TUNISIE Allocution de Mme Maria Luisa Fornara, Représentante de l UNICEF en Tunisie Présentation des résultats de l'étude sur Les représentations de l enfant, de l adolescent et du jeune dans les médias tunisiens Tunis le 12 Juillet 2012 Madame la Ministre des Affaires de la Femme et de la Famille, Messieurs les experts Chers invités et chers participants, Mesdames et messieurs, Je voudrais avant tout vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de votre présence à cette importante rencontre de restitution des résultats et conclusions de l étude sur «les représentations de l enfant, de l adolescent et du jeune dans les médias tunisiens». Cette étude a été réalisée à l initiative de l UNICEF par une équipe d experts nationaux spécialistes du domaine, ici présents : Monsieur Abelkarim Hizaoui, Coordinateur de l étude, Monsieur Larbi Chouikha, Monsieur Fethi Touzri, Monsieur Riadh Ferjani sans oublier la contribution de Gérard Derèze de l Université de Louvain. Je voudrais également remercier Madame Sihem Badi, Ministre des Affaires de la Femme et de la Famille, qui devrait nous rejoindre au cours de la matinée. Je saisis cette occasion pour saluer son engagement
soutenu pour la cause des enfants et notamment les plus vulnérables d entre eux. Comme vous le savez, dans tous les domaines y compris celui relatif aux enfants et aux jeunes, les medias disposent d un pouvoir de fait important : en choisissant de traiter un sujet plutôt qu un autre et en le traitant d une manière plutôt que d une autre, ils contribuent à construire l opinion publique à influencer les attitudes et les perceptions vis-à-vis des droits de l'enfant et du jeune et à interpeller les décideurs sur des sujets de fond qui les concernent. Ils sont également capables de créer une dynamique sociale dans le pays en impliquant davantage les adolescents et les jeunes et en les percevant comme acteurs positifs du changement. Ils peuvent à la fois soulever des débats sur les problèmes des enfants, des adolescents et des jeunes et donner à ces derniers les moyens d'exprimer leurs propres opinions. Les médias peuvent également contribuer directement à la réalisation des droits de l'enfant, du jeune et de l adolescent en sollicitant leurs avis et en traitant l'actualité de leur point de vue, renforçant ainsi leurs capacités à participer activement aux événements qui influent sur leur vie. En même temps, les médias ont la responsabilité de protéger et respecter les enfants, les adolescents et les jeunes en s'abstenant de présenter des stéréotypes et des reportages à sensation. C est dans ce cadre général que s inscrit l étude qui va vous être présentée aujourd hui. Plusieurs raisons ont motivé sa réalisation : la première relève de la mission de l UNICEF qui consiste entre autres à promouvoir les droits de l enfant et en l occurrence deux droits fondamentaux qui sont le droit à la liberté d expression et le droit à la participation des enfants à toute question les concernant.
La deuxième est que les enfants et les jeunes sont largement sousreprésentés dans les médias, sauf dans la publicité. Ils ont rarement le droit à la parole et leur participation dans la production médiatique est négligeable, voire inexistante. Et ce n est pas l apanage de la Tunisie. A l échelle internationale, s il y a quelques analyses ou études qui ont abordé le thème de l impact des médias sur les jeunes ou de l éducation aux médias, très peu se sont intéressés à la représentation et à l image des enfants et des jeunes dans ces médias et particulièrement à la télévision. Pourtant les enfants et les jeunes font partie des évènements de l actualité. Ils sont présents partout. A l école, dans les rues, au travail, dans les guerres. Je voudrais préciser que ce travail n est pas une revue de presse accusatrice et n a pas pour but de donner des leçons de déontologie journalistique. Il s agit d un travail de recherche et d analyse qui a été mené avec l objectif de proposer un mode d action pour aider le journaliste à faire son métier sans porter préjudice immédiat ou durable à l enfant et au jeune et lui épargner un flottement déontologique sur ce qu il faut faire et ne pas faire en matière de construction journalistique de l enfance, de l adolescence et de la jeunesse. Il vise surtout à établir ou rétablir des relations entre des interlocuteurs apparemment en difficultés de communication. L idée derrière ce travail était aussi de comprendre et de définir à partir d un corpus de productions médiatiques la manière dont est présentée la parole des jeunes, de dégager les problèmes, les risques de dérapages de l'information et d esquisser des pistes de solutions. Parallèlement à la collecte des données entourant un corpus de 2315 unités rédactionnelles, reportages et enquêtes étudiés, l équipe de recherche a cueilli des données et des témoignages auprès d un
