Les origines de l Ecole Normale de Lagord : la Formation des Maîtres au XIXe siècle en Charente-Inférieure



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Transcription:

Les origines de l Ecole Normale de Lagord : la Formation des Maîtres au XIXe siècle en Charente-Inférieure Sous la direction du Professeur d'universités : Didier Poton Université de la Rochelle Années universitaires 2008 2010 Master II Histoire RIHMA Martinez, Clemente Page 1 sur 136

Illustration de la couverture Document No. 1«Cliché BCR-SCD de l'université de Poitiers» Souvenirs rétrospectifs d un ancien écolier- maître de l Ecole Normale de Lagord, 1923. Fonds Fromentin, dans Jean-Baptiste Moine. Né à Saint-L'heurine, Charente-Inférieure, élève-maître Promotion 1879. [Nous n'avons pas accédé au manuscrit, trop fragile]. En haut à droite, il y a une petite photo de l'abbé Th. Mongis, qui n'a pas pu apparaître. Au centre du premier rang, le directeur M. Labroue, derrière, l'instituteur Laurent Reignier, sur les côtés du premier rang, les maîtres auxiliaires. Page 2 sur 136

D E D I C A C E M. Jean-Luc Gaboreau, historien. Mme. Germaine Lemuet institutrice, La Rochelle. M. Dominique Guillemet historien Université de Poitiers M. André Foucaud, ancien cheminot. Serge et Annie Wellens, de Marans. Musée Départemental de l Ecole Publique, à Vergné. A tous les instituteurs de France. Au Groupe Les Guernevelles de Marans et Felger Bro Gallou de Bretagne. Mona Ozouf et Pierre Giollito historiens A nos parents disparus et notre grand-père instituteur, qui travaille la nuit pour ses élèves, au grand-dam de sa compagne. Page 3 sur 136

Remerciements Nous voulons remercier notre Directeur de Recherche, Didier Poton pour nous avoir soutenus tout au long de ce travail. Pour ce qui concerne les institutions, voici une petite liste: Les Archives Départementales de la Charente Maritime, les Archives Municipales de La Rochelle, de Rochefort, les Archives de plusieurs communes de la Charente-Maritime, la Mairie de La Rochelle, l'état Civil, la Bibliothèque de l IUFM, antenne La Rochelle, la Médiathèque Michel Crépeau, le Groupe Scolaire Claude Nicolas de La Pallice. Mairie de Marsilly, de Lagord. L'école maternelle de Tasdon. INFOTRANS Accueil, la Maison du Platin à La Flotte, Ré. Au CDIJ de La Rochelle. La Mairie de Vergné et le Maire Frédéric Boutin pour nous hébergé et réaliser un stage au Musée de l'école Départemental, la Société de Géographie de Rochefort. LE Service Commun de la Documentation Bibliothèques Universitaires de l'université de Poitiers, Mme. Myriam Marcil, M. Gilles Verneuil pour l'autorisation donnée. Les personnes: Anne Segura et Pascal Brunello, Mme. Nicole Nicolas, Mme. Vrignaud, Mickaël Augeron, Eric Monteiro, Jean-Louis Mahé, Simon Balloud grand chercheur, Florence Métais, Françoise Marchandier, Henri Moulinier, ils savent combien je leur dois. Nous citons pour sa disponibilité et sa collaboration depuis le début, le directeur du Groupe Scolaire «Raymond Bouchet«à Tasdon, M. Thierry Gauducheau. Pendant notre recherche, nous avons rencontré M. André Foucaud (96 ans), petit-fils de M. Julien Foucaud, demeurant à Lagord. Sa famille habite à Nieul-Sur-Mer. Nous remercions l'arrière petite-fille Françoise Lecomte, pour son aide et ses encouragements. Nous présentons ce travail à la critique bienveillante des lecteurs qui s intéressent à l histoire de l éducation en France, un monde passionnant. Nous sommes redevables aux instituteurs qui nous ont raconté leurs vie et nous ont aidé. Quelques personnes qui nous ont transmis leur passion pour l'école : gratuite, obligatoire et laïque, ont disparu. Pour honorer leur mémoire, nous voudrons leur offrir ce travail fait dans les circonstances actuelles. Page 4 sur 136

TABLE D'ABREVIATIONS ENL École Normale de Lagord BOSIP Bulletin Officiel Spéciale de l'instruction Publique ADCM Archives Départementales de la Charente-Inférieure AMLR Archives Municipales de La Rochelle BNF Bibliothèque Nationale de France ENPP École Normale Primaire de Poitiers IUFMP Institut Universitaire de Formation de Maitres de Poitiers École Normale d'institutrices de La Rochelle ENILR École Normale à La Rochelle d'instituteurs ENLRI PTT Postes Télégraphes Téléphone AE Archives de l'évêché ENSSC École Normale Supérieure de Saint-Cloud ENET École Nationale de l Enseignement Technique INRP Institut Nationale de la Recherche Pédagogique IUFMLR Institut Universitaire de Formation de Maîtres de La Rochelle ENLB École Normale de La Bouzaréa Page 5 sur 136

S O M M A I R E INTRODUCTION PREMIERE PARTIE. L'INSTRUCTION PRIMAIRE EN FRANCE AU XIXE SIECLE. 1. La réorganisation de l école primaire sous le Ministère Guizot (1830-1848). 2. La formation des maîtres : la création des Écoles Normales. DEUXIEME PARTIE. L'École Normale en Charente- Inférieure : 1863. 1. Une gestation difficile pour l'école Normale de Garçons. 2. Une administration efficace et libérale dans un cadre communautaire. TROISIEME PARTIE. Une communauté d'enseignants et d'élèves. 1. Les enseignants : des origines diverses 2. Les élèves- maîtres de toute la Charente-Inférieure. CONCLUSION Page 6 sur 136

INTRODUCTION Grâce à notre directeur, nous avons choisi comme thème l'école Normale de Lagord, (ENL) pour l importance des faits liés à l instruction primaire au XIXe siècle et aussi parce que nous sommes particulièrement intéressés par l histoire locale de la Charente-Inférieure. Nous portons un grand intérêt à l histoire de l enseignement en France, c est une histoire connue grâce aux travaux réalisés, mais elle réserve beaucoup de surprises. Il y a des chantiers à ouvrir, nous sommes devant une histoire à faire. Nous aimons l'histoire sociale, parce que c'est regarder l'homme dans sa lutte pour construire une société meilleure. L école élémentaire au XIXe siècle et début du XXe représente un moyen d apprendre l essentiel, mais cela va plus loin, elle est chargée de transmettre des valeurs universelles comme la laïcité, la liberté de conscience, imposées difficilement. Pour maîtriser notre sujet, nous avons étudié l ensemble des faits historiques du X1Xe siècle. D abord sur la période : 1850-1900 et puis nous l avons étendue à la période précédente, parce qu'il faut se rendre compte du passé entre 1800-1850. C est un long XIXe siècle, qui s'est allongé jusqu'à 1914, étonnant, passionnant, inépuisable. Quelles sont les idées au milieu du XIXe siècle et leur influence sur la création de l' ENL, une institution créée pour perdurer. Comment sont la vie quotidienne et les coutumes dans une France impériale et profondément rurale? Concrètement, sur l ENL il existe la documentation suivante : «Nos Ecoles normales» rédigée par un groupe de retraités, publiée par la Mutuelle Générale de l'éducation Nationale, (MGEN) en 1996. Monographie réalisée par une poignée d'institutrices et instituteurs de La Rochelle, dont André David ancien instituteur et auteur d'un livre sur son village. C'est un bon travail pour approfondir la recherche historique sur l'instruction publique en Charente-Inférieure. Il nous est très utile. Un article de M. Michel Renouleaud dans le journal Sud-Ouest: «École normale : 100 ème anniversaire», paru le 4 décembre 1979, photo et reproductions : Jean Gaillard, Dominique Jullian, page entière C. Souvenirs rétrospectifs d un vieil élève-maître Lagord de Page 7 sur 136

