Effets d une intoxication orale par la Fumonisine B1 sur la production intestinale de cytokines inflammatoires



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2000. Journées Rech. Porcine en France, 32, 33-37. Effets d une intoxication orale par la Fumonisine B1 sur la production intestinale de cytokines inflammatoires et la sensibilité des porcelets à l infection colibacillaire Sylvie FOURNOUT (1, 2), J. M. FAIRBROTHER (2), Sophie VERNEUIL (1), Pierrette Le BARS (1), Joëlle LAFFITTE (1), J. Le BARS (1), Isabelle P. OSWALD (1) (1) INRA, Laboratoire de Pharmacologie Toxicologie BP 3, 31931 Toulouse Cedex, (2) Université de Montréal, Faculté de Médecine Vétérinaire, GREMIP C.P. 5000, St-Hyacinthe (Québec), J25 7C6 Canada Effets d une intoxication orale par la Fumonisine B1 sur la production intestinale de cytokines inflammatoires et la sensibilité des porcelets à l infection colibacillaire La fumonisine B1 est une mycotoxine produite par Fusarium moniliforme Sheldon, un contaminant commun des denrées alimentaires. Les effets d'une intoxication orale par cette mycotoxine ont été étudiés chez des porcelets à la fois sur la production de cytokines et sur la sensibilité à l'infection. Dans cette étude 20 porcelets âgés de 3 semaines ont été repartis de façon aléatoire en 4 groupes de 5 animaux. 10 animaux ont reçu un régime contrôle tandis que l'autre moitié a été gavée quotidiennement pendant 7 jours avec 0,5 mg /kg de pois vif de FB1 provenant d'un extrait enrichi. Afin d'évaluer la réponse immunitaire 5 animaux de chaque groupe ont été infectés par voie orale au septième jour avec 1.1x10 9 UFC d' E. coli (souche 28C). Tous les animaux ont été sacrifiés 24 heures plus tard et des tissus ont été prélevés. L'intensité de l'infection a été évaluée par des comptages bactériens au niveau de différents organes: poumons, reins, foie, ganglions mésentériques et intestin. La production de cytokines inflammatoires a été mesurée par RT-PCR dans l'iléon et le colon. À l'autopsie, la colonisation bactérienne était significativement plus élevée chez les porcelets intoxiqués par la fumonisine que chez les témoins et cette différence était plus marquée au niveau de l'intestin (iléon, colon, caecum, ganglions mésentériques) que dans les autres organes. De plus, chez ces animaux infectés, le traitement par le FB1 a diminué de façon significative l'expression des ARN messagers codant pour les cytokines inflammatoires (interleukines 1ß, 6, 8, 12, 18) dans iléon. Par contre, cette diminution était plus modérée chez les animaux intoxiqués mais non infectés. En conclusion, une intoxication orale par de faibles doses de FB1 augmente la sensibilité des porcelets à l'infection colibacillaire et le mécanisme impliqué semble être une diminution de la réponse inflammatoire locale. Oral intoxication with Fumonisin B1 on intestinal production of inflammatory cytokines and susceptibility of piglets to E. coli infection The mycotoxin fumonisin B1 (FB1) is produced by Fusarium moniliforme Sheldon, a common contaminant of feedstuffs. The effects of oral administration of FB1 on cytokine production and the susceptibility of piglets to infectious diseases were investigated. In this study, 20 3-week-old weaned piglets were randomly divided into four groups of 5 animals. Ten piglets were given a control diet for 7 days whereas the other half received daily for 7 days, 0.5 mg/kg (body weight) FB1 as a crude extract. In order to investigate the immune response to infection, 5 piglets from each group were orally infected with 1.1x10 9 CFU of E. coli (strain 28C), on day 7 of the toxin treatment. All animals were slaughtered 24 hours later and tissues were sampled for further analyses. After autopsy, the intensity of infection was evaluated by counting bacteria in the following organs: lungs, kidneys, spleen, mesenteric lymph nodes and intestines, whereas the production of inflammatory cytokines was measured by RT-PCR in the intestinal tissues. At autopsy, bacterial colonization was significantly increased in FB1-treated pigs and this increase was more pronounced in digestive organs (ileum, caecum, colon, mesenteric lymph nodes) than in other tissues. In infected animals, the treatment with FB1 led to a decreased expression of interleukins 1ß, 6, 8, 12 and 18 in the ileum whereas the decrease in these cytokines was moderate in non-infected animals. In conclusion, intoxication with low doses of FB1 increases the susceptibility of piglets to E. coli infection probably by decreasing the local inflammatory immune response.

