Conseil québecois sur le tabac la santé c. JTI-MacDonald Corp. 2009 QCCS 703 CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL N : 500-06-000076-980 COUR SUPÉRIEURE (Recours collectifs) DATE : Le 13 février 2009 SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L HONORABLE BRIAN RIORDAN, J.C.S. N o 500-06-000076-980 CONSEIL QUÉBÉCOIS SUR LE TABAC ET LA SANTÉ JEAN-YVES BLAIS Requérants c. JTI-MACDONALD CORP. IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. Intimées ET N O CÉCILIA LÉTOURNEAU Requérante c. JTI-MACDONALD CORP. IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. Intimées ORDONNANCES VISANT LA RÉTENTION DE DOCUMENTS ET LE DÉPÔT ET LA CITATION DE DOCUMENTS NE FAISANT PAS PARTIE DE LA PREUVE JR1353
500-06-000076-980 PAGE : 2 [1] Dans le cadre des interrogatoires au préalable menés par les Demandeurs auprès des représentants des Défenderesses dans l'action principale, deux questions de principe se soulèvent: a. En l'absence de questions communes allégations qui citent spécifiquement une pratique des défenderesses, en l'occurrence, leur politique sur la rétention la destruction de documents corporatifs, est-ce que les questions au suj de la rétention /ou destruction de documents sont pertinentes? b. Est-ce que les Demandeurs devraient avoir le droit de déposer au dossier de la Cour en même temps que les transcriptions de ces interrogatoires, soit des documents que le témoin ne reconnaissait pas, soit des extraits, parfois longs, de leur contenu lus à haute voix par l'avocat des Demandeurs transcrits par la sténographe? [2] Répondre à ces questions de principe règlerait vraisemblablement sinon la totalité, du moins la grande majorité des objections à trancher en ce moment. LA PERTINENCE DE LA POLITIQUE DE RÉTENTION DE DOCUMENTS [3] Les Défenderesses s'opposent à toute question ayant trait à la politique de la rétention de documents ou, aux faits entourant la destruction ou au renvoi de documents anciennement en leur possession ou sous leur contrôle. Elles se basent sur le fait qu'il n'y a pas d'allégation spécifique dans les requêtes introductives d'instance à ce suj que les questions communes identifiées dans le jugement d'autorisation n'y offrent pas d ouverture. [4] Les Demandeurs insistent que ces questions sont alléguées dans les actions font intégralement partie des questions communes identifiées dans le jugement d'autorisation. D'après eux, la non rétention ou destruction de documents cadrent parfaitement avec les aspects de non divulgation d'informations prévus dans ces dossiers, surtout celui de Létourneau. [5] Le Tribunal donne raison aux Demandeurs sur ce point. [6] D'abord, situons l'élément pertinent sur la question de la rétention la destruction de documents par les compagnies. Ce n'est pas tant leur façon d'opérer qui est d'intérêt que leurs efforts, tels qu'allégués par les Demandeurs, de taire au public les dangers de la cigarte.
500-06-000076-980 PAGE : 3 [7] Au moins deux des questions communes englobent c élément, soit celle qui vise la possibilité d'une «politique systématique de non-divulgation de ces risques» celle visant la possibilité que les compagnies ont conspiré entre elles afin d'empêcher les fumeurs d'être informés des dangers de la cigarte. C'est suffisant pour permtre de telles questions en ce qui concerne l'autorisation. [8] En ce qui concerne les requêtes introductives d'instance, les allégations ne sont pas nombreuses à c égard, mais il en existe. Notre lecture des paragraphes 12 1 124 de la requête introductive d'instance dans le dossier Létourneau nous satisfait sur ce point: 12. Faisant délibérément preuve d une insouciance déréglée d une mauvaise foi troublante, les défenderesses ont d une part systématiquement omis d informer les consommateurs des dangers reliés à la consommation de la cigarte, d autre part, elles se sont concertées afin d empêcher que ces informations ne soient rendues publiques, allant jusqu à mentir effrontément afin de semer la confusion; 124. De fait, depuis la création du CCFPT, les défenderesses se sont concertées afin de maintenir un front commun pour accomplir les objectifs suivants : supprimer ou ne pas divulguer les résultats des recherches internes menées par les défenderesses ou par les sociétés qui leur sont liées qui tendraient à démontrer l impact sur la santé de la cigarte ainsi que le caractère créateur de dépendance de la nicotine; (Le Tribunal souligne) [9] Le Tribunal permtra donc des questions sur la politique de rétention de destruction de documents des Défenderesses rejtera les objections basées sur c argument. LE DÉPÔT AU DOSSIER DE LA COUR DE DOCUMENTS NON RECONNUS PAR UN TÉMOIN [10] Sans aller au fond de la procédure appropriée pour déposer un document à la Cour, tous reconnaissent qu'il faut normalement qu'un témoin l'identifie d'une manière ou 1 Dans leur plaidoirie les Demandeurs identifiaient plutôt le paragraphe 3 de la Requête introductive d'instance de Létourneau, toutefois le texte qu'ils citent que nous citons dans ce jugement - se trouve au paragraphe 12 de ce document.
