Pouvoir allergène du lysozyme en tant que protéine d œuf utilisée dans le vin Eléments objectifs d appréciation et Perception par le consommateur Gilles Lagarde Vinitech Bordeaux 3 décembre 2008
Sommaire Que sait-on réellement sur le pouvoir allergène du lysozyme en tant que protéine extraite du blanc d œuf, et en particulier quand il est utilisé dans une «matrice alimentaire» comme le vin? Comment peut-on rassurer le consommateur par rapport à l étiquetage d une protéine d œuf telle que le lysozyme utilisée dans le vin?
Le lysozyme en tant que protéine d œuf dans le vin En tant que protéine extraite du blanc d œuf de poule, le lysozyme présente un risque potentiel d allergie qu il convient d évaluer le plus objectivement possible: 1. En fonction de la prévalence des allergies à l œuf chez les consommateurs adultes de vin 2. Sur la base des données scientifiques disponibles concernant le pouvoir allergène du lysozyme 3. Compte tenu des spécificités de l emploi du lysozyme dans le vin et des doses résiduelles qui en découlent
Prévalence des allergies alimentaires Les faits établis: On évalue la prévalence des allergies alimentaires entre 2 et 4 %, tous âges confondus. Il semblerait qu elles aient doublé en 10 à 15 ans. Elles sont plus fréquentes chez l enfant (6 à 8 %) que chez l adulte (1 à 2 %) 88 % des allergies alimentaires de l enfant évoluent vers la guérison entre 5 et 15 ans A l exception de l arachide, les enfants sont le plus souvent allergiques aux protéines animales alors que les adultes sont plus touchés par les allergies aux produits d'origine végétale
Prévalence des allergies à l œuf L allergie alimentaire aux œufs est l une des plus développée chez les enfants Elle est cependant très rapidement surmontée, et il est estimé que 85 % des enfants initialement allergiques au lait et aux œufs peuvent tolérer ces aliments dès l âge de 3 ans Un très faible pourcentage (0.08 %) de la population adulte est allergique aux œufs, soit en moyenne 8 individus pour 10 000 Un tiers seulement des individus allergiques aux œufs le sont potentiellement au lysozyme, soit en moyenne un peu moins de 3 individus sur 10000
Donnés scientifiques disponibles quant au pouvoir allergène du lysozyme Il est établi scientifiquement que le lysozyme est la moins allergène des protéines de l œuf Des données existent concernant sur le pouvoir allergène du lysozyme par contact cutané ou respiratoire, mais très peu sur le pouvoir allergène du lysozyme en tant qu ingrédient ingéré dans une matrice alimentaire. L utilisation du lysozyme en fromagerie au cours des 25 dernières années n a pas fait apparaitre de risque allergique majeur: que ce soit chez les enfants ou chez les adultes, et ce bien avant que son étiquetage en tant que protéine d œuf ne devienne obligatoire pour les fromages au sein des pays de l U.E. (novembre 2005) Il manquait toutefois une étude clinique de provocation orale permettant une appréciation scientifique objective du pouvoir allergène du lysozyme dans un produit alimentaire tel que le fromage
Démonstration du caractère non allergène du lysozyme dans le fromage Première étude de provocation orale réalisée en 2006 en Italie (Clinique Gemelli de Rome) Les résultats de cette étude viennent d être publiés en Avril 2008 dans la revue scientifique «Journal of the American College of Nutrition»
Objectifs de l étude En utilisant un fromage traité au lysozyme, les objectifs de l étude étaient: La mesure de l absorption du lysozyme par des patients allergiques aux protéines d œuf Le dosage des niveaux d IgE spécifiques au lysozyme après la consommation de fromage contenant du lysozyme L observation de l apparition objective de signes d allergies alimentaires pendant et après la consommation de fromage traité au lysozyme
Protocole de l étude Le fromage utilisé était un Grana Padano ayant 18 mois d affinage et contenant une quantité résiduelle de 155 mg/kg de lysozyme Le panel de patients était composé de: 10 personnes non allergiques aux œufs 20 personnes avec une allergies avérée aux œufs Etude en simple aveugle durant laquelle chaque patient a ingéré 15, 30 et 60 grammes de fromage traité au lysozyme, avec un intervalle de 2 semaines entre chaque prise Observation des patients: suivi de l apparition de signes cliniques d allergie alimentaire, toutes les 20 minutes durant les 12 heures suivant la consommation de fromage traité : baisse de tension, urticaire, toux, rhinites, conjonctivite, rougeurs, eczéma, vomissements, diarrhées, etc. Prise de sang avant consommation du fromage traité, et ensuite toutes les 15 minutes pendant les 2 heures suivant la consommation du fromage
Résultats L absorption sanguine du lysozyme a été légèrement plus élevée chez les patients allergiques aux œufs que dans le groupe de patients non allergiques Parmi les 20 patients allergiques aux œufs: 17 (soit 85 %) n ont eu aucune augmentation des teneurs d IgE dans leur plasma sanguin 3 ont eu une légère augmentation des teneurs d IgE, mais elle est statistiquement non significative Aucune personne du panel de patients sensibles aux œufs n a développé de signes cliniques d allergie suite à la consommation de fromage traité au lysozyme, soit immédiats (< 24 heures) ou retardés (>24 heures)
