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UNIVERSITÉ MONTPELLIER I FACULTÉ DE MÉDECINE DE MONTPELLIER THÈSE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L UNIVERSITÉ MONTPELLIER I Discipline : Biochimie, Biologie Moléculaire et Cellulaire Ecole Doctorale : Sciences Chimiques et Biologiques pour la Santé Formation doctorale : Biologie Santé Présentée et soutenue publiquement par Zeina MAJED Le 8 Décembre 2009 Elaboration d un nouveau modèle pour la caractérisation de nouveaux gènes impliqués dans la stabilité des sites fragiles JURY Dr Vincent CAVAILLES Dr Arnaud COQUELLE Dr Charles THEILLET Dr Alex DUVAL Dr Michel LONGY Dr Alain PUISIEUX Président Co-Directeur de thèse Co-Directeur de thèse Rapporteur Rapporteur Examinateur 1

Thèse Elaboration d un nouveau modèle pour la caractérisation de nouveaux gènes impliqués dans la stabilité des sites fragiles Zeina MAJED 1

Remerciements : Je souhaite remercier tout d abord l ensemble des membres du Jury d avoir accepté de juger ce travail et de participer à ma soutenance. Je voudrais tout d abord remercier Charles Theillet pour m avoir accueilli au sein de son laboratoire «Identité et Plasticité Tumorale» et de m avoir permis d effectuer cette thèse dans les meilleures conditions. Je remercie Arnaud Coquelle pour la lecture et la correction de ce manuscrit. Carole, ma chère voisine de bureau, ta spontanéité et ton ouverture d esprit ont grandement participé à la bonne ambiance au quotidien. Toutes nos conversations et tous nos fous rires vont me manquer. Un merci tout particulier à Anne, pour le temps que tu m as accordé, pour ta gentillesse et pour ton soutien. J ai beaucoup appris grâce à toi. Laurence, merci pour ton aide précieuse et surtout pour ta patience et ton sourire. Merci à toi, Rui, pour ton calme et ta gentillesse. Tu as été un voisin de bureau super! Je remercie aussi tout le reste de l équipe : Béatrice, Héléne, Lisa, Pierre et Sandie. Je remercie sincèrement Yves, Jean Yves et Françoise pour leur gentillesse et leur disponibilité. Un grand merci à Audrey et Lorène du plateau Neurogénétique de l INM, de m avoir aidé dès que j en avais besoin, pour leur accueil sympathique avec le sourire permanent. Et merci surtout à toute ma famille qui a toujours été là pour moi tout au long de ces années et à tous mes amis qui ont su me changer les idées quand j en avais besoin. 2

Merci à toi, Bassam, pour ton aide, pour ta disponibilité et tes conseils. Laurent, ces dernières lignes te reviennent de droit, pour ta présence, ton soutien durant toutes ces années, tes conseils et pour la relecture de ce manuscrit. 3

Abréviations : ADN : Acide-Desoxyribo-Nucléique APC : Aphidicoline ATM : Ataxia Telangiectasia Mutated ATR : ATM and Rad3 Related Protein ATRIP : ATR interacting protein ARN : Acide Ribonucléique BRIT1 : BRCT-inhibitor of htert expression BER : Base Excision Repair Cal A : calyculine A CDC : Cell Division Cycle mutant CDK : Cyclin Dependant Kinase CDKi : Cyclin Dependant Kinase inhibitor Chk : Checkpoint kinase CPD: Cyclo-pyrimidine dimer DMSO : Dimethyl Sulfoxide DNA-PK : DNA-protein kinase DSB : Double Strand Break E2F : E2 recognition Factor ESCO : Establishment of Cohesin homolog FANCD2 : Fanconi anemia complementation group 2 FAM : 6-Carboxyfluorescein FEN1 : Flap endonuclease 1 FISH : Fluorescence In Situ Hybridization HEX : 6-carboxy-2', 4', 7', 4, 7-hexachlorofluorescein HR : Homologous Recombination MCPH1 : Microcephaly Primary Type 1 MDC1 : Mediator of DNA-damage checkpoint 4

MSI : Microsatellites Instability MSS : Microsatellites Stability MMR : Mismatch Repair NER : Nucleotide Excision Repair NIPBL : Nipped- B homolog Drosophila NHEJ : Non Homologous End Joining NMD : Nonsense-Mediated mrna Decay PCC : Premature chromosome condensation PCNA: Proliferating Cell Nuclear Antigen PCR : Polymerase Chain Reaction PMS 1, 2 : PostMeiotic Segregation Increased, S Cerevisiae, 1,2 PTC : Premature Termination Codon RFB : Replication Fork Barriers RPA : Replication Protein A ROX : 6- carboxy-x-rhodamine SSB : Single Strand Break SMC1 : Structural Maintenance of Chromosome TopBP1 : Topoisomerase-II Binding Protein UTR : Untranslated Region UV : Ultra Violet 5

Sommaire : I INTRODUCTION... 9 I.1 INTRODUCTION GENERALE... 10 I.1.1 Instabilité génomique et cancer... 10 I.2 LE STRESS REPLICATIF... 11 I.2.1 Sources du stress réplicatif... 11 I.2.1.1 Les modifications oxydatives... 11 I.2.1.2 Les altérations photo-induites... 13 I.2.1.3 Les agents alkylants... 14 I.2.1.4 Les conformations de l ADN... 15 I.2.1.5 L interférence entre la machinerie de réplication et la machinerie de transcription... 15 I.2.1.6 Voies de réparation des cassures double brins... 16 I.3 LES SITES FRAGILES... 20 I.3.1 Généralités... 20 I.3.2 Perturbation de la réplication et expression des sites fragiles... 22 I.3.2.1 Stress réplicatif... 22 I.3.2.2 Réplication tardive des sites fragiles communs... 22 I.3.3 Sites fragiles et cancers... 23 I.3.3.1 Sites fragiles et remaniements chromosomiques... 24 I.3.3.2 Sites fragiles et progression tumorale... 26 I.3.3.3 Sites fragiles et micro-arn... 27 I.4 LES VOIES IMPLIQUEES DANS LE MAINTIEN DE LA STABILITE DES SITES FRAGILES... 28 I.4.1 Le cycle cellulaire... 28 I.4.1.1 Généralités... 28 I.4.1.2 Voies d activation de p53... 29 I.4.2 Dommages de l ADN et stabilité des sites fragiles... 30 I.4.2.1 Point de contrôle intra-s et stress réplicatif... 31 I.4.2.2 Point de contrôle de la transition G2/M... 34 I.4.2.3 Voies de réponse aux dommages de l ADN et site fragile... 35 I.4.2.4 Voies de réparation des lésions double brins de l ADN et site fragile... 36 I.5 MCPH1/BRIT1 : UN NOUVEAU GENE CANDIDAT?... 39 I.5.1 Présentation et généralités... 39 I.5.2 Rôle de Mcph1/Brit1 dans les voies de signalisation de dommages de l ADN... 40 I.5.3 Rôle de MCPH1/Brit1 dans la régulation de la phase intra-s... 41 I.5.4 Rôle de MCPH1/Brit1 dans la régulation de l entrée en mitose... 41 I.5.5 Rôle de Mcph1/Brit1 dans la régulation de la recombinaison homologue... 44 6