Jean-Baptiste Moine, ce récit écrit vers 1923 sur les promotions 1878, 1879 de l'énl. Nous déduisons, à partir de nos recherches, qu'il est l'auteur de cette publication. Il donne quelques indices et des détails que seule une personne bien renseignée peut fournir. Il est né le 15 avril 1862 à Sainte-Lheurine, élève de l'école primaire, son père Jean Moine est instituteur public dans ce village. Il est élève-maître à Lagord en 1879. Il meurt à Pons, en Charente-Maritime le 31 octobre 1951. «Depuis ma retraite (1923)» 1 en Jarnac-Champagne selon ses propres mots. Ce document précieux nous a servi de fil conducteur, ceci dit, l'auteur au bout de tant d'années, a quelques trous de mémoire. La mémoire 2 est courte. Nous sommes attentifs à l'actualité, puisque l'éducation est toujours sujet de discussion et polémique dans la société française. En mars 2009 a paru le livre de l historienne Mona Ozouf, un ouvrage qui traite de l'identité sujet de nos jours, en prenant comme objet de recherche sa personne et sa famille : un père breton militant républicain, une mère pieuse, catholique et une grand-mère républicaine 3. Ce livre peut servir de base pour de nouveaux ouvrages d histoire locale, et faire de nouvelles études. Mme. Ozouf est une grande historienne de l'instruction publique. Nous avons lu des références publiées dans des articles des journaux d'instituteurs, de la généalogie ou des ouvrages sur l'histoire de l'école en Charente Inférieure au XXe siècle. Nous avons constaté le nombre illimité de sources concernant notre sujet. Nous ajoutons la difficulté de lecture des documents mal écrits, par exemple ceux du Préfet de l'époque. Nos sources principales se trouvent aux Archives Départementales de la Charente- Maritime, nous avons consulté la Série T Enseignement, la Série R Affaires militaires, organismes de temps de guerre. Un autre outil précieux est le Registre d'instituteurs et institutrices. Parfois un trésor se trouve au verso de ces fiches, par exemple la photo en noir et 1 Souvenirs rétrospectifs d'un vieil élève-maître, «Cliché BCR-SCD de l'université de Poitiers «, dans Jean- Baptiste Moine, manuscrit, [p. 1] Voir aussi l'annexe I. 2 Elle est la capacité à acquérir, conserver, et restituer des informations, dans DORON, Roland, Dictionnaire de Psychologie, Paris, PUF, 1998, p. 444. 3 OZOUF, Mona, Composition française, Paris, Gallimard, 2009, 220 p. Ce livre a obtenu le 16 avril 2010 le Prix Montaigne à Bordeaux. Page 8 sur 136

blanc de l'instituteur. Ces fiches comprennent aussi les institutrices, souvent leurs épouses. Nous les voyons, ils sont là et ont inspiré notre travail. Nos sources sont des rapports administratifs, de la correspondance officielle entre autorités civiles ou militaires, de la comptabilité générale, des exercices fiscaux de chaque année, des lettres sur l'esprit, la morale, les coutumes et soucis de l'époque, sur les problèmes rencontrés des jeunes de la campagne, de la ville et des familles pour financer leurs études. Ceux qui nous semblent intéressants sont les rapports de discipline, rédigés par le directeur de l ENL, parce qu ils comprennent des commentaires sur les progrès académiques de chaque élève, les problèmes de l'enl, les expulsions. Les détails des situations des élèves, mais aussi du manque de ressources économiques, des maladies, fléaux de l époque, des morts. Il y a aussi les rapports sur les maîtres, évalués eux aussi. Ils sont confidentiels. Nous pouvons suivre leur parcours, leurs nouvelles destinations, ou cas extrême leur changement de profession vers d'autres branches de l'administration, plus attractives financièrement. Dans les Archives Municipales de La Rochelle, nous avons aussi consulté la Série N «Biens communaux Terres-Bois-Eaux» et la Série R «Instruction Publique, Sciences, Lettres et Arts». Des données existent à partir de 1874 dans le Bulletin Officiel Spécial de l Instruction Publique, numéro 1, BOSIP qui donne des informations parcellaires, il ne donne pas des données significatives, comme les noms des élèves, leur lieu et date de naissance, leur parcours, etc. Malgré cela, il est une source indispensable. Nous avons quelques doutes, des interrogations, puisque les rédacteurs de cette publication se trompaient en l'écrivant. La collection du Bulletin Religieux du Diocèse de La Rochelle et Saintes. Cette publication a de références concernant l'instruction laïque. En ce qui concerne la lecture difficile des documents, la vue s'est habituée au fur et mesure du travail. Il nous a fallu apprendre le calendrier républicain, les coutumes locales de la France du XIXe siècle. Le vocabulaire juridique, médical, pédagogique, démographique de l époque. Les mots disparus ou qui s utilisent peu, les belles formules utilisées dans le courrier: TSVP : «tournez s'il vous Page 9 sur 136

