de hausse unilatérale des cotisations salariés, entérinent une baisse continuelle du niveau relatif des retraites, qui prive le système de toute fiabilité. Les régimes spéciaux des fonctionnaires et des grandes entreprises publiques n ont pas été touchés par la réforme. Il est choquant que l Etat se permette des pratiques (ne pas payer des cotisations sur les primes et rémunérations annexes) qu il interdit aux entreprises privées. Les disparités avec le régime commun ne sont guère acceptables dans un système de répartition basé sur la solidarité nationale, d autant plus qu elles bénéficient aux fonctionnaires payés par l impôt. Elles ne favorisent guère l unité d action des salariés. Toutefois, ces disparités ne doivent pas être surestimées. Certes, les fonctionnaires retraités continuent à bénéficier de la hausse de la valeur du point. Dans le passé récent, ceci n a guère été un grand avantage : de 1987 à 1997, le point a subi une perte de d achat de 0,4 % par an en moyenne. Le taux de remplacement brut d une fonctionnaire niveau secrétaire est de 62,5 %. Si elle avait effectué la même carrière dans le secteur privé, elle aurait obtenu un taux de remplacement de 67,8 %, soit supérieur de 5 points. Le taux de remplacement pour un cadre A est de

50 % dans le public ; de 46 % dans le privé. Il a actuellement un certain avantage par rapport au privé (en supposant que le cadre privé n ait pas de retraite maison, ce qui est rare à ce niveau de rémunération). Un alignement brutal des régimes spéciaux sur le privé n est pas concevable ; il ferait apparaître les défauts des réformes en cours : contradiction entre l allongement de la durée de carrière nécessaire, l accès de plus en plus tardif à l emploi et le maintien de la retraite à 60 ans ; baisse relative des retraites privées obtenue par l artifice de la désindexation ; absence d engagement sur l évolution future des taux de remplacement ; disparité entre public et privé quant à l accès aux fonds de pensions. En même temps, la situation ne peut demeurer en l état. Aussi, faut-il espérer que des négociations globales aboutiront à un compromis social fructueux : uniformisation de l âge de départ à la retraite selon des critères de pénibilité du travail, uniformisation des taux de remplacement selon un critère de niveau des salaires, indexation des pensions sur les salaires nets. Il faudrait que les partenaires sociaux et l Etat acceptent de bouleverser les architectures compliquées et peu cohérentes des différents régimes pour arriver à un système unifié plus simple. Un rapport ambigu Le 29 mai 1998, le Premier ministre a demandé au Commissaire au Plan, Jean-Michel Charpin, d élaborer un diagnostic aussi partagé que possible sur la situation et les perspectives du système français de retraite. Le rapport remis en mai 1999 a trois particularités. D abord, il fait complètement l impasse sur la question des fonds de pension. Ensuite, il prévoit une forte baisse du niveau relatif des retraites. Dans leurs projections pour le rapport, les régimes complémentaires (ARRCO et AGIRC) ont prolongé jusqu en 2040 les accords de 1996. La valeur d achat du point serait indexée sur le salaire moyen, mais la pension servie par point serait à l infini indexée sur les prix. Aussi, le rendement des régimes complémentaires diminue-t-il constamment et serait divisé par 2 en 40 ans. Avec les hypothèses faites pour les régimes complémentaires, pour l ouvrier, le taux de remplacement net passerait de 80,1 à 66,4 % (soit une baisse de 17 %) ; pour le cadre de 68,9 à 48,6 % (soit une baisse de 30 %). Est-ce socialement acceptable? Peut-on imaginer que durablement les salaires nets progressent de 1,45 % par an, les retraites du régime général de 1,1 % par an, et les retraites complémentaires de seulement 0,3 % par an? Enfin, le rapport fait de l allongement progressif à 42,5 années (170 trimestres au lieu de 160 dans le privé et 150 dans le public) de la durée requise de cotisation le remède miracle. Tant que la France connaîtra un chômage de masse, il ne peut être question de reculer l âge de la retraite : les difficultés des jeunes à trouver un emploi en seraient accrues ; une partie importante des travailleurs âgés se retrouverait soit au chômage, soit en préretraite. Tant que l on ne peut fournir un travail à tous les jeunes et à tous les travailleurs de 55-65 ans, on ne peut exiger 42,5 années de cotisations pour une retraite à taux plein. Il est paradoxal que, la même année, le gouvernement incite à la semaine de 35 heures, pour réduire le chômage, et que ce rapport préconise le maintien en activité de personnes de 60 ans, ayant travaillé 40 ans. Est-on sûr que les travailleurs préfèrent travailler 35 heures par semaine jusqu à 65 ans plutôt que 39 