Conclusions de l étude
Conclusions de l étude En conclusion, l utilisation du lysozyme en tant qu additif dans le fromage, aux doses recommandées pour le Grana Padano, ne semble pas présenter de danger pour les personnes présentant des allergies aux œufs
Travaux de confirmation et extension à d autres types d aliments (vin) Les premiers résultats très encourageants obtenus sur le fromage vont être confirmés par une étude à plus large échelle impliquant 3 centres hospitaliers italiens (1 er trimestre 2009) Ces panels de patients adultes pourront par la suite être utilisés pour réaliser le même type de tests d allergie sur d autres aliments traités avec le lysozyme, comme le vin et la bière (courant 2009)
Eléments objectifs d appréciation des risques de provocation d allergies découlant de l utilisation du lysozyme dans le vin 1. Le très faible niveau d occurrence des allergies aux protéines d œuf (8 sur 10000) et au lysozyme (3 sur 10000) chez les adultes 2. Le caractère intrinsèquement peu allergène du lysozyme 3. La démonstration du caractère non allergène du lysozyme consommé dans le fromage (à confirmer dans le vin) 4. L absence de doses résiduelles de lysozyme détectables dans les vins rouges et l élimination recommandée des doses résiduelles dans les vins blancs
Evaluation du risque de perception négative de l étiquetage d une protéine d œuf dans le vin L ignorance relative à l emploi d ingrédients tirés de l œuf est de nature à créer la suspicion chez les consommateurs de vin non avertis L expérience de l étiquetage systématique des sulfites (obligatoire depuis Novembre 2005) devrait toutefois être de nature à rassurer, car: Il semble avoir été bien intégré par le consommateur Il ne semble pas constituer un frein à l achat de vin Les enseignements tirés de trois ans d étiquetage obligatoire des fromages quant à la provenance du lysozyme («lysozyme d œuf») vont dans le même sens, et n indiquent pas une défiance ou un rejet du consommateur par rapport à la présence d un dérivé de l œuf dans un produit perçu comme «pur» et ne devant pas en contenir Un étiquetage sous la mention générique «protéine d œuf», et non en tant que «lysozyme extrait de l œuf», semble néanmoins préférable afin: De ne pas allonger inutilement la liste des ingrédients à étiqueter D éviter l étiquetage spécifique d un produit inconnu du grand public De profiter de l image traditionnelle de l emploi ancestral du blanc d œuf pour le collage des très grands vins rouges de garde
Comment rassurer le consommateur de vin et favoriser une perception positive de l étiquetage des ingrédients dérivés de l œuf? Une communication active et ciblée auprès des différents acteurs de la filières viticole (caves, œnologues, distributeurs, cavistes, etc.) semble indispensable pour pouvoir informer et rassurer les consommateurs Cette communication devrait être centrée autour des points clé suivants: 1. L utilisation ancestrale et traditionnelle de blanc d œuf frais (et donc de lysozyme) pour le collage des très grands vins rouges de garde 2. La très faible occurrence de l allergie aux œufs chez les adultes, et donc chez les consommateurs de vins 3. Le caractère naturel et très faiblement, voire non allergène du lysozyme dans une «matrice alimentaire» telle que le vin (à confirmer) 4. Les bénéfices santé induits par l utilisation d un ingrédient tel que le lysozyme (diminution des risques d intolérance à la consommation de vin grâce à la réduction des doses de SO 2 et grâce à la prévention de la formation d amines biogènes)
Bibliographie Kjelkevik, Ragnhild; Edberg, Ulla; Malmheden Yman, Ingrid; Labelling of potential allergens in food. Environmental Toxicology and Pharmacology 4 (1997) 157-162. Zarkadas, Marion; Scott, Fraser W.; Salminen, John; Pong, Antony Ham; Common Allergenic Foods and Their Labelling in Canada A Review. Canadian Journal of Allergy & clinical Immunology (1999) 4:3 118-141. Frémont, S.; Kanny, G.; Nicolas, JP.; Moneret-Vautrin, DA: Prevalence of lysozyme sensitization in an eggallergic population. Allergy (1997) 52: 224-228 Sichere, Scott H.; Growing In and Out of Food Allergies. Food Allergy News (2000) August/September. Mueller, Ray; Most Allergies to Dairy are Gone By Adolescence, Food Allergy Specialist Says. Cheese Reporter (September 15, 2000) 8. Gershwin, M. Eric; Ough, Cornelius; Bock, Allen; Fletcher, Mark P.; Nagy, Stephan M.; and Tuft, Daniel S.; Grand Rounds: Adverse reactions to Wine. J Allergy Clin. Immunol. (1985) March: 411-419. Holen, E.; Elsayed, S.; Characterization of Four Major Allergens of Hen Egg-White by IEF/SDS-PAGE Combined with Electrophoretic Transfer and IgE-Immunoautoradiography. Int Arch Allergy Appl Immunol (1990) 91: 136-141. Quirce, S.; Díez-Gómez, P.; Eiras, P.; Cuevas, M.; Baz, B. and Losada, E.; Inhalant allergy to egg yolk and egg white proteins. Clinical and Experimental Allergy (1998) 28: 478-485. Bush, Robert K.; and Hefle, Susan L.: Food Allergens. Critical Reviews in Food Science and Nutrition. (1996) 36(S): S119-S163. Iaconelli A., Fiorentini L., Bruschi S., Rossi F., Mingrone G., Piiva G. - 2008 - Absence of allergic reactions to egg white lysozyme additive in Grana Padano cheese. J. Am. College Nutrition, 27:326-31