La gouvernance des associations



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Transcription:

La gouvernance des associations Synthèse des résultats de l enquête quantitative CPCA / CNAM Mai 2012 Afin de mieux connaître les pratiques de gouvernance associatives et d ouvrir un débat public entre responsables politiques, chercheurs et acteurs associatifs, la CPCA et le CNAM ont lancé en octobre 2010 une enquête de grande envergure sur les modes de fonctionnement associatifs. Ce document présente une synthèse des tendances et des spécificités repérées lors de la première phase quantitative de cette enquête. Lancé le 28 octobre 2010 à l occasion du Forum national des associations et des fondations, le questionnaire a été administré par courrier électronique à des responsables associatifs (membres d associations exerçant des responsabilités liées à la gouvernance : directeur/directrice, coordinateur/coordinatrice, président/présidente et membres du CA). 2350 personnes ont répondu, parfois de manière partielle, à l enquête. Les réponses émanent d associations diversifiées en taille, secteur d activité, ancienneté (etc.) mais elles proviennent également de répondants variés. Notre échantillon se caractérise par une forte représentation des secteurs de l éducation/formation/ insertion, du sport, de la culture, et de l action sociale. En termes de «taille» 28,3% d entre elles n ont pas de salarié permanent et 42,3% comptent de 1 à 9 salariés. Ainsi, 38,4% des associations interrogées emploient leur dirigeant. Les associations employeuses sont donc surreprésentées dans cet échantillon (plus de 40% contre 15% dans le paysage associatif). Les répondants sont des président/es (45,8%); des dirigeant/es (35,8%), des trésorier/ères (6,8%) et des membres de CA (11,7%). Ils sont très majoritairement bénévoles (66%), masculins (59%) et âgés de plus de 46 ans (61,6%).

la gouvernance des associations 2 Des instances associatives avant tout politiques centrées sur le projet collectif fédérateur L objectif de connaissance de cette étude était de cerner au plus près le rôle et les limites des instances «classiques» de direction et de gouvernance comme l assemblée générale (AG) et le conseil d administration (CA) dans les associations. A cet égard, les points suivants ressortent : Le CA joue plus un rôle stratégique d anticipation et d orientation qu un rôle de contrôle, de surveillance ou de sanction. Sa fonction principale n est pas de contrôler les dirigeants ni de réguler leurs comportements. Certes, il assure le suivi sur le plan financier des actions et contrôle la bonne exécution de programmes et des actions mais il est aussi et surtout là pour orienter le projet de l association, prévoir les actions futures, susciter des idées nouvelles, maintenir de bonnes relations avec les membres et communiquer vis-à-vis du public ou rechercher des financements (graphique 1). «( ) Le CA et le bureau élaborent les décisions et la stratégie Rarement voire jamais Souvent à systématiquerment Orienter le projet de l association Suivre sur le plan financier les actions de l association Discuter et éprouver les idées nouvelles Maintenir de bonnes relations avec les membres, les bénéficiaires et les usagers Rechercher des financements Évaluer le dirigeant de l association Graphique 1 - Le rôle du CA Associations employeuses Associations sans salarié Président Direction Membres du bureau Salariés Bénévoles investis sur le terrain Membres Usagers / Bénéficiaires Représentants des financeurs Elus locaux ou nationaux Représentants d autres associations Autres partenaires Donateurs Graphique 2 - Implication des acteurs dans l activité quotidienne de l association

