Etude longitudinale des effets de l usage de cannabis sur la santé physique et mentale (ELECAN) SYNTHESE



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Transcription:

Etude longitudinale des effets de l usage de cannabis sur la santé physique et mentale (ELECAN) SYNTHESE Promoteur : Emmanuel STREEL Chercheurs : Mélanie ANSSEAU, Tanja DE MEUE Université Libre de Bruxelles Institut de Psychiatrie du CHU Brugmann

INTRODUCTION ET CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES L objectif principal de cette recherche était d évaluer de manière longitudinale les effets d une consommation régulière de cannabis sur divers paramètres reflétant des aspects de la santé physique et mentale. Au cours de ces dernières années, la prévalence de l usage de cannabis a atteint des niveaux très élevés à l échelle mondiale et européenne. Selon le rapport de 2006 de l Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies sur l état du phénomène de la drogue en Europe (OEDT, 2006), le cannabis demeure à l heure actuelle la substance illégale la plus produite et la plus fréquemment consommée à travers le monde. Par ailleurs, au niveau européen, on observe une augmentation de la prévalence de l usage de cannabis dans la majorité des pays de l Union Européenne depuis les années 90. En effet, presque un européen sur cinq âgé de 15 à 64 ans a déjà consommé du cannabis au moins une fois dans sa vie. En outre, il semble que le nombre de personnes en demande de traitement pour leur consommation de cannabis a augmenté dans la majorité des pays. Dans ce contexte, le cannabis est actuellement un problème de santé publique. Il apparaît dès lors essentiel de disposer d informations spécifiques afin de réagir efficacement à ce phénomène. Bien que le cannabis soit la drogue illicite la plus consommée en Europe, les prévalences de consommation au niveau national varient fortement entre les différents pays (OEDT, 2006). Ces chiffres varient de 2 à 31% selon les pays. Il semble dès lors exister des spécificités à chaque pays et c est dans ce contexte que cette recherche s inscrit. En effet, il apparaît nécessaire de clarifier ces spécificités nationales. Il semble indispensable d apporter un éclaircissement sur le «phénomène cannabis» tel qu observé en Belgique. La présente recherche a en effet tenté de spécifier les effets d un usage régulier de cannabis sur la santé des consommateurs belges. La clarification de ces effets du cannabis semble en outre être une condition préalable essentielle au développement de stratégies efficaces non seulement sur le plan politique mais également clinique. En effet, il est important pour les décideurs politiques d adopter certaines positions législatives et de pouvoir organiser en parallèle des stratégies afin de pouvoir contrôler de manière efficace le «phénomène cannabis» en Belgique. En outre, dans la pratique clinique, on observe que très souvent les consommateurs ainsi que leur entourage ne disposent que d informations partielles voire inexactes concernant les effets d un usage régulier de cannabis. Il est donc non seulement essentiel de pouvoir disposer d informations, mais celles-ci doivent également s avérer utiles et correspondre à la réalité du consommateur belge. Cette recherche postule deux hypothèses principales concernant les effets d un usage régulier de cannabis sur la santé physique et mentale. Une première hypothèse considère qu il serait possible d identifier, sur certains aspects de santé mentale et physique, des différences entre des consommateurs réguliers de cannabis et des sujets contrôles consommant soit de l alcool soit une combinaison d alcool et de tabac. Une seconde hypothèse considère qu il serait possible d observer, étant donné le suivi longitudinal des consommateurs de cannabis, des modifications de certaines variables reflétant le maintien, l augmentation ou la diminution de l usage de cannabis. Dans le but d étudier les effets de l usage de cannabis sur la santé physique et mentale, cette recherche a eu recours à une méthodologie spécifique. La présente recherche a évalué la santé physique et mentale de trois échantillons distincts de sujets. Un premier échantillon se 2

