Numéro du rôle : 4812. Arrêt n 77/2010 du 23 juin 2010 A R R E T



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Transcription:

Numéro du rôle : 4812 Arrêt n 77/2010 du 23 juin 2010 A R R E T En cause : la question préjudicielle concernant l'article 63, 4, des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l'arrêté royal du 16 mars 1968, posée par le Tribunal de police de Louvain. La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : * * *

2 I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 30 octobre 2009 en cause du ministère public contre Kristiaan Maenen, dont l expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 novembre 2009, le Tribunal de police de Louvain a posé la question préjudicielle suivante : «L article 63, 4, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu en application de cette disposition, le juge est toujours tenu - donc également dans les cas où une analyse de l haleine n est pas possible pour raison médicale de mettre les frais du prélèvement et de l analyse de sang à charge de la personne examinée (entre autres) si l infraction prévue à l article 34, 2, 1, est établie, alors que le constat du taux d alcool sur la base d une analyse de l haleine n entraîne aucuns frais et que, dans ce cas, des frais ne doivent dès lors pas non plus être supportés par la personne examinée?». Des mémoires ont été introduits par : - Kristiaan Maenen, demeurant à 3380 Glabbeek, Veldstraat 3; - le Conseil des ministres. Le Conseil des ministres a également introduit un mémoire en réponse. A l'audience publique du 19 mai 2010 : - a comparu Me J. Huygh loco Me M. Pilcer, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs E. Derycke et R. Henneuse ont fait rapport; - l'avocat précité a été entendu; - l'affaire a été mise en délibéré. Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l emploi des langues ont été appliquées. II. Les faits et la procédure antérieure Devant le juge a quo, le prévenu est poursuivi pour avoir commis une infraction grave au règlement général sur la police de la circulation routière. Il est en outre poursuivi pour avoir conduit un véhicule en état d ébriété. Le prévenu a été soumis à une analyse de sang parce que les constatations des verbalisants ont révélé qu il n avait pas suffisamment de souffle, de sorte que le taux d alcool ne pouvait être établi au moyen d un appareil d analyse de l haleine. Un médecin a alors été convoqué pour la prise d un échantillon de sang, qui a révélé un taux d alcool de 1,59 grammes par litre de sang.

3 Selon le prévenu, les personnes dont le taux d alcool est constaté sur la base d une analyse de sang sont discriminées par rapport aux personnes dont le taux d alcool est constaté au moyen d un appareil d analyse de l haleine, étant donné que la prise d un échantillon de sang et l analyse du sang impliquent des coûts qui sont à charge de l intéressé, alors que l utilisation d un appareil d analyse de l haleine n implique pas de frais pour l intéressé. Le prévenu demande au juge a quo de poser une question préjudicielle à ce sujet. Avant de statuer sur les frais afférents à la prise d un échantillon de sang et à l analyse du sang, le juge a quo pose la question préjudicielle reproduite ci-dessus. III. En droit - A A.1. Le prévenu devant le juge a quo souligne que la personne qui est condamnée en raison d une concentration d alcool trop élevée doit elle-même supporter les frais de l analyse de sang, alors que ce n est pas le cas lorsque la condamnation résulte d un test d analyse de l haleine. Les frais de la prise d un échantillon de sang s élèvent en l espèce à 48,38 euros et ceux de l analyse de l échantillon de sang à 94,05 euros. Il est manifestement déraisonnable qu une personne qui, pour des raisons médicales, n a pas assez de souffle pour être soumise à un test de l haleine et doit être soumise à une analyse de sang doive supporter les frais de cette analyse, alors que la personne qui est en mesure de subir un test de l haleine ne doit pas en supporter les frais. A.2. Le Conseil des ministres rappelle en premier lieu que, conformément à l article 63, 1er, des lois coordonnées relatives à la police de la circulation routière, un prélèvement sanguin par un médecin doit être imposé lorsqu il est impossible de procéder à un test de l haleine ou à une analyse de l haleine. En vue d augmenter la sécurité routière, il est entièrement justifié que le législateur prévoie la possibilité de constater si une personne conduit un véhicule sous l influence de l alcool, lorsqu il est impossible de soumettre cette personne à un test de l haleine ou à une analyse de l haleine, par exemple chez un blessé grave ou, comme en l espèce, chez une personne qui n a pas suffisamment de souffle. Le test de l haleine ou l analyse de l haleine est la règle, la prise de sang l exception. En outre, la prise de sang ne peut être imposée qu à l auteur présumé d un accident de roulage ou à toute personne qui a pu contribuer à le provoquer, même si elle en est la victime, d une part, et à toute personne qui, dans un lieu public, conduit un véhicule ou une monture ou accompagne un conducteur en vue de l apprentissage, d autre part. Le Conseil des ministres estime que les personnes qui subissent une analyse de l haleine et chez qui il est constaté une infraction à l article 34, 2, 1, et les personnes qui subissent un prélèvement sanguin et chez qui il est constaté une infraction à cette même disposition ne sont pas des catégories comparables. En effet, un test de l haleine ou une analyse de l haleine sont réalisés sur place par les services de police et les résultats en sont immédiatement disponibles sur le lieu du contrôle. Par conséquent, le test de l haleine et l analyse de l haleine n entraînent pas de frais en soi, et ce contrairement à un prélèvement sanguin qui nécessite l intervention d un médecin et d un laboratoire agréé. En outre, la différence de traitement repose sur un critère objectif : la première catégorie de personnes, à l inverse de la deuxième catégorie, peut être soumise à un test de l haleine ou à une analyse de l haleine. Enfin, la mesure en cause n est pas disproportionnée à l objectif poursuivi, qui consiste à augmenter la sécurité routière et à améliorer le contrôle de l ivresse au volant. A cet égard, le Conseil des ministres souligne que l imposition d un prélèvement sanguin est soumise à certaines conditions et que les frais de ce prélèvement ne sont mis à charge de l intéressé que si l infraction visée à l article 34, 2, 1, ou à l article 37bis, 1er, 1, est avérée. S il ressort de l analyse du sang que la personne ne conduisait pas en état d ébriété, les frais de l analyse du sang ne sont donc pas à sa charge.

