L ALLOCATION AUX FAMILLES (FAMILY CREDIT) ET LE CRÉDIT D IMPÔT POUR LES FAMILLES ACTIVES (WORKING FAMILIES TAX CREDIT) AU ROYAUME-UNI

Revue économique de l OCDE n 31, 2/II L ALLOCATION AUX FAMILLES (FAMILY CREDIT) ET LE CRÉDIT D IMPÔT POUR LES FAMILLES ACTIVES (WORKING FAMILIES TAX CREDIT) AU ROYAUME-UNI Andrew Dilnot et Julian McCrae TABLE DES MATIÈRES Introduction... 82 La structure de l allocation aux familles (Family Credit FC) et le futur crédit d impôt aux familles actives (Working Families Tax Credit WFTC)... 83 Caractéristiques de la population cible... 85 Frais de garde d enfants... 85 Effets incitatifs possibles du WFTC... 87 Familles monoparentales... 88 Hommes vivant en couple... 88 Femmes vivant en couple... 89 Questions en suspens... 91 Effets redistributifs ou incitation à travailler?... 91 Structure du taux marginal... 93 Garde des enfants... 95 Administration... 95 Présentation... 96 Conclusion... 97 Bibliographie... 98 Andrew Dilnot et Julian McCrae appartiennent tous deux à l Institute for Fiscal Studies (Institut d études budgétaires), Londres. Le présent article reprend la teneur de la communication qu ils ont présentée aux participants à l Atelier sur la valorisation du travail des 1 et 11 septembre 1999. 81

INTRODUCTION Il y a près de trente ans qu existe au Royaume-Uni un dispositif d aide aux familles actives ayant des enfants à charge. Le complément familial (Family Income Supplement -- FIS) a été mis en place en 1971, en principe à titre temporaire dans l attente de mesures en faveur de la famille et surtout des familles monoparentales démunies. Le FIS était une prestation accordée sous condition de ressources aux familles comptant un enfant à charge et un adulte actif travaillant au moins 24 heures par semaine. Au début, le nombre des bénéficiaires de cette allocation fut relativement réduit mais il grossit fortement tout au long des années 197 et 198, comme on le voit sur le tableau 1. Trois raisons expliquent cet accroissement la générosité accrue de la prestation, un plus grand nombre de demandes et une augmentation de la population remplissant les conditions pour en bénéficier, en particulier parmi les familles monoparentales. En 1988, le FIS, quelque peu modifié dans sa structure et majoré, pris le nom de Family Credit (FC Allocation aux familles) (Dilnot et Webb, 1988). Le nombre des demandes continua d augmenter, de même que le nombre de personnes susceptibles d en bénéficier et la générosité de la prestation, d où un nouvel accroissement de l effectif des bénéficiaires. Au cours de la première moitié des années 199, le nombre d heures de travail requis pour en bénéficier fut ramené à 16 heures par semaine et, pour encourager en particulier les mères de jeunes enfants à demander le bénéfice de l allocation, on décida d appliquer une mesure dit Childcare Disregard, consistant à défalquer du plafond de ressources pris en compte un montant correspondant aux frais de garde des enfants (Dilnot et Duncan, 1992). Le nombre des bénéficiaires au titre du Tableau 1. Effectif des bénéficiaires du FIS, du FC, du WFTC Nombre de bénéficiaires 82 1971 71 1985 199 199 317 1995 6 1999 78 Après création de WFTC (estimations du gouvernement) 1 5

