Élaboration d'un schéma de valorisation pour l'édition de logiciels open source



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Transcription:

Élaboration d'un schéma de valorisation pour l'édition de logiciels open source Dr Ir Robert VISEUR Université de Mons (Faculté Polytechnique de Mons) Rue de Houdain, 9, B-7000 Mons robert.viseur@umons.ac.be Centre d Ecellence en Technologies de l Information et de la Communication Rue des Frères Wright, 29/3, B-6041 Charleroi robert.viseur@cetic.be Résumé Les entreprises sont conscientes des nouvelles opportunités dans le domaine des logiciels libre et open source. Cependant, elles ne maîtrisent souvent pas les aspects juridiques et économiques de ces logiciels. Nous avons donc voulu proposer à destination des entreprises, en particulier les TPE/PME disposant de peu de ressources internes en management, une démarche simplifiée, qui intègre le choi de la licence, en lien avec le modèle d'affaires. Notre recherche est organisée en trois sections. Une première section procède à un état de l'art en matière de modèles d'affaires et de licences de logiciels libres. Nous veillons à identifier les différents paramètres qui interviennent dans la sélection d'une licence et prenons en particulier en considération les contraintes liées au modèle d'affaires de l'entreprise. Une seconde section synthétise les critères de sélection identifiés dans l'état de l'art et propose un schéma de sélection simplifié. Une troisième section contient une discussion et les perspectives de cette recherche. Mots-clés logiciel libre, open source, licence, modèle d'affaires, schéma de valorisation Abstract The companies are aware of the new opportunities in the field of free and open source software. However they often do not mastered the legal and economic aspects of these softwares. We wanted to offer for companies, especially VSE / SME with limited internal resources in management, a simplified approach, which integrates the choice of license, in connection with the business model. Our research is organized into three sections. The first section makes a state of the art in terms of business models and free software licenses. We strive to identify the different parameters involved in the selection of a license and in particular take into account the constraints related to the business model of the company. The second section summarizes the selection criteria identified in the state of the art and offers a simplified selection scheme. A third section contains a discussion and perspectives of this research. Keywords free software, open source, license, business model, valuation model 1

1. Introduction Les entreprises sont conscientes des nouvelles opportunités dans le domaine des logiciels libre et open source. Selon le CIGREF (2011), la perception de l'open source dans l'entreprise a à ce point évolué que sa non prise en compte lors de choi technologiques doit aujourd'hui être justifiée. Les entreprises considéreraient cependant les modèles économiques du logiciel libre comme complees. De plus, elles ne maîtriseraient pas encore les modèles de distribution et de gestion des licences. Ce constat est corroboré par les contacts industriels de l'auteur. Les entreprises sont nombreuses à s'intéresser au composants libres et open source pour compléter leurs produits ou à la libération de leurs produits logiciels. Dans ce dernier cas, l'intérêt est tout particulièrement lié à la perspective de voir le logiciel promotionné, maintenu et étendu avec le soutien d'une communauté. Il peut aussi être lié à des demandes de clients, comme dans le secteur public, par eemple. Peu nombreuses sont cependant les entreprises à savoir comment aborder cette problématique: transition vers un modèle d'affaires open source, sélection d'une licence pour leur produit, méthode de gestion de la communauté, etc. Peu d'entreprises disposent de processus formels en matière de logiciel libre et open source (Noda et al., 2012). Dans certains cas, la pertinence d'aller vers une licence open source n'est par ailleurs pas avérée. Nous avons donc voulu proposer à destination des entreprises, en particulier les TPE/PME disposant de peu de ressources internes en management, une démarche simplifiée, qui intègre le choi de la licence, en lien avec le modèle d'affaires. Notre recherche est organisée en trois sections. Une première section procède à un état de l'art en matière de modèle d'affaires et de licences de logiciels libres. Nous veillons à identifier les différents paramètres qui interviennent dans la sélection d'une licence et prenons en particulier en considération les contraintes liées au modèle d'affaires de l'entreprise. Une seconde section synthétise les critères de sélection identifiés dans l'état de l'art et propose un schéma de sélection simplifié. Une troisième section contient une discussion et les perspectives de cette recherche. 2. État de l'art 2.1. Valorisation du logiciel La valeur de l'entreprise est égale au produit de la valeur du marché et de la part de marché (Corbel, 2000). La première est maimisée par une stratégie de contrôle, alors que la seconde l'est par l'ouverture. Cette vue simplifiée met en évidence l'effet des eternalités de réseau ainsi que l'éventail des politiques s'offrant à l'entreprise. Corbel identifie ainsi cinq stratégies: la stratégie propriétaire (aucun partage des droits de propriété), la stratégie de rente (licence accordée à un petit nombre de compétiteurs), la stratégie de fleibilité (licence accordée à de nombreu compétiteurs), la stratégie de partage (droits de propriété partiellement abandonnés sans sélection des licenciés) et la stratégie open source (abandon des droits de propriété sans sélection des licenciés). Un modèle d'affaires doit pouvoir évoluer dans le temps et l'entreprise, être capable d'adopter une stratégie équilibrée entre les logiques fermées et ouvertes (Munga et al., 2009). Le logiciel libre doit être d'abord considéré comme un programme d'ordinateur. A ce titre, il est protégé par le droit d'auteur. Ce dernier couvre le code objet et le code source du logiciel ainsi que des éléments du look&feel (c'est-à-dire de l'apparence et des commandes spécifiques) (Bordoloi et al., 1996; de Laat, 2005). Il n'eiste pas d'outil de protection juridique spécifique au logiciel. La protection du logiciel peut également s'opérer au travers du droit des brevets et du droit des marques (Alspaugh et al., 2009b; Horn, 2004; Messerschmitt & Szyperski, 2000; Montero et al., 2005). 2

