Troisième partie : anamnèse



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Transcription:

Robert Charland 1, Paule Salvail 2, Marie Champagne 3, Normand Aubre 4, Pierre Mackay 5, Richard Mercier 6, Sylvain Gagnon 7 et Élise Shoghikian 8 Traumatismes des dents antérieures primaires et permanentes Troisième partie : anamnèse Mots clés Traumatisme dentaire Anamnèse Examen clinique Examen radiologique Tests de vitalité pulpaire Photographie»Résumé Lors d une consultation de traumatisme buccodentaire, le dentiste procède à un examen clinique et radiologique rigoureux de la sphère orale. Les antécédents médicaux doivent être révélés et l historique des traumatismes, présents et passés, colligé. La consultation se termine par des tests de vitalité pulpaire et, dans certaines situations, par des photographies. Key Words Dental trauma Medical history Clinical examination Radiographic examination Pulpal vitality test Photography»Summary During an orodental trauma emergency visit, the dentist proceeds with a rigorous clinical and radiographic examination of the mouth and its surroundings. The medical history must be recorded and the trauma history, both past and present, documented. The visit ends with pulpal vitality tests and, in certain situations, photographs. 1 Professeur titulaire, département de santé buccale, Faculté de médecine dentaire. Université de Montréal 2 Pédodontiste, cabinet privé, ville de Brossard, Québec, Canada 3 Chargée de clinique, département de santé buccale, Faculté de médecine dentaire. Université de Montréal. Pédodontiste, cabinet privé, ville de Montréal, Québec, Canada 4 Professeur adjoint, résidence multidisciplinaire, hôpital pour enfants de Montréal, Université McGill. Endodontiste, cabinet privé, ville de Laval, Québec, Canada 5 Chargé de cours, résidence multidisciplinaire, Faculté de médecine dentaire. Université de Montréal. Prosthodontiste, cabinet privé, ville de Montréal, Québec, Canada 6 Chargé de formation et direction du programme de résidence multidisciplinaire, Faculté de médecine dentaire, Université de Montréal. Généraliste, cabinet privé, ville de Montréal, Québec, Canada 7 Chargé de cours, département de santé buccale, Faculté de médecine dentaire, Université de Montréal. Orthodontiste, cabinet privé, ville de Montréal, Québec, Canada 8 Chargé de cours, département de santé buccale, Faculté de médecine dentaire, Université de Montréal. Parodontiste, cabinet privé, ville de Montréal, Québec, Canada 63 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006

Examen clinique du patient En cas de traumatisme dentaire, il est essentiel de regrouper toutes les données sur une fiche de soins propre à cet effet. Ce document permettra d optimiser les traitements. Outre les précisions médicales et dentaires, on doit y retrouver : Figure 1a. Cicatrice du menton le lieu et l heure de l accident ; la présence ou l absence de témoins ; les circonstances du traumatisme (véhicule, objet, etc.) ; le milieu de la conservation de la dent, s il y a lieu. Nous proposons d abord de colliger les données suivantes : 1. Généralités : nom, âge, sexe et coordonnées, incluant les numéros de téléphone et adresse de courriel, s il y a lieu Figure 1b. Fractures coronaires des dents 1.5 et 1.6, suite à un choc au menton L'âge du patient est significatif car le pronostic de certaines thérapeutiques, notamment pulpaires, peut être plus ou moins réservé en fonction de ce paramètre. À titre d exemple, le potentiel de guérison des dents immatures est supérieur à celui des dents matures. 2. Antécédents médicaux Questionnaire de santé Figure 2a. Lacération gingivale et déplacement apical du lambeau, six jours après le traumatisme Figure 2b. Oblitération canalaire de la dent 6.1 qui résulte non pas du traumatisme présent mais bien d un traumatisme antérieur a) Votre enfant est-il actuellement suivi par un médecin? b) Prend-il des médicaments? c) A-t-il déjà été hospitalisé? d) Souffre-t-il d'allergies? e) Blessé, saigne-t-il longtemps? f) Y a-t-il d autres informations importantes, médicales, dentaires ou autres, qui n'ont pas encore été mentionnées et que nous devrions savoir au sujet de votre enfant? Un bref historique médical pourrait révéler une allergie, un diabète, un problème d épilepsie, un problème sanguin, une cardiopathie, une immunodéficience ou toutes autres conditions pouvant modifier le traitement. Une consultation médicale éventuelle pourrait aussi être envisagée. 64 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006