heures jusqu à 60 ans? Il paraît difficile de modifier le calcul des pensions avant le retour au plein emploi. L année manquante coûterait 7 % de la retraite, ce qui s ajouterait à la baisse générale des pensions. Si un jeune a des difficultés à s insérer dans un emploi, faudra-t-il le lui faire payer 40 ans plus tard? Une réforme qui maintiendrait à 160 les trimestres requis, qui porterait, de 2015 à 2020, l âge de départ à la retraite de 60 ans à 62,5 ans, sauf pour certains professions pénibles, maintiendrait la souplesse nécessaire et serait plus acceptable. Le rapport propose d engager immédiatement les réformes. Peut-on retarder l âge du départ à la retraite avant le retour au plein emploi? Peut-on accumuler des réserves indépendamment du contexte macroéconomique? Le cycliste qui monte un sommet à bicyclette, sait qu il devra freiner dans la descente, ce n est pas pour autant qu il l anticipe en freinant dans la montée. Peut-être que l urgence est plutôt une politique concertée de croissance en Europe qui permettra la baisse de la dette publique, le retour au plein emploi, puis la fin de l exclusion des travailleurs de 55-60 ans Un faux remède La retraite par capitalisation est peu développée à l heure actuelle en France. Pour être des instruments de retraite sûrs, les fonds de pension doivent être gérés à l'extérieur de l'entreprise. Ils sont donc contradictoires avec l idée de fonds de participation salariale où les salariés bénéficieraient de la hausse de la valeur boursière de l entreprise où ils travaillent. Ces derniers ne sont pas des instruments de retraite dans la mesure où ils introduiraient de trop fortes disparités entre les travailleurs et où ils ne seraient pas diversifiés. Si les fonds de pensions bénéficient de privilèges fiscaux, ils doivent en contrepartie ne pas concurrencer l épargne classique ; leur sortie doit donc être obligatoirement en rente viagère. Ils ne doivent pas se développer au détriment de la Sécurité sociale. Le seul privilège fiscal qu ils peuvent avoir est donc l exonération d'impôt sur le revenu à l'entrée (avec imposition de la rente versée), mais sans exonération des cotisations sociales. Les versements à ces fonds font partie de la rémunération des travailleurs ; ils doivent donc être payés par les travailleurs et non par l'entreprise, si on ne veut pas alourdir les coûts salariaux et créer des disparités entre les salariés des petites et des grandes entreprises. Il faut donc se caler sur le régime de la Préfon (ou de la Cref) ou de la loi Madelin et revenir sur les avantages exorbitants des PEE, des PPESV et des fonds de l article 83.

La stratégie du développement des retraites par capitalisation, préconisé par le patronat, consisterait à bloquer les taux de cotisations aux régimes par répartition au niveau actuel, et à ajuster à l avenir le système en diminuant le taux de remplacement. A l'horizon 2040, c'est une baisse de l ordre de 40 % du niveau relatif des retraites qui devrait être annoncée. Parallèlement serait mis sur pied un système de retraite par capitalisation, auquel, dès à présent, les travailleurs devraient souscrire à un taux de l'ordre de 10 % de leur salaire tout en continuant de souscrire au régime de répartition à un taux de 20 %. Le montant du capital des caisses de capitalisation en 2037 serait de l ordre de 1,2 fois le PIB, soit encore 140 % du capital fixe productif net de l économie française. Du point de vue individuel, la mise en place du système de capitalisation ne diminue donc pas le taux de prélèvement nécessaire ; au contraire, elle l augmente pendant les quarante années de transition. Mais comment faire admettre aux salariés de perdre d un coup 10 % de leur revenu? La retraite par capitalisation peut être obligatoire : mais la hausse brutale des primes risque de faire plus de mécontents que la croissance progressive des cotisations par répartition. Une formule facultative risque d avoir peu de succès et de n être adoptée que par les cadres ou les salariés des grandes entreprises. Mais les ménages répugnent à ce type de placement viager qui les oblige à s'engager pour toute leur vie et qui leur fait perdre toute liberté d'utilisation de leur patrimoine et toute possibilité de legs à leurs héritiers. Du côté des entreprises, le projet n est pas sans danger puisqu elles risquent de devoir financer une partie des primes aux fonds de pensions, ce qui reviendrait à augmenter immédiatement les coûts salariaux. Dans le cas du maintien d un système par répartition, la hausse des cotisations serait lente et pourrait porter exclusivement sur les salariés. Une telle opération n est socialement utile que si elle permet effectivement d augmenter l investissement productif, ce qui n est pas garanti. La hausse