SIXIÈME RAPPORT DU PROCUREUR DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L ONU EN APPLICATION DE LA RÉSOLUTION 1970 (2011)



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Transcription:

SIXIÈME RAPPORT DU PROCUREUR DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L ONU EN APPLICATION DE LA RÉSOLUTION 1970 (2011) INTRODUCTION 1. Le 26 février 2011, le Conseil de sécurité de l ONU a adopté à l unanimité la résolution 1970, par laquelle il a déféré au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) la situation en Libye depuis le 15 février 2011 et a invité ce dernier à l informer tous les six mois de la suite donnée à celle-ci. 2. Dans le premier rapport qu il a présenté au Conseil de sécurité le 4 mai 2011, le Bureau avait annoncé que «[d]ans les prochaines semaines, [il] priera[it] la Chambre préliminaire I de délivrer un mandat d arrêt à l encontre des personnes qui porte[raient] la responsabilité la plus lourde pour les crimes contre l humanité commis sur le territoire de la Libye depuis le 15 février 2011». 3. Dans son deuxième rapport, présenté le 2 novembre 2011, le Bureau a signalé que le 16 mai 2011, il avait demandé que des mandats d arrêt soient délivrés à l encontre de trois personnes qui, d après les éléments de preuve recueillis, portaient la responsabilité la plus lourde dans les attaques lancées contre des civils non armés dans la rue et dans leur foyer à Benghazi, à Tripoli et à d autres endroits au cours du mois de février 2011. Les juges de la Chambre préliminaire I ont délivré, le 27 juin 2011, des mandats d arrêt à l encontre de Muammar Qadhafi, Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi pour meurtre, en tant que crime contre l humanité visé par l article 7-1-a du Statut de Rome, et persécution, en tant que crime contre l humanité visé par l article 7-1-h. 4. Dans son troisième rapport, présenté le 16 mai 2012, le Bureau a relevé la clôture de l affaire contre Muammar Qadhafi ordonnée le 22 novembre 2011 par la Chambre préliminaire I et l arrestation de Saïf Al-Islam Qadhafi en Libye, le 19 novembre 2011, et d Abdullah Al-Senussi en Mauritanie, le 17 mars 2012. Il a par ailleurs fait observer qu une exception d irrecevabilité avait été soulevée par le Gouvernement libyen le 1 er mai 2012, dans l affaire portée contre Saïf Al-Islam Qadhafi. 5. Dans son quatrième rapport, le Bureau a fourni des informations sur l évolution de la procédure relative à la recevabilité de l affaire portée contre Saïf Al-Islam Qadhafi, de l extradition d Abdullah Al-Senussi vers la Libye et des enquêtes en cours.

6. Dans son cinquième rapport, le Bureau a rendu compte de l évolution de la procédure relative à la recevabilité de l affaire portée contre Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al- Senussi et des enquêtes en cours. 7. Ce sixième rapport porte sur : a. La coopération ; b. L affaire Le Procureur c. Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi, notamment la question de sa recevabilité ; c. L enquête en cours ; et d. Les crimes qui auraient été commis par les différents protagonistes en Libye depuis le 15 février 2011. 1. COOPÉRATION 8. Au paragraphe 5 de sa résolution 1970, le Conseil de sécurité de l ONU «demande instamment à tous les États et à toutes les organisations régionales et internationales concernées de coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur». Les obligations des États parties au Statut de Rome sont définies au chapitre IX de celui-ci. 9. Le Bureau se félicite de la coopération que continuent de lui apporter les États parties et les autres dans le cadre de la situation en Libye et se réjouit à l idée de rechercher et de trouver avec un certain nombre de ces partenaires clés des solutions novatrices et résultant d initiatives face aux problèmes de sécurité qui se posent dans le cadre des enquêtes en cours et de l instauration de la primauté du droit en Libye. 1.1 Le Gouvernement libyen 10. Dans sa résolution 1970, le Conseil de sécurité a «[d]écid[é] que les autorités libyennes d[e]v[ai]ent coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apporter toute l assistance voulue, en application de [cette] résolution». 