compose de 59 consommateurs réguliers de cannabis (consommation d au moins deux fois par semaine), ne présentant pas d autres diagnostics de dépendance ou d abus selon le DSM- IV (American Psychiatric Association, 1994). Un second échantillon comprend 15 sujets consommateurs réguliers d alcool, sans diagnostics de dépendance ou d abus de toxique selon le DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994). Un troisième échantillon intègre 15 sujets consommateurs réguliers de tabac et d alcool, ne présentant pas, outre le tabagisme, de diagnostic de dépendance ou d abus à d autres toxiques selon le DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994). Le recrutement des sujets s est réalisé via des annonces rédigées en néerlandais et en français. Ces annonces ont été placées dans divers lieux de Bruxelles et du Brabant Wallon, dont notamment des universités, hautes écoles et complexes sportifs. Pour pouvoir être inclus dans l étude, les sujets consommateurs de cannabis devaient présenter un usage régulier de cannabis d au moins deux fois par semaine. Les sujets présentant un usage d autres drogues (amphétamines, méthadone, cocaïne, opiacés) et ceux présentant un diagnostic d abus ou de dépendance à l alcool selon le DSM-IV étaient exclus. L évaluation de l ensemble des sujets a pris la forme d un bilan de santé, réalisé en une aprèsmidi au sein du service de psychiatrie et de psychologie médicale de l hôpital Brugmann à Bruxelles. Les sujets usagers de cannabis étaient évalués à deux reprises, à quatre mois d intervalle. Les sujets contrôles étaient évalués à une seule reprise. Trois secteurs étaient évalués lors du bilan de santé : un secteur physique, un secteur psychosocial et addictions ainsi que d un secteur cognitif. L évaluation du secteur physique était basée sur une toxicologie urinaire permettant d identifier la présence ainsi que la concentration urinaire d amphétamines, de méthadone, de cocaïne, d opiacés et de cannabinoides. Une biologie sanguine était également réalisée afin d évaluer les paramètres hématologiques, biochimiques et endocriniens. L évaluation cognitive se composait de trois types de potentiels évoqués cognitifs permettant de détecter d éventuelles anomalies dans les processus attentionnels (P300), décisionnels (Variation Contingente Négative) et de traitement de l information (Potentiels Evoqués Somesthésiques). Une adaptation du test d attention phasique issu d une batterie de tests d évaluation de l attention (Zimmermann et Fimm, 2002) était également incluse. L évaluation du secteur psychosocial et des addictions était composée d un ensemble de questionnaires. L Addiction Severity Index (McLellan et coll., 1980), l Adolescent Drug Abuse Diagnosis (Friedman et Utada, 1989) et une adaptation du Marijuana Screening Inventory (Alexander et Leung, 2004) ont permis d analyser la consommation de drogues ainsi que ses répercussions. Le Temperament and Character Inventory (Cloninger et coll., 1991) a permis d évaluer sept dimensions de la personnalité : la recherche de nouveauté, l évitement du danger, la dépendance à la récompense, la persistance, la détermination, la coopération et la transcendance. La State-Trait Anxiety Inventory (Spielberger, 1983) a permis d estimer l anxiété-état (STAI-A) et l anxiété-trait (STAI-B). Le Pittsburgh Sleep Quality Index (Buysse et coll., 1989) était destiné à mesurer la qualité du sommeil. Le questionnaire d évènements d Amiel-Lebigre (1984) a permis de déterminer les évènements de vie. L intensité des symptômes dépressifs a été mesurée au moyen de l Inventaire Abrégé de Dépression de Beck (1974). Le Fagerström Test of Nicotine Dependence (Heatherton et coll., 1991) a aide à mesurer la dépendance tabagique. La Symptom Check-List (Derogatis, 1977) a permis d obtenir un score de gravité globale de psychopathologie ainsi que les scores de sept facteurs : la somatisation, les symptômes obsessionnels, la sensitivité interpersonnelle, 3

