30 05 13 Amendements proposés par Anticor au projet de loi organique parquet financier 1. Nominations : prévenir tout soupçon par des modalités de nomination des procureurs financiers alignées sur celles des juges (loi constitutionnelle). 2. Discipline : prévenir toute immixtion illégitime de l'exécutif sous un prétexte disciplinaire 3. Officiers de police judiciaire : assurer une autonomie nécessaire aux OPJ qui travaillent sur des affaires sensibles 4. Légalité des poursuites : les infractions à l'intégrité doivent toujours être poursuivies 5. Décoration des magistrats : aligner le régime sur celui des parlementaires (Tous les amendements concernant le parquet financier ont été regroupés, même si certains ne relèvent pas d'une loi organique) 1
1. Nominations Loi constitutionnelle : L'article 65, alinéa 5 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes : "La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet fait des propositions pour les nominations des procureurs de la République financiers. Les autres magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme." Dans le projet de loi organique, le procureur financier se trouve dans la même situation statutaire que le procureur de Paris. Or il existe déjà, au parquet de Paris, une section financière dirigée par un substitut du procureur. La seule nouveauté du projet tient à ce que la section financière sera dirigée non plus par un substitut hiérarchiquement dépendant du procureur de Paris, mais par un procureur dépendant du procureur général de Paris. Il est inutile de légiférer pour cela. Au minimum, et pour prévenir tout soupçon d'intervention politique dans le processus de nomination, le Conseil supérieur de la magistrature devrait maîtriser l'intégralité du processus de nomination des procureurs spécialisés en matière financière. La pleine indépendance de ce procureur, et donc l'absence théorique de responsabilité politique pour l'appréciation de l'opportunité des poursuites, serait équilibrée par la suppression de ce principe d'opportunité et l'obligation de respecter le principe de légalité des poursuites (obligation de poursuivre les infractions dont il aurait connaissance dans son domaine de compétences). 2
2. Action disciplinaire contre les magistrats Article 50 du projet de loi organique relatif au statut de la magistrature : Supprimer la phrase : " Le garde des sceaux, ministre de la justice, saisi d'une plainte ou informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires, peut, s'il y a urgence et après consultation des chefs hiérarchiques, proposer au Conseil supérieur de la magistrature d'interdire au magistrat du siège faisant l'objet d'une enquête administrative ou pénale l'exercice de ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les poursuites disciplinaires." Supprimer l'article 50-1 [qui prévoit la mise en oeuvre de l'action disciplinaire par le garde des sceaux] Rédiger ainsi l'article 50-2 3ème alinéa : Le conseil supérieur de la magistrature dispose, pour le besoins de l'enquête disciplinaire, de l'inspection générale des services judiciaires. Ajouter après l'article 59 : "la prescription de l'action disciplinaire pour les magistrats du siège et du parquet est de trois années révolues. Le délai de prescription de l'action ne commence à courir, en cas de dissimulation de l'infraction disciplinaire, qu'au jour où l'infraction a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice des poursuites." Rédiger ainsi l'article 59 : "Aucune sanction contre un magistrat du parquet ne peut être prononcée sans l'avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. Dans un passé récent, des procédures disciplinaires ont été instrumentalisées par l'exécutif afin de déstabiliser des magistrats. Ainsi, Renaud Van Ruymbeke a été poursuivi en 2006 à l'initiative du Garde des sceaux. En réalité, il s'agissait d'une tentative de déstabilisation contre le magistrat qui instruisait alors l'affaire dite des Frégates de Taiwan. Après six ans de procédure, les poursuites ont été abandonnées. De même, Patrick Ramaël, a fait l'objet de poursuites pour des prétextes futiles, après avoir déplu au pouvoir en procédant à certaines mesures d'instruction. A l'issue de la procédure, le CSM a écarté tous les griefs retenus contre lui. L'amendement supprime les pouvoirs de Garde des sceaux en matière disciplinaire pour les magistrats du siège (ces pouvoirs n'appartiennent dès lors plus qu'aux chefs de cour). Les pouvoirs du CSM sont accrus en ce domaine, par la mise à sa disposition de l'inspection des services judiciaires. L'amendement subordonne également les sanctions concernant les magistrats du parquet à l'avis conforme du CSM. Enfin, il organise un régime de prescription comparable à celui prévu en matière délictuelle. 3