plaît», «Daignez accepter nos sincères salutations». Nos connaissances de paléographie nous ont beaucoup aidé. Avant celui-ci, sous le Second Empire, il y a des publications comme le Journal des Instituteurs. Et d'autres publications durant les régimes antérieurs, comme le précieux Recueil Périodique de Dalloz imprimé depuis 1829, pour connaître la législation du XIXe siècle. Nous avons du nous familiariser avec l histoire et la géographie de la Charenteinférieure. Certaines communes du Sud très éloignées de La Rochelle ont disparues aujourd'hui ou se sont intégrées aux communes voisines et ont changé de nom. Des exemples: Salignac-de-Pons, Antignac, Saint-Saturnin-de-Séchaud devenue Port-d'Envaux en 1853. Et même la physionomie du département a changé. Pour sa situation géographique le sud du département est plus proche de l Aquitaine que de l'aunis. C'est la raison pour laquelle la Saintonge se tourne plutôt vers Bordeaux, surtout quand la Préfecture change de lieu, de Saintes à La Rochelle, on entend encore «c'est la faute de Napoléon!». Des étudiants du Sud sont venus à Lagord pour devenir instituteurs, et des années plus tard, ils sont revenus dans leurs villes ou villages pour exercer soit dans la Charente-Inférieure, soit en Gironde qui est attirée à contrario par les Charentes, le bas-poitou. La géographie nous fait comprendre l histoire. La laïcité ne fait pas partie du sujet étudié, mais elle est incluse. Un concept difficile à comprendre pour les cultures étrangères. Au XIXe siècle, ce terme n'est pas employé, on dit plutôt «neutralité scolaire 4». Le Grand Dictionnaire Larousse parle de laïcité en quelques mots. Cela fait partie de l'identité, pour toucher un sujet brulant. A l'origine, les lectures qui nous ont motivés pour réaliser ce travail sont : De Jacques et Mona Ozouf, La République des instituteurs, de Jean Marie Mayer, Les débuts de la République; d Eugène Weber, La fin des terroirs : la modernisation de la France rurale 1870-1914; de Théodore Zeldin, Histoire des passions françaises : 1848-1940 ; d'un Groupe de 4 La Grande Encyclopédie: inventaire raisonnée des Sciences, des Lettres et des Arts, Paris, Société Anonyme de la Grande Encyclopédie, sans an d'édition, volume 24, pp. 995-996. Page 10 sur 136

Retraités 17, Nos Écoles Normales; de François Burdeau, La Troisième République et tant d autres Nous avons travaillé avec nos moyens, prendre des notes, lire, faire la recherche comme un apprenti avec des hauts et des bas. Dans notre étude, nous voulons analyser quelles sont les conditions matérielles, sociales et culturelles liées à la construction de l école normale dans le village de Lagord, près de La Rochelle? Ce site relativement modeste est choisi aux dépens de villes plus importantes comme Tonnay-Charente, Saintes ou Rochefort. Pour quelle raison? Pour répondre à ces questions, nous travaillerons le plan suivant : La Première partie traitera de l Instruction Publique en France dans la première moitié du XIXe siècle, en effet, pour comprendre la création de l'enl, il faut saisir l'œuvre antérieure, c'est à dire, connaître le travail du Ministère d'instruction sous la Restauration et sous la Monarchie, et on pourrait même aller au-delà, jusqu'à la Révolution Française. Dans la Deuxième partie, il sera question de l'école Normale en Charente- Inférieure crée en 1863; la première école normale pour les garçons dans ce Département et la lutte de quelques autorités devant l'inertie gouvernementale. La bonne foi ne suffit pas. Et enfin, la Troisième partie sera consacrée aux hommes, les maîtres et leurs élèves. Ce sont eux qui font fonctionner l'établissement. Un univers humain, qui accueille en grande partie des jeunes gens issus du milieu rural, telle qu'était la France au XIXe siècle. Les moyens de transport sont arrivés, mais les hommes continuent à honorer leurs origines paysannes, d'autres de petits métiers, quelques-uns existent encore. Ce groupe, forme une école pour apprendre à enseigner, est avant tout une toute jeune institution humaine. Son père est le Préfet Jean Stanislas Boffinton. Page 11 sur 136

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PREMIERE PARTIE L I N S T R U C T I O N P R I M AI R E E N F R AN C E AU XIXE S I E C L E. Page 13 sur 136

«Pour vivre et construire sa vie, l homme a besoin de se souvenir. Des giroflées sauvages dans le creux d un vieux mur, le chant d adieu d un oiseau dans un arbre tout doré par l automne, le parfum d une fleur, l aboi d un chien dans le soir qui tombe, les tintements d une cloche, des cris joyeux d enfants, des appels d une mère, l écho d une chanson font resurgir des images, des résonances du temps béni de ma lointaine jeunesse dans ma rue, dans mon quartier. Quels que soient les chemins ou les événements l entraînent, l homme reste, toute sa vie, l enfant de son enfance». BLED, Edouard, J avais un an en 1900, p. 413. Page 14 sur 136

François Guizot est bénéficiaire des progrès réalisés de l'instruction Publique par ses prédécesseurs du XVIIIe siècle auxquels il doit beaucoup comme: Montalivet, Sieyès, Romme, Talleyrand, Condorcet, Daunou, Royer-Collard, Decazes, Comte Siméon Lainé, Corbière, Baron Cuvier, Frayssinous, Vatimesnil, Baron de Montbel, le Comte de Guermon- Ranville. Au XVIIIe siècle, un homme qui s'est intéressé à l instruction est Condorcet 5. Ses idées originales, dont ses successeurs se sont inspirés, ont des répercussions sociales dans le Royaume de France. Même avant, ils existent des théoriciens sur l'instruction, l'éducation, la liberté, la tolérance. Cela suffit pour les prendre en compte dans notre sujet. Aujourd'hui, chez les Français tout le mérite de l'école primaire revient à Jules Ferry qui achèvera ce projet commencé au XVIIIe siècle, pour remplir un cycle. En tout cas, tout le monde connaît son nom et son héritage, au contraire de François Guizot. Dans l'actualité des historiens comme de Broglie 6 ont fait un travail remarquable sur Guizot, cet homme du Sud de la France qui décide de vivre en Normandie, un pays rural en face de l Angleterre. C est pourquoi, nous voulons le redécouvrir et dire encore que ce que la France a fait au XIXe siècle, en matière d'éducation primaire est un modèle par d'autres peuples du monde. 5 Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de, mathématicien, philosophe, économiste et homme politique français, Ribemont 17 septembre 1743-Bourg-la-Reine 1794. Créateur de Cinq mémoires sur l'instruction publique, dans, D'Amat, Roman,(direction), Dictionnaire de Biographie Française, Paris, Letouzey et Ané, 1961, volume 9, pp. 458-459. 6 BROGLIE, Gabriel de, Guizot, Paris, Perrin, 2002, 549 p. Page 15 sur 136

