Comptabilité : mieux lire l information financière



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Transcription:

Comptabilité : mieux lire l information financière par Bernard CHRISTOPHE Maître de Conférences de Gestion à l Université de Paris 2 Expert-Comptable 1. Consolidation des comptes de groupe... A 4 552-2 1.1 Pourquoi consolider?... 2 1.2 Selon quels critères consolider? Quelles méthodes de consolidation retenir?... 2 1.2.1 Types de sociétés... 2 1.2.2 Méthodes de consolidation... 2 1.3 Retraitements les plus courants à effectuer... 3 1.3.1 Éliminations affectant les capitaux propres... 3 1.3.2 Éliminations affectant les capitaux propres et/ou le résultat... 4 1.3.3 Conclusion... 4 1.4 Textes législatifs relatifs à la consolidation... 4 2. Comptabilité créative... 4 2.1 Enjeux et risques de la créativité comptable... 4 2.2 Les deux types de créativité comptable... 5 2.2.1 Créativité comptable traditionnelle... 5 2.2.2 Créativité comptable dangereuse... 5 2.2.3 Conclusion... 6 Références bibliographiques... 6 L a comptabilité est un système d information. Comme tout système d information, il suppose, pour être efficace, que l on soit capable de le lire. Or, l information comptable délivrée par les entreprises peut présenter des formes légèrement différentes de celles que l on est, théoriquement, en droit d attendre. D une part, il y a les comptes consolidés qui répondent à des règles particulières, d autre part, on assiste depuis plusieurs années à ce qu on appelle le développement de la comptabilité créative. D une certaine manière, on peut dire que comptabilité créative et consolidation sont les conséquences directes de l évolution de l économie, dont elles illustrent aussi les contradictions. En effet, la présentation systématique des comptes consolidés dans les grandes sociétés ou dans des sociétés de taille moyenne découle de l application de textes légaux (loi de 1985 notamment), mais aussi d une évolution des marchés financiers. La désintermédiation, en particulier, a incité les entreprises à venir sur les marchés chercher directement les capitaux dont elles avaient besoin, en contrepartie, elles se devaient de donner une meilleure information ; la présentation des comptes consolidés est une des manières de mieux informer. À l inverse, on peut estimer que la créativité comptable doit essentiellement son développement à la multiplication des techniques d ingénierie financière. Or, ces techniques sont liées à l évolution des marchés financiers et, traduit sur un plan comptable, cela peut se solder, si l on n y prend garde, par une diminution de la qualité de l information. Nota : l information que l on est en droit d attendre est celle qui a été présentée en : [A 4 550] La comptabilité et ses mécanismes [A 4 551] La comptabilité et son analyse financière. Techniques de l Ingénieur, traité Génie industriel A 4 552-1

COMPTABILITÉ : MIEUX LIRE L INFORMATION FINANCIÈRE 1. Consolidation des comptes de groupe 1.1 Pourquoi consolider? Un groupe est un ensemble de plusieurs sociétés dans lequel une société dominante (la société mère) détient des pouvoirs de contrôle et de direction sur les autres sociétés appelées filiales ou participations. Comme le soulignaient les auteurs du projet de la 7 e Directive européenne relative aux comptes consolidés [1] : «Il est évident que, lorsqu une société est liée avec d autres sociétés dans un groupe, ses comptes annuels seuls ne sont pas suffisants pour refléter fidèlement la situation de cette société dont le sort est intimement lié à la situation du groupe en tant que tel.» En effet, les participations apparaissent dans le bilan de la société mère sous la rubrique titres de participation pour leur valeur d acquisition éventuellement dépréciée. Ce type d information est très insuffisant. Si l on obtient les bilans et comptes de résultat des différentes sociétés du groupe, on peut déjà se faire une meilleure idée de la situation financière du groupe. Mais on risque de porter un jugement erroné sur le groupe, l interdépendance économique et financière des sociétés du groupe se répercutant sur la physionomie des comptes. Pour analyser un groupe, il faut donc consolider les comptes pour «obtenir une image fidèle de la situation économique et financière du groupe». Nous allons voir successivement : selon quels critères consolider ; quelles méthodes de consolidation retenir ; quels sont les retraitements les plus courants à effectuer ; quels sont les textes de lois en matière de consolidation. 