L allocation aux familles et le crédit d impôt pour les familles actives au Royaume-Uni Childcare Disregard est resté très minime mais le nombre global des bénéficiaires a continué d augmenter, atteignant plus de 75 à l aube d une autre réforme, le remplacement du FC par le WFTC (Working Families Tax Credit crédit d impôt pour les familles actives) en octobre 1999. D après les estimations du gouvernement, le nombre des familles qui bénéficieront du WFTC doublera par rapport à celui des familles qui touchaient le FC. Dans la deuxième section de cet article, nous décrivons la structure du FC et la réforme qui aboutira à sa transformation en WFTC, en indiquant quelques-uns des éléments qui caractérisent la population cible. Dans la troisième section, nous analyserons, l effet possible pour différentes catégories de ménages du nouveau WFTC sur l incitation à travailler et dans la quatrième, nous évoquerons une série de problèmes qui doivent faire l objet d un débat dans le contexte de la réforme en cours au Royaume-Uni et, de façon plus générale peut-être, lors de l examen de mesures de ce type. LA STRUCTURE DE L ALLOCATION AUX FAMILLES (FAMILY CREDIT FC) ET LE FUTUR CRÉDIT D IMPÔT AUX FAMILLES ACTIVES (WORKING FAMILIES TAX CREDIT WFTC) Le Family Credit était la principale aide liée à l exercice d un emploi au Royaume-Uni de 1988 à octobre 1999. Cette aide était destinée aux familles à bas salaire avec enfants. Pour en bénéficier, la famille devait compter en son sein un adulte travaillant au moins 16 heures par semaine. Toute famille était censée pouvoir percevoir un montant maximum, en fonction du nombre d enfants à charge du ménage, et un petit supplément si l adulte actif travaillait à plein-temps. Ce montant maximum était payable si le revenu net de la famille (déduction faite des impôts et des cotisations au régime national d assurance) était inférieur à un plafond (8.65 livres par semaine). Un revenu net supérieur à ce plafond entraînait une diminution de la prestation par rapport au maximum de 7 pences par livre de revenu excédentaire. La structure de base du FC est présentée au graphique 1. Le Family Credit était payable pendant six mois à un taux forfaitaire qu il y ait ou non changement de la situation du bénéficiaire, ce afin de réduire autant qu il est possible les frais d administration et de contrôle et pour éviter d avoir à appliquer un fort taux de réduction des prestations au cours de ce laps de temps. La prestation était versée à la mère, même lorsque c était la situation du père qui avait permis de l obtenir. A la fin de 1996, le versement moyen s établissait à 57 livres par semaine. Les effectifs et montants concernés, faibles dans la période qui a immédiatement suivi la création de l allocation en 1988, ont augmenté depuis lors. Selon les dernières estimations, 69 pour cent des personnes remplissant les conditions pour en bénéficier perçoivent 82 pour cent des crédits prévus à cet effet. 83

Revue économique de l OCDE, n 31, 2/II Graphique 1. Générosité accrue de l aide liée à l exercice d un emploi WFTC avec garde d enfants WFTC Family Credit Family Credit/WFTC 7 6 5 4 3 2 1 Family Credit/WFTC 7 6 5 4 3 2 1 1 2 3 4 5 6 7 Durée du travail hebdomadaire (heures) 84 A compter d octobre 1999, le Family Credit doit être remplacé par le Working Families Tax Credit (WFTC crédit d impôt pour les familles actives). Le WFTC sera nettement plus généreux que le FC. L État estime qu à la fin du siècle il dépensera à ce titre 5 milliards de livres par an (1.5 pour cent du budget de l État,.6 pour cent du PIB) soit près de 2 milliards de livres de plus qu escompté pour le FC. En effet le WFTC est plus généreux que le FC sur quatre points : Un crédit pour enfants se situant entre 19.85 livres et 25.95 livres par semaine. Un relèvement du plafond de 8.65 livres à 9 livres par semaine. Une dégressivité ramenée de 7 pour cent à 55 pour cent. Un crédit pour frais de garde d enfants égal à 7 pour cent des frais réels, plafonné à 15 livres par semaine. L effet de ces changements par rapport au Family Credit est indiqué au graphique 1. Les personnes qui perçoivent à l heure actuelle le montant maximum de la prestation bénéficieront d une petite augmentation si elles ont des enfants de moins de 11 ans. Celles dont le revenu net s établit entre 8.65 et 9 livres percevront non plus le tarif dégressif mais le montant maximal. Celles qui continueront d être frappées par la dégressivité verront le taux de celle-ci ramené de 7 à

