Chapitre II : Estimation du bruit routier



Documents pareils
P.L.U. Plan Local d'urbanisme PRESCRIPTION D'ISOLEMENT ACOUSTIQUE AU VOISINAGE DES INFRASTRUCTURES TERRESTRES DOCUMENT OPPOSABLE

Chapitre 2 Les ondes progressives périodiques

ACOUSTIQUE 3 : ACOUSTIQUE MUSICALE ET PHYSIQUE DES SONS

Communication parlée L2F01 TD 7 Phonétique acoustique (1) Jiayin GAO <jiayin.gao@univ-paris3.fr> 20 mars 2014

Cours d Acoustique. Niveaux Sonores Puissance, Pression, Intensité

Installations classées pour la protection de l'environnement Campagne de mesure de bruit SOMMAIRE I. OBJET DE L ETUDE... 3

MESURES DE BRUIT A l ÉTAT INITIAL

Tableau 1 Routes nouvelles ou modifiées : les infrastructures concernées

MESURES de BRUIT. Chantier A63 Rechargement

ETUDE D IMPACT ACOUSTIQUE

Caractéristiques des ondes

LA PUISSANCE DES MOTEURS. Avez-vous déjà feuilleté le catalogue d un grand constructeur automobile?

Modélisation et simulation du trafic. Christine BUISSON (LICIT) Journée Simulation dynamique du trafic routier ENPC, 9 Mars 2005

3. Artefacts permettant la mesure indirecte du débit

Résumé non technique. Tableaux d estimation

«Tous les sons sont-ils audibles»

En mars 2001, à l occasion d une journée

Actions de réduction de bruit sur un moteur poids lourd

Chapitre 2 : Systèmes radio mobiles et concepts cellulaires

Les véhicules La chaîne cinématique

Pompes à Chaleur & environnement acoustique. Recommandations pour la mise en œuvre des pompes à chaleur. Fiche technique n 1

Département de l ARIEGE

ACOUPHEN ENVIRONNEMENT GROUPEMENT COORDONNE PAR LA COMMUNE DE MONTESSON ETUDE REALISEE POUR LE COMPTE DU : RAPPORT D ETUDE RA A

véhicule hybride (première

Notions d acoustique contexte réglementaire et solutions de prévention

Cartes de bruit stratégiques

LES LOIS PHYSIQUES APPLIQUÉES AUX DEUX-ROUES : 1. LA FORCE DE GUIDAGE

LES CARACTERISTIQUES DES SUPPORTS DE TRANSMISSION

Traitement des plaintes sur le bruit et exigences aux entreprises qui le génèrent

Le bruit. Le bruit Page 1 sur 10

Electron S.R.L. - MERLINO - MILAN ITALIE Tel ( ) Fax Web electron@electron.it

CPCU Chaufferie de Vaugirard 25 rue Georges Pitard PARIS. À l attention de Madame JOYCE-ERMOLLI RAPPORT DE VÉRIFICATION

1 Problème 1 : L avion solaire autonome (durée 1h)

EXPRIMEZ-VOUS LORS DU CHOIX DE VOS PNEUS : EXIGEZ DES PNEUS SÛRS, ÉNERGÉTIQUEMENT EFFICACES ET SILENCIEUX!

CODE DE SÉCURITÉ SAFETY CODE. Publié par: Le Directeur général Date de publication: 1993 Original: français PROTECTION CONTRE LE BRUIT

TRAVAUX PRATIQUES SCIENTIFIQUES SUR SYSTÈME

TP 7 : oscillateur de torsion

document proposé sur le site «Sciences Physiques en BTS» : BTS AVA 2015

ANNEXE 2 L ACOUSTIQUE

CIRCUITS DE PUISSANCE PNEUMATIQUES

Quelle qualité de l air au volant? Premiers éléments de réponse en Ile-de-France

MOINS DE CONSOMMATION, PLUS DE SECURITE, AVEC IVECO DRIVER TRAINING (la formation conducteur IVECO).

MOTO ELECTRIQUE. CPGE / Sciences Industrielles pour l Ingénieur TD06_08 Moto électrique DIAGRAMME DES INTER-ACTEURS UTILISATEUR ENVIRONNEMENT HUMAIN

RESUMÉ NON TECHNIQUE ELABORATION DES CARTES DE BRUIT COMMUNAUTE D AGGLOMERATION DU HAUT VAL DE MARNE

Rapport. Mesures de champ de très basses fréquences à proximité d antennes de stations de base GSM et UMTS

2012 LE NOUVEAU LABEL PNEUMATIQUE EUROPÉEN

Les Français et les nuisances sonores. Ifop pour Ministère de l Ecologie, du Développement Durable et de l Energie

Le turbo met les gaz. Les turbines en équation

Analyse des bruits de clavier d ordinateur

Précision d un résultat et calculs d incertitudes

1 INTERET ET ELEMENTS D INTERPRETATION DE L INDICATEUR

BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL EPREUVE DE TRAVAUX PRATIQUES DE SCIENCES PHYSIQUES SUJET A.1

Didier Pietquin. Timbre et fréquence : fondamentale et harmoniques

Le guide pinta de l acoustique

DIPLÔME INTERUNIVERSITAIRE D ECHOGRAPHIE. Examen du Tronc Commun sous forme de QCM. Janvier h à 16 h

V112-3,0 MW. Un monde, une éolienne. vestas.com

COMPTE RENDU DE MESURES ACOUSTIQUES. Audibilité sirène PPI Presqu'île d' AMBES

BEPECASER ÉPREUVE DE CONTRÔLE DES CONNAISSANCES. 16 mai 2012

Dossier groupes électrogènes

GROUPE HOLDIM Leader mondial de l optimisation moteur. DYNORACE 2WD /DF2 Banc 2 roues motrices. Banc de puissance Disponible en 3 versions :

Volvo FE hybride Pour la distribution et la collecte des ordures

GLOSSAIRE A L USAGE DU FORMATEUR DE CONDUITE TOUT-TERRAIN

1 Définition. 2 Systèmes matériels et solides. 3 Les actions mécaniques. Le système matériel : Il peut être un ensemble.un sous-ensemble..

Chapitre XIV BASES PHYSIQUES QUANTITATIVES DES LOIS DE COMPORTEMENT MÉCANIQUE. par S. CANTOURNET 1 ELASTICITÉ

Goodyear Les pneumatiques longue distance qui font économiser du carburant

Mesurage de la qualité acoustique de revêtements. acoustique de revêtements

Systèmes de transmission

association adilca LE COUPLE MOTEUR

T.I.P.E. Optimisation d un. moteur

SOCLE COMMUN - La Compétence 3 Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique

ACOUSTIQUE REGLEMENTATION ISOLEMENT AUX BRUITS AÉRIENS ISOLEMENT AUX BRUITS DE CHOCS

7-2. Annexe Voies Bruyantes. Cartographie des zones affectées par le bruit des infrastructures routières sur la commune (A89) Arrêtés associés

Réduction de la pollution d un moteur diesel

Dossier de presse. Création de l observatoire sanef 1 ère étude scientifique des comportements au volant sur autoroute JUILLET 2012

Principes généraux de la modélisation de la dispersion atmosphérique

Champ électromagnétique?

Carte de bruit des infrastructures routières nationales non concédées

Cartes de bruit stratégiques

Chapitre I La fonction transmission

Sujet proposé par Yves M. LEROY. Cet examen se compose d un exercice et de deux problèmes. Ces trois parties sont indépendantes.

