Recours 14/36 CHAMBRE DE RECOURS DES ECOLES EUROPEENNES (1 ère section) Décision du 25 août 2014 Dans l affaire enregistrée au greffe de la Chambre de recours sous le n 14/36, ayant pour objet un recours introduit par courrier électronique du 4 juillet 2014 de Mme [ ] et M. [ ], ledit recours étant dirigé contre la décision notifiée le 20 juin 2014 par laquelle l'autorité centrale des inscriptions des écoles européennes de Bruxelles a rejeté la demande d'inscription de leur fille, [ ], en première année du cycle primaire de la section de langue anglaise de l'école européenne de Bruxelles I et a proposé de l'inscrire à celle de Bruxelles IV, la Chambre de recours des Ecoles européennes, composée de : - M. Henri Chavrier, président de la Chambre de recours et rapporteur, - M. Eduardo Menéndez Rexach, président de section, - M. Mario Eylert, membre, assistée de Mme Nathalie Peigneur, greffière, et de Mme Laurence Ferrarin, assistante, au vu des observations écrites présentées, pour les requérants, par eux-mêmes et par Me Maria Casado Garcia-Hirschfeld, avocat aux barreaux de Madrid et Bruxelles, et, pour les Ecoles européennes, par Me Muriel Gillet, avocat au barreau de Bruxelles, après avoir décidé que, comme le permet l article 19 du règlement de procédure, le recours ne serait pas examiné en audience publique, a rendu le 25 août 2014 la décision dont les motifs et le dispositif figurent ci-après.
Faits du litige et arguments des parties 1. Par décision notifiée le 20 juin 2014, l'autorité centrale des inscriptions des écoles européennes de Bruxelles (ci-après l ACI) a rejeté la demande d'inscription de [ ], en première année du cycle primaire de la section de langue anglaise de l'école européenne de Bruxelles I et a proposé de l'inscrire à celle de Bruxelles IV. 2. Les parents de cette élève, Mme [ ] a et M. [ ], ont introduit le 4 juillet 2014 un recours contentieux direct contre cette décision, ainsi que le permet le paragraphe 2 de l article 67 dudit règlement général. 3. A l'appui de ce recours, ils font valoir, en substance, l'argumentation suivante : a) alors qu'ils ont présenté la demande d'inscription de leur fille le 31 janvier 2014, date limite de la première phase d'inscription, ils ont eu la surprise de constater que celle-ci a été traitée en deuxième phase d'inscription ; b) le choix de l'école européenne de Bruxelles I, dont le cycle primaire est installé sur le petit site de Berkendael, est justifié par les circonstances particulières qui caractérisent la situation de [ ] : nécessité de choisir une école de taille relativement modeste en raison des difficultés d'intégration découlant de son éducation multilingue et surtout de la séparation de ses parents depuis presque deux ans ; nécessité, en raison des difficultés de concentration découlant de son éducation multilingue et surtout de la séparation de ses parents depuis presque deux ans, de suivre régulièrement le vendredi à 13 h une thérapie auprès d'un pédopsychiatre installé à une faible distance de l'école ; nécessité plus encore de lui choisir une école de taille relativement modeste, comme celle de Berkendael, pour faciliter son intégration en raison de ces sérieuses difficultés d'ordre psychologique. 4. Dans leurs observations en réponse, les Ecoles européennes demandent à la Chambre de recours de rejeter ce recours comme étant non fondé et de condamner les requérants aux dépens, évalués à la somme de 1.000. Elles soutiennent que : a) la demande d'inscription de [ ] n'ayant été introduite que le 3 février 2014 et n'ayant pu être regardée comme complète que le 7 mai 2014, elle ne pouvait être traitée qu'en deuxième phase d'inscription ; 2
b) son éducation multilingue, qui caractérise d'ailleurs un nombre important d'élèves des Ecoles européennes, ne peut être retenue comme un argument pertinent dès lors qu'aucune contestation n'existe en ce qui concerne la détermination de la section linguistique ; c) le moyen tiré des difficultés d'ordre psychologique est irrecevable dans la mesure où celles-ci n'ont pas été invoquées lors de la demande d'inscription, dans laquelle il a seulement été question de difficultés de concentration pouvant justifier un soutien scolaire ; en tout état de cause, il n'est pas fondé, car il n'est pas démontré que l'inscription de [ ] à Bruxelles IV emporterait à cet égard des conséquences inadmissibles, étant au surplus observé que les séances chez le pédopsychiatre pourraient être reprogrammées à une heure plus compatible avec les horaires scolaires de l'enfant et étant enfin rappelé que, selon la politique d'inscription, la localisation géographique ne constitue pas un critère pertinent de priorité. 