Le conflit syrien pour les "nuls" Démocrates Franco-Syriens, juin 2015



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Transcription:

Le conflit syrien pour les "nuls" Démocrates Franco-Syriens, juin 2015 droits réservés La Syrie? C est compliqué.que de fois n a-t-on pas entendu cette phrase? A partir de cette réflexion et de quelques autres souvent entendues, le collectif Démocrates Franco- Syriens a tenté d élaborer des réponses afin de rendre plus lisible un conflit que 4 années de guerre ont rendu très complexe à saisir. En tant que démocrates, notre positionnement est celui de la défense des droits démocratiques de la population syrienne. Cela ne nous empêche pas de tenter une approche la plus objective possible et de nous attaquer aux clichés de quelque bord qu ils soient. Nous ne sommes certes pas irréprochables mais notre démarche s est voulue honnête et sans concession. Nous avons publié ce texte sur le site de l'association Souria Houria. Nous nous efforcerons de l'actualiser quand cela sera nécessaire; Introduction : «La Syrie c est compliqué!» Rappel : Comment tout a commencé? Comment en est-on arrivé là? Sur le terrain : Qui se bat contre qui? Qui contrôle quoi? Sur l échiquier : Le régime de Bachar El-Assad? L opposition syrienne? Daech/ Etat islamique? A l extérieur : Qui soutient qui? La population : Comment vivent les Syriens? L avenir : Quelles issues possibles?

Introduction : «La Syrie c est compliqué!» A force d entendre cette réflexion, nous avons eu l idée de ce travail d explication. Face à l actualité d un conflit qui ne cesse de s étendre et de s aggraver depuis plus de quatre ans, il est tout à fait compréhensible de se trouver désorienté. L évolution et les rebondissements de cette crise aux dimensions multiples ajoutés à l escalade de la violence et des horreurs sont décourageants en effet. «Renoncer à comprendre» Comme on l entend aussi de plus en plus souvent est un choix respectable pour qui n a aucun lien ou intérêt pour le pays ou la région. Mais est-ce encore possible dès lors que les débordements de la crise syrienne sont maintenant ressentis partout, notamment en France? Les flots de réfugiés vers l Europe ou les réfugiés dans les flots en Méditerranée, les menaces terroristes et le phénomène jihadiste touchent directement nos sociétés. Prendre un moment pour apprendre, est l option que nous vous proposons ici. En reprenant les questions qui sont fréquemment posées (FAQ) sur les causes, la nature, les acteurs, les enjeux et les issues possibles, nous tentons d apporter des réponses, aussi simples que possible. Nous avons regroupé ces questions par thème pour faciliter le récit des événements et les éclairer. Rappeler, expliquer et décrypter les événements, les faits, les dimensions et les enjeux de ce qui se déroule depuis quatre ans sur et autour du territoire syrien est le sens de notre démarche. Cela en nous appuyant sur des dates, des chiffres et des informations vérifiées et recoupées auprès des sources les plus crédibles. Qui sommes- nous? Des journalistes et des universitaires Syriens, Français ou francosyriens qui suivent au quotidien depuis plus de quatre ans, et souvent plus longtemps, les événements en Syrie et dans la région. Sans prétendre à la neutralité, mais tout en privilégiant une approche objective des réalités, nous assumons avec lucidité notre soutien à la démocratie pour les Syriens.

Rappel : Comment tout a commencé? Comment en est- on arrivé là? La Syrie avant 2011 Le pays compte 23 millions d habitants et une superficie de 185 000 km2. Il a été établi dans ses frontières actuelles après la première guerre mondiale, suite au dépeçage de l Empire ottoman par les Français et les Britanniques, en vertu des accords Sykes-Picot (1916). Sous mandat français jusqu en 1946, la Syrie indépendante a connu de courts épisodes démocratiques et des coups d Etats militaires dont celui du parti Baath en 1963 qui a établi le régime d aujourd hui. En 1970, Hafez El-Assad, père de Bachar, s empare du pouvoir par un putsch et établit une dictature sécuritaire verrouillée. A sa mort en 2000, son fils lui succède, rappelant le modèle de la Corée du Nord. Après une courte période de libéralisation, surtout économique, Bachar rétablit un système autoritaire autour d un clan familial et militaire, affairiste et corrompu. Comment tout a commencé? Comment en est- on arrivé là? Comme pour les autres révolutions du «printemps arabe» au début de l année 2011, la contagion contestataire a atteint la Syrie en mars après la Tunisie, l Egypte, la Libye, le Bahrein et le Yémen. Les Syriens s étaient enthousiasmés pour le renversement des dictatures de Ben Ali puis de Moubarak. Comme les autres peuples arabes, ils ont voulu manifester leur aspiration au changement, pour réclamer «liberté, justice et dignité», selon les premiers mots d ordre de la révolution syrienne. Pourquoi les Syriens sont- ils descendus dans la rue? Les Syriens avaient des raisons légitimes de se révolter contre un système de gouvernement tyrannique et corrompu qui s imposait à eux depuis plus de 40 ans. Il arrive un moment où l exaspération populaire dépasse la peur. En 2011, cette exaspération était à son comble. L embellie économique tant vantée par le pouvoir - et largement exagérée dans les chiffres - n a profité qu à une bourgeoisie des villes proche du régime. Son train de vie était scandaleusement affiché. La corruption était généralisée. Une grande partie des Syriens souffraient. La libéralisation des années 80 s est traduite par un désengagement de l Etat sans pour autant favoriser l activité économique privée et donc l emploi. Résultat: une augmentation des chômeurs et laissés pour compte. Jusque dans les campagnes, touchées de plus par diverses sécheresses. Beaucoup de jeunes dont un nombre important de diplômés ne se voyaient aucun avenir. A cela s ajoutait un maillage sécuritaire étouffant qui privait la population de droits et empêchait toute initiative. Les conditions étaient réunies pour une explosion sociale. Il fallait une étincelle. Qu est- ce qui a mis le feu aux poudres? En mars 2011, de jeunes collégiens, des adolescents dont l âge est celui de la transgression, écrivent par jeu sur les murs de Deraa dans le sud du pays le slogan scandé dans toutes les rues arabes : «Le peuple veut la chute du régime». Ils sont arrêtés par les services de sécurité et torturés. A la suite de cet acte barbare, les manifestations vont s étendre dans tout le pays. Des centaines de milliers de manifestants pacifiques réclament la démocratie et la fin de la corruption. Les forces du régime répondent systématiquement en tirant sur la foule, faisant des morts et des blessés. Dans le même temps, des centaines de jeunes activistes et autres civils sont mis en prison. La répression chaque jour plus féroce, provoque de nouvelles protestations. Le cycle manifestation/répression se poursuit pendant des mois. A la fin de l année 2011 l ONU dénombre déjà 5000 morts.