la dépression, l anxiété, l hostilité, les phobies, les traits paranoïaques, les traits psychotiques et les symptômes divers. La Ways of Coping Check-List (Lazarus et Folkman, 1984) a permis d évaluer deux types de stratégies de coping : le coping centré sur le problème et le coping centré sur l émotion. RESULTATS 1. Description de la population Le groupe de sujets consommateurs de cannabis se compose de 40 hommes dont l âge moyen est de 24 ans et de 19 femmes dont l âge moyen est de 22 ans. Dans cet échantillon, 16 sujets sont néerlandophones et 43 sujets sont francophones. Parmi ces sujets, 53 sont célibataires et 13 déclarent vivre seuls. Quarante et un sujets sont étudiants, 15 ont un emploi et 3 sujets sont sans emploi. En ce qui concerne la consommation d alcool, les sujets ont bu de l alcool en moyenne 6 jours sur les 30 jours précédant l évaluation et ont ressenti les effets de l ivresse alcoolique en moyenne 4 jours sur les 30 derniers jours. En ce qui concerne la consommation de cigarettes, 31 sujets sur les 59 de l échantillon consomment du tabac seul et présentent une dépendance faible à très faible à la nicotine selon le Fagerström Test of Nicotine Dependence. En ce qui concerne le profil de consommation des usagers de cannabis, 58 sujets consomment le cannabis sous forme d herbe et ceci dans des joints. Sur les 59 sujets de l échantillon, 37 font usage du cannabis lorsqu ils sont en groupe plutôt que seuls. Leur première consommation de cannabis s est faite en moyenne à l âge de 16 ans et leur consommation est devenue régulière à 18 ans. Les sujets usagers de cannabis consomment en moyenne 3 joints par jour et dépensent 100 euros par mois pour leur consommation. La concentration moyenne de cannabinoïdes présents dans les urines est de 1156 ng/ml. Le groupe contrôle de sujets consommateurs d alcool se compose de 7 hommes dont l âge moyen est de 26 ans et de 8 femmes dont l âge moyen est de 31 ans. Dans cet échantillon, 3 sujets sont néerlandophones et 12 sujets sont francophones. Parmi ces sujets, 12 sont célibataires et 3 déclarent vivre seuls. Dix sujets ont un emploi, 4 sont étudiants et 1 sujet est sans emploi. En ce qui concerne la consommation d alcool, les sujets ont bu de l alcool en moyenne 7 jours sur les 30 jours précédant l évaluation et ont ressenti les effets de l ivresse alcoolique en moyenne 1 jour sur les 30 derniers jours. Le groupe contrôle de sujets consommateurs d alcool et tabac se compose de 6 hommes dont l âge moyen est de 32 ans et de 9 femmes dont l âge moyen est de 27 ans. Dans cet échantillon, 2 sujets sont néerlandophones et 13 sujets sont francophones. Parmi ces sujets, 13 sont célibataires et 3 déclarent vivre seuls. Cinq sujets sont étudiants, 8 ont un emploi et 2 sujets sont sans emploi. En ce qui concerne la consommation d alcool, les sujets ont bu de l alcool en moyenne 7 jours sur les 30 jours précédant l évaluation et ont ressenti les effets de l ivresse alcoolique en moyenne 2 jours sur les 30 derniers jours. En ce qui concerne la 4

consommation de cigarettes, les sujets présentent une dépendance faible à très faible à la nicotine selon le Fagerström Test of Nicotine Dependence 2. Comparaisons inter-groupes En ce qui concerne les comparaisons entre le groupe de consommateurs de cannabis et les deux groupes de sujets contrôles (groupe alcool et groupe alcool-tabac), les analyses statistiques ont mis en évidence des différences significatives pour diverses variables. Une différence significative entre les trois groupes a été mise en évidence pour le mode de coping centré sur le problème (p = 0.040). Les analyses ont également révélé une différence significative entre les trois groupes de sujets pour la dimension transcendance, à savoir la maturité spirituelle (p = 0.010) du Temperament and Character Inventory. En effet, le groupe de sujets consommateurs de cannabis présentent un score de transcendance significativement plus élevé que le groupe contrôle de consommateurs d alcool et tabac (p = 0.047). Concernant la biologie sanguine, les analyses ont mis en évidence des différences significatives entre les trois groupes pour le nombre d anomalies à la vitesse de sédimentation (p = 0.010) et la fonction rénale (p = 0.007). En effet, le groupe contrôle de consommateurs d alcool présente un nombre d anomalies significativement plus élevé que les deux autres groupes à la vitesse de sédimentation et la fonction rénale. 3. Comparaisons intra-groupe cannabis En ce qui concerne les comparaisons entre les deux bilans du groupe de consommateurs de cannabis, 43 sujets sur les 59 de l échantillon de départ ont été testés pour le deuxième bilan, étant donné la mortalité expérimentale. Parmi ces 43 sujets re-testés lors du second bilan, 5 sujets ont arrêté leur consommation de cannabis. Par ailleurs, on observe une diminution de la concentration de cannabinoïdes urinaires entre le premier bilan (1155 ng/ml) et le second bilan (779 ng/ml). Les analyses ont révélé une amélioration significative des scores à la dimension somatisation (p = 0.008), symptômes obsessionnels (p = 0.001) et anxiété (p = 0.006) de la Symptom Check-List lors du second bilan du groupe de consommateurs de cannabis. Les analyses ont également montré une diminution significative du score à l anxiété-trait (p = 0.005) de la State-Trait Anxiety Inventory. Lors du deuxième bilan du groupe de consommateurs de cannabis, on observe par ailleurs une amélioration significative des temps de réaction auditifs avec la main dominante (p = 0.004) et non dominante (p = 0.001). Les analyses de la biologie sanguine mettent en évidence une diminution significative du nombre d anomalies pour les protéines (p = 0.001) lors du deuxième bilan. 5