5. Dans leurs observations en réplique, les requérants maintiennent leur argumentation initiale et la développent en répondant, point par point, à celle des Ecoles européennes et en demandant l'annulation de la décision attaquée ainsi que la condamnation de la partie défenderesse aux dépens, évalués à la somme de 1.250. Ils soutiennent notamment que : a) le traitement du dossier en deuxième phase d'inscription alors que la demande a été introduite le 31 janvier 2014, soit pendant la première phase, traduit à la fois une atteinte au principe de bonne administration, une erreur manifeste d'appréciation et un vice de procédure ; b) contrairement à ce que soutiennent les Ecoles européennes, les circonstances particulières tenant à l'état de santé de [ ] étaient mentionnées dans le dossier d'inscription et l'aci pouvait parfaitement, si elle l'estimait nécessaire, demander des informations complémentaires comme elle l'a fait pour d'autres questions ; en ne le faisant pas, elle a procédé à une instruction insuffisante de la demande ; c) en proposant une place dans l'école la plus éloignée du lieu du traitement psychologique de [ ], qui constitue une mesure indispensable au traitement de sa pathologie, la décision attaquée est entachée de violation du principe de proportionnalité. 3
Appréciation de la Chambre de recours Sur la légalité de la décision attaquée, En ce qui concerne le traitement de la demande en deuxième phase d'inscription 6. Aux termes de l'article V.2.1. de la politique d inscription dans les écoles européennes de Bruxelles pour l'année scolaire 2014-2015 : «Le demandeur dépose la demande d inscription auprès de l école européenne de Bruxelles correspondant à la première préférence exprimée dans le formulaire d inscription». Aux termes de l'article V.2.3. de la même politique : «Les mentions obligatoires du formulaire doivent être complétées par le demandeur. A défaut, l école et/ou l Autorité centrale des inscriptions peuvent soit considérer que la demande d inscription n est pas complète et suspendre son traitement dans l attente des informations utiles, soit interpréter le silence du demandeur dans le sens le plus favorable à l application des règles générales d inscription». Aux termes de l'article V.2.4. : «La date d introduction de la demande est celle apposée par le secrétariat de l une des écoles européennes, après avoir constaté que le formulaire est valablement complété et que l ensemble des pièces justificatives originale est réuni et joint au dossier d inscription. Si par exception au principe visé ci-avant, le dossier ou le formulaire incomplet est reçu par l école, l Autorité centrale des inscriptions peut décider librement, soit de ne pas statuer sur la demande incomplète, soit de statuer sur base des seuls éléments d informations produits, dans le sens le plus favorable à l application des règles générales d inscription et en tirer les conséquence». 7. En vertu des articles V.7.1. et V.8.1. de la même politique d'inscription, les demandes introduites entre le 13 janvier 2014 et le 31 janvier 2014 sont traitées pendant la première phase d inscription, tandis que celles introduites entre le 1er février 2014 et le 16 mai 2014 sont traitées pendant la deuxième phase d inscription. 8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que si la demande d'inscription de [ ] a été envoyée par courrier électronique le vendredi 31 janvier 2014 à 15 h 33, il n'a pu en être accusé réception qu'à la date du lundi 3 février 2014. En outre, cette demande a ensuite fait l'objet de plusieurs échanges et n'a pu, de ce fait, être regardée comme complète que le 7 mai 2014. 9. Compte tenu des termes mêmes des dispositions précitées de la politique d'inscription, qui prévoient expressément que la date d'introduction de la demande est celle apposée par le 4
secrétariat de l'école après avoir vérifié que le dossier était complet, les requérants ne peuvent faire valoir que leur demande a été introduite pendant la première phase d'inscription expirant le 31 janvier 2014. Ayant attendu le dernier jour peu avant l'heure de fermeture pour envoyer cette demande, ils n'ont pas pris les dispositions utiles pour s'assurer que le secrétariat serait matériellement en mesure d'en accuser réception dans le délai prescrit. L'envoi de cette demande à deux écoles a d'ailleurs nécessité des échanges pour vérifier quelle était celle de leur première préférence, à laquelle il appartient d'instruire la demande, et le dossier a ensuite donné lieu, ainsi que cela a été relevé au point précédent, à de nouveaux échanges et n'a pu être regardé comme complet qu'à la date du 7 mai 2014. Ils ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que leur demande ne devait pas