Note sur l Amnistie en République Démocratique du Congo (RDC) Décembre 2004



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UNITED NATIONS United Nations Mission in the Democratic Republic of the Congo NATIONS UNIES Mission de l Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo MONUC CHILD PROTECTION SECTION Justice et Mineurs I. Introduction Note sur l Amnistie en République Démocratique du Congo (RDC) Décembre 2004 Document de Discussion relatif aux enfants La loi portant amnisties en République Démocratique du Congo aurait pour objectif de réaliser la réconciliation nationale dans le but d achever une paix durable. Néanmoins, il est autant nécessaire pour une paix durable de mettre fin à l impunité et de poursuivre ceux qui sont responsables des graves violations des droits humains. Dans ce but, le point III alinéa 8 de l Accord Global et Inclusif sur la transition en République Démocratique du Congo stipule : «Afin de réaliser la réconciliation nationale, l amnistie sera accordée pour les faits de guerre, les infractions politiques et d opinion, à l exception des crimes de guerre, des crimes de génocide et des crimes contre l humanité. A cet effet, l Assemblée nationale de transition adoptera une loi d amnistie conformément aux principes universels et à la législation internationale» (souligné par nous). Dans ce document, nous nous limiterons à discuter, d abord, si l amnistie devrait s appliquer ou non aux personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de commettre des crimes normalement exclus d amnistie. Nous aborderons également la question de savoir si certaines violations des droits de l enfant, notamment le recrutement et l utilisation d enfants dans le conflit armé, devraient être exclus d amnistie. On étudiera donc les questions suivantes : a. Est-il dans l intérêt, et de l enfant et de la justice, d accorder une amnistie aux enfants pour des crimes qu ils auraient commis pendant qu ils étaient associés aux forces ou groupes armées? b. Le recrutement d enfants, devrait-il être inclut parmi les crimes normalement non amnistiables? Il. II. a. Questions Application de l amnistie aux enfants associés aux forces ou groupes armés IlI. a.a. L intérêt supérieur de l enfant 1 En RDC, des dizaines des milliers d Enfants ont été Associés aux Forces et Groupes Armés (EAFGA), recrutés de force ou volontairement. Une grande partie d entre eux ont participé, de manière directe ou indirecte, dans le conflit armé (ex. utilisés comme porteurs de munitions, escortes, messagers, «femmes» de commandants, ou pour participer dans les hostilités) 2. Au cours des entretiens avec des enfants démobilisés par des agences chargées de la protection de l enfance, de nombreux enfants ont témoigné avoir commis ou participé dans la commission d atrocités. 1 Voir International Criminal Justice and Children, UNICEF Innocenti Research Centre, September 2002. Aussi, Juvenile Justice and Child Soldiering: Trends, Challenges and Dilemmas by Christina Clark, Coalition to Stop the Use of Child Soldiers 2 Est un Enfant Associé aux Forces ou Groupes Armées (EAFGA) toute personne âgée de moins de 18 ans utilisée par une force armée ou un groupe armé régulier ou irrégulier, quelle que soit la fonction qu elle exerce, notamment mais pas exclusivement celle de cuisinier, porteur, messager et toute personne accompagnant de tels groupes qui n est pas un membre de leur famille. Cette définition englobe les filles utilisées à des fins sexuelles et pour des mariages forcés. Elle ne concerne donc pas uniquement les 1

La question juridique et morale qui se pose est de savoir si ces enfants, qui ont été d abord victimes du recrutement (même si volontaires) - certains des leur très bas age, devraient être traités comme victimes de graves violations de leurs droits et non pas comme responsables pour des exactions qu ils auraient commis pendant qu ils étaient associés aux forces ou groupes armées. Au fond, la question fondamentale et la plus difficile est de pouvoir déterminer et réaliser l intérêt supérieur de ces enfants. Il faut d abord distinguer deux cas d espèce: les enfants qui auraient été responsables pénalement au moment des faits et ceux qui ne l auraient pas été. Enfants n étant pas pénalement responsables En RDC, la loi n établit pas clairement l âge minimum au-dessous duquel les enfants sont présumés ne