1. La réorganisation de l école primaire sous le Ministère Guizot (1830-1848). La création des écoles primaires en France est due à un long chemin. Elles existent depuis le Moyen-Age; la Révolution prends la suite et les maîtres d'école existent depuis des siècles, ce sont les «petites écoles» de Louis XIV ou l école «des sœurs» du début du XIXe siècle, l'âge d'or des Ordres féminines éducatives ou d'instruction religieuse. La France du XIXe siècle est un pays rural, les voies de communication sont les vieilles routes héritées de l Antiquité; les grandes routes commerciales sont par exemple, celle de Bordeaux- Lyon. C'est un pays catholique où les autres religions reconnues par l'etat vivent en paix. Le peuple, au moins jusqu'à la première moitié du XIXe siècle, vive dans une grande pauvreté. Il y a de longues journées de travail et de bas salaires, y compris pour les enfants à partir de cinq ans. Au début de la mise en place de l'école gratuite, il y a beaucoup de résistances, de mépris ou de l'indifférence, d'abord de la part des cultivateurs, eux-mêmes souhaitent que leur descendance s'occupe de la propriété familiale laissée à leur mort, ou qu'elle continue leur travail plutôt que d'aller aux cours. A cette époque, la gratuité existe déjà pour les enfants indigents. Au fils des années, les mentalités ont évolué, peu à peu depuis la Monarchie de Juillet et le Second Empire. Les parents, pour la plupart cultivateurs voient dans le métier d'instituteur, une chance pour améliorer la vie de leurs enfants. C est une aspiration qui commence à s'affirmer à cette époque. Le fait de devenir quelqu un par la voie de l'instruction. Le mérite compte beaucoup dans la société du XIXe siècle, pour avoir une vie meilleure. Il ne faut pas croire que tout a été favorable à l'instruction publique et que tout le monde est d'accord pour qu'elle s'installe. Ainsi Antoine-François de Fourcroy 7, fut nommé 7 Né à Paris le 15 juin 1755, il est décédé d'une crise cardiaque le 16 décembre 1809. Page 16 sur 136

en septembre 1802, directeur de l'instruction Publique mais «Il se refusa toutefois à organiser l'instruction primaire, considérant l'enseignement des masses comme une chimère» 8 Ce mot chimère correspond à la culture européenne: le latin 9 : Quelques années plus tard, Napoléon Bonaparte 10 créé les Académies en France qui existent encore aujourd'hui. La création des circonscriptions académiques est due au décret impérial du 17 mars 1808. Dans son article 5, fraction 6, nous lisons: «Les petites écoles, écoles primaires où l'on apprend à lire, à écrire et les premières notions de calcul» 11 En ce qui concerne l'instruction publique au XIXe siècle, l'école est un enjeu. Nous pouvons dire que chaque gouvernement veut effacer les traces de l ancien : par exemple, le Second Empire celles de la Monarchie de Juillet, la IIIe République celles du Second Empire, comme si c'est eux qui ont tout créée ou inventé. C'est oublier d'ailleurs Napoléon Ier qui a beaucoup fait, même si nous pouvons critiquer son réussite comme Empereur de créer une noblesse et une bourgeoisie favorable au régime. Quoiqu'on dise, c'est lui qui dote la France de ses institutions modernes: les Préfectures, le Conseil d'état, le Code Civil, l'université Impériale dont les Rectorats dépendent, le Cadastre, la création du Baccalauréat, la Banque de France, l'institut de France, la Légion d'honneur, la réorganisation de la Justice, la réorganisation de l'école Saint-Cyr, etc. 12. [Supprimé] No. 2 Carte des Ressorts Académiques, dans TULARD, Jean, (direction), Dictionnaire de Napoléon, Paris, Fayard, 1989, p. 31. 8 BALTEAU, J. (sous la direction), Dictionnaire de Biographie Française, Paris, Letouzey et Ané, 1979, volume XIV, pp.750-751. 9 Chimaera, chèvre, animal fabuleux qui selon les uns avait la tête d'un lion, le corps d'une chèvre, la queue d'un dragon; selon d'autres trois têtes appartenant à ces divers animaux, et qui vomissait des flammes», dans LAROUSSE, Pierre, Grand Dictionnaire Universel du XIXe Siècle, Paris, Larousse et Bouyer, 1869, volume 4, p. 106. 10 LENTZ, Thierry, Napoléon «mon ambition était grande,» Paris, Gallimard, 1998, 159 p. 11 DEMNARD, Dimitri, Dictionnaire d'histoire de l enseignement, [France], Éditions Jean-Pierre Delarge, 1981, p.16. 12 Depuis 1986, l'association Le Souvenir Napoléonien «Poitou-Charentes», Société Française d'histoire Napoléonienne donne des conférences sur cette période de l'histoire de France dans la région Poitou-Charentes. Son Président régional est M. Alain Lescroel. Page 17 sur 136

Sous Napoléon I, l'empire comprendre des territoires lointains comme : Liège, province actuelle de Belgique. Bruxelles, à partir de 1830, capitale du Royaume indépendant de Belgique; Trèves, actuelle ville d'allemagne, dans la Rhénanie Palatinat; Mayence, capitale du Land, en Rhénanie-Palatinat; Gênes, capitale de la Ligurie, en Italie, annexée à l'empire en 1805; Turin, en Italie, capitale du Piémont. Sous la Restauration, la situation des Académies continue à être la même et plus tard, avec le départ du roi Louis XVIII, vient la période de la Monarchie de Juillet. François Guizot est Protestant, professeur d'histoire moderne à la Sorbonne en 1812 13. Il occupe des fonctions très importantes sous la Monarchie de Juillet: Ministre de l'instruction Publique (1832-1837), Ministre des Relations Étrangères à partir d'octobre 1840. Il est l'homme clé du royaume, il a ses débuts politiques sous la Restauration. Il est modelé par l'éducation napoléonienne, rien ne prédestinait cet homme à devenir ce qu'il est. Il a longuement mûri ses réflexions dans le premier quart du XIXe siècle, sous la Restauration, (1815-1830) où il commence ses écrits sur l'instruction publique, sur la manière de gouverner les peuples, sur l'histoire. Il fit voter le 28 juin 1833 une Loi organisant l'instruction primaire. Dès son arrivée, il montre un grand intérêt pour l'instruction. Avant d'être ministre il écrit l'ouvrage, Essai sur l'histoire et sur l'état actuel de l'instruction publique, publié en 1816. Cet intérêt peut remonter loin, puisqu'avec Mme. Pauline de Meulan 14, il a créée la Revue Les Annales de l'éducation en 1810. Il refonde les bases du système éducatif en France qui perdure jusqu'à nos jours. Conservateur, favorable à une Monarchie constitutionnelle, il prône pour l'instruction des esprits. La démocratie pensait-il n'est pas pour les peuples. Pour établir l'instruction primaire ou élémentaire, il faut un corpus juridique, qui permet dans le Royaume, toutes les mesures prises d'abord pour la Monarchie, ensuite par l'empire et plus tard pour la République, jusqu'à nous jours. Un exemple: L'Ordonnance 13 Nîmes 1787-Val Richer, Calvados 1874 homme d'etat, politique et historien français. 14 Elisabeth Charlotte Pauline de Meulan (Paris 2 novembre 1773-décédée le 30 juillet 1827). Écrivaine, son premier roman est Contradiction, mariée à François Guizot le 9 avril 1812. Page 18 sur 136