L allocation aux familles et le crédit d impôt pour les familles actives au Royaume-Uni 55 pour cent. Les personnes qui y gagneront le plus seront celles qui se trouvent en bas de l échelle de dégressivité. Par ailleurs, la générosité accrue de l aide aux personnes qui travaillent élargit le champ d application de cette aide. Le dernier point sur lequel le WFTC est plus généreux que son prédécesseur est celui du crédit pour garde d enfants, qui remplace la majoration du plafond de ressources pour frais de garde d enfants du Family Credit, laquelle était très peu utilisée. Ce crédit majore le montant maximal du WFTC de 7 pour cent des frais de garde d enfants, plafonnés à 1 livres par semaine pour les ménages n ayant qu un enfant et à 15 livres par semaine pour les ménages comptant deux enfants ou plus. Le crédit est payable aux chefs de familles monoparentales et aux couples dont les deux partenaires travaillent plus de 16 heures par semaine. L effet de ce crédit est également indiqué au graphique 1. Il est à noter que deux autres prestations versées sous condition de ressources, l aide au logement et le dégrèvement de la taxe d habitation, cumulables avec le Family Credit, le sont aussi avec le WFTC. En ce qui les concerne, l augmentation du revenu disponible d une famille à la suite du passage au WFTC peut être inférieure à l augmentation du montant versé au titre du FC/ WFTC car le droit aux autres prestations peut être réduit. Ces interactions avec d autres prestations sont prises en compte dans les exemples de ressources des ménages exposés plus loin. Caractéristiques de la population cible Le WFTC et le FC s adressent à deux principaux groupes de population, les chefs de familles monoparentales et les couples. Le taux d activité dans ces groupes est de 4 pour cent pour les chefs de familles monoparentales, 82 pour cent pour les hommes vivant en couple et 57 pour cent pour les femmes vivant en couple. On trouvera au graphique 2 la distribution de la durée du travail dans chacun de ces groupes. Pour les hommes, le choix de base est entre travailler et ne pas travailler seule une très faible proportion d hommes travaillant à temps partiel. La durée du travail des femmes est par contre très variable. Il apparaît aussi clairement que le système d allocation a un fort impact sur la présence des femmes sur le marché du travail le haut de la courbe se situant pour les femmes seules à 16 heures, condition minimale pour bénéficier du Family Credit. Frais de garde d enfants Un des grands éléments du WFTC est le crédit pour garde d enfants. Ce facteur pourrait voir un fort impact sur l offre de main-d œuvre. Le tableau 2 indique le mode de garde d enfants auquel ont recours les familles dont le plus jeune enfant n est pas encore scolarisable. Parmi les couples, plus d un tiers déclarent qu ils ne font pas garder leurs enfants, un peu plus de 25 pour cent qu ils les font garder par 85

Revue économique de l OCDE, n 31, 2/II Graphique 2. Durée du travail par catégorie de famille Pourcentage de l échantillon Pourcentage de l échantillon.15.15 A. Mères seules B. Femmes vivant en couple.1.1.5.5 1 16 2 3 4 5 1 16 2 3 4 5 Heures travaillées par semaine Heures travaillées par semaine.25 C. Hommes vivant en couple.2 Pourcentage de l échantillon.15.1.5 86 1 16 2 3 4 5 Heures travaillées par semaine Source : Family Resources Survey, 1994/95.

L allocation aux familles et le crédit d impôt pour les familles actives au Royaume-Uni Tableau 2. Modes de garde d enfants employés dans les familles dont le plus jeune enfant est âgé de moins de 5 ans Pourcentage Mode de garde d enfants Couples Familles monoparentales Total Pas de garde 35.4 9.3 32.9 Personnes de la famille uniquement 28.7 44. 3.1 Personnes de la famille, plus amis 1.1 4.4 1.4 Amis uniquement 3. 9.8 3.6 Nourrice uniquement 11.2 11.1 11.2 Crèche uniquement 7.1 6.7 7.1 Nourrices, agréées et non déclarées 2.5 3.4 2.6 Crèche et nourrice non déclarée 4.3 7.5 4.6 Différents modes de garde agréés 3.4 1. 3.1 Autres modes de garde 3.3 2.6 3.3 Total 1. 1. 1. Source : Family Resources Survey, 1994/5 et 1995/96. des personnes de la famille et un petit peu moins de 25 pour cent qu ils les mettent à la crèche ou les confient à une nourrie agréée. S agissant des familles monoparentales, la différence la plus notable avec le premier groupe porte sur le nombre de parents déclarant qu ils ne font pas garder leurs enfants nombre qui est inférieur à 1 pour cent le nombre de ceux qui les confient à une personne de la famille s accroissant d autant. EFFETS INCITATIFS POSSIBLES DU WFTC Le WFTC est destiné à inciter à travailler les personnes qui gagneront probablement peu sur le marché du travail. Le moyen employé pour ce faire est une générosité accrue des aides liées à l exercice d un emploi, dénommées à compter d octobre 1999 Crédit d impôt et non plus prestations de sécurité sociale. Cette transformation accroît indubitablement l incitation à travailler chez certains groupes de population. Pourtant, dans certains cas, les modalités du WFTC risquent de faire baisser le taux d activité. On verra dans la présente section les changements que le WFTC peut apporter aux ressources des familles et l évolution de l incitation à travailler qui devrait en principe en résulter. Il faut souligner que ces exemples sont donnés à titre d illustration et qu il serait dangereux d en tirer des conclusions par trop générales. 87