3. État neurologique Y a-t-il eu une période d inconscience? Si oui, de quelle durée? Maux de tête? Amnésie? Nausée? Vomissement? Troubles de la vue? Saignements du nez ou des oreilles? La perte de conscience a-t-elle eu lieu au moment de l accident ou suite à l accident? Sachez qu une perte de conscience peut se produire plusieurs heures après l accident et que tous ces signes et symptômes peuvent signaler un traumatisme crânien. Dans de telles situations, le patient doit immédiatement être conduit au service d urgence d un centre hospitalier. Figure 3. Oblitération canalaire de la dent 2.1 provenant d un traumatisme antérieur 4. Où, quand et comment s'est produit le traumatisme? a) Où a eu lieu l accident? La réponse à cette question permet d'évaluer les risques de contamination des plaies (terre, gravier, sable, etc.) et, au besoin, d'instaurer une antibiothérapie et/ou une toxine antitétanique 1,2. Enfin, des mesures légales peuvent s imposer de par le lieu. Figure 5. Abrasion de la lèvre supérieure et de la joue gauche Figure 4 Hématome périorbitaire et abrasion de l aile du nez et de la lèvre supérieure gauche suite à un accident de la route Figure 6. Œdème et abrasion de la lèvre supérieure gauche b) Quand l accident a-t-il eu lieu? Le moment précis de l accident consiste en un paramètre décisif qui influence le choix de traitement, particulièrement dans les cas d exposition pulpaire et de luxation dentaire. Une intervention rapide permettra de procéder au coiffage direct d'une exposition pulpaire et à la réimplantation d une dent avulsée, s il y a lieu. Tout retard, de la part des parents, dans la quête de traitement doit éveiller chez le dentiste des soupçons d enfant abusé. De même, toute incohérence entre les lésions observées et l historique rapporté par les parents doit aussi éveiller des doutes 3. c) Comment s est produit l accident? La réponse à cette question identifie certaines structures dentaires à examiner. Exemple, un impact au menton (fig. 1a et 1b) peut causer une ou des fractures coronaires des dents postérieures et léser l'articulation temporomandibulaire, comme dans le cas d une fracture des condyles. Un choc au menton peut engendrer une douleur qui irradie jusqu aux oreilles. 65 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006

5. Renseignements sur les traitements déjà effectués Des soins reçus depuis l'accident peuvent masquer la gravité du traumatisme et/ou compliquer le diagnostic. À titre d'exemple, une fracture coronaire restaurée peut cacher une exposition pulpaire. Toute médication prescrite depuis l accident doit aussi être connue. Certains patients peuvent déjà avoir été traités pour le traumatisme actuel et reçu des antibiotiques et/ou analgésiques avant même de se présenter à votre cabinet. La double prescription doit être évitée. Figure 7. Hématome périorbitaire 6. Renseignements sur d anciens traumatismes : dates, types de traumatisme, traitements Une dent traumatisée peut avoir été le siège d un traumatisme antérieur. Un ancien traumatisme peut expliquer certaines observations cliniques et radiographiques qui ne concordent pas avec le présent traumatisme, par exemple une oblitération canalaire (fig. 2a, 2b et 3), une édification radiculaire incomplète, une nécrose pulpaire, une résorption radiculaire, etc. Une anamnèse rigoureuse aide à différencier les signes et les symptômes cliniques du traumatisme actuel d un traumatisme antérieur. 7. Examen exobuccal a) Tissus mous Examen des téguments (fig. 4, 5, 6, 7 et 8) ; examen des plaies du visage, des lèvres et du menton ; recherche d hématomes. Figure 8. Abrasion du menton et oedème de la lèvre inférieure b) Tissus durs La palpation des rebords osseux (nez, massifs sous orbitaires, symphyse et l angle mandibulaire), si douloureuse, peut révéler une ou des fractures osseuses ; une limitation ou une déviation de la mandibule à l'ouverture peut signaler une fracture condylienne et/ou un déplacement méniscal. 66 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006