être traitée pendant la deuxième phase d'inscription. En ce qui concerne les circonstances particulières invoquées 10. Si certaines circonstances particulières peuvent permettre d'obtenir un critère de priorité en vue de l'inscription d'un élève dans l'école de son choix, l'article V.5.4.2. de la politique d'inscription range au nombre de celles qui ne sont pas pertinentes à cet effet : " a) la localisation du domicile de l enfant et/ou de ses représentants légaux (...) d) la localisation du lieu de l exercice des activités professionnelles de l un ou des représentants légaux (en ce compris toutes les catégories des membres du personnel des écoles européennes) même si elle est imposée par l employeur, e) la localisation du lieu où l enfant se rend régulièrement quel qu en soit le but même thérapeutique, f) les contraintes d ordre professionnel ou d ordre pratique pour l organisation des trajets, g) la localisation du lieu ou le choix de scolarisation d autres membres de la fratrie (...)". 11. A cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Chambre de recours, s il découle clairement des objectifs de la convention portant statut des écoles européennes un droit d accès des enfants des personnels des institutions européennes à l enseignement dispensé dans les écoles européennes, un tel droit ne saurait impliquer nécessairement qu il soit exercé dans l école de leur choix en fonction de la seule considération de la localisation de leur domicile et des contraintes d'ordre professionnel ou pratique pour l'organisation de la vie familiale. 12. En effet, le système des écoles européennes, qui ne peut pas être comparé aux systèmes nationaux d éducation, dispose d un nombre limité d établissements implantés dans des villes sièges d institutions ou d organismes européens avec l accord des autorités nationales et non d un réseau permettant, au sein de ces villes, d assurer à l ensemble des élèves concernés, quelle que soit la localisation de leur domicile, un enseignement de proximité. 5
13. Il convient d ailleurs d observer que, dans les villes où il n existe qu une seule école européenne, les distances entre cette école et le domicile des élèves peuvent s avérer, au cas par cas, aussi importantes que celles qui sont mises en cause dans le présent recours, sans pour autant, en raison de l existence d une seule école, que la question ne soit posée. 14. Lorsqu il existe plusieurs écoles dans la même ville, comme c est le cas à Bruxelles, la localisation géographique de chacune d elles ne peut, en raison de la liberté de domiciliation des intéressés, constituer le critère exclusif d exercice de leur droit d accès à l enseignement dispensé dans ces écoles. 15. Ainsi que la Chambre de recours l'a relevé à plusieurs reprises, s il peut être aisément admis qu une longue distance séparant l école de son domicile peut être plus difficile à assumer pour un enfant qui est à l âge de l école maternelle ou de l'école primaire, force est aussi de constater que le Conseil supérieur des écoles européennes, qui fixe les lignes directrices pour les politiques d'inscription à Bruxelles, n est maître ni de la localisation desdites écoles, qui nécessite l accord de l Etat membre d accueil, ni de celle des domiciles des élèves, qui dépend exclusivement de leurs parents. 16. La localisation du domicile de l enfant ou du lieu où il se rend régulièrement dans un but thérapeutique ne peut, le cas échéant, être prise en compte que dans l appréciation des conséquences inadmissibles que pourrait entrainer la stricte application des règles de la politique d inscription, étant notamment précisé que, conformément à l'article V.5.4.3. de cette politique, " les affections de nature médicale dont souffrirait l enfant ou l une des personnes assurant son encadrement quotidien ne sont prises en considération que pour autant qu il soit démontré que la scolarisation de l enfant dans l école désignée constitue une mesure indispensable au traitement de la pathologie dont souffre l intéressé." 17. Or, en l'espèce, il ressort des termes mêmes des mentions du formulaire d'inscription renseigné par les requérants que les circonstances particulières invoquées ont trait à la "proximité géographique domicile-école". Il est expressément précisé dans la demande d'inscription que les préférences exprimées découlent du "temps que passe [...] dans le transport entre la fin des classes et l'arrêt du bus scolaire", et que "sa maman réside à 1500 m du site de Berkendael (et à 7 mn en voiture du site d'uccle) et son papa réside à moins de 1500 m de l'entrée du site d'uccle. L'admission dans l'un de ces établissements serait pour [...] un facteur de sérénité par rapport à sa scolarité. Sans parler bien entendu des avantages en terme de coût de transport et d'impact pour l'environnement". 6