Revue économique de l OCDE, n 31, 2/II Familles monoparentales Pour faire ressortir l impact probable du WFTC sur l incitation à travailler chez les chefs de familles monoparentales, nous présentons au graphique 3 le changement qu il produit sur leurs ressources dans le cas où la famille ne compterait qu un enfant. Le graphique montre que la probabilité d activité est indubitablement plus grande. Cependant, l augmentation du revenu net est faible en-deça de 25 heures de travail. Au-delà, en raison de la moindre dégressivité du WFTC, l intérêt financier qu il y a à travailler augmente. S agissant de la durée du travail des personnes qui ont déjà un emploi, il est difficile de savoir dans quel sens s opérera le changement. Dans notre exemple, le taux d imposition marginal s établit encore à près de 7 pour cent même après le passage au WFTC. Hommes vivant en couple Le graphique 5 fait apparaître l effet du WFTC dans le cas d un couple où seul l homme bénéficie d un revenu de travail. Là aussi, dans le cas de personnes qui ne travaillaient pas auparavant, l incitation à travailler est incontestable. Le gain est même beaucoup plus important dans ce cas que dans celui d un chef de famille Graphique 3. Ressources dans le cas d un chef de famille monoparentale sans garde d enfants WFTC 3 Family Credit 3 25 25 2 2 15 15 1 1 1 2 3 4 5 Durée du travail hebdomadaire (heures) 88 Notes : 1 enfant de moins de 11 ans. Salaire horaire : 4.39 (salaire médian des chefs de famille monoparentale). Loyer : 41.1 par semaine (loyer médian des locataires de logements sociaux avec enfants). Pas de frais de garde d enfants.

L allocation aux familles et le crédit d impôt pour les familles actives au Royaume-Uni Graphique 4. Ressources dans le cas d un chef de famille monoparentale avec garde d enfants WFTC 3 Family Credit 3 25 25 2 2 15 15 1 Notes : 1 1 2 3 4 5 Durée du travail hebdomadaire (heures) 1 enfant de moins de 11 ans. Salaire horaire : 4.39 (salaire médian des chefs de famille monoparentale). Loyer : 41.1 par semaine (loyer médian des locataires de logements sociaux avec enfants). Frais de garde d enfants : 1.96 de l heure. monoparentale étant donné que ce sont les personnes les plus touchées par la dégressivité qui bénéficient le plus financièrement de la réforme. Le résultat quant au nombre d heures travaillées est plus ambigu. On ne manquera cependant de noter l augmentation marquée du taux d imposition marginal effectif des personnes qui, depuis la réforme, peuvent désormais bénéficier du WFTC. L augmentation du taux marginal d imposition dans ce groupe va de 33 pour cent dus à l impôt sur le revenu et aux cotisations au régime national d assurance à un tout petit peu moins de 7 pour cent dus à l action sur le revenu après impôt de la réduction à 55 pour cent du taux de dégressivité du WFTC sur le revenu après impôt. Dans notre exemple, le taux marginal d imposition passe de 33 pour cent à un peu moins de 7 pour cent à partir de 4 heures de travail. Femmes vivant en couple Il est une chose qu on oublie souvent lorsqu il s agit d augmenter les prestations sous condition de ressources liées à l exercice d un emploi, c est que ces prestations peuvent inciter à cesser de travailler. Le graphique 6 indique les ressources apportées par la compagne de l homme du graphique 5, sous réserve que l homme travaille 4 heures par semaine. La part du revenu familial se rapportant 89

Revue économique de l OCDE, n 31, 2/II Graphique 5. Ressources dans le cas d un homme vivant en couple WFTC 3 Family Credit 3 25 25 2 2 15 15 1 Notes : 1 1 2 3 4 5 Durée du travail hebdomadaire (heures) Conjoint inactif. 1 enfant de moins de 11 ans. Salaire horaire : 5.87 (25 e centile des hommes avec enfants vivant en couple). Loyer : 41.1 par semaine (loyer médian des locataires de logements sociaux avec enfants). Graphique 6. Ressources dans le cas d une femme vivant en couple sans garde d enfants WFTC 4 Family Credit 4 35 35 3 3 25 25 9 2 2 1 2 3 4 5 Durée du travail hebdomadaire (heures) Notes : Conjoint travaillant 4 heures au salaire de 5.87 de l heure. 1 enfant de moins de 11 ans. Salaire horaire : 3.72 (25 e centile des femmes avec enfants vivant en couple). Loyer : 41.1 par semaine (loyer médian des locataires de logements sociaux avec enfants). Pas de frais de garde d enfants.

