Visite de la centrale nucléaire de Chooz



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Transcription:

Visite de la centrale nucléaire de Chooz Ce 10 février 2015, les élèves de 5 et 6 option sciences, accompagnés de M. le Préfet J.-M. Belle et du professeur de physique M. Moreau, ont visité la centrale de Chooz. Elle se situe dans les Ardennes en France, à 10 km de la frontière belge, à une trentaine de kilomètres de Dinant. Nous sommes partis en car pour arriver vers 9h au bâtiment d accueil de la centrale. Là, nous avons dû tous remettre notre carte d identité que nous n avons récupérée qu à la fin de la journée. Le site prend très au sérieux les questions de sécurité lors des visites. Les noms des élèves et des accompagnateurs avaient dû être transmis au moins 5 semaines à l avance pour que les autorités françaises aient le temps «d enquêter» sur chacun d entre nous. Suite aux attaques du 11 septembre à New York, les visites du site avaient été suspendues durant 6 ans. Une conséquence des règles de sécurité est que les appareils photo et les caméras sont interdites partout sur le site. La seule photo dont nous disposons est celle qu a prise notre guide (très sympathique) juste avant le départ vers les installations nucléaires. Le site de la centrale est installé sur un bras non navigable de la Meuse. L eau de celle-ci est utilisée comme eau de refroidissement dans le circuit tertiaire (voir plus loin). Il faut en réalité dire la centrale de Chooz B car existait auparavant une centrale plus ancienne, Chooz A, construite sous la colline en face de l actuelle Chooz B. Chooz A, lorsque sa construction s acheva en 1967, fut le premier réacteur à eau pressurisée (REP) en France. Il avait une puissance de 305MW (305 millions de Watts). Il a été en fonctionnement jusqu en 1991. Depuis 2010, EDF a entamé les travaux de démantèlement de ce réacteur. On a attendu 20 ans pour laisser la radioactivité diminuer au sein du réacteur.

La centrale de Chooz B comporte deux réacteurs de 1450 MW chacun. Ils font partie des réacteurs les plus puissants d Europe. Ils sont en service depuis 1997, ce qui fait de Chooz la centrale la plus récente de France. Les deux immenses cheminées visibles sur la photo font 170 m de hauteur (soit plus de la moitié de la tour Eiffel) et une centaine de mètres de diamètre à la base. Ce sont les tours de refroidissement. Elles reposent sur des piliers de 14 m de haut que l on voit très clairement sur la photo. Ceux-ci permettent à l air de passer par la base de la cheminée (voir plus loin pour le fonctionnement du refroidissement). Les deux bâtiments parallélépipédiques sombres contiennent les turbines et les alternateurs. Les bâtiments cylindriques rouges et blancs, juste derrière, sont les enceintes extérieures des réacteurs nucléaires. La visite a commencé par une conférence d une heure très instructive et pédagogique sur le fonctionnement d une centrale nucléaire à eau pressurisée et sur la centrale de Chooz en particulier. Nous reviendrons plus loin dans cette présentation sur le fonctionnement d une centrale nucléaire. Après avoir enfilé nos casques, nous nous sommes rendus à l intérieur du site, non sans passer par un portique de sécurité avec détecteur de métaux très semblable à ce que l on voit dans les aéroports. Notre guide nous a expliqué le rôle des différents bâtiments, les protocoles de sécurité afin d éviter les contaminations radioactives et les grandes étapes de la formation d un opérateur en salle de commande. Cette formation se fait sur place, car un opérateur n'est formé que pour une salle de commande bien précise. La sélection se fait sur les compétences techniques des candidats mais également sur des facteurs psychologiques tels que la résistance au stress, la capacité de concentration et la méticulosité. Ensuite nous sommes passés aux pieds des tours de refroidissement pour nous rendre dans un des deux grands bâtiments qui abritent les turbines. Nous avons dû mettre des bouchons d oreille avant de rentrer dans le bâtiment, car le bruit généré par la turbine dépasse le seuil légal. La turbine est complètement carénée (première photo ci-dessous), elle fait une vingtaine de mètres de longueur et pèse 15 tonnes. Plusieurs énormes tuyaux y amènent de la vapeur à la pression de 73 bars (soit environ 73 fois la pression atmosphérique!) et à la température de 290 c. En principe, l eau se vaporise à 100 c et pas à 290 c mais ici, l eau est mise fortement sous pression, ce qui lui permet de ne bouillir qu à 290 c. Une fois que la vapeur est passée une première fois par la turbine, elle a perdu une bonne partie de sa pression mais contient encore beaucoup d énergie. Elle est donc renvoyée dans une autre partie de la même turbine, la partie basse pression. La seconde photo montre une des portions de la turbine.