Les contestataires ont pris les armes. N était- ce pas une folie? La «militarisation» de la révolution est un tournant très controversé, y compris parmi les opposants syriens. Elle commence simplement par les soldats qui refusent de tirer sur leurs concitoyens. Certains sont exécutés par leurs supérieurs tandis que les autres n ont d autre choix que de déserter. Le 31 juillet 2011, un communiqué d officiers déserteurs, réfugiés en Turquie, annonce la création de l Armée Syrienne Libre et appelle d autres militaires à la rejoindre. Elle dispose d armes légères que les soldats ont emportées avec eux et n a pour but que de défendre les manifestants. Dans le même temps, des civils prennent les armes pour protéger leurs quartiers et villages contre les exactions de l armée et des forces de sécurité. La répression de l armée syrienne passe alors du fusil au canon. N est- ce pas plutôt parce qu ils ont été manipulés? C est la thèse du régime qui dès les premiers jours de la révolte crie au complot en accusant des «extrémistes terroristes à la solde de l étranger» de provoquer les troubles. Le gouvernement a beau dire que les pays du Golfe ou occidentaux étaient derrière les manifestants, nul besoin d étrangers, l explosion, on l a vu, avait des raisons internes. C est la répression féroce par les forces du régime qui provoque l escalade militaire. Celle-ci commence de manière hésitante à la fin 2011 par les premières actions de résistance revendiquées par l ASL. Puis des armes commencent à venir de l étranger, d abord à travers la frontière libanaise puis par la Turquie. Ce soutien militaire aux groupes insurgés prendra de l ampleur à partir de 2012 essentiellement avec des fonds privés syriens ou arabes. Ces financements augmentent avec l extension de la confrontation armée et proviennent de plus en plus des milieux intégristes des pays du Golfe. Pour les besoins de leur combat et pour obtenir de l aide auprès de ces sponsors, les insurgés syriens se mettent à afficher des allures et des mots d ordre islamistes, même quand ils n en sont pas convaincus. Ce n était donc plus une révolution mais une guerre civile? Cette question fait débat. Tout dépend des définitions auxquels on se réfère. Quand un mouvement populaire veut mettre un terme à une dictature, en renversant une dynastie au pouvoir depuis plus de 40 ans, si ce n est pas une révolution, ce mot n a plus de sens. Certains disent que cette révolution a évolué en «insurrection armée». D autres considèrent que dès lors qu une confrontation armée a lieu entre des forces d un même pays sur un même territoire, il faut parler de «guerre civile». Les combats entre Syriens se multiplient en effet avec l augmentation du nombre de déserteurs ou de civils ayant pris les armes. Il s agit de combats asymétriques entre la puissante armée régulière avec ses chars, ses canons et son aviation et des combattants rebelles armés de fusils mitrailleurs et parfois de lance-roquettes. Comment le gouvernement a- t- il perdu le contrôle d une partie du territoire? Avec, la généralisation de la révolte à travers le pays et les défections dans l armée, le régime n a plus suffisamment de forces pour s imposer partout. La priorité pour lui est de réprimer les manifestations et d empêcher l insurrection d atteindre les grandes villes. Ce sont d abord des zones rurales et péri-urbaines où des groupes armés rebelles se sont formés localement qui échappent à son contrôle. Un grand tournant intervient l été 2012 quand les brigades de l Armée Syrienne Libre, s emparent d une grande partie des quartiers populaires d Alep, deuxième ville et capitale économique du pays. L armée régulière cède sous la pression de l offensive rebelle et se retire aussi de larges portions du nord-est du pays, autour d Alep et d Idlib. La prise de plusieurs postes frontières avec la Turquie par l ASL change la donne en permettant l accès plus facile des hommes et des armes aux rebelles, mais aussi aux premiers combattants étrangers. Les zones dites

«libérées» du contrôle du régime sont administrées par les populations locales qui créent des «Conseils civils» pour gérer les affaires quotidiennes. Elles sont quotidiennement bombardées par l aviation du régime, provoquant la destruction et surtout le départ de dizaines de milliers de réfugiés. Maintenant c est le chaos total? Cette impression résulte de la superposition de plusieurs batailles qui se déroulent en même temps sur le territoire syrien depuis début 2013 tandis que des puissances régionales se font la guerre sur le territoire syrien par forces interposées. 1. La confrontation entre la dictature d Assad et les Syriens qui s opposent à son pouvoir se poursuit. 2. Elle a pris une tournure communautaire entre la majorité sunnite de la population et un régime dirigé par la minorité alaouite (une branche dissidente des chiites) à laquelle appartient la famille Assad. 3. Un affrontement régional entre les soutiens respectifs des deux parties syriennes : L Iran, l Irak et le Hezbollah libanais chiites soutiennent le régime en participant directement aux combats sur le terrain pendant que la Turquie et les pays du golfe sunnites aident et arment les insurgés, surtout islamistes. 4. Une dimension internationale avec la Russie qui défend le régime Assad et les pays occidentaux qui s opposent à sa dictature. (voir détails ci-dessous). 5. Une guerre contre le terrorisme, suite à l irruption de l Etat islamique, Daech selon son acronyme arabe qui a proclamé un Califat en 2014 à cheval sur la Syrie et l Irak, qui implique à la fois des forces locales syriennes et une intervention d une coalition internationale menée par les Etats-Unis. On est bien loin du mouvement de 2011! Oui et non. Oui car sur le terrain militaire, l ASL qui la représente le mieux a perdu beaucoup de terrain, les autres mouvements de la rébellion n adoptent guère le langage démocratique, certains pas du tout. Non, car les idéaux de 2011 et une partie de ceux qui les portaient sont encore là. Ils sont encore nombreux les combattants qui veulent renverser la dictature afin de permettre aux Syriens de déterminer eux-mêmes quel gouvernement ils veulent pour leur pays. La société civile reste présente par des projets divers d organisation et de résistance dans les zones tenues par la rébellion. Les jeunes et moins jeunes actifs dans la contestation en 2011 se sont investis dans ces projets, du moins ceux qui sont restés car beaucoup ont quitté le pays du fait de la répression qui les visait particulièrement. Un grand nombre d entre eux ont été arrêtés, emprisonnés, torturés ou exécutés. C est trop compliqué, on n a du mal à comprendre! Il y a de quoi. Le chaos est souvent le résultat inévitable d une guerre qui dure sans perspective politique en vue. Des ingérences étrangères, diverses forces qui s opposent, divers fronts qui se superposent dans le pays: la situation devient complexe jusqu à devenir illisible parfois pour les intéressés eux-mêmes. L impuissance internationale a permis ce développement, le sentiment d abandon de beaucoup de combattants devant la barbarie de la répression du régime syrien a contribué à les pousser dans les bras des extrémistes radicaux. Disposant de peu de moyens, l ASL commence à perdre des combattants qui rejoignent les brigades islamistes qui peuvent les armer et leur donne une solde pour faire vivre leur famille. Elle attendra en vain une aide de l occident qui aurait empêché en partie ce mouvement d islamisation des combattants. Daech, s est nourri de ce chaos. L arrivée massive de jeunes déclassés du monde entier compose le reste des troupes. > Syria: The story of the conflict