34 INTRODUCTION Les mycotoxines sont des métabolites secondaires fongiques susceptibles de contaminer l'alimentation animale et humaine à tous les stades de la chaîne alimentaire. Elles sont capables d'affecter le système immunitaire à des doses inférieures à leur seuil de toxicité (OSWALD et COMERA, 1998). Parmi les mycotoxines, notre laboratoire s'intéresse à la fumonisine B1 (FB1), principale mycotoxine produite par Fusarium moniliforme Sheldon, micromycète inféodé au maïs (SCOTT, 1993; NORRED, 1993). Chez les animaux de rente, la fumonisine provoque des affections variées, deux formes d'évolutions fatales étant plus particulièrement caractérisées: la leucoencephalomalacie équine et l'oedème pulmonaire porcin (THIBAULT et al., 1997). Chez l'homme, une alimentation riche en maïs contaminé par F. moniliforme est suspectée d'être en relation avec une forte prévalence de cancers de l'oesophage (YOSHIZAWA et al. 1994). La fumonisine B1 a une structure proche de celle de la sphingosine et la sphinganine (substrats naturels de la céramide synthase impliquée dans le métabolisme des sphingolipides). Cette similarité de structure est à l origine de l inhibition de la biosynthèse des sphingolipides. En effet, différentes études montrent que la FB1 induit in vitro et in vivo une augmentation du rapport sphinganine/sphingosine, cette rupture de métabolisme provoquant de nombreux bouleversements biochimiques (RILEY et al., 1998). Quelques études réalisées in vitro ou ex vivo montrent aussi une action de la FB1 sur le système immunitaire. En effet, un traitement in vitro à la FB1 provoque une altération des capacités fonctionnelles et sécrétrices des cellules épithéliales mais aussi des macrophages et des lymphocytes de souris (MARTINOVA et MERRILL, 1995; WANG et al., 1996). La FB1 provoque une immunodéficience chez les volailles en altérant in vitro la croissance cellulaire et en augmentant l apoptose chez des lymphocytes de dindon mais aussi en inhibant les fonctions phagocytaires des macrophages du poulet (QURESHI et HAGLER, 1992). Chez le veau, la consommation de FB1 inhibe la prolifération des lymphocytes (OSWEILER et al., 1993). Le but de ce travail était d'analyser les effets in vivo d'une intoxication orale de porcelets par de faibles doses de FB1 sur le système immunitaire et en particulier sur la production de cytokines. Cette étude a été réalisée dans des conditions d'homéostasie du système immunitaire (porcelets sains) et dans des conditions de stimulation du système immunitaire (porcelets infectés). Ce protocole nous a donc aussi permis d'analyser les effets d'une intoxication par la FB1 sur la sensibilité des animaux aux infections. Nous avons utilisé comme modèle l'infection par une souche pathogène opportuniste d'escherichia coli. 1. MATÉRIEL ET MÉTHODES 1.1. Animaux et protocole expérimental Vingt porcelets sevrés à 14 jours et âgés de 3 semaines au début de l étude ont été utilisés. Ils ont été répartis en 4 groupes: - 5 porcelets témoins - 5 porcelets intoxiqués par voie orale avec de la FB1-5 porcelets infectés par voie orale avec E. coli - 5 porcelets intoxiqués et infectés Les porcelets ont été pesés quotidiennement pendant toute le durée de l'expérimentation. Les 10 porcelets intoxiqués ont été gavés par voie orale avec une préparation enrichie en FB1 à raison de 0,5 mg de FB1 par kg de poids vif. Après 7 jours d'intoxication, ou au même âge, les porcelets ont été infectés par voie orale avec 1,1 x 109 UFC (Unité Formant Colonie) de la souche 28C d'e. coli. Cette souche est une souche pathogène opportuniste d'e. coli isolé d'un porcelet atteint de diarrhée (DOZOIS et al., 1997b). Afin de pouvoir la distinguer dans la population non pathogène résidant normalement dans l'intestin, elle a été rendue résistante à l'acide nalidixique. Un jour après l'infection ou à l'issue des 7 jours d'intoxication, les animaux ont été autopsiés. Des prélèvements de tissus ont été effectués au niveau des poumons, de la rate, des reins, des ganglions mésentériques, de l'iléon, du caecum et du colon afin de déterminer la colonisation bactérienne et de doser les cytokines. 