11. Le 29 août, le Procureur adjoint a rencontré, à La Haye, le Ministre libyen de la justice, Salah Al-Marghani, le Procureur général Abdul Qader Juma Radwan et leur délégation, pour discuter de la conclusion du mémorandum d accord entre le Bureau du Procureur et le Gouvernement libyen sur le partage des responsabilités dans les enquêtes et les poursuites à venir. Au cours de la première semaine de novembre, le Procureur et le Procureur général libyen ont signé ce mémorandum et des membres du Bureau ont rencontré le chargé de liaison libyen afin de commencer à discuter des aspects pratiques de sa mise en œuvre. 12. Le Bureau considère que ce mémorandum d accord traduit un engagement du Gouvernement libyen en vue de rendre justice aux victimes de ce pays et de coopérer avec la CPI dans le cadre d enquêtes et de poursuites menées dans d autres affaires Page : 2/7

contre les principaux responsables des crimes les plus graves relevant de la compétence de la Cour perpétrés en Libye. Ce document ne traite pas de l état d avancement de l affaire contre Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi et n a aucune incidence à ce sujet. Comme il a été souligné dans les quatrième et cinquième rapports, le Bureau poursuit ses enquêtes, en s intéressant en particulier aux qadhafistes de premier plan qui se trouvent en dehors de la Libye, lesquels, selon le Bureau, sont responsables de crimes graves et dont l activité pourrait encore constituer une menace pour les civils de ce pays. Le Bureau se réjouit à la perspective de collaborer étroitement avec ses partenaires libyens pour faire avancer ces affaires et celles à venir. 2. AFFAIRE PORTEE CONTRE SAÏF AL-ISLAM QADHAFI ET ABDULLAH AL- SENUSSI 13. Le Bureau rappelle que le Gouvernement libyen a, conformément à la procédure prévue par les dispositions du Statut de Rome, contesté la recevabilité de l affaire portée contre Saïf Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi. L évaluation de la recevabilité suppose l évaluation de l existence d une véritable procédure nationale appropriée, ainsi qu il est prévu aux alinéas a à c de l article 17-1 du Statut de Rome. Il s agit d une question d ordre judiciaire que les chambres de la Cour doivent trancher en dernier ressort. 14. Comme le Bureau l a souligné dans son rapport en mai 2012, l exception d irrecevabilité soulevée dans l affaire engagée contre Saïf Al Islam Qadhafi a, en application des dispositions de l article 19-7 du Statut de Rome, entraîné la suspension de l enquête du Bureau dans cette affaire jusqu à ce que l exception soit tranchée. Le 2 avril 2013, l enquête menée dans l affaire Abdullah Al-Senussi a également été suspendue à la suite du dépôt par les autorités libyennes de l exception d irrecevabilité y afférente. Depuis son transfèrement de Mauritanie en Libye le 5 septembre 2012, Abdallah Al-Senussi est resté en détention à Tripoli. Saïf Al-Islam Qadhafi a quant à lui été maintenu en détention à Zintan. 15. Le 31 mai, la Chambre préliminaire s est prononcée sur la recevabilité de l affaire Saïf Al-Islam Qadhafi. Elle a estimé que celle-ci était recevable devant la CPI au motif qu elle n avait pas reçu assez d éléments suffisamment précis et fiables pour démontrer que l enquête des autorités libyennes et celle menée par la Cour portaient sur la même affaire et, en outre, que la Libye était dans l incapacité de mener véritablement à bien la procédure engagée contre M. Qadhafi. La Chambre a également rappelé que sa décision reposait sur les faits constatés au moment de la procédure relative à l exception d irrecevabilité, et qu elle était par conséquent rendue sans préjudice de toute autre exception susceptible d être soulevée devant elle à condition toutefois que les conditions posées par l article 19-4 du Statut de Rome soient réunies. La Chambre a également rappelé que les autorités libyennes étaient tenues de procéder à la remise de M. Qadhafi à la Cour. 16. Le 7 juin, le Gouvernement libyen a déposé son acte d appel contre la décision de la Chambre préliminaire et demandé l effet suspensif de ce dernier. Le 24 juin, il a déposé le document présenté à l appui de son appel. 17. Le 18 juillet, la Chambre d appel a rejeté la demande de suspension de la décision de la Chambre préliminaire présentée par les autorités libyennes et rappelé que celles-ci Page : 3/7