18. Au vu d'un telle demande, qui ne comportait d'autres considérations qu'au titre du "régime linguistique" à retenir pour [...], lequel ne fait pas l'objet de contestation, ainsi que cela est expressément mentionné dans le présent recours, l'aci était parfaitement fondée à estimer que les circonstances particulières invoquées n'étaient pas pertinentes pour justifier l'octroi d'un critère de priorité. 19. A cet égard, les requérants ne peuvent utilement invoquer ni le caractère insuffisant de l'instruction de leur dossier ni la violation du principe de proportionnalité que traduirait le refus de prendre en compte la nécessité pour [...] de poursuivre son traitement psychologique à faible distance de l'école concernée. 20. D'une part, une telle argumentation, formulée seulement dans le mémoire en réplique après l'expiration du délai de recours contentieux, est irrecevable au regard des prescriptions de l'article 18.2 du règlement de procédure de la Chambre de recours, aux termes duquel " La production de moyens nouveaux en cours d instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure". 21. D'autre part et surtout, dès lors que les circonstances particulières de nature médicale tenant au traitement psychologique de [...] n'ont été invoquées que postérieurement à la décision attaquée, elles ne peuvent avoir d'incidence sur la légalité de celle-ci, qui s'apprécie à la date à laquelle elle est prise. L'article V.5.4.6. de la politique d'inscription précise d'ailleurs que : "Sauf cas de force majeure dûment motivé, les éléments et pièces communiqués après l introduction de la demande d inscription sont écartés d office de l examen de la demande, quand bien même se rapporteraient-ils à une situation antérieure à l introduction de la demande d inscription ou au traitement de celle-ci par l Autorité centrale des inscriptions". 22. S'il est vrai que, nonobstant ce dernier article, la Chambre de recours a admis que des éléments produits postérieurement à l'intervention d'une décision pouvaient être pris en compte s'ils permettent de révéler ou de consolider une situation acquise antérieurement, encore faut-il que l'autorité compétente ait été au moins informée de la possibilité d'une telle situation au moment où elle arrête sa décision, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. 23. Il convient, en effet, de relever que les seules difficultés portées à la connaissance de l'école avant l'intervention de la décision attaquée sont celles liées au choix de la section linguistique et à l'éventuelle nécessité d'obtenir un soutien scolaire. En revanche, les deux 7
certificats médicaux concernant [...], l'un portant la mention de l'année scolaire 2012-2013 effectuée dans un autre établissement et l'autre ne portant aucune mention de date, n'ont été produits qu'à l'appui du recours et du mémoire en réplique. 24. Enfin et en tout état de cause, il n'est pas démontré par les pièces produites dans la présente instance, y compris ces deux certificats faisant état l'un d'un conseil et l'autre d'une recommandation, que la scolarisation de [...] à l'école européenne de Bruxelles I constitue, au sens de l'article V.5.4.3. de la politique d'inscription, une mesure indispensable au traitement de la pathologie dont elle souffre. 25. Il s'ensuit que le recours de Mme [ ] et M. [ ] ne peut qu'être rejeté. Sur les frais et dépens, 26. Aux termes de l article 27 du règlement de procédure : «Toute partie qui succombe est condamnée aux frais et dépens s il est conclu en ce sens par l autre partie. Cependant, si les circonstances particulières de l affaire le justifient, la Chambre de recours peut mettre les frais et dépens à la charge de cette dernière ou les partager entre les parties ( ) A défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens». 27. Au vu des conclusions des Ecoles européennes, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu de condamner les requérants aux frais et dépens. Dans les circonstances particulières de la présente instance et en l'absence d'audience publique, il sera fait une juste appréciation du montant de ces frais en les fixant à la somme de 400. 8
PAR CES MOTIFS, la Chambre de recours des Ecoles européennes D E C I D E Article 1er : Le recours de Mme [ ] et M. [ ] est rejeté. Article 2 : Les requérants verseront aux écoles européennes la somme de 400 au titre des frais et dépens. Article 3 : La présente décision sera notifiée dans les conditions prévues aux articles 26 et 28 du règlement de procédure. H. Chavrier E. Menéndez Rexach M. Eylert Bruxelles, le 25 août 2014 La greffière N. Peigneur 9