Logiciel d analyse et de gestion du bruit OUIE2000

M u r s e n m a ç o n n e r i e

MH 20/25-4 T. Buggie. Capacité 2000 kg et 2500 kg. Hauteur hors tout : moins de 2 mètres. Moteur Turbo Kubota 4 cylindres : 60 cv/44 kw

Économie d énergie dans les centrales frigorifiques : La haute pression flottante

Estimation de potentiel éolien

EVALUATION DE L EXPOSITION AU BRUIT EN PERIODE SCOLAIRE CHEZ UN MAITRE-NAGEUR EN PISCINE COUVERTE

Observer TP Ondes CELERITE DES ONDES SONORES

TP 03 B : Mesure d une vitesse par effet Doppler

Calcul des indicateurs de sonie : revue des algorithmes et implémentation

PNEUS FREINS ABS ESP HUILE VITESSES

Analyse des coûts. 1 ère année DUT GEA, 2005/2006 Analyse des coûts

Mesures et incertitudes

Information. BASES LITTERAIRES Etre capable de répondre à une question du type «la valeur trouvée respecte t-elle le cahier des charges?

Les cartes de Bruit. Recueil des données du trafic aérien. La a Mise en œuvre de la Directive Service Technique de l Aviation Civile

DOCUMENT RESSOURCE SONDES PRESENTATION

Chapitre 7. Circuits Magnétiques et Inductance. 7.1 Introduction Production d un champ magnétique

Analyses psychoacoustiques dans ArtemiS SUITE

Transcription:

Chapitre II : Estimation du bruit routier Chapitre II : Estimation du bruit routier L acoustique se définit comme «la science qui étudie les propriétés des vibrations des particules d un milieu susceptibles d engendrer des sons, infrasons et ultrasons, de les propager et de les faire percevoir» 1. Appliquée à l étude du bruit routier, l acoustique rassemble les phénomènes physiques se déroulant depuis l émission du bruit par les différentes sources sonores des véhicules jusqu à la réception de celui-ci en des points donnés en passant par la propagation du son. Si l appréciation du bruit ne peut se faire qu au niveau d un récepteur, il est néanmoins justifié dans le cadre de cette thèse de se concentrer uniquement sur l étude de l émission du bruit à la source. En effet, des modèles de propagation 2 existent et font l objet de recherches effectuées par ailleurs. Il sera tout à fait possible le moment venu de coupler les sorties du modèle d émission avec un modèle de propagation adapté pour calculer le bruit reçu à une certaine distance de la voie. De plus, au voisinage immédiat d une route, la propagation peut être approchée par un simple calcul d atténuation géométrique, en négligeant les autres phénomènes (réflexion, effet météo ). La construction d un modèle d estimation dynamique du bruit routier requiert un certain nombre de connaissances en acoustique concernant le phénomène physique en luimême et la détermination des différentes sources de bruit des véhicules. Ces connaissances établies, il sera possible d étudier les différents modèles existants qui décrivent l émission du bruit par le trafic et de déterminer les lois qui caractérisent le mieux cette émission. II.1 Notions d acoustique Ce paragraphe, qui s appuie en partie sur le cours d acoustique [Beaumont et Guarracino, 1996] de l Ecole Nationale des Travaux Publics de l Etat (ENTPE), présente les éléments nécessaires pour comprendre la nature du bruit et les différents indicateurs utilisés pour le mesurer. 1 Définition issue de l encyclopédie Larousse de la langue française 2 Le modèle utilisé actuellement en France est la méthode NMPB (Nouvelle Méthode de Prévision du Bruit) qui prend en compte la propagation du son (réflexion, absorption et diffraction) pour des conditions homogènes ainsi que l influence de la météo [Defrance et Gabillet, 1999]. 31

Le bruit routier : une nuisance à estimer II.1.1 Le bruit routier II.1.1.a Phénomène physique Le milieu atmosphérique en équilibre stable est caractérisé par sa température T 0, sa masse volumique! 0 et la pression atmosphérique P 0. Divers phénomènes - en particulier les vibrations des corps solides - peuvent provoquer des fluctuations de ces quantités accompagnées d une propagation dans l atmosphère. Ce sont les rapides variations de la pression captées par l oreille qui engendrent la sensation sonore. Si P(t) est la pression instantanée et P 0 la pression atmosphérique moyenne, la différence pt () = Pt () P0 [Pa] est appelée pression acoustique instantanée. L analyse de ce signal p(t) peut se faire au moyen d une transformée de Fourier, afin d obtenir la répartition en fréquence. Il existe plusieurs cas de figure : - Si le spectre fréquentiel se réduit à une seule valeur f, le son est dit pur. La variation de la pression acoustique au cours du temps est alors sinusoïdale. La fréquence f [Hz] donne la hauteur du son perçu (grave ou aigu). L amplitude P max, caractérise en fonction de la fréquence f l intensité du son (faible ou forte). - Si le spectre fréquentiel n est composé que de multiples entiers d une fréquence f 1, le son résultant est un son musical. La fréquence f 1 est appelée fondamentale et ses multiples harmoniques. - Le bruit, quant à lui, ne possède pas la simplicité des sons purs ou musicaux. Il se définit comme «une vibration erratique, intermittente ou statistiquement aléatoire» 3. Il est donc caractérisé par une variation aléatoire de p(t), ce qui donne un spectre fréquentiel continu et variable. L analyse fine du bruit routier peut donc s assimiler à une analyse de signal. Parmi l ensemble des caractéristiques de ce signal, l intensité est le caractère synthétique le mieux corrélé aux les nuisances engendrées. II.1.1.b Perception du bruit La pression acoustique instantanée correspond au signal «brut» reçu en un point. Elle ne tient pas compte de la sensibilité de l oreille qui est différente pour chaque fréquence. Les sons ne sont audibles qu entre 20 Hz et 16 000 Hz ; l oreille est particulièrement sensible entre 200 et 8 000 Hz. Pour tenir compte de la physiologie de l oreille, des facteurs de pondération ont été introduits par bandes de fréquences. Quatre principaux types de filtres (A, B, C ou D) existent pour transformer un signal p(t) en un signal p X (t) rendant compte de ce phénomène (Figure II-1). Le choix de la pondération dépend de la source sonore à analyser. Par exemple, le filtre D est utilisé pour étudier le bruit des avions. En ce qui concerne la gêne due au bruit routier, le filtre A est conventionnellement appliqué. Par conséquent, l ensemble des pressions acoustiques utilisées par la suite seront pondérées A et les niveaux de pression 3 Définition AFNOR (NFS 30.101) 32

Chapitre II : Estimation du bruit routier sonore (cf. II.1.2.a) seront exprimés en db(a). Cette pondération sera notée par un A majuscule juste après la première lettre de l indicateur considéré. Figure II-1: Caractérisation spectrale des différentes pondérations 4 II.1.2 Les différents indicateurs de niveau sonore II.1.2.a Niveau de pression acoustique équivalent (LA eq ) II.1.2.a.i Cas d une source unique Un point de l espace reçoit, en provenance d une source, un signal p(t). Afin de caractériser ce signal de manière synthétique sur un intervalle de temps T donné, la pression acoustique efficace p eff,t (t) est utilisée. Elle correspond à la moyenne quadratique de la pression acoustique reçue durant l intervalle de temps 5 T : 1 p () t p ( u) du T t+ 2 2 2 eff, T = T T t 2 Selon l intervalle d intégration considéré, la représentation du signal est plus ou moins exacte en terme d amplitude mais reste parfaitement équivalente d un point de vue énergétique. Le niveau de pression acoustique associé à cette pression est ainsi appelé niveau de pression acoustique équivalent (LA eq ) et est défini comme suit : LA t p² ( t) eff, T eq, T ( ) = 10log 2 p0 LA eq,t (t) : Niveau de pression acoustique équivalent (en énergie) sur la période T exprimé en décibels 6 [db(a)]. p 0 : Pression acoustique de référence choisie par convention égale à 2.10-5 Pa. Cette pression correspond sensiblement à la plus faible valeur perceptible par l oreille pour un son pur de fréquence 1000 Hz. Deux types de LA eq peuvent être distingués suivant la période d agrégation T : les LA eq courts lorsque T est de l ordre de quelques dizaines à quelques centaines de millisecondes et les LA eq longs avec T de l ordre de une heure à plusieurs jours. Dans le premier cas, le LA eq,t (t) est appelé niveau de pression acoustique LA p (t) (level of pressure). 4 Les pondérations présentées ici sont données pour des niveaux de pression acoustique (cf. II.1.2). 5 Le pas de temps d intégration T doit être grand par rapport à la fréquence du signal étudié pour gommer les oscillations fréquentielles (ex : pour f=20 Hz => T>>50 ms). 6 Pour le niveau de pression acoustique équivalent LA eq, la valeur de 0 db correspond au seuil d audibilité et 120 db au seuil de la douleur pour l oreille. 33