4. Analyses supplémentaires Une série d analyses statistiques supplémentaires a été réalisée dans le but d évaluer l influence relative de diverses variables : l âge des sujets, le genre, la durée de consommation de cannabis et la quantité de consommation de cannabis. Pour ce faire, nous avons distingué des catégories de sujets au sein de ces variables. Pour la variable âge, trois groupes de sujets ont été créés : moins de 20 ans, entre 20 et 30 ans et plus de 30 ans. Pour la variable genre, les sujets ont été distingués en deux groupes : masculin et féminin. Pour la durée de consommation du cannabis, trois groupes de sujets ont été créés : consommation de moins de 5 ans, consommation entre 5 et 10 ans et consommation de plus de 10 ans. Enfin, pour la variable quantité de consommation, nous nous sommes basés sur la quantité de cannabinoïdes observés lors du premier test urinaire et avons dès lors distingué trois groupes de sujets: moins de 900 ng/ml, entre 900 et 1500 ng/ml et plus de 1500 ng/ml. 4.1. Comparaisons inter-groupes Les analyses statistiques ont mis en évidence un effet de l âge pour le mode de coping centré sur l émotion (p = 0.032), la dimension détermination (p = 0.020) du Temperament and Character Inventory. Par ailleurs, les analyses ont révélé une interaction entre le groupe et l âge pour la qualité du sommeil (p = 0.050) du Pittsburgh Sleep Quality Index, pour la dimension symptômes divers (p = 0.031) de la Symptom Check-List ainsi que pour les temps de réaction visuels avec la main non dominante (p = 0.032). Les analyses ont montré un effet du genre pour la dimension traits psychotiques (p = 0.048) de la Symptom Check-List. Par ailleurs, les analyses ont mis en évidence une interaction entre le groupe et le genre pour le mode de coping centré sur le problème (p = 0.027). Un effet de la durée de consommation de cannabis a été mis en évidence pour la dimension transcendance (p = 0.049) du Temperament and Character Inventory ainsi que pour les évènements de vie (p = 0.049). Un effet de la quantité de consommation de cannabis a été trouvé pour les évènements de vie (p = 0.005). 4.2. Comparaisons intra-groupe cannabis Les analyses statistiques n ont pas mis en évidence d effet de l âge pour aucune des variables lors des comparaisons entre le premier et le deuxième bilan du groupe de consommateurs de cannabis. En ce qui concerne l effet du genre, les analyses ont montré une interaction entre le moment du bilan (bilan 1 versus bilan 2) et le genre (féminin versus masculin) pour le temps de réaction avec la main non dominante (p = 0.029). En ce qui concerne l effet de la durée de consommation de cannabis, les analyses ont révélé l existence d une interaction entre le moment du bilan (bilan 1 versus bilan 2) et la durée de consommation de cannabis pour la dimension symptômes divers de la Symptom Check-List (p = 0.049). En ce qui concerne l effet de la quantité de consommation de cannabis les analyses ont montré une interaction entre le moment du bilan (bilan 1 versus bilan 2) et la 6

