Page 1 Document 1 de 1 Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 9 27 Septembre 2012 Confirmation N 11/14734 Madame Carine LAROCHE Monsieur Hacène ABBAR, Société CCMF Classement : Contentieux Judiciaire Résumé Numéro JurisData : 2012-022339 De septembre 2002 à mai 2009, il a été exercé la profession de chirurgien stomatologiste au côté d'un médecin au sein d'une clinique exploité par le médecin dirigeant social et associé majoritaire. En juillet 2004, ce dernier a créé une SELARL où il exerce aussi une activité de consultation. L'existence d'une société créée de fait entre médecins n'est pas établie. L'exercice de l'activité dans les mêmes locaux avec le même personnel, ainsi que l'existence d'un agenda unique pour la prise des rendez-vous de la clientèle s'expliquent par la situation de remplacement (à raison de deux demi-journées par semaine) qui liait les parties et ne démontre pas une volonté de collaboration active sur un pied d'égalité en vue de partager les bénéfices ou de profiter de l'économie et partant l'existence de l'affectio societatis. Aucun partage des bénéfices et des pertes ne résulte par ailleurs des conditions de la collaboration dans le cadre desquelles la remplaçante percevait une rémunération mensuelle forfaitaire fixe sans ajustement en fin d'exercice annuel en fonction du chiffre d'affaires effectivement réalisé et des charges. En outre, le médecin remplaçant n'a pas contribué au développement de la clientèle qui est restée stable durant la période de collaboration. Le collaborateur libéral relève du statut social et fiscal du professionnel libéral qui exerce en qualité de professionnel indépendant, le remplaçant ne contestant pas qu'elle ne percevait pas directement les honoraires des patients qu'elle traitait ni s'être immatriculée à l'urssaf durant cette période en qualité de médecin indépendant. Dès lors la demande de re-qualification en contrat de collaboration libérale ne sera pas accueillie. La rupture brutale des relations à durée indéterminée liant les parties depuis 7 ans accompagnée de l'annulation des consultations prévues par la remplaçante engage la responsabilité du médecin auteur de la rupture. Si la relation contractuelle verbale était sans terme défini, permettant d'y mettre fin unilatéralement à tout moment, il appartenait à ce médecin de respecter un délai raisonnable de prévenance tenant compte de l'ancienneté de la relation. Les circonstances vexatoires de la rupture et le préjudice résultant de la
Page 2 perte d'une source de revenus habituels sont indemnisés à hauteur de la somme de 35 000 euros de dommages et intérêts. Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 9 ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2012 (n, 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 11/14734 Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n 09/18237 APPELANTE : Madame Carine LAROCHE née le 3 mai 1968 à BORDEAUX (33) de nationalité française Représentée par : la SCP DUBOSCQ-PELLERIN (Maître Jacques PELLERIN) avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 Assistée de : Maître Yves LACHAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : W06 INTIME : Monsieur Hacène ABBAR né le 24 novembre 1956 à LILLE (59) de nationalité française Représenté par : la SCP LAGOURGUE - OLIVIER (Maître Charles-Hubert OLI- VIER), avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Page 3 Assisté de : Maître Catherine PALEY-VINCENT de la AARPI GINESTIE PA- LEY-VINCENT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R138 INTIMEE : Société CCMF Représentée par : la SCP LAGOURGUE - OLIVIER (Maître Charles-Hubert OLI- VIER), avocat au barreau de PARIS, toque : L0029 Assisté de : Maître Catherine PALEY-VINCENT de la AARPI GINESTIE PA- LEY-VINCENT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R138 COMPOSITION DE LA COUR : composée de : L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président Monsieur Edouard LOOS, Conseiller Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller qui en ont délibéré, dans les conditions prévues par l' article 785 du, Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller, Code de Procédure Civile Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER, ARRET : - contradictoire, - rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du code de procédure civile, - signé par Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier présent lors du prononcé.