1.2 Selon quels critères consolider? Quelles méthodes de consolidation retenir? Une société est considérée comme une société multigroupe lorsqu il s agit d une société communautaire d intérêts dans laquelle le capital est réparti entre quelques groupes, et où l administration est collégiale. De plus, cette société doit avoir pour objet une exploitation en commun avec répartition des résultats au prorata de la participation de chacun. 1.2.2 Méthodes de consolidation Consolider des comptes consiste à remplacer la valeur comptable des titres de participation figurant dans les comptes de la société mère par les valeurs résultant des bilans retraités des sociétés consolidées. Il existe trois méthodes de consolidation : l intégration globale, l intégration proportionnelle, la mise en équivalence. Les exemples sont donnés non pas avec une unité monétaire, mais en valeur relative. 1.2.2.1 Intégration globale Pour les sociétés dépendantes du groupe, on a recours à l intégration globale qui consiste à cumuler les postes du bilan et du compte de résultat retraités. En reprenant l ensemble des bilans, on inclut la part des minoritaires (actionnaires ou associés extérieurs au groupe) dans le bilan consolidé ; on distingue cette part en créant une rubrique appelée part ou intérêts hors groupe. 1000 B : 120 Bilan A retraité propres : 300 Bilan B retraité propres : 220 280 500 500 1.2.1 Types de sociétés La méthode de consolidation retenue est fonction de la situation de chaque société du groupe vis-à-vis de la société mère. Une société peut être dépendante du groupe, associée au groupe, multigroupe. Une société est dépendante du groupe lorsqu elle est placée sous le contrôle durable de la société mère. Ce contrôle sera, dans les faits, représenté par : une majorité (plus de 50 %) du capital détenu par la société mère directement ou indirectement ; la majorité des droits de vote dans la société (qui se confond souvent, mais pas toujours, avec la majorité en capital) ; le pouvoir de désigner plus de la moitié des membres des organes d administration, de direction ou de surveillance. Une société est associée au groupe lorsque le groupe y exerce une influence notable, sans avoir le contrôle. Généralement, on parle de société associée lorsque la part de capital détenue par le groupe est comprise entre 20 et 50 %. 1 000 1 000 Bilan consolidé 300 980 Figure 1 Intégration globale : exemple 1 88 1 380 1 380 12 propres : 312 Intérêts minoritaires A 4 552-2 Techniques de l Ingénieur, traité Génie industriel

COMPTABILITÉ : MIEUX LIRE L INFORMATION FINANCIÈRE Exemple 1 : La société A détient 60 % du capital de la société B (prix d acquisition : 120). Explications des chiffres inscrits (figure 1) dans le bilan consolidé : on a supprimé, à l actif de A, les 120 de participation dans B ; d où un total de l actif égal à : 1 000 + 500 120 = 1 380 ; en contrepartie, la part de A dans les capitaux propres de B est de : 60 % 220 = 132 ; comme il y avait des titres B chez A pour une valeur de 120, on constate au passif un écart de consolidation de : 132 120 = 12 (ici un profit) ; les 88 représentent la part des minoritaires qui détiennent 40 % du capital de B (220 40 % = 88). 1.2.2.2 Intégration proportionnelle Pour les sociétés multigroupes, on a recours à l intégration proportionnelle. On cumule les postes du bilan et du compte de résultat, mais proportionnellement à la part détenue par la société mère. 1000 B : 50 Bilan A retraité propres : 300 1 000 1 000 Bilan consolidé 300 5 Bilan B retraité propres : 220 280 500 500 propres : 305 Exemple 2 : La société A détient 25 % du capital de B (prix d acquisition : 50). Explication des chiffres inscrits (figure 2) dans le bilan consolidé : total actif 1 075 = 1 000 actif A + 125 (un quart de l actif B) 50 titres B au passif : dettes 770 = dettes A + 70 (un quart des dettes B) capitaux propres : 5 : il s agit de l écart de consolidation égal à la 220 différence entre 25 % de la participation (soit --------- = 55 ) et le montant 4 inscrit à l actif au poste titres de participation (50). 