Rapport d étude ADN environnemental Détection de l Espèce Exotique Envahissante Grenouille taureau Sologne France Gabriel MICHELIN Élodie MARDINÉ Novembre 2012 1 34, avenue Maunoury 41 000 Blois Tél. : 02 54 51 56 70 Fax : 02 54 51 56 71 cdpne@wanado.fr www.cdpne.org
Sommaire I. Contexte de l étude... 3 II. Matériel et méthodes... 3 1. Sélection des sites... 3 2. Analyse et méthode... 7 III. Résultats... 8 IV. Une réponse ADN densité-dépendante?... 11 V. Perspectives 2013... 12 VI. Conclusion... 13 VII. Annexes... 14 Rapport SPYGEN Session n 1 effectuée les 19 et 20 juillet 2012... 14 Rapport SPYGEN Session n 2 effectuée 21 au 23 août 2012... 18 Table Des Illustrations Figure 1 : Présentation des sites analysés... 5 Figure 2 : Résultats de l'analyse ADN environnemental... 9 Tableau 1 : Liste des sites analysés... 6 Tableau 2 : Résultats test ADN... 8 Photo 1 : Prélèvement d'eau... 7 Photo 2 : Echantillonnage des prélèvements... 7 Photo 3 : Juvénile de G. taureau... 11 2
I. Contexte de l étude La Grenouille taureau, espèce originaire d Amérique du Nord a été introduite par l homme dans de nombreux pays. En Sologne, cette Espèce Exotique Envahissante crée des déséquilibres sur les écosystèmes aquatiques colonisés à cause de son régime alimentaire, de la maladie qu elle transmet aux autres amphibiens et de l absence de prédateur naturel. Depuis sa découverte en 2002, des actions ont été entreprises par le Comité Départemental de la Protection de la Nature et de l'environnement de Loir-et-Cher (CDPNE), l Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) sous l égide de la Direction Départementale des Territoires du Loir et Cher. En 2004, le Syndicat d'entretien du Bassin du Beuvron (SEBB) devient le maître d ouvrage, accompagné par le CDPNE en tant que maître d œuvre et l ONCFS en partenaire technique. Un programme de lutte puis d éradication sont mis en place afin d éliminer la Grenouille taureau en Sologne. Après 9 années de lutte, la densité d individu reproducteur présent sur les sites a largement diminué ainsi que le poids moyen des adultes éliminés. L éradication de l espèce suppose une intervention précoce sur les sites nouvellement colonisés ainsi qu une liberté d action dans le temps et sur la totalité des étangs hébergeant l espèce. La détection de l espèce est devenue une priorité sur les étangs et mares en périphérie de la zone colonisée. Aux méthodes classiques de détection (observations diurnes, nocturnes et les écoutes des mâles chanteurs) s est ajoutée en 2012, pour la seconde année, l utilisation de la méthode basée sur l «ADN environnemental». Fondée sur des analyses moléculaires, cette technique est moins chronophage et présente une sensibilité densité-dépendante beaucoup plus précise que la veille classique. II. Matériel et méthodes Des chercheurs du laboratoire d'écologie alpine (LECA) ont mis au point une nouvelle technique pour évaluer la distribution d'espèces rares dans des environnements où elles sont difficiles à recenser. L efficacité de cette méthode basée sur la persistance de l'adn en milieu aquatique a été vérifiée par le Comité Départemental de la Protection de la Nature et de l'environnement en 2011. L ADN environnemental apporte un gain temporel et financier par rapport à la veille environnemental classique. 1. Sélection des sites Des sites aquatiques ont été sélectionnés préférentiellement en périphérie de la zone colonisée connue. Leur surface varie entre 0,05 et 11 hectares. 32 sites ont été analysés, ils sont répartis en 4 catégories (cf. carte et tableau pages suivantes) : - 11 sites colonisés en début de campagne 2011 mais éradiqué à la fin ( ) - 9 sites ayant été colonisés ou possédant un fort potentiel de l être ( ) - 9 sites non colonisés depuis 2 ans ou n ayant jamais été découverts colonisés ( ) - 3 sites colonisés en début de campagne 2012 et ayant subi des actions de tirs précoces ( ) Cette année, la veille environnementale a concerné 85 sites aquatiques dont 32 ont bénéficié de la méthode «ADN environnemental». Cette opération a fait 3
l objet d un co-financement de la DREAL Centre, de la Région Centre et d une participation de l Association Beauval Conservation et Recherche ayant permis 10 analyses supplémentaires, soit 60 au total. 4
Figure 1 : Présentation des sites analysés 5