pas avoir la capacité légale d'enfreindre la loi pénale et ne sont pas donc pénalement responsables. Les enfants légalement pénalement irresponsables devraient être assistés par des mesures (administratives) d assistance sociale/éducative et de protection plutôt qu être menés devant un tribunal. Or, la loi sur l Enfant Délinquant, régissant la procédure et les mesures applicables aux enfants délinquants de moins de 16 ans, établit une procédure judiciaire spéciale pour les dits mineurs. Ceux qui ont entre 16 et 18 ans sont traités comme des adultes aux fins de la procédure pénale et des décisions judiciaires applicables. Si 16 ans était considéré comme le seuil au dessous duquel l enfant n est pas responsable, la question de l amnistie ne se pose pas pour les mineurs de moins de 16 ans, car l enfant serait présumé ne pas avoir la capacité d'enfreindre la loi pénale et ne pourrait donc pas être condamné. Selon la pratique en RDC, la loi implique que l enfant de moins de 16 ans est responsable mais traité de manière spéciale. 3. Vis-à-vis de l enfant mineur, le juge peut ordonner certaines mesures de garde, de rééducation et de suivi prévues par la loi. Ces mesures seraient d autant plus nécessaires aux enfants qui ont commis des atrocités, ceci étant une des expériences les plus traumatiques et qui souvent entraîne des ruptures avec la famille et/ou la communauté. Ainsi, si un enfant de moins de 16 ans aurait commis des actes exclus d amnistie (i.e. crimes contre l humanité, crimes de guerre et génocide) il semble servir plus l intérêt de l enfant de bénéficier des mesures spéciales de garde et de rééducation prévues par la loi. Au lieu de bénéficier d une amnistie générale en tant que mineur, et donc ne pas nécessairement bénéficier d une réhabilitation appropriée. Ceci dit, faut-il que, dans la pratique, ces procédures judiciaires appliquées ne stigmatisent et traumatisent pas l enfant d avantage. Enfants responsables pénalement Si l enfant avait plus de 16 ans au moment de la commission des infractions, la loi congolaise dispose que l enfant doit être traité comme adulte pénalement. (Ce qui est d ailleurs en contradiction avec les normes internationales sur la justice juvénile pour tout enfant de moins de 18 ans ratifiées par la RDC). 4 Cela dit, l enfant pourrait ne pas être responsable des actes lorsque existent des facteurs qui excluent la responsabilité pénale. Par exemple, la commission de l acte sous l effet d intoxication (sauf si celle ci est volontairement cherchée pour commettre l acte), sa commission forcée, ou en légitime défense. Ceci doit être souligné car en RDC des EAFGAs ont été forcés à commettre des crimes. enfants qui sont armés ou qui portent des armes». Principes de Cap, adoptés au Symposium du 27-30 avril 1997 à Cape Town, Afrique du Sud. Cette définition est celle utilisée dans le Cadre Opérationnel Intérimaire pour la prévention, le retrait et la réintégration des enfants associés aux forces ou groups armés en RDC, février 2004. 3 Art.1 de la Loi sur l Enfant Délinquant 4 La Convention sur les Droits de l Enfant et la Charte Africaine sur les Droits et le Bien-être de l'enfant 2

L age du mineur à l époque et les circonstances du recrutement devront être considérés comme circonstances atténuantes par le juge. Ceci mérite aussi d être soulevé car en RDC, une grande partie d enfants congolais associés aux forces ou groupes armés ont été recrutés par force, dont une grande partie avaient moins de 15 ans. En absence desdits facteurs excluant la responsabilité pénale, il est dans l intérêt de l enfant pénalement responsable qui serait l auteur des actes exclus d amnistie (i.e. crimes contre l humanité, crimes de guerre et génocide), d avoir accès à un procès équitable, suivi des mesures de rééducation appropriées. Il faut souligner que la justice pour mineurs doit avoir comme bout principal de réintégrer l enfant en conflit avec la loi et de l aider à jouer un rôle constructif dans la société en respectant les droits des autres. La punition n est donc pas l objectif de la condamnation. Ceci dit, il vaudrait bien tenir compte des politiques et solutions mises en place dans d autres pays confrontés à des situations similaires. Expériences internationales Au Rwanda, ou de nombreux enfants ont participé au génocide, il fut décidé que ceux de moins de 14 ans au moment des faits, en