3 la gouvernance des associations que la direction met en œuvre ( ) 1.» Ce rôle stratégique d anticipation est partagé par l ensemble des associations répondantes même s il est plus marqué dans les associations sans salarié. Dans ces dernières, le CA est l instance qui relie l association à ses parties prenantes (membres / usagers) et à son environnement (communication vis-à-vis du public). Les administrateurs très impliqués dans l activité quotidienne des associations. Dans les associations sans salarié, le président et les membres du bureau sont très impliqués dans l activité quotidienne des associations aux côtés des bénévoles de terrain et des membres. Dans les associations employeuses, les présidents et les membres du bureau sont aussi impliqués que les salariés. Les bénéficiaires et usagers, les représentants des financeurs y sont plus impliqués que dans les associations sans salarié (graphique 2). Orienter le projet de l association Prévoir les actions futures Susciter les idées nouvelles Évaluer le dirigeant de l association Graphique 3 - Fonctions prises en charge par le bureau dans les associations employeuses L'AG constitue un lieu de prise de décision Le bureau exerce lui aussi un rôle stratégique, particulièrement dans les associations sans salarié. Certes, il assure une fonction de suivi et d évaluation des actions et des dirigeants salariés dans les associations employeuses, mais cette fonction reste secondaire par rapport à la fonction politique centrale d orientation et d anticipation. Par ailleurs, de nombreuses petites associations sans salarié ne font pas la distinction entre CA et bureau, les deux instances se confondant (graphique 3). L AG, l instance garante du projet associatif. Dans une grande majorité des associations répondantes, le président prend l avis des participants à l AG pour la définition du projet associatif et les participants à l AG ont un rôle décisionnel dans la définition des grands axes de la stratégie de l association. Particulièrement dans les associations sans salarié, elle est un «lieu majeur», de prise de décision dont les participants ont la possibilité d influencer l ordre du jour (63% contre 45%). En revanche, dans les associations employeuses, elle ne dispose que très rarement d un réel pouvoir d influence sur les décisions stratégiques et ses participants s en remettent le plus souvent aux choix de la direction. Dans presque 30% des associations qui composent notre échantillon, l AG est vue comme une simple formalité institutionnelle. «( ) L AG n est qu un moment de restitution de l exercice passé, les décisions stratégiques d orientation et de contrôle des activités étant menées lors des CA réguliers.» Dans certaines associations, elle perd de son pouvoir au profit de modes de gouvernance moins formels. «L AG formelle n intéresse pas vraiment les membres. Elle est en train de se faire remplacer par de petites réunions autour de projets à mettre en œuvre ( )» (graphique 4). 100 80 60 40 20 0 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Associations employeuses Associations sans salarié Les membres de l'ag ont la possibilité d influencer l ordre du jour Associations employeuses Associations sans salarié 1. Extrait d un commentaire d un répondant de l enquête. Les passages en italique entre guillemets qui sont dans la suite de cet article sont issus de commentaires d autres répondants. Graphique 4 - Le rôle de l AG

la gouvernance des associations 4 L adhésion à des valeurs et l appartenance identitaire, ressorts centraux de l agir associatif Dans la très grande majorité des associations répondantes, les acteurs tirent leur légitimité de leur intégrité, de leur implication, et de leur engagement. Ni le niveau d étude, ni les compétences professionnelles ni les connaissances en matière financière et en gestion ne sont valorisées pour devenir membre du CA (graphique 5). Ce constat est général: aucun secteur n y échappe et la présence de salariés n y change rien. De plus, l identité apparait aussi comme un élément fort d appartenance dans les associations : plus de 90% disent «nous» plutôt qu «ils» lorsqu ils parlent de leur association et ils sont plus de 60% à ressentir les problèmes de leurs associations comme si c étaient les leurs. Les liens entre les membres d une association apparaissent comme plus affectifs que formels. Un sentiment d appartenance est souvent ressenti par les membres du CA, qui sont «fiers d être membres de leur association» et y appartiennent «comme à une famille!» Implication dans la vie de l association Intégrité Engagement militant Connaissance du terrain Expérience Temps libre dont ils disposent Liens existants avec les membres du CA Compétences professionnelles Respect de la diversité culturelle Respect de la diversité générationnelle Connaissances en finances et gestion Respect de la parité Relations personnelles avec les financeurs Niveau d étude Graphique 5 - Critères valorisés pour devenir membre du CA Le potentiel démocratique des associations doit être réinscrit dans des pratiques innovantes L enquête a aussi cherché à connaître et approcher les parties prenantes associatives impliquées dans la gouvernance et exerçant une influence sur les décisions. On s aperçoit que les CA sont composés d une pluralité d acteurs mais que leur présence et leur influence sont très inégales. Certaines catégories d acteurs structurellement à l écart des modes de gouvernance. Présidents, membres du bureau, directions salariées sont très présents voire systématiquement présents dans les CA pour plus de 90% des répondants (graphique 6). Les bénévoles, usagers / bénéficiaires et donateurs sont plus présents dans les CA des associations sans salarié tandis que les élus, les représentants d autres associations et les financeurs sont plus présents dans les CA des associations employeuses. La parité oubliée? En moyenne, les CA et les bureaux sont composés de 59% d hommes et de 41% de femmes (graphique 7), alors que les femmes représentent 70% des salariés du secteur 2. Les femmes sont sous-représentées particulièrement dans les instances dirigeantes des associations employeuses et dans les associations sportives. Elles sont plus souvent présentes dans les instances 2. Enquête CES-Matisse de 2005-2006