De retour dans le bâtiment d accueil des visiteurs, on nous a expliqué comment était utilisé le combustible nucléaire. L uranium provient de mines qui contiennent des roches riches en minerais d uranium. La France et la Belgique s approvisionnent en Afrique centrale, mais les mines les plus importantes se trouvent au Kazakhstan qui assure le tiers de la production mondiale à lui tout seul. Ces minerais contiennent moins de 0.5 % d uranium. Grâce à une série assez complexe d opérations physiques et chimiques on extrait l uranium de ces minerais. On obtient alors une poudre jaune, le «yellow cake», qui est de l uranium à 75 %. Il faut savoir que cet uranium naturel contient deux isotopes différents : l uranium 238 (U 238 ) et l uranium 235 (U 235 ). Des isotopes contiennent le même nombre de protons et donc d électrons, mais un nombre différent de neutrons. Le noyau qui peut faire l objet d une fission est celui de l U 235. Or l uranium naturel est à 99.3% du l U 238 et à 0.7% de l U 235. Il faut donc enrichir le combustible en U 235. Pour ce faire on utilise une technique de centrifugation qui sépare les composés de masses différentes et donc les deux types d isotopes. En ne gardant que les atomes le plus légers, on enrichit le mélange en U 235. L enrichissement permet de passer de 0.7% à 4% d U 235. On obtient au final de petites pastilles noires de la taille d une phalange. Chacune de ces pastilles contient autant d énergie que 1500 kg de charbon! Ces pastilles sont empilées dans de longs tubes en métal que l on appelle des crayons. 264 crayons alignés forment une barre de combustible. Chacun des deux réacteurs de Chooz contient 205 barres soit plus de 50 000 crayons. Les pastilles enrichies à 4% d U 235.

A gauche, un assemblage de crayons découpés pour raison pédagogique. Chaque crayon fait un peu plus de 4m de long. A droite, une barre d assemblage contenant 264 crayons. Ci-dessous, la cuve du réacteur à moitié remplie de barres de combustible. La cuve est inondée avant son ouverture pour protéger les techniciens des radiations.

Tous les 18 mois un tiers des barres de combustible, les plus vieilles, sont remplacées par des neuves. Une barre reste donc environ 4 ans dans le réacteur. Après, elle devient moins performante et part au recyclage. Là on réutilise 97% de sa masse pour faire du nouveau combustible, le reste constitue des déchets radioactifs qu il faut stocker. L après-midi nous avons eu droit à une conférence de 20 min du professeur Hervé de Kerret, physicien nucléaire qui dirige un laboratoire sur les neutrinos installé 100 m sous terre à 1km seulement de la centrale. Juste après, nous avons visité son laboratoire en sa compagnie. Ce laboratoire se nomme «double Chooz» et les installations ont été renouvelées très récemment, en septembre 2014. Les réactions nucléaires qui se produisent dans les réacteurs de la centrale produisent des particules particulièrement furtives que l on appelle des neutrinos. Ces particules sont très difficiles à détecter car elles n interagissent presque jamais avec la matière. Par exemple, les neutrinos produits au cœur du soleil peuvent traverser la planète Terre de part en part sans subir la moindre collision avec un atome de la Terre. Nous sommes tous traversé chaque seconde par des millions de neutrinos sans nous en rendre compte! Il existe au Japon des immenses détecteurs qui analysent les neutrinos qui proviennent du soleil. Le professeur de Kerret analyse les neutrinos qui proviennent de la centrale et qui ont une énergie différente de ceux provenant du soleil. Le laboratoire est enfoncé profondément sous terre pour éviter de détecter le rayonnement cosmique qui est absorbé par la couche de terre et de roche audessus du laboratoire. Le détecteur de neutrinos est une énorme cuve remplie d une huile spéciale. Si un neutrino provenant de la centrale percute une molécule d huile, il y a création de rayonnements gamma. Ces derniers sont alors détectés par les dizaines de détecteurs qui tapissent la paroi de la cuve. Il faut savoir que le professeur de Kerret est passé à deux doigts de recevoir le prix Nobel qui a finalement récompensé le laboratoire au Japon en 2002. Ci-dessous, le professeur de Kerret dans son laboratoire (toute ressemblance avec un célèbre physicien est purement fortuite).