Tableau 1 : Liste des sites analysés Nom du site analysé Sites colonisés 2011 Surface en m² Périmètre en m Nombre analyse(s) Etang Auteroche Oui 106609 2321 4 Etang communal de Chaumont s/ Tharonne Oui 9326 387 1 Etang d Ambon Oui 81375 1749 1 Etang de Farinard Oui 22683 1089 2 Etang de Maître Jean Oui 61229 1363 2 Etang des Bertonnières Oui 13259 665 1 Etang du Château de Villebourgeon Oui 55712 1845 5 Etang face sud Autroche Oui 13035 551 1 Etang ferme de Molinois Oui 26318 1128 2 Etang le Moulin Oui 24722 937 3 Etang Villiers Oui 19368 647 1 Douves Château Autroche Non 18419 1683 3 Etang Château de la Motte ilôt Non 52003 1388 4 Etang communal de la Grenouillère Non 12330 723 1 Etang de Corbeignant Non 9231 563 1 Etang Ferme de Chançay sud Non 8338 531 1 Etang le Mardelay Non 15844 553 1 Etang Lorraine Non 7605 499 1 Grand étang ferme le Mardelay Non 32199 894 2 Mare sous étang face sud Autroche Non 1697 186 1 Annexe étang Vilcou Non 8078 612 1 Etang carrière des Thibergères Non 13064 701 2 Etang des Anglais Non 17195 853 2 Etang des Fosses Non 6565 394 1 Etang des Thibergères pt 107 Oui 58927 1336 3 Etang du Saule Non 4342 282 1 Etang ouest ferme de la Brosse Non 4815 275 1 Mare de Fossemagne Non 540 85 1 Etang du Marchais Non 15670 746 1 Etang de la Passée Non 39246 952 2 Etang des Thibergères ou Miberlan Non 77194 1537 4 Etang Vilcou Non 75137 1764 3 32 sites 12 colonisés 91,2 ha 29,2 km 60 Un kit d analyse permet d effectuer 20 prélèvement d eau espacés de 20 mètres, soit de couvrir 400 mètres de berges. Les étangs de petite surface ont donc bénéficié d un seul kit d analyse et jusqu à 5 pour les plus grands. 6
2. Analyse et méthode La méthode permet de détecter la Grenouille taureau dans l eau car elle y dépose son ADN. Nous avons donc prélevé de l eau en pied de berge des sites aquatiques sélectionnés. Une analyse représente 20 prélèvements de 50 ml d eau. Les berges ensoleillées et possédant une végétation aquatique abondante ont été ciblées prioritairement car elles sont recherchées par les amphibiens. Photo 1 : Prélèvement d'eau Photo 2 : Echantillonnage des prélèvements Les 20 prélèvements sont vidés dans un sachet stérile d un litre, homogénéisé ensuite avant d être sous échantillonné dans 6 flacons contenant un mélange empêchant la dégradation de l ADN (alcool et tampon). Les flacons sont ensuite envoyés au laboratoire Spygen dans les plus brefs délais. Celui-ci ne connaît pas le degré de colonisation des sites analysés. Il reçoit seulement un code de 1 à 60 attribué pour identifier les échantillons par rapport aux sites lors de la réception des résultats. Ainsi, Spygen a travaillé en simple aveugle sur les échantillons. Les sites aquatiques ayant bénéficié de cette méthode ont un périmètre de 915 mètres en moyenne. La distance théorique entre chaque prélèvement doit être en théorie de 20 mètres, nous avons calculé la distance réelle et nous sommes arrivés à 24 mètres sur le terrain. Soit un kit utilisé tous les 480 mètres au lieu de 400 mètres. Quinze sites aquatiques ont bénéficié d une analyse multiple. Les berges ont ainsi été fractionnées selon le nombre d analyses effectuées (entre 2 et 5). Au total, 60 analyses ont été effectuées sur 32 sites lors de deux sessions, la moitié début juillet et l autre moitié fin août. L objectif de cette étude est de vérifier la présence de l espèce et surveiller l extension éventuelle de sa zone de présence. L efficacité de cette méthode sur des aspects temporaire et financière a été mise en évidence en 2011, ce qui a justifié la reconduction de son utilisation en 2012. Le tableau page suivante permet de comparer les résultats de détection classique avec ceux de la méthode ADN. 7