5 la gouvernance des associations Président Membres du bureau Direction Membres de l'association Bénévoles investis sur le terrain Salariés Représentants d autres associations Usagers / bénéficiaires Elus locaux ou nationaux Représentants des financeurs Autres partenaires Donateurs Graphique 6 - Présence des acteurs dans les CA 80% 70% Hommes Femmes 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Toutes associations Associations employeuses Associations sans salarié Sport Education Formation Insertion Culture Action sociale Santé Graphique 7 - Proportion hommes / femmes dans les CA Plutôt d accord Plutôt pas d accord Les points de vue contradictoires sont entendus Le CA constitue un lieu de prise de décision Les membres du CA L information fournie ont la possibilité d influencer avant les réunions du CA l ordre du jour et ses décisions est suffisante La réunion du CA est une simple formalité institutionnelle Graphique 8 - Déroulement des CA

la gouvernance des associations 6 dirigeantes des associations sociale et de santé, dans les associations culturelles et d éducation / formation / insertion. Cependant, même dans ces secteurs, elles restent largement exclues des bureaux (7 points d écart entre hommes et femmes dans les bureaux des associations sanitaires et sociales pourtant très féminisées contre 4 dans les CA). De plus, les rapports sociaux de genre restent encore largement niés par les acteurs. Le respect de la parité arrive dans les derniers critères valorisés pour le recrutement d un membre du CA (graphique 5). Il partage ce mauvais résultat avec le respect de la diversité culturelle et générationnelle. Pourtant, les principes associatifs ne suffisent pas à éviter les discriminations. Au contraire, l affectio societatis et le principe du consensus génère la ressemblance entre parties prenantes et peut faire obstacle à la diversité des genres, des milieux, des âges... Les CA comme les AG sont des lieux de libre expression (graphique 8). De nombreux documents y sont discutés (budgets, documents comptables, projet associatif, rapports d activité). «( ) L AG est toujours un moment très convivial, festif, un temps d échanges et de réflexion à battons rompus et tous azimuts. L équipe de travail synthétise ce qui a eu lieu ( ).» En revanche, le CA ne fonctionne pas toujours de façon collégiale : les décisions se prennent rarement à bulletin secret (graphique 9) et ce sont logiquement les présidents, la direction salariée et les membres du bureau qui semblent avoir le plus de capacité à influencer le projet associatif (graphique 10). Les élus, les représentants des financeurs et les donateurs ont une faible influence sur la définition du projet associatif qui peut être mise en relation avec leur faible présence. On constate aussi que les bénéficiaires et les usagers ont également peu d influence dans la définition de ce projet. Cela nous amène à nous interroger sur les processus de décision qui permettraient un engagement accru de toutes les parties prenantes et la coopération d acteurs variés. Des difficultés analogues se posent dans le cadre de l AG (graphique 11). Les membres du bureau et salariés y sont largement présents. En revanche, les bénéficiaires, usagers et donateurs y sont rares. Vote à main levée Consensus informel Autre Vote à bulletin secret Graphique 9 - Type de vote au CA