I.5.6 Mcph1/Brit1 et tumorigenèse... 44 I.6 SYSTEME DE REPARATION DES MESAPPARIEMENTS : INSTABILITE DES MICROSATELLITES ET CANCERS.. 46 I.6.1 Instabilité des microsatellites et système de réparation des mésappariements... 46 I.6.1.1 Mécanismes de mutation des microsatellites... 46 I.6.1.2 Rôles biologiques attribués aux microsatellites... 47 I.6.1.3 Processus de réparation par le système MMR... 48 I.6.2 Cancers MSI... 52 I.6.2.1 Découverte du phénotype MSI... 52 I.6.2.2 Gènes responsables du phénotype MSI... 52 I.6.2.3 Tumeurs de phénotype MSI... 53 I.6.2.4 Carcinogenèse des tumeurs MSI... 55 II RESULTATS... 61 II.1 MISE EN PLACE D UN NOUVEAU MODELE CELLULAIRE POUR LA CARACTERISATION DE NOUVEAUX GENES IMPLIQUES DANS LA STABILITE DES SITES FRAGILES... 63 II.1.1 Choix des gènes... 64 II.1.1.1 Suivant leur fonction... 64 II.1.1.2 Suivant leur séquence d ADN... 69 II.1.2 Principe et réalisation de la collection de clones... 71 II.1.2.1 Isolation des sous-clones... 71 II.1.2.2 Caractérisation des clones isolés... 71 II.1.2.3 Génotypage... 75 II.2 RESULTATS DU GENOTYPAGE... 77 II.2.1 Présentation des mutations obtenues... 77 II.2.2 Conséquences des mutations obtenues... 78 II.2.3 Séquençage confirmation... 83 II.2.4 Fréquence de mutations obtenues...83 II.2.5 Génotypage des lignées de cancer de colon de phénotype MSI... 86 II.2.6 Recherche des mutations dans des tumeurs de patients... 89 II.2.7 Validation du modèle... 92 II.3 MCPH1/BRIT1 : UN NOUVEAU GENE CANDIDAT... 95 II.3.1 Méthodologie... 95 II.3.2 La dérégulation de l expression de MCPH1/BRIT1 affecte la progression du cycle cellulaire... 98 II.3.3 La dérégulation de l expression de MCPH1/BRIT1 engendre l apparition du phénotype PCC. 100 II.3.4 La dérégulation de l expression de MCPH1/Brit1 active la voie de réponse au dommage de l ADN 102 II.3.5 La déficience en Mcph1/Brit1 conduit à un défaut de phosphorylation de CHK1... 105 II.3.6 La dérégulation de l expression de MCPH1/Brit1 engendre l apparition de cassures chromosomiques spontanées et induites par les inducteurs de sites fragiles... 107 7

II.3.7 La dérégulation de l expression de MCPH1/Brit1 induit l expression du site fragile FRA3B.. 110 III CONCLUSIONS ET DISCUSSIONS... 112 III.1 CONCLUSIONS... 112 III.2 DISCUSSIONS... 113 III.2.1 Conséquences des mutations obtenues... 113 III.2.2 Implication des mutations obtenues dans les cancers MSI... 113 III.2.3 Utilisation du modèle pour tester de nouvelles drogues dans le traitement de cancers... 114 III.2.4 Identification de nouveaux gènes impliqués dans la stabilité des sites fragiles... 115 III.2.5 Impact de la défaillance du système MMR sur l expression des sites fragiles... 116 III.2.6 Détermination du mécanisme par lequel MCPH1/Brit1 maintient la stabilité des sites fragiles 117 III.2.6.1 Identification d une voie ATR (in)dépendante dans le rôle protecteur de MCPH1/Brit1... 118 III.2.6.2 Identification du mécanisme impliqué dans le rôle protecteur de MCPH1/Brit1... 118 III.2.7 Etude de l activation de H2AX dans les cellules déficientes en Mcph1/Brit1... 119 III.2.8 Rôle potentiel de Mcph1/Brit1 dans la recombinaison... 120 III.2.9 Rôle potentiel de Mcph1/Brit1 dans la progression tumorale... 120 IV PROTOCOLES... 122 IV.1 CULTURE CELLULAIRE... 123 IV.1.1 Cultures des Lignées cellulaires... 123 IV.1.2 Transfections transitoires... 123 IV.1.3 Traitement génotoxique...124 IV.2 BIOCHIMIE... 125 IV.2.1 Extraits totaux... 125 IV.2.2 Western Blot... 125 IV.3 BIOLOGIE CELLULAIRE... 126 IV.3.1 Analyse du cycle cellulaire par cytométrie en flux... 126 IV.3.2 Immunofluorescence... 126 IV.3.3 Etalement de chromosomes en métaphase... 126 IV.3.4 FISH (fluorescent in situ hybridization)... 127 IV.4 BIOLOGIE MOLECULAIRE... 128 IV.4.1 PCR... 128 IV.4.2 Génotypage... 128 IV.4.3 Séquençage... 129 IV.4.4 Carte du plasmide... 129 V BIBLIOGRAPHIE... 131 8

I INTRODUCTION 9

I.1 Introduction générale I.1.1 Instabilité génomique et cancer La tumorigenèse est un processus lent et évolutif au cours duquel des modifications génétiques et épigénétiques confèrent à la cellule un avantage sélectif en terme de prolifération et de survie, conduisant à une expansion cellulaire. Le maintien de l intégrité de l information génétique représente donc une barrière anti-tumorale essentielle. En effet, les cellules cancéreuses se caractérisent par une dérégulation négative des processus biologiques inhibant la croissance cellulaire et une dérégulation positive des mécanismes favorisant la prolifération. Des gènes suppresseurs de tumeur, comme le gène codant pour la protéine p53 «gardienne du génome», sont inactivés. Leur inactivation empêche les cellules de pourvoir arrêter leur prolifération lors d un dommage sur la molécule d ADN. Cette conséquence est source d instabilité génétique et d importants remaniements chromosomiques. Une meilleure compréhension des processus liés à la perte de la stabilité du génome est donc primordiale en cancérogenèse. Des études récentes proposent un modèle de développement tumoral selon lequel l activation d oncogènes, dans les lésions précancéreuses, entraînerait un blocage des fourches de réplication. Ce stress réplicatif conduirait à la génération de cassures double brin de l ADN qui contribueraient à créer une instabilité génomique (Halazonetis et al. 2008; Bartkova et al. 2005). Cette instabilité a pu être observée dès les stades précoces de la carcinogenèse au niveau de certaines loci appelés sites fragiles (Vassilis G Gorgoulis et al. 2005). Ce dernier point souligne l importance de mieux comprendre les mécanismes à la base de la fragilité de ces loci. 10