8. Examen endobuccal Figure 9a. Ulcération, sept jours après le traumatisme a) Tissus mous Recherche de lésions de la muqueuse buccale et gingivale et questionnement sur la nature de ces lésions, notamment la présence de lacérations de freins, d'hématomes et d ulcérations ; palpation. Une palpation minutieuse permet de déceler la présence de corps étrangers, tels graviers, fragments dentaires ou autres (fig. 9a, 9b, 9c et 9d). Figure 9b. Fragments d émail b) Tissus durs Recherche de fractures coronaires ; recherche de déplacements dentaires ; évaluation de la mobilité dentaire ; recherche de douleur aux stimuli thermiques, à la percussion et douleur spontanée ; palpation des procès alvéolaires. Le test de mobilité précise l amplitude de la mobilité des dents. Une mobilité en direction axiale peut signaler une rupture du paquet vasculo-nerveux, tandis que la mobilité d un groupe de dents peut indiquer une fracture alvéolaire. Figure 9c. Persistance d ulcération, 7 jours après la première intervention Figure 9d. Fragments d émail qui n ont pas été retirés lors de la première intervention Le degré de mobilité est exprimé sur une échelle de 0 à 3 4 0 = aucune mobilité 1 = mobilité en direction horizontale de 1mm 2 = mobilité en direction horizontale de 1mm 3 = mobilité en direction axiale. Le degré de mobilité doit toujours être évalué en fonction d une dent saine. Le test de percussion, effectué à l aide d un manche d instrument, permet d'évaluer la sensibilité de la dent et le son obtenu. Pour un jeune enfant, la sensibilité peut être évaluée à l aide d un doigt. La sensibilité à la percussion révèle une atteinte au ligament parodontal et/ou au paquet vasculo-nerveux. Une percussion à la face labiale génère soit un son sourd, soit un son clair (métallique). Le son clair témoigne d une dent bloquée dans l os, comme dans les cas 67 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006

d intrusion. On peut même percevoir la vibration provoquée par l instrument quand il s agit d une dent avec un ligament parodontal sain. Dans le cas d ankylose, la vibration est imperceptible. c) Occlusion L analyse des anomalies d intercuspidation peut révéler des luxations dentaires, des fractures des maxillaires, des fractures radiculaires ou condyliennes. 9. Examen radiographique Figure 10a. Prise d une radiographie occlusale supérieure avec un film nº 2 L examen radiographique est effectué préférablement à l aide d un angulateur. L incidence du rayon et le choix de type de film dépendent du traumatisme, de l âge et de la coopération du patient. Figure 10b. Cliché occlusal supérieur Plusieurs études préconisent l importance de multiples radiographies afin d objectiver les déplacements dentaires lors de l examen d urgence, ainsi que pour diagnostiquer les pathologies périapicales lors de visites de contrôle. a) Examen radiographique endobuccal Un cliché occlusal utilisant un film nº 2 (DF 58) (fig. 10a et 10b) permet d objectiver les luxations latérales, les fractures radiculaires du tiers apical et du tiers moyen, ainsi que les fractures alvéolaires. Le cliché rétroalvéolaire fournit des précisions sur les fractures radiculaires du tiers cervical et autres types de traumatisme par déplacement. Combinez l incidence habituelle avec deux clichés excentrés latéralement de 15 à 20 à la dent en cause. Figure 11. Prise d une radiographie latérale avec un film nº 4 Figure 12. Prise d une radiographie latérale avec un film nº 4 retenu par un adulte b) Examen radiographique exobuccal Le cliché panoramique s impose dans les cas d incertitude de fractures des maxillaires. Le cliché latéral obtenu à l aide d un film nº 4 (fig. 11 et 12) est recommandé pour localiser, lors d une luxation en intrusion, la proximité de l apex d une incisive centrale primaire de la couronne d une dent permanente 5,6,7. Dans ce cas, insérez le film perpendiculairement au plan occlusal, parallèle au grand axe de la dent ingressée et dirigez le rayon à 90. Le cliché latéral nécessite un temps double d exposition. Évaluez le stade de développement de la racine. 68 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006