étant 14 le seuil minimum d age de responsabilité pénale, ne seraient pas poursuivis par la justice. Pour ceux qui avaient entre 14 et 18 ans, ils seraient poursuivis dans des cours nationales locales. Or, pour raccourcir les délais de jugements des milliers de prévenus accusés de génocide, étant entassés dans des cachots attendant d être jugés, en 2001 il fut nécessaire faire recours a une mécanisme de justice traditionnelle locale plus expéditive, les Gacaca. Les Gacaca visent les crimes mineurs, i.e. les personnes qui ont participé mais non pas ordonné ou planifié le génocide. Ainsi, au lieu de continuer avec l institutionnalisation voire l emprisonnement d enfants accusés de génocide, ceux qui étaient des mineurs responsables au moment des faits, ont avoué des crimes devant la communauté et ont participé dans des travaux d intérêt général comme réparation. Le Statuts et les Règles de Procédure et de Preuve du Tribunaux Pénaux Internationaux pour le Rwanda et pour l ex Yougoslavie 5, ils n ont pas expressément exclu les mineurs de leurs compétences. Mais, à ce jour, aucun mineur à l'époque des faits n a été poursuivi par ces tribunaux. En Sierra Leone, le Statut de la Cour Spéciale dispose expressément que la Cour peut poursuivre des jeunes qui avaient entre 15 et 18 ans au moment des crimes. Car, le recrutement d enfants n étant pas interdit à l époque que pour ceux de moins de 15 ans, il fut censé que l exclusion des poursuites des enfants entre 15 et 18 ans pourrait encourager leur utilisation dans la commission des crimes. Mais le Statut établit des procédures appropriées pour des mineurs éventuellement poursuivis par la Cour, ainsi que le non emprisonnement des mineurs mais leur réhabilitation. De plus, le Procureur de la Cour a dit clairement que la Cour vise «ceux qui ont recruté des milliers d enfants et qui les ont forcé à commettre des crimes inexprimables» 6 Enfin, il faut signaler que le fait que la Cour Pénal Internationale (CPI) n ait pas de compétence sur des personnes de moins de 18 ans, n indique pas une volonté d impunité pour les actes commis par des mineurs devant des cours internationales. A l époque de l adoption du Statut de la CPI, des agences sur la protection de l enfance avaient fait du lobbying pour exclure la compétence de la CPI sur les enfants de moins de 18 ans. Ceci, en argumentant que des voies de justice internationales sont moins bien placées pour juger des mineurs, où l attention doit porter sur la rééducation et non la punition. En plus, la CPI a premièrement pour but de juger les autorités militaires et politiques responsables pour la commission de plus graves crimes, laissant a la justice nationale la poursuite et jugement des auteurs des crimes mineurs ou portant moins de responsabilité dans la chaîne de commandement. II.a.b. L intérêt de la société Il est dans l intérêt de la société que de graves violations des droits humains ne tombent pas dans l oubli, que la vérité soit connue et qu il y ait des formes de réparation pour les victimes. 5 Voir Children and Armed Conflict, A guide to international humanitarian and human rights law, by Rachel Harvey, International Bureau For Children s Rights, 6 3

Certains avancent qu une politique d amnistie générale pour tous les enfants qui auraient commis des crimes pendant leur association aux forces/groupes armées (comme en Ouganda), encouragerait plus encore l impunité dans le futur. Car des commandants utiliseraient des enfants dans la commission des crimes avec toute impunité. Mais on pourrait aussi avancer que cette politique d amnistie pour les enfants est le revers d une politique de non impunité vis-à-vis les commandants qui auraient utilisé des enfants dans la commission des crimes. Le recours aux mécanismes de réconciliation et contre l impunité ont été utilisés pour des cas d enfants auteurs ou victimes des crimes. Les Commissions Vérité et Réconciliation permettent d adresser l impunité, tout en donnant à l enfant la possibilité de raconter son histoire et permettant que les abus contre des enfants soient connus par la communauté. La participation des enfants dans le processus de paix et les mécanismes de réconciliation sont clés, car les enfants en RDC ont été profondément affectés par le conflit - dont un grand nombre comme des victimes directes de crimes, comme témoins et parfois comme auteurs. Il