échantillon d enfants, d adolescents et de jeunes. L un d eux est d'ailleurs parmi nous, Monsieur Thameur Mekki, que je remercie pour sa coopération et son engagement, et qui va nous parler de son expérience et du parcours des jeunes journalistes tunisiens. Je laisse le soin aux co-auteurs de vous présenter les résultats auxquels est parvenue l étude. Pour ma part, ce que je peux en dire, c est qu il semble qu un énorme travail incombe aux médias dans le démontage d un certain nombre de mythes et de stéréotypes concernant une certaine catégorie d enfants et surtout de jeunes. Comment contribuer à une meilleure prise en compte des enfants, de leurs intérêts, de leurs aspirations, de leurs attentes dans le travail journalistique au jour le jour? Quel peut-être le rôle des journalistes? La réponse est définie dans la Convention des Nations Unies sur les droits de l enfant et plus précisément l article 17, qui insiste sur le devoir des Etats parties de donner accès aux médias «promouvant le bien-être social, spirituel et moral [de l enfant] ainsi que sa santé physique et morale». Elle figure aussi dans les normes déontologiques émises par la Fédération international des journalistes dans ses Lignes directrices concernant les reportages sur les sujets d enfants où il est recommandé à «Tous les journalistes et professionnels des médias de respecter les normes déontologiques et professionnelles les plus strictes. Ils devraient promouvoir, au sein de leur profession, la diffusion la plus large possible des informations concernant la Convention relative aux droits de l enfant» et «éviter de recourir à des stéréotypes ou au sensationnalisme pour promouvoir un reportage sur des enfants.» Plusieurs pays ont pris des dispositions spéciales pour que les professionnels des médias respectent et protègent les droits des enfants et des adolescents. En France, par exemple, et à l initiative de l UNICEF, une
Charte sur la Protection de l enfant dans les médias a été adoptée en 2010. Ce document rappelle l ensemble des droits de l enfant (définis dans la Convention internationale de 1989) que les médias sont censés respecter : le droit à la liberté d expression et d information, au respect de leur vie privée, le droit à s exprimer sur les questions les concernant (en fonction de leur âge et leur maturité). Les médias doivent également s engager à ne pas publier d articles ou diffuser des programmes qui pourraient «à l évidence» leur porter préjudice, ne jamais divulguer l identité d un enfant «en situation difficile», et «lorsqu il existe un risque de stigmatisation après diffusion ou parution», «ne pas réduire ou résumer la présentation de l enfant aux difficultés qu il rencontre maladie, violence, problème familial ou à ses stéréotypes». Les médias doivent par ailleurs s engager à donner davantage la parole à l enfant et au jeune «dans le cadre d interview, reportage ou émission qui les concernent», sauf bien sûr «si cela est contraire à leur intérêt». Mesdames et Messieurs, Cette question de la relation des médias, des enfants et des jeunes a fait partie des dossiers qui nous occupaient depuis longtemps et sont enfin arrivés à maturité cette année. Amorcée en 2008, la mission des chercheurs a procédé à la collecte et à l analyse d un corpus de production médiatique notamment des journaux quotidiens et hebdomadaires, des chaines de radiodiffusion et de télévision. C est d ailleurs l occasion pour moi de remercier tous ces acteurs pour leur disponibilité et leur collaboration. C est après la rédaction du rapport que nous avons proposé le présent colloque afin de soumettre à tous les acteurs au plan national les conclusions et les résultats de cette étude.
Mesdames et Messieurs, Ce colloque se situe dans le virage stratégique que le pays a entrepris depuis 2011 pour faire des priorités internationales notamment en matière de respect de droits de l homme, de la femme et de l enfant une réalité nationale. A ce titre, l étude prend une valeur symbolique. Et des manifestations comme cette rencontre sont très utiles car elles permettent, sur la base de données et d études récentes, de poser les jalons pour une approche intégrée, renforcée et visionnaire, des défis qui restent. Et dans ce domaine, le travail d information reste considérable et la responsabilité des médias et des journalistes décisive. Je vous remercie pour votre attention et vous réitère l engagement de l UNICEF à contribuer à la mise en œuvre des recommandations de cette étude et ainsi qu aux suggestions qui vont émaner de cette rencontre.