L allocation aux familles et le crédit d impôt pour les familles actives au Royaume-Uni Graphique 7. Ressources dans le cas d une femme vivant en couple avec garde d enfants WFTC 4 Family Credit 4 35 35 3 3 25 25 2 2 1 2 3 4 5 Durée du travail hebdomadaire (heures) Notes : Conjoint travaillant 4 heures au salaire de 5.87 de l heure. 1 enfant de moins de 11 ans. Salaire horaire : 3.72 (25 e centile des femmes vivant en couple avec enfants). Loyer : 41.1 par semaine (loyer médian pour les locataires de logements sociaux avec enfants). Frais de garde d enfants : 1.96 de l heure. à la femme qui ne travaille pas est donnée pour le point correspondant aux 4 heures du graphique 5, ce qui veut dire que le revenu pour zéro heure de travail augmente grâce à la réforme créant le WFTC. Dans notre exemple, toute femme travaillant plus de 1 heures est davantage incitée à travailler moins, voire même se retirer du marché du travail. La situation est différente quand on tient compte des frais de garde d enfants. Pour les couples, les frais de garde d enfants ne donnent lieu à crédit d impôts que si l homme et la femme travaillent tous deux plus de 16 heures par semaine. Le graphique 7 correspond au même cas que le graphique 6, mais avec garde des enfants au prix de 1.96 livres de l heure. On observe dans ce cas une incitation plus forte à travailler un tout petit plus de 16 heures pour profiter du crédit pour garde d enfants. QUESTIONS EN SUSPENS Effets redistributifs ou incitation à travailler? Comme nous l avons dit au début de cet article, les aides liées à l exercice d un emploi existent au Royaume-Uni depuis près de 3 ans et les dépenses à ce titre 91

Revue économique de l OCDE, n 31, 2/II comme le nombre des bénéficiaires ont très sensiblement augmenté au cours de cette période. Il ne fait guère de doute que cet instrument est un moyen relativement bien conçu de résoudre les problèmes que pourrait connaître certaines populations face au marché du travail en raison de la faiblesse de leur salaire et de leur productivité, des besoins liés à la charge des enfants et de l existence d un régime d aide aux personnes sans emploi. A la fin des années 199, avant la création du WFTC, le FC, qui était déjà une prestation relativement généreuse, était perçu par 3 pour cent de la population active. Force est donc d admettre l importance du WFTC en tant qu instrument redistributif. C est en effet un instrument de redistribution extrêmement bien ciblé, prévu pour verser un complément de revenu aux familles à bas salaire avec enfants. La générosité du WFTC est une traduction des priorités politiques du nouveau gouvernement travailliste. L impact redistributif de la générosité accrue du WFTC par rapport au FC est indiqué au graphique 8, tirée de Giles et McCrae (1998). On y voit la variation moyenne en pourcentage du revenu disponible par décile consécutive à la création du WFTC. Les déciles correspondent au revenu familial recalculé au moyen des échelles d équivalence de McClement. La plupart des gains résultant de ce changement interviennent dans les déciles les plus pauvres, le gain maximum intervenant dans le deuxième décile le plus pauvre. Les ménages se situant dans la moitié supérieure de l échelle des revenus n y gagnent pratiquement Graphique 8. Effets distributifs du WFTC Variations en pourcentage du revenu disponible 2. 1.8 1.6 1.4 1.2 1..8.6.4.2 Variations en pourcentage du revenu disponible 2. 1.8 1.6 1.4 1.2 1..8.6.4.2 92 Décile inférieur 2 3 4 5 6 7 8 9 Déciles de revenu Décile supérieur