I.2 Le stress réplicatif Durant la phase S du cycle cellulaire, toute modification de la structure de l ADN, de la chromatine ou de l activité de régulation de la réplication est susceptible de perturber l activité des ADN polymérases réplicatives, et entraîner un ralentissement ou un arrêt de la fourche de réplication. Ces modifications affectant la dynamique de la réplication sont à l origine du stress réplicatif. La réplication de l ADN est donc confrontée à différents obstacles qui peuvent bloquer la progression des fourches. La perturbation de la réplication de l ADN peut entraîner des arrêts puis des effondrements des fourches de réplication, entraînant la génération des cassures double brin de l ADN. I.2.1 Sources du stress réplicatif I.2.1.1 Les modifications oxydatives Les cellules eucaryotes sont sujettes aux dommages de type oxydatif à cause notamment de leur métabolisme aérobie. En effet, lors de la respiration mitochondriale, la cellule produit des radicaux libres oxygénés, qui peuvent endommager la structure de la molécule d ADN. Parmi les sources endogènes, on trouve aussi l'eau qui est capable de provoquer l'hydrolyse spontanée des nucléotides à 37 C. Des dommages oxydatifs peuvent également être produits par des agents exogènes : les radiations ionisantes (rayons X, les rayons ) (Pogozelski & Tullius 1998) et les drogues radiomimétiques (la bléomycine ). Ces dommages correspondent à une interruption du squelette sucre-phosphate sur l un des deux brins de l ADN. Ces lésions non réparées peuvent bloquer les machineries de la réplication et de la transcription, et générer des cassures de l ADN de type simple brin (CSB) et double brin (CDB) très néfastes pour la cellule. Ces lésions sont réparées par le système BER (Base Excision Repair) ou réparation par excision de bases qui comporte deux voies le SP-BER (Short Patch-BER) et le LP-BER (Long Patch-BER) (figure 1). Le SP-BER est activé suite à la modification de l une des bases de l ADN alors que le LP-BER intervient lors d un dommage plus important comportant une lésion de 2 à 10 nucléotides. 11

La première étape du SP-BER est la détection et l excision de la base endommagée par les ADN glycosylases. La base est clivée au niveau des liaisons déoxyribose-phosphate générant ainsi un site abasique. Le brin d ADN est ensuite incisé au niveau du site abasique par l endonucléase APE1. L ADN polymérase Bêta remplace la base excisée et le complexe XRCC1/ligase III vient rétablir la liaison entre les deux nucléotides adjacents. Le LP-BER implique l intervention des ADN ploymérases Bêta et Delta et de PCNA pour la synthèse des nucléotides manquants, l endonucléase FEN1 excise le brin d ADN endommagé et l ADN ligase I assure la ligation de l ADN. Figure 1 : Illustration des voies, Short-patch BER et Long-patch BER, du mécanisme de la réparation de l ADN par excision de bases. Le SP-BER prend en charge la réparation de lésions de l ADN nécessitant l excision d une seule base alors que le LP-BER répare les lésions par excision de 2 à 10 nucléotides (Hoeijmakers 2001). 12

I.2.1.2 Les altérations photo-induites L altération de bases induite par les rayonnements ultra-violets (UV) entraîne la formation de dimères pyrimidiques (thymines ou cytosines). L établissement de liaisons covalentes entre deux pyrimidines adjacentes dans la séquence de l ADN raccourcit la distance entre les deux bases provoquant une distorsion de l hélice d ADN et affaiblissant l appariement avec les deux purines complémentaires. Ces liaisons intramoléculaires déforment la structure de la molécule d ADN et génèrent des photo-produits sur l ADN : des Dimères de Pyrimidines Cyclobutane (CPD) et des photoproduits pyrimidines (6-4) pyrimidones (6-4PP). Les photoproduits CPD sont les plus délétères pour la réplication car ils induisent un ralentissement de la synthèse globale d ADN au cours de la phase S. Ces lésions de l'adn sont réparées par excision-resynthèse des nucléotides (Nucleotide Excision Repair, NER). Le système de réparation par excision des nucléotides met en jeu plus d une trentaine de protéines différentes et fonctionne selon deux modes différents : la réparation globale du génome (GG-NER, Global Genome NER) et la réparation au cours de la transcription (TC- NER, Transcription Coupled NER). Ces deux modes partagent une même organisation dans le processus de réparation : étapes d incision / excision de la lésion, la synthèse et la ligation mais se distinguent au niveau du complexe protéique impliqué dans la reconnaissance de la lésion (figure 2). Dans la voie GGR, la reconnaissance de la lésion d ADN implique la famille de protéine XP. La voie TCR implique d autres protéines dans la détection des lésions : les protéines CSA et CSB. Une fois la lésion détectée, les deux hélicases XPB et XPD du complexe TFIIH maintiennent l ouverture de la double hélice pour la rendre accessible aux protéines de la réparation. Les nucléases XPG et XPF-ERCC1 effectuent alors l excision du brin endommagé. La brèche de l ADN est ensuite comblée par les ADN polymérases Delta et Epsilon. L ADN néosynthétisé est enfin ligaturé par l ADN ligase I. 13

Figure 2 : Mécanisme de réparation par excision de nucléotides (NER). La voie (GG-NER pour global genome-ner) est activée lorsque la lésion se trouve dans l ADN non transcrit et la voie (TC-NER pour transcription-coupled-ner) est activée lorsque la lésion est dans l ADN transcrit. Les étapes d excision de la lésion ainsi que le remplissage de la brèche de l ADN et la ligation sont des étapes communes aux deux voies (Hoeijmakers 2001). I.2.1.3 Les agents alkylants Les agents alkylants sont des composés chimiques capables de se complexer avec la molécule d ADN formant des adduits. Ces modifications de bases peuvent engendrer des cassures qui affectent la stabilité du génome en bloquant la progression des fourches de réplication. Ces agents alkylants sont utilisés dans les traitements contre le cancer pour induire la mort des cellules tumorales, comme par exemple le Cis-Platine qui induit des pontages intra et inter brin de l ADN. 14