7 la gouvernance des associations Président de l'association Direction Membres du bureau Bénévoles investis sur le terrain Salariés de l association Membres de l association Usagers de l association Bénéficiaires de l association Elus locaux ou nationaux Représentants des financeurs Représentants d autres associations Autres partenaires Donateurs Graphique 10 - Influence des acteurs sur la définition du projet associatif Président de l'association Membres du bureau Direction Membres de l association Bénévoles investis sur le terrain Salariés de l association Elus locaux ou nationaux Bénéficiaires de l association Représentants d autres associations Représentants des financeurs Usagers de l association Autres partenaires Donateurs Très présents Assez présents Peu présents Graphique 11 - Présence des acteurs en AG Budgets Documents comptables Rapport d'activité Projet associatif Récapitulatif financier du coût et des recettes Rapport moral Indicateurs d activité Indicateurs de résultats et mesure d'efficacité Rapports d'audit externe Indicateurs de satisfaction des bénéficiaires Rapports d évaluation externe Quasi systématiquement discutés Plutôt souvent discutés Plus rarement voir jamais discutés Graphique 12 - Documents discutés en CA

la gouvernance des associations 8 La place déterminante des outils de gestion Les dispositifs comptables et financiers ressortent comme des outils placés au cœur du management associatif. Budgets et documents comptables sont plus systématiquement analysés par les CA que les documents relatifs au projet associatif (rapport d activité, projet associatif) (graphique 12). Cela peut s expliquer notamment par les obligations légales des associations en matière de comptabilité générale mais aussi par un effet de «contagion», les associations reproduisant en interne les modes de contrôles utilisés par leurs bailleurs. Ces outils de gestion peuvent aussi être utilisés pour se légitimer vis-à-vis des financeurs et des parties prenantes et être générateurs de ressources. En effet, pour la plupart des associations, les éléments les plus souvent pris en compte par les financeurs pour accorder un financement sont le budget, les documents comptables puis le rapport d activité. Les indicateurs d activité, de résultats, de satisfaction des bénéficiaires sont en revanche peu discutés en CA, ce qui pose la question des modalités de mesure de la performance associative. Des styles de gouvernance très divers L analyse des réponses collectées fait apparaître une grande diversité des modes de fonctionnement associatifs en termes de gouvernance. Dans une première analyse quatre groupes principaux d associations caractérisés par des styles de gouvernance fort différents peuvent être distingués. Pour les caractériser, nous les nommerons gouvernance professionnalisée, militante, externalisée et incarnée. professionnalisée (35% des répondants) Dans ces associations, les membres du CA sont d abord choisis en fonction de leurs compétences en matière de gestion. «Le modèle de fonctionnement est celui d une entreprise mais avec des principes associatifs», «Nous revendiquons la notion d entreprise associative, avec les contraintes, rigueurs de gestion et visions de l avenir de l entreprise et les valeurs du champ associatif». Même si le pouvoir du président est important, le CA et l AG ont un véritable rôle de surveillance de l exécutif, et sont à même de donner des conseils au président et au dirigeant : «Aucune décision ou orientation ne peut être prise par le président, sans l accord du CA». Les indicateurs de performance sont largement discutés durant le CA car potentiellement porteurs de dissensions. «Une professionnalisation encouragée par l administration se développe. Elle améliore faiblement la qualité des services rendus. En contrepartie elle contribue à déresponsabiliser le bénévolat et à le faire diminuer». Ce groupe utilise une large gamme d outils de gestion tant financiers que non financiers exigés par les financeurs. «Les financements issus des collectivités territoriales et de l Europe [sont assortis de] systèmes de contrôles [ ] de plus en plus coûteux en temps». La gouvernance y est très formalisée. militante (28% des répondants) Dans ces associations, les actions ont essentiellement un caractère militant. Elles sont perçues comme des moyens de faire progresser une cause et d agir différemment. Ce type d associations est techniquement innovant et n hésite pas à mettre à contribution les outils web. «L association n est pas une pme/pmi et sa conduite doit être une véritable œuvre collective, démocratique, sereine, un véritable partage des compétences». Les membres du CA y partagent (plus fortement qu ailleurs) des valeurs communes et le sentiment d appartenance à l association est fort. «Tous les membres du CA sont sur le même pied d égalité : tous les candidats élus au CA lors de l AG, se retrouvent statutairement coresponsables de l association». Les relations avec les financeurs sont étroites et se caractérisent par un travail conjoint pour chercher à résoudre les difficultés et les problèmes rencontrés. «Nous avons besoin d inventer avec nos financeurs d autres modes de collaboration que les seuls indicateurs quantitatifs», «Lorsque nous parvenons à passer des conventions sur plusieurs années avec nos financeurs nous avons un confort de travail et de résultats bien plus importants», «Le rapport à nos financeurs publics est jusque-là très bon car ils sont bien autant [ ] en demande d être partenaires de notre projet [ ] que nous le sommes de leur aide. Ce rapport plutôt égalitaire et sain avec les représentants des collecti- Type de gouvernance Partie prenante dominante militante Militants resserrée Président professionnalisée Membres du CA et financeurs externalisée Financeurs Fonctionnement Valeurs fortes Informel Formalisé Peu formalisé Mode de gouvernance dominant les secteurs Développement local, culture Sport, loisirs et vie sociale Action sociale, culture, éducationformation-insertion Développement local, loisirs et vie associative Tableau 1 - Caractéristiques des styles de gouvernance associative