Royale du 26-II-1835 stipule que doit être nommé : «dans chaque département un inspecteur spécial de l instruction primaire, et des salles d'asiles, nom donné aux établissements scolaires inspirés par le modèle anglais des «infants schools», ayant comme but l'éducation en commun des enfants en bas âge» 15. Les salles d'asile sont les écoles maternelles et des classes d'adultes 16. Les inspecteurs, nommés pour la première fois, sont de grande utilité en 1835. Guizot ordonne un Tour de France à 490 Inspecteurs d Académie: ils parcourent le pays pour connaître la situation de l'école sur le terrain. Ils publient un rapport général de l'instruction primaire du Royaume. Cette mesure est une grande nouveauté à l'époque. Leur voyage est effectué en charrette, à cheval, en âne, à pied, tous les moyens sont bons! Toutefois, il faut dire que les enquêtes existent depuis la Révolution Française. Par exemple, la lettre du Préfet aux Sous-préfets, sur des tableaux de demande des renseignements des écoles primaires est datée dans le calendrier républicain le 16 Floréal an II 17. Et sous la Restauration, à la demande des citoyens Préfets aux autorités locales (le maire, le prêtre, le notable, le seigneur). Voici un exemple: «chaque année vous aurez à rédiger de semblables renseignements, et assez tôt pour que MM. les Sous- Préfets puissent les réunir dans un tableau général qu'ils devront me faire parvenir le 15 août au plus tard. Le Maître des requêtes, Préfet du Département à MM. Les Maires du département. 20 novembre 1820» 18. C'est lettre est écrite par le Comte puis Elie Duc Decazes. «Homme politique du centre sous la Restauration et favori de Louis XVIIIIl» 19 il est fidèle aux Bourbons, pour cela il est nommé Préfet de Police de Paris le 7 juillet 1815 et Premier ministre de 1819 à 1820. 15 DEMNARD, Dimitri, op. cit., pp. 682-685. 16 DEMNARD, Dimitri, op cit., p.400. 17 Archives Départementales de la Charente Maritime 1T1-1T6. Loi du 11 Floréal, soit le 1er mai 1794. 18 ADCM 1 T 12 Correspondance du comte de Decazes. 19 PRICE, Munro, Louis Philippe le Prince et le Roi: La France entre deux révolutions, Paris, Éditions de Fallois, 2009, p. 14. Page 19 sur 136

C est à François Guizot qu on doit la création des statuts de l inspection primaire, en tant que Ministre, il veille notamment comme prérogatives à la : «tenue générale de l établissement, le caractère moral de l école et l enseignement et la méthode» 20. François Guizot est la pierre angulaire de la mise en place du service d'instruction publique dans la première moitié du XIXe siècle. Pour lui les révolutions sont facteur de malheur pour le peuple, pour que cela ne se reproduise pas, il faut instruire et éduquer les hommes, pour que le peuple ne soit pas manipulé par des idées extrémistes et qu'il devient dangereux. C'est pourquoi il faut gouverner les esprits 21. Les grands hommes aussi ont des grands défauts, M. Guizot est intransigeant et têtu. Voici les titres de ses ouvrages importants sur l'instruction Publique : Rapport au roi sur l'état de l'instruction primaire, Imprimerie Royale, 1832. Rapport au roi sur l'exécution de la loi du 28 juin 1833, Imprimerie Nationale, 1834. La situation des Académies va durer jusqu'en 1850 ou les Académies de Départements seront régies par des Recteurs. Ces académies vont être supprimées par la Loi du 14 juin 1854. Cette Loi va rétablir le régime des circonscriptions. Les Académies départementales sont crées par la Loi du 15 mars 1850, dans son article 1 stipule : «La France est divisée en 16 circonscriptions académiques dont les cheflieux sont : Aix, Besançon, Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Dijon, Douai, Grenoble, Lyon, Montpellier, Nancy, Paris, Poitiers, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Chambéry (1860) et Alger (1875)» 22. Les Académies ne sont pas à l'abri des conflits internes ou externes. Celle de Strasbourg est fermée à cause de la défaite contre la Prusse en 1870-71. Les répercussions de ce conflit vont être présentes tout le dernier quart du XIXe siècle. Pour pouvoir administrer et bien gérer l'instruction publique sont créées les Académies. Une de plus importantes, à cause de son aire géographique est dans le Poitou. 20 DEMNARD, Dimitri, op cit., p. 400. 21 Dans NIQUE, Christian, L'école su service du gouvernement des esprits, Paris, Hachette, 1999, p. 4. 22 DEMNARD, Dimitri, op cit., p.16. Page 20 sur 136

L'Académie de Poitiers est une grande académie : plus de 50 mille kilomètres carrés, un territoire plus grande que l'angleterre! Elle comprend huit départements de l'ouest: "Lorsque la loi du 14 juin 1854 divise la France en 17 académies, notre département est intégré dans celle de Poitiers qui en comprend huit : la Charente, la Charente Inférieure, l'indre, l'indre-et- Loire, les Deux-Sèvres, la Vendée, la Vienne et la Haute-Vienne» 23. 23 RENAUD, Yvette, L'école en Charente avant Jules Ferry, La Couronne, CDDP de la Charente, 2000, p. 93. Page 21 sur 136

Noms du Département Surface en kilomètres² La Charente 5956 L'Indre 6 791 L'Indre-et-Loire 6 127 La Vendée 6 720 La Vienne 6 990 La Haute-Vienne 5520 Le Deux-Sèvres 5 999 La Charente-Inférieure 6 864 Total No. 3 Extension de l'académie de Poitiers 50967 Cette grande superficie pose des problèmes pour l'application des décrets, lois, ordonnances. Un simple courrier dirigé aux autorités de chaque département prendre beaucoup du temps, pou faire l'aller-retour. Nous savons que la loi est votée à Paris, la capitale, mais pour s'installer, pour s'enraciner dans les campagnes, en comptant avec l'opposition des élites, c'est une autre chose. Les hommes politiques, même avec la bonne volonté, doivent accepter les tempéraments d'autres hommes vivant à la campagne ou dans les petites villes. Paris n'est pas la France, dit-on. Au long du XIXe siècle, le Ministère de l'instruction Publique et des Cultes ont de grands personnages, comme Guizot, sous le Roi Louis Philippe, et Victor Duruy, dans la seconde moitié du Second Empire. Tous deux ont été ministres et ont une influence décisive dans l'enseignement. Dans le dernier quart du XIXe siècle, c est Jules Ferry qui a le mérite de la massification des «écoles publiques, laïques et obligatoires» 24. Mais les écoles, bien qu'elles sont très modestes, existent depuis des temps immémoriaux. Et même, nous avons dit que la gratuité existe et à sa façon la laïcité existe dans la Monarchie de Juillet. Guizot par exemple, veut rendre leur dignité aux instituteurs, et leur demande de ne pas s'agenouiller devant les prêtres. 24 OZOUF, Jacques, La République des instituteurs, Paris, Gallimard - Seuil, 1980, 487 p. Page 22 sur 136