Page 4 De septembre 2002 à mai 2009, Madame Carine LAROCHE a exercé la profession de chirurgien stomatologiste au côté de Monsieur Hacène ABBAR au sein de la clinique des Charmilles, exploitée à Saint Germain-lès-Arpajon par la SAS HÔPITAL PRIVÉ PARIS ESSONNE (HPPE), dont Monsieur ABBAR est le dirigeant social associé majoritaire. En juillet 2004, ce dernier a créé la société d'exercice libéral à responsabilité limitée dénommée CCMF, dont le siège social a été fixée à son domicile parisien où il exerce aussi une activité de consultation, [...]. Le 1er décembre 2009, Madame LAROCHE a attrait Monsieur ABBAR et la selarl CCMF devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir reconnaître l'existence d'une société de fait, d'obtenir la désignation d'un expert-comptable et le versement de provisions à valoir sur les sommes qu'elle estime lui être dues. Retenant essentiellement que la patientèle originelle était celle du docteur ABBAR et que le docteur LAROCHE ne démontrait pas la réalité d'un apport en industrie, ni l'étendue de sa participation à un prétendu accroissement de clientèle suffisant pour devenir associée, le tribunal, par jugement contradictoire du 24 mai 2011, l'a intégralement déboutée de ses demandes et a rejeté la demande de Monsieur ABBAR et de la société CCMF au titre des frais irrépétibles. Vu l'appel interjeté le 3 août 2011, par Madame LAROCHE et ses ultimes écritures signifiées le 12 juin 2012, réclamant 10.000 euro de frais non compris dans les dépens et poursuivant l'infirmation du jugement en sollicitant : fait entre elle-même et : - à titre principal, à nouveau la reconnaissance de l'existence de la société créée de. le docteur ABBAR de mai 2002 à juin 2004,. la société CCMF de juillet 2004 à mai 2009, outre la désignation d'un expert, pour déterminer les chiffres d'affaires et les bénéfices des deux périodes successives, la valeur des actifs incorporels de la selarl CCMF, lors de sa constitution et lors du retrait de Madame LAROCHE, le paiement de 100.000 euro à valoir sur sa quote-part de droits à bénéfice au sein de la société de fait de 2002 à 2009, 50.000 euro à valoir sur sa quote-part des droits incorporels au sein de la selarl CCMF et des dommages et intérêts à hauteur de 75.750 euro en réparation du dommage économique consécutif à la rupture brutale et de 30.000 euro en réparation du préjudice moral, - subsidiairement, la re-qualification de la relation professionnelle entre les docteurs LAROCHE et ABBAR, puis entre le docteur LAROCHE et la selarl CCMF, en contrat de collaboration libérale et la condamnation solidaire de Monsieur ABBAR et de la société CCMF à lui payer 36.000 euro à titre d'indemnité compensatrice du préavis non effectué et une autre indemnité de pareil montant en réparation du préjudice moral du fait des circonstances vexatoires de la rupture ; Vu les dernières conclusions signifiées le 27 juin 2012 par Monsieur ABBAR et la société CCMF réclamant chacun 8.000 euro de frais irrépétibles et poursuivant : - à titre principal, la confirmation du jugement, - subsidiairement, le rejet la demande de re-qualification des relations professionnelles en contrat de collaboration libérale ;
Page 5 SUR CE, la cour : sur l'existence d'une société créée de fait Considérant qu'en produisant aux débats (sous le numéro 13) le contrat de remplacement pour la période du 1er juin au 31 décembre 2007, le Docteur LAROCHE admet que, durant cette période, elle était la remplaçante du Docteur ABBAR ; Qu'elle n'a pas établi que la situation était réellement différente tant avant qu'après la période couverte par le contrat écrit de remplacement, d'autant qu'il n'est pas démontré que durant les périodes de remplacement, à raison de deux demi-journées par semaine (outre un samedi sur deux) le Docteur ABBAR aurait, par ailleurs, effectivement exercé une activité médicale sous forme libérale ; Considérant que, demanderesse à la reconnaissance de l'existence d'une société créée de fait, il incombe à Madame LAROCHE de rapporter la preuve de la réunion effective de tous les éléments constitutifs du contrat de société ; Que tant l'exercice de l'activité dans les mêmes locaux avec le même personnel, que l'existence d'un agenda unique pour la prise des rendez-vous de la clientèle, résultent de la situation de remplacement chaque semaine et qu'en se bornant à affirmer l'existence d'une 'organisation concertée de l'activité commune' des deux praticiens 'au profit d'une patientèle unique' [conclusions page 8] Madame LAROCHE n'établit pas la volonté alléguée des deux praticiens de poursuivre ensemble une oeuvre commune d'exploitation de la clientèle initiale du Docteur AB- BAR, au travers d'une volonté de collaboration active sur un pied d'égalité en vue de partager les bénéfices ou de profiter de l'économie, de sorte que la preuve de l'existence d'un 'affectio societatis' n'est pas rapportée nonobstant l'existence de projets d'association, lesquels n'ont jamais abouti ; Qu'ayant reçu, durant toute la période litigieuse, une rémunération mensuelle forfaitaire fixe, avec, au demeurant, maintien de la rémunération durant les arrêts maladie, sans ajustement en fin d'exercice annuel en fonction du chiffre d'affaires effectivement réalisé et des charges, l'appelante ne rapporte pas davantage la preuve d'une participation effective aux bénéfices ou pertes de l'exploitation de la clientèle du Docteur ABBAR, même si l'ensemble des honoraires payés par les patients était versé sur le compte professionnel bancaire du médecin remplacé ; Que, dès lors, 'l'affectio societatis'et le partage des bénéfices et des pertes étant manquants, d'autant qu'au surplus, il résulte des éléments chiffrés versés aux débats, lesquels n'ont pas utilement été contestés, que la clientèle est restée sensiblement stable durant la période litigieuse, le volume de la clientèle personnellement développée par le Docteur LAROCHE n'ayant jamais été significatif, l'existence d'une société créée de fait n'est pas démontrée ; sur la demande subsidiaire concernant l'existence d'un contrat de collaboration libérale Considérant qu'à défaut de contrat d'association, Madame LAROCHE estime que ses relations professionnelles avec Monsieur ABBAR depuis 2002 et avec la selarl CCMF depuis 2004, doivent s'analyser en un contrat de collaboration libérale au sens de la loi du 2 août 2005 et se réfère au modèle de contrat de médecin collaborateur-libéral adopté le 22 septembre 2005 par le Conseil national de l'ordre, en invoquant le bénéfice d'un préavis de rupture de six mois ;
