Rôle des activités humaines sur les variations observées des événements extrêmes

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Transcription:

Rôle des activités humaines sur les variations observées des événements extrêmes S. Planton et A. Ribes Météo-France, CNRM-GAME «Vingt-troisièmes Entretiens» du Centre Jacques Cartier, Quelques définitions La détection est le processus de démonstration que le climat a changé, selon un certain sens statistique, sans donner la raison de ce changement. Les méthodes les plus simples sont basées sur l analyse de tendances. Pour les méthodes dites «formelles» de détection, des tests statistiques sont appliqués pour montrer que les observations contiennent un signal de changement d origine «externe» au système climatique se distinguant de sa variabilité «interne». L attribution des causes d un changement climatique est le processus qui consiste à établir les causes les plus probables du changement détecté avec un certain niveau de confiance. Dans les méthodes «formelles» d attribution, les réponses à différentes sources «externes» (naturelles et anthropiques) sont combinées linéairement pour produire le meilleur accord possible avec les observations.

Les bases des études de détection/attribution Quelques spécificités à l analyse des extrêmes Les études se fondent sur une connaissance a priori des mécanismes susceptibles d affecter la variabilité climatique. Besoins à satisfaire pour appliquer les méthodes «formelles» de détection/attribution : longues séries de données couvrant typiquement un siècle, corrigées pour assurer une meilleure homogénéité temporelle ; simulations de changement climatique passé ou futur prenant en compte des facteurs «externes» d évolution du climat d origine naturelle ou anthropique ; estimation de la variabilité climatique «interne» à partir d observations ou de simulations. Les séries de données sont souvent trop courtes ou incomplètes pour analyser les extrêmes les plus intenses. Les simulations du climat sous-estiment l intensité des extrêmes climatiques les plus intenses. L estimation de la variabilité «interne» des extrêmes climatiques dépend à la fois de la longueur des séries d observation et de la capacité à simuler ces extrêmes. Les tendances des extrêmes climatiques sont parfois amplifiées par rapport à celles des moyennes des variables climatiques associées. C est le cas des extrêmes de précipitation d après certaines études (Hegerl et al, 2004, ). Évolution de la question de la détection/attribution dans les rapports du GIEC GIEC 1990: «The unequivocal detection of the enhanced greenhouse effect from observations is not likely for a decade or more, when the commitment to future climate change will then be considerably larger than it is today.» GIEC 1995: «The balance of evidence suggest a dicernable human influence on global climate.» GIEC 2001: «most of the observed warming over the last 50 years is likely to have been due to the increase in greenhouse gas concentrations.» GIEC 2007: «Most of the observed increase in globally averaged temperatures since the mid-20th century is very likely due to the observed increase in anthropogenic greenhouse gas concentrations»

Évolution de la température moyenne planétaire observée et simulée au cours du Simulations avec les forçages naturels seulement 20e siècle (GIEC, 2007) Évolution des températures moyennes continentales et planétaire observée et simulée au cours du 20e siècle (GIEC, 2007) Simulations incluant les forçages naturels et anthropiques Global Quelques résultats clés (GIEC 2007) Continent Global Océan Global «Vingt-troisièmes Centre 1950 Jacques 2000 Cartier 1900 1900 1950entretiens 2000 du 1900 1950 2000 Quelques résultats clés (GIEC,2007) Il est très probable que l augmentation des gaz à effet de serre d origine anthropique ait causé la plus grande partie de l augmentation constatée des températures moyennes au niveau mondial depuis la moitié du 20e siècle. Il est probable que le forçage d origine anthropique ait contribué au réchauffement constaté dans plusieurs des premières centaines de mètres de profondeurs des océans sur Terre pendant la deuxième moitié du XXe siècle. Il est probable qu il y ait eu une contribution anthropique substantielle à l augmentation de la température à la surface de la terre sur tous les continents à l exception de l Antarctique depuis le milieu du XXe siècle. Les tendances constatées dans les oscillations arctique et antarctique (ou nord-atlantique (NAO/NAM) et australe (SAM)) au cours des dernières décennies, qui correspondent à une baisse de pression au niveau de la mer aux environs des pôles et aux variations liées dans la circulation atmosphérique, sont probablement liées, pour une part, aux activités humaines Le schéma de réchauffement troposphérique et de refroidissement stratosphérique, tel qu il a été observé, est très probablement dû à l influence du forçage anthropique, en particulier celui qui découle de la recrudescence des gaz à effet de serre et de la disparition de l ozone stratosphérique. Il reste des difficultés à attribuer les variations de températures à plus petite échelle que l échelle continentale et sur des horizons temporels inférieurs à 50 ans.