L'auteur d'un logiciel fie généralement les droits et devoirs des utilisateurs au sein d'un contrat nommé «licence». Ce dernier fera référence au droit d'auteur ainsi que, parfois, au droit des marques et au droit des brevets. La licence permet «l'établissement des modalités de création de valeur et de captation de revenu par les éditeurs de logiciels» (Muselli, 2008). L'usage de licences propriétaires est fréquent. Elles sont généralement concédées en échange d'un pri proportionnel à l'importance des droits concédés. Elles apportent à l'auteur un contrôle maimal sur la reproduction, l'évolution et la distribution de l'œuvre. Elles n'autorisent souvent que l'usage d'une copie du programme et ne donnent généralement pas accès au code source du logiciel. A l'inverse, les licences libres se distinguent par leur permissivité. Elles permettent au preneurs de licence d'utiliser, d'étudier, de modifier et de distribuer le logiciel, avec son code source, conformément au quatre libertés du logiciel libre (Montero et al., 2005). Entre ces deu etrêmes eistent des modèles intermédiaires permettant de moduler les droits accordés au preneurs de licences. Le modèle du freeware (graticiel) permet ainsi à l'utilisateur d'utiliser, de reproduire et de redistribuer gratuitement le logiciel (Messerschmitt & Szyperski, 2000). Le shareware (partagiciel) est fourni gratuitement mais l'utilisateur est invité à payer pour une meilleur efficacité à l'usage (débridage de certaines fonctionnalités, suppression de mentions publicitaires,...). Un freeware pourra être associé à un service payant ou à une version plus évoluée du logiciel: on parlera parfois dans ce cas de freemium (Niculescu et Wu, 2011). Laure Muselli (2007, 2008) identifie pour sa part une catégorie de licences s'inspirant des licences libres mais n'en offrant pas toutes les libertés associées. Elle les qualifie de licences hybrides. Ces licences facilitent la captation de revenus par l'entreprise comparé à d'authentiques licences libres. Elles permettent également l'organisation d'une transition progressive d'une protection par licence propriétaire classique vers une couverture par licence libre. Muselli (2007) donne l'eemple de la licence SCSL chez Sun Microsystem, tandis que de Laat (2005) pointe celui de Jahia. L'éditeur suisse Jahia donnait ainsi accès au code source de son logiciel et proposait un système de remise sur le pri des licences fonction des contributions en code source. Les éditeurs de logiciels libres s'appuient notamment sur les communautés pour améliorer leur productivité (Fitzgerald, 2006). Les utilisateurs renforcent l'activité de l'éditeur, en corrigeant des erreurs ou en apportant de nouvelles fonctionnalités, par eemple sous la forme d'etensions au logiciel. Cette recherche d'activités autour du logiciel n'impose cependant la publication du logiciel sous une licence libre. Proposer et documenter une Interface de Programmation d'applications (API) permet ainsi à des tierces parties de développer leurs propres etensions pour le logiciel, sans devoir en apprendre les rouages internes ni obligatoirement avoir accès au code source (Messerschmitt & Szyperski, 2000). Cette pratique est à rapprocher des trousses à outils pour l'innovation (user toolkits for innovation) décrites par Von Hippel. Ce dernier les recommande pour stimuler l'innovation conduite par les utilisateurs (Von Hippel, 1986, 2001). La protection par brevet des programmes d'ordinateur est possible, notamment au États-Unis. Elle ne l'est pas en Europe, sauf dans le cas particulier où le programme «engendre un effet technique qui va au delà des interactions physiques normales eistant entre un programme d'ordinateur et un ordinateur» (Horn, 2004). Malgré cela, on estime à plus de 30000 le nombre de brevets logiciels délivrés par l'office européen des brevets (fsfe.org). Indépendamment du débat sur leur réelle valeur légale, ces brevets peuvent intéresser l'entrepreneur en tant qu'instrument d'optimisation fiscale (voir la «déduction pour revenus de brevets» en Belgique, par eemple). Ce mode de protection 3