c) Techniques radiographiques Les radiographies mettent en évidence et valident le diagnostic d une intrusion, d une avulsion, d une fracture radiculaire ou d une atteinte aux dents permanentes. Dans la plupart des cas, on utilise les techniques classiques de radiographie. Cependant, certaines variations s imposent pour les jeunes enfants en raison de leur taille et leur degré de coopération 8,9,10. Figure 13a. Prise d une radiographie occlusale supérieure avec un film nº 4 Figure 14a. L adulte immobilise l enfant tandis qu une tierce personne retient le film Figure 13b. Cliché occlusal supérieur Figure 14b. Les jambes entrecroisées de l adulte immobilisent les jambes de l enfant Le contact parent/enfant est essentiel lors de la prise de radiographies pour sécuriser l enfant. Si la mère est enceinte, elle se fait accompagner d un adulte, car elle ne peut aider à la prise des radiographies. Nous conseillons d asseoir l enfant sur les cuisses de l adulte qui retient à la fois l enfant et le film. Les deux regardent dans la même direction, la tête de l enfant appuyée sous l aisselle de l adulte. Le bras gauche de l adulte immobilise le corps et les bras de l enfant ; ses jambes, entrecroisées, retiennent celles de l enfant tandis que la main droite immobilise le film. Le cliché est effectué avec un film nº 0 ou nº 2. Pour les très jeunes enfants, on choisira plutôt un film nº 4, plus facile à manipuler (fig. 13a, 13b, 14a et 14b). Lorsque les incisives inférieures sont atteintes, une situation plutôt rare en denture primaire, on incline la tête de l enfant légèrement vers l arrière et on place le cône sous le menton, orienté vers l apex des racines des dents primaires (fig. 15a et 15b). La radiographie doit exposer les couronnes et les racines des incisives primaires, ainsi que les couronnes des incisives permanentes. d) Radiographie des tissus mous Les lésions à la lèvre peuvent dissimuler des fragments de couronnes dentaires enfouis dans les plaies (fig. 16a, 16b, 16c et 16d). Soulignons que le muscle orbiculaire masque ces corps étrangers, les rendant impalpables et seule une radiographie peut les mettre en évidence. Interposez le film entre les lèvres et les dents et réduisez le temps d exposition du cliché de la moitié. Une fois les fragments retirés et les plaies débridées, effectuez une radiographie de contrôle pour vérifier si tous les corps étrangers ont été retirés. 69 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006

10. Tests de vitalité pulpaire Stimulation thermique au froid ; stimulation électrique. Le test au froid sera suivi d un test électrique. Le test électrique doit être effectué dans les meilleurs délais car il fournit d importants renseignements sur l état neurovasculaire de la dent lésée. Soulignons que les tests de vitalité pulpaire ne sont d aucune fiabilité lors d une consultation d urgence 11 pour deux raisons : Figure 15a. Prise d une radiographie occlusale inférieure avec un film nº 2 une dent traumatisée peut répondre négativement et fausser les tests de vitalité pulpaire pour une durée de deux à six mois suite à un traumatisme ; les dents avec un apex non complété ne répondent pas de façon fiable au test de vitalité pulpaire, le plexus nerveux sensitif de la racine n ayant pas encore atteint sa maturité 12,13,14,15. En colligeant l historique du traumatisme et les résultats de l examen, une bonne appréciation de la vitalité pulpaire peut être obtenue 16. À éviter, les tests de sensibilité pulpaire des dents primaires en raison du manque de coopération de l enfant et de sa difficulté d'appréciation. Bien que ces tests soient simples d exécution, le dentiste se doit de bien expliquer leur nature et leur déroulement car l appareillage peut effrayer le jeune patient. 11. La prise de photographies Figure 15b. Cliché occlusal inférieur On recommande la prise de photographies car celles-ci complètent la documentation du traumatisme et peuvent servir ultérieurement à d autres traitements, ainsi qu aux formulaires médico-légaux, à la recherche clinique et à l enseignement. 70 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006