L allocation aux familles et le crédit d impôt pour les familles actives au Royaume-Uni rien. Il y a là un contraste frappant avec l emploi des moyens, mêmes les plus progressifs, de réduction de l impôt sur le revenu, tels que l augmentation des abattements, où ce sont les familles des 6 e et 7 e déciles qui sont en moyenne les plus avantagées. En dépit de ces très importants effets redistributifs, une bonne partie du débat concernant le WFPC a porté sur les effets de sa création sur le marché du travail. Le gouvernement britannique, malgré l importance qu il y attache, n a formulé aucune estimation sur l ampleur probable de ces effets. De telles estimations sont certes difficiles à faire et l on ne pourra être plus au clair sur la question tant que l on ne disposera pas de micro-données sur la période postérieure à la création du WFTC. Les estimations qui concernent la période où le Family Credit était en vigueur (voir par exemple Duncan et Giles, 1996) laissent supposer que le dispositif, lorsque sa générosité a été accrue au début des années 199, a eu un effet positif encore qu assez faible. Les estimations des effets probables du nouveau WFTC au moyen de micro-données transversales opérées par des collègues de l Institute for Fiscal Studies à la demande du Comité de politique monétaire de la Banque d Angleterre font présager un accroissement probable de la population active dans l ensemble de l économie de 1 à 45 personnes (Blundell et al., 1999 et Bank of England, 1999). Le taux d activité des chefs de familles monoparentales devrait passer de 38.8 pour cent à 42 pour cent et celui des femmes ayant un conjoint au chômage de 41.9 pour cent à 43.2 pour cent, le taux d activité des femmes dont le conjoint travaille devant tomber de 57.6 pour cent à 57 pour cent. Une étude réalisée selon une autre méthodologie à partir de données provenant de l enquête trimestrielle sur la population active au Royaume-Uni et qui visait à modéliser l impact de la réforme sur les taux d entrée sur le marché du travail a conclu à une augmentation maximale du nombre de personnes au travail d environ 9 mais cet effet n a pas résisté à un contrôle de la modélisation par type de famille, le taux de sortie du marché du travail avant et après la réforme étant supposé constant (Gregg et al., 1999). A moins que l effet sur le marché du travail ne soit beaucoup plus important et l on n a guère de raisons de penser qu il pourrait l être le principal effet du WFTC sera d ordre redistributif et c est largement à cette aune qu il faut juger ce changement de politique. Structure du taux marginal Au Royaume-Uni, les milieux politiques ne se sont pas bien rendu compte que lorsqu on donne aux gens davantage de possibilités de choisir de travailler ou de ne pas travailler, ceux qui travaillent jouent, en contrepartie, sur leur durée de travail. Les politiques négligent souvent en particulier l effet dissuasif de taux marginaux de prélèvement élevés qui s étendent assez haut sur l échelle des revenus du 93

Revue économique de l OCDE, n 31, 2/II fait de la réduction du taux de dégressivité. Avec l arrivée du WFTC, de nombreux ménages voient leur taux marginal d imposition grimper, comme le montrent les graphiques 5 et 6, sans que le fait de travailler relativement peu d heures leur apporte un avantage substantiel. Le tableau 3, également tiré de Giles et McCrae (1998), fait apparaître l effet global de la réforme sur le taux d imposition marginal s appliquant à la population britannique. Dans la première série de colonnes figurent le nombre de personnes auxquelles s applique chaque tranche d impôt marginal avant et après la mise en route du WFTC. La deuxième série de colonnes cumule le nombre de personnes dont le taux d imposition marginal se situe dans cette tranche et au-dessus. Le nombre de personnes dont le taux d imposition marginal se situe au-dessus de 7 pour cent baisse de 45. La majorité des personnes se situant dans ces catégories voient leur taux d imposition marginal retomber dans la tranche 6-7 pour cent. Par ailleurs, un grand nombre de personnes se retrouvent dans une tranche supérieure du fait de l augmentation du nombre des bénéficiaires des aides liées à l exercice d un emploi. Ces deux facteurs engendrent une forte augmentation de la population dont le taux d imposition marginal se situe entre 6 et 7 pour cent. Au total le nombre de personnes dont le taux d imposition marginal se situe au-delà de 7 pour cent baisse de 45 tandis que le nombre de ceux dont le taux d imposition marginal s établit à plus de 5 pour cent augmente de 46. On aurait pu obtenir un effet plus favorable sur l emploi en rémunérant davantage le retour sur le marché du travail. Il aurait fallu relever le seuil ouvrant droit au WFTC au lieu d étendre le bénéfice du dispositif à des salaires plus élevés en réduisant le taux de dégressivité ce qui a pour effet d augmenter le taux marginal d imposition appliqué à un grand nombre de personnes. Le principe apparemment raisonnable selon lequel l abaissement du taux de dégressivité doit être une bonne chose est loin d être prouvé ; mieux vaut peut-être avoir un taux de dégressivité plus élevé s appliquant à un groupe plus restreint. Tranche Tableau 3. Effectif des personnes dont le taux d imposition marginal a changé Effectif dans la tranche Effectif cumulé Avant Après Variation Avant Après Variation 94 5-6 pour cent 27 27 81 1 274 464 6-7 pour cent 79 79 711 81 1 67 257 7-8 pour cent 266 17 249 731 277 454 8-9 pour cent 235 145 9 465 26 25 9-1 pour cent 222 115 17 23 115 115 > 1 pour cent 8 8 8 8