faut noter qu en ce qui concerne l actuelle Commission Vérité et Réconciliation en RDC, elle soulève des doutes légitimes sur sa capacité éventuelle d offrir une protection et un cadre appropriés aux enfants. II.b. Application de l amnistie aux responsables pour le recrutement d enfants L actuel projet de loi sur l amnistie définit comme faits de guerre parmi les actes amnistiables les actes inhérents aux opérations militaires et autorisés par les lois et coutumes de guerre, qui, à l occasion de la guerre, ont causé un dommage à autrui. Il faut d abord signaler que si des actes sont autorisés par les lois de la guerre, ils ne devraient pas normalement constituer des infractions et ils seraient donc hors du cadre d une amnistie. Ensuite, comme le projet de loi n indique pas quels actes de guerre sont amnistiables, cela pourra donner lieu à des pratiques arbitraires dans l application du texte. Notamment, le recrutement d enfants n est pas expressément listé parmi les crimes exclus d amnistie. Pour ce qui concerne les enfants de moins de 15 ans, leur recrutement et leur utilisation pour participer dans les conflits armés constituent des crimes de guerre, en droit national congolais et en droit international. Quant au droit international, le recrutement et l utilisation 7 des enfants de moins de 15 ans pour participer dans les conflits armés (internationaux ou internes) ont été reconnus comme crimes de guerre pouvant être poursuivis par la Cour Pénale Internationale (CPI) 8. La RDC a ratifié le Statut établissant la CPI en 2000, et en ayant un système moniste 9, les provisions substantives du traité font partie du droit interne. En vertu de la Constitution de la Transition (Art.194), les traités internationaux ont une hiérarchie supérieure a celle des lois nationales. Notez que le fait de donner des ordres aux enfants associés aux forces ou groupes armés de commettre des crimes serait une forme d «utilisation des enfants dans le conflit armé», ce qui constitue un crime de guerre comme vient d être indiqué. En ce qui concerne la législation nationale, l'art. 173 du Code Pénal Militaire congolais dispose que : "par crime de guerre, il faut entendre toutes infractions aux lois de la République commises pendant la guerre et qui ne sont pas 7 Les Principes de Cape Town de 1997 définissent les enfants associes aux forces ou groupes armés comme. Cette définition a été adoptée par la RDC pour son programme national de DDRR. 8 Voir Art.8.2.b xxvi et Art. 8.2.evii. 9 La RDC à un système moniste, ce qui veut dire que des leur ratification par l Etat, les traités internationaux font directement partie du droit interne. 4

justifiées par les lois et coutumes de la guerre". La RDC a ratifié les Protocoles Additionnels aux Conventions de Genève (applicables pendant les conflits armés internes et internationaux), qui obligent les États parties et les groupes armés a s'abstenir de recruter des enfants de moins de 15 ans. En tant que crime de guerre, le recrutement d enfants de moins de 15 ans est donc exclu d amnistie. Ainsi, a titre d exemple, le Statut de la Cour Spéciale pour la Sierra Leone inclut expressément parmi les crimes relevant de la compétence de la Cour, le recrutement d enfants de moins de 15 ans dans des forces ou groupes armées afin de participer activement dans le conflit (Art.4 c du Statut). Dans plusieurs résolutions, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a expressément demandé aux États Membres «de mettre fin à l impunité et de poursuivre les responsables de génocide, de crimes contre l humanité, de crimes de guerre et autres crimes abominables commis contre des enfants» 10, ainsi que «d exclure autant que possible ces crimes des mesures d amnistie et des actes législatifs du même ordre, et de veiller à ce que les mécanismes de recherche de la vérité et de réconciliation mis en place après les conflits s occupent des abus graves dont les enfants ont été victimes» 11 En ce qui concerne le recrutement d enfants qui avaient entre 15 et 18 ans au moment des faits, le recrutement d enfants de moins de 18 ans est une violation de la Constitution de la Transition (Art.184) et des lois nationales applicables en temps de paix et de guerre en RDC. Tels que les Arts 113 et 114 du Code Pénale Militaire sanctionnant la violation des consignes, une desquelles est le non recrutement des enfants