Figure 16a. Tissu cicatriciel à la lèvre supérieure droite Figure 16b. Vue rapprochée Figure 16c. Vue linguale Figure 16d. Cliché radiologique montrant une balle de plomb Bibliographie Demande de tirés à part Dr Robert Charland Université de Montréal Faculté de médecine dentaire C.P. 6128, Succ. Centre-Ville Montréal (Québec) H3C 3J7 1. Mackie IC, Warren VN. Dental Trauma : 1. General Aspects of Management, and Trauma to the Primary Dentition. Dent Update 1988 ; 15(4) : 155-6, 158-9. 2. Mackie IC, Blinkhorn AS. Dental Trauma : I. General History, Examination and Management of Trauma to the Primary Dentition. Dent Update 1996 ; 23(2) : 69-71. 3. Naulin-Ifi C. Polytraumatismes des dents et du parodonte. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris) Odontologie, 23-008-A-10, 1998, 12p. 4. Andreasen JO, Andreasen FM, Backland LK, Flores MT. Examination and Diagnosis. In: Andreasen JO, Andreasen FM, Backland LK, Flores MT. Traumatic Dental Injuries A Manual 2 e éd. Copenhagen: Blackwell Munksgaard, 2003 : 18-9. 5. Demars-Fremault C, Assouad A. Traumatismes dentaires chez l'enfant. Encycl Méd Chir (Paris-France). Stomatologie-Odontologie. 23410 E 10, 1992, 8 p. 6. Schwartz S. La radiographie latérale en traumatologie odontologique pédiatrique. J Odonto-Stomatol Pediatr 1990 ; 1(1) : 25-36. 7. Schwartz S. Importance de l examen radiologique en traumatologie. Real Clin 2002 ; 13(1) : 7-16. 8. Bricker, SL. and Kasle, MJ. Radiographic techniques. In : McDonald RE, Avery DR. 6 e éd. Dentistry for the Child and Adolescent, St. Louis : Mosby 1994 : 62-81. 9. Curzon, MEJ, Roberts, JF. et Kennedy, DB. Radiographic techniques. In : Curzon, MEJ, Roberts, JF. et Kennedy, DB. 4 e éd. Kennedy s Paediatric Operative Dentistry, Oxford : Butterworth-Heinemann 1996 : 35-46. 10. Espelid I. Radiographic examination and diagnosis. In : Knoch G, Poulsen S. 1 re éd. Pediatric Dentistry A Clinical Approach, Copenhagen : Munksgaard 2001 : 99-117. 11. Fortier JP, Aldin P. et al. Les traumatismes des incisives permanentes de l enfant et de l adolescent. Les traitements d urgence. Chir Dent Fr 1991 ; 580 : 9-15. 12. Klein H. Pulp Responses to an Electric Pulp Stimulator in the Developing Permanent Anterior Dentition. ASDC J Dent Child 1978 ; 45 : 199-202. 13. Jacobsen I, Kerekes K. Long-term prognosis of traumatized permanent anterior teeth showing caicifying processes in the pulp cavity. Scand J Dent Res 1975 ; 83 : 355-64. 14. Bender IB, Freedland JB. Clinical considerations in the diagnosis and treatment of intra-alveolar root fractures. JADA 1983 ; 107 : 595-600. 15. Fulling HJ, Andreasen JO. Influence of maturation status and tooth type of permanent teeth upon electrometric and thermal pulp testing. Scand J Dent Res 1976 ; 84 : 286-90. 16. Rafter M. Apexification : a review. Dent Traumatol 2005 ; 21 : 1-8. 71 Journal dentaire du Québec Volume 43 Février 2006