de l'épargne des ménages, risque d entraîner une diminution de la demande qui provoquera une baisse plutôt qu'un essor de l'investissement. On voit mal, si ce sont les entreprises qui financent les fonds, comment cette charge supplémentaire pourrait les inciter à investir plus. Le seul canal favorable serait celui d'une baisse des taux d'intérêt. Mais une hausse du taux d'épargne français n'aurait guère, en soi, d'impact sur les taux d'intérêt de l euro. On peut certes envisager d accumuler des avoirs sur l'étranger. Comment avoir un excédent courant important pour financer ces sorties de capitaux? Soit, il faudrait faire des gains de compétitivité, donc faire baisser encore le niveau des salaires par rapport à la productivité du travail. Soit, à compétitivité donnée, il faudrait faire baisser la demande, donc l'activité au prix d'une nouvelle hausse du chômage. Les besoins d'investissement ne manquent pas à l'échelle mondiale, mais on voit mal les caisses de retraites prendre le risque de prêter massivement aux pays en développement ou aux pays de l'est. Qui accepterait que sa retraite dépende des remboursements de la Russie, de la Malaisie ou de l Afrique noire? La crise financière de 1997-1998 a montré les risques d une telle stratégie. De tels placements à forte rentabilité potentielle mais à fort risque ne peuvent prendre qu une place marginale dans les portefeuilles des épargnants les plus aisés et les mieux informés. On peut diversifier les placements à l étranger, dans les zones sûres du monde développé (comme le font les japonais ou les américains), mais le même problème de vieillissement de la population se pose dans toutes ces zones. La surabondance d épargne induite par le vieillissement de la population et la baisse des retraites par répartition, risque d accroître les fonds cherchant à se placer tandis que la contrainte de rentabilité requise limitera les investissements possibles. Soit, les fonds devront se contenter de rendement relativement bas. Soit, l économie mondiale risque d être durablement asphyxiée par un taux de profit requis trop élevé. Contrairement à ce qui est souvent avancé, la France ne manque pas d épargne. De 1990 à 1997, le taux d épargne des ménages français a été de 13,6 % contre 8,4 % pour les ménages américain. Il est paradoxal de voir les investisseurs anglosaxons envahissent la Bourse de Paris quand, ces 5 derniers années, les Etats-Unis ont eu un déficit extérieur moyen de 2 points de PIB, le Royaume-Uni de 0,5 point et la France un excédent de 1,6 point de PIB. Au total, les pays anglo-saxons sont importateurs de capitaux ; la France est exportatrice. Le reste n est pas une question de masse d épargne, mais de capacité des intermédiaires financiers et des épargnants à effectuer des placements rentables et risqués. Une fois de plus, comme avec le PEP ou le PEA, les financiers cherchent à faire pression sur l Etat pour qu il favorise fiscalement les produits qu ils souhaitent promouvoir au lieu de chercher à attirer les épargnants par la qualité même de leurs produits. Faut-il remettre en cause le système des retraites pour satisfaire a place? Actuellement, l assurance-vie est généralement taxée à 10 % et bénéficie de l exonération des droits de successions, les obligations sont taxées à 25 % ; les placements en actions sont généralement taxés à 47 %. L objectif d attirer les ménages en Bourse pourrait être obtenu par une modification de la fiscalité, rendue moins favorable à l assurance-vie et aux obligations et plus propice à la détention d actions. Les ménages français détiennent environ 4 000 milliards de francs de titres obligataires ou d asssurance-vie. Le transfert du quart de cette somme apporterait 1 000 milliards à la Bourse alors qu une cotisation de 5 % sur les salaires pour financer les fonds de pension apporterait 150 milliards par an. Dans un système par capitalisation, les retraités assument les risques des marchés financiers ou boursiers. Leur niveau de vie sera beaucoup plus fort (ou beaucoup plus faible) que celui des actifs selon l évolution de la Bourse. Une fracture est crée entre les intérêts des actifs (de bas taux d intérêt, des investissements en France, la sauvegarde de l emploi) et ceux des retraités (des taux d intérêt et de profit élevés, des investissements les plus rémunérateurs possibles). La logique financière obtient le soutien d une couche importante de la population au détriment de la cohésion sociale. Il est utopique de croire, comme certains syndicats, que les fonds de pensions, parce qu ils seraient gérés par les partenaires sociaux, pourraient avoir