4 - B - B.1. La question préjudicielle porte sur l article 63, 4, des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l arrêté royal du 16 mars 1968 (ci-après : la loi sur la police de la circulation routière), qui dispose : «Les frais du prélèvement et de l'analyse du sang sont à charge de la personne examinée : - si l'infraction prévue à l'article 34, 2, 1, est établie, ou - si l'infraction prévue à l'article 37bis, 1er, 1, est établie». B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu elles obligent toujours le juge y compris dans les cas où une analyse de l haleine n est pas possible pour raison médicale à mettre les frais du prélèvement et de l analyse de sang à charge de la personne examinée, si l infraction prévue à l article 34, 2, 1, de la loi sur la police de la circulation routière est établie, alors que le constat du taux d alcool sur la base d une analyse de l haleine n entraîne aucuns frais pour l intéressé. L article 34, 2, 1, précité rend punissable : «quiconque, dans un lieu public, conduit un véhicule ou une monture ou accompagne un conducteur en vue de l'apprentissage, alors que l'analyse de l'haleine mesure une concentration d'alcool d'au moins 0,35 milligramme par litre d'air alvéolaire expiré ou que l'analyse sanguine révèle une concentration d'alcool d'au moins 0,8 gramme par litre de sang». B.3.1. L article 63 de la loi sur la police de la circulation routière a été remplacé par la loi du 18 juillet 1990. Un des objectifs de cette loi était de lutter contre l ivresse au volant, considérée d après l exposé des motifs comme l une des principales causes d accidents (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n 1062/1, pp. 5 et 6). A cette fin, non seulement le taux d imprégnation alcoolique punissable a été abaissé et les contrôles de ce taux ont été renforcés, mais les peines prévues en cas d infraction ont, elles aussi, été aggravées. B.3.2. En ce qui concerne la prise de sang, il est mentionné dans les travaux préparatoires de la loi précitée du 18 juillet 1990 :