Pour ce qui concerne les écoles normales de garçons, elle est l'histoire de la France, mais il ne faut pas oublier ni l'empire, ni la Restauration de Charles X et Louis XVIII, ni la Monarchie de Louis Philippe, (entre 1800 et 1840) ni la République à partir de 1871. Chacun d'entre eux aide à mettre en place le système d'enseignement public. Depuis le Premier Empire, l'instruction et la construction des écoles normales commence à se répandre dans la France du nord-est, spécialement dans les villes où il y a une population importante de confession protestante. 2. La formation des maîtres : les Écoles Normales. a) Les Écoles normales de Garçons. L'histoire des écoles normales en France est longue. Sous l'ancien Régime, la première école normale est fondée au XVIIe siècle par Mme. De Maillefer et le Père Nicolas Barré, «né à Amiens en 1621 et mort à Paris en 1686. Il est entré dans l'ordre des Minimes à Amiens en 1640» 25 qui signifie: «les très petits» 26. Cet ordre a une communauté, justement dans la zone ou hameau de Minimes à La Rochelle. Le Père Barré a créée à l'origine cette institution destinée aux jeunes du milieu rural : «en 1687, il ouvre une sorte d'école normale dite «séminaire des maîtres pour la campagne» 27. En plus, il est en avance pour son époque, cette école doit être gratuite pour tous les jeunes, quelle que soit leur condition sociale. Il prône pour la méthode simultanée, c'est à dire, enseigner à plusieurs personnes à la fois, une Méthode utilisée de nos jours. Pendant la Révolution, il y a un essai de création d'une école normale en 1794 à Paris pour former les bacheliers qui à la fin des études reviennent dans leurs pays respectifs, pour enseigner aux enfants. Les grands savants de l époque sont entendus : Gay-Lussac, Lagrange, Laplace, Monge, Haüy, Dauberton, Berthollet, Thouin, Buache et Mertelle, Volnay, Bernardin de Saint-Pierre, Sicard, Garat, La Harpe. Ils sont des personnalités mais pas pédagogues. 25 Site internet d'éditions Arfuyen consulté en avril 2010. 26 GERHARDS, Agnès, Dictionnaire historique des Ordres Religieuses, [Paris], Fayard, 1998, p. 389. 27 GERHARDS, Agnès, op. cit, p. 270. Page 23 sur 136

Pour plusieurs facteurs, le projet d'école normale échoue, et est repris plus tard, quand la paix s'installa sur le territoire. Cela n'est pas été un échec, puisqu'il servira pour améliorer l'organisation des futures écoles. La première école normale au XIXe siècle voit le jour en 1810 au nord-est de l'empire, à Strasbourg. Les suivantes sont créées dans les régions voisines. La présence importante des protestants, et sa situation géographique, à la frontière d'un pays industriel, peuvent être des facteurs pour expliquer la création des écoles qui nous occupent ici. La liste des premières écoles normales du XIXe siècle est présentée en Annexe II de ce mémoire. Il y a un deuxième projet d'école Normale en 1831. L'Ordonnance du Roi portant établissement et organisation d'une École normale primaire, faite à Paris le 11 mars 1831» a été publié dans la Jurisprudence Général du Royaume 28. Nous pensons que le projet n'a pas abouti. Cette Ordonnance dans son premier article stipule que : «Il sera établi à Paris une école normale destinée à : 1 Former des instituteurs primaires pour l'académie de Paris. 2 A éprouver ou vérifier les nouvelles méthodes d'enseignement, applicables à l'instruction primaire. 3 Le directeur et les maîtres de l'école normale primaire seront nommés par notre Ministre de l'instruction publique et des cultes, grand-maître de l'université» 29. François Guizot travaille à ce projet, bien qu'il n'est pas encore Ministre. Les années suivantes continuent à voir la création des Écoles Normales dans plusieurs départements. [Voir Annexe II]. Sous le Second Empire, la loi Falloux suggère la fermeture, voire la suppression, de ces écoles, considérées comme des noyaux de rébellion. Puisque cette loi est contre ces établissements scolaires et se montre favorable à l'église. Elle veut purement et simplement supprimer les Écoles Normales en France, mais elle laisse cela à la volonté des autorités. Cette loi établie le 15 mars 1850 par le comte Frédéric de Falloux, (Angers 1811-id. 1886). Paradoxalement, la loi est un progrès matériel pour les instituteurs, parce qu'elle stipule un 28 Publié par M. DALLOZ, avocat à la Cour de Cassation et aux Conseils du Roi, depuis 1791 à Paris, au Bureau de la Jurisprudence Générale. 29 DALLOZ, M., Recueil Périodique de Jurisprudence Générale : en matière civile, commerciale, criminelle et administrative, Paris, Bureau de la Jurisprudence Générale du Royaume, 1831, Troisième partie, p.18. Page 24 sur 136

traitement obligatoire de 600 F par an aux instituteurs, payé par les Communes et incite à la pratique de matières nouvelles comme la gymnastique, qui n'est pas entrée dans les mœurs des Français contrairement aux pays du Nord. «Il servit, dans cette situation, les intérêts du parti catholique, prit des mesures rigoureuses à l'égard des instituteurs qui s'étaient montrés partisans de la République (de 1848) et du socialisme, et présenta à l'assemblée la fameuse loi sur l'enseignement qui fut votée le 15 mai 1850» 30. b) Les Écoles Normales dans l'ouest. Très rapidement plusieurs Écoles Normales existent dans l'ouest au XIXe siècle, telle en Vendée, l'école Normale de Napoléon-Vendée autrefois Bourbon-Vendée, après le Second Empire, [La Roche-sur-Yon aujourd'hui]. En Charente, l'école Normale d'angoulême; dans la Vienne l'école Normale de Châtellerault; dans les Deux-Sèvres, l' École Normale de Parthenay. La plus ancienne est celle de Poitiers. En 1810, au début de la création des Écoles Normales en France, la formation d'instituteur dure deux années en 1850 et plus tard elle s'étende à trois années. Ce résultat est un des conséquences de la loi Falloux. Nous essayons de trouver l'histoire de ces écoles normales, de les décrire et combien d'années elles ont fonctionné, leur lieu et date de création. Cela n'est pas facile par le manque de sources et de la difficulté d'aller sur place. L'histoire des Écoles Normales du Sud-Ouest est une piste pour des futures recherches. 1. L'École Normale d'angoulême: La Charente est un des départements qui compte très tôt avec une école normale : «La Charente bénéficie dès 1832 d'une École Normale d'instituteurs; installée tout d'abord, dans l'ancien collègue des jésuites (aujourd'hui École de musique, place Henri-Dunant) elle est ensuite transférée en 1843 dans l'ancien couvent des carmélites (clinique Sainte-Marthe), puis supprimée en 1852 pour crise de recrutement, selon le Conseil Général. Pendant plus de trente ans les élèves-maîtres de la Charente sont donc 30 ROBERT, Adolphe, (direction), Dictionnaire des Parlementaires Français, Paris, Bourloton, 1891, p.549. Page 25 sur 136