Le bruit routier : une nuisance à estimer Le pas de temps d intégration étant petit par rapport à l évolution temporelle du signal, ce niveau permet de représenter l enveloppe de celui-ci. Cette valeur peut être directement mesurée en db(a) sur les sonomètres numériques actuels. Pour les LA eq longs, la dépendance temporelle instantanée t n a plus de sens par rapport au pas de temps d intégration. Ces niveaux sont alors notés LA eq (T). Ils permettent de caractériser le niveau de bruit moyen reçu en un point et fournissent donc une information sur l exposition au bruit pour la période considérée. II.1.2.a.ii Cas de plusieurs sources non corrélées La superposition de bruit provenant de plusieurs sources en un point est traduite par l additivité des pressions instantanées (propriétés de l acoustique linéaire). Dans le cas de N sources non corrélées entre elles, la pression efficace résultante est : = N p² ( t) p² ( t) eff, T eff, T, i i= 1 Ceci se traduit en niveau de pression acoustique, pour N bruits non corrélés de niveaux respectifs LAeq, T,() i t par : LA eq, T N ( t) = 10log 10 i= 1 Leq, T, i () t 10 Dans le cadre du bruit routier, il est admis que les sources qui composent un véhicule (pneumatique, moteur, ) sont indépendantes entre elles et avec celles des autres véhicules. Les propriétés énoncées ci-dessus peuvent être appliquées. II.1.2.a.iii Utilisation du niveau de pression acoustique équivalent LA eq (T) Le bruit routier, par nature, est un phénomène fluctuant dans le temps. Le LA eq long permet de représenter l exposition moyenne à ce bruit et est utilisé par de nombreux pays pour caractériser la gêne associée au moyen d un seul indicateur. C est le cas de l ensemble des pays européens à l exception du Portugal et du Royaume-Uni [Gualezzi, 1998], qui utilisent des indicateurs statistiques. Les périodes de calcul T du LA eq varient suivant les pays qui considèrent soit une période de 24h pour qualifier l exposition globale au bruit, soit distinguent jusqu à trois périodes pour le jour, la soirée et la nuit. En France, l exposition au bruit pour les circulations routière ou ferroviaire est réglementairement calculée entre 6h et 22h pour la période «jour» et entre 22h et 6h pour la période «nuit» [CETUR, 1980] ; le seuil réglementaire est de 60 db à deux mètres en façade d un bâtiment pour le niveau de jour et 55 db pour celui de nuit (cf. I.4.1.b). Afin de faciliter les comparaisons à l échelle européenne, la Commission de l Union Européenne travaille actuellement à la définition d un indicateur unique, nommé L den (den : day, evening, night) [Van den Berg, 2001]. Ce niveau utilise trois périodes de référence en pondérant l impact du bruit en soirée de 5 db et celui du bruit de nuit de 10 db : LAeq ( jour) LAeq ( soirée) + 5 LAeq ( nuit) + 10 1 10 10 10 L den = 10 log 12 10 + 4 10 + 8 10 24 34

Chapitre II : Estimation du bruit routier Le choix des plages de temps caractérisant chaque période n a pas encore été effectué. La commission européenne préconise une période de 12 heures pour le jour, 4 heures pour le soir et 8 heures pour la nuit. Pour comparer les LA eq (T) provenant de différents pays, outre la définition de la période d intégration, il est important de prêter attention à l emplacement où ces niveaux sont calculés (à l intérieur des bâtiments, en façade, en bord de route, à une distance donnée de la source, ). En effet, suivant les pays, l emplacement de calcul diffère. En France par exemple, le LA eq (T) est calculé à deux mètres en avant de la façade des bâtiments, alors qu en Allemagne, le LA eq (T) est exprimé en champ libre 7. Il s ensuit, pour une même situation, une différence sur les niveaux exprimés de 3 db correspondant à la réflexion sur le bâtiment considérée par la méthode française. Le LA eq est bien adapté pour évaluer l exposition moyenne associée au trafic. Il n est cependant pas conçu pour rendre compte des effets d un trafic très fluctuant (ce qui est le cas en milieu urbain). Ainsi, il ne permet pas d évaluer les effets de crête (niveaux maximums observés) ni l amplitude et la fréquence de variation du niveau de bruit sur la période d étude alors que ces éléments participent à la sensation de gêne ressentie par les riverains. Le calcul d indicateurs statistiques peut permettre d affiner la description de l exposition au bruit. II.1.2.b Indicateurs statistiques (L % ) L enregistrement, en un point donné, de l évolution du niveau de pression sonore mesuré avec une période d agrégation suffisamment courte (250 ms par exemple) permet l étude statistique du signal obtenu. Ce signal peut être caractérisé par ses quantiles ou niveaux dépassés pendant une fraction donnée de la période d étude. Ces quantiles permettent de qualifier la distribution du signal sonore en mettant notamment en évidence un niveau maximum significatif observé sur la période d étude, un niveau médian et un niveau en dessous duquel le bruit ne descend pas. Les principaux indicateurs statistiques utilisés sont les suivants : - L 1, niveau de pression acoustique atteint ou dépassé pendant 1% du temps durant la période d étude considérée. Ce niveau est utilisé pour représenter le bruit maximal observé ; - L 10, niveau atteint ou dépassé pendant 10% du temps. Il représente le bruit de crête ou bruit dont l intensité élevée est significativement observée sur la période d étude ; - L 50, niveau de pression médian. Il peut être utilisé comme définition du bruit moyen ; - L 90. Le bruit sur le site d étude n est inférieur à ce niveau que durant 10% du temps total. Le bruit de fond peut être caractérisé à l aide de cet indicateur. 7 Absence de bâtiment 35

Le bruit routier : une nuisance à estimer Ces différents indices sont pour l instant peu utilisés en France car les modèles français ne permettent pas de les estimer et ils ne peuvent donc être obtenus que par la mesure in situ. Certains pays utilisent l un d entre eux comme indicateur de niveau de bruit moyen. Le Royaume Uni, par exemple, retient comme critère de gêne la moyenne arithmétique des L 10 enregistrés heure par heure de 6h à 24h. Ce type d utilisation consiste uniquement à définir un autre critère que le LA eq comme indicateur du niveau d exposition moyen sans chercher à décrire de manière plus précise l environnement sonore. Combiner plusieurs indicateurs statistiques peut en revanche permettre d affiner la représentation de l exposition au bruit et du degré de gêne pour une situation donnée, si tant est que des modèles capables d estimer l ensemble de ces indicateurs soient disponibles. II.1.2.c Niveau de puissance acoustique émise II.1.2.c.i Par un véhicule (LA w ) Le LA eq et les indicateurs statistiques qui en dérivent permettent de caractériser le bruit reçu en un point. Pour caractériser l émission d une source, comme celle d un véhicule par exemple, le niveau de puissance acoustique est utilisé. Pour déterminer celuici, le véhicule est assimilé à une source ponctuelle 8 omnidirectionnelle rayonnant dans un demi espace. Sous cette hypothèse, la puissance acoustique w ind et la pression acoustique efficace p eff reçue à une distance r de la source sont reliées, en absence d absorption par l air 9, par la relation suivante :! 0 : Masse volumique de l air au repos c : Célérité du son dans l air w ind 2 peff = 2 r² ρ c π Le niveau de puissance acoustique LA w [db(a)] s exprime par : LA w 0 w = 10log w w 0 : Puissance acoustique de référence égale à 10-12 Watt Pour une source donnée, il est impossible de déterminer directement le niveau de puissance émis car les appareils de mesure n enregistrent que des niveaux de bruit reçu. Il est cependant possible de démontrer que pour une source ponctuelle la mesure du niveau de pression maximum LA max reçu en un point suffit pour déterminer son niveau d émission LA w [Hamet et al, 1986]. Pour les véhicules, des procédures standardisées existent. Le niveau de pression LA max est mesuré à 7,5 mètres de la voie ce qui permet de déterminer le niveau de puissance acoustique LA w émis par la source en fonction de ses caractéristiques (vitesse, accélération, rapport de boite ) : max ind 0 max ( π ) LA = LA + 25,5 car LA = LA + 10log 2 d ² w d : distance orthogonale entre le point de mesure et la voie w 8 Cette hypothèse se justifie si le calcul du bruit reçu provenant de la source est effectué loin de celle-ci (distance de calcul >> dimension du véhicule). 9 Seule l atténuation géométrique est ici considérée. 36