I.2.1.4 Les conformations de l ADN La molécule d ADN adopte en majorité une conformation en hélice droite nommée ADN B. Mais le génome des eucaryotes est riche en séquences répétées qui peuvent adopter une conformation, appelée non B, en structure à épingle à cheveux et cruciformes. Au moins dix différents types de conformations non-b ont été décrites. Ces séquences sont très abondantes dans les régions chromosomiques sujettes à de larges réarrangements chromosomiques et certaines sont associées à des maladies humaines. Les conformations non- B, que peuvent adopter les répétitions tri-nucléotidiques, entraînent des pauses de la part des ADN polymérases surtout lorsque ces conformations sont présentes sur le brin discontinu et peuvent également entraîner des cassures simple ou double brin de l ADN au niveau de ces séquences répétées (Guliang Wang & Vasquez 2006). I.2.1.5 L interférence entre la machinerie de réplication et la machinerie de transcription Les complexes de transcription permettent l expression des gènes requis pour l ensemble des fonctions cellulaires. De nombreuses études chez les eucaryotes inférieurs et supérieurs ont démontré que le processus de transcription stimule la recombinaison. Ce processus de recombinaison liée à la transcription (transcription-associated recombination, TAR) est source d instabilité génomique et peut engendrer des remaniements chromosomiques (Aguilera & Gómez-González 2008). Il apparaît que ce processus peut résulter d une interférence entre le complexe de transcription et la machinerie de la réplication qui partagent la même matrice, la double hélice de l ADN. Afin d éviter ces collisions, la cellule a mis en place des mécanismes de pause au niveau de barrières de réplication (Replication Fork Barriers, RFB). En effet, des complexes protéiques interagissent avec l ADN provoquant ainsi l arrêt des fourches de réplication et l empêchant de progresser (Labib, 2007). On retrouve ces sites de pause en amont des gènes hautement transcrits. L exemple de l ADN ribosomique (ADNr), une structure conservée entre les espèces, illustre ce type de barrières. En effet, chez la levure l inactivation du gène Fob1, qui code pour une protéine nécessaire au processus de pause en amont de l ADNr induit des collisions entre la machinerie de la réplication et de la transcription et une stimulation du processus de recombinaison homologue (Takeuchi et al. 2003). 15

I.2.1.6 Voies de réparation des cassures double brins Dans les cellules des mammifères, le blocage prolongé des fourches de réplication génère des cassures simple brin qui se transforment très rapidement en cassures double brin de l ADN, stimulant la recombinaison. En effet, deux mécanismes sont impliqués dans la réparation de ces cassures : la recombinaison homologue (Homologous Recombination, HR et la recombinaison non homologue (Non Homologous End Joining, NHEJ). Chez les mammifères, le NHEJ est le mécanisme de réparation des cassures double brin prédominant (Haber 2000). Le choix du mécanisme de réparation d une cassure double brin dépend partiellement du cycle cellulaire. Du fait de sa dépendance à une homologie de séquence, la voie de recombinaison homologue est principalement active en fin de phase S et G2 du cycle cellulaire, quand les chromosomes sont répliqués. Elle nécessite la présence d une copie intacte de l ADN endommagé, la présence d une chromatide sœur appariée étant utilisée pour la recherche d homologie (R. D. Johnson & Jasin 2000). Par contre, l indépendance du NHEJ par rapport à l homologie des séquences explique l utilisation de cette voie en phase G1 et S précoce du cycle cellulaire. La recombinaison homologue (RH) : Ce processus nécessite que les deux extrémités du point de cassure présentent des homologies avec une séquence intacte qui peut servir d amorce. Il assure une réparation fidèle de la cassure double brin. Le complexe MRN, qui possède des activités exonucléase et hélicase, est nécessaire au déroulement de ce processus. Ce complexe effectue une digestion partielle des deux extrémités 5 de la cassure double-brin afin de générer des extrémités simple brin en 3 qui vont pouvoir envahir le chromosome homologue (méiose) ou la chromatide sœur (mitose). La protéine RPA est chargée de protéger les extrémités libres simple brin en 3 de la cassure. L'étape clé du processus est l'invasion du brin et l'échange, effectuée par les protéines Rad51 et RPA qui forment des filaments le long du brin cassé. (Nishinaka et al. 1998). Deux autres protéines, BRCA1 et BRCA2, interagissant avec RAD51 et le complexe MRN, aident à promouvoir la recombinaison homologue. L invasion de la chromatide intacte par les deux brins de la chromatide endommagée génère une structure spécifique appelée jonction de Holliday. Une ADN polymérase assure la synthèse de l'adn en utilisant le brin intact comme matrice. Enfin, la Ligase IV avec son facteur XRCC4 ferme 16

la brèche (figure 3). Des endonucléases reconnaissent et éliminent les jonctions de Holliday (Brugmans et al. 2007), conduisant à des échanges génétiques. Dépendant des brins impliqués, deux types de structures peuvent être crées suite à cette coupure : celles présentant une conversion génique simple ou celles présentant une conversion génique accompagnée d échange chromosomique (crossing-over) (Helleday et al. 2007). La recombinaison non homologue (Non Homologous End Joining, NHEJ) : A l'opposé de la situation chez la levure, où la voie RH prédomine pour la réparation des cassures double-brin, le mécanisme de recombinaison indépendant des homologies (NHEJ ou Non Homologous End Joining) capable de recoller les extrémités des cassures double brin directement, est le mécanisme majeur de réparation des cassures double brin dans les cellules de mammifères (figure 3). La NHEJ est donc capable de lier des extrémités non complémentaires, sans tenir compte de leurs séquences ou structures. Cependant, l'indépendance de la NHEJ par rapport à des séquences homologues n est pas totale. Des séquences de un à dix nucléotides sont utilisées pour faciliter le processus. Le mécanisme du NHEJ : La détection des extrémités des cassures par les deux sous unités Ku70 et Ku80 du complexe Protéine Kinase ADN dépendante (DNA-PK) est la première étape de ce mécanisme de réparation (P A Jeggo et al. 1992); (S. P. Jackson 2002). Ces protéines se lient à l'adn pour le protéger de la dégradation par les exonucléases et permettent l alignement des extrémités pendant le processus de réparation en formant un pont protéique (Feldmann et al. 2000). La liaison du dimère Ku70/Ku80 à l'adn permet le recrutement de la sous unité catalytique DNA-PKcs pour former l'holoenzyme DNA-PK, qui a pour effet d'augmenter son activité kinase. La protéine Artémis s associe à la DNA-PKcs et permet ainsi la dégradation des structures en épingle à cheveux grâce à son activité endonucléase (Ma et al. 2002). Le complexe MRN qui présente des activités exonucléase, endonucléase et hélicase participe également à cette voie en maintenant le bon alignement des extrémités de la lésion (J. Huang & Dynan 2002). La protéine Polynucléotide Kinase (PNK) est alors mise en œuvre permettant grâce à son activité 5 kinase et 3 phosphatase de nettoyer les extrémités 5 OH et 3 phosphate (Karimi-Busheri et al. 1999). Ces extrémités sont mises bout à bout. L autophosphorylation de l unité catalytique de DNA-PK induit un changement de conformation permettant l'accès à 17