ordonné par la loi sur la défense. En plus, le Décret loi 066 prévoit la démobilisation des enfants de moins de 18 ans. L actuel avant Projet de Loi portant mise en oeuvre du Statut de la Cour Pénale Internationale (qui devrait être présenté au Parlement congolais prochainement), sanctionne expressément comme crime de guerre le recrutement et l'utilisation d'enfants de moins de 18 ans par les forces ou groupes armés. Elle établit donc des peines pour les recruteurs d enfants de moins de 18 ans, en conformité avec le Protocole Facultatif à la CDE de 2002 concernant les Enfants et les Conflits Armés, et la Charte Africaine des Droits et du Bien Etre de l Enfant, ratifiés par la RDC. Dans la pratique, cependant, pour des raisons d efficacité juridique, on pourrait se confronter au besoin d établir des priorités pour des poursuites criminelles, par exemple en commencant par poursuivre les crimes les plus graves. En ce qui concerne le recrutement et l utilisation d enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés, cela a été largement considéré comme une violation grave des lois de la guerre et des droits de l enfant, même reconnu par la communauté internationale et par la RDC comme un crime de guerre. E crime doit être donc exclu d amnistie, conformément aux principes universels et à la législation internationale», tel que prévu par le projet de loi sur l amnistie. Pourtant deux possibles conséquences fondamentales sur la protection des enfants doivent être sérieusement examinées: - Le risque que des poursuites criminelles ou des menaces de poursuites paralyse la libération des enfants par leurs commandants aux fins de leur démobilisation, - Le risque de représailles contre les enfants démobilisés, ou encore associés aux forces ou groupes armées. III. Conclusions Vu l intérêt et des enfants qui auraient commis des atrocités, et des victimes et de la société, il est recommandé que : - Tout enfant de moins de 18 ans associé aux forces ou groupes armés qui aurait commis des crimes non amnistiables bénéficie des mesures spéciales visant à sa rééducation, réintégration et protection, en conformité avec les normes 10 Résolutions No. 1314 (2000), No. 1379 (2001), No. 460 (2003) et No. 1539 (2004) 11 Résolution No. 1314 (2000) 5

internationales sur la justice juvénile. Le juge devra aussi tenir compte des circumstances atténuantes, tels que l age de l enfant et son recrutement illégal. - Vu les déficiences et les délais du système judiciaire 12 actuel en RDC, et des structures administratives existantes pour les enfants en conflit avec la loi, d autres formes de justice expéditive, réunissant les garanties d un procès équitable (droit a la défense, voie de recours) devront être explorées. Il y a ainsi intérêt a avoir recours aux mécanismes alternatifs de justice restauratrice (ex. la médiation avec des victimes) ou traditionnelle appropriées. Bref, des formes de justice traditionnelles plus appropriées et rapides, visant la réhabilitation et la réintégration de l enfant, devront être considérées comme alternatives aux procédures et mesures judiciaires existantes - Les personnes responsables d avoir ordonné aux enfants de moins de 15 ans de commettre des crimes, ou celles qui, ayant du le savoir et l empêcher ne l ont pas fait, doivent être punis pour l utilisation des enfants dans le conflit, qui est aussi un crime de guerre non amnistiable. - Le recrutement d enfants de moins de 15 ans, en étant reconnu par la RDC et la législation internationale comme crime de guerre, devra être exclu d amnistie. Ce crime devrait être expressément exclue d amnistie dans le texte de la loi sur l amnistie ou dans des dispositions sur sa mise en oeuvre - Les personnes responsables du recrutement des mineurs entre 15 et 18 ans au moment des faits devront aussi être poursuivies pour des violations de la loi pénale militaire et des normes internationales relatives à la protection des enfants dans des conflits (i.e. violation des consignes sanctionnée par le Code Pénal Militaire et le Protocole Additionnel de la CDE). - Les conséquences sur la protection des enfants des possibles poursuites doivent être examinées. Daniela Baro MONUC CP Kinshasa December 2004 12 Par exemple, l absence de juge spécialises pour enfants et d assistants sociaux opérationnels qui puissent assister et suivre l enfant pendant le procès et après 6