Sur le terrain : Qui se bat contre qui? Qui contrôle quoi? Une guerre de position dynamique et évolutive Les lignes de front entre les différentes zones évoluent au gré des combats, des offensives et des conquêtes de l une ou l autre des forces en présence. Elles dépendent surtout de l appui et des aides extérieures en hommes et en armes. On a assisté ainsi depuis le début du conflit à des va-et-vient permanents selon le renforcement ou l affaiblissement des parties sans qu aucune ne puisse aujourd hui prendre un avantage militaire décisif sur le terrain. Depuis avril 2015, une grande offensive menée par un regroupement de formations rebelles a infligé des défaites importantes aux troupes du régime. Celles-ci ont perdu le contrôle des villes et de positions stratégiques au nord surtout, mais aussi au sud du pays. Leur affaiblissement a été aussi flagrant face à l Etat Islamique qui a conquis en mai une nouvelle grande portion du territoire de l est syrien, y compris la ville historique de Palmyre. Un découpage du territoire en peau de léopard Un partage entre quatre principales forces sur le terrain est loin d être figé sur la carte. Les zones contrôlées par les uns ou les autres ne sont pas homogènes. On trouve des enclaves loyalistes dans les zones de l opposition notamment autour d Alep ou de l Etat islamique comme le centre-ville de Deir Ezzor. D autre part l opposition armée tient des localités et des morceaux de territoires autour des villes contrôlées par le régime et souvent assiégées par les forces gouvernementales, particulièrement dans la périphérie de Damas. > Qui se bat contre qui en Syrie?

Carte : source L Orient Le Jour-Beyrouth Qui se bat contre qui? : 3 ou 4 forces principales sur le terrain 1- Les forces gouvernementales, loyalistes au régime comprennent aujourd hui, outre l armée régulière, des milices et autres groupes armés informels. Elles ne contrôlent plus qu un petit tiers du territoire syrien, essentiellement à l ouest du pays, depuis la capitale Damas jusqu à Lattakieh, comprenant toute la zone côtière et les villes principales de Homs, Hama et une moitié d Alep. Il s agit, de l essentiel de ce que certains appellent «La Syrie utile». Les services de l Etat continuent de fonctionner presque normalement dans cette zone où la population est épargnée par les bombardements puisque les forces d opposition n ont ni les moyens ni la volonté de les bombarder. Les troupes pro-régime combattent les différentes forces rebelles sur le terrain mais surtout par les airs où elles disposent d une suprématie décisive. Leurs hélicoptères larguent quotidiennement des

barils explosifs sur les zones rebelles, faisant des dizaines de victimes civiles. L armée du régime dit se battre également contre Daech, mais en réalité bien moins fréquemment et avec nettement moins de détermination et d efficacité. 2- L opposition armée syrienne, appelée au début «Armée syrienne libre» (ASL), dite aussi «rébellion» ou «insurgés», n a jamais réussi à se constituer en une force coordonnée et centralisée. Elle est composée de différents groupes et brigades locales, dominées aujourd hui par les islamistes plus ou moins radicaux, y compris le Front Al- Nosra, affilié à Al-Qaida. Elle contrôle une grande partie du nord du pays tout au long de la frontière avec la Turquie ainsi qu une grande moitié de la ville d Alep, capitale économique du pays, mais aussi les zones rurales autour des principales grandes villes, y compris la périphérie de Damas, la capitale, de Hama, de Latakieh et de Deraa au Sud. Ces zones sont régulièrement bombardées par l aviation et l artillerie de l armée loyaliste au régime et une grande partie de leur population s est déplacée à l intérieur ou à l extérieur du pays. Les différentes formations combattent à la fois les forces du régime et celles de l Etat islamique Daech, selon les régions et les périodes. 3- L Etat islamique ou Daech, apparue sur le terrain à partir du printemps 2013, la redoutable formation jihadiste, composée à 80% de non Syriens, a un tout autre agenda que l opposition syrienne au régime de Bachar El-Assad. Elle a proclamé un «Califat» sur une grande partie du territoire syrien et irakien. Elle contrôle près de la moitié est de la Syrie à la frontière avec l Irak, berceau et base du mouvement. Elle s est imposée par la force et la terreur, chassant les formations rebelles syriennes, notamment à Raqqa, sa capitale syrienne, soumettant la population locale à sa loi et commettant des atrocités. Elle a mené une offensive foudroyante en mai prenant la ville de Palmyre aux forces du régime et gagnant la ville de Ramadi en Irak. 4- Les forces kurdes syriennes, contrôlent la zone du nord-ouest frontalier de la Turquie majoritairement peuplée de Kurdes syriens. Leurs forces militaires sont composées de combattants locaux, appartenant au PYD, branche syrienne du PKK kurde de Turquie, d origine communiste. Elles ont observé une certaine neutralité entre régime et opposition jusqu à l été 2014 où, attaquées par l Etat islamique, elles ont mené la grande bataille pour défendre et reconquérir la ville principale de Kobané. Une action rendue possible surtout grâce aux raids de l aviation de la coalition internationale luttant contre Daech. En juin 2015, les forces kurdes et des brigades de l ASL ont réussi à évincer les hommes de l Etat islamique de la ville et de la région de Tall Abyad, frontalière de la Turquie. Mais il n y a que des islamistes qui combattent les forces du régime? Dès 2012, divers groupes armés se créent avec une bannière religieuse. Ils sont financés par des fonds, des pays du golfe et les brigades se forment avec une dénomination islamique leur permettant d avoir accès à cette manne. Disposant de peu de moyens, l ASL commence à perdre des combattants qui rejoignent les brigades islamistes qui peuvent les armer et leur donner une solde pour faire vivre leur famille. L ASL attendra en vain une aide de l Occident qui aurait empêché en partie ce mouvement d islamisation des combattants. Mais les choses bougent beaucoup, les combattants passent souvent d une brigade à l autre au gré des rapports de force et des fonds qui arrivent de l étranger. Il n'est pas rare de rencontrer un jeune qui a appartenu à une dizaine de brigades en quatre ans de guerre. Ceci montre que rien n est figé. L ASL serait de nouveau attractive si elle recevait des fonds suffisants.