III. Résultats Après chaque session, les résultats du laboratoire Spygen transmis dans les deux semaines nous ont permis d adapter nos actions de tirs selon les résultats positifs. Tableau 2 : Résultats test ADN Sites analysés Présence avérée en prospection classique Actions d éradication avant analyse ADN Détection ADN Actions d éradication après résultats ADN Etang Auteroche Non Non Non Non Etang communal de Chaumont/Tharonne - Non Non Non Etang d Ambon - Non Non Non Etang de Farinard - Non Non Non Etang de Maître Jean - Non Non Non Etang des Bertonnières Non Non Non Non Etang du Château de Villebourgeon - Non Non Non Etang face sud Autroche Non Non Oui Oui Etang ferme de Molinois Oui Oui Non Non Etang le Moulin - Non Non Non Etang Villiers - Non Oui Oui Douves Château Autroche - Non Non Non Etang Château de la Motte ilôt - Non Non Non Etang communal de la Grenouillère - Non Non Non Etang de Corbeignant - Non Non Non Etang Ferme de Chançay sud - Non Non Non Etang le Mardelay - Non Non Non Etang Lorraine - Non Non Non Grand étang ferme le Mardelay - Non Non Non Mare sous étang face sud Autroche - Non Non Non Annexe étang Vilcou Non Non Non Non Etang carrière des Thibergères - Non Non Non Etang des Anglais Non Non Non Non Etang des Fosses Non Non Non Non Etang des Thibergères pt 107 - Non Non Non Etang du Saule - Non Non Non Etang ouest ferme de la Brosse - Non Non Non Mare de Fossemagne - Non Non Non Etang du Marchais - Non Non Non Etang de la Passée Oui Oui Non Non Etang des Thibergères ou Miberlan Oui Oui Non Non Etang Vilcou Oui Oui Non Non 32 sites 4 sites 2 positifs 2 sites 8
Figure 2 : Résultats de l'analyse ADN environnemental 9
En plus des 8 sites identifiés par la veille classique comme colonisés en 2012, les analyses ADN ont permis de découvrir 2 sites supplémentaires : - Etang face sud Château Autroche (déjà positif à l ADN en 2011) - Etang de Villiers (déjà colonisé en 2011) Suite à ces résultats, des actions d éradication ont été mises en place sur ces sites : - Etang face sud Château Autroche Trois prospections nocturnes : aucun individu observé - Etang de Villiers Une prospection nocturne : un individu observé et éliminé Commentaires sur l Etang face sud Autroche : Plusieurs hypothèses peuvent expliquer le fait que cet étang donne des résultats positifs au test ADN depuis 2 ans sans qu aucun individu ne soit découvert ensuite : - la détection visuelle est densité-dépendante, il reste toujours difficile de trouver l espèce si elle est présente en très petit nombre sur un grand site, - ce site possède une végétation dense en berge qui complique les recherches et facilite la cache de l espèce, en particulier cette année où le niveau d eau était très haut, - les individus peuvent s être déplacés entre l analyse ADN et les actions d éradication, - le ou les individus, ayant laissé leur ADN, ont très bien pu être prédatés s ils étaient de petite taille. Il est intéressant de noter l intérêt de la méthode ADN dans l anticipation des déplacements de la population invasive. Ce procédé permet ainsi d orienter notre surveillance future. 10
Les analyses ADN ont également permis de constater l absence de l espèce suite à des actions d éradication mises en place cette année et l année précédente (sur 11 sites colonisés en 2011, seuls 2 restent positifs après les actions. En 2012 Ainsi, 4 sites aquatiques colonisés en début de campagne ne le sont plus à la fin du mois d août. Il s agit des sites suivants : - Etang de la Passée - Etang des Thibergères (Miberlan) - Etang Vilcou - Etang ferme de Molinois Photo 3 : Juvénile de G. taureau Commentaires sur ces 4 sites découverts éradiqués en 2012 après action : - Cette méthode peut permettre de juger de l efficacité des opérations d éradication, même si ce n est pas l orientation principale que nous souhaitons lui donner - L analyse doit prendre en compte la persistance de l ADN dans l eau une fois l individu éliminé ou déplacé, généralement 15 jours. Les opérations d élimination de la Grenouille taureau débutent généralement au début du mois de juin et se terminent à la fin du mois de septembre. Cette période est en lien avec l activité sonore des mâles et la présence habituelle de cette espèce sur les sites aquatiques. IV. Une réponse ADN densité-dépendante? Les deux résultats positifs obtenus cette année faisaient état de 2 réplicats positifs sur 8. Dans un cas, une femelle de 338 g a été observée et éliminée (Etang Villiers) et dans l autre, aucun individu n a été vu malgré 3 sorties nocturnes. Cela pourrait indiquer une population à très faibles effectifs (1 adulte ou quelques juvéniles). Au vu de ces résultats, la question a été posée d une proportionnalité potentielle entre la puissance de la réponse ADN et la taille de la population. Afin de vérifier cette hypothèse et d établir un éventuel facteur entre le résultat ADN et la densité de grenouilles présentes, des prélèvements supplémentaires ont été effectués. Dans ce cadre nous avons sélectionné : - 3 sites faiblement colonisés sur lesquels le nombre effectif d individus présents a été noté lors d une action de tir nocturne - 2 sites fortement colonisés avec une grosse population de têtards et/ou juvéniles et/ou adultes. 11
