Un voyage à Madagascar Ce n est pas d un voyage touristique qu il s agit Il y a quelques mois de cela j ai été interpelé par Marc Lüthi (ancien Directeur de l Institut Emmaüs) au sujet d un enseignement à dispenser sur l île de Madagascar. Plus tard, l interpellation est devenue une demande officielle pour aller là-bas afin d y enseigner un cours de théologie pratique. Après réflexion et prière avec Lisette, j ai répondu positivement à cet appel. Mais je m y rendrai seul, ma famille restant sur place. Avant Noël, j ai reçu le billet d avion et récemment l Ambassade de Madagascar m a fait parvenir le visa. Mon départ est fixé au 12 mars 2015, mon retour au 3 avril. Cette collaboration a également été discutée au sein de la Commission Afrique- Asie de la FREE. Celle-ci l a approuvée unanimement de sorte que les frais de transport sont pris en charge par le FREE. Mon temps à Tananarive sera chargé. Les cours dispensés à l ISTE (Institut Supérieur de Théologie Evangélique) s étaleront sur une trentaine d heures. A cela s ajoute l animation d un séminaire en week-end pour les pasteurs locaux dans le cadre du Centre de Formation pour l Océan Indien (CEFOI). Sans parler de prédications et interventions diverses Une autre difficulté sera la confrontation à la pauvreté des habitants et des églises de cette île. Il y a aussi des pauvres à Genève, mais le contexte malgache est très différent et nécessitera un effort d adaptation afin de réagir au mieux et selon la volonté du Seigneur. Dans le cadre des échanges avec la Commission Afrique il avait été souhaité que cette aide à l Eglise malgache soit davantage qu un engagement personnel de ma part, mais qu elle soit l expression de la solidarité de nos églises à l égard des églises du Sud. Après échanges avec nos Anciens, il a aussi été convenu que je serai l envoyé de mon église de la Pélisserie. Je vous remercie de prier pour moi afin que le Seigneur me conduise, m inspire, me soutienne et me renouvelle pour tout le temps où je serai là-bas. Que
l enseignement dispensé rejoigne les responsables malgaches dans leur besoins! Qu il me protège de tout danger. Qu il soit aussi avec les miens sur place ici. A l avance, je vous dis ma toute reconnaissance pour votre soutien spirituel. Jörg Geiser =========================================== Au retour du voyage de Madagascar Trois semaines passées à Tananarive et environs! Comment vous faire revivre ce temps? Comment vous faire participer aux échanges avec les étudiants? Comment vous faire humer les effluves des rues au gré des échoppes et des commerces? Il y a tant d impressions, tant de couleurs variées, tant de diversité et de contrastes, tant d influences provenant de courants spirituels divergents! Tout d abord je veux vous exprimer, chers lecteurs de Tous Unis, toute ma reconnaissance pour votre appui dans la prière. Plusieurs me l ont dit : J ai pensé à toi tous les jours! Oui, j ai été merveilleusement soutenu pendant ces trois semaines! Pas de maladie. Pas d accident (ni à pied, ni à vélo, ni en voiture, ni en avion)! J ai pu assumer fidèlement le mandat qui m avait été confié. Cela représentait près de quarante heures d enseignement et de prédication. A l ISTE (Institut Supérieur de Théologie Evangélique), la matière était la théologie pratique, traitant de tout ce qui concerne le service de Dieu. J avais intitulé mon cours «le ministère sous la Croix», l idée maîtresse étant que tout procède de notre union avec le Christ, mort et ressuscité. J avais prévu une forme interactive, ce qui permettait d adapter cette matière au contexte malgache. Oui, il ne suffisait pas d énoncer des principes généraux, mais il fallait aussi penser à l insertion de ces vérités dans la culture de ce grand pays. La recherche du point critique où la vérité de l Ecriture (relue sans idée préconçue) entrait en conflit avec la culture était un exercice exigent certes, mais nécessaire. Au CEFOI (Centre Evangélique de Formation pour l Océan Indien), nous avons vécu un séminaire réunissant une quarantaine de participants. Le sujet était annoncé en ces termes : L'épître aux Galates en bref : son message libérateur et son actualité. Dans ce
parcours nous nous nous sommes arrêtés sur certains points forts (par exemples : le seul Evangile, l Evangile de la Croix, la liberté chrétienne et le fruit de l Esprit). Les échanges après les exposés étaient aussi enrichissants : par exemple celui consacré au danger réel du légalisme pour l église malgache. Je suppose que l intérêt des lecteurs de Tous Unis va au-delà de ces matières théologiques. Vous vous demandez certainement comment vit-on à Tananarive et environs? Mon lieu d habitation se situait à 4 kilomètres du lieu d enseignement (à l ISTE) et dans la périphérie de la capitale (à environ 15 kilomètres du centre). Dès les premiers jours sur place j ai trouvé le meilleur moyen de déplacement : le vélo que je remarque dans le garage de Raymond et Eliette! (Les hôtes chez qui je loge et directeurs de l ISTE.) Ils me l ont prêté très volontiers. Les avantages du vélo sont évidents : vous pouvez dépasser les embouteillages