Quelques résultats clés récents On détecte un signal anthropique dans les changements observés de la moyenne des précipitations par bandes de latitude. Cette influence anthropique aurait eu une contribution significative sur l'augmentation observée des précipitations dans l'hémisphère Nord aux latitudes moyennes, l assèchement dans les régions subtropicales et tropicales hémisphère Nord, et l'humidification dans les régions subtropicales et tropicales de hémisphère Sud (Zhang et al, 2007). On détecte un signal anthropique dans les changements observés des moyennes de températures diurnes et nocturnes en France pour la plupart des saisons (Ribes et al, 2010). Le cas des extrêmes : tendances passées et futures (GIEC, 2007) Les extrêmes dans la température à la surface de la terre ont probablement été influencés par le forçage anthropique. Changements de la température de la nuit la plus chaude de l année en 1980-1999 / 1950-1969 (Christidis et al, 2005) Observés Phénomène Tendance à la fin du 20 ème siècle Tendances dues à l homme Confiance sur tendances au 21 ème siècle Canicules plus fréquentes (la plupart des continents) Très probable Pluies intenses proportionnellement plus fréquentes (la plupart des régions) Très probable Simulés avec facteurs naturels Simulés avec tous facteurs Extension des régions affectées par la sécheresse dans de nombreuses régions depuis 1970 dans Accroissement d activité certaines régions «Vingt-troisièmes des cyclones intenses entretiens du Centre Jacques Cartier depuis 1970

Tendances observées et simulées par décennie sur la période 1950-1995 (Kiktev et al, 2003) Observées Tendances sur les crues centennales des grands bassins (Milly et al, 2002) Simulées Observées Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3 Scénario 4 Scénario 5 Nombre maximal annuel de jours secs consécutifs (nombre de jours par décennie) Tendances observées et simulées sur 1850-2100 «Vingt-troisièmes entretiens Centre Quantité maximale annuelle de du pluies enjacques 5 jourscartier consécutifs (mm par décennie) Anomalies de température estivale observées et simulées sur le sud de l Europe (Stott et al, 2004) Qu est-ce que l analyse de détection/attribution et quelles sont les Quels sont les principaux résultats du GIEC concernant cette Peut-on détecter un changement dans les tendances sur la Peut-on attribuer une cause anthropique à l occurrence d un

Fraction de risque de dépassement du seuil de 1,6 C attribuable aux activités humaines (Stott et al, 2004) Probabilité estimée Facteur d accroissement du risque Fraction de risque attribuable Conclusions Les extrêmes dans la température à la surface de la terre ont probablement été influencés par le forçage anthropique. On ne détecte pas de changement sur les extrêmes de pluies et a fortiori sur l occurrence des crues. Les changements sur les extrêmes de pluie sont potentiellement détectables à l échelle des continents dès la fin du 20 e siècle (sauf Amérique du nord et Europe) mais les données et les modèles climatiques actuels ne le permettent pas (Min et al, 2009). On constate une tendance à l accroissement du risque d inondation de forte intensité sur les grands bassins mondiaux, qui est cohérente avec les résultats d un modèle climatique incluant un scénario d augmentation du CO2 atmosphérique (Milly et al, 2002). Selon les projections de ce modèle, cette tendance devrait se poursuivre. Cependant le scénario choisi est simplifié et d autres causes d évolution n ont pas été évaluées (variabilité solaire, volcanisme, Lyon, 22-23 novembre changement 2010 d occupation des sols, ). Conclusions Les données ne sont pas de qualité suffisante pour conclure à une tendance sur l intensité des cyclones tropicaux au cours des dernières décennies pour l ensemble des bassins océaniques. Ces tendances sont fiables pour le bassin Atlantique, mais en l état des connaissances et de la capacité à modéliser ce type d événement, il n est pas possible de conclure à une origine anthropique pour ces tendances. Il n est pas possible d attribuer un impact des activités humaines sur un événement climatique extrême particulier, mais des méthodes existent pour évaluer la modification du risque d occurrence liée à la source anthropique. D après ce type d évaluation, il y aurait ainsi plus de 90% de chance pour que le risque d occurrence de la canicule de 2003 ait été multiplié d un facteur au moins égal à 2 du fait des émissions de gaz à effet de serre d origine anthropique (Stott et al, 2004)