Avant-propos adagascar, plus qu une île, est un monde. Un monde africain et asiatique à la fois, puisque de l Orient sont venus, il y a plus d un millénaire, des hommes qui ont façonné sa terre. Cette rencontre improbable entre des peuples et des cultures aussi éloignés donne à elle seule un charme infini, et unique, à la Grande Île de l océan Indien. A l écart des continents, la vie s est réinventée en de nouvelles formes, qui souvent ne se rencontrent nulle part ailleurs sur la planète. Les dizaines d espèces de lémuriens qui hantent les forêts malgaches, les plantes épineuses qui dressent leurs bras fantomatiques vers le ciel du grand Sud sont les emblèmes de ce destin singulier. Chaque région du pays recèle son lot de merveilles. Au nord, à l ouest, dans les massifs des tsingy, les dentelles de karst composent des paysages irréels. Sur les versants orientaux, lesforêts pluviales abritent une biodiversité végétale qui reste encore à explorer. Sur les Hautes Terres centrales, les rizières sculptées en terrasses, au flanc des collines, laissent souvent la place à une sauvage beauté minérale. Des baobabs échevelés dominent des savanes dorées, des lagons turquoise cernent des îlots de paradis. Mais ce monde est fragile. Madagascar fait partie des pays les plus menacés par la déforestation et l érosion. Puissent les charmes dévoilés dans ce livre être légués aux générations futures!
L eau des collines Egalement appelé «réserve de Périnet», le parc national de Andasibe- Mantadia est en fait constitué de deux aires protégées, Mantadia (parc national) et Indri Analamazaotra (réserve spéciale). La vedette incontestée de la zone est l Indri indri, le plus grand des lémuriens. Babakoto (en malgache) mesure 75 centimètres et mène une vie paisible dans les arbres. Au petit matin, ses cris puissants réveillent la forêt qui couvre les collines accidentées de l est malgache, le long de la route reliant Tananarive à Tamatave. L eau est l autre élément omniprésent du secteur. Les rivières dévalent le relief, nourries par des pluies abondantes. Entre lacs, cascades et piscines naturelles, l humidité perpétuelle fait prospérer la flore tropicale. Les orchidées sauvages abondent, un jardin leur est d ailleurs consacré dans la réserve. Madagascar compte sur son sol plusieurs milliers d espèces de ces divas du monde végétal : bien plus que sur l ensemble du continent africain. Cascade au cœur du parc national de Andasibe-Mantadia, sur la route reliant Tananarive à Tamatave. 5
Volcans d antan Le volcanisme a laissé des traces discrètes à Madagascar. Contrairement à ses voisines de l océan Indien, la Grande Île n est pas née du jaillissement de la lave sous la surface : elle était déjà une vieille terre lorsqu elle s est détachée du Gondwana, le continent originel, il y a plus de soixante millions d années. En plusieurs endroits du pays, les paysages portent toutefois les traces d une activité volcanique, parfois récente. C est le cas dans la région de l Itasy, sur les Hautes Terres. Des dômes caractéristiques, hauts d environ 200 mètres, s élèvent autour de la petite ville d Analavory. Ils se sont éteints il y a huit mille ans et leurs flancs verdissent sous la pluie et la chaleur de l été austral, offrant un spectacle aussi paisible que celui des puys auvergnats. Le volcanisme a laissé un héritage varié dans les environs : lacs de cratères, sources thermales, petits geysers. Il a surtout façonné un sol très fertile, où prospèrent aujourd hui de nombreuses productions agricoles. Anciens volcans dans la région du lac Itasy, à l ouest de Tananarive. 6