5 «La prise de sang ne pouvant être effectuée que par un médecin, la procédure est extrêmement difficile à mettre en œuvre sur le terrain; elle entraîne notamment de très nombreuses pertes de temps pour les services de police et de gendarmerie. Il est proposé de remplacer la prise de sang par une analyse de l haleine au moyen d appareils électroniques. [ ] La prise de sang ne sera maintenue qu à titre subsidiaire pour les cas où il ne pourra pas être procédé à l analyse de l haleine, par exemple, en raison de l état des blessés. La police et la gendarmerie n auront pas le choix entre l analyse de l haleine et la prise de sang. Elles devront procéder à l analyse de l air expiré et ne pourront recourir à la prise de sang que dans les cas expressément prévus. S agissant de la prise de sang, la procédure actuelle reste d application» (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n 1062/1, pp. 7 et 8; voy. également : ibid., n 1062/17, pp. 16 et 17). B.3.3. En ce qui concerne les frais de la prise de sang, il est dit dans les mêmes travaux préparatoires : «Or si, dans la législation actuelle qui ne connaît pas le procédé de l analyse de l haleine les frais du prélèvement sanguin et de l analyse (qui constitue la première analyse) ne sont à charge de la personne examinée que si l infraction est établie, les frais relatifs à une deuxième analyse (donc, une analyse de contre-expertise) sont toujours à charge de l intéressé. Cet argument est contesté par plusieurs membres. Il est fait remarquer qu il serait injuste que la personne mise en cause soit tenue de payer elle-même les frais du prélèvement sanguin et de l analyse, au cas où l analyse sanguine infirmerait les résultats de l analyse de l haleine. D autre part, si le coût du prélèvement et de l analyse du sang devait être systématiquement à charge de l intéressé, il risquerait d avoir un effet dissuasif et d entraver dès lors l exercice des droits de la défense. Par contre, à l heure actuelle, cet effet dissuasif n existe pas, puisque le prélèvement est décidé par l autorité, et qu une deuxième analyse est automatiquement possible à partir de l échantillon prélevé. Le Ministre se range aux arguments développés par la Commission. En conséquence, moyennant une adaptation portant sur les taux d alcoolémie pris en compte [ ], [le] projet maintient la disposition qui règle actuellement la prise en charge des frais du prélèvement sanguin et de l analyse (amendement n 80 du Gouvernement Doc. n 1062/5)» (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n 1062/7, p. 127). B.4.1. Conformément au premier paragraphe de l article 63 de la loi sur la police de la circulation routière, les agents de l autorité visés à l article 59, 1er, de la même loi doivent imposer aux personnes visées aux 1 et 2 du même paragraphe de subir un prélèvement

6 sanguin par un médecin requis à cet effet dans les cas énumérés de manière limitative à cet article 63, 1er, entre autres au cas où ni le test de l haleine ni l analyse de l haleine n ont pu être effectués et où l intéressé se trouve apparemment dans un état d ivresse ou dans un état analogue résultant de l emploi de drogues ou de médicaments. Le législateur peut, pour assurer la sécurité routière, prévoir un tel règlement, d autant plus que l imposition d une prise de sang est soumise à des conditions rigoureuses et est considérée comme une exception à la règle générale du test de l haleine ou de l analyse de l haleine. B.4.2. A la différence d un test de l haleine ou d une analyse de l haleine, le prélèvement et l analyse de sang entraînent des frais spécifiques consécutifs à l intervention d un médecin et d un laboratoire agréé. Ces frais ne sont toutefois à charge de la personne examinée que si les infractions visées à l article 34, 2, 1, ou à l article 37bis, 1er, 1, de la loi sur la police de la circulation routière sont prouvées. Si ces infractions ne sont pas prouvées, lesdits frais ne peuvent être mis à charge de la personne examinée. En outre, le nombre d accidents de la route et les conséquences qui en découlent justifient que les auteurs d atteintes à la sécurité routière fassent l objet de procédures et de sanctions propres et doivent eux-mêmes supporter certains frais directement liés aux infractions prouvées, plutôt que de mettre ces frais à charge de la collectivité. Enfin, les frais inhérents à un prélèvement et à une analyse de sang ne sont pas à ce point considérables que la mesure en cause aurait des conséquences disproportionnées. B.4.3. Il découle de ce qui précède que le choix du législateur d exclure le pouvoir d appréciation du juge à l égard d une catégorie déterminée de personnes, en ce qui concerne les frais inhérents à un prélèvement et à une analyse de sang, n est pas dépourvu de justification raisonnable. B.5. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

7 Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L article 63, 4, des lois relatives à la police de la circulation routière, coordonnées par l arrêté royal du 16 mars 1968, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l audience publique du 23 juin 2010. Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux M. Bossuyt