1.2. Comptages bactériens La présence de la souche d'e. coli utilisée pour l'infection a été évaluée dans les différents organes immédiatement après l'autopsie. Les échantillons provenant des différents organes ont été pesés, dilués dans 2 ml de PBS, et broyés (Cat homogenizer, PolyScience, Niles, Illinois, USA). L'homogénat a été dilué de 10 en 10 dans du PBS stérile et les dilutions ont été ensemencées (Spiral Plater System, Meyer Service and Supply Ltd, Long Sault, Ontario, Canada) sur boites de TSA (Tryptic Soy Agar) supplémentées en acide nalidixique. Après une nuit d'incubation à 37 C, les comptages bactériens ont été effectués. 1.3. Dosage des cytokines En vue du dosage des cytokines, les échantillons ont été conservés dans 1 ml de Trizol (Life Technologies, Éragny, France) à -80 C puis broyés (Cat homogenizer). L'ARN total a été purifié comme précédemment décrit (DOZOIS et al., 1997a; FOURNOUT et al., 2000) et quantifié en mesurant son absorbance à 260 nm. La pureté des échantillons a été appréciée grâce au ratio DO260/DO280.Tous les échantillons avaient un rapport DO260/DO280 supérieur à 1,8. Les échantillons ont été transcrits de façon reverse (Superscript II RNase H-; Life Technologies) comme précédemment décrit (DOZOIS et al., 1997a; FOURNOUT et al., 2000) puis amplifiés par PCR (Taq DNA polymerase; Promega, Charbonnières, France) en utilisant des amorces spécifiques des cytokines d'intérêt. La séquence des amorces et le nombre de cycle utilisés sont résumés dans le tableau 1.

35 L'ADN amplifié a été analysé après élecrophorèse sur gel d'agarose à 1,2% et photographié avec un film Polaroïd type 665. L'intensité des bandes des produits de PCR a été quantifié par scanner avec les logiciels Image Aquisition and Whole Band Analyzer software (Bioimage) sur une station Sun Sparc 5 (Cadrus, Ramonville St-Agne, France) comme précédemment décrit (DOZOIS et al., 1997a; FOURNOUT et al., 2000). Pour chaque échantillon les valeurs sont exprimées en unités arbitraires (U.A.), calculées comme l intensité relative de la bande de la cytokine d'intérêt par rapport à l'intensité de la bande d'un gène de ménage, la cyclophiline. Tableau 1 - Séquences oligonucléotidiques des amorces utilisées dans cette étude pour la détection des cytokines porcines. Cytokine ou gène de ménage 2. RÉSULTATS Séquences oligonucléotidiques des amorces (1) IL-1β (S) AAAGGGGACTTGAAGAGAG (AS) CTGCTTGAGAGGTGCTGATGT IL-6 (S) ATGAACTCCCTCTCCACAAGC (AS) TGGCTTTGTCTGGATTCTTTC IL-8 (S) TTTCTGCAGCTCTCTGTGAGG (AS) CTGCTGTTGTTGTTGCTTCTC IL-12p (S) GATGCTGGCCAGTACACC (AS) TCCAGCACGACCTCAATG TNF-α (S) ATCGGCCCCCAGAAGGAAGAG (AS) GATGGCAGAGAGGAGGTTGAC IL-18 (S) TATGCCTGATTCTGACTGTT (AS) ATGAAGACTCAAACTGTATCT Cyclophilin (S) TAACCCCACCGTCTTCTT (AS) TGCCATCCAACCACTCAG (1) S = amorce Sens ; AS = amorce Anti-sens Nombre de cycles 2.1. Effet d'une intoxication orale sur la croissance des porcelets L expérience a porté sur 20 porcelets, la moitié des animaux a reçu pendant sept jours par voie orale de la FB1 à la dose de 0,5 mg par kg de poids vif, les autres porcelets ont été gardés comme témoin. Les animaux de chaque groupe ont été pesés quotidiennement afin de déterminer leur gain de poids durant l expérience. Les porcelets témoins ont eu un gain de poids légèrement supérieur à ceux intoxiqués par la FB1 (1,23 ± 0,14 Kg versus 1,17 ± 0,13 Kg). Cependant, l analyse statistique n a pas décelé de différence significative entre ces deux groupes. 2.2. Effet d'une intoxication sur la sensibilité des porcelets à une infection colibacillaire Après sept jours d intoxication la moitié des porcelets de chaque groupe ("intoxiqués" ou "non intoxiqués") ont été inoculés par voie orale par 1,1.10 9 UFC d une souche 45 38 45 29 pathogène opportuniste d E. coli afin de déterminer si le traitement à la FB1 modifie la sensibilité des animaux à l infection. Des prélèvements de tissus ont été réalisés dans différents organes intestinaux et extra-intestinaux afin de déterminer la colonisation bactérienne par étalement sur un milieu sélectif. Nous constatons que dans tous les organes étudiés la colonisation bactérienne est plus importante chez les animaux intoxiqués par la FB1 que chez les animaux témoins (figure 1). Cette différence n est statistiquement significative que dans les organes intestinaux (iléon, caecum colon et ganglion mésentérique ) et dans le poumon. log log 10 UFC/g 10 UFC/g d'organe d'organe Figure 1 - Effet de l intoxication par la FB1 sur la colonisation bactérienne de différents organes 8,0 7,0 6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 