étaient tenues de remettre Saïf Al-Islam Qadhafi à la Cour. Le Bureau a souligné dans ses échanges avec lesdites autorités qu il était crucial que la Libye se conforme aux décisions de la Cour. En conséquence, le Bureau exhorte les autorités libyennes à procéder à la remise de l intéressé. 18. Le 23 septembre, les autorités libyennes ont déposé, après avoir obtenu l autorisation de la Chambre d appel, d autres observations sur l appel en question, relevant que, le 19 septembre, l audience initiale s était tenue devant la chambre d accusation libyenne dans l affaire contre Saïf Al-Islam Qadhafi, Abdullah Al-Senussi et 37 autres coaccusés. Elles ont fait observer qu elles étaient dorénavant, conformément à leur législation nationale, en mesure de transmettre à la CPI les éléments de preuve dont elles disposaient à l appui de leur dossier dans l affaire Saïf Al-Islam Qadhafi. Elles ont en outre demandé à disposer d un délai supplémentaire, à savoir jusqu au 2 décembre 2013, pour traduire leur dossier. À ce jour, la Chambre d appel ne s est toujours pas prononcée sur cette demande. 19. Le 11 octobre, la Chambre préliminaire a rendu sa décision sur la recevabilité de l affaire Abdullah Al-Senussi et l a déclarée irrecevable devant la CPI. Elle a conclu que la même affaire que celle portée devant la Cour faisait alors l objet d une procédure nationale menée par les autorités libyennes compétentes qui peuvent connaître de l espèce et que la Libye était disposée et apte à mener véritablement à bien des poursuites dans le cadre de ladite affaire. La Chambre a par ailleurs relevé que le Procureur pouvait lui demander de reconsidérer sa décision s il était certain que des faits nouvellement apparus infirment les raisons pour lesquelles l affaire avait été jugée irrecevable. 20. Le 17 octobre 2013, M. Abdullah Al-Senussi a déposé un acte d appel contre la décision rendue par la Chambre préliminaire et a demandé qu un effet suspensif soit accordé. M. Al-Senussi dispose d un délai de 21 jours à compter de la date de la décision pour déposer un document à l appui de son appel. Le Bureau n a quant à lui pas formé de recours et s est opposé, le 31 octobre 2013, à la demande d effet suspensif en question. 3. ENQUÊTE EN COURS 21. Dans son cinquième rapport présenté au Conseil de sécurité le 8 mai 2013, le Bureau a relevé qu il avait engagé une deuxième affaire et qu il recueillait également des éléments de preuve à l encontre d autres suspects éventuels hors du territoire libyen. Il poursuit son enquête à ce sujet, en s intéressant en particulier aux qadhafistes de premier plan qui se trouvent en dehors de la Libye et qui, d après lui, seraient responsables de crimes graves et pourraient continuer de constituer une menace pour le tout nouveau Gouvernement de ce pays. Conformément au mémorandum d accord récemment conclu, le Bureau continuera de poursuivre ses enquêtes en étroite coopération avec les autorités libyennes. Ces enquêtes s inscrivent dans le cadre de la politique de ce dernier qui consiste à traduire en justice les principaux responsables des crimes les plus graves relevant de la compétence de la Cour. Page : 4/7