Chapitre II : Estimation du bruit routier Le LA w caractérise la source et ne dépend pas de l endroit où le bruit est calculé ou mesuré. II.1.2.c.ii Par unité de longueur de voie (LA w ) m ou LA W Plusieurs véhicules circulant sur un tronçon peuvent être assimilés à une ligne source d émission à condition que l échelle de temps à laquelle le bruit est étudié soit suffisamment grande devant l inverse du débit ou que la distance à laquelle les sources sont observées soit suffisamment grande devant l interdistance entre deux véhicules successifs (cf. Annexe 2). Le réseau étudié est alors décomposé en différentes lignes sources homogènes, caractérisées par leur niveau de puissance par mètre (LA w ) m (densité linéique de niveau de puissance). Cette grandeur sera notée LA W. Elle caractérise l émission d une ligne source homogène par rapport à LA w qui représente l émission d un véhicule. Pour un ensemble de véhicules de même type, de puissance acoustique LA w, roulant à une vitesse V, sur un tronçon dont le débit est Q, le niveau de puissance par unité de longueur [db(a)/m] s écrit : 10log Q Q LA = LA + car W = Kw = w V V W w ind ind w : puissance acoustique d un véhicule W : puissance linéique K : densité de véhicules ou nombre de véhicules par mètre de voie [véh.m -1 ] En cumulant les niveaux de puissance de diverses catégories de véhicules pour un tronçon donné, il est possible de calculer la puissance acoustique d une circulation par unité de longueur de voie. II.2 Les différentes sources de bruit d un véhicule Les sources de bruit d un véhicule sont multiples. Pour déterminer les différents paramètres qui influencent le niveau de bruit émis, il convient d identifier celles-ci. Il n est pas possible de caractériser les sources de l ensemble des véhicules existants. Des catégories de véhicules acoustiquement homogènes doivent donc être définies. II.2.1 Typologie des différents véhicules La typologie des véhicules peut différer suivant les pays. En France, le Guide du Bruit et des Transports Terrestres (GdB) [CETUR, 1980] définit les catégories de véhicules ayant une influence dans l évaluation du bruit de trafic : - Les véhicules légers, et par extension, tous les véhicules dont le Poids Total en Charge (PTC) n excède pas 3,5 tonnes. Ces véhicules ont des caractéristiques générales comparables ; - Les poids lourds, c est-à-dire les véhicules dont le PTC dépasse 3,5 tonnes. Cette catégorie englobe des véhicules d une grande diversité, le PTC pouvant atteindre 38 t. Les moteurs sont généralement des Diesel à injection directe. Le GdB conseille, si les moyens de mesures de trafic utilisés le permettent de distinguer les poids lourds (PTC<12 t) et les trains routiers (PTC>12 t ou présence de 3 essieux). 37

Le bruit routier : une nuisance à estimer Cependant, il semble que d un point de vue acoustique la différence entre ces deux catégories ne soit pas franchement significative (de l ordre du décibel [Lelong, 1997]), en milieu interurbain en tout cas ; - Les autobus et les autocars ; - Les deux roues motorisés, en distinguant essentiellement trois catégories : les motocyclettes (cylindrée supérieure à 125 cm 3 ), les vélomoteurs (cylindrée comprise entre 50 et 125 cm 3 ) et les cyclomoteurs (cylindrée inférieure à 50 cm 3 ). Seules les motocyclettes de fortes cylindrées ont des moteurs à 4 temps, les autres deux roues disposent de moteurs 2 temps à allumage commandé. A titre de comparaison, le modèle de prévision allemand RLS 90 (dont Hamet propose une étude synthétique [1996b]) adopte une classification assez proche de celle présentée ci-dessus. La principale différence est la limite entre les véhicules légers et les poids lourds qui est fixée à 2,8 t. Le modèle américain FHWA TNM (étudié par Hamet dans [1996a]) divise explicitement la catégorie poids lourds en deux entre les Mediums Trucks (PTC<12 t) et les Heavy Trucks. La limite entre les véhicules légers et les poids lourds est dans cette classification fixée à 4,5 t. II.2.2 Les différentes sources de bruit d un véhicule Le bruit émis par un véhicule peut provenir d une multitude de sources dont l importance relative dépend de l allure du véhicule et des conditions de trafic. La Figure II-2 présente l ensemble de ces sources. Celles-ci vont être étudiées par la suite pour déterminer les paramètres qui influent sur le niveau d émission de chacune d entre elles. Figure II-2: Différentes sources de bruit d'un véhicule II.2.2.a Bruit rayonné par le groupe moto propulseur (Figure II-2-d) Ce type de bruit est dû aux explosions dans les cylindres du moteur et au choc des pistons contre les chemises. Ces phénomènes excitent le bloc moteur et les divers accessoires, notamment les carters. Parmi ces derniers, la cuvette d huile et le cache culbuteur ont souvent une contribution élevée dans le rayonnement acoustique global du moteur. Pour les moteurs Diesel, la majeure partie du bruit émis est dû à la rapide montée en pression dans les cylindres qui suit la combustion. Pour les moteurs à essence et les moteurs Diesel turbochargés, la montée en pression étant plus douce, les sources secondaires prennent de l importance (pistons, système d injection ). 38

Chapitre II : Estimation du bruit routier Le bruit émis par le groupe motopropulseur dépend du régime N et de la charge du moteur, celle-ci déterminant le couple développé. D autres paramètres tels que la taille du moteur (reliée à la cylindrée) et la forme interne jouent aussi un rôle. Pour les moteurs Diesel, la charge intervient peu sauf pour l injection indirecte retardée qui peut réduire de 5 db l émission à faible charge. L effet du régime moteur N varie suivant le type de moteur entre 30logN pour les Diesels et 50logN pour les moteurs à allumage commandé. Le niveau de bruit émis croît relativement moins avec la cylindrée C, 17,5logC [Beaumont et Guarracino, 1996]. Ainsi, à puissance développée égale, un moteur plus gros donc tournant plus lentement est plus silencieux qu un moteur rapide. De plus, il convient de noter que pour une vitesse donnée, le régime et la charge du moteur dépendent du rapport de boîte engagé, de l accélération du véhicule, du type de moteur, de la charge embarquée, de la pente de la voie Dans les années 80, le bruit émis par le moteur (avec celui des gaz d échappement) était prédominant dans le bruit total émis par un véhicule pour toute la gamme de vitesses inférieures à 60 km.h -1 [Myncke et al, 1980]. De nos jours, il apparaît que le bruit moteur n est prépondérant que pour les deux premiers rapports de boîte pour de faibles vitesses (< 30 km.h -1 ), et durant les phases d accélérations [Sandberg, 2001] [Lelong et Michelet, 2000]. II.2.2.b Bruit dû au contact pneumatique/chaussée (Figure II-2-a) Cette émission acoustique, qui met en jeu le solide déformable et complexe qu est le pneumatique et la chaussée, recouvre des phénomènes compliqués et encore mal connus. Les mécanismes générateurs de bruit sont de deux natures : vibrations (basses et moyennes fréquences) et résonance de l air (moyennes et hautes fréquences). L influence des pneumatiques est déterminée par trois facteurs : le dessin des sculptures, la nature des matériaux et l assemblage des constituants de la bande de roulement. Les pneumatiques à empreintes marquées sont en général plus bruyants que ceux munis d empreintes plus douces, les pneumatiques neufs sont en général moins bruyants que les usés. Le type de chaussée influe aussi sur le niveau de bruit émis. Les revêtements caractérisées par une forte porosité et une forte communication entre les vides offrent les meilleures qualités acoustiques. En particulier, les enrobés drainants font partie à ce jour des revêtements offrant la meilleure qualité acoustique. Niveau LAp max 7,5 m NF 31 119 Moyenne Mini-Maxi Bétons bitumineux drainants 73,5 db(a) 70 à 77 Bétons bitumineux semi-grenu 77 db(a) 75à 79 Enduits superficiels 79 db(a) 78 à 80 Bétons de ciment 80,5 db(a) 79 à 82 Tableau II.1: Bruit émis par un véhicule en fonction du type de revêtement 10 10 Source : Base de données Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées (LRPC) de Strasbourg 39