n'est pas sans causer des difficultés compte tenu du caractère cumulatif et incrémental du développement logiciel, de l'absence d'état de l'art handicapant les recherches d'antériorité, de la durée de la protection (comparé à la durée du cycle de vie des produits logiciels), de la fragmentation ecessive de la propriété des innovations ou de la dissymétrie des forces entre les grands groupes informatiques et les nombreuses TPE/PME du secteur (Horn, 2004; Julien et Zimmermann, 2002; Liotard, 2007). Les multinationales de l'informatique (IBM, Apple, Microsoft,...) déposent de très nombreu brevets. Dans ce contete, les entreprises actives dans le logiciel libre sont amenées à constituer des fonds de brevets défensifs, à l'image de l'open Innovation Network (www.openinventionnetwork.com) qui comprend notamment IBM, Novell et Red Hat (Noda et al., 2012). Les logiciels, libres ou non, sont donc confrontés à plusieurs types d'ip (propriété intellectuelle) tels que les droits d'auteur, les marques et les brevets. Eploités au sein des licences, ils déterminent le régime d'appropriabilité du logiciel, c'est-à-dire «la capacité d'un innovateur à capturer les profits générés par une innovation» (Muselli, 2008). Leur usage combiné tend par ailleurs à se généraliser dans ce que Fitzgerald (2006) qualifie d'oss 2.0, c'est-à-dire le développement d'une nouvelle forme d'open source marquée par l'implication croissante des entreprises et la mise en œuvre de stratégies économiques plus élaborées. Compte tenu de la compleité d'une gestion efficace de la propriété intellectuelle, l'intégration des projets au sein de communautés solidement structurées (associations, fondations,...) peut se révéler appropriée (Phipps, 2012). 2.2. Licences de logiciels libres Les licences de logiciels libres peuvent être découpées en deu grandes catégories: les licences permissives ou académiques, d'une part, et les licences réciproques ou copyleft, d'autre part (Alspaugh et al., 2009; Lerner et Tirole, 2005; Montero et al., 2005). Les licences académiques autorisent l'utilisateur à appliquer une nouvelle licence, y compris propriétaire, au œuvres dérivées. Une licence copyleft «lie l'octroi des droits à l'obligation de ne redistribuer le logiciel et ses modifications que sous la même licence que celle par laquelle le licencié a obtenu ces droits» (Montero et al., 2005). Elle confère dès lors au logiciel un caractère inappropriable (Muselli, 2008). La littérature parle aussi de copyleft faible (ou standard), lorsque le copyleft s'applique uniquement au composant logiciel, et de copyleft fort, dans le cas où toute œuvre dérivée doit adapter la licence copyleft du composant logiciel (Välimäki, 2003). Dans ce dernier cas, la licence copyleft est parfois qualifiée de «contaminante» (Muselli, 2008). Certaines licences copyleft faibles facilitent l'ajout de nouvelles fonctionnalités dans de nouveau fichiers sous une licence au choi ; elles sont parfois qualifiées de licences basées fichiers. Honkasalo (2009) parle de réciprocité standard et de réciprocité forte, comme équivalents au copyleft faible et au copyleft fort. Il y ajoute la notion de réciprocité de réseau pour les licences imposant non seulement la communication des sources à la distribution du logiciel mais aussi lors d'un contact de l'utilisateur avec l'interface du logiciel. Ce type de licence est prévu pour couvrir l'usage des logiciels en tant que service (Software as a Service, ou SaaS). Les licences libres peuvent également contenir des clauses relatives à l'usage des noms des développeurs ou des organisations participantes, du nom (marque) du logiciel ou des brevets de l'entreprise. Des différences parfois subtiles peuvent apparaître entre licences de mêmes noms. La licence BSD eiste ainsi en plusieurs versions: la version «3-Clause» inclut une mention relative à l'utilisation du nom des auteurs et des organisations que la version «2-Clause» ne contient pas. La licence GPL v2 demande une documentation des brevets, alors que la GPL v3 inclut une clause d'octroi automatique de licence. Certaines licences peuvent par ailleurs être complétées par des eceptions (GPL avec FOSS ou FLOSS Eception, GPL avec Classpath Eception,...). Une mention 4