4. CRIMES QUI AURAIENT ÉTÉ COMMIS PAR LES DIFFÉRENTS PROTAGONISTES EN LIBYE DEPUIS LE 15 FÉVRIER 2011 22. Le Bureau prend acte de la publication d un rapport de l ONU, le 1 er octobre, présenté conjointement par la Mission d appui des Nations Unies en Libye et le Haut- Commissariat des Nations Unies aux droits de l homme, demandant instamment qu il soit mis fin aux tortures et aux meurtres dans les centres de détention de ce pays et que les détenus retenus par des brigades armées soient remis sous la garde des autorités de l État. Ce rapport indique que des violations se poursuivent en dépit des efforts déployés par le Gouvernement libyen, et précise que la détention et l interrogatoire prolongés de prisonniers par les brigades armées ne possédant aucune expérience du traitement des détenus ou de la conduite d enquêtes criminelles ou n ayant pas été formées en la matière, ainsi que l absence de contrôle judiciaire effectif, créent un environnement propice aux actes de torture et autres mauvais traitements. Le rapport indique que lorsque les centres de détention sont passés sous le contrôle d agents qualifiés de la police judiciaire, des améliorations concernant les conditions d emprisonnement et le traitement des détenus ont été constatées, et que les autorités libyennes se sont engagées au plus haut niveau à s assurer que les détenus leur soient remis, qu il soit mis un terme aux actes de torture et que le système de justice pénale fonctionne correctement. Pourtant, la grande majorité des 8 000 personnes qui seraient détenues en rapport avec le conflit le sont en dehors de toute procédure régulière. Le rapport recense 27 cas de personnes décédées au cours de leur détention depuis la fin de 2011 et certains renseignements donnent fort à penser que des actes de torture en seraient la cause. L ONU a souligné que le transfert rapide des détenus à l autorité centrale et l examen des mises en liberté éventuelles étaient cruciaux pour rompre définitivement avec la pratique prépondérante de la torture sous le régime de Qadhafi et pour s assurer que tous les auteurs des crimes commis dans le passé ou des exactions qui se poursuivaient soient traduits en justice. Le Bureau ne peut que partager cette opinion. Il demande au Gouvernement libyen de faire appliquer sa loi d avril 2013 érigeant en crimes les actes de torture, les disparitions forcées et les discriminations afin de contribuer à mettre un terme à ces pratiques, et de rendre régulièrement compte des progrès accomplis. 23. Le Bureau prend acte de l article 28 de la nouvelle loi sur la justice transitionnelle intitulée «mettre un terme à la détention», dans laquelle le Gouvernement libyen s engage à ce que «[TRADUCTION] les ministres de la justice, de l intérieur et de la défense ou leurs délégués, chacun en ce qui le concerne, prennent les mesures nécessaires pour mettre un terme aux détentions des personnes affiliées à l ancien régime et accusées de crimes dans un délai de 90 jours à compter de la promulgation de [cette] loi», à savoir le 21 décembre 2013. Le Bureau constate que le Gouvernement libyen s engage à garantir que ces personnes «[TRADUCTION] seront renvoyées devant le procureur compétent, sans considérer leur détention comme n ayant aucun effet juridique, lorsqu il existe suffisamment de preuves indiquant qu elles ont commis des actes juridiquement qualifiés de crimes, ou seront relâchées». Ce ne serait pas la première fois qu un délai est imposé quant au traitement de ces détenus, mais il est essentiel de créer une dynamique accompagnée d une date butoir qui respecte le droit à une procédure régulière pour l ensemble des détenus. Le Bureau encourage vivement le Page : 5/7

Gouvernement libyen à faire tout ce qui est en son pouvoir pour respecter ce délai. Il l incite à collaborer étroitement avec l ONU et le Comité international de la Croix- Rouge, notamment pour aider à pouvoir confirmer en toute indépendance la mise en œuvre du tri et du traitement des détenus, la mise en liberté de ceux contre lesquels les preuves sont insuffisantes ou il n existe pas d accusation sérieuse et le renvoi des autres prisonniers devant la justice. Le Bureau continuera à surveiller la situation des détenus en Libye et traitera cette question comme une priorité absolue dans ses échanges avec le Gouvernement libyen. 