Le bruit routier : une nuisance à estimer La météorologie peut aussi avoir une influence sur l émission du bruit de contact pneumatique/chaussée. En effet, une route recouverte d un film d eau génère un bruit caractéristique. Celui-ci peut entraîner une augmentation de l émission acoustique de 2 à 5 db en fonction du type de surface [Descornet, 2000]. Les paramètres qui permettent de caractériser le bruit de contact pneumatique/chaussée sont donc le type de pneumatique et de chaussée ainsi que la vitesse du véhicule. De nos jours, ce bruit est prépondérant sur toutes les autres sources d émission d un véhicule léger pour toute la gamme de vitesse lorsque le rapport de boîte est supérieur à trois [Lelong et Michelet, 2000]. Pour les poids lourds, il est prépondérant dès 50 km.h -1 même en accélération [Sandberg, 2001]. II.2.2.c Les autres sources de bruit d un véhicule Le groupe motopropulseur et le contact pneu/chaussée sont les deux sources principales de bruit d un véhicule. D autres sources peuvent également être identifiées : - Les tubulures (Figure II-2-c) : les bruits provenant des tubulures sont dus aux vibrations à hautes pressions de la colonne de gaz ; - Les bouches d admission et d échappement (Figure II-2-b) : les bruits d admission proviennent de la valve d entrée qui s ouvre et se ferme périodiquement. Ces bruits augmentent avec la charge du moteur. Les bruits d échappement des gaz ont pour origine la brusque détente de ces derniers lors de l ouverture de la valve de sortie. Sans silencieux, ces sources seraient prédominantes sur l ensemble des autres sources du véhicule ; - Le système de ventilation (Figure II-2-f) et en particulier le ventilateur de type flux axial qui sert à refroidir le moteur par l intermédiaire du circuit de refroidissement ; - Le système de transmission (Figure II-2-e) : le phénomène de génération du bruit émanant de cette source est encore mal connu. Il semble que la boîte de vitesse joue un rôle important ; - Les bruits aérodynamiques : la cause principale de ce type de bruit est la création de vortex à la surface du véhicule. Ce bruit ne dépend quasiment que de la vitesse du véhicule ; - Les bruits de freinage : ils sont dus à la fois au crissement des freins et à la décharge de pression dans le système de freinage. Ce type de bruit est particulier car bien qu il ne se produise pas assez souvent pour contribuer de manière significative au niveau de bruit globalement émis, il peut être source de désagréments importants pour les riverains proches des zones de décélération. Peu d informations sont disponibles pour caractériser spécifiquement ces différentes sources. Lors de mesures, leur contribution respective est intégrée dans l émission globale du véhicule. Ainsi, ne sont bien souvent distingués que le bruit moteur et le bruit de contact pneumatique/chaussée, car ils correspondent à deux plages bien distinctes d utilisation des véhicules. Pour des vitesses associées à l utilisation des deux premiers rapports de boîte, le bruit moteur est prépondérant. Pour des vitesses plus élevées, c est au tour du bruit de contact pneumatique/chaussée de primer. 40

Chapitre II : Estimation du bruit routier II.2.3 Synthèse des différents paramètres caractérisant l émission du bruit Le niveau de bruit émis par chaque source sonore d un véhicule dépend de l état et de l environnement de celui-ci. L émission globale d un véhicule est donc sensible à un ensemble de paramètres qu il convient de synthétiser. Ces paramètres ont un double intérêt : d une part, ils servent de variables explicatives aux modèles acoustiques qui cherchent à déterminer l émission de bruit (lois d émission) ; d autre part, ils représentent la liste des variables de trafic qu il convient d estimer le plus précisément possible (par la mesure directe ou par la modélisation) pour déterminer l émission de bruit par application des lois. II.2.3.a Cas d un véhicule isolé Les paramètres caractérisant l émission acoustique d un véhicule individuel peuvent être regroupés schématiquement en trois grandes familles [Lelong et Leclercq, 1998] : - Les paramètres cinématiques : il s agit classiquement de la vitesse et de l accélération ; - Les paramètres mécaniques qui décrivent le fonctionnement du moteur : rapport de boîte, régime moteur et charge appliquée au moteur ; - Les paramètres du véhicule et de l infrastructure donnant une indication sur l environnement dans lequel évolue le véhicule (type de revêtement, profil en long, type du véhicule, pneumatique, poids total en charge, type de motorisation ). Les paramètres de l infrastructure sont des paramètres descriptifs qui interviennent comme des correctifs par rapport à un environnement standard. Leur influence sur le bruit émis est constant quels que soient l état cinématique et mécanique des véhicules. Il en est de même pour les paramètres définissant le véhicule. Le plus important d entre eux est la catégorie du véhicule (d où l intérêt de définir des classes de véhicules cf. II.2.1), le poids total en charge étant directement corrélé avec celui-ci. Le type de pneumatique peut être approché par une définition moyenne car, sur une portion de voie, la probabilité de trouver des véhicules significativement équipés de manière identique au point d influencer le niveau de bruit est assez faible. Il en est de même pour le type de motorisation. La vitesse V est un paramètre primordial pour déterminer le bruit émis par un véhicule. Elle peut être utilisée comme unique variable descriptive lorsque le bruit de contact pneumatique/chaussée devient prédominant. A basse vitesse, la puissance acoustique dépend plutôt du régime moteur. Ce paramètre étant difficile à estimer, il est préférable d utiliser la vitesse, l accélération et le rapport de boîte comme variables explicatives. L influence de l accélération est très importante lors des démarrages et des reprises pour les faibles rapports de boîte (1 ère et 2 ème ). L enjeu peut alors être supérieur à 5 db (cf. II.3.4). Enfin, le rapport de boîte joue un rôle moindre pour les poids lourds que pour les véhicules légers, car pour maintenir le fonctionnement du moteur dans la zone de consommation minimale les constructeurs essayent de garantir un régime moteur variant faiblement en multipliant le nombre de rapports sur la boîte de vitesse. 41