une logique sociale et non financière, qu ils accepteraient des taux de rentabilité plus faibles pour financer des activités créant des emplois en France. Pour un choix social explicite La société française a donc le choix entre deux stratégies. -La stratégie de la répartition consiste à se fixer un objectif en terme de taux de remplacement et à assurer à l'avenir l'équilibre du régime par la hausse des taux de cotisations salariés. Les fonds de pension ne joueraint qu un rôle marginal, pour les cadres, avec des avantages fiscaux limités. Dans une quinzaine d année, dans une France revenue à proximité du plein emploi, mais pas avant, un choix serein pourra être fait entre le recul de l âge de la retraite et la hausse des cotisations. -La stratégie de la capitalisation consiste à diminuer fortement le taux de remplacement assuré par le régime par répartition et à le compléter par un régime par capitalisation. Il faut être certain que cette épargne supplémentaire induit bien une hausse de l investissement productif. Cette stratégie fait courir le risque que la plupart des travailleurs, de salaires bas ou moyens, n'adhèrent pas aux régimes de capitalisation. Reste à espérer que la stratégie choisie le sera à l'issue d'un débat démocratique clair et honnête, qui ne serait pas biaisé par le refus des syndicats de salariés de voir la réalité en face et les campagnes intéressées des lobbies des assurances. Personnellement, je souhaite que la France choisisse une stratégie qui sauvegardera notre système de retraite et ses principes fondamentaux : garantir la parité des retraites et des salaires, faire échapper toutes les personnes âgées à la pauvreté, fournir une retraite à tous les travailleurs vieillissants que les entreprises refusent d employer. Débat Question : La durée d activité et ses répercussions sur le chômage Ce matin, M. Caron, le représentant du MEDEF, nous a parlé de l AGIRC et de l ARRCO en disant que l âge de la retraite était de 65 ans. Apparemment, vous avez un autre point de vue, pouvez-vous nous éclairer sur cette situation, si 65 ans est l âge légal ou pas? Il a également affirmé que le passage de la durée d activité de 40 à 45 ans n était pas une façon de contrecarrer la mise en place des 35 heures. Mais dans une situation de plein emploi, où il y a une pression de la part des salariés sur les patrons pour les salaires, une durée d activité fixée à 45 ans leur permettrait de maintenir un taux de chômage aux alentours de 10 %. Cela ne les arrangerait-il pas? L ASF source de financement de la retraite à 60 ans Les législations du régime général et du régime complémentaire sont totalement différentes. Les régimes complémentaires sont des régimes à points ; pour le régime général, il faut avoir cotisé un certain nombre d années. Il n y a pas de notion de durée de carrière, ni à l ARRCO, ni à l AGIRC, mais il y a un âge ouvrant le droit à un retraite à taux plein. Lorsque la gauche en 1982 a fait passer l âge de la retraite de 65 à 60 ans, de nombreux chômeurs se sont retrouvé retraités. Un accord entre le gouvernement et les partenaires sociaux a été passé : l ARRCO et l AGIRC continuent fictivement à avoir ouvrir le droit à la retraite à 65 ans, mais en fait, ils accordent une retraite à taux plein dès 60 ans et le coût pour eux est pris en charge par une association créée pour l occasion et qui s appelle l Association pour la Structure Financière. Elle est financée par l UNEDIC grâce aux économies réalisées par le passage de la retraite à 65 ans. L ASF a été prolongée et 2 points de cotisation chômage sont redonnés à l ARRCO et à l AGIRC pour financer le différentiel de coût créé par la retraite à 60 ans. Maintenant, cela fait dix-sept ans que ce système est en place, et c est complètement stupide car cela crée un circuit parallèle que personne n a l énergie de remettre en cause. La contradiction du patronat : exclure à 55 ans ou retenir jusqu à 65 ans? La question intéressante est de savoir ce qui se passera à partir de 2006, quand beaucoup de gens partiront à la retraite et que nous approcherons du plein emploi. On peut espérer une évolution favorable. Si la France est effectivement proche du plein emploi, le patronat pourrait changer totalement de stratégie et essayer de retenir les personnes de 60 à 65 ans tentées de partir à la retraite en tenant compte leur compétence. Actuellement, il ne prend pas ce chemin, car le patronat considère toujours que ces salariés ont des salaires élevés et qu ils ne sont pas adaptables. Il y a une contradiction entre l augmentation de la durée de vie et l exclusion de plus en plus jeune des entreprises. Ceci doit être remis en cause et je ne sais pas si cela se fera automatiquement. Question : Le fonds de réserve du gouvernement Tout à l heure, vous nous avez dit que le gouvernement avait constitué un fonds de réserve de 30 milliards. D où vient-il et quel est son but?