1.2.2.3 Mise en équivalence Pour les sociétés associées au groupe, on a recours à la méthode de mise en équivalence (pour certains auteurs, il ne s agit pas réellement d une méthode de consolidation). On substitue la valeur réelle des titres à leur valeur comptable nette. Exemple 3 : La société A détient 40 % des titres B acquis pour 80. Les titres acquis 80 valent 88 (40 % de 220). La mise en équivalence des titres B chez A engendre la présentation du bilan consolidé indiquée figure 3. 770 1 075 1 075 Figure 2 Intégration proportionnelle : exemple 2 1000 B : 80 Bilan A propres : 300 1 000 1 000 Bilan B propres : 220 280 500 500 1.3 Retraitements les plus courants à effectuer Nous avons évoqué dans le paragraphe 1.2.2 la notion de retraitement des comptes ; nous allons mentionner les plus fréquents de ces retraitements qui s appliquent aux méthodes de consolidation par intégration. 1.3.1 Éliminations affectant les capitaux propres Mise en équivalence de B chez A 1008 B : 88 300 8 = différence de consolidation (88-80) propres : 308 1.3.1.1 Achats et ventes Si les sociétés consolidées effectuent entre elles des opérations d achats et de ventes de marchandises ou de prestations de service, il faut éliminer ces opérations. 1 008 1 008 Figure 3 Mise en équivalence : exemple 3 Techniques de l Ingénieur, traité Génie industriel A 4 552-3

COMPTABILITÉ : MIEUX LIRE L INFORMATION FINANCIÈRE La conséquence directe de ce retraitement est que, fréquemment, le chiffre d affaires consolidé d un groupe sera inférieur au chiffre d affaires de chacune des sociétés du groupe prise individuellement. 1.3.1.2 Créances et dettes Les sociétés consolidées peuvent avoir entre elles des opérations d achat ou de vente non soldées, d où apparition de comptes clients et fournisseurs. De même, elles peuvent se prêter de l argent entre elles (prêt chez l une, emprunt chez l autre). Ces opérations doivent également être éliminées. 1.3.2 Éliminations affectant les capitaux propres et/ou le résultat 1.3.2.1 Stocks Une société qui vend à une autre société du groupe ses produits le fait en prenant une marge bénéficiaire. Tant que les produits ne sont pas revendus à des tiers et sont en stock, on doit considérer qu au niveau du groupe il n y a jamais eu de vente, donc éliminer la marge bénéficiaire incluse dans le stock. Exemple : la société A détient 3 000 de stock venu de chez B, avec une marge de 10 %. Pour consolider, il faudra diminuer le stock de : 10 % 3 000 = 300 et diminuer d autant le résultat consolidé. 1.3.2.2 Cessions internes d immobilisations Lorsqu un bien immobilisé est cédé par une société du groupe à une autre société du groupe, la plus-value réalisée doit être éliminée du compte de résultat. On diminue à la fois le compte d immobilisation et, en contrepartie, le compte de résultat. Si la cession entraîne une moins-value, on ne fait pas de retraitement (principe de prudence). L élimination de la plus-value, donc la conservation de la valeur initiale du bien immobilisé, nécessite de recalculer des amortissements. 1.3.2.3 Dividendes distribués Lorsque, par exemple, une filiale verse des dividendes à la société mère, il faut éliminer ces dividendes du compte de résultat (ils sont inscrits en produits financiers) et les porter en réserves. En effet, le dividende distribué l année N + 1 provient du bénéfice de l année N qui avait déjà été constaté l année précédente. 1.3.3 Conclusion Nous n avons évoqué ici que les retraitements les plus courants. La liste n est pas exhaustive. De plus : il faut calculer l incidence des éliminations sur la charge d impôt ; il faut s assurer, préalablement à toute élimination, que les mêmes méthodes d évaluation sont appliquées dans l ensemble du groupe (notamment les cadences d amortissement, les règles de dépréciation des comptes d actif, etc.). 