Le bruit routier : une nuisance à estimer En résumé, outre les variables d environnement qui peuvent être formulées sous forme d abaques, les variables caractérisant le bruit émis par un véhicule sont la vitesse, le rapport de boîte et l accélération du véhicule. II.2.3.b Cas d un flux de trafic Le bruit émis par un flux de trafic correspond à la somme des bruits individuels générés par les différents véhicules qui le composent. Les paramètres permettant de décrire un flux sont donc la vitesse, l accélération et le rapport de boîte des véhicules ainsi que la position, le nombre de véhicules et leur type. Pour une circulation importante, il est impossible de connaître le comportement de chaque véhicule individuellement. Le comportement du flux peut être approché grâce à des variables plus globales telles que le débit Q (nombre de véhicules qui passent en un point par unité de temps) ou la densité K (nombre de véhicules par unité de longueur à un instant donné). La vitesse, l accélération et le rapport de boîte peuvent être définis constants pour des portions de voies homogènes et appliqués à tous les véhicules de cette section. Considérer la vitesse, l accélération et le rapport de boîte constants n est justifié que si le comportement global du trafic est stationnaire et si la dispersion des comportements individuels des véhicules n est pas trop importante. Représenter les véhicules par un flux homogène de débit Q nécessite que l approximation des véhicules par une ligne source soit valide. Pour cela, il faut que le temps d agrégation des niveaux de bruit calculés à partir de cette représentation du flux soit assez grand et que le débit soit suffisamment important (cf. Annexe 2). La précision de la description du trafic est un point important notamment lorsque l écoulement est pulsé, c est-à-dire soumis à d importantes variations (aux abords des feux tricolores en milieu urbain par exemple). Ce point sera étudié par la suite. II.3 Revue des modèles d émission acoustique expérimentaux Après avoir identifié les paramètres caractérisant l émission de bruit, il convient d étudier les modèles d émission existants pour connaître les paramètres réellement utilisés et le niveau de précision obtenu. L objet de ce paragraphe est de comparer ces différents modèles pour justifier le choix du modèle d émission qui sera intégré dans le modèle dynamique d estimation des nuisances sonores, objet de cette thèse. Ces modèles acoustiques sont des modèles expérimentaux qui, à partir de mesures, essaient de déterminer l influence respective des différentes variables explicatives retenues. II.3.1 Méthodologie L établissement de lois d émission de bruit se fait par mesures pour des véhicules considérés individuellement. Ces mesures peuvent se faire soit in situ soit sur piste d essai. Le protocole concernant les mesures in situ est normalisé (norme AFNOR NFS 31 119 11 et 11 AFNOR NFS 31 119 : Caractérisation in situ des qualités acoustiques des revêtements de chaussée 42

Chapitre II : Estimation du bruit routier ISO 11819-1 12 ). Un microphone est placé à 7,5 mètres de la chaussée et enregistre le niveau de pression instantané LA p (t) au passage du véhicule. A partir du niveau de pression maximum enregistré LA max, il est possible de déterminer le niveau de puissance du véhicule (cf. II.1.2.c.i). Il suffit alors de mesurer les paramètres d état du véhicule pour construire la loi d émission. In situ, le seul paramètre qu il soit possible de mesurer facilement est la vitesse. Ainsi, ce type de mesure est bien adapté pour caractériser l émission d un véhicule lorsque le bruit de contact pneumatique/chaussée est prédominant et que les véhicules ont un comportement homogène durant la période de mesure (trafic fluide). Pour les plus basses vitesses ou lorsque les véhicules sont en phase d accélération ou de décélération, il est préférable de faire les mesures sur piste en utilisant des véhicules équipés de capteurs. Le protocole utilisé [Lelong, 1998] s inspire alors de ceux décrits dans les procédures normalisées. Ce type de mesure permet également d étudier l émission des véhicules pour des allures urbaines sans enregistrer de phénomènes parasites induits par le tissu urbain (rues en U, présence d obstacles acoustiques réfléchissants). A partir d un échantillon de mesures statistiquement représentatives, des régressions sont effectuées par rapport aux variables explicatives retenues pour déterminer les lois d émission de bruit. II.3.2 Les principaux exemples de lois d émission Plusieurs pays dans le monde ont réalisé des études destinées à déterminer les émissions de bruit routier. Ces lois sont intégrées à l intérieur de méthodes ou d outils de calcul des nuisances sonores qui sont couramment utilisés pour évaluer l impact acoustique des infrastructures routières (cf. Chapitre III). II.3.2.a Le modèle américain : FHWA Trafic Noise Level (1995) Le modèle américain de prévision du bruit routier (d après [Hamet, 1996a]) est basé sur des campagnes de mesures réalisées entre 1994 et 1995 pour le compte de la Federal HighWay Administration (FHWA). Ces mesures ont été regroupées dans une base de données d émission. A partir de cette base, les niveaux d émission moyens de référence (REMELS : Reference Energy Mean Emission LevelS) ont été déterminés par régression pour les cinq catégories de véhicules représentatives du réseau routier inter état (interstate highway system). La moyenne statistique résultante est basée sur des énergies acoustiques et non sur des niveaux. Le modèle américain propose une loi d émission unifiée, ne dépendant que de la vitesse sur le tronçon et paramétrable en fonction du type de revêtement, de la pente de la voie et des conditions de trafic (deux types d écoulement sont pris en compte : les phases d accélération et les phases de vitesse stabilisée). 12 ISO 11819-1 : Influence des revêtement sur un bruit de trafic méthode statistique de passage 43

Le bruit routier : une nuisance à estimer Cette loi détermine le niveau de pression maximum LA max à 15 mètres du bord de la chaussée : s : vitesse LAmax ( s) = 10 log 10 + 10 C+ Ec Alog( s) + B+ Eb 10 10 A, B, C constituent les trois paramètres de la loi d émission. Ils sont définis en fonction de la catégorie des véhicules, du type de revêtement, de la pente de la voie et de la nature de l écoulement du trafic. û( c et û( b correspondent à l ajustement de la moyenne arithmétique à la moyenne énergétique. Ces valeurs sont consignées dans des abaques [Fleming et al, 1995] dont le détail ne sera pas exposé ici. Plus que les résultats en euxmêmes, l important dans le cadre de cette revue de modèles est d étudier les hypothèses effectuées lors du choix de la forme de la régression : - Le coefficient C représente la contribution du bruit moteur. Cette contribution est supposée indépendante du revêtement, ce qui est légitime, mais aussi de la vitesse : cette dernière hypothèse est fausse car sur la plage des basses vitesses le bruit moteur dépend de la vitesse de manière non négligeable. Le rapport de boîte influe lui aussi mais moins que pour les voitures européennes étant donné que la quasi-totalité des voitures américaines disposent d une boîte automatique. - Le terme Alog(s)+B correspond au bruit de contact pneumatique/chaussée qui dépend de manière logarithmique de la vitesse 13. Le taux d évolution A de ce type de bruit en fonction de la vitesse est supposé indépendant du revêtement dont l influence n affecte que le coefficient B. - L impact d une voie en pente est modélisé par une variation du coefficient C. Seul le bruit moteur/échappement est donc supposé affecté. Cet effet n est pris en compte que pour les «heavy trucks». - Pour un trafic en accélération, le coefficient C est modifié uniquement si la voie considérée est de pente nulle. Le modèle américain a l avantage de la simplicité car il utilise peu de paramètres et une seule variable explicative : la vitesse. D un autre côté, avec de telles hypothèses, l utilisation de ce modèle pour représenter l émission du trafic en milieu urbain apparaît peu pertinente. En effet, un bruit constant sur toute la plage des basses vitesses, comme supposé par le modèle, (Figure II-3), même s il existe un correctif pour prendre en compte un écoulement accéléré, ne correspond pas au bruit réellement émis aux allures urbaines. Ces lois d émission sont donc plus adaptées au milieu interurbain pour des trafics homogènes et fluides. Enfin, il est à noter que ce modèle rend assez bien compte de l influence du revêtement (quatre types de chaussées différentes peuvent être paramétrées). 13 Cette dépendance est communément admise et se vérifie pour des hautes vitesses dans tous les modèles. 44