Granite parade Ces aiguilles de pierre acérées sont les restes d une épaisse couche de sédiments calcaires qui s est formée sous la mer pendant des millions d années. Un soulèvement du relief l a ensuite porté à l air libre. La pluie est entrée en action. Creusant les interstices de la roche, elle a progressivement dissous le calcaire, réduisant chaque bloc à une lame effilée. Ce phénomène géologique s est produit dans d autres régions du monde. Mais nulle part ailleurs qu à Madagascar il n a atteint un tel extrême. Et nulle part ailleurs que dans l Antsingy, sur le plateau occidental du Bemaraha, on ne trouve de roches aussi finement ciselées. Le massif a d ailleurs donné son nom Antsingy : «la terre où on ne peut marcher sur sur la pointe des pieds» à cette curiosité de la nature malgache. L Antsingy, long d une centaine de kilomètres, dans une des régions les plus enclavées du pays, a longtemps gardé ses secrets. Le massif est classé au patrimoine mondial depuis 1990, mais n a pas encore livré tous ses secrets. Tsingy du Bemaraha, au nord de la ville de Morondava. 9
Rizières nourricières Base de l alimentation malgache, le riz est arrivé très tôt dans la Grande Île, apporté par les premiers habitants venus du monde indonésien. Il se cultive dans tout le pays, mais trouve sur les Hautes Terres des conditions climatiques idéales. Riziculteurs dans l âme, les Merina de la région de Tananarive et des Hautes Terres centrales ont sculpté la moindre colline pour aménager des champs irrigués par l eau des sources. D ingénieux réseaux de canaux et de diguettes alimentent les rizières, les protègent des excès de précipitations pendant l été humide ou les assèchent, quand, l hiver venu, il est temps de faire respirer le sol. Le travail mécanique est impossible sur ces étroites terrasses que se partagent les paysans du village le plus proche, soudés par une solidarité immémoriale. Les siècles n ont pas de prise sur ces paysages d une harmonie infinie, façonnés de la même manière depuis des générations. Ainsi domestiquée, la nature malgache devient jardin, dans une communion absolue entre les hommes et la terre. Rizières près de la ville d Antsirabe, sur les Hautes Terres, à la période du repiquage. 10
Patrimoine mondial Depuis 2007, Madagascar compte une nouvelle richesse naturelle sur la liste du patrimoine mondial, tenue par l Unesco. Cette année-là, la valeur universelle de ses forêts humides a été internationalement reconnue. Elles s égrènent le long de ses marges orientales, réparties en six parcs nationaux : Marojejy, Masoala, Zahamena, Ranomafana, Andringitra et Andohahela. Ces zones protégées sont autant de bastions résistant à la déforestation : dans l est malgache, il reste seulement 8,5% de la forêt originelle. L abondance des pluies y fait prospérer une végétation exubérante, marquée par un taux d endémisme exceptionnel. Quatre-vingts à quatrevingt-dix pour cent des espèces recensées n ont pas d équivalent dans le monde. Ces reliques végétales sont également l habitat d une faune tout aussi originale. On y rencontre la plupart des lémuriens connus de la Grande Île. L inscription des forêts pluviales malgaches au patrimoine mondial permettra, espérons-le, de les soustraire définitivement à la hache des bûcherons et aux pièges des chasseurs. Forêt primaire humide près du village d Anosibe Anal a. 13
L ombre des géants Au nord de Morondava, sur la côte occidentale de Madagascar, l «allée des baobabs» attire tous les regards. Cette piste de sable, qui part plein nord en direction de Belo-sur-Tsibihina, est bordée d Adansonia grandidieri, une des six espèces de baobabs présentes dans le pays. L Adansonia est la plus majestueuse de toutes, par ses dimensions et la forme élancée de son tronc. Au couchant, cette futaie géante, carapacée de gris, se couvre d or : une ambiance magique s installe en ces lieux pendant quelques dizaines de minutes, avant que le soleil ne termine son plongeon quotidien dans le canal du Mozambique. Du baobab, les Malgaches tiraient autrefois de l huile, en pressant ses graines. De son écorce, ils faisaient aussi d imputrescibles pans de toitures. Aujourd hui, les grands arbres ont une autre fonction. Ils sont devenus un des principaux emblèmes touristiques de la Grande Île, et une des richesses du patrimoine naturel de la côte ouest. L emblématique allée de baobabs de Morondava, sur la côte occidentale. 14