1.4 Textes législatifs relatifs à la consolidation Il y a encore peu d années, la consolidation des comptes n était réglementée par aucun texte et elle était facultative. Toutefois, depuis 1971, la Commission des Opérations de Bourse exigeait la présentation de comptes consolidés dans les notices d information soumises à son visa à l occasion d appels publics à l épargne. Actuellement, un certain nombre de textes sont venus former un corps de doctrine en matière de consolidation. Au niveau européen, il y a la publication de la 7 e Directive communautaire [1]. Au niveau national, la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales a été modifiée par la loi comptable du 30 avril 1983. Elle prévoit (article 228) : «Lorsqu une société annexe à ses comptes des comptes consolidés, les commissaires aux comptes certifient également que les comptes consolidés sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de l ensemble des entreprises comprises dans la consolidation.» Enfin, la loi du 3 janvier 1985 sur les comptes consolidés a précisé les modalités d établissement des comptes consolidés. À son sujet, il convient de faire les deux remarques suivantes. Normalement, les règles et méthodes comptables sont les mêmes que celles des comptes des sociétés prises individuellement. Toutefois, en matière de stocks, il sera possible d utiliser une méthode non admise par le Plan comptable général (méthode dite du dernier entré premier sorti). Les sociétés qui établissent des comptes consolidés pourront inscrire dans leurs comptes sociaux les titres des sociétés qu elles contrôlent pour une valeur égale à la quote-part des capitaux propres desdites sociétés que ces titres représentent (mise en équivalence). La contrepartie de cette «réévaluation» sera inscrite au passif dans les capitaux propres, mais ne constituera pas un élément de résultat (sauf si l écart est négatif). Cette possibilité remet en cause deux principes comptables fondamentaux, la prudence et le coût historique [A 4 550]. Elle est en contradiction avec le texte de loi sur les réévaluations du 30 avril 1983. Celui-ci précise que, pour les exercices ouverts à partir du 1 er janvier 1984, la réévaluation ne peut porter que sur l ensemble des immobilisations corporelles et financières. Les immobilisations incorporelles (par exemple, le fonds de commerce) et les stocks en sont exclus. Toutefois, dans l exposé des motifs, les auteurs du projet de loi sur la consolidation ont estimé que cette méthode était plus à même de donner une image fidèle. 2. Comptabilité créative Le développement de la comptabilité créative répond certainement à des enjeux économiques ; elle n est pas sans risques. Après avoir évoqué ces questions, nous donnerons quelques exemples de comptabilité créative. 2.1 Enjeux et risques de la créativité comptable Faire de la créativité comptable consiste, tout en respectant la légalité, à modifier la présentation des états financiers en vue de donner une image de l entreprise, sinon plus flatteuse, du moins A 4 552-4 Techniques de l Ingénieur, traité Génie industriel

COMPTABILITÉ : MIEUX LIRE L INFORMATION FINANCIÈRE plus conforme aux vœux des dirigeants. L existence de pratiques visant à améliorer les comptes n est pas nouvelle. De tout temps, les entreprises, pour des raisons fiscales ou économiques, ont cherché à «optimiser», à la hausse ou à la baisse, leurs résultats, et l on peut même estimer que le développement d une réglementation plus répressive a sans doute réduit la marge de manœuvre des entreprises. Le développement des techniques d ingénierie financière a, toutefois, offert de nouvelles possibilités aux entreprises ; situation qui fait d ailleurs dire aux comptables qu il serait judicieux de remplacer l expression «créativité comptable» par «créativité financière». La créativité comptable actuelle, encore appelée imagination comptable ou politique comptable, présente plus de risques aujourd hui que par le passé. En effet, naguère il s agissait de vieilles recettes connues de tout bon analyste financier et qui ne trompait donc personne, maintenant il s agit de techniques qui évoluent rapidement dans le temps et qui sont donc plus difficilement repérables. Sous l appellation «créativité comptable», on va donc trouver deux types d opérations : d une part des opérations facilement repérables, «transparentes» ; d autre part des opérations que leur caractère plus ou moins occulte rend dangereuses. 