Chapitre II : Estimation du bruit routier Figure II-3: Loi d'émission de bruit (modèle FHWA) II.3.2.b Le modèle allemand : RLS 90 (1990) Les procédures à suivre, en Allemagne, pour effectuer les prévisions de bruit de trafic routier sont regroupées dans les «Directives sur la protection contre le bruit routier» 14. L idée de base de ces directives est de définir des conditions normalisées de circulation des véhicules pour lesquelles l émission acoustique est déterminée, puis de proposer un ensemble de correctifs pour représenter les écarts par rapport à la situation de référence. Ce modèle n utilise pas directement de variables explicatives caractérisant la cinématique des véhicules. Le niveau de référence L m 25, correspondant à un LA eq calculé sur une heure à une distance de 25 mètres de la voie, est donné en fonction du débit de trafic M et du pourcentage de poids lourds p, pour un revêtement de type asphalte coulé non rainuré, une vitesse maximale autorisée de 100 km/h et un profil en long dont la pente est comprise entre + ou 5% : ( ) 25 Lm = 37,3 + 10 log M 1+ 0, 083p A partir de ce niveau de référence, les correctifs appliqués tiennent compte de la vitesse maximale autorisée (D V ), du type de revêtement (D StrO ) et de la pente (D Stg ) : L = L + D + D + D 25 m, E m V StrO Stg Un autre correctif est utilisé pour représenter l impact des carrefours gérés par des feux tricolores. Ce correctif introduit une pondération linéaire K par rapport au niveau calculé en absence de carrefour, pondération qui est fonction de la distance d du point de mesure par rapport au centre de l intersection (Tableau II.2). d K [db(a)] d P 3 40 m < d P 2 70 m < d P 1 100 m < d 0 Tableau II.2: Pondération représentant l'influence d'un feu tricolore sur une voie L analyse des variables et des paramètres qui caractérisent le modèle allemand montre que celui-ci est plutôt adapté au milieu interurbain. Pour une application en milieu urbain, ce modèle propose une représentation approchée des carrefours à feux. Cette 14 Richlinien für den Lärmschutz an Straßen (RLS 90) (étudié par Hamet [1996b]) 45

Le bruit routier : une nuisance à estimer représentation reste très grossière car l impact de ce type d aménagement n est évalué que par un correctif simpliste sur des niveaux moyens calculés sur une heure. La dynamique du trafic correspondante et les variations de l émission de bruit qui en résultent ne sont pas précisément évaluées. II.3.2.c Le modèle français : le Guide du Bruit (GdB 1980) Le GdB a été conçu par le Centre d Etudes des Transports Urbains (CETUR actuellement CERTU), avec l aide notamment de l Institut de Recherche des Transports (IRT devenu depuis l INRETS, Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité) et du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) [CETUR, 1980]. Il est basé sur une campagne de mesures réalisée courant 1976. Le GdB propose deux méthodes qui diffèrent par leur finesse de description des émissions de bruit par une voie. II.3.2.c.i Le modèle simplifié La méthode simplifiée a été conçue pour déterminer par un calcul très rapide le bruit reçu en façade de bâtiment sous la forme d un LA eq entre 6 h et 22h. Deux cas sont distingués suivant la forme du bâti entourant la route : rue en U ou tissu ouvert. Cette distinction a été introduite principalement pour des raisons qui relèvent de la propagation du bruit, très différente dans ces deux cas. Dans le deuxième cas, le bruit est reçu directement par le récepteur ou alors après une unique réflexion sur le sol alors que, dans le premier cas, de multiples réflexions sur les façades des bâtiments se produisent. La distinction entre tissu ouvert et rue en U n est cependant pas exclusivement basée sur des critères propagatifs et des différences existent en ce qui concerne la représentation du trafic. Ainsi, les rues en U sont associées à des circulations urbaines où le trafic est pulsé (alternance de phases d accélération et de décélération sans qu il soit possible de distinguer les deux états). Le LA eq calculé à 2 mètres en façade des bâtiments qui bordent la voie est dans ce cas : LA = 55 + 10log( Q + EQ ) 10 logl + k + k + k + k eq Vl Pl h v r c Q Vl : débit représentatif 15 de véhicules légers [véh.h -1 ] Q Pl : débit représentatif de véhicules lourds [véh.h -1 ] E : facteur d équivalence acoustique entre les véhicules légers et les véhicules lourds k h : correction de hauteur (fonction de la hauteur du point d observation par rapport à la voie) k v :correction de vitesse (pour des vitesses supérieures à la vitesse de référence, 60 km.h -1 ) k r : correction de rampe k c : correction de carrefour l : largeur entre façades d immeubles [m] La vitesse n est pas utilisée directement comme variable explicative de ce modèle. Ceci revient à supposer que le bruit moteur prédomine pour ces conditions de trafic et qu il est constant. Le correctif k v introduit pour prendre en compte la vitesse réelle des véhicules est d ailleurs constant jusqu à 60 km/h puis linéaire ensuite. Par contre, ce modèle distingue les véhicules légers et les poids lourds et utilise le débit représentatif comme variable pour ces deux types de véhicules. Les autres paramètres pris en compte sont les 15 Le débit représentatif est considéré comme le trafic journalier divisé par 17. 46

Chapitre II : Estimation du bruit routier rampes et les carrefours. Pour ces derniers, le modèle considère uniquement l influence de la voie perpendiculaire à la voie principale. Les voies en tissu ouvert correspondent plus à des situations de trafic interurbaines ou alors à des voiries urbaines plutôt rapides et bien dégagées. L influence de la vitesse des véhicules est ici directement prise en compte. Par contre, les carrefours ne sont plus modélisés et le facteur de correction de rampe est directement intégré dans le facteur d équivalence acoustique entre poids lourds et véhicules légers : lc LA = 18 + eq 10log( Q + Vl EQ ) + Pl 20 logv θ 12 log d + 10 log 3 + 180 d : distance du point de calcul du bruit au bord de la route 16 [m] l c : largeur de la chaussée [m] : angle sous lequel la route est vue depuis le récepteur 17 [ ] La principale lacune de ces lois d émission et de ne pas prendre en compte le type de revêtement. Par contre, une approche de l émission du bruit des véhicules en milieu urbain est proposée. Cette approche reste cependant très sommaire car elle regroupe sous la notion de trafic pulsé l ensemble des comportements du trafic en ville. En particulier, la méthode simplifiée ne tient pas compte de la cinématique spécifique du flux à l approche des intersections, situation qui en terme de bruit est loin d être négligeable. La méthode détaillée du GdB tente de répondre à ce manque. II.3.2.c.ii Le modèle détaillé La méthode détaillée définit le bruit émis E comme le bruit dû au trafic reçu sur l isophone de référence en ne considérant pour la propagation que l effet de la distance. L isophone de référence se définit comme «la surface fictive ou réelle passant par tous les points où le niveau acoustique LA eq est égal à celui qui existerait au point situé à 30 m du bord de la voie à 10 m au dessus du plan de la chaussée». Sur cet isophone, E est donné par : E = LA 10 logv 50 + 10 log Q w Q : débit représentatif pour la catégorie de véhicules considérée [véh.h -1 ] V : vitesse moyenne [km.h -1 ] LA w : niveau de puissance acoustique émis par le véhicule considéré comme représentatif de la catégorie considérée [db(a)] Le niveau d émission E est donné dans des abaques (cf. Annexe 3) séparément pour les poids lourds et pour les véhicules légers, ceci pour quatre types d écoulement différent (fluide, pulsé, accéléré ou décéléré) et pour trois types de déclivité (plat, montée et descente). Pour déterminer le niveau global de bruit, il suffit d identifier le type d écoulement et de déclivité pour chaque catégorie de véhicules et de sommer les émissions en les pondérant suivant les débits de chacune des classes de véhicules. La méthode détaillée propose également une méthode plus fine pour représenter les carrefours. Tout d abord, il faut identifier le type d écoulement du trafic sur la voie au 16 Le terme intégrant cette variable correspond aux effets propagatifs. 17 Ce paramètre est introduit pour prendre en compte les effets de masque dus à d autres bâtiments. 47