L allocation aux familles et le crédit d impôt pour les familles actives au Royaume-Uni Garde des enfants De nombreuses études ont prouvé que le comportement des femmes sur le marché du travail est largement déterminé par la présence de jeunes enfants dans la famille et c est donc une évidence pour quiconque cherche à accroître le taux d activité de la population de subventionner la garde des enfants par un moyen ou un autre. Il se pourrait que le nouveau WFTC soit un dispositif important à cet égard mais ses résultats sont très incertains. Ainsi qu on l a vu plus haut, au Royaume-Uni, la plupart des femmes seules qui font garder leurs enfants ont au Royaume-Uni recours à des arrangements informels. Se contenter d officialiser ce type d arrangement pourrait coûter très cher à l État sans grand résultat par ailleurs. Il se pourrait certes aussi qu une augmentation du recours à des structures agréées de garde d enfants ait un effet bénéfique important sur le bien-être et la productivité tout au long de la vie des enfants des bénéficiaires du WFTC. Mais il faut cependant souligner que si la meilleure chose à faire est de changer les modes de garde des enfants, l État a à sa disposition toute une série de moyens d action plus directs qui pourraient être plus efficaces. Aussi faudra-t-il, dans les années à venir, surveiller de près les effets du crédit pour garde d enfants pour juger de ses résultats. Administration Dans un domaine comme celui qui nous occupe, les questions d administration et de mise en œuvre sont très importantes. Au Royaume-Uni, l association d un régime d imposition sur le revenu dont l unité fiscale est l individu (depuis 199) avec un régime de prestations dont la base est la famille est une source de difficultés particulières. Difficultés qui sont aggravées, pour le réformateur, par l existence d un système cumulatif de déductions de l impôt sur le revenu, aux termes duquel moins d un quart des contribuables sont tenus de remplir une déclaration d impôt. L un des problèmes les plus préoccupants que pose ce double système de calcul individuel pour la fiscalité et familial pour les prestations est de savoir comment verser l argent au parent qui s occupe réellement des enfants. Nous avons un système d imposition sur le revenu où le contribuable est un individu alors que nous voulons verser les prestations (ou les crédits d impôt puisqu ils remplacent les prestations) aux familles qui ont un faible revenu. Avec un système d aide qui relève de la sécurité sociale, comme c était le cas du FC, la solution simple pour que ce soit le parent soignant qui perçoive les ressources est de verser la prestation à ce parent, même s il n est pas l adulte de la famille qui occupe un emploi rémunéré. C est ainsi que fonctionnait le FC. A partir du moment où le paiement de l aide est fait avec la paie, comme c est le cas avec le WFTC, il est automatiquement versé à la personne qui occupe un emploi rémunéré, donc dans la plupart des cas à l homme. La solution au problème qu a trouvée le gouvernement britannique est de rendre facultatif ce paiement dans le cadre de la paie, l argent pouvant être 95