envoyés à l'école Normale de Poitiers, à la suite d'un accord avec le Département de la Vienne» 31 Tout au début de leur création, les écoles normales sont très modestes, rien en comparaison avec les bâtiments que l'on connait aujourd'hui : «On convertit simplement l'école mutuelle en école normale, à partir de 1832, et Monsieur Arbonneau fut maintenu comme directeur. 40 élèves maîtres furent appelés à y suivre un cours qui devait être biennal jusqu'à après 1850» 32. M. Arbonneau est le directeur de l'école mutuelle d'angoulême vers 1831, c'est à dire sous la Monarchie de Juillet. Le Second Empire a une mauvaise impression des écoles normales, c'est pourquoi quelques établissements ferment leurs portes, comme c'est le cas d'angoulême. Pour les jeunes hommes aspirants au métier d'instituteur. La solution est de partir à Poitiers. Les écoles fermées sont transformées pour enseigner aux jeunes des disciplines, moins dangereuses et en vogue comme la comptabilité : «Cette école a fermée pendant le Second Empire, elle rouvrira le 2 novembre 1885. Dans ce même lieu, s'installe une École Pratique de Commerce et Industrie transformée en école primaire supérieure. La nouvelle école normale au XXe siècle est située dans la rue de Varsovie» 33. 2. L'École Normale de Châtellerault, Vienne. Cette ville est lieu de passage pour monter à Tours et descendre à Poitiers, au XIXe siècle, le chemin de fer Bordeaux-Paris, fait halte à la gare de Châtellerault. Elle est un lieu d'un important marché de céréales et bestiaux. 3. L'École Normale de Parthenay, Deux Sèvres En 1839, la Statistique, source inestimable écrite par M. Gautier, Sous-Préfet de la Charente-Inférieure, expose un bilan général du Département de cette année là. En ce qui 31 COMBES, Jean, (sous la direction), La Charente de la Préhistoire à nos jours, Saint-Jean-d'Angély, Bordessoules, 1986, p. 413. 32 RENAUD, Yvette, op cit. p. 128. 33 BENTZ, Bernard, Les rues d'angoulême, [Angoulême], Composervices Éditions, 2007, 320 p. Page 26 sur 136

concerne l'absence d'école normale et la solution donnée par le Conseil Général, nous lisons : «Le département ne possède point d'école normale ; il s'est réunit, pour en soutenir une à Poitiers avec les départements des Deux-Sèvres, Parthenay et de la Vienne, et il y envoie 12 élèves, à chacun desquels il accorde une bourse de 350 fr.» 34. «L'école normale d'instituteurs dans les Deux-Sèvres date de 1835, celle d'institutrices de 1882» 35. Après 1839, il y a divers essais plus ou moins sérieux pour en créer une école normale mais le contexte politique change les plans des autorités. Le Conseil Général préfère donner des bourses (entière, ¾ ½ ¼) selon leur mérite à ces jeunes hommes. Cela est moins onéreux, selon les années, et si nous suivons ces renseignements, après 1840, il y a entre 18 et 22 jeunes acceptés par l'énp, l'école mère où il y a des aspirants d'horizons lointains: les futurs élèves viennent des départements voisins comme la Vendée, la Charente, les Deux-Sèvres, la Dordogne, la Haute-Vienne et même de plus loin. Les Écoles Normales sont des centres de culture urbaine. Elles sont considérées comme des séminaires laïques. Le Royaume de France choisi de préférence les villes pour les établir, comme Bordeaux, Nantes, Tours ou Poitiers. c) L'Ecole Normale de Poitiers. Au XIX e siècle, le Rectorat régit l'université et l'administration de l'école normale de Poitiers est à sa charge. A Poitiers est établie une des plus vieilles universités du Royaume de France, puisqu'elle est fondée au XVe siècle en 1431. A cause du manque d'institut de formation dans les départements voisins, les candidats au métier d instituteur se dirigeant naturellement vers l'école Normale de Poitiers, créée «le premier août 1831 dans une modeste chambre près de l'école mutuelle communale» 36. C'est une des premières écoles normales ouvertes au début de la Monarchie de Juillet par la volonté de Guizot. 34 GAUTIER, M.A., Statistique du département de la Charente-Inférieure, La Rochelle, Imprimerie Gustave Mareschal, 1839, p. 250 35 DAUTHUILE, P., L'école primaire dans les Deux-Sèvres: depuis ses origines jusqu'à nos jours, Niort, Imprimerie Th. Martin, 1904, p. 224. 36 RENAUD, Yvette, op cit., p. 136. Page 27 sur 136

«La géographie fait bien les choses», disent les historiens de l'époque moderne. Poitiers en est un bon exemple. Par sa situation elle est un carrefour. Elle est au croisement des routes de passage. Elle est aussi un halte sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle 37. Les citations ne manquent pas pour expliquer cette situation privilégiée: «par contre le Poitou est l'une des grands voies commerciales de la France; c'est par lui que sont mis en relation (chemin de fer Paris-Tours-Poitiers-Bordeaux) le Bassin Parisien et le Bassin d'aquitaine» 38. Au XIX e siècle les Recteurs de l'académie de Poitiers sont par ordre chronologique : De 1815 à 1830 M. Léon François Marie Bellin de la Liborlière. De 1830 à 1835 M. L'abbé René. De 1835 à 1841 M. Tardivel. De 1850 à 1854 M. Eugène Audinet. De 1854 à 1856 M. Jean-François Paule-Louis De la Saussaye. Il est membre du Conseil Général du Loir-et-Cher, fondateur de la Revue Numismatique Gauloise à Blois dans la Loire. Du 25 septembre 1856 au 23 septembre 1862, l'abbé Just. Par décret du 27 septembre 1856 Napoléon III, nomma recteur de l'académie de Poitiers l'abbé Just. Il est un homme de grande personnalité, de savoir et de prestige de son époque. Il est vicaire général à Rouen, en Seine-Maritime, vicaire général de Rome, Italie, professeur à la Faculté de Théologie à l'université de Rouen. Son successeur de 1862 à 1866 est M. Desroziers du 23-IX-1862 au 23- I-1866. Du 23 janvier 1866 au 20-aout 1870 M. Alfred Joseph Auguste Magin. Du 20 août 1870 au 22 octobre 1874 M. Cheruel. Du 22 octobre 1874 au 19 novembre 1879 M. Aubertin Du 19 novembre 1879 au 12 septembre 1870 M. Chaignet. Du 12 septembre 1890 au 25-mars 1895, M. Gabriel Compayré Du 25 novembre 1895 au 7 juillet 1896 M. Margottet. 37 Ce Pèlerinage célèbre au Moyen Age partait de la Tour Saint-Jacques à Paris. 38 FEVRE, Joseph, Leçons de Géographie: deuxième année, Paris, 1918, p. 148. Page 28 sur 136