Et les djihadistes, ils se situent où? En février 2012, un groupe djihadiste Le Front Al Nosra se crée. Il déclare que son agenda est syrien et combattra avec les brigades rebelles. Il affichera plus tard une allégeance à Al Qaida. En mai 2013, L Etat Islamique en Irak et au Levant (Daech) apparaît. Les racines de cette organisation djihadiste, dissidente d Al Nosra, sont en Irak mais elle va se développer à la faveur de la crise syrienne. Elle ne combat pratiquement pas le régime Assad et se confronte surtout aux rebelles syriens. De son côté, alors qu elle bombarde sans cesse les zones tenues par la rébellion, l armée du régime épargne Daech dans un échange de bons procédés très ambigu. Daech prendra le nom d Etat Islamique après avoir annoncé la création de son califat à cheval entre la Syrie et l Irak, à l été 2014. Après l intervention de la Coalition contre l organisation terroriste en août, Assad, voulant sans doute donner le change, se livrera à quelques bombardements sur les zones tenues par les djihadistes. Son objectif reste les zones rebelles qu il bombarde incessamment de barils d explosifs, faisant de très nombreuses victimes civiles. >Affaiblissement de tous les protagonistes du conflit syrien

Sur l échiquier : Le régime de Bachar El- Assad? L opposition syrienne? Daech/ Etat islamique? 1- Le régime de Bachar El- Assad Pourquoi dit- on le «régime» syrien et non le gouvernement? Parce qu il ne s agit pas d un système de gouvernement constitutionnel mais d une dictature, issue d un coup d Etat militaire, avec toutes les caractéristiques d un régime totalitaire. Un régime qui repose sur divers services de sécurité et organisations mis en place pour servir le clan au pouvoir. Ils ont totalement verrouillé le pays depuis plus de 40 ans, le plongeant dans une inertie institutionnelle et accaparant les pouvoirs comme l économie du pays. Seul un processus révolutionnaire pouvait bouleverser cet ordre. Ce qui explique sans doute pourquoi, les opposants ont recouru à la lutte armée, le régime syrien étant dans l incapacité de répondre à toute demande de réforme du système. Rappelons que le parti Ba ath est au pouvoir en Syrie depuis cinquante-deux ans, que la famille Assad préside la Syrie depuis quarante-cinq ans et que Bachar Al-Assad, héritier de son père à la tête du pays est le seul décideur depuis quinze ans. Et s il faisait des réformes? Les réformes étaient réclamées par la population au début de la révolution en 2011 mais le régime a opposé une fin de non-recevoir en répondant par une répression féroce et systématique. Et pour cause, le changement, ce ne pouvait être que la démocratie soit la fin de la dictature et des élections libres. Celles-ci l auraient évincé du pouvoir. À son arrivée au pouvoir, en 2000, rien n empêchait Bachar El-Assad d accomplir des réformes significatives, sinon la conscience que toute brèche dans le système entraînerait son effondrement. Il n a donc jamais fait de réformes politiques, sinon superficielles. Il lui a suffi d affirmer qu il était partisan d une ouverture économique et de la diffusion des technologies modernes (paraboles, téléphones portables, Internet) pour donner l impression qu il ouvrait une brèche dans le système fermé élaboré par son père. Lorsqu il a commencé à exercer le pouvoir, les Syriens ont rapidement compris la manœuvre. Les annonces et les gestes d ouverture ont duré une année Puis le régime a repris en main une situation qu il ne voulait pas voir lui échapper : fermeture des cercles de discussion, arrestation des opposants, contrôle du dossier libanais. Mais une partie de l opinion et des dirigeants occidentaux est restée (et reste encore) dans l illusion d un réformateur, contrarié par la vieille garde Dans les circonstances actuelles, cela est d autant moins probable. On l a vu lors de ses dernières interviews, Bachar Al-Assad s avère être incapable d être une force de proposition. Bachar Al- Assad est un dirigeant moderne? Médecin, il porte un costume, il n a pas de barbe, il parle anglais, il nous ressemble. En fait, Bachar Al-Assad n a pris que les attributs de la modernité. Il a réussi à adopter le langage de la modernité et dire tout ce que l Occident voulait entendre. Tout ceci n était qu un affichage, à faible coût. Depuis son arrivée au pouvoir en 2000, Bachar Al-Assad et sa femme offrent une image calculée à l Occident : celle d un couple moderne, occidentalisé (ils se sont rencontrés à

Londres où il a résidé pendant deux ans pour étudier l ophtalmologie), civilisé! Bref, en rupture avec l image donnée par les anciens dirigeants arabes et en phase avec nos propres sociétés. Bachar Al-Assad a fait de ses diverses apparitions dans la presse une véritable campagne de communication. Il semblait représenter une nouvelle génération syrienne, présumée plus ouverte. Cette opération de séduction a fonctionné longtemps auprès des dirigeants et des opinions publiques occidentales. Son régime est laïc? C est tout d abord considérer que la laïcité n a pas besoin d être démocratique. La prétendue laïcité du régime est un argument qu il utilise depuis des décennies. Comme son père avant lui, Bachar Al-Assad a compris le bénéfice qu il pouvait tirer de la montée de l islamisme. Lui apparaissant comme un rempart. En fait, le régime syrien fonctionne sur une base de type clanique et confessionnel. Son système repose en grande partie sur la minorité alaouite, et avec la révolution syrienne, ce trait s est même accentué. Dans le même temps, sous Bachar Al-Assad, la société syrienne s est insensiblement islamisée sur le plan social. Ainsi, sous son règne, le nombre de chrétiens a diminué et celui des femmes voilées a augmenté! N est- il pas le protecteur des minorités en Orient? Là aussi, l image est aussi tentante que fausse. Il ne protège pas les minorités, il s en sert et se protège derrière elles. Il les utilise pour convaincre que, s il interdit tout pluralisme politique, il protège au moins une certaine pluralité religieuse et ethnique. En instrumentalisant les communautés, il les enchaîne à son propre sort. Il infantilise les chrétiens en leur faisant croire qu il est leur salut. Cela peut marcher dans la mesure où les chrétiens de Syrie se souviennent du sort des chrétiens d Irak après 2003, qui ont pour beaucoup dû fuir leur pays en se réfugiant en Syrie. Mais les différentes communautés syriennes n ont pas attendu le régime des Assad pour vivre ensemble. Au contraire, le régime a mis en péril par une politique sectaire une tradition séculaire de coexistence entre confessions marquée par une culture bien comprise du compromis. Il a constamment attisé la division confessionnelle. En disant sans cesse aux chrétiens (aujourd hui 5% de la population) qu il les protégeait, il désignait les musulmans comme de possibles agresseurs et faisait vivre les chrétiens dans une crainte permanente de leurs voisins. Le régime a créé des hiérarchies religieuses à sa botte et la hiérarchie chrétienne a ouvertement soutenu le régime exposant ses coreligionnaires. Et si le régime était vraiment protecteur des chrétiens, on peut imaginer que l immigration des chrétiens de Syrie commencée dès le 19ème siècle aurait connu un ralentissement durant la période des Assad, il n en a rien été. De même pour les chrétiens qui ont demandé plus de libertés et ont été arrêtés et torturés par ce même régime, qui se prétend leur protecteur. Chez les alaouites aussi, cette prétendue protection des minorités apparaît comme un terrible piège. Les familles alaouites qui voient leurs fils partir et mourir pour la défense du régime, se désolidarisent progressivement de ce dernier. (Cf article de Salam Kawakibi dans La Croix - 05/04/2015 Le régime de Bachar AL Assad protège-t-il vraiment les chrétiens) Il est le dernier défenseur de la cause arabe et palestinienne C est là une grande supercherie du régime syrien qui ne soutient les Palestiniens où ne s attaque à Israël que dans le discours. Un peu d histoire suffit à le comprendre. Depuis la