Page 6 Mais considérant qu'il est constant qu'aucun contrat de ce type n'a été établi par écrit et que l' article 18 de la loi n 2005-882 précitée dispose ( III) qu'à peine de nullité, le contrat de collaboration libérale doit être établi par écrit et comporter diverses indications concernant notamment sa durée, les conditions de rupture, du délai de préavis ou de son renouvellement, les modalités de la rémunération, les conditions d'exercice de l'activité ; Qu'en outre, ( IV) le collaborateur libéral relève du statut social et fiscal du professionnel libéral qui exerce en qualité de professionnel indépendant, Madame LAROCHE ne contestant pas qu'elle ne percevait pas directement les honoraires des patients qu'elle traitait ni s'être immatriculée à l'urssaf durant cette période en qualité de médecin indépendant ; Que dès lors la demande en re-qualification ne sera pas accueillie ; sur les demandes de dommages et intérêts et les frais irrépétibles Considérant que Madame LAROCHE demande aussi à être indemnisée du dommage économique consécutif à la rupture brutale et la réparation du préjudice moral du fait des circonstances vexatoires de la rupture ; Qu'il n'est pas sérieusement contesté que le Docteur ABBAR a subitement mis un terme aux relations contractuelles verbales existant depuis sept années environ et a annulé les consultations du Docteur LAROCHE initialement prévues avec la patientèle dans les jours suivants immédiatement la rupture ; Que si la relation contractuelle verbale était sans terme défini, permettant d'y mettre fin unilatéralement à tout moment, il appartenait à Monsieur ABBAR de respecter un délai raisonnable de prévenance tenant compte de l'ancienneté de la relation ; Que le défaut de respect d'un tel délai, privant subitement le Docteur LAROCHE du revenu habituel qu'elle tirait de l'activité de remplacement, a été aggravé par le caractère vexatoire de l'annulation subite de ses consultations auprès de la clientèle ; Que l'ensemble des dommages sera indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 35.000 euro toutes causes de préjudice confondues ; Considérant par ailleurs, que l'équité ne commande pas l'indemnisation des frais irrépétibles ; Que les demandes correspondantes des parties seront rejetées ; PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges, Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'existence d'une société de fait, la désignation d'un expert-comptable et le versement de provisions à valoir, dit n'y avoir lieu à prononcer une condamnation au titre des frais irrépétibles de première instance et a condamné Madame Carine LAROCHE aux dépens exposés devant le tribunal,
Page 7 Y ajoutant, Rejette la demande de re-qualification en contrat de collaboration libérale, la relation contractuelle verbale ayant antérieurement existé entre les Docteurs ABBAR et LAROCHE, LAROCHE, Accueille, en revanche, la demande de dommages et intérêts de Madame Carine Condamne Monsieur Hacène ABBAR à payer à Madame Carine LAROCHE une indemnité de trente cinq mille euros (35.000 euro) toutes causes de préjudice confondues, article 700 du, Rejette toutes les demandes au titre de l' code de procédure civile Fait masse des dépens d'appel et les met à la charge des parties, chacune pour moitié, le concerne, au bénéfice de l' article 699 du. Admet, en tant que de besoin, les avocats postulants de la cause, chacun pour ce qui code de procédure civile LE GREFFIER, LE PRESIDENT, B. REITZER P. MONIN-HERSANT Décision Antérieure Tribunal de grande instance Paris du 24 mai 2011 n 09/18237 Législation : La rédaction JurisData vous signale :
Page 8 C. civ., art. 1382 ; C. civ., art. 1832 Note de la Rédaction : Critère(s) de sélection : données quantifiées intéressantes, décision très motivée Abstract Société, société créée de fait, preuve de la société créée de fait (non), modalité d'exercice de la profession de médecin, contrat de remplacement entre médecins, profession médicale, chirurgien stomatologiste, preuve des éléments constitutifs de la société (non), utilisation de locaux communs, personnels communs, exploitation d'une patientèle unique, éléments insuffisants, affectio societatis (non), intention de collaborer sur un pied d'égalité (non), conditions financières de la collaboration, perception d'une rémunération forfaitaire, conséquence, participation aux résultats (non), contribution aux pertes sociales (non). Profession, médecin, modalité d'exercice de la profession de médecin, contrat de collaboration libérale (non), contrat de remplacement entre médecins, contrat verbal, contrat à durée indéterminée, responsabilité de l'auteur de la rupture, faute du médecin remplacé, rupture brutale de la convention (oui), respect d'un préavis (non), durée de la relation = 7 ans, conditions vexatoires (oui), annulation de rendez-vous, dommage matériel, perte de revenus habituels, dommage moral, rupture vexatoire, dommages et intérêts compensatoires, montant = 35000 euros. LexisNexis SA