Dossier Artistique La Barbe Bleue D après le texte de Charles Perrault, et l Opéra Douce et Barbe Bleue d Isabelle Aboulker Théâtre, Ombres et Conte musical Tout public à partir de 5 ans Mise en scène : Conteuses : Coraline David Aurore Déon Capitaine B. : François Marnier Lumières : Jean Yves Perruchon Décors : Pierre Perrégaux Costumes : Emeline Leroux Direction musicale : Sophie Maydat Benjamin Woh 1
«Je lui présentais l air, le feu, l eau et la terre comme de belles princesses, et tout dans la nature prenait un sens profond. Nous inventions des chemins parmi les étoiles et parlions des grands esprits que nous y rencontrerions... Il me dévorait des yeux; et si le sort de l un de ses héros favoris n était pas de son goût, je pouvais le voir à la colère qui se peignait sur son visage, ou aux efforts qu il faisait pour ne pas éclater en sanglot. De temps en temps, il m interrompait pour me dire : «Mère, ce n est pas possible! La princesse ne va pas se marier avec le méchant tailleur, même s il tue le géant!» Alors je m arrêtais, remettant la catastrophe au lendemain soir. C est ainsi que mon imagination était souvent remplacée par la sienne; et quand, le lendemain, j arrangeais le destin de son héroïne selon ses suggestions en disant : «Tu as deviné juste... voici ce qui s est passé...» Il était tout excité, et on aurait pu entendre battre son coeur.» Ces quelques lignes, écrites par la mère de Goethe, décrivent la relation privilégiée qui existe entre le conteur et l enfant : Comment faire de son imaginaire un grand livre ouvert fait de pages blanches, et ensemble y déposer des couleurs, des sons, images fabuleuses et fantastiques? Par la force du récit. Tout passe par les mots, ici, la langue de Charles Perrault. Ces mots sont créés au présent : L Homme, le Capitaine B, les invente ici et maintenant, à la fois soutenu et perturbé par ces créatures sorties du mécanisme de son imaginaire. Une boîte posée là cercueil, boîte à musique, coffre à jouets, à souvenir, non lieu... magique. 2
Le tiroir s ouvre, d où s échappent des poupées-conteuses un rien rouillées, mais bien décidées à aller au bout de l histoire à raconter. Le couvercle de la boîte se dresse, apparaît un écran pour les ombres, la manivelle se tourne, et la Boîte se change en piano. Ce coffre deviendra au fil de l histoire, l antre du château de la Barbe Bleue, le théâtre des péripéties de Douce, sa dernière femme. 3
Musique Pour raconter cette histoire, les conteuses vont jongler entre récit parlé et chanté. Tel un écrin, la musique met en valeur les mots, ravive la couleur des phrases, sublime la tension du récit. Les chants de ce conte, sont des extraits de l Opéra Douce et Barbe Bleue composé par Isabelle Aboulker. Dans cet opéra, un jeu infiniment subtil se crée entre texte et musique. Le récit emporte l énergie des interprètes jusqu au chant : Dans les moments de tensions extrêmes, on ne peut plus parler le texte, on le chante. Ombres Quoi de plus éphémère, de plus léger, de plus effrayant, et de plus mystérieux qu une ombre? Par sa nature de contour, l ombre ne donne pas tout à voir, elle suggère, laissant une part de liberté à l imaginaire des spectateurs. L ombre, c est aussi une marionnette qui naît d un dessin, et restant en deux dimensions, ne s en éloigne que très peu. 4
Les personnages apparaissent. Ils sont tantôt images sorties d un songe, contours sur un drap, tantôt bien vivants, faits de chair. Un dialogue jubilatoire s établit entre ces deux formes d appréhension du réel : L image créée sous nos yeux, et la parole incarnée. Petit à petit, l ombre devient un jeu, qui gagne les conteuses et déborde. Elle s échappe de l écran blanc, et vient se glisser dans les costumes leur tendre des pièges... C est un personnage à part entière, aussi difficilement contrôlable qu un animal capricieux. L ombre est à la fois l outil principal des conteuses, mais pour leurs malheurs elle est aussi l alliée secrète de la Barbe Bleue, et gardienne de la chambre interdite. La Barbe Bleue, ou le grand méchant loup, l ogre ou le croque-mitaine, ou encore la sorcière... Tous ces méchants de contes de fées ne font qu un. Un seul sous plusieurs formes, s habillant différemment pour être le plus effrayant possible, et être certain de toucher tous les enfants. Pourquoi les contes nous procurent-ils du plaisir? La légende et le conte ne sont-ils pas la tragédie des enfants? Nous avons en chacun de nous une part qui prend un infini plaisir à se faire peur. Les personnages de ce spectacle ne vont pas plus loin, restant coûte que coûte dans la joie de se raconter une histoire. On a beau y croire une fraction de seconde, finalement la Barbe Bleue n est qu une marionnette, son ombre nous a joué des tours, son couteau est en carton. Tout ceci n est qu un jeu où rien n est grave. On fait juste comme si, le temps d un conte. Transmettre un auteur, donner à rêver, réveiller l imaginaire des grands et des petits... tel sera notre propos. Vivre un vrai voyage. 5