précise de la licence, avec référence au tete (par eemple, sur le site de l'open Source Initiative (opensource.org), est donc recommandée. Académique Réciprocité faible (basée fichiers) Réciprocité faible Réciprocité forte Réciprocité de réseau BSD MIT Apache MPL EPL/CPL CDDL LGPL GPL AGPL OSL Tableau 1. Principales licences et types de licences. Les entreprises doivent faire face à différentes contraintes en cas d'usage de licences libres. D'abord, les licences à réciprocité forte ou de réseau apportent des obligations en matière de diffusion du code source associé au logiciel transmis / installé (cas de la licence à réciprocité forte) ou au logiciel hébergé (cas de la licence à réciprocité de réseau). Ces contraintes peuvent peser sur les technologies appartenant à l'entreprise mais aussi sur des technologies fournies par des tierces parties (Hamerly et Paquin, 1999). Ensuite, les licences de logiciels libres sont nombreuses. Plusieurs dizaines de licences sont reconnues par la Free Software Foundation (fsf.org) et l'open Source Initiative (opensource.org). Ces licences entrainent des droits et devoirs différents et peuvent présenter des incompatibilités parfois dues à des différences légères dans leurs tetes (St.Laurent, 2004; Montero et al., 2005). La difficulté est encore accrue par le fait que deu versions successives d'une licence peuvent être incompatibles entre elles (eemple: GPL v2 / GPL v3). Les licences copyleft fortes s'eposent naturellement à ces problèmes d'incompatibilités, du fait que la licence s'applique à toute œuvre dérivée. C'est notamment le cas de la licence GPL, qui représente environ les deu tiers des projets publiés (Lerner et Tirole, 2005). Dans un rapport publié en 2006, l'open Source Initiative recommandait de s'en remettre à un sousensemble réduit de licences reconnues: la licence Apache, la BSD, la GPL, la LGPL, la MIT, la MPL, la CDDL, la CPL et l'epl (OSI, 2006). Nous y ajouterons l'osl, adaptée à l'usage SaaS des logiciels et appréciées par les juristes pour la qualité de son écriture, ainsi que la AGPL, qui complète la GPL pour les logiciels de type SaaS (Montero et al., 2005). Phipps (2012) situe la période de prolifération entre 2000 et 2005. Il note depuis lors un intérêt marqué pour la licence Apache et, plus récemment, pour la licence MPL. Ces problèmes de prolifération et d'incompatibilité epliquent aussi la volonté d'homogénéité de licence promue par certaines communautés (Apache, *BSD, Eclipse,...) ainsi que les politiques de diffusion sous licences multiples (eemple: Mozilla). Enfin, les places de marchés pour terminau mobiles, telles que l'appstore ou le Windows Phone Marketplace, imposent parfois au développeur de prendre de nouvelles précautions. Le statut 5