9 la gouvernance des associations vités publiques permet un dialogue constructif». En outre, les éléments financiers font l objet de discussions fréquentes durant le CA. Diverses configurations de pouvoir coexistent dans ce groupe d associations : dans certaines, le dirigeant est un acteur incontournable et dominant ; dans d autres, le fonctionnement est plus collégial et intègre une plus grande pluralité de points de vue. Dans tous les cas, ces associations n hésitent pas à s engager dans le débat public pour défendre le bien fondé de leurs positions et faire évoluer les mentalités mais aussi les normes et l environnement législatif dans lequel elles évoluent. resserrée (25% des répondants) Dans ce type d associations, la gouvernance s incarne dans une ou plusieurs personnes impliquées et charismatiques : le président et (ou) le dirigeant. Le président y apparaît le plus souvent comme l acteur incontournable qui anime les débats dans les instances internes, organise des votes essentiellement à main levée, et fait des contributions sur le site web et l espace Internet. Dans ces associations, plus encore que dans les autres, la difficulté à renouveler les dirigeants se pose de façon cruciale : «A chaque fois que l on a voulu arrêter, personne ne voulait reprendre nos fonctions. [ ] C est un vrai travail! [ ] Bientôt, il n y aura plus d associations Loi 1901, faute de dirigeants». Cela témoigne d une certaine faiblesse organisationnelle. «Au-delà du président, c est très difficile de trouver des administrateurs réellement impliqués. Le passage de relais au poste de président est d ailleurs un vrai problème. Le fonctionnement de la structure repose sur le directeur et le président essentiellement, ce qui constitue une fragilité». Ces associations sont en général aussi peu outillées tant sur le plan financier (documents comptables, budgets, rapports d audit externe...) que sur le plan des indicateurs associatifs liés au projet et à l activité. On peut donc dire que la gouvernance y est peu formalisée. Ce fonctionnement informel est en fait bien souvent parfaitement adapté à la réalisation de leur objet. externalisée (14% des répondants) Dans ces associations, l implication des parties prenantes externes (donateurs, représentants des financeurs ) et des bénéficiaires domine. «La gestion [ ] est de plus en plus complexe résultant de la diminution du nombre de bénévoles et de l exigence accrue des bénéficiaires». Pour autant, les outils de gestion sont peu développés et peu formalisés. Les membres du CA y siègent plus souvent de droit que dans les autres associations. De ce fait, l implication, l engagement et les valeurs jouent un rôle moindre au sein du CA. Ce dernier n a d ailleurs pas véritablement de rôle moteur au sein des structures de gouvernance. «Nous rendons des comptes auprès de notre CA mais d une manière plutôt informative que décisionnaire». Le pouvoir du président est limité et les décisions sont peu débattues, que ce soit au sein du CA ou à l AG. De ce fait, ce groupe d associations est plus difficile à cerner. On peut faire l hypothèse qu il s agit d associations dirigées par des acteurs externes en dehors des structures de gouvernance classiques, ou qu elles sont gérées de manière purement technique par les seuls dirigeants salariés. Ces quatre groupes d associations caractérisés par des styles de gouvernance différents mettent au jour deux axes d interprétation qui jouent un rôle essentiel pour définir le panorama des pratiques de gestion associatives. On note tout d abord un clivage important au sein des structures de gouvernance entre le pouvoir des acteurs internes (bénéficiaires-usagers, salariés, direction, etc.) et celui des acteurs externes (financeurs, donateurs, élus, etc.). Ce clivage conditionne la nature et le type de structures fondant la gouvernance associative et détermine l équilibre des pouvoirs qui s y exercent et la traversent. On note ensuite l importance du niveau de formalisation des outils et des procédures sur lesquels reposent la gouvernance et les conditions de l émergence de celle-ci. Dès lors, on peut positionner les quatre modes de gouvernance les uns par rapport aux autres (figure 1). Deux gou- Poids important des acteurs internes Faible formalisation (émergente) resserrée externalisée militante professionnalisée Formalisation élevée Poids important des acteurs externes Figure 1 Styles de gouvernance associative