3. Officiers de police judiciaire Insérer dans le code de procédure pénale un article 18-1 ainsi rédigé : Des officiers et agents de police judiciaire sont détachés auprès de l'autorité judiciaire dans chaque tribunal de grande instance, afin d'y travailler sous la direction des magistrats du parquet et des juges d'instruction. D'autres fonctionnaires habilités à la recherche et à la constatation des infractions peuvent être détachés dans les mêmes conditions. Les modalités d'affectation de ces fonctionnaires sont fixées par décret en Conseil d'état. L'amendement crée des unités de police judiciaire (O.P.J) détachées auprès de l'autorité judiciaire dans chaque tribunal de grande instance. Certains faits, comme celui d'eric Halphen, privé d'officiers de police judiciaire pour une perquisition sensible, sont restés dans les mémoires. Le problème tient au fait que les O.P.J. subissent une double tutelle : celle du ministère de l'intérieur ou de la Défense, et celle du parquet ou du juge d'instruction qui les requiert pour les besoins d'une enquête préliminaire ou d'une instruction. Dans la mesure où l'affectation des O.P.J.. aux besoins de l'enquête dépend d'une décision du ministère de l'intérieur, celui-ci apparaît, de fait, comme le véritable chef de la police judiciaire. Cette situation doit être corrigée. Cet article s'inspire de l'exemple italien, où, pour chaque substitut, trois officiers de police judiciaire sont détachés auprès de la juridiction. Ces officiers ne dépendent que de l'autorité judiciaire pour leur carrière. 4
4. Légalité des poursuites Il est ajouté à l'article 40 du code de procédure pénale un alinéa ainsi rédigé : Pour l'application des articles 432-10 à 432-16 du code pénal 433-1, 433-2, 434-9-1, 435-1 à 435-11 et 445-1 à 445-2 du code pénal, L 106 et suivants du Code électoral, L 621-1 du code de la construction et de l habitation, et L59 du code des douanes, le procureur a l'obligation de poursuivre. Cette obligation vaut également pour les infractions réprimées par les articles 314-1 à 314-4, 321-1 à 321-6, 324-1 à 324-6 du code pénal,et L241-3 et L242-6 du code de commerce dès lors que celles-ci sont en lien avec l une des infractions visées au précédent alinéa. Si le parquet financier ne bénéficiait pas de toutes les garanties statutaires d'indépendance dans sa nomination, l'obligation de poursuivre (légalité des poursuites) le placerait néanmoins dans l'obligation d'agir pour l'ensemble des infractions dans le champ de sa compétence. Sa responsabilité pourrait être engagée si, ayant connaissance d'une infraction, il ne procédait pas aux diligences nécessaires. Le principe de légalité des poursuites limite l'arbitraire dans l'exercice des poursuites pénales. Il constitue un moyen pour repousser toute ingérence injustifiée dans le cours de la justice. Il est adapté aux infractions à la probité, le plus souvent sans victime ayant un intérêt direct à agir : dans ce cas, si le parquet n'est pas incité à agir, l'infraction reste impunie. La légalité des poursuites s'applique à l'ensemble des infractions notamment en Allemagne, en Italie et en Espagne. Elle impose au parquet de poursuivre dès lors qu'il a connaissance d'éléments suffisants permettant de considérer qu'une infraction a été commise. Il est proposé de substituer ce principe à celui de l'opportunité des poursuites, au moins pour les infractions d'atteinte à la probité. 5
5. Décoration des magistrats (Après l'article 4 de la LO Transparence) Article 1 Après l article 10 de l ordonnance n 58-1270 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé : «Pendant et au titre de l exercice de leurs fonctions, les magistrats ne peuvent recevoir aucune décoration publique au titre du livre Ier du code de la légion d honneur et de la médaille militaire et du décret n 63-1196 du 3 décembre 1963 portant création d'un ordre national du mérite.» Article 2 Après l'article L234-6 du code des juridictions administratives, il est inséré un article L.234-7 ainsi rédigé : «Pendant et au titre de l exercice de leurs fonctions, les magistrats ne peuvent recevoir aucune décoration publique au titre du livre Ier du code de la légion d honneur et de la médaille militaire et du décret n 63-1196 du 3 décembre 1963 portant création d'un ordre national du mérite.» Article 3 Après l'article L122-6 du code des juridictions financières, il est inséré un article L122-7 ainsi rédigé : «Pendant et au titre de l exercice de leurs fonctions, les magistrats ne peuvent recevoir aucune décoration publique au titre du livre Ier du code de la légion d honneur et de la médaille militaire et du décret n 63-1196 du 3 décembre 1963 portant création d'un ordre national du mérite.» La médaille n est plus un signe de distinction d actions hors du commun (ce que voulaient les créateurs des ordres de la Légion d Honneur comme du Mérite) mais un signe de distinction sociale, dont les critères d'octroi sont peu transparents. L'interdiction constitue la meilleure façon pour que le citoyen ne s interroge pas sur les raisons d une telle récompense. De telles interrogations nuisent à l'impartialité objective dont les magistrats doivent faire preuve. Le régime des magistrats est ainsi, en matière de décorations, aligné sur celui des parlementaires, pour les mêmes raisons visant à préserver leur indépendance vis-àvis de l'exécutif. 6