guerre de 1973, la frontière entre la Syrie et Israël a été la plus calme. Tout en refusant de s engager dans un accord de paix, la Syrie n a jamais entrepris quoique ce soit contre Israël. Le silence de Netanyahou au début de la révolution en dit long sur les inquiétudes israéliennes en cas d une chute du régime. Par ailleurs, en 1976 puis 1982, Hafez Al-Assad a envoyé l armée syrienne au Liban contre ce qu il appelait alors les «palestinoprogressistes». Il a assiégé et attaqué à Beyrouth les camps où se trouvaient Yasser Arafat et ses partisans. Le leadership de Yasser Arafat empêchait Hafez Al-Assad d instrumentaliser les Palestiniens et de subordonner la cause palestinienne à ses propres intérêts. Le conflit depuis 2011 a révélé davantage encore les contradictions du régime syrien. Depuis 2013, Yarmouk, camp palestinien en périphérie de Damas (ainsi que d autres zones du pays favorables à l opposition) est assiégé par les forces du régime, qui espèrent, en les affamant, amener les rebelles à négocier à leurs conditions. > Assad et Daesh unis contre les Palestiniens de Damas Assad n est pas très fréquentable mais face à Daech, n a- t- on pas intérêt à le garder? Assad ou Daech? Cette question qui revient inlassablement n apparaît pas par hasard. On entend un argument de ce type depuis le premier jour: «Assad ou les Frères Musulmans?» ou «Assad ou les terroristes?». Dans cette question piège répétée par les partisans de Bachar Al Assad, on choisit pour vous les termes de la réponse en vous indiquant la bonne: Assad. En affirmant que les contestataires sont tous des islamistes et des terroristes, la propagande du régime syrien à destination des Occidentaux crée un repoussoir commode et se présente comme l alternative. Pour que cette entreprise joue à plein, Assad a volontairement laissé prospérer l État islamique et ce repoussoir a grossi, provoquant notre effroi. En juin 2011, Assad a libéré de la prison de Sednaya des djihadistes. Il a épargné de ses bombardements la ville de Raqqa où se trouve l état-major du groupe alors qu il pouvait facilement le cibler. Voilà comment, avec l aide de cet allié objectif, la question Assad ou Daech s est imposée. Il y a sans doute une autre raison: ces deux acteurs sont très visibles, facilement identifiables: l un est au pouvoir, l autre par sa prise de territoire et sa communication de terreur, s est imposé au monde. Au-delà de ce double jeu, la question est la capacité du régime syrien de s opposer aux terroristes de Daech. Or, son armée s est montré incapable de confronter ou de regagner du territoire contre ces jihadistes. Les rares batailles qui les ont opposées, près de Raqqa en 2014, ou dans la région de Palmyre en mai 2015 se sont soldées par des défaites pour les forces du régime. A Palmyre, l armée syrienne s est même retirée sans réellement livrer bataille, laissant le champs libre aux troupes de Daech 2- L opposition On a l impression que personne n est en face comme force alternative La non visibilité de l opposition syrienne est un problème essentiel qui a contribué à prolonger le conflit. Majoritaires dans la population comme parmi les exilés, les Syriens qui réclament la chute du régime de Bachar El-Assad n ont pas réussi à constituer un front politique représentatif, cohérent et uni avec une stratégie claire et réaliste. Cette grande faiblesse est d abord le résultat de plus de 40 ans de dictature qui interdisait toute expression ou activité politique dans le pays. L inexpérience et le manque de savoir faire des opposants syriens, tous profils et tendances confondus, se sont révélés d autant plus handicapants que la complexité de la crise exige une habileté politique, diplomatique et stratégique exceptionnelle.

L opposition est divisée Cet argument est souvent brandi par le régime de Bachar Al-Assad, ses alliés et ses partisans pour minimiser ou décrédibiliser l opposition. Celle-ci est composée d une grande diversité de courants et de mouvements et inclut autant des jeunes manifestants de la première heure que des groupes et personnalités politiques expatriés. L éclatement géographique et surtout les défis auxquels ils sont confrontés expliquent des divergences d approche et les divisions. Il faut ajouter que de nombreux opposants à l intérieur du pays ont été emprisonnés, torturés ou tués tandis que d autres se sont exilés. Elle est sous influence étrangère Cette accusation sur les liens, voire une manipulation, de l opposition syrienne par la Turquie, le Qatar, l Arabie Saoudite, etc est justifiée par le fait que ces pays sont en effet les principaux soutiens politiques et financiers de l opposition syrienne. Celle-ci s est retrouvée de plus en plus dépendante de ces pays parce qu elle a été lâchée par le reste du monde. Le groupement des «amis du peuple syriens», qui comprend plus d une centaine de pays arabes, occidentaux et autres n a cessé de faillir à ses engagements. Ses promesses d aide politique, militaire et même humanitaire n ont souvent pas été tenues. Le grand tort des opposants syriens est probablement la naïveté, encore une fois due à l inexpérience, d avoir longtemps cru à ces promesses avant de réaliser l ampleur de l abandon international du peuple et de la question syrienne. Les principales composantes de l opposition : Un groupement formel : La Coalition nationale des forces de la révolution et de l opposition syrienne, créée en novembre 2012 réunit une grande partie des mouvements et personnalités d opposition, qui vont des laïcs aux Frères musulmans. Son objectif affiché est «le renversement du régime Assad pour fonder une Syrie civile et démocratique». Elle est reconnue comme le principal représentant et interlocuteur de l opposition syrienne par plusieurs pays arabes et occidentaux, ainsi que par l ONU. Le gouvernement provisoire, mis en place par la Coalition qui gère depuis 2014 les affaires des populations syriennes dans les territoires non contrôlés par le régime et en exil, surtout pour la Santé et l Education. Ses ministères et services sont basés en Turquie. D autres petites formations d opposition qui ne font pas partie de la Coalition anciennes ou récentes représentent des tendances diverses. La plus importante d entre elles : le Comité de coordination nationale est divisé entre l intérieur et l extérieur de la Syrie et regroupe des intellectuels dont certains ont été arrêtés par le régime. Plusieurs autres personnalités influentes, des intellectuels ou des notables ont créé des partis ou mouvements minoritaires dans l opposition. > Guide to the Syrian opposition Tout un peuple dans l opposition L écrasante majorité des Syriens mobilisés pour un changement démocratique en Syrie en