Revue économique de l OCDE, n 31, 2/II versé à la mère si le couple en est d accord. Cette solution de compromis n est peut-être pas tout à fait satisfaisante. Il y a, là encore, une contradiction possible entre l objectif redistributif et celui du travail. Ce que l on veut sans doute au titre du premier, c est que l argent parvienne aux familles avec enfants et spécialement aux enfants. Quant à faire travailler les gens, on y parvient peut être mieux en gonflant la paie de la personne qui va travailler qu en versant l argent directement à la mère, mais il y a manifestement dans ce cas un risque, celui que les sommes ne parviennent qu en partie à la mère et aux enfants. Un autre problème qui se pose est celui du coût de l application du système pour les employeurs. Il ne devrait du reste pas être très important au Royaume-Uni lorsque les emplois en question sont des emplois stables puisque la réception des demandes et le calcul des droits seront du ressort des pouvoirs publics, qui notifieront aux employeurs le montant des sommes à verser aux bénéficiaires. Il sera toutefois peut-être plus compliqué d assurer la continuité des versements aux salariés qui changent d employeur. Présentation 96 S agissant de ce genre de dispositif public, les questions de présentation peuvent être très importantes. D aucuns ont prétendu que le gouvernement travailliste aurait eu beaucoup plus de difficulté à allouer près de 2 milliards de livres par an à une mesure qui aurait pris la forme d une augmentation des prestations de sécurité sociale qu à une mesure qui peut être présentée comme une réduction d impôt. C est possible, mais il faut se méfier de ce genre d argument. S agissant de la présentation, une autre question se pose qui concerne l attitude des bénéficiaires potentiels. On a souvent dit que le faible nombre des bénéficiaires des prestations soumises à condition de ressources s expliquait en partie par le fait que les bénéficiaires potentiels avaient honte de la demander. Il vaut la peine d essayer de changer cet état d esprit. Changer le nom d une prestation est peut-être un moyen d y parvenir, bien qu on ait déjà tenté de le faire en 1988 quand le complément de revenu familial (Family Income Supplement) a été rebaptisé Family Credit. Peut-être le paiement par le truchement de la feuille de paie, adopté par le WFTC, est-il plus efficace. Un troisième aspect important des questions de présentation touche à l information. Les parents qui pourraient travailler pour un bas salaire ne savent tout simplement pas pour certains qu ils pourraient avoir droit à une aide. Informer des changements pourrait être un puissant moyen de le leur faire savoir. Lorsqu en 1993, par exemple, on a décidé au Royaume-Uni que pour le calcul du plafond de ressources ouvrant droit au Family Credit on défalquerait les frais de garde d enfants et qu une vaste campagne d information a été lancée à ce sujet, peu de

L allocation aux familles et le crédit d impôt pour les familles actives au Royaume-Uni personnes ont demandé à bénéficier de ce mode de calcul, mais le nombre de demandes du FC de la part des personnes n ayant pas de frais de garde d enfants paraît avoir effectivement augmenté, sous l impulsion de la campagne médiatique. CONCLUSION Le Working Families Tax Credit est comme ses précurseurs le Family Credit et le Family Income Supplement un instrument redistributif extrêmement efficace, utile aux gouvernements préoccupés par la faiblesse des revenus des familles avec enfants. C est aussi un moyen d inciter au travail dans la mesure où il accroît l intérêt financier qu il y a à travailler. Cela étant, il peut avoir des effets aussi négatifs que positifs sur l offre de main-d œuvre dans la mesure où il affecte la décision de travailler des apporteurs secondaires de revenu ainsi que le choix des salariés quant à la durée du travail. Étant donné le niveau où se situait le Family Credit au Royaume-Uni à la fin des années 199, les effets distributifs du nouveau WFTC seront vraisemblablement beaucoup plus importants que ses effets sur le comportement des gens et c est aux premiers qu il faut faire appel pour justifier le coût très important de la réforme. Il est un point sur lequel l incertitude demeure entière qui est celui de l effet de la réforme sur l allocation pour garde d enfants. 97

Revue économique de l OCDE, n 31, 2/II BIBLIOGRAPHIE BANK OF ENGLAND (1999), The Inflation Report, février 1999. BLUNDELL, R., DUNCAN, A., McCRAE, J. et MEGHIR, C. (1999), «The labour market impact of the Working Families Tax Credit», IFS, multicopié. DILNOT, A. et DUNCAN, A. (1992), «Lone mothers, family credit and paid work», Fiscal Studies, vol. 13, nº 1, pp. 1-21. DILNOT, A. et WEBB, S. (1988) «The 1988 social security reforms», Fiscal Studies, vol. 9, nº 2, pp. 26-53. DUNCAN, A. et GILES, C. (1996), «Labour supply incentives and recent family credit reforms», Economic Journal. GILES, C. et McCRAE, J. (1998) «Reforms to in-work transfer payments in the UK», in Lucifora and Salverda (dir. pub.) Policies for Low-wage Employment and Social Exclusion. GREGG, P., JOHNSON, P. et REED, H. (1999) Entering Work and the British Tax and Benefit System, IFS, Londres. HM TREASURY (1998), «The Working Families Tax Credit and work incentives», The Modernisation of Britain s Tax and Benefit System, Numéro 3. 98