2.2 Les deux types de créativité comptable Nous allons successivement, à l aide d exemples (il s agira d une liste non exhaustive) montrer ce qu est la créativité comptable traditionnelle et ce qui la différencie de celle que l on peut qualifier de dangereuse. 2.2.1 Créativité comptable traditionnelle Cette créativité se caractérise par le fait qu elle modifie la physionomie des états financiers mais que ces modifications sont faites ouvertement. Il s agit moins de tromper le lecteur que d émettre un signal à son intention, voire, encore plus prosaïquement, d optimiser un résultat fiscal. Amortissements Les entreprises ont, fiscalement, la possibilité, sous certaines conditions, d amortir plus ou moins rapidement leurs immobilisations. Ce choix aura bien sûr une incidence sur le résultat (plus on amortit, plus on réduit le bénéfice). Dans l annexe [A 4 550], on devra normalement retrouver des informations sur la politique d amortissement pratiquée et donc voir s il y a eu des changements de méthode. On notera que, en matière de comptes consolidés, la durée d amortissement du premier écart d acquisition (ou goodwill) peut varier considérablement d une entreprise à une autre, mais là encore l information est donnée en annexe. Stocks Leur évaluation peut être modifiée par un changement de méthode ; l information se trouve alors dans l annexe. Mais il y a toujours une marge d appréciation qui peut conduire à une évaluation minimaliste ou maximaliste, et aucune information ne permet de savoir si l entreprise a été optimiste ou pessimiste. Toutefois, la marge de manœuvre reste limitée et l effet ne joue que pour une année et ne peut pas se répéter indéfiniment. Si, par le biais d une évaluation optimiste des stocks, on a amélioré un résultat, cela jouera en sens contraire au cours de l année suivante. Provisions Pour certaines provisions, la marge d incertitude qui permet de modifier substantiellement le résultat final est encore plus grande qu en matière d évaluation des stocks. Il est généralement difficile de différencier ce qui correspond à la réalité de ce qui ne répond qu à un souci d optimisation du résultat. On constate régulièrement que, quand une entreprise a des difficultés et change de dirigeants, les résultats chutent énormément. Cette chute est souvent due à la politique de provisionnement. L ancienne direction aura eu tendance à minorer le montant des provisions à constituer, la nouvelle direction a, au contraire, tout intérêt à les augmenter. D une part, cela peut constituer, dans certains cas, une opération vérité : en diminuant les résultats, on met en évidence la situation difficile de l entreprise ; d autre part, cela permet, à la nouvelle direction, d indiquer que ces charges supplémentaires proviennent de la mauvaise gestion de la direction précédente. Changement de date de clôture des exercices Lorsqu une entreprise a une activité cyclique, cela lui permet d améliorer ses ratios d endettement. Cession-bail (ou lease back) Il s agit, pour l entreprise, de vendre à une société de crédit-bail un bien immobilier qui lui appartient (par exemple les locaux de son siège social), puis de passer ensuite avec cette société un contrat de crédit-bail. Au passage l entreprise réalise une plus-value importante qui améliore son résultat. Bien entendu, au cours des années suivantes, cette plus-value sera «mangée» par les charges supplémentaires que représentent les redevances. 