ANACLASE.com 08/12/08 10:59 Ouverte le 6 novembre par la conférence magistrale du Maître, l'invitation du Louvre à Pierre Boulez offre, avec ce concert, moyen de toucher précisément de nombreux aspects évoqués ce jour-là. Avant de décider d'une version dernière, et non achevée, de Pli selon Pli, Boulez explore son inspiration, tant les mots de Mallarmé qui la féconde que ses propres interrogations de créateur. À relire l'esquisse, l'idée fiévreusement jetée sur la page, il arrive qu'un fragment se détache, qu'il invite à ce qu'on le creuse en oubliant volontairement le tout auquel il contribua. Ainsi des Improvisations sur Mallarmé qui abritent le programme de ce soir. Après Dérive I en guise d'ouverture qu'on pourrait dire incertaine, donnée aujourd'hui en un geste à la fois clair et large, comme aéré, révélant des équilibres instrumentaux d'une précision confondante, Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui montre le Boulez d'autrefois (1957), observant le mystères de halos de percussions, entre autre, regardant par eux un même désert comme par les mélismes de Dérive. christine schäfer oliver hermann PIERRE BOULEZ, CHRISTINE SCHÄFER ET L'EIC Auditorium du Louvre, Paris 19 novembre 2008 Jouer ces œuvres dans une telle proximité fait, pour nous, directement écho à l'un des essais de Degas choisi pour l'exposition Pierre Boulez. Œuvre : fragment, dont Marcella Lista est le commissaire, visible au musée jusqu'au 9 février : il s'agit d'une Etude de porte. Le fait qu'elle soit réalisée à l'huile sur papier fin, des matériaux incompatibles, montre bien l'urgence que connut Degas à ce moment-là. En se figeant, le bain, méjugé disgracieux, du support confit si bien ce que cherche la couleur que le titre, Etude de porte, semble évident bien qu'on distingue trois portes ouvrant l'une sur l'autre de couloir en couloir. Au singulier, porte est infini. Dressé comme une énigme, le petit rectangle, tout au fond, superpose d'innombrables portes et couloirs, d'autres non-lieux en lesquels s'enfermer pour mieux s'échapper vers un autre enfermement, et ainsi de suite. C'est dans cette fuite dont la fascinante profondeur happe l'œil que s'impose le choix du matériau. La contradiction de la diaphanéité du papier et de l'épaisse pré- gnance de l'huile qui, lentement, s'allège en contaminant la fibre, procède d'une certaine conduite du regard : vers soi plutôt que vers l'équation de la page. Fut-ce par delà le connu de l'artiste? Certainement pas. De même qu'huile et papier : percussion et voix. Le soprano Christine Schäfer offre une belle vocalité à ces Improvisations, en bonne intelligence avec le texte boulézien et mallarméen. Après qu'elle ait chanté les Deux poèmes de Balmont et les Trois poésies de la lyrique japonaise de Stravinsky, annonçant à leur manière la soirée du 2 décem-bre - sous la pyramide : L'Oiseau de feu par l'orchestre de Paris -, Une dentelle s'abolit contraste diablement avec son écriture en griffes, sa couleur instrumentale toute aspérité et raucité. Avec Blamont, nous abor-dons un symboliste, certes bien différent de Mallarmé, mais symboliste tout de même. Nous touchons également un peu de cet archipel (le mot est de Boulez) que forment les pièces russes de Stravinsky. Les deux cycles sont enchaînés sans interruption. La voix s'y impose par une ligne évidente, une dynamique toujours infiniment soignée. Après le bref Mémoriale ( Explosante-fixe Originel) par lequel Boulez revenait en 1985 sur un fragment d'un autre tout, la création mondiale de Zug, une œuvre commandée à Enno Poppe par le Louvre et l' Ensemble Intercontemporain, ne convainc guère. Un septuor de cuivres frotte des micro-intervalles menant