10 vernances sont caractérisées par un poids politique important des acteurs internes : la gouvernance incarnée et la gouvernance militante. Deux autres gouvernances relèvent de structures où les acteurs externes sont des acteurs déterminants : la gouvernance externalisée et la gouvernance professionnalisée. Concernant la formalisation, la gouvernance militante et la gouvernance professionnalisée partagent un niveau de formalisation élevé à la différence de la gouvernance incarnée et externalisée qui se différencient par une faible formalisation de leurs outils et procédures. Par ailleurs, chaque mode de gouvernance se caractérise par une implication différente des diverses parties prenantes et un fonctionnement spécifique. Certains modes de gouvernance semblent ainsi dominants dans des secteurs particuliers (tableau 1). Pourtant, une analyse fine des réponses montre que l on peut rencontrer l ensemble des modes de gouvernance au sein de chacun des secteurs. Ont participé à cette étude : Pour la CPCA Julien Adda, Béatrice Delpech, Marie Lamy et Virginie Roé Philippe Eynaud Maître de conférence à l'iae de Paris, Université Paris I Panthéon-Sorbonne Stéphanie Chatelain-Ponroy Professeur des universités, Cnam Samuel Sponem Professeur visiteur, HEC Montreal Si les premiers résultats mis en évidence ici sont riches d enseignements, ils ne constituent pas cependant un aboutissement. Une étude qualitative viendra compléter le travail quantitatif déjà réalisé et permettant d observer des formes originales d organisation associative. Le dialogue entre ces enseignements et ceux issus du questionnaire permettra d avoir une vision globale et compréhensive de cette problématique. Un compte-rendu exhaustif de deux volets de cette recherche sera présenté dans les «Dossiers de la Vie associative» à paraître.

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