Les caractéristiques de ces sites sont décrites dans le tableau ci-dessous : Nom du site Surface (m²) Périmètre (m) Intensité de colonisation Nombre de prélèvements Linéaire de prélèvement / kit Nombre adultes éliminés Nombre juvéniles éliminés Mare aux cerfs 7266 327 Faible 10 327 m 1 18 Etang des Fagotiers 953 114 Faible 10 114 m 1 6 Etang de la Ferme de Bry n 2 8512 508 Faible 10 150 m 5 0 Etang Genièvres 13927 464 Forte 10 464 m 13 98 et il en reste au moins autant Etang de la Busonnière 33670 933 Forte 20 466 m 23 53 et il en reste beaucoup plus Les résultats sont attendus. V. Perspectives 2013 La veille sera programmée en priorité sur les nouveaux sites découverts colonisés en 2013 et sur les sites périphériques à la zone colonisée afin d anticiper au mieux la progression de l espèce. Il serait très bénéfique d employer à nouveau la méthode basée sur l ADN à la fois comme révélateur d une nouvelle colonisation (comme en 2011) ou d une re-colonisation (comme en 2012). La carte ci-dessous permet de visualiser les sites où la veille environnementale aura lieu, soit 48 sites en veille classique (phare et jumelles) et 30 sites par la méthode novatrice «ADN environnemental». En moyenne, 2 kits seront nécessaires par site afin d échantillonner la totalité des berges. 60 kits devront au minimum être acquis, soit près de 7 200 ttc de matériel et de coût laboratoire. Ces chiffres provisoires sont indicatifs et peuvent évoluer en fonction des nouvelles informations qui arriveront en début de campagne de 2013. 12
VI. Conclusion La méthode de prospection nocturne, bien que chronophage, permet d avoir une réponse immédiate de l état de colonisation d un site. Cette réponse est malheureusement densité-dépendante et a montré à plusieurs reprises ses limites pour les sites très peu colonisés. Ainsi, les probabilités de découvrir une petite population sur un site sont réduites quand celui-ci possède une grande surface. Le taux de réussite diminue encore en cas de présence de femelles, plus difficilement repérables par l absence de chants. La méthode novatrice de détection par «ADN environnemental», quant à elle, est plus rapide à réaliser sur le terrain mais engendre un temps de latence incompressible du fait des manipulations réalisées en laboratoire. Par contre, la réponse est plus précise en détectant la colonisation d un site même si la population présente est faible. L organisation de 2 sessions de détection, assez tôt dans la saison, a permis d obtenir des résultats rapides et d adapter nos actions de tirs. Le facteur limitant constitué par le temps de latence s en trouve diminué. Ces deux méthodes sont donc complémentaires et il est essentiel de poursuivre cette double surveillance afin d optimiser l identification des sites colonisés et contrôler la zone de présence de l espèce. En 2012, la méthode impliquant l ADN a permis d observer la recolonisation de 2 sites et les actions de tir subséquentes ont permis d éradiquer rapidement l espèce sur l un d entre eux. Ces deux méthodes de veille, réalisées en accord avec les propriétaires et gardes, sont également l occasion de les sensibiliser à la détection de l espèce. C est ainsi que cette année, 3 sites nouvellement colonisés ont été identifiés en partie grâce au signalement de chants par des propriétaires (étang de la Passée et étang de la ferme de Milbert) et des employés communaux (nouveau lagunage de Chaumont-sur-Tharonne). Ce réseau de «sentinelles» renforce l efficacité de nos propres actions de veille environnementale. A l inverse, certaines personnes conscientes d héberger l espèce sur leur propriété, ne nous préviennent pas réduisant ainsi la réussite du programme d éradication. 13
VII. Annexes Rapport SPYGEN Session n 1 effectuée les 19 et 20 juillet 2012 14
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Rapport SPYGEN Session n 2 effectuée 21 au 23 août 2012 18
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