Le fonds de réserve : accumuler pour un faible résultat Le projet du gouvernement est de réussir à obtenir 30 milliards début 2001, pour cela il a pris un peu d argent à gauche et à droite, soit l excédent du fond de solidarité vieillesse et des fonds des caisses d épargne. Pour accumuler des sommes importantes, il faudrait augmenter dès maintenant (mais c est déjà un peu tard compte tenu qu il n y a plus que 5 ans avant l impact du baby boom) les taux des cotisations en plus de ce qui est nécessaire pour équilibrer le régime. L accumulation d une réserve importante permettrait à terme de toucher des intérêts et des dividendes qui permettraient de réduire les 29 % de taux de cotisations nécessaires vers 2035. Le problème est qu il faut accumuler auparavant des sommes très importantes. Actuellement, le montant annuel des retraites est 900 milliards de retraite, imaginez que la France ait réussi à accumuler 800 milliards, soit 10 % du PIB. Au mieux, avec 7 % de taux de rentabilité et une économie qui augmente de 5 % en valeur, je dégage chaque année 16 milliards. Ceci ne permet que de baisser d un demi point le taux de cotisation. Il faut accumuler des réserves énormes pour un faible résultat. Les 30 milliards obtenus l ont été sans effort puisque c étaient des fonds déjà accumulés. Ce n est pas une capitalisation effective, dont la contrepartie devrait être une baisse de la consommation et une hausse de l investissement productif. La constitution collective de réserves a l avantage de maintenir le caractère social des retraites. La rentabilité des placements est un point très important dans le débat capitalisation/répartition. La répartition a un taux de rentabilité de l ordre de la croissance du PIB, et l on peut espérer, compte tenu de la baisse actuelle, que nous allons vers une période où les taux d intérêt et de rentabilité seront durablement proche du taux de croissance de l économie. A ce moment-là, l avantage de la capitalisation sera nul. Par contre, si la Bourse fournit effectivement une rentabilité de l ordre de 15 %, la capitalisation deviendra beaucoup plus rentable comme solution individuelle. Question : L évolution de la population active Vos projections, comme celles du rapport Charpin, sont basées sur une stagnation de la population active. Ne peut-on imaginer un scénario plus favorable? Augmenter la fécondité ou ouvrir les frontières Normalement, entre maintenant et 2040, le PIB doit être multiplié par deux et le montant des retraites par 3, avec une hypothèse de 1,8 % de croissance de productivité du travail en franc constant. Il n y a que deux façons d échapper à la décroissance de la population active potentielle. Soit il faut dès maintenant augmenter massivement la fécondité, soit il faut ouvrir massivement les frontières à partir de 2015 et faire venir des travailleurs émigrés. Des travailleurs évidemment, jeunes, qualifiés et s'intégrant facilement. Ceci suppose un certain échec des stratégies de développement des pays voisins, comme l Afrique du Nord, l Afrique, la Turquie, les ex-pays socialistes d Europe. Ceci suppose que l Europe écrème la maind œuvre de ces pays. Les Etats Unis n ont pas connus les gains de productivité du travail fabuleux, mais ils ont surtout une population active qui augmente énormément en raison de l immigration qui augmente d environ 1 % chaque année la population active. Donc, c est une possibilité, mais que nous avons écartée compte tenu de tous les problèmes d intégration que nous avons actuellement en France, notamment avec les jeunes issus de la deuxième génération..