d'autres protéines, telles que la polymérase chargée du remplissage et la ligase IV/XRCC4 qui accomplit la ligature de la molécule (Ahnesorg et al. 2006). Le rôle de la protéine DNA-PKcs dans le mécanisme de recombinaison non-homologue souligne l importance de cette protéine pour la cellule. Cette protéine semble avoir un rôle dans la régulation du choix du mécanisme de réparation des cassures double brin de l ADN. Il existe une voie NHEJ alternative nommée NHEJ génératrice d erreurs. Cette voie est indépendante du complexe protéique Ku et nécessite la présence de micro-homologies de part et d autre de la cassure afin d assurer la réparation par jonction des deux extrémités. En l absence du complexe Ku les extrémités des cassures ne sont plus protégées de la dégradation ce qui engendre des pertes d informations au point de cassure. Ainsi, cette voie produit des délétions plus ou moins étendues ainsi que des réarrangements chromosomiques (Pfeiffer et al. 2000). Le NHEJ produit également des mutations ponctuelles au point de cassure, comme des substitutions de bases ou de petites insertions (Pfeiffer et al. 2000). 18

Figure 3 : les voies de réparation des cassures double brin : illustration des différentes étapes de la réparation par recombinaison homologue (RH) et la recombinaison non homologue (NHEJ). La recombinaison homologue (RH) implique la digestion des extrémités de l ADN au niveau de la cassure double brin par le complexe MRN, l invasion du brin intact par le brin endommagé, la synthèse d ADN en utilisant le brin intact comme matrice aboutissant à la formation des jonction de Holliday et la résolution de ces jonctions. La recombinaison non homologue (NHEJ) consiste à détecter et relier les extrémités de la cassure par le complexe KU70/80 qui recrute le DNA-PK. Cette dernière recrute d autres facteurs nécessaires au traitement des extrémités de la cassure et la ligation de l ADN (Hoeijmakers 2001). Les sources du stress réplicatif sont multiples et produisent des dommages de l ADN de type simple brin qui sont très rapidement convertis en lésions de type double brin. La réparation de ces différents types lésions engage donc des mécanismes de réparation spécifiques impliqués dans la réparation des deux types de dommages. 19

I.3 Les sites fragiles I.3.1 Généralités Les sites fragiles correspondent à des régions génomiques spécifiques sujettes à des cassures chromosomiques récurrentes dans des conditions de culture particulières (Sutherland et al. 1985). Lorsque les cellules sont exposées à des agents génotoxiques, en particulier ceux qui inhibent la réplication, ces sites présentent des cassures détectables en métaphase qui peuvent être source de réarrangements chromosomiques. On dit alors que ces sites fragiles s expriment. Ils sont classés en deux catégories suivant leur fréquence d expression : les sites fragiles rares (SFR) et les sites fragiles communs (SFC). Les sites fragiles rares, comme leur nom l indique, sont présents chez peu d individus (5 % de la population humaine environ) et sont hérités de manière mendélienne. A l inverse, les sites fragiles communs sont présents chez tous les individus. Au sein de chacune de ces catégories, les sites fragiles sont divisés en sous-classes selon leur mode d induction in vitro. Le tableau 1 illustre le nombre de sites fragiles communs induits, in vitro, par l aphidicoline, le BrdU et le 5-Azacytidine. La plupart des sites fragiles communs sont inductibles par l aphidicoline. Inducteur Nombre de loci Aphidicoline 76 BrdU 7 5-Azacytidine 4 Tableau 1: Classification des sites fragiles communs en fonction de leur mode d induction D autres inducteurs des SFC ont été identifiés mais les sites induits par l aphidicoline restent les mieux caractérisés sur le plan moléculaire. Des études ont montré que le traitement des cellules avec la caféine, la campthotecine ou la calyculine A induit également des cassures au niveau de certains sites fragiles communs (Sbrana et al. 1998) ; (El Achkar et al. 2005) ; (Rao et al. 1988). Certains paramètres du micro-environnement des tumeurs jouent également un rôle activateur de sites fragiles communs. Il a été montré que la carence en oxygène ou hypoxie induit des cassures au niveau des sites fragiles (A Coquelle et al. 1998). De plus, 20

différents facteurs environnementaux sont capables d induire l expression des sites fragiles. En effet, il a par exemple été montré que des agents mutagènes comme des composés contenus dans la fumée de cigarette ou l amiante étaient capable d augmenter la fréquence des cassures au niveau de certains de ces sites (Nelson et al. 1998) ; (A. T. Chen et al. 1989). Une nomenclature permettant de définir précisément ces loci a été éditée. Le sigle «FRA» permet de les désigner (Fragile), suivi du numéro du chromosome et une lettre qui désigne l ordre d identification du locus sur le chromosome, par exemple : FRA3B qui désigne le site fragile sur le chromosome 3. Sites fragiles communs (SFC) : A l inverse des sites fragiles rares qui sont associés à l expansion de séquences trinucléotidiques CGG, les sites fragiles communs ne sont pas composés d un motif répété unique. Ils sont cependant très bien conservés au cours de l évolution. Des régions se comportant comme des sites fragiles ont été décrites chez la levure (Admire et al. 2006) et des sites fragiles ont été retrouvés chez de nombreux mammifères comme la souris et certains primates (Sandra G Durkin & Thomas W Glover 2007a) Aujourd hui, on connaît plus de quatre vingt sites identifiés comme SFC, chez l homme. Ce sont de larges régions chromosomiques s étendant jusqu à plusieurs mégabases, hypersensibles au stress réplicatif. La majorité de ces sites sont induits par l aphidicoline, un inhibiteur des ADN polymérases, et à faible dose (Michal Schwartz et al. 2006). La fréquence d expression d un même SFC peut varier d un individu à l autre et pourrait être tissu spécifique. Certains sites se retrouvent exprimés avec une fréquence plus élevée que d autres. Les sites fragiles communs FRA3B et FRA16D (Sandra G Durkin & Thomas W Glover 2007b), sur lesquels nous reviendrons plus en détail par la suite, sont les sites les plus fréquemment exprimés dans le génome humain. 21