2.2.2 Créativité comptable dangereuse La comptabilité, en appliquant certains principes, donne une information différente de celle que retient, par exemple, un investisseur à la bourse car la notion de temps comptable est différente de la notion de temps boursier. Ainsi, si une entreprise obtient un contrat fabuleux, son cours boursier va augmenter rapidement, car la bourse va prendre en compte les flux futurs générés par ce contrat ; au contraire, comptablement ce contrat aura peu ou pas d incidence à court terme sur le résultat. La comptabilité n en continue pas moins de constituer un indicateur pour l investisseur boursier, car elle sert, en quelque sorte, de contrepoids en refroidissant les ardeurs excessives du marché. La comptabilité créative va donc devenir dangereuse quand elle va, non ouvertement, prendre en compte les flux futurs comme le ferait un investisseur en bourse. Un bon exemple est constitué par l assurance des créances douteuses. Exemple : assurance des créances douteuses Si l actif d un bilan de l année 0 comporte une créance douteuse pour un montant de 100 (hors TVA), l opération normale de constitution d une provision de 100 va être remplacée par un système d assurance. Moyennant le versement d une prime unique à coupon zéro d un montant de 40, une compagnie d assurance s engagera à rembourser au bout d un certain nombre d années un montant égal au nominal de la créance, soit 100. Dans les comptes de l entreprise de l année 0, il n y aura pas une provision de 100 mais une charge d assurance de 40 ; le résultat avant impôts sera donc amélioré de 60. Par contre, au cours des exercices suivants, les 40 versés à l assureur ne pourront plus être placés par l entreprise, il y aura donc baisse des résultats financiers. Les 60 de mieux de l année 0 correspondent à 60 de produits financiers qui n apparaîtront pas au cours des années suivantes. De telles pratiques créent la confusion, car rien ne permet a priori de les déceler ; elles mélangent optique comptable et optique boursière et elles violent certains principes comme celui de la séparation des exercices (cf. article [A 4 550]). Nota : Coupon zéro : les intérêts ne sont pas versés annuellement mais capitalisés et reversés en fin de contrat au moment du remboursement du capital initialement versé. Techniques de l Ingénieur, traité Génie industriel A 4 552-5

COMPTABILITÉ : MIEUX LIRE L INFORMATION FINANCIÈRE Les organismes de normalisation comptable se sont émus du développement de la créativité comptable. Des commissions de réflexion ont été mises en place, mais il ne saurait être question de voir cette créativité comptable disparaître dans la mesure où l ingénierie financière, qui est à la base de son développement, ne saurait disparaître. 2.2.3 Conclusion Il faut remarquer qu en matière de pratiques comptables, on observe des tendances lourdes sur le plan international. Ces tendances sont les suivantes. Abandon progressif de la notion de coût historique. La plupart des actifs (hors immobilisations corporelles, incorporelles et stocks) sont maintenant évalués à leur prix de marché. Évolution de la notion de temps comptable. Chacun, au minimum, convient que les sommes à recevoir ou à payer à terme devraient être actualisées. Un exemple permet de voir les enjeux en matière d information. Avoir au bilan une créance inscrite pour un million de francs est une information utile pour l analyse financière ; savoir en outre que cette créance, remboursable dans cinq ans rapporte annuellement 5 % ou 10 % d intérêts est une information tout aussi (sinon plus) importante ; on rejoint là les problèmes de temps évoqués dans le cadre de l assurance des créances douteuses. Références bibliographiques [1] 7 e Directive européenne comptable relative aux comptes consolidés. 13 juin 1983. [2] RAFFEGEAU (J.), DUFILS (P.) et CORRE (J.). Les comptes consolidés. Éditions Francis Lefebvre. [3] DEPALLENS (G.) et JOBARD (J.P.). Gestion financière de l entreprise. Éd SIREY. [4] VERNIMMEN (P.). Finance d entreprise. Éd. Dalloz. [5] GRIFFITHS (S.) et DEGOS (J.G.). Gestion financière (de l analyse à la stratégie). Éd. d Organisation, 1997. A 4 552-6 Techniques de l Ingénieur, traité Génie industriel