Ci-dessous, le schéma du détecteur. Ce qui ressemble à des spots sur la paroi est en fait des dizaines de détecteurs à rayons gamma. Le principe de la fission nucléaire Les noyaux des atomes sont constitués de neutrons et de protons. Ces particules sont appelées des nucléons. Les deux particules ont presque la même masse : la masse du proton est de 1.673 10-27 kg et celle du neutron est de 1.675 10-27 kg. Le proton possède une charge électrique positive alors que le neutron est électriquement neutre comme son nom l indique. Un élément chimique est caractérisé par son nombre de protons. Par exemple, tous les noyaux d hydrogène possèdent un seul proton, ceux de carbone en possèdent 6, et tous les noyaux de plomb en possèdent 82. Mais les noyaux d un même élément chimiques peuvent contenir un nombre différent de neutrons. Ainsi, certains noyaux de carbone possèdent 5 neutrons, d autres 6 neutrons, d autres encore 7, 8 voire 9 neutrons. Les noyaux d un même élément chimique distincts par leur nombre de neutrons sont appelés des isotopes. Ils sont notés avec le symbole de l élément chimique muni de deux nombres sur sa gauche : en bas le nombre de protons appelé le numéro atomique Z et en haut le nombre de nucléons appelé le nombre de masse 14 A. Pour un noyau de carbone contenant 8 neutrons on note donc 6 C car il y a 6 protons et 8 neutrons ce qui fait 14 nucléons (Z=6 et A=14). Partant de cette notation, si on veut retrouver le nombre de neutrons il suffit de faire la différence entre le nombre du haut et celui du bas (le nombre de neutrons = A-Z). Selon cette même 1 notation, on peut représenter le neutron par 0 n et le proton par 1 1 p. Certains isotopes sont naturellement instables. Ces noyaux sont susceptibles de se briser spontanément (on dit se désintégrer), c est-à-dire sans avoir à subir d influence extérieure. Il est impossible de prédire quand un certain noyau va se briser, mais on peut calculer avec précision la probabilité qu un noyau se brise endéans un 14 certain laps de temps. Par exemple, on sait qu un noyau de 6 C a une probabilité ½ (une chance sur deux) de se désintégrer en 5730 ans. Autrement dit, si on dispose d un grand nombre de ces noyaux, on sait qu après 5730 ans, il n en restera plus que la moitié. Le temps nécessaire pour que la moitié des noyaux d un même type se soient désintégrés porte le nom de temps de demi-vie. Outre les désintégrations spontanées, il est possible de provoquer une désintégration en bombardant le noyau avec une particule, un neutron par exemple. Lors d une désintégration, le noyau se sépare souvent en deux noyaux plus petits. C est ce qu on appelle la fission nucléaire. Cette fission est accompagnée de l émission d autres particules et de rayons gammas comme le montre la figure ci-dessous.

Dans les centrales nucléaires, c est un isotope de l uranium qui est utilisé pour la fission nucléaire. Il s agit de l 235 92U. Il comporte donc 92 protons comme tous les noyaux d uranium et 235-92=143 neutrons. Ce noyau est instable mais son temps de demi-vie est de 704 millions d années. La désintégration spontanée de ce type de noyaux est donc trop lente pour en tirer une énergie suffisante. Il faut donc provoquer la fission de ce noyau. 235 Pour cela, il suffit de rassembler suffisamment d 92U au même endroit. Lorsqu un noyau se désintègre, il émet 235 deux ou trois neutrons. Ces neutrons peuvent impacter d autres noyaux d 92U à proximité et provoquer leur fission. Ces fissions vont à leur tour produire des neutrons qui feront de nouvelles fissions et ainsi de suite. C est ce qu on appelle la réaction en chaîne. Elle est illustrée à la figure suivante.

Si chaque neutron émis rencontre un noyau d 235 92U, le nombre de fissions croît de manière exponentielle et on aboutit à une explosion nucléaire (bombe atomique). Dans une centrale, le but est d entretenir le nombre de fissions en gardant le phénomène sous contrôle. Pour cela, il faut que, pour chaque fission, un seul des neutrons émis rencontre un autre noyau d 235 92U. Les autres neutrons doivent être absorbés avant de rencontrer un noyau d uranium. Pour cela, on utilise un matériau absorbeur de neutrons. Dans les centrales d Europe occidentale, on utilise des barres d un alliage à base d indium, d argent et de cadmium comme absorbeur. Ces barres peuvent être introduites entre les crayons de combustible plus ou moins profondément pour absorber la quantité adéquate de neutrons. En cas d incident sérieux dans le réacteur, ces barres sont introduites au maximum automatiquement. Elles absorbent alors tous les neutrons et la réaction en chaîne s arrête. Il reste un problème. Pour qu un neutron puisse provoquer la fission d un noyau d 235 92U, il faut que ce neutron ne soit pas trop rapide. Or, les neutrons émis par les fissions sont beaucoup trop rapides. Ils doivent donc être ralentis. Pour cela, on utilise un modérateur de neutrons. Ce modérateur est simplement de l eau que l on fait circuler entre les crayons. Les neutrons entrent en collision avec les noyaux d oxygène et d hydrogène de l eau et ces collisions les ralentissent. Après plusieurs collisions les neutrons sont suffisamment lents pour entrainer la fission d un noyau d uranium s ils en rencontrent un. Ce processus est illustré à la figure suivante.