PoumonRate Rein GanglionIléon CaecumColon 2.3. Effet d'une intoxication sur la production de cytokines inflammatoires Des prélèvements de tissus ont été effectués au niveau du petit et du gros intestin (iléon et colon) afin d étudier par RT-PCR l expression des ARNm codant pour les cytokines inflammatoires. Nous analyserons successivement les effets d'une intoxication par la FB1 sur la production des cytokines dans l'intestin chez les animaux témoins puis chez les animaux infectés. Comme le montrent les figures 2 et 4 (p. 36), chez les animaux non infectés, l expression des cytokines inflammatoires (IL-1β, IL-18, IL-8, IL-12, IL-6, TNF-α) est peu affectée par l'intoxication. Nous constatons une légère diminution des ARNm codant pour les cytokines dans l'intestin des porcelets intoxiqués par rapport aux niveaux observés chez les animaux témoins, cependant cette différence n'est significative que pour l'il-1β mesurée au niveau de l'iléon (p<1). Nous avons aussi étudié les effets immunomodulateurs de la FB1 dans un contexte infectieux. Ainsi, au niveau de l iléon, nous observons chez les porcelets infectés par E. coli (figure 3), une diminution importante et significative du niveau d expression des cytokines inflammatoires étudiées (IL-1β, IL-6, IL-8, IL-12 et IL-18) en réponse à l intoxication par la FB1 (figure 3 p.36). Seule la diminution de l expression du TNF-α n est pas statistiquement significative. Au niveau du colon (figure 5 p.36), les variations de la production des cytokines étudiées ne sont pas significatives.

36 Figure 2 - Effet de l intoxication par la FB1 sur l expression des cytokines dans l iléon : analyse sur les animaux non infectés Figure 4 - Effet de l intoxication par la FB1 sur l expression des cytokines dans le colon : analyse sur les animaux non infectés Niveau d'expression d'expression des cytokines des cytok 10 8 6 IL-1ß IL-8 IL-6 IL-12 IL-18 TNF-α TNF-a Niveau Niveau d'expression d'expression des cytokines des cyto 10 8 6 IL-1ß IL-8 IL-12 IL-18 TNF-a TNF-α Niveau d'expression des cytokines des cytoki 10 8 6 Figure 3 - Effet de l intoxication par la FB1 sur l expression des cytokines dans l iléon : analyse sur les animaux infectés par E. coli IL-1ß IL-8 IL-6 IL-12 IL-18 TNF-a TNF-α Niveau Niveau d'expression d'expression des cytokines des cyt 10 8 6 Figure 5 - Effet de l intoxication par la FB1 sur l expression des cytokines dans le colon : analyse sur les animaux infectés par E. coli IL-1ß IL-8 IL-12 IL-18 TNF-a TNF-α 3. DISCUSSION Cette étude avait pour objectif d étudier les effets de la FB1 sur le système immunitaire du porc, animal cible directement concerné par les problèmes d intoxication. Nous avons évalué l impact d'une intoxication orale par la FB1 à la fois sur la production de cytokines inflammatoires et sur la sensibilité à l infection en prenant comme modèle l'infection orale des porcelets par la souche pathogène opportuniste 28C d'e. coli. Nous avons mis en évidence une sensibilité accrue, vis à vis de l infection, des porcelets intoxiqués par la FB1. En effet, nous avons observé que, dans tous les organes étudiés, la multiplication d E. coli a été beaucoup plus importante, chez les porcelets intoxiqués par la mycotoxine que chez les témoins (figure 1). Cette sensibilité accrue des animaux à l infection bactérienne est à rapprocher de l inhibition des cytokines inflammatoires au niveau de l intestin. La barrière intestinale étant la première barrière de défense contre une infection orale on peut penser que l inhibition des cytokines inflammatoires est à l origine de l augmentation de la translocation des bactéries au niveau de l intestin. Plusieurs mycotoxines ont été décrites comme altérant la résistance de l'hôte aux infections microbiennes ou aux processus cancéreux (OSWALD et COMERA, 1998). Par exemple, la toxine T-2 augmente la sensibilité de souris à des infections par Listeria monocytogenes (CORRIER et al., 1987) et Salmonella typhimurium (THAI et PESTKA, 1988). De même une intoxication par l aflatoxine B1 rend les organismes plus sensibles à une infection par T. gondii (VENTURINI et al., 1996). Nos travaux montrent qu'une intoxication avec de très faibles doses de FB1 est sans effet sur la croissance pondérale, mais facilite la translocation de souches pathogènes opportunistes au niveau de l'intestin.