et «remonter» les bouchons qui plombent tous les déplacements à Tananarive. La bicyclette est le véhicule le plus souple pour éviter les nids de poule (croyez-moi, ils sont nombreux et profonds parfois)! De plus, c est rigolo! Pas pour moi, mais pour les Malgaches qui me voient passer et me font un gentil sourire (c est leur manière à eux de rire de cette situation car ils ont l air de dire : «Tiens, un vaza c est-à-dire un «blanc» à vélo, ça ne se voit pas tous les jours»)! Reste le problème de la pollution ; mais que vous soyez en voiture, à moto, à vélo ou à pied, vous respirez en abondance des poussières et des gaz nauséabonds. Certains craignent d emprunter ce moyen de locomotion pour raison de sécurité. Je n ai pas ressenti ce danger sauf une fois : j avais mis des bananes dans un sac en plastique accroché à mon guidon et roulant dans la rue je remarque tout à coup le regard d une femme braqué sur mes bananes. Elle n a pas eu le temps de les arracher. Ouf! me suis-je dit dans un premier temps. Mais ensuite j ai été saisi d un sentiment de compassion à son égard. Pourquoi? me suis-je demandé, est-ce la faim qui la tenaillait? La pauvreté, voilà une autre réalité de Madagascar. Imaginez une ville de 3,5 millions d habitants (c est le grand Tana), mais près de 88 habitants sur 100 n ont pas d eau courante chez eux, ni de frigidaire pour conserver leurs aliments au frais. Vous ne croisez pas de personnes obèses à Madagascar! La répartition des richesses est trop inégale : un faible pourcentage détient entre ses mains les
grands capitaux du pays et le reste de la population lutte au quotidien pour sa survie. A cela s ajoute la corruption qui gangrène la société depuis le haut jusqu au bas de l échelle. Il n est pas possible de rester insensible face à cette réalité. Les frères et sœurs de l église de la Pélisserie ont pris à cœur cette situation et ont contribué généreusement, à hauteur de plus de Fr 3000. J avais la moitié de cette somme en poche à mon départ et je l ai remise sur place à des frères malgaches (responsables d œuvres ou d églises) pour qu elle soit affectée à des besoins pressants. Ils m ont prié de dire leur reconnaissance aux donateurs. L autre moitié a été acheminée directement par le canal de la mission MEIM (Mission Evangélique Indépendante de Madagascar) en faveur des sinistrés des cyclones qui ont sévi dans tout Madagascar en ce début d année 2015. C est une chose de lire les informations sur ces catastrophes dans la presse ou sur internet. C en est une autre d être en contact direct avec ceux qui en souffrent. J en ai fait l expérience lors du séminaire sur l épître aux Galates. L un des participants a particulièrement ému mon cœur : sa maison a été violemment frappée au point que deux de ses fils (l aîné et le cadet) ont péri dans l inondation. La langue ne nous permettait pas de communiquer, mais j ai prié avec lui pour apporter au Seigneur cette détresse. La pénétration de l Evangile sur cette grande île remonte à environ deux siècles. La Parole de Dieu a été largement répandue de sorte que près des trois quarts de la population se déclarent chrétienne. Pourtant, le guide qui m a fait visiter le palais de la reine situé sur la colline du vieux Tana me le disait franchement : «Le Malgache est syncrétiste». Selon Wikipédia, certains Malgaches pratiquent encore un syncrétisme qui consiste à combiner le christianisme avec leurs croyances religieuses traditionnelles visant à honorer les ancêtres. Les «Razana» (= les ancêtres divinisés) pèsent lourdement sur ce peuple, peut-être plus lourdement sur la société rurale. La population des villes, selon les influences subies, a tendance à relativiser ces croyances. Mais seuls la prédication et
l enseignement la Parole de Dieu reçue dans une foi obéissante permettront l affranchissement véritable. Le traditionalisme caractérise la culture malgache, ce qui ne veut pas dire que toutes les traditions soient incompatibles avec l Evangile (par exemple celles en rapport avec le mariage). D autres par contre sont terriblement cruelles et prévalent encore en 2015. C est le cas dans la tribu Atambahoaka, au Sud-Est de l île. Le tabou selon lequel les jumeaux sont abandonnés et meurent faute de nourriture et de soins est encore respecté. J ai visité dans les environs de Tananarive l orphelinat de l association Tanjona où vivent une quarantaine d enfants. La moitié d entre eux sont des jumeaux sauvés de la mort. Le pasteur Rosa et son épouse Pauline se consacrent corps et âme à leurs protégés. Ce pays a grandement besoin du soutien de nos prières! Je ne vois pas d autre relèvement possible que celui provoqué par une œuvre de réveil en profondeur. La leçon de l intercession pour la «grande île» est à retenir. Mais après cette brève expérience à Madagascar et au vu de tant de misère et pauvreté, au vu de tant de besoins, j en retire la leçon suivante : notre recherche d un confort de plus en plus sophistiqué, notre poursuite d aises égoïstes n est pas la bonne orientation pour nos vies. Prenons une autre direction à la suite de Jésus : Que ton règne vienne! Jörg Geiser