remplacement de la dictature de Bachar Al-Assad ne sont pas dans des structures politiques de l opposition. Certains sont passifs mais d autres agissent dans des cadres divers sur le terrain auprès de la population pour exprimer leur vision d une autre Syrie. Les organisations de la société civile : il en existe des milliers à l intérieur comme à l extérieur du pays de tailles et de compétences différentes. Les organisations médicales créées par des médecins syriens expatriés font un travail colossal dans des conditions souvent dramatiques pour soigner les blessés et même prendre en charge la santé publique dans les zones hors de contrôle du gouvernement. Des groupes de jeunes et de femmes se sont organisés pour intervenir dans le domaine humanitaire et de plus en plus dans l éducation ainsi que pour créer des microprojets pour faire vivre des familles à court de revenus. Toutes ces structures informelles témoignent de la vitalité de la société civile syrienne. Les conseils locaux : Dans la plupart des quartiers ou des villages des zones contrôlées par l opposition, les habitants ont mis en place des conseils civils pour gérer la vie quotidienne : les services municipaux, la justice, la santé, la distribution de l aide. Certains d entre eux ont inauguré des pratiques démocratiques inconnues en Syrie auparavant en organisant des élections et un système de prise de décision collégial. Les intellectuels : Ce qui est important à souligner, c est que les forces vives du pays, la jeunesse, les intellectuels, les écrivains, les artistes, les musiciens, les cinéastes, etc, tout ce qui fait la créativité d un pays et sa promesse d avenir, sont majoritairement pour la contestation. Ils expriment leur créativité et leurs opinions à travers leurs œuvres littéraires ou artistiques qui connaissent un développement formidable depuis le début de la révolution. Une grande partie de ces intellectuels ont dû quitter le pays du fait de la répression. La France a d ailleurs accueilli un certain nombre d entre eux. 3- Daech L organisation terroriste Etat Islamique a, on l a dit, un agenda politique différent de celui de l opposition avec laquelle elle s affronte très durement sur le plan militaire. Son objectif est un «Califat» sur l Irak et la Syrie, faisant fi des frontières dessinées par l accord Sykes- Picot en 1916. Elle ne fera d accord d aucun ordre avec l opposition. Daech s affrontera très probablement au nouveau pouvoir en cas de départ de Bachar Al Assad.

A l extérieur: Qui soutient qui? Le conflit syrien est très souvent vu, analysé à travers le prisme des dimensions régionale et internationale en oubliant la réalité à proprement syrienne. Quelles sont les raisons de cette perception? Pourquoi des pays comme l Iran, la Turquie, l Arabie saoudite sont-ils aussi actifs? Tentons d y voir plus clair. Quels sont les pays qui soutiennent le régime de Bachar al- Assad? Le régime bénéficie depuis le début de la révolution du soutien indéfectible de l Iran sur les plans politique, financier, diplomatique et militaire car Téhéran ne veut absolument pas qu un pouvoir sunnite s installe à Damas ou des forces soutenues par les pétromonarchies du Golfe et, plus particulièrement, l Arabie saoudite. Le Hezbollah libanais que soutient Téhéran est également partie prenante au conflit aux côtés des forces d Assad. Pour l Iran il est important d avoir cette continuité stratégique Téhéran/Bagdad/Damas et Hezbollah. C est pour cela que l on parle d un axe chiite contre un axe sunnite formé de Riyad/Le Caire/Ankara sans oublier les pétromonarchies du Golfe. > Les djihadistes chiites, l autre menace pour l avenir de la Syrie et des Syriens (3/3) Les pays voisins sont- ils déstabilisés par la situation syrienne? Oui bien sûr en raison du nombre de réfugiés syriens présents aujourd hui en Turquie (1 700 000), au Liban (1 200 000), en Jordanie (650 000), Irak (245 000) et dans une moindre mesure en Egypte (137 000). La situation est différente suivant les pays : la Turquie et la Jordanie ont organisé l accueil dans des camps non loin de la frontière avec la Syrie alors qu au Liban aucun recensement n a été fait car les citoyens des deux pays peuvent circuler librement. Mais face au nombre grandissant de Syriens venant au Liban, les autorités de ce pays ont pris des mesures rendant très difficile l accès au pays du Cèdre aux Syriens. En 2011, la Turquie a tenté lors des premières manifestations qui se sont déroulées en Syrie de mener une médiation pour convaincre Bachar al-assad avec lequel elle entretenait d excellentes relations de conduire quelques réformes demandées par les manifestants mais face à son refus d entendre le moindre conseil, les Turcs ont appuyé l opposition et ont ensuite accepté des centaines de milliers de réfugiés sur leur territoire. Ankara est très préoccupée par la situation en Syrie en raison d une longue frontière entre les deux pays difficile à contrôler et de la question kurde. Les Turcs ne souhaitent pas qu à la faveur du conflit en Syrie, les Kurdes obtiennent un État à leur frontière. On reproche au gouvernement turc une attitude pour le moins laxiste vis à vis des djihadistes, laissant entrer troupes et armes en Syrie Que fait la Russie? La Russie est un partenaire de la Syrie depuis les années 50. Un premier contrat d armement a été signé par Moscou et Damas en 1956 et une forte coopération s est mise en place sur les plans économique et politique. Lors de l effondrement de l URSS, le soutien de ce pays a baissé mais l arrivée de Poutine a redonné de la vigueur aux relations car Poutine veut se réaffirmer au Moyen-Orient. Lors du déclenchement de la révolution en Syrie, Moscou soutient al-assad car la Syrie est son dernier allié dans la région et son principal client. Les vetos successifs opposés par la Russie au Conseil de Sécurité contre