37 Les intoxications chroniques ont été réalisées dans un contexte d homéostasie (animal sain) et dans un contexte de stimulation du système immunitaire (animal infecté). Ceci nous a permis de constater que la capacité de la FB1 à altérer la production des cytokines inflammatoires est beaucoup plus visible lorsque le système immunitaire est stimulé par une infection. En effet, chez les porcs infectés par E. coli, l intoxication par la FB1 provoque au niveau intestinal une inhibition significative de l expression des cytokines inflammatoires. Par contre chez les animaux non infectés, l effet inhibiteur de la FB1 est beaucoup moins marqué. Ainsi, les résultats que nous avons obtenus soulignent l importance d étudier les effets des mycotoxines sur le système immunitaire lorsque celui-ci est stimulé par une infection. Il est à noter que nous avons observé cet effet immunosuppresseur de la FB1 à une très faible dose (0,5 mg/kg de poids vif) et pour un temps d intoxication limité (sept jours). En effet, les résultats de la littérature montrent que chez le porc, animal très sensible à la FB1, des doses de FB1 de 20 mg /kg de poids vif pendant 4 jours sont nécessaires pour observer l apparition de pathologies spécifiques (GUMPRECHT et al., 1998). Des doses plus faibles (de 0,1 mg à 10 mg par kg de poids vif) de FB1 sont à l origine d un retard de croissance et/ou de modifications biochimiques mais elles nécessitent des durées d intoxications beaucoup plus longues (six à huit semaines) (ROTTER, et al., 1996). En conclusion, nos travaux montrent un effet immunosuppresseur de la FB1. Des études complémentaires sont nécessaires à la fois au niveau fondamental pour déterminer les cibles de la FB1 sur le système immunitaire ainsi que le mécanisme d'action de cette mycotoxine, mais aussi à un niveau plus appliqué pour déterminer les doses maximales tolérables dans l'alimentation animale ne provoquant pas une sensibilité accrue aux infections microbiennes. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES CORRIER D.E., ZIPRIN R.L., MOLLEN HAUER H.H., 1987. Toxicol. Appl. Pharmzcol., 89,323-33. DOZOIS C.M., OSWALD E., GAUTIER N. et al. 1997a. Vet. Immunol. Immunopathol., 58, 287-300. DOZOIS C.M., CLEMENT S., DESAUTELS C., OSWALD E., FAIRBROTHER J.M., 1997b. FEMS Microbiol. Lett., 152, 307-312. FOURNOUT S., DOZOIS C.M., ODIN M. et al, 2000. Infect. Immun. (sous presse). GUMPRECHT L.A., BEASLEY V.B., WEIGEL R.M. et al, 1998. Toxicol. Pathol., 26, 777-788. MARTINOVA E.A., MERRILL A.H, 1995. Mycopathologia, 130, 163-170. NORRED W.P., 1993. J. Toxicol. Env. Health., 38, 309-328. OSWALD I.P., COMERA C., 1998. Rev. Med. Vet., 149, 585-590. OSWEILER G.D., KEHRLI M.E., STABEL J.R. et al, 1993. J. Anim. Sci, 71, 459-466. QURESHI M.A., HAGLER W.M., 1992. Poultry Sci., 71,104-112. RILEY R.T., VOSS K.A., NORRED W.P. et al, 1998. Rev. Méd. Vét., 149, 617-626. ROTTER B.A., THOMPSON B.K., PRELUSKY D.B. et al, 1996. Nat. Toxins, 4, 42-50. SCOTT P., 1993. Int. J. Food. Microbiol., 18, 257-270. THAI J.H., PESTKA J.J., 1988. Food Chem. Toxicol., 26, 691-698. THIBAULT N., BURGAT V., GUERRE P., 1997. Rev. Med. Vet., 148, 369-388. VENTURINI M.C., QUIROGA M.A., RISSO M.A., GODOY H., 1996. J. Comp. Path., 115, 229-237. WANG W., JONES C., CIACCI-ZANELLA J. et al, 1996. Proc. Natl. Acad. Sci., USA, 93, 3461-3465. YOSHIZAWA T., YAMASHITA A., LUO Y., 1994. Appl. Environ. Microbiol., 60, 1626-1629.