quantité de consommation de cannabis pour les dimensions somatisation (p = 0.009) et sensitivité interpersonnelle (p = 0.029) de la Symptom Check-List. CONCLUSIONS Les sujets du groupe cannabis présentent un rapport consommation/intoxication d'alcool supérieur aux deux groupes contrôles. Ce rapport plus élevé indique la tendance des consommateurs de cannabis à présenter une fréquence plus importante d épisodes d'intoxication alcoolique. Ce phénomène serait susceptible d'avoir des conséquences ultérieures en terme de consommation abusive/dépendance à l'alcool. Il serait dès lors pertinent d'étudier ce phénomène de manière systématique afin de déterminer l'impact global (social, économique et médical) de ce phénomène au niveau national. A ce titre, l'utilisation d'une méthode qui intègre une dimension qualitative à l'espérance de vie serait à préconiser. Les DALY (Disability adjusted life Years) mesurent la charge globale d'une maladie en rapprochant, d'une part, les années de vie potentielle perdues par suite d'un décès prématuré dû à la maladie et, d'autre part, les années de vie productive perdues du fait de l'incapacité résultant de la maladie (Organisation Mondiale de la Santé, 1999). Ce type d'approche serait à préconiser afin d'évaluer l'impact réel de la consommation de cannabis (accidents de la route, taux de suicide, incapacité de travail,...). Dans le domaine de la santé mentale, les DALY ont permis notamment de démontrer que les troubles psychiatriques et neurologiques figuraient parmi les problèmes les plus importants ajoutant à la charge mondiale de morbidité (Organisation Mondiale de la Santé, 1999). Il serait donc judicieux de considérer le poids réel du cannabis et ses conséquences directes et indirectes sur la charge nationale de morbidité. Cette approche permettrait par ailleurs de considérer le nombre d'années d'incapacités évitées par la mise en place de stratégies efficaces de prises en charge. Certaines valeurs permettent de différencier les consommateurs réguliers de cannabis des autres sujets de l'étude. On retrouve à ce niveau la dimension transcendance du Temperament and Character Inventory. La littérature indique que cette variable est un indicateur de la gravité ultérieure de la consommation. Cet effet pourrait ne pas être limité à la consommation de cannabis et dès lors indiquer que les sujets consommateurs de cannabis sont à risque de développer des complications liées aux autres drogues. Cet effet viendrait donc confirmer les risques à moyen et long terme associés à la consommation régulière de cannabis. L'utilisation de cette variable dans le cadre d'évaluation des consommateurs de cannabis pourrait donner des indications pertinentes quant au risque relatif de présenter une évolution morbide. Le simple bilan réalisé chez les sujets consommateurs régulier de cannabis pourrait avoir entraîné un effet sur leur consommation moyenne. En effet, alors que certains ont abandonné leur consommation depuis le premier bilan, le reste de l'échantillon évalué lors du second bilan présente une diminution importante de la moyenne de consommation. Ce résultat indiquerait qu'une action isolée (telle qu'un bilan de santé) non orientée vers un but thérapeutique (e.g. arrêt de consommation) serait susceptible d'entraîner une prise de 7

conscience qui se manifeste par une diminution voire un arrêt de la consommation. Cet effet d'un acte isolé, par ailleurs bien décrit dans la littérature, devrait être considéré de manière systématique dans le cadre des mises au point chez les consommateurs de cannabis. Il faudrait cependant étudier la combinaison entre ces actes isolés non thérapeutique et le suivi vers l'accès à des programmes thérapeutiques spécialisés. La diminution de la consommation observée lors du second bilan chez les consommateurs de cannabis se reflète via diverses variables (somatisation, symptômes obsessionnels, anxiété ). Il serait donc possible d'obtenir de manière très rapide une amélioration de la santé en général chez les consommateurs de cannabis. Ce dernier élément indiquerait la possibilité de limiter et contrôler rapidement les éventuelles conséquences associées par la consommation de cannabis et d'éviter que cette consommation entraîne un poids trop lourd au niveau de la santé publique. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Alexander, D., Leung, P. (2004). The Marijuana Screening Inventory (MSI-X): reliability, factor structure, and scoring criteria with a clinical sample. Am. J. Drug Alcohol Abuse, 30, 321-351. American Psychiatric Association (1994). DSM-IV, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fourth Edition. Washington DC: APA Press. Amiel-Lebigre, F., Pelc, I., Lagorce, A. (1984). Evènements existentiels et dépression. Une étude comparative de plusieurs types de déprimés. Ann. Med. Psychol., 142, 937-958. Beck, A.T., Beamesderfer, A. (1974). Assessment of Depression: The Depression Inventory. In: P. Pichot, Eds. Psychological Measurements in Psychopharmacology. Paris: Karger & Basel. Buysse, D.J., Reynolds, C.F., Monk, T.H., Berman, S.R., Kupfer, D.J. (1989). The Pittsburgh Sleep Quality Index: A new instrument for psychiatric practice and research. Psychiatry Res., 28, 193-213. Cloninger, C.R., Przybeck, T.R., Svrakic, D.M. (1991). The tridimensional personality questionnaire US normative data. Psychol. Rep., 69, 1047-1057. Derogatis, L.R. (1977). SCL-90-R (revised). Version Manual I. Clinical Psychometrics Research Unit. John Hopkins University School Of Medicine. Friedman, A.S., Utada, A. (1989). A method for diagnosing and planning the treatment of adolescent drug abusers (The Adolescent Drug Abuse Diagnosis Instrument). J. Drug Education, 19, 285-312. 8

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