toute condamnation ou action punitive contre le régime de Damas ont paralysé les initiatives internationales sur la Syrie. Moscou organise des réunions d opposants acceptables par Damas pour tenter de trouver une solution politique mais elles sont sans lendemain en raison de l absence de légitimité et de représentativité des opposants qui se rendent dans la capitale russe. L émergence de groupes radicaux et de l organisation de l État islamique renforce le soutien russe au régime syrien car Moscou mène une lutte sans merci contre l islam radical tant il craint que les islamistes n atteignent les républiques d Asie centrale le souvenir de la Tchétchénie est encore vivace. Mais après les dernières réunions à Moscou entre des représentants du régime syrien et l opposition dite «de l intérieur», la Russie semble montrer une certaine lassitude ou impatience vis à vis de Bachar Al Assad. La ligne rouge et les États- Unis Les États-Unis et les Européens ont rapidement estimé qu Assad devait quitter le pouvoir pour mettre un terme à la violence que connaissait le pays en raison de l intransigeance du pouvoir qui ne voulait pas entreprendre la moindre réforme. En 2012, Washington et quelques autres capitales ont organisé le soutien à la rébellion mais les groupes sur le terrain n ont pas vu l aide promise arriver. A partir de là, certains d entre eux se sont tournés vers qui donnait de l argent et des armes pour combattre. L incohérence de la position américaine s est révélée surtout après l usage des armes chimiques par les forces de Bachar El-Assad tuant 1700 civils en août 2013, marquant un tournant dans le conflit syrien. Barack Obama avait déclaré que l utilisation des armes chimiques par le régime serait une ligne rouge et dès lors que la preuve serait apportée, des frappes seraient lancées contre des objectifs ciblés. Or, alors que le monde s attendait à ce que les frappes commencent en septembre 2013 le président américain a reculé offrant ainsi un «droit de tuer» à Bachar AL-Assad. Obama l a avoué lui-même dans une déclaration publique fin 2014 que «Les Etats-Unis n ont pas de stratégie pour la Syrie». Il faut ajouter qu après l accord de destruction des armes chimiques, l armée syrienne a largué a plusieurs reprises des barils d explosifs au chlore sur des localités. Et malgré la dénonciation de ces actes par l ONU, les largages se sont poursuivis. Et l Europe? Quelle est la position de la France? L Europe est divisée sur la politique à adopter vis-à-vis de la Syrie et Paris qui a été en pointe sur le dossier n a pas les moyens nécessaires pour agir seule. La preuve en a été apportée lorsque les frappes ont été envisagées en août/septembre 2013. La France était prête à y participer mais le recul de Washington ne lui a pas permis d agir. Pourquoi les différentes médiations internationales ont- elles échoué? Kofi Anan, Brahimi et Mitsura La position radicale du régime empêche pour le moment l aboutissement de toute médiation. Le premier plan proposé par la Ligue arabe en novembre 2011 demandait au régime d entamer des discussions sérieuses avec les représentants de l opposition. La Turquie a ensuite lancé une initiative internationale, en février 2012, soutenant le peuple et non le régime syrien en proposant une transition politique. En juin 2012, les États membres du groupe d action sur la Syrie (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) ainsi que la Turquie, le Koweït et le Qatar se sont mis d accord sur les principes d un processus de transition politique dirigé par les Syriens : formation d un gouvernement d union nationale, mise en œuvre de réformes constitutionnelles et organisation d élections

libres et justes. Ce communiqué a été signé à l issue de la 1 ère conférence internationale sur la Syrie, appelée «Genève 1». Une deuxième réunion s est tenue à Genève en février 2014. Les deux délégations avaient accepté de se référer au document de Genève 1 mais le désaccord a porté sur le fait que l opposition voulait débuter la réunion par la question de la mise en place d un gouvernement de transition alors que le gouvernement voulait commencer par celle du terrorisme. Enfin, en octobre 2014, Staffan de Mistura, émissaire spécial de l ONU pour la Syrie depuis juillet propose d instaurer des zones de «gel de combats» à Alep et la mise en œuvre des résolutions du Conseil de Sécurité de l ONU ainsi que le déploiement d efforts internationaux pour lutter contre le terrorisme en Syrie et dans la région. Il vient d annoncer la tenue de nouvelles consultations séparées, à partir de début mai, avec des représentants du régime, de l opposition et de la société civile ainsi que des acteurs régionaux. L Iran qui avait été exclu lors des deux précédentes conférences internationales de Genève serait invité. Staffan de Mistura est le 3 ème émissaire de l ONU après Lakhdar Brahimi et Kofi Annan. Ce dernier a démissionné 5 mois après avoir pris ses fonctions alors qu il avait proposé un plan en six points prévoyant une cessation des combats et une transition politique. Mais en l absence de soutien international la Russie et la Chine utilisant leur droit de veto - l ancien secrétaire général de l ONU a préféré se retirer. Quant à Lakhdar Brahimi, en charge du dossier d août 2012 à mai 2014 aussi bien pour l ONU que pour la Ligue arabe, il a renoncé à sa mission car il a estimé «que les protagonistes les plus importants à l intérieur de la Syrie d abord mais aussi, il faut le dire, à l extérieur de la Syrie» - continuaient à avoir pour objectif une «victoire totale» [1]. Le régime ne parle que de conspiration venant de l extérieur. L opposition qui posait comme condition le départ de Bachar al-assad à toute discussion a depuis renoncé à cette précondition. [1] Orient XXI, Entretien avec Lakhdar Brahimi, 18 mars 2015,