I.3.2 Perturbation de la réplication et expression des sites fragiles I.3.2.1 Stress réplicatif La réplication de la molécule d ADN peut être confrontée à différents obstacles qui peuvent bloquer la bonne progression des fourches de réplication. Un blocage prolongé des fourches de réplication entraîne leurs effondrements, générant des cassures simple brin rapidement convertis en cassures double brin. Or les sites fragiles peuvent être assimilé à des «points chauds» de la réplication, à cause de leurs séquences nucléotidiques particulières qui rendraient plus difficile la progression des fourches de réplication. Ces perturbations de la réplication, générant de véritables barrières physiques à la progression des fourches de réplication, engendreraient un véritable stress réplicatif endogène, induisant l arrêt des fourches de réplication et l apparition de cassures simple brin transformées par la suite en cassures double brins. Cette instabilité chromosomique engendrée par la présence des sites fragiles pourrait être, du moins en partie, à l origine des réarrangements chromosomiques observés dans les tumeurs. I.3.2.2 Réplication tardive des sites fragiles communs La réplication tardive des sites fragiles a tout d abord été démontrée pour les sites fragiles rares. En effet, de nombreuses études ont mis en évidence que les séquences associées à ces sites possèdent des expansions de répétitions de nucléotides (minisatellites riches en AT, tri-nucléotides CGG) (Handt et al. 2000). Ces séquences ont la capacité d adopter des structures secondaires qui bloquent la progression des fourches de réplication et peuvent générer des cassures de l ADN (Hewett et al. 1998) ; (Samadashwily et al. 1997). L analyse de séquence au niveau des SFC a mis en évidence que ces sites sont relativement riches en di-nucléotides AT mais n a pas révélé d expansion de répétitions qui pourrait expliquer la cause de leur fragilité. Toutefois, des études récentes soulignent la présence de séquences répétées de type Alu (Tsantoulis et al. 2008). Mishmar et ses collaborateurs ont étudié les caractéristiques structurales de l ADN au niveau de ces sites. Ils ont évalué la flexibilité de l ADN grâce au logiciel FlexStab qui permet de mesurer les variations de l angle de torsion entre deux paires de bases de la molécule d ADN, appelé pic de flexibilité. Ils ont 22

observé que les sites fragiles présentent des structures plus flexibles que les régions «non fragile» (Mishmar et al. 1998). Ces structures pourraient adopter des conformations capables d engendrer l apparition de structures secondaires ou tertiaires cruciformes à caractère recombinogène (Zlotorynski et al. 2003) qui perturberait la progression des fourches de réplication. Les sites fragiles communs sont répliqués en fin de la phase S et parfois finissent leur réplication en phase G2. Le Beau et ses collaborateurs ont été les premiers à démontrer cette réplication tardive en travaillant sur le site FRA3B. Les travaux de ces auteurs ont également démontré qu un traitement à l aphidicoline engendrait un retard significatif de la réplication au niveau de ce site et qu une fraction d entre eux (16,5 %) entraient en phase G2 sans avoir achevé leur réplication (Le Beau et al. 1998). L équipe de Debatisse a montré que les sites fragiles les plus actifs du génome humain sont localisés au niveau des régions de transition entre domaines à réplication précoce et tardive (Michelle Debatisse et al. 2006). La stabilité des SFC peut être compromise par un retard de réplication ou une condensation prématurée des chromosomes. En effet, la calyculine A, un agent qui condense prématurément les chromosomes, révèle des cassures chromosomiques en phase G2, qui colocalisent avec celles induites par l aphidicoline. Ces données suggèrent qu en absence de perturbation de la phase S, les sites fragiles complètent leur réplication en phase G2, expliquant leur sensibilité face à la condensation des chromosomes (El Achkar et al. 2005). L étude d autres sites comme FRA16D et FRA7H révèle également des difficultés de réplication. Ces études récentes soutiennent un modèle dans lequel les fourches de réplication bloquées au niveau de certaines régions seraient à l origine des cassures chromosomiques. Le modèle découlant de ces études propose que la réplication tardive des sites fragiles communs pourrait résulter de la formation des structures secondaires qui inhiberaient la progression des fourches et que l apparition des cassures sur les chromosomes observées en métaphase serait le résultat d une réplication incomplète (Admire et al. 2006) ; (Casper et al. 2002a). I.3.3 Sites fragiles et cancers Sur le plan cytogénétique, l expression des SFC induits par des agents génotoxiques se manifeste sous forme de cassures observables en métaphase. Mais ces sites sont associés à d autres formes d instabilité observées en culture cellulaire. Ce sont des «points chauds» d échange de chromatide sœurs (SCE), de délétions, de translocations et d amplifications (T W Glover & C. K. Stein 1987). Ce sont également d importants sites de recombinaison et 23

d intégration de virus, en particulier du papilloma virus (Thorland et al. 2003). I.3.3.1 Sites fragiles et remaniements chromosomiques Les données de nombreux travaux menés suite à la découverte des sites fragiles ont montré que leur expression est une source d instabilité génétique. Le clonage de certains de ces sites fragiles a permis de les corréler, sur le plan moléculaire, à une fréquence élevée de réarrangements chromosomiques dans les cancers. En effet, il a été démontré que ces sites colocalisent avec des points de cassures de l ADN induisant des délétions de régions de plusieurs centaines de kilobases (Martin F Arlt et al. 2002) ; (Denison et al. 2003) ; (G Sozzi et al. 1996) ; (L Wang et al. 1998), des translocations (Arnaud Coquelle et al. 2002) ; (Krummel et al. 2000) ou encore des amplifications géniques (A Coquelle et al. 1997) ; (Hellman et al. 2002) ; (Ciullo et al. 2002).Voici les quatre exemples de sites fragiles les mieux caractérisés illustrant ces propos : FRA3B, FRA16D, FRAXB, FRA7G. Site fragile FRA3B La première corrélation entre site fragile et réarrangement chromosomique présent dans des cancers a été établie pour le site fragile FRA3B. Le site FRA3B est situé sur le locus 3p14.2. FRA3B s étend sur une région d environ quatre mégabases. Il est lié au point de cassure d une translocation réciproque survenant entre les chromosomes 3 et 8 t (3 ; 8) (p14.2 ; q24.13) associée à une forme familiale de cancer rénal (Paradee et al. 1996). Il présente des délétions et des réarrangements chromosomiques dans de nombreux types de cancers qui inactivent le gène suppresseur de tumeur FHIT (Fragile Histidine Triad). FHIT est un gène qui couvre une large région génomique de 1,7 mégabase. Il est composé de dix petits exons et code pour une protéine de 16,8 KDa, composé de 146 acides aminés dont 3 histidines organisées en triade, la pyrophospho-hydrolase diadénosine tétraphosphate dont la fonction est l hydrolyse du diadenosine tétraphosphate (Roz et al. 2002; Siprashvili et al. 1997). L expression de FHIT est altérée dans plusieurs types de cancers. Le gène est délété de manière homozygote dans des cancers gastriques (Ohta et al. 1996) et sa perte d expression est observée dans les lésions précancéreuses de l oesophage, de l estomac et de l utérus (Huebner & C M Croce 2001). Il a été montré in vivo et in vitro que FHIT joue un rôle de suppresseur de tumeur en favorisant l apoptose et en diminuant la prolifération cellulaire. 24