500-06-000076-980 PAGE : 4 d une autre avant qu'il ne fasse partie de la preuve. Certes, il existe des exceptions à cte règle, mais elles ne sont pas pertinentes aux fins des présentes. [11] Les Défenderesses s'opposent à deux aspects sur la façon de procéder des procureurs des Demandeurs lors des interrogatoires. En premier lieu, ils identifiaient unilatéralement, par un numéro de cote, un document que le témoin n'avait pas encore vu qui, par la suite, s'avérait inconnu de lui. Par la suite, ils lisaient parfois de longs extraits du document afin de poser une question au suj de quelque chose mentionné dans l'extrait. [12] Par exemple, à la question 208 posée au représentant d'impérial Tobacco, l'avocat des demandeurs lit un long extrait d'un document X, document inconnu du témoin, dans lequel le nom d'un Monsieur Y est mentionné. Notons que le document parle aussi d'événements favorisant la position des Demandeurs. À la fin de la citation, l'avocat aboutit par la question: «Savez-vous qui est Monsieur Y?». [13] Les Demandeurs plaident qu'il était nécessaire de lire le document afin de situer le témoin dans le contexte approprié. De cte manière, ils aidaient le témoin à mieux répondre à la question. [14] Les Défenderesses ne voient pas le besoin d'une telle aide. Elles s'objectent à ce que le document X soit déposé à la Cour lors du dépôt des transcriptions que ces transcriptions contiennent l'extrait lu à haute voix parce que le document n'est pas validement admis en preuve. [15] Nous donnons raison aux Défenderesses sur les deux aspects. [16] Il est normal utile de situer un témoin dans le contexte approprié avant de poser certaines questions, mais il n'est pas nécessaire de procéder de la manière utilisée ici, surtout face à une objection de la partie adverse. Cela suggère un effort de faire indirectement ce que l'on ne peut faire directement. [17] Un avocat possède plusieurs alternatives pour situer le témoin dans un contexte quelconque. Entre autres, s'il est essentiel que le témoin prenne connaissance du document pour pouvoir répondre, l'avocat peut simplement le lui montrer pour qu'il le lise silencieusement. Il n'est pas nécessaire de donner une cote au document d en lire des extraits. [18] Les Demandeurs admtent que les documents en question, bien que cotés mentionnés dans les transcriptions, ne font pas partie de la preuve. Ils s'engagent même à ne pas les déposer avec les transcriptions, sous réserve de leur droit de les déposer d'une autre manière. Pourtant, puisqu'ils ont déjà effectivement déposé les
500-06-000076-980 PAGE : 5 transcriptions, mais sans les documents, ces transcriptions font partie de la preuve, y compris les extraits des documents autrement inadmissibles à ce stade. [19] Les Défenderesses demandent que les documents non validement identifiés par le témoin soient exclus du dossier pour cte raison que les transcriptions soient «ntoyées» des extraits lus par l'avocat. Elles ne demandent pas l'exclusion des questions posées dans ce contexte pour cte raison. [20] Le Tribunal ordonnera donc que ce genre de document ne soit pas déposé au dossier de la Cour qu'une telle expurgation soit effectuée, c'est-à-dire, seulement quant au texte de tels documents lu à haute voix par l'avocat des Demandeurs. L'admissibilité des questions, comme telles, n'est pas en débat dans la mesure où ces questions peuvent être comprises de façon autonome, c'est-à-dire, sans répéter le texte du document. [21] Par exemple, lorsque l'avocat, après avoir lu un extrait, demande au témoin si sa compagnie «faisait la même chose», la question est tellement reliée au texte qu'elle devient incompréhensible sans le texte. Pour de telles questions, il faudra reprendre l'interrogatoire en posant une question précise qui décrit le contexte nécessaire, sans lire le passage à haute voix, à moins que les procureurs réussissent à s'entendre sur des réponses par écrit. [22] Vu le volume de questions affectées par cte décision, le Tribunal reconnaît qu'il peut exister des cas spéciaux qui ne devraient pas équitablement suivre la présente ordonnance. Pour cte raison, nous réserverons le droit aux Demandeurs de s'adresser au Tribunal pour trancher toute difficulté de cte nature. BRIAN RIORDAN, J.C.S.