La population : Comment vivent les Syriens? Tous les Syriens, où qu ils soient, et quelle que soit leur appartenance communautaire, leur orientation politique ou leur situation socio-économique ont vu leur vie bouleversée par le conflit. Dans le malheur global, il existe toutefois des degrés et une hiérarchie. Un Syrien sur deux n habite plus chez lui. Sur une population de 23 millions d habitants, on compte aujourd hui plus de 4 millions de réfugiés dans les pays voisins ou à l étranger et quelque 7 millions de déplacés à l intérieur du pays. L autre moitié de la population n a pas quitté son domicile et survit différemment selon les zones sous contrôle, du régime, de l opposition, de l Etat islamique, etc Dans les zones contrôlées par le régime en Syrie, les habitants sont le plus en sécurité puisqu ils ne sont pas bombardés. Ils bénéficient encore de tous les services de l Etat : administration, éducation, santé, etc. Cependant, ils sont sous pression et étroite surveillance des forces de sécurité et des milices du régime et continuent de vivre dans la peur. Les difficultés économiques de la vie quotidienne sont la principale préoccupation des gens du fait des coupures d électricité et d eau et surtout du manque de fioul de chauffage et de carburant. Au ralentissement de toutes les activités et au chômage s ajoute la flambée des prix de toutes les denrées nécessaires qui s est accélérée depuis début 2015 en raison de la chute de la livre syrienne par rapport au dollar. Dans les zones sous contrôles de l opposition syrienne, la population est celle qui subit le plus durement la guerre et les violences. Ces régions sont régulièrement bombardées par l aviation du régime et les villes et les villages sont dévastés par la destruction. Les Syriens qui y sont restés sont ceux qui n ont pas possibilité de partir ailleurs, mais certains tiennent aussi à ne pas quitter leur maison et leur environnement. La vie quotidienne est organisée localement par des conseils civils en coordination avec les combattants qui contrôlent chaque zone. Les services de santé, d éducation, de justice etc sont assurés plus ou moins correctement selon les lieux. Les habitants les plus démunis bénéficient de l aide humanitaire pour la nourriture tandis que certaines activités commerciales, de service ou d économie parallèle font vivre les autres. Dans les régions contrôlées par l Etat islamique, Daech soumet les habitants par la terreur à son ordre rigoriste impitoyable, encadrant tous les aspects de la vie quotidienne. Toute activité doit cesser et les magasins fermer aux heures de prière. Les femmes ne peuvent sortir dans la rue que sous le niqab noir qui les couvre de la tête au pied. Les exactions les plus terribles punissent tout contrevenant au système totalitaire imposé, y compris des exécutions sommaires et des tortures. Les écoles, les hôpitaux ou les tribunaux sont organisés et gérés par les services et la police islamique de Daech, composés essentiellement de jihadistes étrangers. Dans les camps de réfugiés, en Jordanie, en Turquie, au Liban et à l intérieur des frontières syriennes les familles vivent dans des tentes et parfois dans des caravanes ou des préfabriqués. Ils sont pris en charge par les organisations humanitaires internationales ou locales qui leur distribuent des vivres, du linge et des couvertures et assurent les soins médicaux. Les enfants représentent la plus grande partie de la population de ces camps où parfois des écoles ont été établies ou une éducation informelle dispensée par des

bénévoles. Certains camps sont aujourd hui de véritables villes ou bidonvilles, tel celui de Zaatari au nord de la Jordanie qui compte environ 150 000 habitants. Des activités commerciales et des ateliers pour les femmes se sont développés parmi les réfugiés. Les exilés et réfugiés syriens à travers le monde, se comptent par millions venant de toutes les régions et appartenant à toute communauté ou catégorie sociale. Partis individuellement pour fuir les combats, la répression ou la perte de leur maison, ou pour mettre en sécurité leur famille, ils sont concentrés dans les pays voisins mais sont de plus en plus nombreux à chercher asile en Europe, en Amérique et même en Australie. Selon leurs ressources, leur activité ou leurs liens familiaux, ils vivent et travaillent parfois dans ces pays d un exil qui se prolonge. (Cf article de Salam Kawakibi dans l'express - 15/03/2015 Les derniers survivants d'alep)

L avenir : Quelles issues possibles? Pourquoi ne pas discuter avec Assad? Après tout, il faut parler à ses ennemis. En effet, la résolution d un conflit appelle traditionnellement la discussion entre les deux parties. Celle-ci est plus ou moins fructueuse. Pour le régime syrien, la négociation remplit des fonctions particulières. D abord, celle de gagner du temps et de diluer les pressions. On l a vu suite aux attaques chimiques de la banlieue de Damas en août 2013 : le régime accepte immédiatement de coopérer, ce qui lui permet d échapper à une réaction militaire. Ensuite, en acceptant d entrer en négociation, il fait peser des pressions sur ses ennemis politiques et attise les tensions internes. Il l a retenté pendant les négociations dites de Genève II, en janvier 2014, avec l opposition syrienne. Enfin, par la négociation, le régime noie les problèmes, fait diversion et se crée une tribune pour sa propagande. En amenant les discussions de Genève II sur le sujet du terrorisme, le régime parvient à court-circuiter l objet réel des négociations : trouver une solution au conflit syrien. À Genève, la délégation du régime a miné le terrain de la négociation, en qualifiant les opposants d insectes, de terroristes, polluant une terre qu il fallait «nettoyer». Un vocabulaire qui rappelle les heures sombres de l histoire européenne, et surtout qui n augure pas de la volonté de trouver un accord. Mais a- t- on déjà sérieusement essayé de discuter avec le régime? Les tentatives d intégrer Assad dans une négociation pour une solution politique ont été nombreuses et sont venues d horizons divers. Dès octobre 2011, la Ligue arabe tente une médiation, appelant à des réformes et à un dialogue entre le régime et l opposition. Le régime avait alors reproché à la délégation le simple fait d avoir rencontré des représentants de cette opposition L année suivante, Kofi Annan, médiateur à la fois de l'onu et de la Ligue arabe, avait proposé un plan de paix, qui lui non plus ne prévoyait pas le départ de Bachar Al-Assad, mais simplement l aide humanitaire, l arrêt de la violence, le dialogue politique, la fin des détentions arbitraires ou encore la liberté pour les journalistes. Il démissionne six mois plus tard. Son successeur Lakhdar Brahimi suivra le même chemin en mai 2014. Entretemps, la conférence internationale dite de Genève II a été organisée en vain. Une initiative, plus récente, à Moscou, n a porté aucun fruit non plus. Si Bachar Al Assad quitte le pouvoir, que se passera- t- il? Une chose est sûre, la dictature actuelle bloque toute évolution de la société et l enferme dans des divisions de tous ordres afin d assurer sa soumission. Il n y aura de vrai changement qu avec le départ non seulement de Bachar Al Assad mais aussi du clan entier (la famille élargie et quelques proches). Cela ne peut être obtenu qu à travers une négociation, impliquant les forces régionales et internationales et des pressions des principaux alliés du régime que sont l Iran et la Russie. Une instance de transition devra être mise en place incluant des anciens du régime, des opposants et des indépendants. Puis, il s agira de démanteler le régime syrien soit un ensemble d institutions et services qui verrouillent la société syrienne depuis 1970. Le verrou de la dictature étant défait, toutes les opportunités s offrent au peuple syrien qui fera son expérience politique. Nul doute que le chemin sera long et chaotique avant qu il ne prenne vraiment son destin en main.