accordé au logiciels sous licences libres y est en effet incertain. Microsoft a ainsi rejeté la plupart des logiciels sous licences copyleft, mettant en emphase l'interdiction de la GPL v3 et la LGPL v3, et ne faisant eception que pour une liste fermée de licences à copyleft faible et basées fichiers (CDDL, MPL, EPL, CPL et MS-RL). Ces dispositions, présentes dans la version «updated June 2011», ont été amendées dans la version «last updated August 2012». Les difficultés liées à l'utilisation des licences libres n'annulent pas les bénéfices liés à leur permissivité mais justifient la mise en place de structures de gouvernance au sein des entreprises (Gobeille, 2008). 2.3. Modèles d'affaires Le modèle d'affaires peut être vu comme «la nécessaire conjonction d'une création de valeur et d'une rémunération» (Muselli, 2008). En matière de création de valeur, l'entreprise en logiciels libres investit classiquement en recherche et développement (von Hippel et von Krogh, 2003). Elle veille en plus à stimuler les coopérations avec les utilisateurs du logiciel pour le définir, le développer ou l'améliorer. Elle peut également encourager la diffusion du logiciel et créer de la valeur par le biais des eternalités de réseau. La création de nouveau logiciels libres et le soutien à des projets libres eistants peuvent aussi constituer une arme pour éroder la profitabilité des produits concurrents (Fitzgerald, 2006). En matière de rémunération, la valorisation des logiciels libres passe souvent par une valorisation indirecte, via la prestation de services: installation sur site, intégration de logiciels, développements sur mesure, garantie de performance, formation, hébergement classique ou offres SaaS. Il en ira ainsi pour des entreprises éditant des logiciels comme, plus largement, pour d'autres utilisant du logiciel produit par des tiers. En tant qu'éditeur d'un logiciel, une entreprise apparaît dans une position plus avantageuse (best knowledge here) pour apporter des services au utilisateurs (Daffara, 2007; de Laat, 2005). La valorisation peut aussi passer par la commercialisation de produits liés tels que des livres ou du matériel. Les modèles d'affaires pratiqués sont intimement liés au licences choisies, car ces dernières permettent de réguler le régime d'appropriabilité (Muselli, 2008). La valorisation directe du logiciel peut se faire via le mécanisme de la double licence (dual licensing) (Elie, 2006; Fitzgerald, 2006; Muselli, 2008; Välimäki, 2003). Le logiciel y est alors publié, d'une part, sous une licence à copyleft fort imposant un reversement des contributions sous la licence d'origine, et, d'autre part, sous une licence propriétaire (Muselli, 2008). Cette dernière bénéficie de la possibilité d'inclure le logiciel dans un développement propriétaire ou de fonctionnalités supplémentaires. La cohabitation entre les branches libre et propriétaire passe par l'obtention des droits patrimoniau sur le code source. Cela peut se faire par la signature d'un contrat de contributeur pour le partage des droits patrimoniau ou par la réimplémentation des contributions soumises à l'éditeur (Finney, 2008; Comino et Manenti, 2011; Välimäki, 2003). La vente de logiciels propriétaires à côté de logiciels sous licences libres ou d'etensions propriétaires au logiciels libres est également possible (Daffara, 2007; de Laat, 2005). La mise en œuvre d'une stratégie de double licence, comparativement à une stratégie propriétaire classique simplifiant la captation de revenus, est intéressante dès lors que les eternalités de réseau sont importantes (Comino et Manenti, 2011). 6

3. Élaboration du schéma de valorisation Notre schéma de valorisation est décomposé en trois étapes: - Étape 1 (voir Figure 1, page 8): choi du type de licence (propriétaire, hybride, libre). - Étape 2 (voir Figure 2, page 9): choi de la licence libre. - Étape 3 (voir Figure 3, page 10): vérification de contraintes générales. 3.1. Choi du type de licence Cette première étape est décomposée en 5 sous-étapes: - Sous-étape 1: Elle vérifie si l'entreprise manifeste un choi a priori par pragmatisme économique, par positionnement ou, plus rarement, par choi idéologique. En cas de choi a priori d'une licence libre, cette dernière est retenue. - Sous-étape 2: Elle vérifie l'eistence d'eternalités de réseau et les bénéfices éventuels liés à une plus grande diffusion du logiciel. En cas d'absence d'un tel bénéfice, une licence commerciale classique est retenue. - Sous-étape 3: Elle vérifie la capacité de l'entreprise à encadrer et stimuler des formes plus complees de collaboration ou, à défaut, à acquérir les compétences nécessaires. En cas d'absence de telles compétences, une licence commerciale de type freeware ou shareware est retenue. - Sous-étape 4: Elle vérifie l'eistence d'un bénéfice à la diffusion du code source. En cas d'absence d'un tel bénéfice, et si le logiciel se prête à une etension via un système de greffons (plugins), l'utilisation d'une licence commerciale avec la mise à disposition d'une API documentée est proposée. Sinon, les licences commerciales de types freeware ou sharware sont privilégiées. - Sous-étape 5: Elle vérifie les bénéfices liés à la publication sous licence libre. Si l'opération se révèle désavantageuse, une licence hybride est retenue. Dans le cas contraire, une licence libre est choisie. 3.2. Choi du type de licence libre Cette seconde étape est décomposée en 4 sous-étapes: - Sous-étape 1: Elle vérifie la volonté de se greffer sur une communauté ou un écosystème eistants. Dans l'affirmative, la licence privilégiée par l'écosystème est retenue. - Sous-étape 2: Elle vérifie si la priorité est accordée à la diffusion maimale du logiciel. Dans l'affirmative, une licence académique est retenue. - Sous-étape 3: La priorité est donc accordée à la mutualisation des développements. Cette sousétape vérifie si la licence doit faciliter l'intégration du logiciel dans des logiciels tiers potentiellement sous d'autres licences. - Sous-étape 3.1: Si l'intégration dans des logiciels tiers n'est pas recherchée, la volonté de couvrir le logiciel en cas d'usage en mode SaaS est vérifiée. Dans l'affirmative, une licence à réciprocité de réseau est retenue; sinon, une licence à réciprocité forte est retenue. - Sous-étape 3.2: Si l'intégration dans des logiciels tiers est recherchée, le degré de permissivité accepté lors de l'ajout de nouvelles fonctionnalités au logiciel est vérifié. En cas de forte permissivité, une licence à copyleft faible basée fichier est retenue; dans le cas contraire, la licence LGPL est retenue. 7