24. Il reste préoccupé par les allégations de crimes commis par les forces rebelles à Tawergha, ville proche de Misrata, après le siège cette ville maintenu par les forces de Qadhafi en partie depuis Tawergha et soutenu, selon nombre d habitants de Misrata, par la plupart des résidents de Tawergha. Le Bureau a examiné les allégations selon lesquelles, après que le siège de Misrata eut pris fin, les habitants de Tawergha avaient été victimes de meurtres, pillages, destruction de biens, détentions et déplacements forcés par les milices de Misrata qui empêchaient le retour de ces résidents à leur domicile. À l heure actuelle, 30 000 personnes sont toujours déplacées. 25. Le Bureau relève que la Libye a pris des mesures pour mettre en place des mécanismes qui permettraient de traiter ces questions. En particulier, il salue l adoption d une nouvelle loi sur la justice transitionnelle, dont l ONU s est également félicitée le 22 septembre. Il se réjouit à l idée d en apprendre plus sur la Commission d établissement des faits et de réconciliation qui doit être mise en place à Tripoli et de collaborer avec cette dernière, ainsi qu avec le bureau du Procureur général et d autres autorités libyennes compétentes. Le Bureau estime que cette commission pourrait permettre d élaborer et de mettre en œuvre des stratégies visant à traiter les allégations de crimes, comme ceux qui se sont déroulés à Misrata et à Tawergha pendant le conflit armé de 2011 ou ceux qui auraient eu lieu à Bani Walid en 2012. Le Bureau surveillera les travaux de la commission en question sur les crimes qui auraient été commis dans ces localités, et est disposé à rencontrer les membres de la commission, les dirigeants civils et les chefs des milices de ces communautés afin d évaluer les progrès accomplis sur ces questions qu il juge dignes d intérêt. 26. Le Bureau se félicite aussi du nouveau projet de loi visant à qualifier de crime de guerre le viol commis pendant un conflit, à le rendre passible d une peine d emprisonnement à vie et à prévoir pour les victimes une indemnisation de l État, et encourage vivement les autorités libyennes à s assurer que les victimes des deux sexes soient prises en compte. Le Bureau du Procureur est disposé à fournir un appui sous quelque forme que ce soit aux poursuites menées à l échelle nationale contre les criminels sexuels. 5. CONCLUSION 27. Comme par le passé, le Bureau est conscient des difficultés auxquelles est confronté le Gouvernement libyen et se dit disposé à collaborer avec lui pour tenter de traiter autant d affaires que possible. Il a fait part de cette volonté au travers des efforts qu il a déployés pour conclure un mémorandum d accord sur un partage des tâches. Le Bureau reconnaît également que la situation en matière de sécurité se détériore en Libye où des Page : 6/7

voitures piégées ont explosées et des hauts responsables publics et des services de sécurité ont été assassinés. Cette situation et les difficultés auxquelles ce gouvernement doit faire face dans le cadre de la démobilisation et de l intégration des milices rendent sa tâche encore plus difficile. Le Bureau demande aux partenaires clés du Gouvernement libyen de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour l aider à restaurer la sécurité dans le pays. 28. Comme par le passé, le Bureau continue d encourager le Gouvernement libyen à présenter devant le Conseil de sécurité et publiquement sa stratégie globale pour répondre à ces crimes, quel qu en soit l auteur ou la victime. Il se félicite des annonces publiques concernant l évolution de sa législation. De telles informations devraient être partagées lorsque cela est possible, toutefois, il s avère encore essentiel de s intéresser à la situation générale. Cela prouverait que la justice demeure une priorité absolue, qui sous-tend les efforts en vue de restaurer la paix et la stabilité en Libye, et que les victimes de tous les crimes auraient la possibilité de demander réparation devant les tribunaux. 29. Le Bureau estime que la mission de la CPI consistant à mettre un terme à l impunité en Libye demeure cruciale et se réjouit à la perspective d une collaboration avec le Gouvernement libyen et la Mission d appui des Nations Unies en Libye pour traiter de nouvelles affaires. Page : 7/7