La région contenant le site FRA3B et le gène FHIT est très conservée. En effet, l homologue murin de FHIT possède une organisation génomique similaire à celle de la région humaine (T W Glover et al. 1998) ; (Y Pekarsky et al. 1998). De plus, cet homologue murin est contenu dans une région qui comporte un site fragile inductible par l aphidicoline (T W Glover et al. 1998). Cette conservation au niveau de la région et du gène associé semble refléter une pression de sélection. Site fragile FRA16D Le site FRA16D est situé sur le locus 16q23.2. Il est le deuxième site le plus exprimé dans le génome humain après FRA3B. FRA16D s étend sur une région de deux mégabases, fréquemment délétée dans de multiples types de cancers (sein, estomac et pancréas) (Balsara et al. 2001) ; (Hansen et al. 1998). Ce site est également associé à un gène suppresseur de tumeur. Des travaux au niveau des pertes d'hétérozygotie fréquentes de la région 16q23.2 dans différents cancers humains comme les cancers du sein, de la prostate, du foie et des ovaires ont permis d identifier le gène WWOX dans le site FRA16D. Ce gène d un mégabase a été cloné, en parallèle par différents groupes (Bednarek et al. 2000) ; (K Ried et al. 2000) ; (Driouch et al. 2002). Il code pour une protéine formée de deux domaines WW (domaine d'interaction protéine-protéine) et d'un domaine ADH (déshydrogénase / réductase). La protéine WOX1 aurait un rôle essentiel dans l'apoptose. Elle se lie via les domaines WW à p73, un homologue de p53 (Chang et al. 2001). Il joue un rôle suppresseur de tumeur : in vitro en inhibant la croissance de cellules de lignées mammaires et in vivo en réduisant la capacité des cellules à développer des tumeurs (Bednarek et al. 2001). Sept transcrits alternatifs de WWOX ont été décrits (K Ried et al. 2000) ; (Paige et al. 2001) ; (Driouch et al. 2002). Certains variants codant pour des protéines tronquées n'ayant plus de site catalytique ADH, sont surexprimés dans les cancers humains. Des souris déficientes en WWOX présentent des ostéosarcomes juvéniles ou des carcinomes pulmonaires chez l adulte (Aqeilan et al. 2007). De plus, le site fragile FRA16D coïncide avec un site de translocation récurrente entre 16q23 et 14q32 dans 25% de myélomes multiples. (Chesi et al. 1998), qui engendre l apparition d un allèle tronqué du gène WWOX (Bednarek et al. 2000) ; (Krummel et al. 2000) ; (K Ried et al. 2000). 25

Site fragile FRAXB FRAXB, situé sur le locus Xp22.3, est fréquemment exprimé dans le génome humain. Contrairement à FRA3B et FRA16D, il n est pas associé, pour l instant, à un gène suppresseur de tumeur. Il s étend sur 500 kb de séquence génomique. Plusieurs gènes ont été identifiés au niveau de ce site : GS1, dont la fonction est inconnue ; STS (Stéroïde Sulfatase) qui est inactivé dans l ichtyose liée au chromosome X et le gène TLR5a qui code pour le récepteur Toll-like 5a. Ces gènes sont retrouvés inactivés dans certaines lignées cancéreuses (Martin F Arlt et al. 2002). Site fragile FRA7G Le site fragile FRA7G est localisé sur le locus 7q31.2. Il est associé à l amplification de l oncogène MET, dans la lignée cellulaire de carcinome gastrique, suivant le mécanisme de cycles de cassures-fusions-ponts (Hellman et al. 2002). Le gène MET code pour le récepteur tyrosine kinase (RTK). Ces résultats suggèrent que les cassures récurrentes au niveau du site fragile conduit à l amplification de l oncogène et au réarrangement chromosomique. En effet, il a été montré qu une mauvaise réparation des cassures induites au niveau de certains sites fragiles pouvait engendrer l apparition de fusions chromosomiques et de ponts en anaphase qui cassent lors de la mitose. Ces cycles de cassures-fusions-ponts faciliteraient l amplification génique intra-chromosomique (A Coquelle et al. 1998). I.3.3.2 Sites fragiles et progression tumorale L implication de ces sites dans le développement tumoral est clairement établie (Sandra G Durkin & Thomas W Glover 2007a). En effet, Gorgoulis et ses collaborateurs ont comparé la perte d hétérozygotie du site fragile FRA3B avec la perte d hétérozygotie d un autre locus «non fragile» dans une collection de biopsies de cancers du poumon à différents stades du développement tumoral (Vassilis G Gorgoulis et al. 2005). Il apparaît que le site FRA3B présente des pertes d hétérozygotie dès les stades hyperplasiques ou précancéreux, contrairement au locus contrôle dont la perte d hétérozygotie est observée uniquement dans les tissus cancéreux. Dans cette même étude, les auteurs ont montré que ces tissus hyperplasiques affichent une forte instabilité génétique et une activation des voies de réponse 26

aux dommages de l ADN. L instabilité des sites fragiles est donc observée dès les stades précoces de développement tumoral. I.3.3.3 Sites fragiles et micro-arn Les sites fragiles se sont révélés particulièrement proches de localisations riches en microarns (miarns). Les microarns (miarns) constituent une classe de petits ARN non codants d environ 20 nucléotides qui régule l expression d un grand nombre de gènes. Ils entraînent, à l issue d un processus de maturation multi-étapes, soit la destruction de l ARNm cible, soit l inhibition de sa traduction protéique (Garzon et al. 2009). Les microarns sont impliqués dans la régulation de différents processus cellulaires, telles que la différenciation, la prolifération et l apoptose. Calin et ses collaborateurs ont démontré la localisation des gènes codant pour des microarns au niveau des régions contenant des sites fragiles. En effet, les résultats de cette étude montrent que sur les 186 gènes codant pour les microarns étudiés, 50% de ces gènes a été localisée au niveau des sites fragiles et un enrichissement d un facteur 9 des sites fragiles par rapport au reste du génome (Calin et al. 2004). Cet enrichissement souligne une distribution non aléatoire des gènes codant pour les microarns au niveau des sites fragiles. L expression des sites fragiles, dans les cellules cancéreuses, est une des premières manifestations d un stress réplicatif qui conduit à l activation des différentes voies de réponse aux dommages de l ADN. Une mauvaise réparation des cassures induites conduit à une instabilité génomique et favorise le développement tumoral. 27