Du 7 juillet 1896 au moins jusqu'en 1900 M. Cons. Le Conseil Académique de Poitiers est composé exclusivement par des Notables. Le composant en 1858 : l'abbé Just, recteur, président. M. Audinet, inspecteur en résidence à Poitiers. M. Ruck, inspecteur en résidence à La Rochelle. Les présidents sont: Guérin, à Tours. Drot, à Angoulême. M. Bonin, à Limoges. Chantal, à Niort. M.Jubé, à Napoléon «d'abord Napoléon-Vendée, puis Bourbon Vendée, de nouveau Napoléon-Vendée, et qui a repris son nom primitif après la Révolution du 4 septembre 1870 La Roche-sur-Yon, Vendée. Vers 1870, il y avait 7,110 habitants» 39. M. Sureau, à Châteauroux. M. Foucart, doyen de la faculté de droit à Poitiers. Chenou, doyen de la faculté des sciences. M. De Rome, doyen de la faculté des lettres. M. Barisseau, directeur de l'école de médecine de Poitiers. M. Herpin, à Tours. M. Mazars, à Limoges. Mgr. Delamare, évêque de Luçon, la Vendée. L'abbé Deschastelier, curé de Notre Dame de Poitiers. M. De Seze, premier président de la cour impériale de Poitiers. M. Damay, procureur général près la même cour. M. Paulze d'ivoyé, préfet de la Vienne, M. Grellaud, maire de Poitiers 40. Pour entrer à l'enp, il y a un examen d'un certain degré de difficulté. Les aspirants qui réussissent forment une élite. Chaque année, dans chaque Commune sont publiés les modalités du concours pour entrer à cette prestigieuse école. Il y a la convocation à lire et remplir pour postuler, un dossier à déposer dans l'inspection Académique correspondante ou dans la Préfecture. Les épreuves d'admission pour l'année 1837 étaient: a) l'instruction morale et religieuse b) la lecture c) l'écriture d) les premières notions de grammaire française et de calcul. Après les examens des candidats, il y a la réunion de la Commission d'instruction Primaire. Elle compte beaucoup. Son avis est décisif sur le processus de sélection, en ce qui concerne : 1. Les dispositions, classées comme : bonnes, passables, médiocres. 2. Le caractère 39 LAROUSSE, Pierre, op cit., volume 2, p. 203 40 Annuaire du Département de la Charente-Inférieure, La Rochelle, Typographie A. Dausse, 1858, p.81. Page 29 sur 136

: vif, assez bon, appliqué, froid, timide. 3. L intelligence : facile, ordinaire, moyenne, lente. 4. L'aptitude : suffisante, passable, ordinaire, faible. Sur cette dernière, dans les rapports semestriels des directeurs de l'école normale, au verso de leurs appréciations de l'inspecteur d'académie, la définition d' aptitude est claire : «on entend par aptitude le degré d'intelligence des élèves et non point l'ensemble des qualités qui rendent propres aux fonctions d'instituteur» 41 Pour nous, êtres du XXIe siècle ce concept signifie le fait d'être capable de faire quelque chose. Ainsi, dans une définition moderne, nous lisons : «la réussite de toute capacité, qu'il s'agisse d'une tache isolée, d'une conduite complexe, d'un apprentissage, ou encore de l'exercice d'une profession, exige du sujet qu'il possède les capacités et les motivations adéquates» 42. Dans les cours une grande place est donnée à l'instruction religieuse, elle consiste à apprendre et réciter le Pater, le Credo, le Confiteor, le Benedicite, les Grâces, etc. Chaque matin, un élève commence la journée avec cette phrase: "Je vous salue, Marie, pleine de grâces, etc." [l'ave] Cette matière est donnée, l'une pour les élèves catholiques, l'autre pour les élèves protestants, c'est à dire séparée pour chaque confession religieuse. Comme école normale elle prépare les jeunes hommes de la région Poitou, sous la Monarchie de Juillet. «Depuis 1835, époque à laquelle le département de la Charente- Inférieure à été réuni à celui de la Vienne pour l'entretien de l'établissement que je dirige» 43. Nous apprenons qu'à Poitiers il y a des difficultés de recrutement, à cause des sévères conditions d'admission, mais cela se voit mieux dans les années 1850. Pendant l'année scolaire 1845-46 : «L'école normale de Poitiers comptait 42 élèves-maîtres, savoir douze boursiers du Département de la Charente -Inférieure» 44. A l'enp, le programme de l'année 1845-1846 est le suivant : «la lecture, la langue française, langue allemande, qui est à la mode, car elle est la langue des intellectuelles. Nous pouvons faire la comparaison avec 41 ADCM 1T1 42 DORON, Roland, op cit., p. 57. 43 ADCM 1T460, sans folio. Lettre du directeur de l'école Normale de Poitiers, M. Maynard au Inspecteur de La Rochelle. 44 ADCM I T 155. Page 30 sur 136

l'anglais actuellement prépondérant. L'écriture, l'arpentage 45 la grammaire, la calligraphie, la géographie, l'histoire, l'orthographe, les mathématiques, les éléments de physique, la musique, le plain-chant, la rédaction des actes de l'état civil, [de naissance, de mariage, de décès], l'agriculture, la composition de style, les diverses méthodes d'enseignement, l'hygiène» 46. Pour mieux comprendre l'instruction donnée, nous faisons un petit résumé de quelques matières, qui nous semble importantes. Par exemple : la gymnastique, parce qu'elle est une discipline tombée dans l'oubli jusqu'en XVIIIe siècle. Peu à peu, elle commence a être en vogue en France. Il faut imiter ou ressembler le modèle anglo-saxon scolaire et des pays germaniques, qui est l'avant-garde où elle est très pratiquée par la population en général. Un personnage qui a beaucoup travaillé pour sa diffusion est Francisco Amoros y Ondéano. Il est émigré, car il est du côté de l'empereur Joseph Bonaparte Antoine Marie. Après lui, d'autres hommes s'en sont inspirés et donnent beaucoup à l'enseignement de cette discipline, par exemple Eugène Paz 47. 'Supprimé) No. 4 «Le Grand Gymnase» dans Bridgeman Art Library/ Musée de la Ville de Paris. Musée Carnavalet, Paris-France/Archives Charmet. Il s'est tellement passionné pour la gymnastique, qu'il nous légué plusieurs livres : Le Moniteur de la gymnastique scolaire, 1869. Rapport au Ministre de l'instruction Publique, 1868. D'autres auteurs sont : M. Bérard, le Rapport sur l'enseignement de la gymnastique et règlementation pour le Ministère de l'instruction Publique, 1854. Cette époque est une période faste pour l'enseignement, qui il nous laisse perplexe par sa production éditoriale qui n'a pas survécu au temps. Ces manuels doivent exister quelque part, nous avons cherché dans 45 «Évaluation de la superficie des terres au moyen d'une mesure légale: Faire l'arpentage d'une forêt», dans LAROUSSE, Pierre, op cit., volume 1, p. 680. 46 ADCM I T155. 47 «Écrivain et gymnasiarque français, né à Bordeaux en 1837. Pour se guérir d'une affection nerveuse, il eut recours à l'hydrothérapie et à la gymnastique et obtint des résultats tellement satisfaisants qu'il résolut de faire revivre en France le goût des exercices gymnastiques. Au mois d'avril 1865 [créé] un gymnase modèle qui acquit aussitôt une grande notoriété». Ce gymnase se trouve dans la rue des Martyrs à Paris. Page 31 sur 136