Lors des collisions avec l eau, les neutrons perdent de l énergie. Celle-ci est récupérée par les molécules d eau sous forme de chaleur. L eau en passant entre les crayons de combustible va donc chauffer. Comme on va le voir dans la section suivante, c est grâce à cette chaleur qu une centrale produit de l énergie.

Le fonctionnement d une centrale nucléaire Voici la représentation schématique d une centrale nucléaire. Le fonctionnement de base est relativement simple. De l eau servant de modérateur est chauffée par les réactions nucléaires (énergie thermique). Cette eau permet de générer de la vapeur sous pression qui est envoyée dans une turbine (énergie mécanique). Cette turbine fait tourner un alternateur qui produit à son tour un courant électrique (énergie électrique). Ce courant est finalement envoyé sur le réseau électrique par des lignes à hautes tensions. Le circuit primaire contient l eau qui est chauffée par les réactions nucléaires. Cette eau est mise sous pression par le pressuriseur. La pression atteint 155 bars (155 fois la pression atmosphérique). L eau rentre dans la cuve du réacteur avec une température de 292 c et en sort à 330 c. Elle gagne donc 38 c grâce aux réactions nucléaires. C est la très haute pression qui empêche l eau de bouillir pour la maintenir à l état liquide. Une pompe puissante maintient un débit de 6800 litres par seconde! Le volume total de l eau dans le circuit primaire est de 406 m³. L eau à 330 c passe dans des tuyaux en forme de U dans un générateur de vapeur. Là, elle chauffe l eau du circuit secondaire et la transforme partiellement en vapeur. La vapeur produite est à la température de 288 c et a une pression de 73 bars. Son débit est de 2500 kg de vapeur par seconde. Il n y a aucun contact entre l eau du circuit primaire et celle du circuit secondaire. Ceci permet de confiner la radioactivité dans le bâtiment de la cuve. Le bâtiment cylindrique qui contient le circuit primaire et la cuve du réacteur est à double enceinte. L enceinte intérieure fait 1.2 mètre d épaisseur en béton précontraint et l enceinte extérieure 60 centimètres d épaisseur en béton armé.

La vapeur du circuit secondaire sert à faire tourner les ailettes d une turbine à la vitesse de 1500 tours par minute soit 25 tours par seconde. En sortie de la turbine, la vapeur est condensée sur des tuyaux parcourus par de l eau froide. L eau produite par la condensation est réinjectée dans le générateur de vapeur. L eau froide constitue le circuit tertiaire qui n a aucun contact direct avec le circuit secondaire. Cette eau froide provient d un fleuve ou de la mer. Dans le cas de Chooz, c est l eau de la Meuse. Après avoir servi à condenser la vapeur, cette eau qui a absorbé une partie de la chaleur de la vapeur s est réchauffée. Elle passe de mettons 15 c à environ 35 c. Si l eau a été prélevée à la mer elle est restituée telle qu elle. Si elle a été prélevée dans un fleuve, elle doit être refroidie à son tour pour ne pas perturber l écosystème du fleuve. C est à cette fin que l on utilise les énormes tours de refroidissement. L eau s écoule de milliers de canalisations à l intérieur de la tour. La tour est ouverte à sa base. Elle permet donc à l air de circuler du bas vers le haut à l intérieur de la tour. Cet air refroidit l eau mais emporte une partie de cette eau sous forme de vapeur d eau que l on voit s échapper à gros panaches de ces tours. La quantité de vapeur d eau qui s échappe d une tour est d environ 1000 litres par seconde. Cette eau perdue par le circuit tertiaire doit être compensée par un captage permanent d eau du fleuve. Les centrales qui utilisent l eau de mer n ont pas besoin de tours de refroidissement car la mer est suffisamment vaste pour ne pas être perturbée par l eau rejetée à 35 c. La turbine fait tourner un alternateur. L alternateur est constitué de deux parties principales : le rotor et le stator. Le rotor est relié à la turbine et tourne à la même vitesse qu elle. Il génère un champ magnétique tournant. Le stator est fixe. Il est de forme cylindrique et il entoure le rotor. Il est constitué de plusieurs bobines de fils conducteurs. Le champ magnétique tournant, qui passe à travers les bobines, induit une tension électrique variable dans ces bobines. L alternateur sert donc à transformer l énergie mécanique de la turbine en énergie électrique. La tension alternative développée dans les bobines est de 24 000 volts. On utilise un transformateur qui va porter cette tension à 400 000 volts. Cette tension est alors envoyée aux lignes haute-tension du réseau électrique. 35 % de l énergie thermique contenue dans la vapeur est convertie en énergie électrique au final.