I.4 Les voies impliquées dans le maintien de la stabilité des sites fragiles I.4.1 Le cycle cellulaire I.4.1.1 Généralités Pour faire face aux agressions qui pourraient affecter la stabilité de leur génome, les cellules des eucaryotes supérieurs ont développé un ensemble de mécanismes visant à ralentir tous les processus cellulaires, laissant le temps aux protéines de réparation de l ADN d intervenir. Lorsque la cellule est dans l impossibilité de prendre en charge correctement la réparation de l ensemble des lésions présentes, elle se dirige vers un arrêt irréversible du cycle cellulaire ou vers une mort par apoptose. Le ralentissement ou l arrêt momentané du cycle cellulaire est donc un point capital de la réponse cellulaire aux lésions de l ADN. Le cycle cellulaire comprend quatre phases, nommées phase G1, S, G2 et M, qui se déroulent dans l ordre mentionné. Durant deux de ces phases, la phase de synthèse (phase S) et la phase de mitose (phase M), la cellule exécute les deux événements fondamentaux du cycle : la réplication de l ADN et le partage du patrimoine génétique en deux parts égales pour chacune des cellules filles. Les phases Gap 1 (G1) et Gap 2 (G2), représentent des intervalles de temps au cours desquels la cellule se prépare pour effectuer correctement respectivement la phase S et la phase M. Pour assurer, le bon déroulement des quatre phases du cycle (régulation du cycle), l obtention de deux cellules filles rigoureusement identiques (surveillance de la qualité de l'adn), la cellule dispose de systèmes de régulation hautement perfectionnés. Dans le premier cas, ce sont essentiellement des kinases cycline-dépendantes (Cdk), qui interviennent. Dans le second, ce sont des mécanismes de surveillance du cycle cellulaire, inhibiteurs des Cdk (Cdki) qui ralentissent ou stoppent le cycle cellulaire si l'étape précédente n'est pas terminée, ou si une réparation s impose (figure 4). 28

Figure 4 : régulation du cycle cellulaire par les complexes Cdk/cyclines et les Cdki (BMédia, Université Pierre et Marie Curie Paris). I.4.1.2 Voies d activation de p53 Une des protéines clé dans la réponse cellulaire aux différents stress est la protéine p53. Il s agit d une phosphoprotéine de 393 acides aminés retrouvée en très petite quantité dans les cellules normales, mais en grande abondance dans les cellules transformées en culture ou dans les tumeurs humaines. Elle intervient dans la régulation du cycle cellulaire et joue un rôle déterminant dans l arrêt du cycle cellulaire, la réparation des lésions de l ADN, l apoptose et la sénescence. Le gène p53 est le gène suppresseur de tumeur le plus souvent muté dans les cancers humains (Hollstein et al. 1991). L activation de p53 se fait en réponse à tous types de stress cellulaire (ADN endommagé, problème de réplication, mésappariement de bases ). Cette activation fait intervenir la protéine kinase activée par l ADN : DNA-PK et les kinases ATM et ATR. La phosphorylation de la sérine 15 de p53 par ATM/ATR et de la sérine 20 par les protéines Chk1et Chk2 qui sont respectivement les substrats d ATR et ATM, inhibe sa localisation cytoplasmique et sa dégradation, entraînant sa stabilisation et son accumulation dans le noyau (figure 5). En temps normal l ubiquitine ligase Mdm2 se lie à p53 et favorise sa dégradation, aidant ainsi à 29

maintenir un niveau constant de p53. Mais une fois activée, ATM phosphoryle Mdm2 sur la sérine 395, entraînant la dissociation du complexe Mdm2/p53 renforçant l augmentation nucléaire du niveau de p53. La protéine p53 se lie alors avec une séquence spécifique de l ADN aboutissant à la transcription de la protéine p21waf1 (pour Wild Type p53-activated fragment). P21 inhibe l activité du complexe cdk2/cycline E impliqué dans la transition G1/S induisant ainsi l arrêt de la progression des cellules en G1. Figure 5 : Voies activatrices de la protéine p53 dépendant des kinases ATM et ATR. Chk1 est activé par ATR en réponse aux cassures simple brin de l ADN alors que Chk2 est activé par ATM en réponse aux cassures double brin de l ADN. Les deux voies induisent un arrêt du cycle cellulaire. I.4.2 Dommages de l ADN et stabilité des sites fragiles Depuis quelques années, certains travaux montrent qu il existe des gènes responsables du maintien de la stabilité de ces sites. Ces derniers semblent faire partie de voies interagissant les unes avec les autres et impliquées dans la régulation du cycle cellulaire et la réparation de l ADN. Il existe essentiellement trois points de contrôle de la qualité de l ADN. Le premier intervient lors de la transition G1/S, le second lors de la phase S et le dernier lors 30

de la transition G2/M. Seules les voies moléculaires intervenant lors des points de contrôle intra-s et G2/M semblent être impliquées dans la stabilité des sites fragiles et feront donc l objet de développements plus approfondis. I.4.2.1 Point de contrôle intra-s et stress réplicatif Deux cascades distinctes sont impliquées dans l arrêt en phase S. L une d elle est dépendante des voies ATM/ATR-Chk1/Chk2-CDC25A et l autre liée à la voie ATM-NBS1- SMC1. La voie ATR-Chk1-CDC25A La kinase ATR (ATM and Rad3 related protein) occupe un rôle essentiel dans la réparation des cassures simple brin de l ADN et l activation du point de contrôle de la réplication (R T Abraham 2001). ATR fait partie des membres de la famille phosphoinositide-3-kinase (PI3K)-related protein kinases (PIKKs). Il s agit d une Sérine-Thréonine kinase, contrôlant la cinétique d amorçage des origines de réplication (Shechter et al. 2004). Il a été démontré que la déplétion d ATR conduit à une létalité embryonnaire chez la souris contrairement à ATM montrant que cette protéine est essentielle à la viabilité cellulaire (E. J. Brown & Baltimore 2000). L importance d ATR réside dans son implication dans la réponse à un large spectre de dommages à l ADN, l arrêt des fourches et les cassures simple et double brin (B. B. Zhou & S J Elledge 2000). En effet, l activité d ATR garantit la stabilité du génome en régulant l activité des origines de réplication et en favorisant la réparation de l ADN. Ainsi, en réponse à un dommage générant de l ADN simple brin ou à un blocage des fourches de réplication, ATR est recrutée via son partenaire ATRIP (ATR Interacting Protein) sur l ADN simple brin recouvert de la protéine RPA (Zou et al. 2003). Rad17 est recruté au site de la lésion et permet de charger le complexe 9/1/1 (Rad9, Rad1 et Hus1) sur l ADN (figure 6). La co-localisation du complexe ATR/ATRIP avec le complexe 9/1/1 est une étape nécessaire pour l activation d ATR. Le complexe 9/1/1 permet ensuite le recrutement de la protéine TopBP1 (Topoisomérase II binding Protein 1) impliqué dans l activation d ATR (Joon Lee et al. 2007). En effet, TopBP1 possède un domaine activateur d ATR situé entre ses domaines BRCT VI et VII, capable d interagir in vitro avec ATR-ATRIP (Akiko Kumagai et al. 2006). De ce fait, la présence de l ADN simple brin recouvert de la protéine RPA ainsi que le 31