volontiers à des résolutions attendues usant d'effets assez faciles. En revanche, la nouvelle version de Fifth Station, inspiré à Dai Fujikura par la toile éponyme de Barnett Newman retient immédiatement l'écoute. L'image elle-même est extraite d'un plus vaste corpus noir-et-blanc, The Stations of the Cross, comprenant treize pièces peintes par Newman de 1958 à 1966. Face au public, Pierre Boulez dirige cinq pôles instrumentaux, trompette et violoncelle placés seuls sur la scène. D'amorces de plus en plus nerveuses, la partition développe bien- tôt une effervescence presque épileptique dans une saisissante inflation d'événements, resserrant toute son indicible énergie dans l'épaisseur noire d'un canevas qu'on pourrait lire de droite à gauche. http://www.anaclase.com/frames.htm Page 1 sur 2
ANACLASE.com 08/12/08 10:59 Bertrand Bolognesi http://www.anaclase.com/frames.htm Page 2 sur 2
Musique Classique, Resmusica cite et commente l actualité au quotidien 08/12/08 10:15 Cycle Boulez au Louvre [Paris]Le feu sacré de la transgression Genre : La Scène Rédacteur : Michèle Tosi pour ResMusica.com le 25/11/2008 Retour au format d origine Imprimer cette page Louvre Auditorium 19-XI-2008. Pierre Boulez (né en 1925) : Dérive I pour six instruments ; Improvisation I sur Mallarmé : Le vierge, le vivace et le bel aujourd hui ; Improvisation II sur Mallarmé : Une dentelle s abolit ; Mémoriale (Explosante-fixe Originel) ; Enno Poppe (né en 1969) : Zug pour sept cuivres (CM) ; Dai Fujikura (né en 1977) : Fifth Station pour ensemble (création de la nouvelle version) ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Deux poèmes de Balmont ; Trois Poésies de la lyrique japonaise. Christine Schäefer, soprano ; Sophie Cherrier, flûte ; Ensemble Intercontemporain ; Pierre Boulez, direction. Si la jauge de l auditorium du Louvre est évidemment trop restreinte pour accueillir des concerts aussi prestigieux que ceux qui nous sont offerts courant Novembre dans le cadre de l hommage particulier rendu à Pierre Boulez, l atmosphère chaleureuse qui habite le lieu et sa qualité acoustique confèrent à toutes les manifestations une dimension exceptionnelle. Soulignons tout de même que, ce mercredi 19, Pierre Boulez était à la tête de l ensemble Intercontemporain dans un http://www.resmusica.com/imprimer.php3?art=6046 Page 1 sur 4
Musique Classique, Resmusica cite et commente l actualité au quotidien 08/12/08 10:15 programme rejoignant, au regard de ses propres œuvres, la question de l inachevé et du fini soulevée par l exposition dont il est le commissaire, «Œuvre : fragment».. Ainsi la partition de Dérive I (1984) au titre emblématique est-elle une ramification de Répons et sera à son tour le ferment de Dérive II selon le processus du work in progress considérant l œuvre en continuel devenir. Sous le geste minimaliste de Boulez, cette courte pièce jouant sur le phénomène d attaque et de résonance offrait une très belle page inaugurale où la précision du jeu conférait à l œuvre sa parfaite lisibilité et son aura poétique. Œuvres fragment, Improvisation I et II sur Mallarmé (1957) constituent le noyau de Pli selon Pli qui comprend cinq volets. Nous entendions en première partie la petite version d Improvisation I sur le sonnet de Mallarmé, Le vierge, le vivace et le bel aujourd hui dont le dispositif (voix, percussions résonante et harpe) exige, pour des raisons acoustiques, une position spatiale très étudiée. La voix pure et bien timbrée de Christine Schäefer épousant les lignes mélismatiques de l écriture s inscrivait idéalement dans ce contexte résonant où le radicalisme sériel se confond ici avec l amour du son et de la résonance. Mémoriale ( Explosante