Le bruit routier : une nuisance à estimer niveau de l intersection, parmi les quatre précédemment cités. Par exemple, dans le cas d un sens unique, l écoulement est de type décéléré en amont du feu et de type accéléré en aval. Puis, en fonction d une vitesse de base valable pour toute la voie, le GdB considère que les véhicules décélèrent à l approche du point d arrêt suivant une courbe préétablie (Figure II-4). En découpant les abords de l intersection en segments de vitesses homogènes, il est possible de calculer l émission par segment qui tient compte d une représentation cinématique moyenne du flux. Ainsi, plutôt que de représenter une ligne source homogène sur toute la voie étudiée, cette ligne source est décomposée pour tenir compte des variations d émission aux abords de l intersection dues aux variations de vitesses. -200 m -100 m 100 m 200 m Figure II-4: Variation de la vitesse des véhicules à l'approche d'une intersection Parmi l ensemble des modèles étudiés, cette méthode apparaît comme la plus précise en ce qui concerne l évaluation du bruit en milieu urbain. En contrepartie, elle est assez difficile à utiliser. La base de ce modèle est l identification de cas, ce qui demande à ce que des hypothèses sur le trafic soient faites, hypothèses souvent bien difficiles à valider. Au niveau du trafic, l entrée de base est un type d écoulement supposé par le projeteur et non une représentation fine de celui-ci. De plus, cette méthode est limitée à une voirie unique et elle est difficilement applicable à l échelle d un réseau. Enfin, ce modèle ne sait pas prévoir les conséquences d une variation du trafic de manière simple. Il faut à chaque fois redéfinir les zones de comportement homogène et refaire des hypothèses sur le type d écoulement dans chaque zone. II.3.3 Comparaison des modèles II.3.3.a Comparaison des niveaux d émission La comparaison directe des trois modèles présentés précédemment est délicate car les lois d émission ne sont pas exprimées selon une formulation similaire avec notamment le même indicateur de bruit. En choisissant la notion d émission acoustique E du GdB (cf.ii.3.2.c.ii) et en exprimant toutes les lois en fonction de la vitesse, il est toutefois possible de confronter les différents modèles [Hamet, 1996a] [Hamet, 1996b]. Pour les vitesses élevées (V>60 km/h) l allure des courbes E=f(V) est semblable. Les niveaux du modèle français sont surévalués d environ 2 db pour les véhicules légers que ce soit par rapport au modèle américain ou au modèle allemand. Cette différence s explique notamment par la période de vingt ans qui séparent les mesures effectuées sur le parc français de celles réalisées en Allemagne et aux Etats-Unis. Cette analyse est 48

Chapitre II : Estimation du bruit routier d ailleurs confirmée par des mesures faites plus récemment en France. Ce point est important car si on cherche à utiliser le GdB comme instrument de comparaison par rapport aux résultats développés dans cette thèse, il faudra tenir compte de la vétusté des mesures comme élément expliquant une différence uniforme de niveau. Pour les basses vitesses, les lois d émission allemandes restent, pour les véhicules légers, très proches des lois d émission françaises (écart d environ 2 db(a)). Par contre, le modèle américain prévoit des niveaux de bruit moteur plus faibles de 5 à 10 db(a). Ceci peut s expliquer par la mauvaise qualité de la régression effectuée par le modèle américain pour les basses vitesses (peu de valeurs mesurées et niveau supposé constant sur toute la plage des basses vitesses sans qu il soit fait mention de la dispersion observée). D autres explications d ordre culturel peuvent aussi être avancées : les véhicules américains sont de cylindrées plus grosses que les véhicules européens. Ces véhicules sont donc moins bruyants quand la composante moteur prédomine. En accélération 18, les niveaux proposés par le modèle français et le modèle américain sont très proches (différence inférieure à 2dB(A)). En ce qui concerne les poids lourds, la comparaison des lois d émission est rendue plus difficile par le fait que la définition des poids lourds est différente suivant les pays. Cependant, l influence des variables cinématiques sur le bruit moteur étant moindre pour cette catégorie de véhicule, la forme des lois est plus simple et se retrouve dans chacun des modèles. II.3.3.b Comparaison des fonctionnalités Steele [Steele, 2001] a récemment publié un article de synthèse sur les capacités de représentation des différents modèles acoustiques existants. Outre les trois modèles présentés ci-dessus, deux autres modèles sont étudiés : le modèle suisse MBTREP (Modèle de Bruit du Trafic Routier dans les Zones Habités [Lelong, 1998]) et le modèle japonais, ASJ-1998 [Oshino et al, 2000]. Ces deux modèles ne seront pas présentés car ils utilisent des hypothèses analogues à celles déjà évoquées lors de la revue des trois premiers modèles. L ensemble de ces modèles présentent les mêmes grandes caractéristiques à savoir qu ils donnent de bons résultats lorsqu il s agit d estimer les niveaux de bruit de voiries interurbaines ou périurbaines lorsque le trafic est fluide. Par contre, ces modèles ne sont pas capables de représenter l impact de voies urbaines où le trafic est complexe et souvent interrompu. Par exemple, l effet de feux tricolores, de déviations de trafic, de la présence de passages piétons ou de tout autre système de régulation de trafic est difficile à estimer alors que ces aménagements sont fréquents en ville. Steele définit en conclusion de sa synthèse les caractéristiques d un modèle «idéal» capable de répondre aux besoins d expertise des nuisances sonores, notamment en milieu urbain. Pour atteindre ses objectifs, le modèle «idéal» doit nécessairement affiner sa connaissance de la source d émission qu est le trafic, ce qui recouvre deux aspects : 18 Le modèle allemand ne caractérise pas l influence de l accélération. 49

Le bruit routier : une nuisance à estimer - La description plus précise du comportement des sources que sont les véhicules (comportement cinématique et impact des systèmes de régulation du trafic notamment) ; - La connaissance de l émission de ces sources dans les situations complexes que sont les redémarrages, les accélérations et les décélérations. Il s agit ici d affiner la caractérisation des émissions aux basses vitesses pour des allures urbaines. Le premier point sera développé au Chapitre III. En parallèle de toutes améliorations de la représentation du trafic, il est nécessaire que soient affiner les lois d émission de bruit pour qu elles répondent aux critères édictés ci-dessus. C est l objet du paragraphe suivant. II.3.4 Amélioration et actualisation des lois d émission unitaire Le Laboratoire Transport et Environnement (LTE) de l INRETS mène depuis 1997 des campagnes de mesures destinées à actualiser les abaques du GdB, notamment en ce qui concerne les différentes allures urbaines. Ces travaux sont coordonnés par Joël Lelong [Lelong et Michelet, 1998] [Lelong et Michelet, 2000]. Les mesures ont été réalisées sur piste d essai soit en vitesse stabilisée, soit en accélération et en décélération. Les véhicules enquêtés, au nombre de 25, ont été choisis afin de constituer un panel représentatif de la classe des véhicules légers 19 (motorisation essence et diesel). Pour chaque passage d un véhicule, les paramètres relevés sont le niveau LA max à 7,5 mètres, la vitesse instantanée, l accélération et le rapport de boîte engagé 20. Une dizaine de passages ont été effectués en vitesse stabilisée et en accélération sur toute la plage de vitesse couverte par chaque rapport engagé. A partir de l ensemble de ces mesures, des régressions ont été effectuées afin de déterminer pour chaque rapport de boîte l émission acoustique correspondant à un véhicule moyen représentatif de la classe étudiée (ici les véhicules légers). Ces régressions 21 sont de la forme : V LAw = A + Blog avec Vref = 90 km/h V ref 19 Afin d actualiser les lois d émission unitaire par rapport à celles du GdB, le panel a été constitué de véhicules récents (année modèle 1996 à 2000). 20 Pour les véhicules diesels, un paramètre supplémentaire a été relevé : le régime moteur. 21 Le choix de V réf a été effectué uniquement dans un souci de lisibilité des coefficients de régression. Il n influence en rien les résultats. 50