Figure 1. Choi du type de licence (étape 1) 8

Figure 2. Choi du type de licence libre (étape 2) 9

Figure 3. Vérification des contraintes générales (étape 3) 10

- Sous-étape 4: Elle vérifie la volonté de posséder ou non les droits patrimoniau sur le code source. Dans l'affirmative, un contrat de contributeur est imposé. 3.3. Vérification de contraintes générales La troisième étape est une étape de vérification de contraintes, et est composée de quatre sousétapes: - Sous-étape 1: Elle vérifie la compatibilité de la licence avec la licence GPL, la licence la plus utilisée en volume et posant de nombreu problèmes d'incompatibilité du fait de son caractère restrictif. - Sous-étape 2: Elle vérifie la compatibilité de la licence avec les licences des composants utilisés dans l'entreprise. En cas de violation, le processus de sélection d'une licence libre est recommencé, à moins que la mise sous licences multiples ne puisse résoudre le problème. - Sous-étape 3: Elle vérifie la compatibilité de la licence retenue avec la politique de l'entreprise en matière de propriété intellectuelle (par eemple: politique en matière de brevets, liste noire de licences,...) ou avec la politique adoptée par des tiers partenaires. En cas de violation, le processus de sélection d'une licence libre est recommencé. - Sous-étape 4: Elle vérifie la compatibilité de la licence avec les canau de distribution du logiciel, et en particulier les conditions d'utilisation des magasins d'applications, ainsi qu'avec la politique interne des clients et prospects. En cas de violation, le processus de sélection d'une licence libre est recommencé. 4. Discussion et perspectives La littérature académique et professionnelle est riche en recherches sur les modèles d'affaires des prestataires en logiciels libres et open source, ainsi que sur l'utilisation des licences libres et open source. Il n'eistait cependant pas de méthode adaptée au entrepreneurs en matière de sélection d'une licence logicielle dans le cadre d'une activité d'édition logicielle. Notre recherche a abouti à un tel schéma de sélection. Notre schéma se distingue par le fait qu'il n'est pas restreint à la sélection d'une licence libre mais qu'il inclut également des étapes préalables permettant de juger de la pertinence d'une édition du logiciel sous licence libre. Il a été testé, avant cette communication, sur plusieurs cas concrets en entreprise. Cette recherche pourrait bénéficier de deu évolutions. La première consiste en la proposition d'un schéma similaire, basé sur la même philosophie de démarche aisément compréhensible et applicable, pour l'incorporation de composants eternes dans les développements de l'entreprise. Un tel schéma, utilisable par les équipes de développement informatique, pourrait apporter un outil complémentaire au méthodes d'analyse juridique de code source dans le cadre de la gestion de projets informatiques. La seconde consiste en une généralisation du schéma de valorisation pour d'autres biens fonctionnels que les logiciels, comme les données (open data) ou le matériel (open hardware). Cela permettrait d'aller progressivement vers un schéma général appliqué à l'open (source) innovation. Nous renvoyons au travau de Cheliotis (2009) pour la sélection d'une licence adaptée à des productions culturelles ouvertes (open content). 11

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