fixe originel), troisième œuvre boulézienne de la soirée livre dans son titre même la trace de sa genèse ; elle reprend en effet la partie de flûte d Explosante fixe associée ici à un petit ensemble instrumental. «Tombeau» écrit à la mémoire de Laurence Beauregard (flûtiste de l Intercontemporain) Mémoriale exhale une émotion à fleur de cordes au-dessus desquelles flotte la ligne de flûte (idéale Sophie Cherrier) rehaussée de celle du cor : un bijou à l éclat inaltérable! Mais Pierre Boulez entend aussi défendre la musique des http://www.resmusica.com/imprimer.php3?art=6046 Page 2 sur 4
Musique Classique, Resmusica cite et commente l actualité au quotidien 08/12/08 10:15 jeunes compositeurs qu il soutient et dirige avec une rare générosité. Rappelons ce concert luxueux offert à quatre d entre eux dans les salles du Musée (face à la Joconde, en contrebas de la victoire de Samothrace ou devant les Femmes d Alger de Picasso ) où l on entendait quatre créations «incitées» par le modèle de quatre œuvres du répertoire. Ce soir, Boulez assurait la première mondiale de Zug pour ensemble à vent de Enno Poppe, un jeune compositeur allemand dont l univers singulier l intéresse manifestement beaucoup. Zug relève en effet d un projet original et aventureux qui renonce à l éclat des cuivres au profit des demi-teintes et d une variété infinie de l émission sonore explorant de manière quasi obsessionnelle l univers micro-intervallique. Si les interprètes ne semblaient pas trop à leur aise (c était une création!), on n en suivait pas moins les méandres d une trajectoire sonore fascinante où se lisent les traits d une pensée inventive autant que sensible. Plus jubilatoire et spectaculaire, Fifth Station du japonais Dai Fufikura faisait sensation. Parce que la pièce met à l œuvre de manière très efficace la technique de spatialisation, quatre groupes instrumentaux hétérogènes cernant de près le public totalement immergé dans le son. Il n y a sur scène que deux instruments, le violoncelle très incitateur d Eric-Maria Couturier (investi entre tous), et la trompette complice de Jean-Jacques Gaudon. Pierre Boulez dirige donc face au public une leçon pour les yeux autant que les oreilles gérant avec maestria le mouvement des masses sonores qui fouettent l espace par relances très dynamiques où se focalisent sur la clarinette basse isolée au sein du public (fabuleux Alain Billard) pour suspendre l écoute sur l intensité vibratoire de ses sons multiphoniques. Avant de clore le concert avec Improvisation II sur Mallarmé, une pièce plus développée que la première (piano et http://www.resmusica.com/imprimer.php3?art=6046 Page 3 sur 4
Musique Classique, Resmusica cite et commente l actualité au quotidien 08/12/08 10:15 célesta complètent l effectif instrumental), Christine Schäefer revenait au côté de Pierre Boulez pour interpréter avec un charme exquis les trois Poésies de la lyrique japonaise de Stravinsky, trois miniatures finement ciselées que ni la discographie ni le concert n honorent à leur juste valeur. A la brièveté de ces trois poésies répondait celle des deux poèmes de Balmont (1911) que Stravinsky orchestre en 1954 sur le modèle des précédentes, elles-mêmes portant l empreinte de l effectif du Pierrot lunaire de Schœnberg : Ainsi l œuvre renaîtt-elle perpétuellement d elle-même Crédit photographique : Christine Schäefer christine-schaefer.com Rédacteur : Michèle Tosi pour ResMusica.com le 25/11/2008 Attention! Nous vous rappelons que l impression de l article affiché à l écran n est destinée qu à un usage strictement personnel. Copyright 2000-2008 ResMusica. Tous droits réservés. http://www.resmusica.com/imprimer.php3?art=6046 Page 4 sur 4